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LE MONDE BYZANTIN

Tome 2
NOUVELLE CLIO
L’HISTOIRE ET SES PROBLÈMES
COLLECTION FONDÉE PAR ROBERT BOUTRUCHE ET PAUL LEMERLE
ET DIRIGÉE PAR JEAN DELUMEAU ET CLAUDE LEPELLEY
LE MONDE BYZANTIN

TOME 2
L’Empire byzantin
641-1204

SOUS LA DIRECTION DE

JE A N-CLAUDE CHEYNET
AVEC LA COLLABORATION DE
BÉATRICE CASEAU, MARIE-HÉLÈNE CONGOURDEAU, BERNARD FLUSIN,
MICHEL KAPLAN, JACQUES LEFORT, JEAN-MARIE MARTIN,
BERNADETTE MARTIN-HISARD, CÉCILE MORRISSON, JEAN-MICHEL SPIESER

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE


Ont contribué à cet ouvrage :

Béatrice CASEAU maître de conférences à l’Université Paris IV.


Jean-Claude professeur à l’Université Paris IV.
CHEYNET
Marie-Hélène chargée de recherche au CNRS (UMR 8567).
CONGOURDEAU
Bernard FLUSIN professeur à l’Université Paris IV, directeur d’études à
l’EPHE, Section des sciences religieuses, Paris.
Bernadette HISARD- maître de conférences honoraire à l’Université Paris I.
MARTIN
Michel KAPLAN professeur à l’Université Paris I, ancien président de
l’Université Paris I.
Jacques LEFORT directeur d’études émérite à l’EPHE (IVe section).
Jean-Marie MARTIN directeur de recherche émérite au CNRS (UMR 8567).
Cécile MORRISSON directeur de recherche émérite au CNRS (UMR 8567).
Jean-Michel SPIESER professeur à l’Université de Fribourg, Suisse.

ISBN 2 13 052007 3
ISSN 0768-2379
Dépôt légal — 1re édition : 2006, novembre
© Presses Universitaires de France, 2006
6, avenue Reille, 75014 Paris
Avant-propos

Ce second volume de la série de trois que les éditeurs de la « Nouvelle


Clio » ont accepté de consacrer à Byzance prend la suite du premier dirigé
par Cécile Morrisson et s’efforce d’en respecter l’esprit. La date qui ouvre
ce volume, l’année 641 qui vit la mort d’Héraclius, est héritée du volume
précédent. Comme toute césure, elle comporte une part d’arbitraire,
puisque le déclin de l’Empire, qui caractérise le Ier siècle de l’époque médié-
vale, trouve ses racines bien antérieurement, depuis l’époque de Justinien,
du retour des grandes pandémies et de l’affaissement de l’économie médi-
terranéenne. Cependant elle se justifie aisément. Aux yeux des Byzantins,
Héraclius comptait parmi les rares empereurs, avec Justinien, dont le glo-
rieux souvenir avait passé les siècles, en dépit des échecs de la fin du règne
et il avait, le premier, utilisé officiellement le titre de basileus. De plus,
l’Empire, en 641, avait acquis son identité religieuse et linguistique, ses limi-
tes territoriales, même s’il fallut près d’un siècle pour marquer sur le Taurus
la limite des conquêtes califales. Le choix de 1204 se justifie sans difficulté,
tant la perte de leur capitale a provoqué chez les Byzantins un effondre-
ment politique et mental et transformé la nature même de leur État.
La répartition chronologique entre les trois volumes laisse aux auteurs
du second le soin de traiter cinq siècles et demi de l’histoire impériale, soit
une durée égale à celle que traitent les deux autres volumes réunis. Cette
disproportion s’explique à la fois par un souci de cohérence et par une iné-
galité parallèle dans la distribution des sources : entre l’abondance remar-
quable des sources de l’Antiquité tardive et celle, confortable – si l’on tient
compte de l’exiguïté de Byzance à ce moment – du temps des Paléologues,
l’époque médiane est mal lotie, même si la pénurie s’atténue à partir du
XIe siècle.
Rendre compréhensible l’évolution de l’Empire sur plus de cinq siècles
impliquait de développer davantage le récit des événements par rapport au
VI Le monde byzantin

