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L’évolution des sous-produits de désinfection

en réseau d'eau potable


Test de modèle prédictif pour évaluer l’impact des systèmes de
distribution sur le comportement des trihalométhanes
n S. GABORIT1, D. LENES1, L. GUICHOT1, A. PONTHIEUX2

Mots-clés : sous-produits de chloration, trihalométhane, réseau de distribution d’eau potable, modèles prédic-
tifs, gestion préventive
Keywords: chlorination by-products, trihalomethane, drinking water distribution systems, predictive models,
preventive management

Introduction 1. Les sous-produits en eau potable


Lors de la désinfection de l’eau potable, la réaction 1.1. Le chlore
entre le chlore et la matière organique naturelle pro- Dans les conditions normales de température et de
voque la formation de sous-produits de chloration, pression, le chlore est un gaz jaune-vert. Son intro-
parmi lesquels on trouve les trihalométhanes (THM). duction dans l’eau provoque son hydrolyse et sa
D’après les différentes études toxicologiques menées, dismutation en acide hypochloreux et chlorure,
la présence de THM dans les eaux de consommation d’après la réaction suivante :
pourrait entraîner un risque sanitaire pour le
consommateur. C’est pourquoi un grand nombre de
pays ont mis en place une réglementation les concer- L’acide hypochloreux ainsi créé se dissocie à son tour
nant. selon l’équilibre acide-base :
Afin de maîtriser la formation de ces sous-produits
de chloration et de produire une eau potable de qua-
lité, de nombreuses études sont disponibles dans la L’acide hypochloreux ainsi que sa base conjuguée,
littérature et ont permis de mieux comprendre les l’ion hypochlorite, vont permettre l’oxydation de
mécanismes de réaction mis en jeu. L’objectif du fonctions réductrices, des réactions d’addition sur des
travail mené à Anjou Recherche est de valider et liaisons insaturées et des réactions de substitution
compléter ces connaissances par des campagnes électrophile sur des sites nucléophiles [InVS, 2005].
d’analyses sur des réseaux de distribution d’eau Ces propriétés permettent au chlore de réagir avec
potable, d’élaborer des recommandations aux exploi- un grand nombre de substances (inorganiques ou
tants des installations d’eau potable pour le respect organiques) présentes dans l’eau et de former des
des valeurs réglementaires en THM (100 µg/L) et sous-produits de chloration très diversifiés. Jusqu’à
d’identifier un (des) modèle(s) prédictif(s) de forma- maintenant, plus de 250 sous-produits de désinfection
tion des THM permettant à ces mêmes exploitants de ont été identifiés [SADIQ et RODRIGUEZ, 2004].
respecter la réglementation et de disposer d’un outil
de pilotage des THM en réseau. 1.2. Mécanismes de réaction
De nombreux composés inorganiques peuvent être
1 Anjou Recherche, Centre de recherche sur l’eau de Veolia Environnement présents dans l’eau et sont susceptibles de réagir avec
– Chemin de la Digue – BP 76 – 78603 Maisons-Laffitte. le chlore. Parmi eux, l’ammoniaque, les halogénures,
Courriel : sophie.gaborit@veolia.com
2 CREED, Centre de recherche sur la propreté et l’énergie de Veolia mais aussi le fer, le manganèse, les nitrites, le cyanure
Environnement – Zone portuaire – 291, avenue Dreyfous-Ducas – 78520
Limay. ou encore les sulfures. Malgré tout, les principaux

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sous-produits de chloration proviennent de la réac- manière générale, les six paramètres suivants agissent
tion entre la matière humique présente naturellement sur le niveau de concentration en THM totaux
dans les eaux brutes (acides humiques en particulier) (TTHM) :
et un oxydant (l’acide hypochloreux et l’ion hypo- – température de l’eau ;
chlorite qui sont utilisés lors de l’étape de désinfec- – pH de l’eau ;
tion, ou le brome présent naturellement). Comme le – concentrations en ions bromures ;
montre le tableau I, parmi ces sous-produits de chlo- – type, dose, quantité résiduelle de désinfectant ;
ration, la majeure partie est constituée des THM – type, concentration et propriétés chimiques des
[DRESSMAN et al., 1979]. précurseurs (matière organique naturelle) ;
– temps de contact.
Plusieurs publications ont mis en évidence la varia-
Trihalométhanes (THM) 20,1 %
tion importante dans le système de distribution de
Acides haloacétiques (HAA) 10 %
l’eau potable de la concentration en sous-produits de
Acide bromochloroacétique 2,8 %
chloration [WILLIAMS et al., 1994 et 1995 ; LEBEL et
Haloacétonitriles 2% al., 1995 ; CHEN et WEISEL, 1998 ; MCCLELLAN
Hydrate de chloral 1,5 % et al., 1999 ; SINGER, 1999b ; UBER et al., 2000 ;
Chlorure de cyanogène 1% BARIBEAU et al., 2001]. Outre la qualité de l’eau en
Tableau I. Quantités relatives de sous-produits de désinfection sortie d’usine, plusieurs paramètres sont à l’origine
halogénés rapportées en pourcentage des halogènes organiques
totaux (TOX) dans l’eau potable chlorée issue d’une usine de trai- de cette évolution et conditionnent la qualité de l’eau
tement conventionnelle
dans le système de distribution. De manière générale,
les paramètres ayant un impact sur la formation
1.3. Les trihalométhanes des THM influencent également l’évolution de ces
Ainsi, la matière organique naturelle (identifiée molécules au sein du système de distribution.
comme un précurseur organique) réagit avec un
oxydant halogéné (à base de chlore Cl ou de brome 2. Contexte et objectifs
Br) selon un schéma de réaction similaire à celui
2.1. Réglementation
de la figure 1 pour aboutir à la formation de sous-
2.1.1. Les normes selon l’OMS
produits de chloration dont les THM. La figure 1
La présence de ces molécules dans les eaux de
schématise la réaction des acides hypochloreux et
consommation humaine est devenue un des risques
hypobromeux avec les précurseurs organiques.
chimiques majeurs d’après l’Organisation mondiale
Il est important de noter que les paramètres contrô-
de la santé (OMS). C’est pourquoi, depuis 1993,
lant la formation des sous-produits de chloration
l’OMS a choisi de fixer des valeurs guides [OMS,
peuvent être difficilement identifiables du fait
1993 et 2004] pour chacun des quatre THM cités
du comportement complexe des trihalométhanes.
précédemment :
Néanmoins, les études s’accordent pour dire que, de
– trichlorométhane : 200 µg/L ;
– dibromochlorométhane : 100 µg/L ;
– bromodichlorométhane : 60 µg/L ;
– tribromométhane : 100 µg/L.
De plus, la relation suivante permet de prendre en
compte l’effet combiné de ces quatre molécules (les
concentrations sont exprimées en µg/L).

