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UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES

SOLVAY BUSINESS SCHOOL

MASTERE SPECIAL EN GESTION FISCALE

QUESTIONS APPROFONDIES D’IMPOT DES


PERSONNES PHYSIQUES

QUATRIEME PARTIE – TRANSFERT D’UNE ACTIVITE


PROFESSIONNELLE A UNE SOCIETE

Pascale HAUTFENNE

Année académique 2013-2014

SD/08/Document1 1
LE TRANSFERT D’UNE ACTIVITE PROFESSIONNELLE
EXERCEE EN PERSONNE PHYSIQUE A UNE SOCIETE

Nous n’examinons dans le présent cours que les motivations fiscales liées à
l’impôt des personnes physiques.

Il va de soi que le recours à une structure sociétaire implique beaucoup d’autres


avantages, tant sur le plan juridique que sur le plan du droit fiscal.

La structure sociétaire permet également la transmission d’un patrimoine de


manière plus aisée, via la vente ou de la donation des actions de la société, etc.

Nous n’entrons toutefois pas dans le cadre du présent cours dans ces
problématiques qui, le cas échéant, peuvent faire l’objet d’une étude
approfondie dans un cours de planification patrimoniale.

I. INTERET DU PASSAGE EN SOCIETE

1. Différence de taux

* La première motivation à l’origine du passage en société par une


personne physique exerçant une activité professionnelle peut être
trouvée dans les différences de taux entre l’impôt des personnes
physiques et l’impôt des sociétés.

Depuis la réforme de l’impôt des personnes physiques (L. 10 août 2001)


et celle de l’impôt des sociétés (L. 24 décembre 2002), les taux sont les
suivants :

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Impôt des personnes Taux Impôt des sociétés Taux
physiques Barème des bénéfices
Barème revenus nets (F) nets (F)
0,01 € - 7.560,00 € 25 % Taux réduit
7.560,00 – 10.760,00 € 30 % 0 – 25.000 € 24,25 %
10.760,00 – 17.920,00 € 40 % 25.000 – 90.000 € 31 %
17.920,00 – 32.860,00 € 45 % 90.000 – 322.500 € 34,5 %
>32.860,00 € 50 %
Taux ordinaire 33 %

On peut donc constater qu’outre la différence de taux entre l’impôt des


personnes physiques et l’impôt des sociétés, la progressivité de ceux-ci
est plus importante à l’impôt des personnes physiques qu’à l’impôt des
sociétés.

* Cependant, les taux réduits à l’impôt des sociétés doivent répondre aux
conditions strictement énumérées par l’article 215 du Code des impôts
sur les revenus de 1992.

A défaut, c’est le taux normal (actuellement 33,99 % avec l’impôt de


crise) qui est applicable.

Sont exclues les sociétés suivantes :

a. les sociétés dites « financières » (1) ;

b. les sociétés (autres que les SC agréées) dont les actions ou parts
représentatives du capital social sont détenues à concurrence d’au
moins la moitié par une ou plusieurs autres sociétés (2) ;

c. les sociétés dont les dividendes distribués excèdent 13 % du capital


libéré au début de la période imposable (3) ;

d. les sociétés (autres que les SC agréées) qui n’allouent pas à au


moins un dirigeant d’entreprise une rémunération minimale (36.000
€), à charge du résultat de la période imposable (4) ;

1
Voir Com.IR 215/12 à 17.
2
Voir Com.IR 215/15 à 27.
3
Voir Com.IR 215/28 à 40.
4
Voir Com.IR 215/41 à 50.

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e. les sociétés qui font partie d’un groupe auquel appartient un centre
de coordination (5) ;

f. les sociétés d’investissement visées par la loi du 20 juillet 2004 et les


organismes de financement des pensions visés par la loi du 27
octobre 2006, dans la mesure où l’article 185bis, § 1er, s’applique..

* A ce stade du raisonnement, le transfert des bénéfices existant au sein


du patrimoine de la société dans le patrimoine de la personne physique,
n’a pas encore été envisagé.

Or, les personnes physiques ne peuvent utiliser les liquidités dont


dispose la société pour leurs dépenses privées (voy. 1ère partie à propos
de l’abus de biens sociaux).

Le calcul de l’avantage réel résultant du recours à une structure requiert


de tenir compte de cet élément, et non simplement comparer le taux de
l’impôt des sociétés et de l’impôt des personnes physiques.

Ce transfert du revenu de la société vers la personne physique générera


en effet une charge fiscale et l’évaluation de l’avantage résultant du
passage en société, requiert d’additionner l’impôt payé par la société et
celui payé par la personne physique. Cette imposition devra être
comparée à la pression fiscale à l’impôt des personnes physiques dans
le cadre d’une entreprise individuelle.

On peut ainsi comparer la pression fiscale cumulée à l’aide des deux


formes les plus courantes de transfert de bénéfices, en l’occurrence la
rémunération du dirigeant et la distribution de dividendes.

Les rémunérations constituent pour la société une dépense


professionnelle déductible et ils réduisent donc la base imposable dans
la société.

En revanche, les dividendes sont d’abord soumis intégralement à l’impôt


des sociétés et subissent ensuite, à charge des personnes physiques
bénéficiaires, un précompte mobilier soit de 15 %, soit de 25 %.

Le taux réduit du précompte mobilier de 15 % est applicable aux


dividendes qui sont attribués ou mis en paiement, depuis le 1er janvier
1994, à l’occasion de la constitution ou de l’augmentation du capital

5
Voir Com.IR 215/51.

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d’une société sans appel public à l’épargne et sans dans la mesure où
les actions :

- sont émises en représentation du capital social ;


- correspondent à des apports en numéraire ;
- sont nominatives depuis leur émission ou font l’objet d’un dépôt à
découvert en Belgique auprès d’une banque, d’un établissement
public de crédit ou d’une caisse d’épargne soumise au contrôle de la
Commission Bancaire et Financière (Article 269, al. 3, CIR 92).

* Le résultat de cette comparaison nous permet de faire les observations


suivantes :

1. En premier lieu, la distribution de dividendes est relativement


coûteuse et tout particulièrement lorsque le montant des
dividendes distribués excède 13 % du capital social restant à
rembourser de la société.

En d’autres termes, le passage en société ne représente aucun


avantage fiscal lorsque les bénéfices sont distribués intégralement
aux associés ou actionnaires sous la forme de dividendes.

2. Lorsque les bénéfices de la société sont intégralement transférés


vers le patrimoine privé par l’attribution des rémunérations, l’impôt
dû reste inchangé malgré l’intervention de la structure sociétaire et
cette structure ne procure donc pas d’avantage fiscal direct.

