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STRESS ET TRAUMATISME

Dernière publication en date sur les conséquences biologiques de la maltraitance


subie durant l'enfance: Patrick O. McGowan et al. Epigenetic regulation of the
glucocorticoid receptor in human brain associates with childhood abuse. Nature
Neuroscience, Vol.12, Number 3, March 2009, en ligne sur
www.nature.com/neuro/journal/vaop/ncurrent/full/nn.2270.html résumé en
français sur http://francais.mcgill.ca/newsroom/news/item/?item_id=104667
Cette étude capitale nous apporte la démonstration chez l'être humain de ce que l'on
avait auparavant identifié chez le rat à savoir les conséquences bio-moléculaires de
type épigénétique des mauvais traitements subis par les petits sur le fonctionnement
de leur cerveau dans l'adaptation au stress: les mauvais traitements peuvent induire
une altération dans le fonctionnement des gènes impliqués dans le contrôle du stress;
ce qui entraîne un possible affaiblissement de la capacité à gérer le stress
ultérieurement.

SJe rapporte ici mes propres observations cliniques faites à partir des familles reçues
Ten consultation.Ces observations seules suffisent à alerter tous les parents concernés
Rpar le bien-être de leurs enfants, tout professionnel intervenant auprès des enfants,
tout gouvernement ayant à coeur l'avenir des citoyens de demain.

Comme avec tout être vivant, le stress chez l'enfant intervient suite à un traumatisme.
Quand il vit comme un traumatisme la séparation de ses deux parents aimés ou, plus
dramatique encore, la séparation du parent maternant et ce, dans le cas où il la refuse
mais qu'elle est cependant appliquée contre sa volonté, le stress s'observe sous
différentes formes.

Les manifestations de ce stress sont les mêmes que celles observées quand il y a
maltraitances physique, sexuelle et psychologique puisque, dans le cas où l'enfant ne
s'ajuste pas à la garde alternée ou à tout autre type de garde alors que celles-ci sont
maintenues, nous pouvons parler d'un vécu de maltraitance psychologique.

Parmi les indicateurs de souffrance physique et mentale, donc de stress chez l'enfant,
il y en a de deux types, les répercussions de type psychologique et celles de type
physique que l'on retrouve dans les trois formes que prend la maltraitance.
Manifestations de type psychologique liées au stress prolongé

Les répercussions de type psychologique se divisent en troubles psycho-


affectifs et en difficultés dans les apprentissages.
Pour les troubles psycho-affectifs, ce sont:
- les variations de l'humeur.
- le repli sur soi.
- la perte du contact avec la réalité.
- l'angoisse d'abandon exprimée envers le parent maternant
- l'absence de confiance en soi ou sentiment d'insécurité
- le manque d'attention et de concentration. Pour les
difficultés dans les apprentissages :
- retard ou régression.

Commençons par les troubles psycho-affectifs ?

Quand on reçoit un enfant en consultation, le premier constat est la qualité


de son humeur, s'il est triste ou gai, grincheux, colérique, aimable ou
agressif, apathique ou agité, qualité de l'humeur repérable par son
expression faciale animée, tourmentée ou morne, son regard vif, angoissé
ou terne, ses attitudes comportementales apathiques, retenues, agitées et, ou
agressives.
Quand la garde alternée est inadaptée, l'enfant est décrit comme triste,
pleurant beaucoup, grincheux et colérique, changeant aussi, passant sans
raison apparente d'un état d'agitation à l'apathie et, le plus souvent, agressif
envers le parent qu'il préfère, détruisant ses jouets et s'attaquant aux
animaux de la maison, cette agressivité s'exacerbant au retour d'une
semaine chez l'autre parent.
Dans ses moments d'apathie, d'atonie, on le voit perdre son sommeil et son
appétit. Plus rien ne capte son intérêt, besoins et désirs ne sont plus
présents.
L'enfant qui ne peut avoir confiance en l'adulte, qui ne se sent pas en
sécurité avec celui-ci, qui sait qu'on ne porte attention ni à ce qu'il exprime
en termes de besoins et de désirs du style « dodo avec maman, pas papa »
ou vice-versa "rester avec papa pas maman" (j'ai entendu les deux), ni à ce
qu'il fait quand il ne rencontre que de l'indifférence parentale ou le rejet du
type « laisses-moi tranquille, arrêtes de quémander, de pleurer ou je te
tape », cet enfant-là se réfugie dans son univers à lui : c'est le repli sur soi.