Figure 1. Mécanismes de réaction des précurseurs organiques Ces valeurs guides ont été obtenues en prenant en
«  P  » avec les acides hypochloreux et hypobromeux ainsi que
leurs bases conjuguées compte des études sur les animaux montrant les

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effets sur la santé liés à une exposition à chaque 100 µg/L pour la somme des quatre THM au point
THM, un facteur d’incertitude de 1 000, un poids d’usage, des campagnes de prélèvement ont été
corporel humain moyen de 60 kg, une consomma- initiées afin de répondre à plusieurs objectifs.
tion quotidienne de 2 litres par jour d’eau potable, un
• Valider les connaissances sur la formation des tri-
facteur de présence dans l’eau de consommation de
halométhanes et leur devenir en réseau
0,50 pour le chloroforme et 0,20 pour le bromoforme
Il s’agit en particulier de valider les informations
et le dibromochlorométhane (DBCM).
concernant :
D’après les recommandations de l’OMS, ces valeurs
– les variations liées à l’exploitation du réseau : doses
limites doivent être contrôlées de manière fréquente,
de chlore, temps de contact, temps de séjour hydrau-
sur des points de prélèvement qui « doivent être choisis
lique (TSH) ;
avec soin, afin d'être représentatifs de l'ensemble du
– les variations temporelles telles que l’influence des
réseau » [OMS, 1993].
saisons (température, pH, matière organique,
2.1.2. La réglementation en Europe et en France bromures).
L’Europe impose, quant à elle, une valeur maximale • Compléter nos connaissances
admissible de 100 µg/L pour la somme des quatre Pour définir des recommandations aux exploitants
THM lors des prélèvements de contrôles ponctuels des installations, il est important de comprendre l’in-
(directive européenne n° 98/83/CE du 3 novembre fluence des rechlorations et l’influence de la présence
1998). Les THM doivent être analysés aux points de de réservoirs le long du réseau sur l’évolution des
conformité, c'est-à-dire aux robinets du consomma- concentrations en THM.
teur.
• Tester les modèles prédictifs de formation des tri-
En 2001, la France a transposé la directive euro-
halométhanes
péenne dans le code de la santé publique (CSP) et a
Après avoir identifié les modèles les plus pertinents
fixé une limite de qualité à 150 µg/L depuis 2003 et
parmi la trentaine de modèles répertoriés dans la lit-
à 100 µg/L depuis le 25 décembre 2008 (pour la
térature, des tests ont été réalisés à partir des données
somme des quatre THM). Depuis fin 2003 et jusqu’à
des campagnes de prélèvement afin de conseiller un
fin 2008, une concentration limite provisoire de
modèle prédictif aux exploitants.
150 µg/L a dû être respectée.
La réglementation française précise que la concentra-
tion en THM doit être la plus faible possible sans
3. Méthodes
pour autant nuire à la qualité microbiologique de 3.1. Campagnes de suivi
l’eau. En effet, dans le cadre de l’application du plan Afin de prendre en compte les variations occasion-
Vigipirate (circulaire DGS n° 524/DE n° 19-03 du nées lors des changements de saisons, plusieurs
7 novembre 2003), une teneur en chlore libre de campagnes ont été réalisées :
0,3 mg/L en sortie du réservoir et de 0,1 mg/L en tout – une première campagne de prélèvement pendant la
point du réseau est exigée dans les réseaux d’eau période estivale (juin-juillet 2008), afin d’évaluer
potable français [InVS, 2005]. Les exploitants notamment l’impact des températures élevées sur la
doivent gérer un compromis entre qualité microbio- formation de THM ;
logique et concentration en THM. – une seconde campagne à l’automne (octobre-
Afin de respecter ce niveau de concentration, une novembre 2008) quand la matière organique est
étude approfondie de ces polluants est nécessaire. souvent présente en quantité importante par rapport
aux autres saisons.
2.2. Objectif de l’étude Afin d’obtenir des données représentatives des diffé-
D’après les données de la littérature sur l’évolution rents sites (filière de traitement et réseau de distribu-
des THM en réseau de distribution et faisant suite à tion), les campagnes ont été réalisées sur quatre sites
l’entrée en vigueur de la limite réglementaire de aux caractéristiques différentes (tableau II).

