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Testard Maurice. Adalbert de Vogüé, Histoire littéraire du mouvement monastique dans l'antiquité. Première partie : Le
monachisme latin. Vol. 3. Jérôme, Augustin et Rufin au tournant du siècle (391-405) (coll. Patrimoines. Christianisme). 1996.
In: Revue théologique de Louvain, 28ᵉ année, fasc. 2, 1997. pp. 246-251;
https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1997_num_28_2_2885_t1_0246_0000_2
second volume avait déjà été dédié à l'oratorien John Henry Newman. Ce
nouvel ouvrage consacré au «tournant du siècle» est extrêmement riche par
la matière traitée, l'érudition fournie, la précision des analyses et la vigueur
des synthèses. Tant de richesses condamnent le recenseur à un survol trop
sommaire qui se propose seulement d'inviter ses lecteurs à l'étude attentive
de ce grand livre. Après l' Avant-propos, cinq chapitres: La querelle autour
d'Origène (393-405), p. 15-90; Nouvelles Lettres ascétiques de Jérôme (395-
402), p. 91-147; Augustin et les débuts du monachisme africain (391-403),
p. 149-245; Rufin, traducteur et historien, p. 247-316; «L'histoire des
moines en Egypte» traduite par Rufin (404), p. 317-385. Viennent ensuite
une Postface: Inventaire d'un ensemble; les Addenda et corrigenda des
deux premiers volumes, p. 395-398; les Addenda de ce volume III, p. 399-
401 ; cinq indices: citations scripturaires, auteurs anciens, noms propres, mots
et expressions commentés, thèmes divers, p. 403-438; enfin une table des
matières détaillée et très utile à ce titre, p. 439-445.
Le premier chapitre de ce livre est intitulé La querelle autour d'Origène
(393-405). L'étude est menée avec une grande maîtrise. L'auteur conserve
toujours en mémoire un très large contexte historique et géographique sur
cette grave crise dans le monde monastique et dans l'Église. Il domine avec
précision les nombreuses sources antiques qu'il exploite jusque dans le détail,
et pratique de multiples confrontations de ses sources, qui s'avèrent très
éclairantes. Il a fallu à l'auteur beaucoup de courage - un courage qui
honore l'honnêteté intellectuelle du savant - pour suivre dans toutes ses
péripéties cette querelle lamentable et scandaleuse, comme le reconnaît le
moine qu'il est. L'auteur aurait été bien inspiré, me semble-t-il, s'il avait
rappelé au début de ce chapitre - fût-ce brièvement - la personnalité
d'Origène et l'œuvre contrastée de cet écrivain chrétien où l'on trouve le meilleur
et le pire. Cela lui aurait permis d'insister sur un point qui me paraît capital:
le caractère absurde de cette querelle qui oppose en deux camps, des
hommes qui n'ont voulu voir, les uns que le meilleur, et les autres que le
pire dans l'œuvre d'Origène. Les meneurs de cette querelle se sont laissés
envahir par les passions jusqu'à l'aveuglement sur le meilleur ou sur le pire,
au lieu de pratiquer la vertu de discretio, traditionnelle dès l'origine dans la
vie monastique, parce qu'elle est une vertu fondamentale et indispensable de
la vie spirituelle contemplative (voir volume 1, p. 65; Saint Benoît, Règle,
LXIV; saint Grégoire le Grand, Dialogues, II, XXXVI). On saura gré à
Adalbert de Vogué d'avoir évoqué cette querelle pitoyable en prenant de la
hauteur et d'avoir discerné, à travers et au-delà des comportements
indéfendables d'une histoire trop humaine - au pire sens de l'adjectif - les
linéaments d'une autre histoire, plus digne de l'Église, de Dieu - et de l'homme
aussi - qui se préparait malgré ces hommes, à travers eux. Ces contempteurs
de fait des valeurs essentielles du christianisme et du monachisme - qui, à
vues humaines, devaient y sombrer l'un et l'autre - abordaient mal des
sujets que plus tard l'Église traiterait bien, sans eux, après eux. Ajoutons
que cette histoire est aussi pleine de leçons pour les trublions d'aujourd'hui!
Il vaut la peine de citer quelques-uns de ces sujets. On peut évoquer, en
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manière dont on les vit: il peut exister de saints laïcs et de médiocres moines,
au regard de Dieu. S'il s'intéresse aux veuves qu'il se soucie surtout de
mettre en garde contre les tentations du monde, c'est avec les vierges
consacrées que Jérôme se montre le plus à l'aise. Il conçoit leur vocation à la
lumière du Cantique des Cantiques et du Psaume 45 (44) et leur reconnaît,
dans l'Église épouse du Christ, la qualité personnelle d'épouses du Christ.
Le fait que saint Jérôme considère les femmes comme meilleures que les
hommes et qu'il ait été stimulé par elles dans ses recherches intellectuelles et
spirituelles rejoint l'expérience de tous les professeurs. J'hésiterais cependant
à suivre A. de Vogué lorsqu'il parle du «féminisme» de saint Jérôme. Le
mot est anachronique et je ne pense pas qu'il soit juste. Ce terme moderne
implique généralement le sentiment tout à fait injustifié qu'une femme se
grandit en imitant l'homme, alors qu'elle risque d'y perdre le meilleur d'elle
même, sa supériorité et son aptitude à régner par ses qualités propres.
