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La démonstration

Fiche

Comme le remarquait Husserl, la volonté de démontrer est apparue en Grèce


antique, aussi bien dans le domaine mathématique que dans celui de la logique.
Être rationnel, l'homme a en effet la possibilité d'articuler des jugements prédicatifs
(du type « Sujet est Prédicat ») dans des raisonnements en trois temps nommés
syllogismes, et qui sont la forme même de la démonstration.

1. Qu'est-ce que la logique formelle ?


Il existe différents genres de jugements prédicatifs qui vont permettre différents types de
combinaisons. Il faut en effet distinguer quatre quantités dans nos jugements
(universelle, particulière, indéfinie, singulière) et deux qualités (affirmative et négative).
Par exemple, « tout S est P » est une proposition universelle affirmative, et « quelque S
n'est pas P », une proposition particulière négative. Produire une démonstration, alors,
c'est combiner ces différents types de propositions en syllogismes, en sorte que la
conclusion s'impose nécessairement. Or, ce que remarque Aristote, c'est que certaines
combinaisons sont possibles, mais que d'autres ne sont pas concluantes, quel que soit le
contenu des propositions – on dira en de tels cas que le raisonnement est formellement
faux. La logique formelle a alors pour but de montrer quelles sont les formes possibles
d'un raisonnement cohérent, c'est-à-dire d'établir les règles formelles de la pensée,
indépendamment du contenu de cette pensée.

 Exercice n°1

2. Qu'est-ce qu'un syllogisme concluant ?


Un syllogisme est constitué de deux prémisses (une majeure et une mineure) et d'une
conclusion. Par exemple, « tous les hommes sont mortels (prémisse majeure), or tous les
philosophes sont des hommes (prémisse mineure) donc tous les philosophes sont
mortels (conclusion) » : c'est-à-dire, « Tout A est B, or tout C est A, donc tout C est B ».
Ce syllogisme, constitué d'une majeure, d'une mineure et d'une conclusion universelles
affirmatives, est effectivement concluant (la conclusion est nécessairement déduite). Mais
il existe des combinaisons incorrectes, comme : « Tout A est B, or quelque B est C,
donc tout A est C » ; comme le montrera Leibniz, parmi les 512 combinaisons
syllogistiques possibles, 88 seulement sont concluantes. Les autres sont des
paralogismes, c'est-à-dire des syllogismes formellement faux. Quelle que soit la
combinaison, il faut en fait, pour que le raisonnement soit concluant, que la conclusion soit
déjà contenue dans les prémisses : c'est seulement dans ce cas qu'elle est
nécessairement déduite, donc que le syllogisme est concluant du point de vue formel.
 Exercice n°2

3. La logique formelle peut-elle constituer l'instrument de toute


connaissance ?
• Telle que nous l'avons définie, la logique est une science formelle. Comme telle, elle est
une condition nécessaire, mais non suffisante, pour la vérité d'une démonstration : un
syllogisme peut être concluant du point de vue formel, et faux du point de vue matériel,
c'est-à-dire eu égard à son contenu. « César est un nombre premier ; or un nombre
premier n'est divisible que par un et par lui-même ; donc César n'est divisible que par un et
par lui-même » est un syllogisme formellement cohérent, mais absurde matériellement
(dans son contenu).

• D'ailleurs, un syllogisme pose ses prémisses comme étant vraies sans pour autant le
démontrer. En fait, la logique n'a pas pour but de démontrer la vérité des prémisses, mais
d'établir toutes les déductions cohérentes qu'on peut en tirer : si j'admets que la majeure
est vraie, et si j'admets que la mineure est vraie, que puis-je en tirer comme conclusion ?
Au début de chaque syllogisme, nous sous-entendons donc : « s'il est vrai que » : les
prémisses sont des hypothèses , et la logique en tant que telle ne peut produire que des
raisonnements hypothético-déductifs. La logique n'augmente en rien notre connaissance,
elle ne fait qu'expliciter une conclusion qui par définition devait déjà être contenue dans les
prémisses, en ne tenant en outre aucun compte du contenu même des propositions.
Aristote, nous dit Descartes, s'est trompé sur ce point : la logique, art de la démonstration
formelle, est l'art des démonstrations vides et en un sens, inutiles. Elle ne saurait servir de
méthode ou d'instrument (en grec organon) à la connaissance en général.

 Exercice n°3

4. Y a-t-il une autre méthode pour démontrer ?


• Selon Pascal dans L'Esprit de la géométrie, c'est la mathématique, et plus exactement
la géométrie, qui fournit à la connaissance le moyen de découvrir la vérité et de la
démontrer : il ne faut employer aucun terme sans en avoir d'abord expliqué le sens, et
n'affirmer que ce que l'on peut démontrer par des vérités déjà connues.
Mais il y a des termes que l'on ne saurait définir, parce qu'ils nous servent à définir tout le
reste : les « mots primitifs ». Ainsi, je ne peux pas définir des mots comme « temps » ou
« être », mais je n'ai pas besoin d'une telle définition, parce que je sais intuitivement ce
que ces mots veulent dire.