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Étude

contrôlant leur formation [CLARK et al., 1994 ;


Site Ressource Filière Réseau (TSH)
MONTGOMERY WATSON, 1993, InVS, 2009 ;
Haute performance*
A Eau de surface De 1 à 36 h
SOHN et al., 2004].
peu de matière
organique distribuée Malgré l’intérêt porté à ces outils de modélisation, il
PréO3, clarification, O3, semblerait qu’aucune application opérationnelle sur
B Eau de surface De 1 à 160 h
CAG, désinfection
PréO3, clarification, O3,
site n’a été reportée dans la littérature. En effet, les
C Eau de surface De 1 à 280 h
CAG, désinfection modèles présentés sont généralement applicables
PréO3, clarification, dans des conditions très restreintes, voire seulement
D Eau de surface CAG, O3, désinfection De 1 à 61 h
sur le site où ils ont été développés, et les articles
(proximité maritime)
O3 : ozonation ; PréO3 : préozonation ; CAG : filtration sur charbons actifs en grains ;
détaillent uniquement les étapes de définition du
TSH : temps de séjour hydraulique. modèle et non leur utilisation opérationnelle sur les
* Environ 70 % clarification, microfiltration puis nanofiltration en mélange avec environ
30 % de l’eau d’une filière classique. sites de traitement et de distribution d’eau.
Tableau II. Caractéristiques des quatre sites d'étude
Dans le but de généraliser l’application de ces
modèles et afin de pouvoir recommander un (des)
Ces sites disposent d’un modèle hydraulique existant
modèle(s) prédictif(s) aux exploitants des installa-
pour faciliter la détermination des TSH, et aucun mé-
tions, il est apparu nécessaire d’améliorer nos
lange ne se produit sur le réseau de distribution suivi.
connaissances sur le sujet. Pour cela, plusieurs
Les prélèvements sont effectués sur six à dix points :
modèles de la littérature ont été testés sur sites : une
– trois en filière de traitement (eau brute, eau avant
présélection des modèles existants a été réalisée sur
chloration, eau traitée) ;
la base de leur applicabilité ; puis les modèles ont été
– trois à sept en réseau (TSH croissants, entrée/sortie
appliqués sur les sites étudiés et leurs prédictions
de réservoir ou de rechloration).
comparées aux résultats d’analyses de THM.
Le tableau III reprend les différentes analyses effec-
Ces modèles pourraient à terme devenir des outils
tuées.
d’aide à la décision pour la détermination :
– des conditions opérationnelles permettant de
pH, température, respecter les valeurs réglementaires de THM : temps
In situ conductivité, turbidité,
de séjour, doses de chlore, etc. ;
résiduel de chlore
– de l’impact d’une modification du traitement sur les
COT, CODB, concentrations en THM : via une modification du
Matière
Absorbance UV
organique carbone organique, du pH… ;
Laboratoire CAE (254 nm)
Bromures, THM, – du choix des points de prélèvement les plus perti-
Composés
AOX nents pour évaluer le risque de formation des sous-
AOX : organohalogénés adsorbables ; CODB : carbone organique dissous produits.
biodégradable ; COT : carbone organique total ; THM : trihalométhanes.
Tableau III. Analyses effectuées au cours des campagnes de suivi Enfin, leurs prévisions peuvent être utiles pour les
évaluations de risques sanitaires afin d’estimer
Le rapport entre le carbone organique total (COT) et l’exposition humaine.
l’absorbance UV donne un indice – le SUVA (pour
Specific Ultraviolet Absorption) – qui permet de quali- 4. Évolution des trihalométhanes en
fier la proportion de matière organique humique, réseau : impact de l’hydraulique et de la
fraction très réactive, avec le chlore. qualité de l’eau
3.2. Modèles de la littérature 4.1. Temps de séjour hydraulique
De nombreux auteurs ont travaillé à la définition de Pour la modélisation hydraulique, le logiciel Epanet
modèles mathématiques permettant de prédire les a été utilisé. Il a été développé pour la simulation de
concentrations en THM à partir des paramètres de la distribution et de la qualité de l’eau dans un réseau
qualité de l’eau et des paramètres opérationnels sous pression. Il permet de faire des simulations de