premier volume. Parfois ont été glissés dans cette première partie quelques
développements un peu plus longs sur des sujets qui n’étaient pas traités ail-
leurs : l’Afrique perdue à la fin du VIIe siècle ou les rapports de l’Empire et
des croisés occidentaux.
Quelques points de recoupement avec le premier volume étaient égale-
ment indispensables, dans la mesure où il fallait éviter d’y recourir systéma-
tiquement, ce qui a entraîné quelques répétitions dans la bibliographie et
plus rarement dans le texte. La structure de ce tome est assez proche du
précédent : présentation des grandes lignes de l’histoire événementielle,
analyse des principales structures, fondements de la civilisation et études
régionales. Aux structures traditionnelles, l’empereur, l’Église et l’armée,
ont été adjoints un tableau de l’aristocratie byzantine qui a formé les cadres
de ces institutions durant toute l’époque étudiée et une description du
monde rural, qui contribua de façon majeure au ravitaillement de la méga-
lopole constantinopolitaine, au financement des guerres quasi permanentes
et au recrutement de l’armée. D’une façon générale, une place un peu plus
importante a été faite à l’histoire sociale. Les fondements de la civilisation
byzantine ayant été posés durant les siècles de l’Antiquité tardive, ils restent
identiques, mais les études régionales sont plus restreintes que dans le
volume précédent, pour tenir compte de la forte diminution du territoire
byzantin. Les territoires occidentaux, à l’exception de l’Italie, n’ont pas fait
l’objet d’un chapitre particulier, car ils restèrent peu de temps sous la domi-
nation byzantine, la conquête arabe les ayant presque complètement sub-
mergés vers 700. La situation de l’Afrique est rapidement évoquée dans le
premier chapitre d’histoire événementielle.
La bibliographie ne peut que présenter un choix limité d’une production
immense. Nous avons privilégié les ouvrages en français et en anglais, limi-
tant les références aux travaux dans les autres langues aux œuvres dont
l’équivalent n’existait pas dans les deux langues précitées. De même, les
sources présentées sont en nombre limité et données dans la bibliographie
générale, quelques-unes plus spécifiques étant précisées dans la bibliographie
par chapitre. Nous nous sommes efforcés de signaler les traductions exis-
tantes. Enfin lorsque des sujets, comme la place du commerce, sont dispersés
dans plusieurs chapitres, l’index permet de rassembler les informations1.

1. Je remercie chaleureusement les collègues qui ont accepté de relire tout ou partie du livre :
Marie-France Auzépy, Joëlle Beaucamp, Béatrice Caseau, Vincent Déroche, Bernadette Martin-
Hisard, Sophie Métivier, Paule Pagès et Constantin Zuckerman.
Introduction méthodologique
et bibliographique

ABRÉVIATIONS DES OUVRAGES ET REVUES

AASS Acta Sanctorum [cf. p. X, no 6]


ACO Acta Conciliorum Œcumenicorum [cf. p. X, no 7]
An. Boll. Analecta Bollandiana
AOC Archives de l’Orient chrétien
BAR British Archeological Reports
BBA Berliner byzantinische Arbeiten
BBS Berliner byzantinistische Studien
BCH Bulletin de Correspondance hellénique
BEFAR Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome
BHG Bibliotheca hagiographica graeca, 3e éd., et Auctarium [cf. p. XV, no 90]
BMGS Byzantine and Modern Greek Studies
BS Byzantina Sorbonensia
BSl. Byzantinoslavica
Byz. Byzantion
Byz. Forsch. Byzantinische Forschungen
BZ Byzantinische Zeitschrift
CArch. Cahiers archéologiques
CCM Cahiers de civilisation médiévale
CCG Corpus Christianorum, series graeca, Turnhout [cf. p. X, no 10]
CCCM Corpus Christianorum, Continuatio medievalis, Turnhout [cf. p. X, no 11]
CFHB Corpus Fontium Historiae Byzantinae [cf. p. X, no 12]
CIG Corpus Inscriptionum Graecarum, Berlin
CJ Codex Justinianus, ed. P. Krüger
CRAI Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Comptes rendus
CSCO Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium [cf. p. X, no 13]
CSHB Corpus Scriptorum Historiae Byzantinae, Bonn, 1828-1897
DACL Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie
DHGE Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques
VIII Le monde byzantin

DOC Dumbarton Oaks Collection [34]