La déductibilité dans le chef de la société ne fera pas obstacle à la


taxation de rémunérations des personnes physiques dans le chef
du dirigeant…

3. Lorsque les bénéfices de la société sont mis en réserve, une


économie à un taux avantageux est toutefois possible. Une mise
en réserve complète est toutefois impossible dans la plupart des
cas dans la mesure où les dirigeants doivent également pouvoir
disposer de fonds afin de pourvoir à leurs besoins. La mise en
société ne sera dès lors utile que dans l’hypothèse où les revenus
professionnels du fondateur potentiel dépassent largement ses
besoins de manière telle qu’une part importante des revenus peut
rester dans la société. La mise en réserve des bénéfices de la
société, jointe à l’attribution d’une rémunération minimale, est
donc particulièrement efficace sur le plan fiscal.

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4. L’avantage tiré du taux sera d’autant plus grand que le revenu
imposable net est élevé. La constitution d’une société par des
personnes ayant des revenus nets limités est en général
déconseillée, même si la société permet de réaliser un avantage
fiscal limité. Il convient en effet de garder à l’esprit que l’économie
fiscale doit couvrir au moins les frais de constitution et les frais de
fonctionnement de la société.

5. La distribution des bénéfices de la société doit dès lors tenir


compte des éléments suivants :

- elle doit être limitée dans la plus grande mesure du possible


(36.000 €) ;

- la rémunération doit être adaptée aux besoins financiers ;

- une politique continue de constitution de réserves doit être


suivie, non seulement en vue d’investissements futurs en
moyens d’exploitation, mais également dans la perspective
d’un usage optimal de la possibilité d’épargner à un taux
d’imposition avantageux au sein de la société.

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2. Optimalisation fiscale

1) Rémunération minimale indépendante des résultats d’exploitation

Les techniques de mise en réserve et de distribution des bénéfices de la


société permettent d’attribuer un revenu stable à la personne physique
au fil des années.

Le revenu personnel des dirigeants d’entreprise peut être totalement


indépendant des résultats d’exploitation de la société et peut être
déterminé exclusivement en fonction des besoins financiers de
l’intéressé.

Ainsi, seuls les moyens strictement nécessaires « pour vivre » sont


attribués au dirigeant d’entreprise tandis que les autres liquidités restent
dans la société et, après une pression fiscale, sont affectées à des
investissements professionnels ou à d’autres achats dans le cadre, le
cas échéant, de la constitution d’un patrimoine familial (P. DE VOS, Le
passage en société, Ced Samson, 1998). Le montant des revenus du
dirigeant d’entreprise peut en d’autres termes être fixé en toute liberté.

2) Constitution de réserves

Le principe de la mise en réserve est, comme nous l’avons démontré, le


point de départ de l’exploitation optimale de la structure sociétaire.

Ceci sera d’autant plus vrai que les revenus professionnels de la


personne physique atteignent des montants élevés, sommets qui
seraient en grande partie nivelés à l’impôt des personnes physiques par
la progressivité des barèmes fiscaux jusqu’à 50 %.

En présence d’une société, ces « sommets » de revenus peuvent être


mis en réserve dans la société à des taux plus avantageux, ce qui revient
par conséquent à utiliser la société comme un genre de compte
d’épargne, sur lequel sont conservés tous les moyens financiers dont la
personne physique n’a pas besoin à court terme.

Dans ce cas, il convient toutefois de nuancer quelque peu le propos :


alors que l’impôt sur les revenus provenant d’investissements du
patrimoine privé cesse généralement avec la retenue du précompte
mobilier (voy. 2ème partie sur la gestion du patrimoine privé), le

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rendement des liquidités qui sont formées par la constitution de réserves
dans la société est imposé au taux ordinaire de l’impôt des sociétés.

Il faudra dès lors en tenir compte lors de l’évaluation de l’avantage à


attribuer à la constitution de la société.

3) Affectation des réserves constituées

Les réserves constituées dans la société et les liquidités constituées


devront in fine soit être affectées dans la société, soit être transférées du
patrimoine de la société vers le patrimoine privé.

Une affectation logique des réserves semble résider dans l’acquisition


d’éléments d’actifs qui doivent être utiles à la réalisation de l’objet social
de la société. Les fonds réunis dans la société seront en toute
hypothèse moins chers que les fonds propres acquis après paiement de
l’impôt des personnes physiques.

Toutefois, la possibilité de financement externe de l’acquisition


d’éléments d’actifs doit en tout cas être examinée également, d’autant
que les intérêts que la société paie sur les financements et emprunts
qu’elle contracte peuvent être déduits de sa base imposable sans la
moindre restriction, du moins dans la mesure où les intérêts ne
dépassent pas un montant qui correspond au taux d’intérêt en vigueur
sur le marché.

L’article 55 du CIR 92 énonce en effet que les intérêts d'obligations, de


prêts, de créances, de dépôts et autres titres constitutifs d'emprunts ne
sont pris en considération à titre de frais professionnels que dans la
mesure où ils ne dépassent pas un montant correspondant au taux
pratiqué sur le marché compte tenu des éléments particuliers propres à
l'appréciation du risque lié à l'opération, et notamment de la situation
financière du débiteur et de la durée du prêt.

La société peut aussi opter pour simplement continuer à investir dans la


société les réserves constituées. Comme nous l’avons vu, le rendement
des investissements (intérêts, dividendes, plus-values) est en principe
imposable intégralement à l’impôt des sociétés (hormis les plus-values
sur actions et certains dividendes). La solution n’est cependant pas la
plus optimale puisque pour les investissements dans le patrimoine privé

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de la personne physique le sont en général moins lourdement, voire pas
du tout imposés : les plus-values sont en général immunisées, les
dividendes et intérêts sont seulement soumis au précompte mobilier
libératoire qui s’élève respectivement à 25 % ou 15 %.

Il importe dès lors de se demander si les réserves constituées au sein de


la société peuvent être transférées sans taxation vers le patrimoine privé
de la personne physique.

Des mécanismes ont été élaborés pour transférer les bénéfices mis en
réserve (et imposés à l’impôt des sociétés) à la société vers le patrimoine
privé sans entraîner la moindre taxation effective dans le chef de la
société ou du dirigeant d’entreprise. La condition de départ étant que les
réserves constituées aient subi le régime d’imposition définitif à l’impôt
des sociétés.