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l’ordre de quelques heures à quelques jours selon le croissante, mais on observe également que pour des
paramétrage choisi. concentrations plus élevées (30 µg/L) dès la sortie
Epanet permet de calculer le débit dans chaque cana- d’usine (site D) on atteint un palier de formation des
lisation, la pression à chaque nœud, le niveau de l’eau THM.
dans les réservoirs. Il donne la possibilité de visuali-
4.2. Impact des rechlorations et des réser-
ser la circulation de l’eau dans le réseau. Une des
voirs traversés
possibilités du logiciel est le calcul du temps de
Les points suivants détaillent les principaux para-
séjour hydraulique (plages de TSH au nœud de
mètres et conclusions pour chaque site. Après un
consommation) en tout point du réseau.
schéma rappelant la localisation des points sur le
Le temps de contact entre le chlore et la matière réseau suivi, les tableaux de résultats présentent les
organique joue un rôle important dans la formation temps de séjour de chaque point, le nombre de
des THM. C’est pourquoi une augmentation du TSH rechlorations subies et de réservoirs traversés ainsi
s’accompagne d’un accroissement des concentrations que les résultats minimum, moyen et maximum pour
de THM. Lors de l’étude réalisée par l’INVS en 2006 les THM et le ratio de THM mesuré en réseau et à la
et 2007 sur le site de Sablé-sur-Sarthe, la variation sortie d’usine (pour n campagnes réalisées sur le site
spatiale des THM avait pu être mise en évidence : suivi).
celle-ci augmentait de manière importante (environ
• Site A
multipliée par 2) entre les points de prélèvements
effectués en sortie d’usine et la moyenne des points
en réseau.
Dans le cadre de notre suivi sur les quatre sites, on
retrouve bien une augmentation tout à fait significa-
tive des concentrations en THM entre l’usine et le
réseau. L’analyse statistique le confirme : les concen-
trations en THM en sortie d’usine et sur le réseau sont RC : rechloration.
Figure 3. Schématisation du réseau de distri-
significativement différentes. bution du site A

Lorsqu’on considère les valeurs maximales en réseau,


THM (µg/L) Ratio
ce ratio usine/réseau peut atteindre des valeurs supé- Point TSH (h)
Nombre de
Réservoir
rechlorations
rieures à 10 (principalement en automne). Min. Moy. Max. Min. Moy. Max.

Site A (n = 3)
De plus, la figure 2 illustre l’évolution des THM en Usine 1 0 0 4 4 5 – – –

fonction du temps de séjour. Cette évolution est bien 2 22 1 1 5 9 14 1,0 2,2 3,2
3 25 1 1 8 9 12 0,9 1,5 2,2
4 36 1 1 9 11 14 1,1 1,9 2,9
TSH : temps de séjour hydraulique.
80 Tableau IV. Évolution aux différents points du réseau A des trihalométhanes
70
(THM) et des ratios réseau/usine

60
TTHM (µg/L)

50 Sur le réseau A, on observe l’impact du TSH sur les


40
différences de concentration entre la sortie d’usine et
30

20 la fin de réseau : les concentrations en THM augmen-


10
tent selon un ratio variant entre 0,9 et 3,2. En
0
1 7 22 40 60 100 125 160 195 280
revanche, les concentrations augmentent peu après
Temps de séjour (h)
le réservoir et la rechloration. Grâce à sa filière haute
site A site B site C site D

performance et aux faibles temps de séjour suivis, les


Figure 2. Évolution des trihalométhanes totaux (TTHM) sur les quatre sites teneurs en THM ne dépassent pas 14 µg/L en valeur
d’étude en fonction des temps de séjour hydraulique
maximale.

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Étude

• Site B THM (µg/L) Ratio


Nombre de
Point TSH (h) Réservoir
rechlorations
Min. Moy. Max. Min. Moy. Max.

Site C (n = 5)
Usine 1 0 0 3 5 9 – – –
2 6 0 0 0 12 24 0,0 2,3 3,3
3 100 0 1 15 21 24 2,6 4,4 7,3
4 105 1 1 21 24 26 2,9 5,0 8,1
5 180 1 2 26 32 35 3,8 7,0 12,7
6 195 2 2 26 30 31 3,6 6,3 10,0
7 280 2 3 41 47 54 4,8 10,6 19,2

RC : rechloration. 8 280 2 3 38 46 60 4,7 10,4 17,7


Figure 4. Schématisation du réseau de distribution du site B TSH : temps de séjour hydraulique.
Tableau VI. Évolution aux différents points du réseau C des trihalométhanes
(THM) et des ratios réseau/usine
Point TSH (h)
Nombre de
Point TSH (h) Réservoir
rechlorations
Min. Moy. Max. Min. Moy. Max.

Site B (n = 4) Sur le site C, les prélèvements montrent l’impact des


Usine 1 0 0 5 11 15 – – –
réservoirs et rechlorations successifs.
2 65 0 1 15 32 51 1,0 3,9 6,6
3 125 1 3 22 41 80 2,6 4,0 5,2
4 160 1 2 9 31 47 1,3 3,4 6,8
L’impact des réservoirs est mesuré par le ratio entre
5 160 2 4 32 45 67 3,2 4,9 7,0

TSH : temps de séjour hydraulique.