I/ Le repli sur soi s'exprime sous plusieurs formes.


Ce sont:
a) les conduites d'évitement : c'est le « non » à tout en disant « non » bien
entendu avec refus d'obéir que ce soit pour s'habiller, manger, dormir, aller
à l'école, mais aussi se boucher les oreilles pour ne pas entendre, détourner
le regard pour ne pas rencontrer celui de l'adulte, refuser d'être touché ou
de toucher, câlins et prise dans les bras étant évités ou combattus.
b) faire le « mort », ne s'intéressant plus à rien, faisant comme si il était
dans un autre monde, ne bougeant plus, ne se manifestant plus : c'est
l'atonie.
c) les conduites de régression apparaissent : sucer son pouce à nouveau,
parler « bébé », redemander son « nin-nin », faire pipi au lit, caca dans sa
culotte.
d) plus grave encore quand il se sent abandonné et incompris,
l'automutilation qui commence avec des tics comme se ronger les ongles,
s'arracher la peau autour des ongles, s'arracher des touffes de cheveux, pour
finir par se taper contre les murs, se frapper le corps.
Le repli sur soi se prolongeant, il devient une habitude : un
conditionnement se produit. L'enfant perd progressivement le contact avec
la réalité puisqu'il se réfugie de plus en plus dans son monde
phantasmatique.

II/ La perte du contact avec la réalité.

Souvent, sont mentionnés le regard "vide" de l'enfant quand il revient de


son séjour avec le parent non-maternant, ses comportements "bizarres",
errant de pièce en pièce comme pour se rassurer, posant des questions
comme celles de savoir si sa chambre est bien sa chambre, ses jouets sont
bien ses jouets et ainsi de suite.
L'enfant pour qui la garde alternée est inadaptée se trouve déstabilisé,
coupé entre deux mondes qu'il ne parvient pas à relier, celui du père et
celui de la mère. Aucun de ces mondes ne lui appartient vraiment puisqu'il
se sent déraciné à chaque semaine. Il ne peut donc construire une
permanence ni de son espace-il en possède au moins deux, sinon trois ou
plus, dépendant du nombre d'endroits où on l'emmène soit en visite, soit
pour y dormir-, ni du temps- son temps étant lui-aussi morcelé en nombre
de « dodos » chez la mère, de « dodos »chez le père ou de « dodos » chez
un autre membre de la famille.
A la différence de l'enfant qui s'est adapté à cette garde et qui aime
retrouver l'un et l'autre de ses parents aimés indépendemment des
différences inhérentes à chaque lieu et à chaque situation, il n'y a donc pas
de continuité dans sa jeune vie, pas de repères fixes, stables, assurés en
permanence dans l'espace et le temps. Il a de ce fait plus de mal qu'un
enfant vivant dans des conditions moins précaires à bâtir sa propre identité.
Il vit dans l'instant, dans l'instable et l'éphémère, devant se reconstruire à
chaque semaine.
Sa seule stabilité lui vient de l'école en ce qui concerne le monde réel. Par
contre, le seul univers personnel et intime qui lui assure une sécurité
intérieure dans sa permanence est le monde imaginaire, son monde à lui.
C'est le seul monde qui lui donne réconfort, sécurité, authenticité.
En se réinventant un monde à lui, l'enfant se sent mieux puisqu'il n'est plus
tiré à hue et à dia vers trop d'univers différents les uns des autres, ce qui est
grave; car pour reconstruire une identité morcelée par le fait d'adultes
insensibles à ses besoins et plus attentifs aux leurs, l'enfant est poussé à
perdre le contact avec le réel. Plus tard, le phénomène de déstructuration du
moi et donc de dépersonnalisation a toutes les chances de trouver un terrain
propice à son éclosion et de se mettra en marche.On risque d'entrer alors
dans les mécanismes de pensée de type autiste, schizoïde, voir
schizophrénique.
Avec ce qui vient d'être dit, ne faisons plus les étonnés quand on voit un
enfant se raconter beaucoup d'histoires, s'inventer une nouvelle vie, dire
que ses parents ne sont pas ses parents, phantasmer sur des situations ou
des personnes qui n'ont d'existence que dans sa tête. N'accusons plus cet
enfant de « mentir » : il affabule parce qu'il se protège puisqu'on ne le
protège pas, ou plus, ou mal. Il affabule d'autant plus à cause de la précarité
de sa condition "d'enfant de parents séparés qui ne s'entendent pas" qu'il se
trouvera dans cette tranche d'âge durant laquelle la pensée magique
prédomine, c'est-à-dire entre deux et cinq à six ans.