A défaut, s’agissant par exemple de réserves immunisées, leur


mouvement au sein de la société générera la taxation à l’ISOC, la
condition d’intangibilité de l’article 190 CIR n’étant plus remplie.

a) Achat par la société de biens qui appartiennent au dirigeant


d’entreprise

La voiture ou le cabinet du dirigeant d’entreprise peuvent être


rachetés par la société pour autant que ces biens n’ont pas été
cédés lors de la constitution de la société.

La société peut acquérir des biens appartenant au dirigeant et


générer ainsi un flux de revenus (non taxables) en faveur de la
personne physique.

Le prix de vente reçu, en l’espèce la plus-value réalisée sur la


vente, est totalement immunisé dans le chef du dirigeant
d’entreprise, pour autant qu’aucun amortissement sur ces actifs
n’a été préalablement porté en frais professionnels.

Une fois devenus la propriété de la société, l’usage privé de ces


biens par le dirigeant d’entreprise donnera toutefois lieu à
l’établissement d’avantages de toute nature qui sont imposables
dans le chef des dirigeants, mais une telle imposabilité ne s’avère
pas toujours préjudiciable (nous renvoyons ici à la première partie
du cours).

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Les biens achetés constituent des actifs amortissables pour la
société, et les amortissements à cette occasion peuvent diminuer
la base imposable à l’impôt des sociétés.

Cependant, lorsque les biens achetés sont vendus par la société


ultérieurement, les plus-values qu’elle réalise à cette occasion
sont bien entendu imposables.

b) Réduction de capital avec remboursement à l’associé ou à


l’actionnaire

Le remboursement du capital social réellement libéré par suite


d’une décision régulière de réduction de capital par l’assemblée
générale est immunisé.

Le remboursement de capital, dans la mesure où il porte sur du


capital résultant d’apports, et non d’incorporation de réserves,
n’est pas considéré comme un dividende dans le chef des
actionnaires qui bénéficient du revenu.

C’est ainsi qu’il faut comprendre l’article 18, 2°, du Code des
impôts sur les revenus de 1992, selon lequel :

« Les dividendes comprennent :

(…)

2° Les remboursements totaux ou partiels de capital


social, à l’exception des remboursements de capital
libéré opérés en exécution d’une décision régulière
de réduction du capital social, prise conformément
aux dispositions des lois coordonnées sur les
sociétés commerciales ».

La notion de capital libéré est définie par l’article 184 du Code des
impôts sur les revenus de 1992 :

« Le capital libéré est la partie du capital social qui est


réellement libérée et qui n’a fait l’objet ni d’une réduction, ni
d’un remboursement. Les bénéfices, autres que les

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bénéfices distribués et imposés comme tels, qui sont
incorporés au capital, ne sont pas considérés comme du
capital libéré.

Les primes d’émission sont assimilées à du capital libéré ».

On distingue en effet, sur le plan fiscal, le « bon capital » du


« mauvais capital » dont la réduction peut donner lieu à la taxation
tant dans le chef de la société dont le capital est réduit que de
l’actionnaire en cas de remboursement : le capital d’une société
anonyme peut certes comprendre le capital formé par les apports
en espèce ou en nature, mais également d’autres éléments qui
sont incorporés à celui-ci, en l’occurrence les primes d’émission,
les plus-values de réévaluation, les réserves immunisées et les
réserves taxées.

Seul le capital réellement libéré au sens de l’article 184 du Code


des impôts sur les revenus (ce qui a été « apporté ») est donc
susceptible de faire l’objet d’un remboursement aux actionnaires
sans retenue du précompte mobilier ni taxation à l’impôt des
sociétés.

c) Transformation de revenus professionnels en revenus mobiliers


ou immobiliers

Tous les bénéfices que le dirigeant d’entreprise retire de son


entreprise individuelle sont considérés comme des revenus issus
de son travail et sont par conséquent imposés à titre de revenus
professionnels à l’impôt des personnes physiques.

Le dirigeant d’entreprise ne peut dès lors donner en location un


bien immeuble à son entreprise et ne peut pas davantage lui
accorder de prêt.

Par la constitution d’une société, une personne morale distincte


est créée et, en tant que personne juridique distincte, elle peut
louer des immeubles qui appartiennent au patrimoine privé du
dirigeant d’entreprise et devenir le débiteur de celui-ci.
L’indemnité que la société paie au dirigeant d’entreprise prend
dans son chef la forme de revenus immobiliers. Ceux-ci
bénéficient d’un régime fiscal plus avantageux que les revenus

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professionnels. La structure sociétaire permet notamment de
convertir les revenus professionnels du dirigeant d’entreprise en
revenus mobiliers et immobiliers, notamment par la location à la
société d’un bien immeuble qui fait partie du patrimoine privé du
dirigeant d’entreprise ou par l’octroi d’avances productives
d’intérêts par le dirigeant d’entreprise à sa société.

Lorsque l’activité professionnelle de la personne physique est


exercée dans un bien immeuble qui lui appartient, trois situations
différentes peuvent se produire lors du passage en société :

- Le bien immeuble peut être apporté dans la société contre une


rémunération en actions à l’occasion de la constitution de la
société ;

Aucun droit d’apport n’est dû sur cet apport lorsqu’il s’agit d’un
bien immeuble qui n’est affecté ni totalement ni partiellement à
l’habitation ou n’est pas destiné à cet usage (Article 115bis
CE).

Lorsqu’au contraire le bien immeuble est destiné ou affecté à


l’habitation, même partiellement, son apport par le dirigeant
d’entreprise est soumis non au droit d’apport de 0,5 %, mais au
droit de vente de 12,5 % (10 % en Région flamande). Ce droit
est également dû lorsque et dans la mesure où l’apport est
rémunéré en partie autrement qu’en actions (hypothèse de
l’apport mixte) (Article 120 CE).

C’est notamment le cas lorsque, outre les actifs et les


créances, les dettes sont également apportées dans la société
(par exemple, lorsque le bien immeuble est grevé d’un emprunt
hypothécaire).

- Le bien immeuble peut être vendu à la société après la


constitution de celle-ci. Le droit de vente de 12,5 % (ou de 10
%) sera en principe dû sur cette vente, ce qui en fait une
opération coûteuse.

Toutefois, la personne physique dirigeant d’entreprise peut


opter pour vendre le bâtiment en application de la TVA (plutôt
que du droit d’enregistrement) et à la société lorsqu’il s’agit
d’un bâtiment neuf tel que visé dans la législation en matière

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de TVA. La TVA prélevée sur la vente peut être récupérée par
la société lorsque le bâtiment est affecté à une activité
assujettie à la TVA alors que les droits d’enregistrement ne
sont pas récupérables. En outre, le vendeur dirigeant
d’entreprise peut imputer la TVA qu’il a lui-même acquittée à
l’occasion de l’achat de la construction du bien immeuble avec
la TVA qu’il doit supporter sur sa vente. La vente du terrain
sera en tout cas soumise au droit de vente de 12,5 % et ne
pourra pas se dérouler en application du régime de la TVA.

