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cérébrale :
effets sur la performance
et la santé mentale
augmentation de l’anxiété,
états dépressifs, troubles du QUELLES RELATIONS
sommeil, troubles du compor- ENTRE L’EXERCICE
tement alimentaire... Le tout PHYSIQUE ET NOS
est associé à des manifesta- COMPORTEMENTS ?
tions qu’on pourrait qualifier Les effets de l’activité
de périphériques, telles que physique, qui mettent
des douleurs musculaires, en évidence une action
la sensation de fatigue, des suivant une courbe en U
modifications cardiovascu- inversé sur l’état mental,
laires et des perturbations du ont servi de support à
système immunitaire (Figure 1 des hypothèses reliant
et voir le Chapitre de M.-F. les modifications neuro-
Grenier-Loustalot). endocriniennes de
La mise en évidence du l’exercice physique
syndrome de surentraîne- et les comportements :
ment a suscité des hypo- - Action sur le
thèses, résumées dans métabolisme des
l’Encart « Quelles relations neuromédiateurs
entre l’exercice physique et (paragraphe 2.1.).
nos comportements ? » Il est - Action endocrinienne
fort probable que les modifi- (paragraphe 2.2.).
cations métaboliques liées à - Action sur le débit
un excès d’activité physique sanguin cérébral
entraînent une baisse initiale (paragraphe 2.3.).
des réserves énergétiques, - Action sur la
responsable ultérieurement neurogenèse cérébrale
de modifications neuro-endo- (paragraphe 2.4.).
criniennes. Ces dernières - Hypothèse
Figure 1 agissent sur certains compor- endorphinique
tements, régulés au niveau (paragraphe 2.5.).
Chute inexpliquée du niveau de
performance malgré la poursuite neurochimique, en particulier
de l’entraînement, besoin de le sommeil, l’humeur ou le
sommeil accru, jambes lourdes, comportement alimentaire, la biochimie périphérique qui
perte du « goût » de l’effort, baisse comme nous l’avons évoqué en résulte et la biochimie céré-
de la capacité de concentration, ci-dessus. Ainsi pouvons-nous brale ? » Ces questions sont
anémie progressive… autant de poser la question : « quelles importantes sur le plan des
symptômes du surentraînement peuvent être les relations moyens à mettre en œuvre pour
qui aboutissent à une dégradation
entre le métabolisme résul- prévenir ou guérir le suren-
de la santé mentale du sportif.
tant des exercices physiques, traînement, dont certaines
Troubles Syndrome du
du comportement Troubles
surentraînement du sommeil
alimentaire
Augmentation
de la fréquence cardiaque Perturbations du
et de la pression artérielle système immunitaire
Anxiété / Dépression
140
Effets de l’exercice physique et de l’entraînement sur la neurochimie cérébrale :
effets sur la performance et la santé mentale
conséquences peuvent être est défini comme l’ensemble
graves, voire mortelles. des réactions biochimiques
qui se produisent dans le
corps humain, par opposi-
2 Quelles relations
entre métabolisme,
biochimie périphérique
tion au métabolisme céré-
bral. Ces deux métabolismes
la neurochimie sont séparés par la barrière
cérébrale ? hémato-encéphalique qui joue
le rôle d’un filtre sélectif.
HISTORIQUE Nous avons vu que l’exercice
DES OBSERVATIONS physique affecte l’humeur.
Cet effet est qualifié d’aigu
- Hypothèse des quand il suit immédiatement
endorphines, développée l’exercice musculaire, et il est
la première puis chronique quand il résulte
mise en doute par d’un entraînement régulier.
l’absence d’effet de Une première hypothèse pour
l’administration de expliquer cet effet est que les
naloxone*, antagoniste modifications du métabolisme
des endorphines périphérique vont moduler
(paragraphe 2.5). le métabolisme cérébral en
- Mise en évidence, influençant la disponibilité de
ensuite, d’une certains précurseurs de neuro-
augmentation du médiateurs (ou neurotrans-
métabolisme cérébral metteurs) qui vont traverser
de la sérotonine et la barrière hémato-encépha-
plus généralement lique et augmenter la synthèse
des monoamines sous cérébrale de certains neuro-
l’effet de l’exercice médiateurs, ces molécules
(paragraphe 2.2). qui transportent l’information
- Plus récemment, d’un neurone à l’autre (voir
description de la Figure 10). Mais comment
l’augmentation des expliquer le fait qu’un entraî-
facteurs de croissance et nement modéré améliore
des cytokines cérébrales l’humeur, alors qu’un entraî-
sous l’effet de l’exercice. nement intense et prolongé
(Figure 2) peut conduire à
*La naloxone est un une une dépression transitoire ou
molécule qui peut servir durable ?