III/ L'angoisse d'abandon exprimée envers le parent maternant.

Quoique pas très rassuré, y compris avec le parent maternant, puisque il


sait ou il perçoit que ce parent n'a pas le pouvoir de le protéger du parent
posant problème, l'enfant souffre de l'angoisse d'abandon quand il se trouve
arraché de son parent maternant [1].
A la différence de tout jeune enfant qui, parce qu'il vit dans de bonnes
conditions familiales, croit en la toute-puissance de ses parents quand ils le
protégent quasi miraculeusement de toutes situations dangereuses, de
toutes personnes perçues par lui comme « pas gentilles » ou même
"méchantes", l'enfant subissant la garde alternée à l'encontre de ses besoins
réalise très tôt l'impuissance de son parent maternant à le mettre à l'abri
des dangers. Avant l'âge des prises de conscience, cet enfant a l'expérience
des limites des capacités de cet adulte à pouvoir le protéger et à le
maintenir à l'abri de la souffrance.
Exposé donc très tôt au déchirement de la relation primale avec le parent
maternant, devant le vide affectif qu'il expérimente, l'enfant se sent perdu,
souffre dans son coeur et dans son âme. Il n'a qu'un désir, qu'un espoir qui
hante ses jours et ses nuits, c'est celui de retourner auprès de ce
parent même si ce dernier ne lui assure pas toute la sécurité dont il a
besoin. Se produit alors un surinvestissement affectif de l'enfant auprès du
parent maternant car, à l'expérience de la rupture avec l'être aimé vécue
trop tôt dans sa jeune vie, donc à l'angoisse de perdre le premier être cher
qu'il a connu, s'ajoute la pré-conscience ou l'intuition de dangers futurs
qu'il ne pourra être que seul à affronter, le modèle parental positif n'étant
pas omnipuissant.
C'est l'expérience du double vide : le vide actuellement vécu par la
séparation effective du parent maternant, protecteur et le vide
potentiellement appréhendé de sa propre existence face au monde
extérieur.
L'enfant ne veut donc plus quitter ce parent maternant, son seul et unique
bouclier, si même fragile, contre les angoisses du présent et celles dont il a
l'intuition pour plus tard: il se « colle » à lui, demande de multiples câlins,
pose maintes questions pour être rassuré, veut dormir avec lui dans son lit,
peut rester plusieurs nuits sans dormir tant la crainte d'être à nouveau
abandonné le hante.
Sur ce sujet des nuits, il faut attirer l'attention de tout un chacun sur ce que
représentent pour un enfant l'approche du crépuscule et le fait de passer la
nuit hors de la présence du parent maternant et protecteur.
Comme chacun sait, et en a fait l'expérience dans son enfance, à l'approche
du crépuscule et de la noirceur, appréhensions, angoisses et peurs font
surface aisément à la conscience.
S'agit-il d'un bruit inhabituel, d'une ombre insolite, d'une senteur étrange,
l'esprit se met à phantasmer; on interprète ce que l'on perçoit, on se
fabrique des scenarii.
En apparaissant, l'obscurité neutralise les perceptions visuelles réelles par
effacement des contours et disparition des couleurs tout en les déformant.
Simultanément avec cette distorsion des perceptions visuelles, il y a
exacerbation des autres perceptions sensorielles qui viennent combler le
vide perceptuel d'origine visuelle, le cerveau inventant de nouvelles
perceptions en l'absence des supports perceptuels réels qu'ils soient visuels,
auditifs, tactiles ou autres.
Quand, de plus, on observe un affaiblissement des contrôles sur les
émotions, le cerveau étant de façon naturelle en période de repos cognitif
en phase nocturne, les peurs surgissent.
Elles peuvent être nombreuses et intenses surtout chez un jeune être au
préalable fragilisé à la fois par l'absence du parent maternant et par des
circonstances de vie ayant induit un état anxieux [2].
Le terrain psychologique devient alors propice non seulement aux peurs
intenses mais aussi à ce qu'elles peuvent engendrer quand elles perdurent,
c'est-à-dire, les phobies, peurs inextinguibles, et des compulsions, actes
magiques pour conjurer le mauvais sort qu'on lui a fait et les misères qu'il
doit endurer.
L'enfant développe une peur de la noirceur et ne peut dormir sans avoir une
lumière dans sa chambre; il devient claustrophobe et ne peut dormir les
portes fermées ; il développe des peurs procédant de la pensée magique
avec ses peurs du "loup", des "monstres", des "fantômes", du "diable" et
autres personnages imaginaires ou mythiques; mêmes les animaux réels
seront inclus dans son panthéon des peurs.