- L’usufruit du bâtiment et non la pleine propriété peut être


apporté à la société ou cédé à la société. L’apport est soumis
au droit de 0 % ou 12,5 % aux mêmes conditions qu’énoncées
supra sous le premier tiret.

En revanche, la vente s’effectue soit en application du droit de


vente de 12,5 %, soit en application de la TVA lorsqu’il s’agit
d’un bâtiment neuf et que le vendeur opte pour le régime TVA.

Dans ce dernier cas, la fraction de l’usufruit qui porte sur le


terrain relèvera également du régime de la TVA.

- Le bien immeuble peut également être loué par le dirigeant


d’entreprise à sa société.

Dans les deux premiers cas, la valeur d’apport ou le prix de vente


du bâtiment (excepté le terrain), majoré du droit d’enregistrement
dû qui porte sur le bâtiment constituera une base amortissable
pour la société et elle pourra déduire de ses revenus imposables à
titre de charges professionnelles tous les frais y afférents, tel que
le chauffage, l’électricité, l’entretien et les réparations. Le droit
d’enregistrement concernant le bâtiment peut également être
repris intégralement dans les frais pour l’année au cours de
laquelle il a été payé.

En cas d’apport ou de vente de l’usufruit, la valeur d’apport ou le


prix d’acquisition de l’usufruit, y compris la part qui concerne le
terrain, pourra être amortie par la société sur toute la durée de
l’usufruit. L’usufruit au profit d’une société est en effet limité dans
le temps et peut seulement être constitué pour une période
maximale de 30 ans.

SD/08/Document1 13
Lorsque, par ailleurs, le bien immeuble concerné n’est pas
seulement affecté à l’exercice de l’activité professionnelle, mais
sert également en partie de domicile privé au dirigeant
d’entreprise, ce dernier doit toutefois payer un loyer à la société ou
admettre la taxation d’un avantage de toute nature dans son chef
(voy. la première partie du cours).

Compte tenu des caractéristiques spécifiques de la situation dans


laquelle se trouve le contribuable, il ne sera donc pas toujours
opté pour la cession du bien immeuble à la société, mais au
contraire choisi d’imputer à la société un loyer pour l’usage de cet
immeuble.

La location de biens immeubles bénéficie par ailleurs d’un régime


fiscal relativement attrayant et constitue dans cette perspective un
instrument important pour transférer les fonds de la société dans
le patrimoine privé.

Dans le chef du dirigeant d’entreprise, le loyer est imposable à


titre de revenus immobiliers. Le montant imposable en
l’occurrence n’est pas le loyer reçu, mais bien le montant brut reçu
diminué d’un forfait de frais de 40 % sans que ce forfait ne puisse
toutefois excéder les 2/3 du revenu cadastral revalorisé du bien
immeuble (le RC revalorisé est égal au RC multiplié par le
coefficient de revalorisation).

Le dirigeant d’entreprise est imposable au taux progressif


ordinaire de l’impôt des personnes physiques sur ce revenu locatif
net. Cependant, il ne devrait pas procéder à un versement
anticipé et il ne sera pas redevable de cotisations de sécurité
sociale.

Pour la société, le loyer est intégralement déductible à titre de


dépenses professionnelles (Article 49 CIR 92). Le dirigeant
d’entreprise pourra compenser le montant net du loyer par les
intérêts non-professionnels qu’il a payés sur un ou plusieurs
emprunts contractés spécifiquement pour acquérir des biens
immeubles ou conserver des revenus immobiliers, de sorte que,
pour autant que les choses aient bien été calculées, la base
imposable pourra être ramenée à zéro et aucun impôt ne sera dû
sur le revenu locatif.

SD/08/Document1 14
Cependant, le législateur fiscal a prévu un plafond au-delà duquel
le loyer que les dirigeants d’entreprise perçoivent ne peut plus être
qualifié de revenus immobiliers. Le surplus est requalifié en
rémunération et englobé parmi les revenus professionnels (et
donc taxable au taux marginal de l’impôt des personnes
physiques).

Ce plafond est fixé à 5/3 du revenu cadastral revalorisé du bien


immeuble loué. La partie du loyer qui dépasse ce plafond, le loyer
excessif, doit être considéré dans le chef du dirigeant d’entreprise
comme un revenu professionnel sur lequel des versements
anticipés doivent être payés par le biais d’une retenue d’un
précompte professionnel. En outre, des cotisations de sécurité
sociale sont calculées sur cette partie requalifiée du loyer.

Si le bien immeuble fait partie de la communauté matrimoniale


entre époux et que seul l’un des deux époux est dirigeant
d’entreprise de la société à laquelle le bien est loué, seule la
moitié du revenu locatif sera prise en considération pour une
requalification en revenus professionnels. La moitié du revenu
locatif devra en l’occurrence être comparée à la moitié du revenu
cadastral revalorisé.

Le bien immeuble que le dirigeant d’entreprise donne en location à


sa société peut être meublé ou non. Lorsque le bien immeuble est
loué meublé, le loyer reçu doit être divisé en un revenu locatif
immobilier et un revenu pour les meubles le garnissant.

Si le contrat de bail ne spécifie pas le partage entre la location


immobilière et la location mobilière, 3/5 ou 60 % du loyer reçu sont
considérés comme le loyer pour le bien immeuble et ce revenu est
soumis au régime d'imposition prédécrit.

La quotité résiduelle, soit 40 % du loyer, est supposée constituer


un revenu mobilier. Sur ce revenu mobilier, un forfait de frais de
50 % est appliqué pour déterminer le montant imposable à l’impôt
des personnes physiques. Le montant net ainsi obtenu est
imposable distinctement au taux réduit de 15 % (à majorer des
centimes additionnels communaux) lorsque le contrat de bail a été
conclu depuis le 1er mars 1990 et que les revenus sont attribués
ou mis en paiement depuis le 1er janvier 1994.

SD/08/Document1 15
Des versements anticipés ne doivent pas être opérés sur ce
montant et les cotisations de sécurité sociale ne s’y appliquent
pas.

La quotité du loyer relative au bien mobilier est déductible


intégralement à titre de dépenses professionnelles dans le chef de
la société.