DOP Dumbarton Oaks Papers
DS Dictionnaire de spiritualité
DTC Dictionnaire de théologie catholique
EEBS Epétèris Hetaireias Byzantinôn Spoudôn
EHB Economic History of Byzantium (548)
EI et EI2 Encyclopédie de l’Islam, 1re et 2e éd.
FM Fontes Minores
GRBS Greek Roman and Byzantine Studies
HC 4 et 5 Histoire du christianisme des origines à nos jours, 4 et 5, Paris, 1993 [no 114]
HR Hommes et richesses dans l’Empire byzantin [no 489]
IstMitt Istanbuler Mitteilungen
JÖB Jahrbuch der österreichischen Byzantinistik (avant 1969, JÖBG)
MANSI Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio [no 15]
MEFRM Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge
MGH Monumenta Germaniae Historica
NC 1 Le Monde byzantin 1. L’Empire romain d’Orient (330-641), sous la dir. de
C. Morrisson ( « Nouvelle Clio » ), Paris, 2004
Nov. Corpus Iuris Civilis III. Novellae, éd. Schoell-Kroll
OCA Orientalia Christiana Analecta
OCP Orientalia Christiana Periodica
ODB Oxford Dictionary of Byzantium [no 121]
PG Patrologiae cursus completus, series graeca, éd. J.-P. Migne
PL Patrologiae cursus completus, series latina, éd. J.-P. Migne
PO Patrologia orientalis [no 19]
RP RHALLÈS-POTLÈS [no 20]
RE Wissowa G., [Paulys] Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft
REB Revue des études byzantines
RESEE Revue des études du Sud-Est européen
RH Revue historique
RHM Römische historische Mitteilungen
RHR Revue de l’histoire des religions
RN Revue numismatique
RSBN Rivista di studi bizantini e neoellenici
SBS Studies in Byzantine Sigillography
SC Sources chrétiennes [no 21]
Settim. Settimane di Studio del Centro Italiano di Studi sull’alto Medioevo, Spolète
TIB Tabula Imperii Byzantini [no 2]
TM Travaux et Mémoires, Collège de France, Paris
TM, Monogr. Travaux et Mémoires, Monographies
TRW Transformation of the Roman World
VR Variorum Reprints (Collected Studies)
ZRVI Zbornik Radova vizantoloskog Instituta
Introduction méthodologique et bibliographique IX

INSTRUMENTS BIBLIOGRAPHIQUES GÉNÉRAUX

Nous ne reprenons pas systématiquement les instruments bibliographiques déjà donnés


dans la NC 1. Nous y renvoyons pour les bibliothèques et les sites en ligne en rappelant
l’adresse du principal site français, qui comporte des liens avec les autres sites byzantins fran-
çais et étrangers : http :/www. college-de-france/chaires/chaire 23
De même nous renvoyons à la NC 1 pour la liste des dictionnaires, encyclopédies et his-
toires de la littérature.

TOPOGRAPHIE

[1] TALBERT R. (éd.), Barrington Atlas of the Greek and Roman World, Princeton, 2000 (excel-
lente cartographie au 1/500 000 et 1/1 000 000).
[2] Tabula Imperii Byzantini, Vienne, 1976 (Répertoire et comm. des sites connus par les tex-
tes ou l’archéologie, excellentes cartes au 1/800 000 ; les vol. parus couvrent Égée du
Nord, Hellade, Thessalie, Cappadoce, Nicopolis et Céphalonie, Galatie, Lycaonie,
Cilicie, Isaurie, Thrace, Phrygie, Pisidie, Paphlagonie et Honoriade, Lycie, Pam-
philie) [TIB].
[3] HALDON J., The Palgrave Atlas of Byzantine History, Basingstoke, 2005.
[4] RILEY SMITH J., Atlas des croisades, préf. et éd. française revue par M. BALARD, Paris,
1996.
[5] JEDIN H., LATOURETTE K. S., MARTIN J., Atlas d’histoire de l’Église. Les églises chrétiennes
hier et aujourd’hui, Turnhout, 1990.

SOURCES

Sous cette rubrique sont réunies les principales sources de l’histoire byzantine pour
l’époque concernée. En tête de chaque chapitre, des compléments sont donnés si nécessaire.