IV/ Le manque de confiance en soi ou sentiment d'insécurité.

Ainsi que mentionnée supra, l'instabilité s'explique par les changements de


lieu aux sept jours ou autres intervalles de temps de présence et, quand les
parents de part et d'autre ont des styles de vie par trop différents. Nous
pensons aux ajustements concernant les rythmes biologiques (heures du
lever, du coucher, des repas, de la sieste ou absence de sieste) et des
habitudes de vie (propreté, politesse). Quand cette instabilité se conjugue
avec l'angoisse, non seulement l'angoisse d'abandon mais aussi l'angoisse
existentielle, l'ensemble instabilité-angoisse favorise l'apparition de
l'incertitude, du doute, d'un sentiment fortement vécu d'insécurité. Ainsi
naît cette caractéristique de personnalité qu'on appelle le manque de
confiance en soi.
Chez l'enfant, ce manque de confiance en soi se manifeste de façon claire :
on le voit inquiet, son regard est dubitatif quand il est face à l'adulte. Que
croire et qui croire ? Il n'a certes pas confiance en l'adulte ; mais ce manque
de confiance, il va tôt l'intérioriser et le faire sien. Lui aussi va se mettre à
douter, à changer d'avis. On entend alors ces réflexions du style : « il ne
sait pas ce qu'il veut, c'est un enfant capricieux, changeant ». Certes ! Mais
l'adulte l'a conditionné à être tel à cause de ses propres imperfections ! Que
n'a-t-il donné l'image d'un parent sûr de lui, sachant se contrôler, rassurant,
et surtout fiable !

V/ Le manque d'attention et de concentration.

Autre répercussion psychologique d'envergure à mentionner, le manque


d'attention et de concentration.
Ce manque va hélas conditionner une bonne partie de l'avenir de l'enfant.
Parce qu'il se trouve précisément à ce stade de développement durant
lequel toute une gamme d'apprentissages essentiels se met en place, il est
impératif que l'esprit de l'enfant soit en condition de disponibilité et donc
serein pour apprendre, retenir, mémoriser, mettre à profit ce qu'on lui
montre en le répétant ou en le refaisant lui-même.
Avec l'enfant qui est ballotté de droite et de gauche à son insu et contre son
gré, garde alternée ou autre système de garde, la sérénité n'est pas au
rendez-vous. Son esprit n'est pas disponible à l'écoute, à la mémorisation,
au désir d'apprendre et de reproduire.
On le comprend : il est soucieux, inquiet, déstabilisé, déstructuré, apeuré,
angoissé, appréhensif au sujet de tout, de sa vie, des autres, du monde
alentour. Il préfère se réfugier, cela a été observé supra, dans son monde
imaginaire, ses propres phantasmes, occupé qu'il est à se recréer une vie
selon ses désirs, ses jeunes aspirations, puisque cette opération de repli,
qui est une conduite d'évitement, le réconforte, le rassure. Alors, les
apprentissages n'ont plus de priorité. L'enfant peut finir par les oublier s'ils
ont eu lieu ou, s'ils n'ont pas eu lieu, on observe un retard.