4) Avances consenties par les dirigeants d’entreprise

Lorsqu’une société envisage des investissements importants, trois


sources sont théoriquement concevables pour réunir les fonds
nécessaires :

- Soit elle puise dans les réserves constituées en son sein (voy.
supra) ;

- Soit elle fait appel à des sources externes de financement


(établissement financier) ;

Elle paiera des intérêts sur ces emprunts et financements contractés


auprès de tiers, qui seront déductibles sans la moindre restriction,
pour autant que le taux d’intérêt du financement ne dépasse le taux
en vigueur sur le marché (cf. Article 55 précité) ;

- Soit les fonds nécessaires ou une partie de ceux-ci sont ou bien


apportés sous la forme de capitaux (augmentation de capital) ou bien
accordés sous la forme d’avances par ses dirigeants.

La possibilité d’accorder des avances productives d’intérêts bénéficie à


cet égard d’une attention particulière car elle connaît un régime
fiscalement avantageux. En effet, les intérêts qui sont imputés par le
dirigeant d’entreprise sur les avances consenties sont déductibles dans
le chef de la société.

Dans le chef des bénéficiaires, les intérêts subissent seulement le


précompte mobilier libératoire de 15 %. La pression fiscale sur ces
intérêts à qualifier de « revenus mobiliers » pour les dirigeants
d’entreprise reste en d’autres termes limitée au taux du précompte
mobilier.

SD/08/Document1 16
Cependant, les possibilités fiscales ne sont pas illimitées. Tant le taux
d’intérêts à appliquer que le montant des avances consenties ne peuvent
dépasser certaines limites. En ce qui concerne le taux d’intérêt, le
plafond est le taux d’intérêt en vigueur sur le marché ; le montant des
avances lui-même est limité au montant du capital social restant à
rembourser de la société à la fin de la période imposable, majoré des
réserves taxées telles qu’elles existaient au début de la période
imposable.

La quotité des intérêts qui excèdent une des deux limites (voire les deux)
n’est plus qualifiée d’intérêts mais de dividendes. Les intérêts requalifiés
en dividendes ne constituent pas pour la société des frais professionnels
déductibles et subissent par ailleurs le précompte mobilier de 25 % au
lieu de 15 %.

L'article 18, 3°, du CIR 1992 dispose à cet égard : Les dividendes
comprennent (…) les intérêts des avances lorsqu'une des limites
suivantes est dépassée et dans la mesure de ce dépassement :

- soit la limite fixée à l'article 55 (voy. supra).

- soit lorsque le montant total des avances productives d'intérêts


excède la somme des réserves taxées au début de la période
imposable et du capital libéré à la fin de cette période.

SD/08/Document1 17
Une avance est tout prêt d'argent, représenté ou non par des titres,
consenti par une personne physique à une société dont elle possède des
actions ou parts ou par une personne dans laquelle elle exerce un
mandat ou des fonctions de dirigeant d'entreprise, ainsi que tout prêt
d'argent consenti le cas échéant par leur conjoint ou leurs enfants à cette
société lorsque ces personnes ou leur conjoint ont la jouissance légale
des revenus de ceux-ci6.

L'article 18 disqualifie dès lors les intérêts payés aux personnes visées
en dividendes lorsque l'une des deux limites fixées est dépassée et dans
la mesure de ce dépassement.

Ces intérêts sont ajoutés au résultat fiscal de la société distributrice et


subissent un précompte mobilier de 25 % au titre de dividendes.

5) Avantage en terme de sécurité sociale

A l’instar des titulaires de professions libérales, industrielles et


commerçantes, les dirigeants d’entreprise sont assujettis au statut social
des travailleurs indépendants et sont à ce titre redevables de cotisations
de sécurité sociale.

La base de calcul des cotisations de sécurité sociale dus par un


travailleur indépendant pour une année déterminée (par exemple 2002)

6
La Cour de cassation a certes décidé qu’un prêt d’argent peut revêtir la forme d’une inscription au
compte courant d’une créance du gérant à l’égard de sa société (Cass., 16 novembre 2006, www.cass.be).
Néanmoins, un jugement du Tribunal de première instance de Liège du 29 mars 2007 a admis que
l’inscription au crédit du compte courant du gérant d’une partie du prix de cession des éléments corporels
et incorporels vendus à sa société n’apparaît pas comme étant une modalité d’exécution d’un contrat de
prêt, à défaut de mise à disposition effective de fonds. « La comptabilisation au compte courant du solde
de la créance détenue par Monsieur et Madame D-D relève d’une modalité d’exécution du contrat de
vente de droits corporels et incorporels contre payement d’un prix partiellement différé, payable à terme
par la requérante. La requérante n’a pas contracté l’obligation de restituer une même somme d’argent
que celle indiquée au crédit du compte courant de ses gérants; elle a contracté l’obligation de payer le
prix convenu au sens de l’article 1650 du code civil pour le transfert de propriété d’une universalité. La
situation suivant laquelle le paiement du prix de vente n’est pas exigé pendant un certain temps,
moyennant le payement d’un intérêt, n’équivaut pas à prêter une somme d’argent à la société mais
ressortit de l’exécution d’un contrat de vente d’une universalité. Le payement d’un intérêt ne trouve pas
sa cause dans un contrat de prêt d’argent mais dans l’article 2 de la convention intitulée " convention de
rémunération de créance ", qui confirme le report dans le temps du payement de l’objet du contrat de
vente liant la requérante à ses gérants. L'administration ne peut être suivie dans son analyse de l’arrêt du
16 novembre 2006 rendu par la Cour de cassation, qui n’a pas valeur de principe et ne remet pas en
cause les principes développés ci-dessus. A défaut de prêt d’argent, il n’y a pas lieu de requalifier les
intérêts en dividendes ni de les soumettre au précompte mobilier de 25 % » (Civ. Liège, 29 mars 2007 ;
voy. aussi Gand, 17 avril 2007 ; Civ. Mons, 30 janvier 2007 ; Civ. Hasselt, 31 janvier 2007 ; Civ. Namur,
30 mai 2007). Il semble aujourd’hui pouvoir être conclu que l’administration doit démontrer l’existence
d’un prêt pour pouvoir requalifier les intérêts en dividendes. Un contrat de cession avec un paiement
échelonné du prix ne devrait pas faire l’objet d’une requalification.

SD/08/Document1 18
est le montant des revenus professionnels net afférent à la troisième
année civile précédant celle-ci (par exemple 1999), bruté par un
coefficient théorique de sécurité sociale et ensuite réévalué pour tenir
compte de la dévaluation sur cette période de trois ans.

Les revenus professionnels nets des dirigeants d’entreprise ou


administrateurs sont constitués par leur rémunération provenant de la
société, majorés de tous les avantages dont ils bénéficient de ce fait.

