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Archives de pédiatrie 11 (2004) 417–422

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Mémoire original

Inhalations méconiales nécessitant une ventilation mécanique :


incidence et prise en charge respiratoire en France (2000–2001)
Meconium aspiration syndrome requiring mechanical ventilation:
incidence and respiratory management in France (2000–2001)
P. Nolent *, F. Hallalel, J.Y. Chevalier, C. Flamant, S. Renolleau
Service de réanimation néonatale et pédiatrique, hôpital d’enfants Armand-Trousseau, AP-HP, 26, avenue du Dr-Netter, 75571 Paris cedex 12, France
Reçu le 9 juillet 2003 ; accepté le 16 février 2004
Disponible sur Internet le 15 avril 2004

Résumé
Objectifs. – Préciser le nombre de nouveau-nés à terme ayant un syndrome d’inhalation méconiale nécessitant une ventilation mécanique
pour les années 2000 et 2001 en France métropolitaine, ainsi que la mortalité qui peut y être rapportée. Étudier les stratégies thérapeutiques
pour la prise en charge de ces enfants.
Méthode. – Un questionnaire a été envoyé dans toutes les unités de France métropolitaine où sont pris en charge des nouveau-nés
nécessitant une ventilation mécanique.
Résultats. – Trente-neuf centres de niveau III ont été contactés et 31 ont répondu (80 %). Trente centres ont rapporté au total 265 cas en
2000 et 249 cas en 2001. En extrapolant sur les 39 centres, on retiendrait un chiffre de 347 cas en 2000 et 324 cas en 2001. La mortalité a été
stable sur les deux années : 6,4 %. Les causes de décès étaient : neurologiques 61 %, respiratoires 18 % et autres causes 21 %. Vingt-six centres
sur 29 utilisaient les « nouvelles » thérapeutiques : surfactant et/ou ventilation par oscillation à haute fréquence (OHF) et/ou monoxyde d’azote
inhalé. L’ordre d’utilisation et les critères d’indication de ces thérapeutiques étaient très variables avec une majorité de centres qui utilisaient
l’OHF en première intention.
Conclusions. – Le syndrome d’inhalation méconiale demeure une affection néonatale de fréquence non négligeable malgré une stratégie
de prévention bien codifiée. En revanche, les modalités de la prise en charge respiratoire en réanimation restent très variables.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract
Objectives. – To precise the number of term neonates with a meconium aspiration syndrome requiring mechanical ventilation in 2000 and
2001 in continental France and the related mortality. To study the different respiratory management.
Method. – A written questionnaire was sent to all intensive care units of continental France.
Results. – Thirty-nine units were contacted and 31 answered (80%). On 30 answering centers, 265 cases are reported in 2000 and 249 in
2001. Extrapolation to the 39 centers led to a number of 347 cases in 2000 and 324 in 2001. Mortality rate was 6.4% for 2 years. Causes of death
were: neurological 61%, respiratory 18% and others 21%. Twenty-six on 29 units used exogenous surfactant and/or high frequency oscillatory
ventilation (HFOV) and/or inhaled nitric oxide (iNO). The sequence of use and the indication criteria of these therapies were quite variable
with a majority of units using HFOV in the first place.
Conclusions. – Meconium aspiration syndrome is still a frequent neonatal condition despite a codified prevention strategy. Respiratory
management in intensive care units remains very variable.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Inhalation méconiale ; Nouveau-né

Keywords: Meconium aspiration syndrome; Infant, newborn

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : paul.nolent@trs.ap-hop-paris.fr (P. Nolent).

© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.


doi:10.1016/j.arcped.2004.02.017
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La prise en charge préventive obstétricale et pédiatrique 2. Résultats


en salle de naissance des enfants nés dans un contexte de
liquide amniotique méconial est relativement standardisée Trente-neuf centres de niveau III ont été contactés et
depuis les années 1990 [1,2]. Malgré cela, l’inhalation méco- 31 ont répondu (80 %). Un centre n’a pas donné de réponse
niale demeure une cause importante de détresse respiratoire chiffrée et deux centres n’ont pas précisé leur stratégie thé-
aiguë du nouveau-né tant en termes de fréquence que de rapeutique. Les réponses couvrent de façon équilibrée l’en-
gravité immédiate et à long terme. semble du territoire métropolitain.
Nous ne disposons de données épidémiologiques que pour
les États-Unis d’Amérique. Ces études donnent un pourcen- 2.1. Incidence
tage de naissances dans un liquide méconial entre 5,6 et 24 %
(médiane à 14 %). Un syndrome d’inhalation méconiale Le nombre rapporté de nouveau-nés à terme présentant un
(SIM) est rapporté dans 1,7 à 35,8 % des naissances dans un SIM et nécessitant une ventilation mécanique a été de 265 en
liquide méconial et la ventilation mécanique est nécessaire 2000 et de 249 en 2001 pour les 30 centres qui ont répondu.
chez 30 % de ces enfants [3,4]. On peut, par extrapolation, estimer un chiffre global national
En ce qui concerne la prise en charge thérapeutique respi- (métropolitain) de 347 en 2000 et de 324 en 2001. Le nombre
ratoire des enfants ayant un SIM, il n’existe aucun consensus moyen par centre était de 8,9 cas en 2000 et 8,3 en 2001 avec
malgré les avancées récentes en termes de physiopathologie une médiane, respectivement à 6 et 6,5 et les extrêmes sui-
(rôle du surfactant, hypertension artérielle pulmonaire) et de vants : 0–32 et 0–26. Le nombre de cas par centre et par an est
moyens thérapeutiques (surfactant exogène, monoxyde rapporté sur la Fig. 1. Deux centres en 2000 et trois centres en
d’azote inhalé, ventilation par oscillation à haute fréquence) 2001 n’ont eu aucun cas.
[3,5,6]. Le registre AUDIPOG donne un taux de 5 % de naissances
Le premier objectif de ce travail a été de tenter de préciser qui surviennent dans un liquide méconial.
le nombre de nouveau-nés qui ont présenté un SIM nécessi-
tant une ventilation mécanique pour les années 2000 et 2001 2.2. Mortalité
en France métropolitaine ainsi que la mortalité qui peut y être
rapportée. Un autre objectif a été d’étudier les différentes Le nombre d’enfants hospitalisés pour SIM décédés a été
stratégies thérapeutiques mises en œuvre dans les unités où de 17 en 2000 et de 16 en 2001, soit une mortalité globale de
étaient pris en charge les enfants atteints. 6,4 % en 2000 et 2001. Les causes de décès chez les patients
présentant un SIM étaient minoritairement d’origine respira-
1. Méthode toire.
Les causes respiratoires de décès étaient retenues dans
Un questionnaire a été envoyé dans toutes les unités de trois cas (17,5 %) en 2000 et trois cas (19 %) en 2001 soit
France métropolitaine où pouvaient être pris en charge des 18 % sur les deux années. Il s’agissait dans tous les cas d’un
nouveau-nés avec une détresse respiratoire nécessitant une décès par hypoxémie réfractaire.
ventilation mécanique (niveau III). Un rappel par courrier Les causes neurologiques de décès représentaient 11 cas
puis un rappel téléphonique ont été effectués. (65 %) en 2000 et neuf cas (56 %) en 2001 soit 61 % sur les
Les critères de définition du SIM ont été laissés ouverts. deux années.
Dans une première partie, les questions concernaient le Les autres causes de décès représentaient trois cas
nombre de nouveau-nés de terme supérieur à 37 semaines (17,5 %) en 2000 et quatre cas (25 %) en 2001 soit 21 % sur
d’aménorrhée présentant un SIM nécessitant une ventilation les deux années. Il s’agissait de causes infectieuses (deux
mécanique et, parmi ceux-ci, le nombre d’enfants décédés et cas), de défaillances multiviscérales (deux cas) que l’on
les causes de décès pour les années 2000 et 2001. Le contexte
obstétrical n’était pas à préciser. 14
Dans une deuxième partie, les questions concernaient la
12
prise en charge thérapeutique avec l’utilisation ou non, dans
quel ordre et selon quels critères, des thérapeutiques suivan- 10