d’antidote (antipoison)
Il a été montré que la répé-
aux opiacés, substances
tition d’exercices physiques
contenant de l’opium ou
intenses plusieurs jours
ses dérivés. Elle est utilisée
d’affilée diminuait dans le
en cas de surdosage, chez
muscle les concentrations
les toxicomanes le plus en glycogène29, notre réserve
souvent. énergétique. La diminution
de la disponibilité en subs-
trats glucidiques pousse
2.1. Action
alors l’organisme à utiliser
sur le métabolisme
des neuromédiateurs
29. Le glycogène est le polymère
Le métabolisme périphérique, sous la forme duquel est stocké le
lors de l’exercice physique, glucose dans notre corps. 141
La chimie et le sport
HYPOTHÈSE
Effet sur la fatigue
Effet sur la perturbation du sommeil
5 HT
Effet sur la consommation
de protéine
Effet sur la régulation hormonale
Compétition pour la pénétration cérébrale des acides aminés branchés
TRP libre
Insuline
NH4
Acide
gras libre
TRP
TRP
lié
TRP
Diminution brutale
des protéines
Acides aminés
Boyau
DÉMONTRÉ
HYPOTHÈTIQUE
Figure 3
Effet de l’exercice dans la régulation d’acides aminés. La baisse de l’insuline, l’augmentation des acides gras
libres et de l’ammoniac (NH4) résultant de l’exercice musculaire conduiraient à une disponibilité accrue en
tryptophane (TRP) libre, ce qui favoriserait la synthèse cérébrale de sérotonine (5HT). Cette observation a permis
de proposer la théorie sérotoninergique de la fatigue. 143
La chimie et le sport
Figure 4
Parmi les vingt acides aminés naturels (procurés par notre alimentation), quatre possèdent une chaîne
latérale (en bleu) ramifiée ou dite « branchée » : la leucine, l’isoleucine, la valine et le tryptophane
(précurseur de la sérotonine : voir la structure Figure 6).
160
140
140
120
120
100
100
% 80 %
80
60
60
40 40
Valine
Valine Valine
20 20
0 0
−60 −30 0 Exercice physique 150 180 210 240 270 -60 -30 0 Exercice physique 150 180 210 240 270
Temps (min) Temps (min)
20
2.8. Influence de
l’alimentation sur la fatigue 0
Placebo fluoxetine venlafaxine reboxetine bupropion
Les connaissances recueillies
5-HT 5-HT/NA NA NA/DA
sur les effets de l’entraî- 147
La chimie et le sport
Neurone
neuromédiateurs
Figure 10
Les neuromédiateurs (comme
la sérotonine, l’adrénaline, la
dopamine…) sont libérés au
niveau de la synapse et vont
se fixer sur des récepteurs
Récepteur Synapse post-synaptiques. C’est ainsi
que se transmet l’information
de neurone en neurone.
de sommeil de 48 heures, 8
7
la mémoire à court terme 6 Alimentation équilibrée
semble mieux conservée 5 Régime hyperprotéiné
alimentation hyperprotéique 3
2
riche en acides aminés bran-
1
chés. Cet effet peut être relié 0
Avant Après
à leur potentiel d’action sur
la synthèse de la sérotonine
cérébrale.
On peut conclure de cette
étude qu’il semble bien que 2.9. Le rôle supposé Figure 11
lorsqu’on veut lutter contre de l’ammoniac
On observe un effet positif de la
une hypersérotoninergie par Une autre hypothèse évoque nutrition hyperprotéique sur la
une alimentation riche en le rôle possible d’une action mémoire à court terme après une
protéines, on n’obtient pas spécifique de l’ammoniac situation de réduction du temps de
d’effet sur la performance (NH3) au niveau cérébral, à sommeil chez des sportifs.
physique elle-même mais, en l’origine de la modification
revanche, une amélioration de du métabolisme d’un neuro-
certains comportements, et médiateur important : l’acide
parmi eux, celui qui semble γ-amino-butyrique » ou GABA
être sensible est la mémoire (Figure 12). Une augmen-
à court terme. Celle-ci est tation de l’ammoniac dans
d’ailleurs un très bon indica- différentes structures céré-
teur de la fatigue car c’est le brales de rats entraînés a été
premier comportement altéré observée (Figure 13). Or, on
sous l’effet d’un exercice sait que l’ammoniac joue un
physique épuisant. rôle important dans la trans-
A contrario, une diminu- formation du glutamate en
tion de l’endurance muscu- glutamine, dont la formation
laire a été observée après augmente en même temps
plusieurs jours d’un tel que celle d’ammoniac. En
régime associé à un exer- conséquence, le glutamate
cice physique prolongé. Le diminue ; or, la diminution
régime hyperprotéique riche du glutamate entraîne de
en acides aminés branchés manière significative la dimi-
n’est efficace qu’en prépara- nution du GABA, probable-
tion à des courses de courte ment l’un des acides aminés
durée, durant lesquelles il excitateurs de la motricité.
préserve les performances de Cette succession de réac-
mémoire, décroît la sensation tions en chaîne, en cours de
de fatigue et réduit les effets vérification, mériterait d’être
négatifs de la fatigue sur l’ac- explorée dans ses différentes
tivité spontanée36. modalités d’expression.