les concentrations en THM entre les points 2 et 3
Tableau V. Évolution aux différents points du réseau B des trihalométhanes (entrée/sortie de réservoir), ainsi que les points 4 et
(THM) et des ratios réseau/usine
5, puis 6 et 7. Ces ratios, différents des ratios
L’interprétation sur le réseau B est délicate car, en réseau/usine du tableau VI, varient entre 1,0 et 3,0,
pour des TSH estimés dans les réservoirs d’environ
fonction des horaires, les réservoirs fonctionnent soit
80 à 100 h.
en distribution, soit en refoulement.
Cependant, une augmentation des concentrations en
L’impact des rechlorations est mesuré entre les
THM est observée entre la sortie d’usine et la sortie points 3 et 4 puis 5 et 6. Le calcul des ratios des
du premier réservoir (point 2), dans un rapport concentrations de ces points (différents des ratios du
variant entre 1,0 et 6,6, liée au TSH (environ 65 h). rapport entre les concentrations au point considéré
Ainsi, pour les points de fin de réseau (TSH > 160), et la concentration en usine, donnés au
si les concentrations peuvent augmenter un peu en tableau VI) varient entre 0,8 et 1,6, ce qui est relative-
THM, les ratios restent similaires (ratio variant entre ment faible. Les rechlorations ne semblent pas
1,3 et 7,0). Cela pourrait être lié au fait qu’on ait augmenter de manière importante les concentrations
atteint le potentiel de formation des THM en amont en THM juste en aval des injections de chlore sur le
de ce point. Par ailleurs, il est possible qu’un stripping réseau C.

des composés se déroule dans les réservoirs alimentés


L’impact du réseau (temps de séjour, réservoir et
par surverse, les THM étant très volatils.
rechloration) a un effet sur la formation de THM qui
est marqué sur ce site C avec des ratios réseau/usine
• Site C
variant entre 0 et 19,2 entre le début et la fin du
réseau de distribution.

Mais, cette analyse ne prend pas en compte l’ensemble


des points en aval de la rechloration, et le couplage
entre cette rechloration et le TSH. En effet, l’analyse
statistique de l’ensemble des données en aval tend
à indiquer une influence des rechlorations sur
RC : rechloration.
Figure 5. Schématisation du réseau de distribution du site C l’ensemble des points en aval.

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• Site D Les rechlorations entraînent une augmentation des


THM selon des ratios variant généralement entre 0,8
et 3,2, ce qui est faible. Les rechlorations ne semblent
donc pas augmenter de manière significative les
concentrations en THM sur le réseau C
L’hypothèse du stripping des THM relevés sur le site B
ne peut être confirmée à ce jour par les résultats des
RC : rechloration.
Figure 6. Schématisation du réseau de distribu- campagnes.
tion du site D
Il est important de signaler que les concentrations en
THM mesurées sur chaque site sont toutes inférieures
Point TSH (h)
Nombre de
Point TSH (h)
rechlorations
Réservoir à la limite de qualité de 100 µg/L.
Min. Moy. Max. Min. Moy. Max.

Site D (n = 5)
Les sites B, C et D ont des filières de traitement simi-
Usine 1 0 0 17 30 43 – – – laires et des THM qui atteignent des valeurs maxi-
2 40 0 1 53 71 83 1,7 2,5 3,2
3 49 0 1 52 62 70 1,6 2,1 3,1
males entre 0 et 83 µg/L alors que le site A, avec une
4 61 0 1 69 69 69 1,8 1,8 1,8 filière haute performance, a des valeurs inférieures à
TSH : temps de séjour hydraulique. 15 µg/L. Dans tous les cas, les concentrations en
Tableau VII. Évolution aux différents points du réseau D des trihalométhanes
(THM) et des ratios réseau/usine THM sur chaque site sont toutes inférieures à la
limite de qualité.
Sur le réseau D, la charge organique un peu plus
élevée conduit à des concentrations en THM en 4.3. Qualité de l’eau
sortie d’usine déjà élevées par rapport aux autres sites.
4.3.1. Matière organique et bromures
On observe une augmentation de ces concentrations
Sur les quatre sites suivis, deux sites ayant des valeurs
entre la sortie d’usine et le point 2 (dans un ratio de
de COT très variables, une hiérarchisation des sites
1,7 à 3,2 pour un TSH estimé de 40 h), puis ces
selon les valeurs de COT dans l’eau distribuée a été
concentrations stagnent sur les deux autres points en
réalisée pour la campagne estivale et comparée à la
réseau. Malgré l’augmentation du TSH entre les deux
campagne automnale.
points du réseau (estimée à environ 20 h), les
concentrations en THM n’augmentent plus. Cela peut Substances COT Substances
COT été
Sites humiques été automne humiques automne
s’expliquer par une formation des THM déjà bien (mg/L)
(eau brute, mg/L) (mg/L) (eau brute, mg/L)
avancée en sortie d’usine : il semblerait que l’on B 2,8 3,1 2,2 1,4
atteigne rapidement le potentiel maximal de forma- D 2,0 1,8 2,3 2,1
C 1,6 1,4 2,2 1,6
tion des THM (figure 2). A 1,2 <1 1,7 <1
Il est intéressant de noter que, dans le cas du site D, Tableau VIII. Évolution été/automne du carbone organique total (COT) moyen
plus la quantité de THM en sortie d’usine est impor- et des teneurs en substances humiques

tante, moins les concentrations vont évoluer en


Sur l’ensemble des données (été et automne), l’ana-
réseau de distribution.
lyse statistique met en évidence, en termes de COT,
• Synthèse comparative une différence significative entre le site A et les autres
On dispose de peu de données dans la littérature sur sites, ainsi qu’entre les sites B et D. Cependant, en ce
l’effet des rechlorations et l’effet des réservoirs sur les qui concerne l’impact de la matière organique :
THM. C’est d’ailleurs l’un des points souligné par – il n’apparaît pas (graphiquement) de lien évident
l’INVS [INVS, 2009]. entre le COT et les concentrations en THM en sortie
Pour résumer, l’impact des réservoirs (alimentés par le d’usine ou sur le réseau ;
fond pour le site C) se traduit par une augmentation – il en est de même pour l’indice SUVA (rapport
des concentrations en THM, entre l’entrée et la sortie, COT/absorbance UV).
selon des ratios variant entre 1,0 et 3,2, pour des TSH Malgré tout, grâce aux analyses par chromatographie
estimés dans les réservoirs d’environ 80 à 100 h. par exclusion (Size Exclusion Chromatography, SEC)