• La méthode géométrique ne nous conduit donc pas à vouloir tout définir, mais au
contraire à partir de termes absolument évidents pour définir les autres et commencer nos
déductions. C'est exactement ce que dit Descartes : la méthode de la connaissance, c'est
la méthode géométrique, qui consiste à déduire des vérités de plus en plus complexes à
partir d'idées claires et distinctes.
Ainsi, dans son Éthique, Spinoza va appliquer à la philosophie la méthode des géomètres :
on pose des définitions et des axiomes dont on déduit tout le reste, y compris l'existence et
la nature de Dieu.

 Exercice n°4

5. La méthode géométrique peut-elle constituer l' organon de la


connaissance ?
• Leibniz montre qu'on ne peut généraliser la méthode géométrique à toute la
connaissance : avec cette méthode, toutes les déductions reposent en effet sur des
termes primitifs indéfinissables, mais réputés parfaitement clairs et évidents. Or, pour
Leibniz, l'évidence est un critère purement subjectif : quand je me trompe, je prends une
erreur pour une évidence, en sorte que l'évidence n'est pas à elle seule le signe de la
vérité.
Kant, surtout, va démontrer que la méthode géométrique n'a de sens qu'en
mathématiques : la définition du triangle me dit ce qu'est un triangle, mais pas s'il existe
réellement quelque chose comme un triangle. La méthode géométrique est donc incapable
de passer de la définition à l'existence.

• Cela n'a aucune importance en mathématiques : peu importe au mathématicien que le


triangle existe réellement : pour lui, la question est simplement de savoir ce que l'on peut
démontrer à partir de la définition du triangle et des axiomes de la géométrie. Mais quand
la métaphysique entend démontrer l'existence de Dieu selon une méthode mathématique,
elle est dans l'illusion, parce que les mathématiques sont justement incapables de
démontrer l'existence de leurs objets. Selon Kant, le seul moyen à notre portée pour savoir
si un objet correspond réellement au concept que nous en avons, c'est l'expérience
sensible. Au-delà des limites de cette expérience, nous pouvons penser, débattre,
argumenter, mais pas démontrer ni connaître.

 Exercice n°5

La citation
« À l'auberge de l'évidence, Monsieur Descartes a oublié de mettre une enseigne. »
(Claude Adrien Helvétius)
Exercices
Exercice 1

Dans l'expression « logique formelle », « formelle » désigne :


Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).

la forme du raisonnement, indépendamment de son contenu ou


matière.

la forme de la connaissance (le concept) par opposition à sa matière


sensible.

les règles qu'il est conseillé de respecter si l'on veut éviter la


confusion.

Exercice 2

Un paralogisme, c'est :
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).

un raisonnement formellement
faux.

un raisonnement conclusif en trois


temps.

un raisonnement qui n'est pas


concluant.
Exercice 3

Pourquoi selon Descartes la logique ne peut-elle pas constituer


l'organon (l'instrument) de la connaissance ?
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).

Comme il suffit qu'un raisonnement soit formellement cohérent pour qu'il soit vrai, la
logique est une science inutile.

Comme elle constitue un système hypothético-déductif, la logique est nécessairement


vraie.

Comme elle fait abstraction de tout contenu, la logique est une science
vide.

Exercice 4

Pourquoi selon Pascal ne puis-je pas définir les « mots primitifs » ?


Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).

parce que leur définition serait plus complexe


qu'eux

parce que ce sont des termes premiers à l'aide desquels nous définissons tous les
autres

parce que nous en avons déjà une connaissance


intuitive
Exercice 5

Pourquoi la mathématique ne peut-elle pas fournir une méthode pour


toute connaissance ?
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).

parce que la mathématique est incapable de passer de la définition d'un être à la


preuve de son existence

parce qu'il y a des domaines de la connaissance qui ne sont pas


mathématisables

parce que nous ne pourrons jamais tout démontrer et que la connaissance elle-même
a ses limites
Correction
Exercice n°1
la forme du raisonnement, indépendamment de son contenu ou matière.

Exercice n°2
1. un raisonnement formellement faux.
2. un raisonnement qui n'est pas concluant.

Exercice n°3
Comme elle fait abstraction de tout contenu, la logique est une science vide.

Exercice n°4
1. parce que leur définition serait plus complexe qu'eux
2. parce que ce sont des termes premiers à l'aide desquels nous définissons tous les
autres

Exercice n°5
parce que la mathématique est incapable de passer de la définition d'un être à la
preuve de son existence

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