Second type de répercussion psychologique accompagnant les


troubles psycho-affectifs, ce sont les difficultés dans les apprentissages.

Ces difficultés se produisent sous la forme de déficit ou de retard. Il y a


déficit dans les apprentissages quand, après avoir eu lieu, on observe une
régression chez l'enfant ou bien, ces apprentissages sont retardés ou
lacunaires.
Deux types d'apprentissage sont concernés tant dans leur retard à être mis
en place que dans leur régression : ce sont les apprentissage de base et les
apprentissages scolaires.

Il y a pléthore d'apprentissages de base :

motricité, langage, dextérité manuelle fine, propreté qui va de pair avec les
apprentissages sociaux comme prendre soin de son corps, de ses affaires,
manger correctement, bien se tenir, être poli. Tous ces apprentissages font
appel au contrôle de soi, à la maîtrise des gestes, de la pensée, des envies et
des pulsions. Et là, le modèle parental prend toute son importance, toute sa
place car, il n'y a pas apprentissage plus indélébile, plus difficile à corriger
quand déficitaire ou imparfait que l'empreinte ou modeling [3].
Un enfant qui est soumis à un stress intense et répété, avec des modèles
parentaux instables, ne va pas opérer ces différents contrôles sur lui-même
comme un enfant élevé sans stress continu par des parents ayant à coeur sa
bonne éducation et son bien-être. Dans le premier cas, on voit l'enfant soit
régresser, soit présenter un retard dans ses contrôles.
Cette observation est particulièrement pertinente aux moments de
l'apprentissage à la parole ou au contrôle des sphincters. Un retard dans le
langage peut être observé tout comme l'énurésie et l'encoprésie. Avec les
plus grands, on les voit à nouveau faire pipi au lit, caca dans leur pantalon,
sucer leur pouce, parler « bébé » ; de propres, ils deviennent sales, ne se
lavent plus, ne se brossent plus les dents, n'obéissent plus du tout, ne savent
plus dire « merci », « s'il vous plaît », « bonjour » ; ils perdent leurs bonnes
manières.

Il en est de même avec les apprentissages scolaires.

En l'absence d'attention et de concentration, ces enfants plus préoccupés


par ce qui leur arrive chez eux et à phantasmer sur une vie plus agréable
que soucieux de leur réussite scolaire, lire, écrire, compter et autres
matières à apprendre vont être mises de côté : impossible de mémoriser soit
de capter, retenir et se rappeler ce qui s'est passé en classe. On oublie tout
car on ne sait rien et on ne veut rien savoir.
[1] Sur le sujet de la séparation, à lire l'ouvrage de base Attachement et
perte: la séparation, angoisse, colère de J.Bowlby; PUF éd, Paris 1978,
2de éd.1994.
[2] Dans l'ouvrage que j'ai écrit L'enfant maltraité, publié aux éditions
l'Harmattan, tout un paragraphe est consacré à l'influence de la nuit et de
l'obscurité sur le développement des peurs nocturnes et des pleurs du soir.
[3] Sur les différents types d'apprentissage, à lire le chapitre sur les
conduites d'apprentissage et de mémoire, pp.177-193, dans le tome 2 du
traité Neuro-psycho-physiologie de N.Boisacq-Schepens et
M.Crommelinck, éd.Masson, Paris, 1996.

Manifestations de type physique liées au stress prolongé

Les indicateurs physiques du stress s'observent dans les domaines


suivants:

- aspect physique de l'enfant tel qu'il se présente lors de la


consultation
- les maux corporels dont il se plaint.
- les troubles dans les fonctions physiologiques tels que rapportés
par le parent maternant, recueillis par le médecin dans le carnet de
santé de l'enfant et décrits par l'enfant lui-même quand il le peut.