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Étude

réalisées sur quelques échantillons, les concentra- routine. Néanmoins, les quelques valeurs obtenues
tions en THM en sortie d’usine et les concentrations montrent une corrélation intéressante.
maximales en réseau ont été représentées en fonction Dans son rapport de 2009, l’INVS a souligné le be-
de la quantité de substances humiques. Il est intéres- soin d’améliorer les connaissances sur la formation
sant de remarquer que, lorsque la quantité de et l’évolution des sous-produits de désinfection par
substances humiques augmente, les concentrations une recherche approfondie des indicateurs de matière
en THM en sortie d’usine et les concentrations organique naturelle.
maximales en THM augmentent.
4.4. Effet des saisons
La proximité maritime du site D et les fortes concen-
trations en bromures se traduisent par des quantités
90
élevées de THM bromés : le pourcentage de bromo- 80

forme dans les THM totaux varie de 1 à 37 % (15 % 70


60
en moyenne) pour les sites A, B et C, contre 34 à

TTHM (µg/L)
50

59 % (49 % en moyenne) pour le site D. 40


30

En outre, leur poids moléculaire, plus élevé que les 20


10
THM chlorés, se traduit par des concentrations très 0
1 7 22 40 60 100 125 160 195 280
importantes en THM totaux par rapport aux autres Temps de séjour (h)

sites : THM totaux moyens de 25 µg/L pour les sites Site A été Site B été Site C été Site D été
Site A automne Site B automne Site C automne Site D automne
A, B et C contre 53 µg/L pour le site D. De plus, les
THM bromés sont moins volatils. Cela confirme bien Figure 8. Évolution des trihalométhanes (THM) selon les saisons (THM moyen
par saison pour chaque site)
l’impact important des ions bromures dans la forma-
tion des THM.
Sur le site A, aucune variation des concentrations en
4.3.2. Absorbance UV THM n’est significative entre les périodes estivales et
automnales.
En revanche, lorsqu’on représente les concentrations
Sur le site B, la diminution significative des concen-
en THM maximales en réseau, en fonction de l’absor-
trations en THM en fin de réseau en automne pour-
bance UV à 254 nm, on observe que les deux para-
rait s’expliquer par une diminution du COT, mais
mètres évoluent dans le même sens (figure 7). La
surtout une forte baisse de l’absorbance UV et de
corrélation est significative (p < 0,05).
l’indice SUVA.
Cette analyse de l’absorbance UV (qui permet de Sur le site C, l’augmentation significative du COT en
détecter/quantifier la présence de matière organique automne ne se traduit pas par une variation des THM.
humique) reste spécifique et n’est pas réalisée en Cela pourrait être lié au fait que l’indice SUVA n’a
quant à lui pas évolué de manière importante entre
les deux saisons.
Enfin, sur le site D, malgré des valeurs en COT plus
élevées pendant la campagne automnale, les concen-
trations en THM ont très légèrement diminué (sur-
tout les valeurs maximales). Cela montre, comme
pour le site C, l’impact potentiel de l’absorbance UV
et de l’indice SUVA sur les THM.

5. Prédiction des trihalométhanes  :


évaluation des modèles
Cette étude a permis de retenir quatre modèles inté-
Figure 7. Concentrations en trihalométhanes (THM) maximales (μg/L) en
fonction de l'absorbance UV à 254 nm (cm–1) ressants dont les caractéristiques, les avantages et les

82 TSM numéro 11 - 2011 - 106e année


Coef. de Ajustement pour optimiser
Modèle Conditions choisies Avantages Inconvénients
corrélation prédiction

Une seule donnée d’entrée : Prédiction d’un « potentiel » de formation de


l’absorbance UV, simple à déterminer THM : évaluation des concentrations maximales à
CLARK et coll. 0,65
Sans objet THM max = 9,1+1,04*THM modèle Clark analytiquement attendre en réseau
[1994] (R2=0,42)
Peut servir en première approche L’absorbance UV n’est pas comprise dans les
rapide programmes de surveillance sur le réseau
Beaucoup de données d’entrée : pH, T (°C),
Paramètre « dose de chlore » bromures, COT, absorbance UV, dose de chlore,
= dose de chlore appliquée THM = 5,9+0,398*THMmodèle Montgomery Watson TSH
MONTGOMERY 0,78 (prise ici à 2 ou 3 mg/L en Permet de prédire la concentration Les données « dose de chlore » et TSH sont
WATSON [1993] (R2=0,61) fonction du site) Prise en compte uniquement de la en THM en tout point du réseau parfois difficiles à obtenir
Ajout des rechlorations pour formule établie avec Cl/Br < 50 Les bromures et l’absorbance UV ne sont pas
les points en aval compris dans les programmes de surveillance sur
le réseau
Beaucoup de données d’entrée : COT, T (°C),
absorbance UV, dose de chlore, temps de contact
en usine, THM0
Nécessité de connaître la concentration en
Paramètre « dose de chlore » Permet de prédire la concentration
chaque espèce de THM en sortie d’usine
= dose de chlore appliquée en THM en tout point du réseau
0,77 (prise ici à 2 ou 3 mg/L en THM = La donnée « temps de contact » de la chloration
Ne nécessite pas la connaissance
InVS [2009] en usine n’est pas toujours bien connue et peut
(R2=0,60) fonction du site) –12,12+1,74*THMmodèle INVS en µg/L des concentrations en ions bromures
varier en fonction des débits et niveaux dans la
Ajout des rechlorations pour Projet d’amélioration de ce modèle