tes : surfactant exogène, ventilation par oscillation à haute 8


2000
fréquence (OHF) et monoxyde d’azote inhalé (NO). Aucun 2001
6
critère n’était suggéré et les réponses étaient libres. Une
dernière question concernait la technique d’administration 4

du surfactant exogène : bolus ou lavage trachéobronchique 2


ou lavage trachéobronchique et bolus.
0
La base de données de l’AUDIPOG (association des utili- <5 cas par an 5 à 10 cas par an > 10 cas par an
sateurs du dossier informatisé en périnatalogie, obstétrique et
gynécologie) a été interrogée pour estimer le nombre de Fig. 1. Nombre de cas d’inhalations méconiales nécessitant une ventilation
nouveau-nés qui naissent dans un liquide méconial. mécanique par centre et par an.
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pouvait relier au SIM, de syndrome polymalformatif (un pulmonaire (HTAP). Le critère paraclinique était l’exis-
cas), de trouble du rythme cardiaque (un cas) de malaise tence d’une HTAP à l’échographie cardiaque ;
tardif qu’on ne peut relier au SIM (un cas). • la technique d’administration du surfactant exogène la
plus répandue était le bolus : 25 centres sur les 27 qui
2.3. Prise en charge thérapeutique respiratoire utilisaient le surfactant, soit 92,5 % contre deux centres
(7,5 %) qui réalisaient des lavages trachéobronchiques.
Parmi les centres qui ont répondu, un centre n’utilisait ni Il n’a pas été possible de réaliser une analyse statistique de
le monoxyde d’azote ni la ventilation par OHF, un centre la mortalité en fonction des thérapeutiques entreprises en
n’utilisait ni la ventilation par OHF, ni le surfactant et un raison du faible taux de décès d’origine respiratoire et de
centre n’utilisait pas le surfactant. Deux centres n’ont pas l’absence de réel protocole de prise en charge pour ces
donné leur protocole. Pour les 26 centres qui utilisaient les patients.
trois thérapeutiques, l’ordre d’utilisation et les critères d’in-
dication étaient assez variables et cinq des six combinaisons 3. Discussion
possibles étaient retrouvées dans les réponses (Fig. 2).
Les critères d’indication des traitements qui ont été re- Les principaux résultats de cette enquête sont les suivants :
cueillis peuvent être regroupés de la façon suivante : un nombre d’enfants ayant un SIM et nécessitant une venti-
• pour le surfactant exogène, les critères « cliniques » lation mécanique qui reste important (environ un par jour en
étaient des besoins en oxygène supérieurs à un certain France), une mortalité relativement élevée essentiellement
seuil, ce seuil variant selon les réponses entre 30 et d’origine neurologique et une prise en charge respiratoire
60 % ; ou bien une hypoxie sans plus de précision. très variable selon les centres.
L’échec des traitements entrepris au préalable pouvait 3.1. Épidémiologie
aussi être un critère d’indication. Il n’a pas été précisé de
niveaux de pression d’insufflation. Le critère radiologi- La codification de la prise en charge en salle de naissance
que était l’existence d’un syndrome alvéolaire. Ce cri- des nouveau-nés naissant dans un liquide méconial a très
tère était parfois associé à un critère clinique ; probablement diminué l’incidence des SIM peu sévères et la
• pour la ventilation par OHF, l’utilisation systématique sévérité de certains SIM.
en première intention était le principal critère d’indica- Il était impossible, dans cette étude, de retrouver l’attitude
tion. Les critères cliniques étaient l’échec de la ventila- en salle de naissance dans la mesure où l’enquête a été
tion conventionnelle en termes de pression moyenne de réalisée dans les centres de niveau III qui drainent un ensem-
ventilation, de pression expiratoire positive ble de maternités qui n’ont pas toutes les mêmes protocoles.
(> 4 cmH2O) ou de fraction inspirée d’oxygène (FiO2) Cette étude ne tient pas compte des centres de niveau II b
se traduisant par une hypoxémie et/ou une hypercapnie. qui peuvent prendre en charge des nouveau-nés ayant un SIM
Les critères radiologiques étaient l’existence d’un syn- nécessitant une ventilation mécanique brève. Il est donc