Dans la majorité des cas, l'enfant soumis à une forme ou une autre de
maltraitance a l'air malingre, chétif, souffreteux. Il « ne respire pas la
santé ». Son teint est pâle, trop pâle pour certains ; il est plutôt maigrelet.
On comprend qu'il y a problème autour de la nutrition.
Ce qui frappe et qui retient l'attention, c'est son regard quand il ose lever
les yeux. Le regard est triste, quelquefois si triste qu'il en paraît éteint.
L'interrogation peut remplacer la tristesse dans les yeux. On y perçoit
l'appréhension, l'expectative, la retenue.
Les gestes sont significatifs eux-aussi.Ils sont maladroits, empruntés, un
peu gauches. On voit que l'enfant se sent malà l'aise, constricté : il n'ose pas
trop remuer par peur d'êtrepuni.
Constricté dans ses gestes, ses mouvements, son expression verbale, et
peureux mais aussi et à la fois, pouvant devenir agité, nerveux, fébrile,
l'allure générale est celle de la passivité, de la grande timidité.

On sait que l'enfant souffre tout simplement parce qu'il se plaint de


divers maux physiques.
Avoir « mal au ventre » est très souvent rapporté par l'enfant: il est soit
constipé, soit il a des accès de diarrhées. Nausées et, ou vomissements
peuvent être présents quand il dit avoir « mal au coeur ». Il se plaint d'avoir
"mal à la tête". Crises d'asthme, éruptions cutanées sont récurrentes. Crises
de nerfs, tétanie et convulsions sont aussi mentionnées, mais plus rarement.
Maux de tête, maux d'estomac, douleurs abdominales, démangeaisons,
asthme, tous ces maux physiques sont autant de signes montrant que
l'enfant est perpétuellement sur le qui-vive, tendu, stressé.
Ce déséquilibre dans les fonctions physiologiques constitue la troisième
composante dans l'inventaire des symptômes physiques retenus.

Il est marqué principalement pour les fonctions qui sont le plus


directement touchées et le plus communément altérées par le stress soit les
troubles du sommeil, ceux liés aux fonctions de digestion, les troubles
respiratoires, les éruptions cutanées et, plus rarement, les convulsions et
paralysies.

- troubles du sommeil avec réveils nocturnes, cris, cauchemars,


hurlements ou refus de s'endormir. En général, la difficulté de l'enfant à
s'endormir s'accompagne de symptômes psychologiques appelés peurs,
peur de la noirceur, peur de se retrouver seul quand il se réveille [(à relier
à l'angoisse de séparation de l'être aimé quand celle-ci s'opère à son insu).
Nous l'avons décrite supra: cette angoisse de séparation s'exprime par des
peurs : peur de l'obscurité, peur de rester seul ou de se retrouver seul.
Quand elles s'intensifient, les peurs deviennent des phobies].

-troubles liés aux fonctions digestives dans leurs différentes


étapes : absorption, transformation, excrétion.

Troubles dans la prise de nourriture, ceux-ci caractérisés le plus


souvent par une baisse de l'appétit ou une incapacité à s'alimenter: soit
refus du biberon, picorage, anorexie et plus rarement boulimie.
Nausées, régurgitations, vomissements, accompagnent fréquemment ou
induisent le manque d'appétit pour cause de stress : la dégradation des
aliments est perturbée.
Quand ils sont attribuables à un retard dans l'appentissage au contrôle
des sphincters ou à une perte de ce contrôle auparavant appris, les troubles
dans l'excrétion s'expriment sous plusieurs formes : incontinence vésicale
ponctuelle ou énurésie pour la micturition, incontinence anale ponctuelle
avec diarrhées ou non pour la défécation, l'encoprésie restant un symptôme
assez rare. A l'opposé, l'apparition de la constipation est un symptôme
récurrent quand il y a stress.

- Les troubles liés à la fonction respiratoire sont d'une part,


l'hyperventilation et les crises d'asthme dont on remarque la recrudescence
quand l'enfant, au préalable sujet à ces crises, est exposé à des situations
stressantes et, d'autre part, les troubles d'origine infectieuse comme les
rhinites, rhino-pharyngites et bronchites.

- Les éruptions cutanées: eczéma, zona d'origine nerveuse.

- Convulsions.

- Paralysie.