Si l’on adapte la rémunération des dirigeants d’entreprise à ses stricts


besoins financiers et, si l’on transforme autant que possible cette
rémunération en revenus mobiliers ou immobiliers de taxation plus
avantageuse, on ne parviendra pas seulement à limiter l’impôt des
personnes physiques dû, mais on pourra également réduire
considérablement la base de calcul des cotisations de sécurité sociale.

6) Régime avantageux des avantages de toute nature

A l’occasion de la constitution de la société par le fondateur, celui-ci


apportera les biens qui sont affectés partiellement à l’exercice de
l’activité professionnelle et partiellement à des fins privées ;

De tels biens peuvent également être achetés anticipativement par la


société au cours de son existence.

Une fois que ces biens seront apportés dans la société, celle-ci prendra
en charge tous les frais liés à l’utilisation de ces biens et ce donc à la
décharge des dirigeants d’entreprise qui en a l’usage privé.

Il s’agit notamment du véhicule de société du dirigeant et du cabinet qui


est également affecté partiellement au logement du dirigeant.

Comme nous l’avons déjà vu, l’évaluation forfaitaire de ces avantages


est la plupart du temps dérisoire par rapport au coût réel, de sorte que
des opportunités de planification fiscale existent.

Nous renvoyons à cet égard à la première partie du cours.

7) Frais forfaitaires sur rémunération et cumul

SD/08/Document1 19
Le recours à une structure sociétaire implique notamment que les
dépenses professionnelles qui étaient auparavant prises en charge par le
dirigeant d’entreprise dans son entreprise gérée en personne physique et
ont été déduites par lui de ses revenus imposables sont dorénavant
supportées par la société et déduites par celle-ci de sa base imposable à
l’impôt des sociétés.

Ceci implique que le dirigeant d’entreprise ne peut plus déduire les


mêmes frais professionnels des rémunérations dont il bénéficie
éventuellement dans la société.

Néanmoins, la législation fiscale permet que les rémunérations des


dirigeants d’entreprise soient réduites d’un montant forfaitaire pour
déterminer ainsi la base imposable à l’impôt des personnes physiques.

Ce forfait est égal à 5 % des rémunérations imposables avant déduction


des cotisations sociales avec toutefois un maximum de 2.500 €.

L’octroi de la déduction de dépenses professionnelles forfaitaires


implique dans un certain sens un double emploi avantageux pour les
contribuables distincts que sont la société et le dirigeant. En effet, le
forfait visé ne couvre en réalité rien d’autre que les frais qui sont déjà
supportés par la société.

Lorsque le dirigeant a en outre d’autres revenus professionnels (autres


que des bénéfices ou rémunérations de dirigeant d’entreprise), une
déduction forfaitaire supplémentaire sera également consentie sur ces
revenus professionnels additionnels.

8) Pension complémentaire

La structure sociétaire crée pour le dirigeant d’entreprise la possibilité de


se constituer une pension complémentaire sous un régime d’imposition
fiscalement avantageux.

Je renvoie à cet égard à la première partie du cours

9) Apport dans la société – Plus-value de cessation et base de


l’amortissement

SD/08/Document1 20
1. Apport exonéré

Lorsqu’une entreprise a cédé à une société, l’intégralité de ses


biens (apport d’une universalité de biens), ou une ou plusieurs
branches d’activité (c’est-à-dire des branches d’activité distinctes
au fonctionnement autonome d’une affaire gérée en personne
physique), l’opération peut être effectuée en exonération d’impôt
(en ce compris sur le plan de la TVA et des droits
d’enregistrement). L’apport doit être effectué dans une société qui
a son siège social ou son principal établissement dans un Etat
membre de l’Union européenne : l’apport doit être rémunéré en
actions ; l’opération doit être justifiée par des besoins légitimes de
caractère financier ou économique (Article 46, CIR 92).

Dans le chef du cédant, aucun impôt n’est dû sur les éventuelles


plus-values qui sont réalisées ou constatées à l’occasion de la
cession pour autant que les opérations précitées soient remplies.

Même dans l’hypothèse d’aliénation ultérieure des actions qui sont


reçues en échange de l’apport, les plus-values restent exonérées,
à moins que l’administration fiscale ne démontre que l’aliénation
n’est pas qualifiée comme une opération de gestion normale d’un
patrimoine privé ou, en cas de vente d’une participation importante
à une personne morale étrangère (voy. 2ème partie du cours).

La société bénéficiant de l’apport devra , quant à elle, évaluer les


biens apportés à leur valeur fiscale, dans l’entreprise gérée en
personne physique et calculer les amortissements, plus-values ou
moins-values et déductions pour investissements sur les actifs
acquis par l’apport à la valeur d’investissement ou de revient qui a
été prise en considération précédemment dans le chef de
l’apportant et non à la valeur d’apport.

L’apport est dès lors qualifié de « neutre ». La plus-value n’est


pas taxée chez le cédant mais le cessionnaire doit s’en tenir aux
valorisations existant avant la cession.

2. Apport imposé et plus-values de cessation

SD/08/Document1 21
L’apport sous le bénéfice du régime d’exonération implique que
les actifs de l’entreprise gérée en personne physique sont
apportés dans la société à leur valeur fiscale dans l’entreprise à la
date de la cession.

Autrement dit, le régime d’exonération ne permet pas, sur le plan


fiscal, de vendre le goodwill ou la clientèle ou de l’apporter à la
société. Un tel apport ou une telle vente du goodwill implique que
la comptabilité de la société exprime dans les immobilisations
incorporelles un montant qui traduit la valeur de la clientèle, la
pénétration du marché, la notoriété, la future capacité de gain,
etc., auquel l’entreprise gérée en personne physique renonce au
profit de la société.

Dans la mesure où un tel goodwill n’apparaît pas en tant que tel


au bilan de l’entreprise gérée en personne physique et ne fait
donc pas partie de sa valeur comptable à la date de la cession, le
goodwill qui est éventuellement exprimé à l’occasion de l’apport
exonéré sur l’actif de la société bénéficiant de l’apport restera
sans impact sur le plan fiscal.

Cela signifie que les amortissements ou réductions de valeurs qui


sont actés sur le plan comptable, dans le chef de la société, sur
cette immobilisation incorporelle ne seront pas déductibles
fiscalement.