drome alvéolaire ou une inhomogénéité du parenchyme probable que le chiffre réel de nouveau-nés ayant un SIM
pulmonaire ; nécessitant une ventilation mécanique est un peu supérieure
• pour le traitement par NO, les critères cliniques étaient aux estimations de cette étude. Néanmoins, les résultats de
l’existence d’une hypoxémie réfractaire malgré les trai- cette enquête sont compatibles avec les estimations épidé-
tements déjà entrepris, une FiO2 > 0,5 ou 0,6, ou des miologiques nord-américaines. En France, si on considère
signes cliniques évoquant une hypertension artérielle les 774 800 naissances en 2000 et 2001 avec, selon le registre
AUDIPOG, 5 % de naissances dans un liquide méconial, on
NO/OHF/S obtient un chiffre de 38 740 naissances dans un liquide
S/OHF/NO
NO/S/OHF 0% méconial [7]. Notre enquête rapporte environ 347 cas en
15%
8% 2000 et 324 cas en 2001 d’enfants ayant un SIM nécessitant
une ventilation mécanique, soit respectivement 0,9 et 0,84 %
des naissances dans un liquide méconial. Les études améri-
S/NO/OHF caines donnent un pourcentage de naissances dans un liquide
15% méconial entre 5,6 et 24 % (médiane à 14 %). Un SIM est
OHF/NO/S rapporté dans 1,7 à 35,8 % des naissances dans un liquide
39% méconial et la ventilation mécanique est nécessaire chez
30 % de ces enfants [3,4].
Les mortalités rapportées dans les publications américai-
OHF/S/NO
nes sont comparables à celles de notre étude : 4 à 7 % [3].
23% 3.2. Prise en charge thérapeutique
Fig. 2. Répartition des séquences d’utilisation du surfactant (S), de la venti-
lation par oscillation à haute fréquence (OHF) et du monoxyde d’azote La physiopathologie de la détresse respiratoire dans l’in-
inhalé (NO). halation méconiale est complexe et dépend de plusieurs fac-
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teurs : obstruction mécanique des voies aériennes par le amélioration des échanges gazeux. Une étude sur un modèle
méconium et par la réaction inflammatoire induite par celui- animal (porcelets) de SIM a montré de moindres lésions
ci ; pneumonie « chimique » causant un œdème et une histologiques pulmonaires dans le groupe ventilé en OHF
inflammation alvéolaire et parenchymateuse ; altération de la [14]. Les travaux menés chez l’homme ont essentiellement
morphologie et de la composition, inhibition des fonctions et étudié l’utilisation de l’OHF en situation d’échec de la ven-
de la synthèse du surfactant par le méconium ; toxicité tilation conventionnelle et avant le recours à l’AREC. Ces
tissulaire extrapulmonaire chimique du méconium et vaso- différentes publications rapportent un intérêt potentiel en
constriction artérielle due au méconium. termes de sauvetage et notamment pour diminuer le recours à
L’atteinte du surfactant, via de multiples mécanismes, l’AREC [15]. En revanche, la seule étude randomisée entre
semble jouer un rôle prépondérant dans l’origine de la dé- OHF et ventilation conventionnelle n’a montré aucune diffé-
tresse respiratoire lors de l’inhalation méconiale. Les fonc- rence significative concernant l’évolution des malades [16].
tions physiques et chimiques du surfactant sont altérées. In Cette étude n’a inclus que 81 patients alors que l’échantillon
vivo, en présence de méconium, on observe une diminution nécessaire pour détecter des différences significatives était de
de la compliance dynamique pulmonaire [8]. In vitro, on 250. L’interruption de l’étude est due à l’augmentation de
observe une augmentation de la tension de surface lors de l’utilisation de l’OHF par les centres participants. Néan-
prélèvements réalisés par lavages bronchoalvéolaires dans moins, aucune différence significative n’a pu être retrouvée
un modèle animal (porcelets) d’inhalation méconiale [8]. On en ce qui concerne la mortalité, la durée de ventilation, le
peut séparer les différents composants du surfactant en une recours à l’AREC, la dysplasie broncho-pulmonaire.
fraction soluble dans l’eau et le méthanol (les protéines et la L’échec du mode de ventilation nécessitant un changement