TSM numéro 11 - 2011 - 106e année


bâche de chloration
les points en aval programmé courant 2012
Les données « dose de chlore » et TSH sont
parfois difficiles à obtenir
L’absorbance UV n’est pas comprise dans les
programmes de surveillance sur le réseau
Permet de prédire la concentration
Paramètre « dose de chlore »
en THM en tout point du réseau La donnée TSH est parfois difficile à obtenir
= consigne de chlore à la
SOHN et coll. 0,69 THM = 3,98+3,03*THMmodèle Sohn – COD Pas de nécessité de connaître la Les bromures et l’absorbance UV ne sont pas
chloration en usine
[2004] (R2=0,47) dose de chlore réellement injectée compris dans les programmes de surveillance sur
Pas de prise en compte des
(uniquement la consigne), ni le pH et la le réseau
rechlorations
température
COT : carbone organique total ; TSH : temps de séjour hydraulique.
Tableau IX. Bilan des quatre modèles présélectionnés pour la prédiction des concentrations en trihalométhanes (THM) en réseau de distribution d’eau potable (n = 77 points testés pour chaque modèle)

83
L’évolution des sous-produits de désinfection en réseau d'eau potable
Test de modèle prédictif pour évaluer l’impact des systèmes de distribution sur le comportement des trihalométhanes
L’évolution des sous-produits de désinfection en réseau d'eau potable
Test de modèle prédictif pour évaluer l’impact des systèmes de distribution sur le comportement des trihalométhanes

inconvénients sont récapitulés dans le tableau IX : – l’impact des rechlorations semble relativement
– un modèle très simple permettant d’évaluer unique- faible sur le point situé juste en aval de l’injection de
ment un « potentiel » de formation des THM, soit chlore. Néanmoins, les rechlorations en réseau ont
une évaluation des ordres de grandeur de concentra- statistiquement une influence sur l’ensemble des
tions en THM susceptibles d’être retrouvés en bout points situés en aval ;
de réseau ; – l’impact des substances humiques : plus on élimine
– trois modèles plus complexes permettant d’évaluer cette fraction de matière organique au sein de l’usine
les concentrations en THM en chaque point du de traitement, plus on pourra limiter la formation des
réseau, à partir de données d’entrée plus nombreuses. THM. L’analyse de l’absorbance UV (moins précise,
Certaines données nécessitent un travail spécifique mais plus rapide que l’analyse directe des concentra-
pour les obtenir, notamment le temps de séjour tions en substances humiques) peut servir de premier
hydraulique ou les doses de chlore injectées en usine indicateur de la présence de cette fraction réactive de
(les chlorations étant pilotées au résiduel). la matière organique ;
Parmi ces trois modèles, on en privilégiera deux : – en ce qui concerne la présence des ions bromures,
– le modèle de Montgomery Watson, en l’absence de aucune action préventive ne peut être menée. Néan-
données sur les concentrations en THM en sortie moins, on peut considérer que les sites présentant de
d’usine ; fortes concentrations en ions bromures (supérieures
– le modèle de l’INVS en présence de données sur les à la limite de quantification LQ de 25 µg/L) avec des
concentrations en THM en sortie d’usine. concentrations significatives en matière organique
Néanmoins, il faut noter que ces modèles ne permettent (COT > 1 mg/L), sont des sites à risque.
d’expliquer que 60 % de la variabilité de nos obser-
Cette étude a également permis de retenir quatre
vations en THM. Ces modèles pourront faire l’objet
modèles intéressants, parmi ceux disponibles dans la
d’une validation supplémentaire lors de nouvelles
littérature, pour prédire les concentrations en THM
campagnes de mesures. L’objectif serait de pouvoir
en réseau.
atteindre des coefficients de corrélation R2 d’environ 0,8.
Ils peuvent néanmoins déjà être utilisés sur les sites Toutes les données accumulées au cours des cam-
disposant de toutes les données d’entrée, grâce à pagnes ont aussi permis de développer une première
quelques analyses supplémentaires non incluses ébauche d’un nouveau modèle (le cinquième), qui
actuellement dans les programmes de surveillance présenterait potentiellement des performances pré-
(absorbance UV et bromure notamment). dictives supérieures. Ainsi dans la suite de notre
étude, cinq modèles seront testés pour déterminer le
Conclusions plus pertinent vis-à-vis des données d’entrée et de la
justesse de la prédiction.
Ce travail avait pour objectif de mieux appréhender
l’évolution des THM en réseau, d’identifier les para- Afin de mieux appréhender le risque lié à ces molé-
mètres influents sur ces concentrations et de recom- cules, notamment dans le cadre de l’application des
mander un ou des modèles prédictifs utilisables par démarches de gestion et prévention des risques
les exploitants. sanitaires (méthode HACCP, Water Safety Plans de
En termes de facteurs de risque et d’actions préven- l’OMS, norme ISO 22000), trois solutions peuvent
tives sur la présence des THM dans l’eau, on pourra être utilisées, en parallèle :
retenir : – analyse des THM aux points les plus « à risque » du
– l’impact fort du temps de séjour hydraulique. Ainsi, réseau ;
plus les TSH en réseau sont importants, plus on s’ex- – utilisation des modèles prédictifs afin d’évaluer un
pose à un risque d’augmentation des concentrations ordre de grandeur des concentrations maximales
en THM. Cependant, plus la concentration en THM attendues en réseau ;
est élevée en sortie d’usine, moins elle augmente – identification des paramètres les plus influents sur
ensuite dans le réseau ; la formation des THM afin de piloter leur réduction.