Ce régime d’exonération est toutefois facultatif, et le contribuable


peut renoncer à ce régime de manière telle que la cession des
actifs peut s’effectuer à une valeur comptable supérieure à la
valeur fiscale dans le chef du cédant et des indemnités de
clientèle ou d’autres valeurs incorporelles sont éventuellement
payées.

a) Plus-value de cessation

En cas d’apport d’une entreprise gérée en personne physique


dans une société autrement qu’en vertu du régime d’exonération,
l’apportant réalise des plus-values auxquelles le régime fiscal
général des plus-values de cessation est applicable.

SD/08/Document1 22
La plus-value peut être définie comme la différence entre, d’une
part, la valeur fiscale résiduelle aux jours de la cessation de
l’activité individuelle et, d’autre part, l’indemnité reçue pour l’apport
(voy. article 43 CIR 92).

Par valeur fiscale, il faut entendre la valeur d’investissement ou de


revient réduite des amortissements et réductions de valeurs
fiscalement admis.

Le goodwill qui est réalisé par le cédant à l’occasion de l’apport ou


de la cession est imposable pour sa totalité.

Le régime fiscal des plus-values de cessation peut être résumé


comme suit :

- Les plus-values sur les immobilisations corporelles sont


imposées au taux de 16,5 % majorées de la cotisation
additionnelle de 3 % et des centimes additionnels
communaux ;

- Les plus-values sur les immobilisations incorporelles sont


imposées au taux de 33 % à majorer de la contribution de crise
de 3 % et des centimes additionnels communaux dans la
mesure où cette plus-value ne dépasse pas la somme des
bénéfices ou profits nets imposables des quatre années
précédant celle de la cessation.

Pour la partie de la plus-value qui dépasse cette limite, le taux


progressif de l’impôt des personnes physiques est applicable.

Le taux de 33 % est ramené à 16,5 % si les plus-values de


cessation sont réalisées ou constatées soit à l’occasion de la
cessation de l’activité à compter de l’âge de 60 ans, soit après
un décès ou une invalidité, soit à l’occasion d’une cessation
définitive forcée (sinistre, expropriation, réquisition) ;

- Les autres plus-values, notamment sur les stocks, sont


imposées au taux progressif de l’impôt des personnes
physiques, également majoré de l’impôt de crise de 3 % et des
centimes additionnels communaux.

SD/08/Document1 23
b) Nouvelle base d’amortissement

En cas d’apport non exonéré, la société cessionnaire calculera les


amortissements, plus-values, moins-values et déductions pour
investissements sur la valeur conventionnelle de l’actif.

En d’autres termes, elle peut procéder à des amortissements sur


les actifs revalorisés.

Par ailleurs, elle peut amortir le goodwill ou la clientèle apportée


dans la mesure où il est démontré que ceux-ci ont subi une
réduction de valeur effective durant l’exercice écoulé.

De nouvelles bases d’amortissements sont ainsi créées à


l’occasion de l’apport imposé de l’entreprise gérée en personne
physique dans la société, ce qui peut s’avérer très avantageux
pour le cessionnaire.

En ce qui concerne le goodwill, la clientèle et leur amortissements,


l’administration fiscale a apporté dans une circulaire sur les
sociétés professionnelles de 1993 quelques explications et
directives à ses contrôleurs et ce en vue d’éviter les abus et les
excès sur le plan des immobilisations incorporelles (Circ. n°
CI.RH.862/430.650, circulaire du 31 décembre 1993) :

- Les amortissements sur les immobilisations incorporelles


seront rejetés lorsque la société ne démontre pas que
l’amortissement répond à une dépréciation effective ;

- L’administration confirme qu’une clientèle cédée a


incontestablement une durée d’utilisation limitée et est donc
amortissable en principe dans le chef du cessionnaire ;

- Elle précise par ailleurs qu’un amortissement de clientèle sur


une période de 10 à 12 ans peut être considéré comme
raisonnable, et ce contrairement à la pratique courante dans
laquelle de tels actifs sont amortis sur 5 ans, mais une durée
d’amortissement plus courte pourra toutefois être acceptée
lorsque celle-ci est justifiée par des circonstances particulières
spécifiques ;

SD/08/Document1 24
- L’administration souligne que le plafond fiscal légal en fonction
des bénéfices ou profits nets des quatre années précédentes
ne peut certainement pas être utilisé comme norme pour
l’évaluation du caractère normal ou anormal de la valeur des
immobilisations apportées, en particulier celles qui sont
qualifiées de goodwill ou know-how.

3. Choix entre apport exonéré et imposé

Dans le chef du cédant, l’apport exonéré présente l’avantage


important d’éviter la taxation des plus-values de cessation
réalisées. Dans le chef du cessionnaire, le régime est
préjudiciable dans la mesure où les valeurs comptables fiscales
restent inchangées et limitent les possibilités d’amortissements.

En cas d’apport imposé, il est au contraire possible de réaliser des


plus-values qui subissent le régime fiscal des plus-values de
cessation dans le chef de l’apportant tandis qu’elles constituent
une matière amortissable additionnelle dans le chef de la société
bénéficiant de l’apport.

Dès lors, on aura parfois intérêt à renoncer à une cession


exonérée et à accepter une légère imposition dans le chef du
cédant au profit d’une économie d’impôt (plus grande) au taux
d’imposition marginal dans le chef du cessionnaire.

Le choix entre les deux régimes est principalement déterminé par


le taux applicable aux plus-values de cessation dans le chef du
cédant, le taux marginal dans le chef du cessionnaire, le rythme
d’amortissement des éléments d’actifs dans le chef du
cessionnaire, les liquidités prévues et nécessaires dans le chef du
dirigeant d’entreprise.

L’avantage fiscal résidera dans la différence entre la valeur


actuelle des économies d’impôt que constituent les
amortissements complémentaires annuels cumulés d’une part et
l’impôt sur la plus-value de cessation d’autre part.

Dans la réalisation des calculs nécessaires à la pondération des


avantages, il faudra tenir compte du fait que les plus-values
incorporelles réalisées dans le chef de l’apportant sont ajoutés aux

SD/08/Document1 25
autres revenus professionnels pour le calcul des cotisations
sociales dues.

4. Vente d’une entreprise individuelle

Aux mêmes conditions et dans le même régime d’imposition que


celui de l’apport imposé, l’intégralité de l’actif et du passif de
l’entreprise gérée en personne physique peut être vendue à la
société. Une telle vente est considérée sur le plan du droit des
sociétés comme un quasi-apport lorsqu’elle se déroule dans les
deux ans qui suit la constitution de la société par rapport à
l’apport.

La vente de l’entreprise gérée en personne physique offre au


cédant l’avantage qu’il ne reçoit pas d’actions, mais bien des
espèces ou une créance.