bilirubine) et en une fraction soluble dans le chloroforme de ventilation est survenu chez 24 patients sur 40 en ventila-
(acides gras libres, triglycérides, cholestérol). Ces deux frac- tion conventionnelle et chez 17 patients sur 39 en OHF. Le
tions entraînent une inhibition du surfactant [9,10]. De façon sous-groupe des enfants ayant un SIM n’a pu être analysé.
plus précise, le cholestérol entraîne une fluidification du film L’administration de surfactant exogène dans les SIM peut
de surfactant et une augmentation de la tension de surface. avoir plusieurs intérêts : diminution de l’inhibition du surfac-
Les acides gras s’incluent dans la monocouche lipidique du tant endogène, compensation du déficit électif en protéine
surfactant et la déstabilisent. Il existe également une inhibi- SP-B et compensation de l’altération des pneumocytes II.
tion indirecte du surfactant via la réaction inflammatoire Les différentes études cliniques menées chez l’homme ont
induite par le méconium en raison de l’afflux de neutrophiles montré l’efficacité de fortes doses de surfactant en termes de
et de la libération de protéases [8]. La composition du surfac- diminution du recours à l’AREC, d’oxygénation et de durée
tant est modifiée avec une diminution des taux de protéines de ventilation [17]. Dans toutes ces études, le surfactant a été
SP-A et SP-B [11]. La synthèse du surfactant est atteinte par administré en bolus. Plus récemment, l’utilisation en lavage
diminution de la synthèse des protéines du surfactant par les trachéobronchique du surfactant dilué a été l’objet de publi-
pneumocytes II. Le méconium a une toxicité directe sur les cations. Les avantages théoriques du lavage par rapport au
pneumocytes II avec, entre autres, une accumulation de cal- bolus sont les suivants : meilleure distribution dans les pou-
cium intracellulaire causée par les sels biliaires, des perfora- mons, action détergente du surfactant dilué sur le méconium,
tions de la membrane cellulaire causée par la lysophosphati- remplacement du surfactant altéré. Les premières études
dyl choline [12]. La réaction inflammatoire peut, par les menées chez l’homme montrent une très bonne tolérance et
eicosanides, également jouer un rôle dans la vasoconstriction une efficacité en termes d’oxygénation comparativement à
artériolaire pulmonaire et l’HTAP [13]. des patients ne recevant pas de surfactant. Lam et Yeung ont
À la lumière des données physiopathologiques, plusieurs rapporté une série de six cas consécutifs de nouveau-nés à
options thérapeutiques existent : la ventilation mécanique terme ayant un SIM sévère et qui ont été traités par lavage
conventionnelle ou par oscillation à haute fréquence, l’admi- bronchoalvéolaire de surfactant dilué [18]. Comparés à six
nistration de surfactant exogène, le monoxyde d’azote in- cas témoins historiques, ces six patients ont montré une
halé. L’oxygénation extracorporelle (AREC) conserve ses bonne tolérance, une amélioration respiratoire plus rapide
indications en cas d’échec de ces thérapeutiques. (index d’oxygénation, pression moyenne de ventilation,
La ventilation mécanique conventionnelle peut être ren- FiO2), une durée de ventilation mécanique et d’oxygénodé-
due difficile et dangereuse lorsqu’il existe une grande hété- pendance plus courte et une moindre mortalité (zéro sur six
rogénéité des lésions pulmonaires (rétraction, distension) contre deux décès sur six). Plus récemment, Wiswell et al.
pouvant nécessiter des pressions inspiratoires et une pression ont rapporté une étude multicentrique, randomisée, contrô-
expiratoire positive élevées. Le risque de barotraumatisme et lée, de lavage trachéobronchique au surfactant (Surfaxin®)
de pneumothorax est alors important et peut compromettre la dilué dans le SIM. Cette étude incluant 22 enfants (15 sur-
survie du patient. Les avantages théoriques de l’OHF par faxin et sept témoins) a conclu à une bonne tolérance et à une
rapport à la ventilation mécanique conventionnelle sont les efficacité « potentielle » [19]. Une troisième option thérapeu-