TSM numéro 11 - 2011 - 106e année 85


L’évolution des sous-produits de désinfection en réseau d'eau potable
Test de modèle prédictif pour évaluer l’impact des systèmes de distribution sur le comportement des trihalométhanes

L’utilisation des modèles prédictifs nécessitera quant choisir les points de prélèvements les plus adaptés et
à elle certaines analyses complémentaires de l’eau appliquer les modèles avec des données représen-
en sortie d’usine, notamment l’absorbance UV, ou
tatives du site. Cela nécessite la mise en place de
l’analyse des ions bromures.
Dans tous les cas, une bonne connaissance de l’hy- modèles hydrauliques (type Epanet, Piccolo…) sur
draulique des réseaux est indispensable pour pouvoir les réseaux.

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TSM numéro 11 - 2011 - 106e année 87


Étude

Résumé
S. GABORIT, D. LENES, L. GUICHOT, A. PONTHIEUX
L’évolution des sous-produits de désinfection en réseau d'eau potable. Test de modèle prédictif
pour évaluer l’impact des systèmes de distribution sur le comportement des trihalométhanes
Les campagnes d’analyses effectuées ont permis mesure de cette fraction (ou de l’absorbance UV)
de mettre en évidence quatre grandes conclusions renseigne sur les valeurs maximales en THM que
vis-à-vis de l’évolution des trihalométhanes (THM) l’on peut attendre en réseau. Ensuite, la quantité de
en réseau de distribution d’eau potable. Tout bromures peut influencer les concentrations et la
d’abord, l’impact important du temps de séjour en spéciation des THM. Pour finir, quatre modèles de
réseau sur la formation de THM. Cependant, plus la la littérature ont été sélectionnés, après des tests
concentration en THM est élevée en sortie d’usine sur les données des campagnes, pour prédire et
moins elle augmente ensuite dans le réseau. De piloter les concentrations en THM en réseau  : un
plus, si les rechlorations étudiées ne montrent pas modèle très simple et trois modèles plus complexes.
d’impact important sur l’évolution des THM immé- Deux d’entre eux (Mongomery Watson, 1993 ; INVS,
diatement après la station de rechloration, une 2009) montrent les corrélations les plus perfor-
influence est identifiée sur l’ensemble des points en mantes, mais nécessitent un plus grand nombre de
aval. En ce qui concerne les réservoirs, l’impact des données d’entrée (carbone organique total, absor-
configurations par surverse reste à valider. Par bance UV, bromures, dose de chlore, temps de
ailleurs, une fraction de la matière organique joue séjour hydraulique, et, pour le modèle INVS,
un rôle crucial : celle des substances humiques. La concentrations en THM en sortie d’usine).

A b st ra c t
S. GABORIT, D. LENES, L. GUICHOT, A. PONTHIEUX
The evolution of disinfection by-products in drinking water networks. A predictive model
test to assess the impact of distribution systems on trihalomethanes
The monitoring campaigns carried out made it humic substances. The measurement of this frac-
possible to highlight four main conclusions relating tion (or UV absorbance) gives information about
to the evolution of the thrihalomethanes (THM) in the maximum THM values that can be expected in
drinking water distribution systems (DS). First of the network. Moreover, the quantity of bromides
all, the significant impact of the residence time in can influence the concentrations and the specia-
the DS on THM formation. However, the higher the tion of THM. And last but not least, four models
concentration of THM is at the plant outlet, the less were selected in the literature, after calibrating
its concentration increases in the water distribu- them with data generated during previous campai-
tion network. Even though the studied rechlora- gns, to predict and control THM concentrations in
tions do not show significant impacts on the evolu- distribution systems: one simple model and three
tion of the THM downstream of the rechloration more complex models. Two of them (Montgomery
station, an influence is identified on the overall Watson, 1993; INVS, 2009) show the highest per-
points downstream. Second, with regard to the formances but require more data (TOC, bromides,
tanks, the impact of the overflow configurations chlorine dose, UV absorbance, hydraulic residence
remains to be validated. Third, a fraction of the time while the INVS model requires THM concen-
organic matter plays a crucial role: that of the trations at the outlet of the plant).

88 TSM numéro 11 - 2011 - 106e année

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