Un beau texte de l'Écriture est évoqué dans l'ouvrage, à diverses reprises,
à propos de Jérôme et en particulier du Praeceptum d'Augustin. Il s'agit des
Actes, 4, 32 s. où saint Luc, à sa manière irénique, parfois idyllique, se
représente la première communauté chrétienne: tous les biens sont mis en
commun, les possesseurs de propriétés les vendent pour en donner le prix aux
apôtres, en vue d'une répartition à chacun selon ses besoins. Les moines
aimeront à se réclamer de cet exemple qu'ils n'ont pourtant suivi que
partiellement, avec raison du reste. Avec une grande générosité, mais une
inexpérience non moins grande, l'Église primitive de Jérusalem avait fait de ce
renoncement radical une pratique générale - bien que l'initiative en revînt à
chacun - pour «la multitude de ceux qui avaient cru», au point que deux
fidèles, Ananie et Saphire, se crurent obligés de suivre cette pratique, mais . . .
trichèrent, avec les conséquences que l'on sait. Ils eurent le plus grand tort de
tricher, mais la pratique n'était pas bonne qui confondait toutes les vocations.
La vie monastique marqua un grand progrès sur l'exemple de l'Église de
Jérusalem en fondant la pratique du détachement et de la mise en commun
sur l'Évangile où Jésus propose ou demande, mais ne contraint pas et parfois
même, devant des candidats à le suivre, les renvoie porter témoignage dans
la vie ordinaire. Bref la vie monastique s'est présentée, non pas comme la
voie de tous les chrétiens, mais comme une voie pour ceux qui répondent à
un appel. On peut se souvenir ici opportunément de la vocation du père du
monachisme, saint Antoine, à partir de textes de l'Écriture, comme le
rappelle A. de Vogué, p. 179. En revanche, la pratique judicieuse de l'Église de
Jérusalem d'une répartition des biens à chacun selon ses besoins sera retenue
avec attention dans la vie monastique, en particulier au début du Praeceptum
de saint Augustin. Un dernier point mérite de retenir l'attention. L'initiative
si généreuse de l'Église de Jérusalem, grevée par la méconnaissance de la
diversité des voies et par un manque de réalisme évident, aboutit très
rapidement au pire des échecs: la misère des «saints» - c'est-à-dire des chrétiens -
de Jérusalem. Saint Paul, l'apôtre des païens, dut, au cours de ses missions
apostoliques dans le bassin de la Méditerranée, faire la quête en faveur de la
communauté de Jérusalem sur ce thème: les païens qui ont bénéficié des juifs
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pour des biens spirituels, doivent en retour aider les juifs pour les biens
temporels. Pour le monachisme qui nous occupe - qui n'est pas celui, plus tardif,
des ordres mendiants que nous n'étudions pas ici et qui représente un tout
autre problème -, on ne peut qu'admirer, en outre de la reconnaissance de la
diversité des voies spirituelles évoquée précédemment, le réalisme qui
préside à la conception d'un équilibre entre la vie personnelle de chacun, qui
exige un détachement total, et la vie commune qui assure à tous par le travail
de tous, mais approprié à chacun, la subsistance de chacun selon ses besoins.
Cet équilibre a pu être perverti parfois et donner lieu à la caricature de La
Bruyère, Les caractères, VI, 36; XIV, 31, qui parle de filles «pas assez
riches pour faire, dans une riche abbaye, vœu de pauvreté». On lira avec un
intérêt particulier tout ce que saint Augustin a écrit sur les riches et les
pauvres dans la vie monastique avec beaucoup de lucidité, de sagesse et
d'équité. Toute l'étude consacrée à saint Augustin mérite d'être lue de très
près, en raison de l'intelligence humaine et spirituelle de l'homme, de son
sens des réalités, de sa conscience des fins à poursuivre, de l'équilibre de sa
pensée. Ces pages m'ont rappelé le souvenir de conversations avec le cher et
regretté L. Verheijen.
L'étude sur Rufin traducteur opère, chronologiquement, un retour en
arrière. Tandis que saint Augustin associera d'emblée dans son Praeceptum
les deux commandements de l'amour de Dieu et du prochain, saint Basile
privilégie le premier commandement en des termes qui impliquent une vie
intérieure très profonde, l'attention permanente à Dieu avec la volonté
exclusive de lui plaire; la conséquence s'ensuit de la nécessité de la
séparation du monde et du «commun des hommes». Basile fournit cependant
une précision capitale en dénonçant les «volontés propres»: c'est de soi-
même autant que des hommes qu'il est nécessaire de se séparer - ce qui est
déjà très augustinien. Il en arrive à la condamnation de l'isolement: sans
rien rabattre de la primauté du premier commandement, saint Basile fait
valoir tout ce que la vie commune peut apporter pour une meilleure
observance du premier commandement. Il retrouve ainsi, comme fondements de
la vie monastique, les deux commandements, mais en mettant le second au
service du premier. Je signale, d'un mot seulement, l'intérêt d'un texte
perdu d'un auteur mal identifié, le Manuel de Sextus. Il faut aussi
mentionner les «Vies parallèles» de Grégoire de Nazianze et de Basile, moines qui
deviendront évêques, et observer la préférence de Rufin pour le premier, qui
représente pour lui la vie intérieure et solitaire, et renoncera en effet à la
charge épiscopale, sur le second, qui représente pour Rufin la vie active et
communautaire, et se montrera en effet intrépide dans l'exercice de sa
charge épiscopale. V Histoire des moines d'Egypte, le dernier chapitre, clôt
ce livre en donnant au lecteur beaucoup à réfléchir. Au premier abord, il
s'agit d'histoires pittoresques d'hommes engagés dans des voies
exceptionnelles, qui apparaissent très éloignés de nous, dans le temps, l'espace et par
la mentalité, voire excentriques. A. de Vogué reste un philologue très
exigeant, attentif à confronter le texte grec et la version latine, et à détecter
toutes les significations des différences. Mais, à l'occasion de ces histoires
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