NH3
NH3
Fatigue
NH3 périphérique
Urée pl
- perte de coordination
dysfonctionnement
- ataxie
du système nerveux central
- coma/convulsion
Fatigue centrale
un effet antivieillissement
Figure 12
Composantes centrales de la
3 Effets protecteurs
à long terme
de l’activité physique
et que l’exercice musculaire
améliore le déclin cognitif lié à
fatigue : l’hypothèse « ammoniac »
l’âge de façon tout à fait signi-
de la fatigue.
L’exercice physique est signifi- ficative, probablement du fait
cativement associé à la réduc- d’une augmentation à la fois
tion des symptômes d’anxiété de la plasticité neuronale, de
et à ses indicateurs, mais l’in- la neurogenèse et de la vascu-
tensité de l’activité nécessaire larisation cérébrale. En effet,
ou minimale pour produire l’exercice musculaire agit sur
des effets est très discutée. On de nombreuses voies neuro-
sait maintenant qu’une acti- chimiques, et nous venons de
vité physique pratiquée tout voir que les principales modifi-
150 au long de l’existence a aussi cations et leurs conséquences
Effets de l’exercice physique et de l’entraînement sur la neurochimie cérébrale :
effets sur la performance et la santé mentale
600 $ $
2.75
2.5 * *
500
NH3 plasmatique (μM)
2.25
$ $
2.25 2
2 * 1.75 *
1.75
1.5
1.5 1.25
1.25
Rats non entraînés 1 Rats non entraînés
1
Rats entraînés Rats entraînés
0.75
0.75
0.5
0.5
0.25 0.25
0 0
Repos Épuisement Repos Épuisement
se situent au niveau du méta- des rats qui ont été soumis Figure 13
bolisme des monoamines à un exercice physique
(sérotonine, etc.). Plus récem- régulier, on a pu mettre en Étude du rôle de l’ammoniac NH3
et des systèmes glutamatergique
ment, on a identifié une action évidence une augmentation
et GABAergique. Les
sur la neurogenèse médiée de la neurogenèse (Figure 14). concentrations en ammoniac ont
par les facteurs de croissance Cette augmentation du été mesurées dans le plasma
de neurones (Encart : « Effet nombre de cellules neuro- sanguin ainsi que dans différentes
de l’activité physique sur le nales agit sur l’électrogé- régions du cerveau (striatum,
vieillissement neuronal ») nèse39 cérébrale qui est mise cortex, cervelet) chez deux groupes
en jeu dans la mémoire à long de vingt rats soumis à une course
Aujourd’hui, on a probable- à l’épuisement : un groupe de rats
ment isolé le médiateur de terme. Lorsqu’on soumet des entraînés et un groupe de rats
ces effets bénéfiques de rats à des stimulations de non entraînés. On observe une
l’activité physique : c’est un cette mémoire à long terme40, augmentation de l’ammoniac dans
facteur de croissance céré- on s’aperçoit que les animaux différentes structures cérébrales
« coureurs » ont des réponses de rats entraînés.
brale, le brain-derived neuro-
trophic factor (BDNF), qui électriques beaucoup plus
stimule la neurogenèse dans
le cerveau adulte. Cela a été porté par un anticorps, lequel va
mis en évidence par des expé- se lier spécifiquement à cette pro-
téine. Cette dernière va alors être
rimentations d’histomorpho-
visible par fluorescence.
métrie37. Par marquage en 39. L’électrogénèse est la
immunofluorescence38 sur production d’électricité par les
tissus vivants.
37. Analyse des tissus et organes. 40. La mémoire à long terme est
38. La technique de l’immunofluo- celle qui repose sur une stabilisa-
rescence est utilisée par les bio- tion des acquis. Elle s’oppose à la
logistes pour mettre en évidence mémoire à court terme qui n’as-
une (ou plusieurs) protéine(s) sure qu’un stockage transitoire
par l’injection d’un fluorochrome des éléments mémorisés. 151
La chimie et le sport
Plasticité neuronale
Modifications morphologiques et physiologiques
des synapses en réponse à des changements
d’activité neuronale
800 Coureur
30
Chemin (cm)
Latence (sec)
600
20
400
10
200
0 0
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
Jours
Bibliographie
155