suivants : diminution du risque de barotraumatisme, tique est possible : un lavage trachéobronchique initial suivi
meilleure mobilisation des sécrétions présentes dans les d’un bolus. Cette option combinerait l’action détergente et
voies aériennes, augmentation du recrutement alvéolaire et l’apport important de surfactant exogène [20]. Le choix de la
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technique d’administration du surfactant est fondé sur des La grande variabilité de la prise en charge respiratoire qui
avantages théoriques. Il n’existe pas, à notre connaissance, apparaît dans cette étude traduit bien l’absence de consensus
d’étude qui compare les trois techniques d’administration. ou de recommandation, au niveau régional ou national, pour
Le monoxyde d’azote inhalé est un vasodilatateur sélectif la prise en charge de ces patients.
du lit vasculaire pulmonaire qui lutte contre l’HTAP sans
augmenter le shunt intra-pulmonaire. Sur un modèle animal
(porcelets) de SIM, il a été montré une amélioration signifi- 4. Conclusion
cative de l’oxygénation dans le groupe traité avec du NO
inhalé [21]. Sur un modèle similaire, l’oxygénation est amé- L’inhalation méconiale n’est pas une situation à sous-
liorée par le NO inhalé après administration de surfactant estimer en termes de nombre de nouveau-nés atteints et en
exogène [22]. Quant aux études chez l’homme, une méta- termes de pronostic vital et respiratoire. Même si un véritable
analyse regroupant 12 études randomisées (1326 patients) a consensus général semble difficile à obtenir, des travaux
montré qu’il convient d’utiliser le NO inhalé chez les communs pourraient faire progresser la prise en charge res-
nouveau-nés à terme qui présentent une hypoxémie réfrac- piratoire de ces malades en proposant une stratégie thérapeu-
taire aux thérapeutiques « classiques » (à l’exception des tique adaptée aux données récentes en matière de physiopa-
hernies diaphragmatiques) [23]. La sous-population des SIM thologie et de recherche clinique. La diminution de
n’a pas fait l’objet d’une étude particulière dans cette méta- l’incidence et de la sévérité des SIM passe certainement par
analyse. une large diffusion des stratégies de prévention en salle de
Même si l’apport des thérapeutiques actuelles a permis de naissance.
diminuer le nombre d’enfants présentant un SIM sévère et
qui nécessitent un traitement par AREC, le SIM sévère de-
meure une bonne, sinon la meilleure, indication d’AREC en Remerciements
cas d’hypoxémie réfractaire [24,25]. Les critères d’indica-
tion d’AREC sont une hypoxémie réfractaire aux thérapeuti-
Nous tenons à remercier vivement l’ensemble des centres
ques conventionnelles maximales se traduisant par : un index
qui ont répondu au questionnaire et qui ont permis la réalisa-
d’oxygénation supérieur à 40 pendant trois à huit heures, une
tion de ce travail.
pression artérielle en oxygène (PaO2) inférieure à 40 mmHg
ou une acidose respiratoire avec un pH inférieur à 7,15 (index
d’oxygénation = Pmoy × FiO2/PaO2 avec Pmoy = pression
Références
moyenne de ventilation). La survie globale d’après le registre
mondial, est de 94 % sur 5976 cas [26]. Les études de suivi à
[1] Wiswell TE, Fuloria M. Management of meconium - stained amniotic
long terme montrent un moins bon pronostic général et res- fluid. Clin Perinatol 1999;26:659–68.
piratoire pour les enfants ayant survécu sans AREC alors [2] Wiswell TE, Gannon CM, Jacob J, Goldsmith L, Szyld E,
qu’ils en avaient les critères d’indication [27–29]. En ce qui Weiss K, et al. Delivery room management of the apparently vigorous
concerne le service de réanimation néonatale et pédiatrique meconium – stained neonate: results of the multicenter; international
de l’hôpital Armand-Trousseau, le pourcentage de survie est collaborative trial. Pediatrics 2000;105:1–7.
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OHF et NO puis a réaugmenté depuis 1999 (Fig. 3). Cette [4] Findlay RD, Taeusch HW, Walther FJ. Surfactant replacement therapy
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