3. Cessation et cession de l’entreprise individuelle

Nous avons vu ci-dessus le régime de l’apport de la branche


d’universalité de biens ou d’une ou plusieurs branches d’activité
permettant le transfert exonéré de l’activité exercée à titre individuel.

Nous n’y revenons pas mais y renvoyons afin de comparer ce régime


avec la cessation et la cession de la société.

En règle générale, on peut constater que dès l’instant où l’entreprise


individuelle a été apportée en société, la cession de l’entreprise est
effectuée par la simple cession des actions ou parts de la société.

Ce sont en effet les actions ou parts qui constituent le titre du droit de


propriété de la société.

Les actions ou parts peuvent en principe être cédées en exemption totale


d’impôt lorsqu’elles appartiennent au patrimoine privé des personnes
physiques actionnaires.

SD/08/Document1 26
Sur les éventuelles plus-values réalisées à l’occasion de l’aliénation à
titre onéreux, aucun impôt ne sera en effet dû lorsque la cession est
effectuée par des personnes physiques (voy. 2ème partie).

4. Rachat d’actions propres

Il était jusqu’à l’exercice d’imposition 2003, possible, lorsque la société,


au fil des années, avait constitué un montant important de réserves et
entendait transférer ses réserves d’une manière fiscalement attrayante
vers le patrimoine privé des actionnaires ou associés d’utiliser la
technique du « rachat de ses propres actions ».

Cette opération impliquait que la société rachète une partie de ses


propres actions.

Les actionnaires recevaient en échange de leurs actions rachetées, à la


fois le remboursement de la partie du capital social de la société que
représentent les actions rachetées et la distribution de leur part
proportionnelle des réserves.

La distribution de la part dans les réserves est considérée comme une


distribution de dividendes, mais elle était exonérée de précompte
mobilier dans le chef de l’actionnaire ou associé.

C’était cette exonération de retenue à la source qui rendait l’opération


fiscalement avantageuse.

Cependant, les « bonis de rachat » font l’objet d’une imposition au


précompte mobilier au taux de 25% et perdent dès lors l’avantage de
l’exonération du précompte mobilier.

5. Partage partiel de l’avoir social

Il s’agit des hypothèses dans lesquelles l’avoir social de la société est


partiellement partagé à l’occasion du départ d’un ou plusieurs associés
pour cause de décès, démission ou exclusion (SNC, SC ou SCRIS).

Ces partages partiels sont également visés par la réforme de l’impôt des
sociétés.

SD/08/Document1 27
6. Dissolution – Liquidation et partage de l’avoir social

Les actionnaires de la société peuvent également décider de cesser


complètement l’activité de la société.

La société est alors dissoute et liquidée.

Concrètement, cela signifie que le liquidateur réalise les actifs de la


société, apure le passif et partage le solde éventuel entre les associés ou
actionnaires (en espèces ou en nature).

Dans la mesure où la liquidation est ouverte à partir du 1er janvier 1990,


la société en liquidation reste soumise au régime normal de l’impôt des
sociétés jusqu’au moment de la clôture de la liquidation et ce même si la
dissolution met fin à l’activité ou à l’exploitation.

La société est donc imposable sur l’ensemble des revenus acquis


pendant la liquidation.

Nous renvoyons à cet égard au cours de questions approfondies en


matière d’impôt des sociétés.

Pour l’actionnaire ou l’associé personne physique, il importe d’examiner


l’opération de partage de l’avoir social.

L’avoir de la société qui subsiste une fois que le liquidateur a apuré


toutes les dettes de la société est en principe susceptible d’un partage
entre les associés ou actionnaires. Le solde résiduel, une fois que tous
les créanciers de la sociétés sont payés, doit toutefois encore être
réduite d’un montant qui correspond aux impôts estimés sur le résultat
de la liquidation.

Chaque associé ou actionnaire peut prétendre à une part de l’avoir à


partager qui est proportionnel au droit qu’il possède dans la société.

Les distributions aux actionnaires ou associés doivent être considérées


comme un bénéfice distribué et sont, par conséquent, imposables en
principe dans le chef de la société.

Tant les distributions en espèces que les distributions en nature sont à


envisager à cette occasion. Est considéré comme un dividende, la

SD/08/Document1 28
différence positive entre la somme des distributions aux actionnaires ou
associés et le capital social réellement libéré restant à rembourser et
éventuellement revalorisé.

Les distributions effectuées à l’occasion du partage de l’avoir social sont


réputées correspondre successivement :

1° à la valeur revalorisée du capital réellement libéré restant à


rembourser ;

2° aux réserves taxées ; sont visés les bénéfices antérieurement


réservés déjà soumis à l’impôt des sociétés, y compris les plus-
values qui sont réalisées ou constatées à l’occasion du partage de
l’avoir social et comprises dans le résultat imposable de la
liquidation ;

3° les réserves immunisées, c’est-à-dire les bénéfices


antérieurement exonérés.

En d’autres termes, aucun dividende ne sera considéré dans le chef de


la société tant que les distributions ne dépassent pas le capital
revalorisé. Les bénéfices distribués qui sont supposés correspondre aux
réserves taxées n’auront pas de répercussion sur la base imposable au
niveau de la société, étant donné que cette part du dividende sera
intégralement neutralisé par un prélèvement équivalent de ses réserves
taxées. Les prélèvements sur les réserves immunisées engendreront
une taxation à l’impôt des sociétés.

Du côté de l’actionnaire, la réforme de l’impôt des sociétés du 24


décembre 2002 a mis en place une imposition au précompte mobilier au
taux de 10 % sur les « bonis de liquidation ».

Depuis lors, la cessation des activités dans le cadre de l’exercice de


cette activité dans une structure sociétaire est rendue difficile et plus
onéreuse que par le passé.

Cette cessation sera toujours exemptée dans le cadre d’une cession des
actions de la société qui exerce l’activité.

En revanche, dans l’hypothèse du rachat d’actions propres ou de la


liquidation, qui était auparavant des mécanismes « de choix » en termes

SD/08/Document1 29
d’optimalisation fiscale, il convient de noter que la réforme bouleverse
quelque peu les schémas développés par la pratique par le passé.

Les bonis bénéficient cependant d’un taux « de faveur » puisque le taux


du précompte est fixé à 10 % et non à 15 % ou 25 % comme les
dividendes distribués en cours d’activité.

Ce taux de 10% passera à 25% au 1e octobre 2014: La loi-programme du 28


juin 2013 (M.B., 01/07/2013) prévoit une majoration du précompte
mobilier sur le boni de liquidation qui passera de 10 à 25% pour les
revenus attribués ou mis en paiement à partir du 1er octobre 2014.

SD/08/Document1 30

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