Les mécanismes d'action physico-chimique en réponse à un stress


prolongé et liste des principales pathologies liées à ce type de stress.

a) Les mécanismes d'action physico-chimique en réponse à un stress


prolongé

De façon schématique, disons que toute réaction émotive est transcrite en


phénomènes bio-chimiques qui inondent le corps à partir de l'organe
enregistreur, le cerveau.
Le double circuit anatomo-chimique est connu : il part du cerveau avec
mise en alerte des structures limbiques (amygdale, hippocampe, nucleus
accumbens), du cortex (temporal et préfrontal), de certains noyaux de
l'hypothalamus et de l'hypophyse principalement. Cette mise en alerte se
propage à travers les différentes structures anatomiques cérébrales par
changement dans la sécrétion des nombreux neuromédiateurs cérébraux
dont la dopamine et la sérotonine ainsi que des hormones, autre type de
neurotransmetteurs.
D'une part, l'hypophyse va sécréter une hormone spécifique en cas de
stress, l'adrénocorticotrophine, qui va aller stimuler les glandes surrénales;
celles-ci produisent à leur tour de l'adrénaline (neuromédiateur du système
sympathique qui active tout un ensemble de structures dont le coeur, les
poumons et autres viscères, la peau et les muscles) et des glucocorticoïdes
dont le cortisol qui vont aider le corps à transformer les sucres en énergie.
D'autre part et dans le même temps, le système sympathique activé par
l'hypothalamus va actionner les organes du système immunitaire, préparant
ainsi l'organisme à une première ligne de défense rapide puis à une seconde
plus lente.
Les sécrétions en neuromédiateurs et autres hormones spécifiques
reprennent un niveau normal quand le stress disparaît.
Par contre et c'est là le problème, quand la personne se trouve en état de
stress continu ou prolongé, des dommages physiques et psychiques vont
se produire. Que se passe-t-il ?
On sait depuis quelques années qu'un état chronique de stress, même de
faible intensité, conduit à l'affaiblissement du système immunitaire, à la
perte de la masse osseuse (décalcification) et de la musculature (fonte des
muscles), à des troubles gastro-intestinaux, à la suppression de la
reproduction et à des problèmes mnémoniques (détérioration des neurones
de l'hippocampe) [1].
Les grands responsables de ces diverses pathologies sont les
glucocorticoïdes qui se maintiennent à un taux élevé dans l'organisme à la
différence des autres hormones spécifiques du stress qui ne peuvent rester à
des taux élevés.
En se maintenant à un taux élevé dans le sang, les glucocorticoïdes
neutralisent le système immunitaire dans sa double action, celle rapide avec
les macrophages et lente avec les lymphocytes, par surproduction de
certaines cytokines qui le rendent inopérant. C'est le phénomène
d'immunosuppression [2].
Si nous nous reportons à la méta-analyse des psychologues Suzanne
Segeström et Gregory Miller [3], le stress, dépendant de son type et de sa
durée, provoque ou non une baisse sélective des défenses du système
immunitaire. Selon leurs résultats, plus le stress se chronicise, plus les
mécanismes cellulaires complexes normalement mis en action dans la lutte
contre les maladies sont altérés.
En ce qui concerne l'affaiblissement du système immunitaire, je pense à
tous ces jeunes enfants exposés à un stress prolongé dû à de mauvaises
conditions de vie que j'ai vus en consultation et que je continue de voir
dont le carnet de santé est rempli d'observations médicales menant aux
mêmes diagnostics à longueur de mois tels que rhinites, rhino-
pharyngites, bronchites et autres maladies infectieuses de l'appareil
respiratoire.
b) Liste des principales pathologies liées à ce type de stress [4]:

- Troubles de la mémoire (par détérioration de l'hippocampe


responsable de la mémoire de la tonalité émotive des évènements).
- Inhibition de la croissance chez les sujets jeunes suite à la diminution
de la sécrétion de l'hormone de croissance par l'hypophyse [5].
- Décalcification osseuse.
- Fonte des muscles causant un état de faiblesse et de fatigue.
- Lésions du muscle cardiaque.
- Parois des vaisseaux sanguins fragilisée.
- Dépôt de cholestérol avec formation de plaques athéromateuses.
- Pathologies gastro-intestinales : en particulier ulcères peptiques.
- Altération de la physiologie reproductrice chez les deux sexes.
- Affaiblissement chronique de la résistance aux maladies avec
fréquence élevée des maladies infectieuses (nous pensons à tous
ces jeunes enfants traumatisés par les conditions de vie qui leur sont
imposées malgré leurs besoins et leurs désirs, suite à la séparation de
leur père et mère, et dont le carnet de santé est couvert
d'observations médicales au sujet de rhinites, rhino-pharyngites et
bronchites à répétition).
De plus, à noter qu'il y aurait un lien entre les traumatismes subis durant
l'enfance et les maladies de type inflammatoire à l'âge adulte selon Andrea
Danese, chercheur à l'Institute of Psychiatry à King's College London.
Etude longitudinale sur 32 ans publiée par Andrea Danese et al, Childhood
maltreatment predicts adult inflammation in a life course study,
Proceedings of the National Academy of Sciences, Vol.104 (4), pp.1319-
24, 23/01/2007. http://intl.pnas.org
Concernant les preuves scientifiques d'un déséquilibre hormonal dû au
traumatisme de la séparation du parent maternant ou privilégié (un papa-
internaute m'a suggéré d'utiliser de préférence l'expression parent
privilégié, donc je vous laisse juge) chez les jeunes enfants, à lire l'article
"L'empreinte génétique de la tendresse", page 11, dans le numéro 13 de
janvier-février 2006 de la revue "Cerveau et Psycho".
Dans cet article sont rapportés les résultats d'études faites à l'université du
Wisconsin sur de jeunes enfants abandonnés et élevés dans des conditions
difficiles. Je cite: " Les chercheurs ont noté que la concentration dans le
sang des deux hormones qui favorisent la création de liens affectifs et
sociaux, le lien parent-enfant et la mémorisation des épisodes tendres, soit
l'ocytocine et la vasopressine, est basse. Les auteurs de l'article indiquent
que l'altération de ces deux hormones montre l'impact de la tendresse sur la
biochimie du cerveau. En cas de séparation, les auteurs mettent en garde
contre une séquelle nommée interruption du système d'attachement
hormonal. Pour éviter cette cicatrice psychique, il est primordial de fournir
à l'enfant une relation d'attachement stable et sincère, soit avec une
personne soignante, soit avec des parents d'adoption" dans le cas de ces
enfants orphelins bien entendu.
Nous pouvons ainsi encore mieux comprendre ce qui se passe chez les
bébés, les petits enfants et même chez les plus grands quand ils sont privés
de leur parent maternant ou privilégié quand ils en sont séparés, leurs cris,
leurs hurlements et toutes ces réactions psycho-physiologiques dues au
stress de la séparation. Ces réactions sont devenues quantifiables et non
plus uniquement basées sur nos observations cliniques. A méditer donc.
[1] A consulter sur le stress chronique et ses effets nocifs sur l'organisme
l'ouvrage de
N.Boisacq-Schepens et M.Crommelinck, Neuro-psycho-physiologie, Tome
2, pp. 91-101, Ed.Masson, Paris, 1996.
[2] "Stress et cellules tueuses", article de Karl Bechter et Katja Gaschler,
pp 82-85, dans la revue Cerveau et Psycho, n°8, déc 04-fév 05, 2005.
[3] Suzanne C.Segeström et Gregory E.Miller: "Psychological Stress and
the Human Immune System: A Meta-analytic Study of 30 Years of
Inquiry", pp.601-630, dans le "Psychological Bulletin", 2004, Vol 130, n°4.
[4] A consulter sur le stress chronique et ses effets nocifs sur l'organisme
les pages 91-101 citées supra du tome 2 de Neuro-psycho-physiologie.
[5] Selon les auteurs cités ci-dessus, « le stress prolongé paraît
particulièrement délétère chez le sujet jeune en phase anabolique intense :
après une bouffée initiale de GH (hormone de croissance), cette sécrétion
diminue fortement pouvant entraîner à la longue une inhibition de la
croissance, sous l'effet de stresseurs chroniques puissants telle une
importante privation affective ou une perturbation émotionnelle majeure ».
op.cit., p.95.

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