Répertoires

Les sources en grec, en latin et dans les langues orientales sont abondantes et la sélection
est nécessairement arbitraire. Les traductions, quand elles existent, sont systématiquement don-
nées. Le Thesaurus Linguae Graecae (TLG) informatisé, s’il ne remplace pas les éditions critiques,
est un instrument de travail indispensable, à la fois par la masse des textes enregistrés (en cons-
tant accroissement) et par les facilités de consultation. Nous disposons d’un répertoire ancien,
celui de I. E. KARAYANNOPOULOS, G. WEISS, Quellenkunde zur Geschichte von Byzanz 324-1453,
Wiesbaden, 1982. Il sera complété par la dernière édition du Dictionnaire des auteurs grecs et latins
de l’Antiquité et du Moyen Âge, W. BUCHWALD, A. HOHLWEG, O. PRINZ. Traduit et mis à jour
par J.-D. BERGER et J. BILLEN. Préface par J. BILLEN, Turnhout, 1991.
X Le monde byzantin

Collections

[6] Acta Sanctorum, collecta... a Sociis Bollandianis, 3a edit., Paris, 1863 sq. (textes hagiographi-
ques grecs et latins ; certaines éditions ne sont pas remplacées) (AASS).
[7] Acta Conciliorum Œcumenicorum, éd. E. SCHWARTZ, Berlin, 1914-1940 ; J. STRAUB, 1970-
1974.
[8] Archives de l’Athos, La publication des archives conservées dans les monastères de l’Athos
a commencé en 1945 et se poursuit encore. Vingt-deux volumes sont parus à ce jour.
[9] Bibliotheca Teubneriana (collection d’auteurs grecs et latins de l’Antiquité et du Moyen
Âge ; sans trad.) (« Teubner »).
[10] Corpus christianorum, series graeca, Turnhout-Leuven, 1977 sq. (textes patristiques ; sans
trad.) (CCG).
[11] Corpus Christianorum, Continuatio medievalis, Turnhout, 1953 sq. (même remarque) (CCCM).
[12] Corpus Fontium Historiae Byzantinae, 1967 sq. (certaines séries sont accompagnées d’une
trad.) (CFHB).
[13] Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, Paris, puis Louvain, 1903 sq. (riche collection
d’études et de textes dans les langues de l’Orient chrétien, avec trad.) (CSCO).
[14] Corpus Scriptorum Historiae Byzantinae, Bonn, 1828-1897 (collection d’historiens grecs, avec
trad. latine ; vieilli ; certaines éditions ne sont pas remplacées) (CSHB, ou « Bonn »).
[15] MANSI J. D., Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, Florence-Venise, 1759-1798
(actes des conciles en grec et en latin).
[16] MIGNE J.-P., Patrologiae cursus completus, series graeca, éd. J.-P. Migne, t. 1-161, Paris, 1857-
1866 (la plus riche collection d’éditions de textes patristiques, avec trad. lat. ; nombreu-
ses sources narratives ; reprend les textes du Corpus de Bonn) (PG).
[17] MIGNE J.-P., Patrologiae cursus completus, series latina, éd. J.-P. Migne, t. 1-221, Paris, 1844-
1855 (PL).
[18] Monumenta Germaniae Historica, Berlin, 1826 sq. (en partie numérisé sous http://www.gal-
lica.fr).
[19] Patrologia orientalis, éd. R. GRAFFIN et F. NAU, Paris, puis Turnhout, 1903 sq. (textes
dans les langues de l’Orient chrétien, avec trad.) (PO).
[20] RALLES G., POTLES A., Syntagma tôn theiôn kai hiérôn kanonôn, I-VI, 1852-1859 (textes
canoniques en grec).
[21] Sources chrétiennes, Lyon-Paris, 1941 sq. (textes avec trad. et notes ; auteurs grecs et
latins, essentiellement patristiques ; Vies de saints ; historiens de l’Église) (SC).
[22] Studi e Testi, Città del Vaticano, 1900 sq.
[23] Subsidia hagiographica, Bruxelles (études d’hagiographie ; éd. de textes hagiographiques).

SOURCES DOCUMENTAIRES

DIPLOMATIQUE

[24] DÖLGER F., KARAGIANNOPOULOS I. E., Byzantinische Urkundenlehre, Munich, 1968.


Introduction méthodologique et bibliographique XI

ÉPIGRAPHIE

[25] ALLEN J. S., ŠEVCENKO I. (ed.), Dumbarton Oaks Bibliographies, based on « Byzantinische
Zeitschrift », Series II, vol. 1, Epigraphy, Washington DC, 1981.
[26] BÉRARD F. et al., Guide de l’épigraphiste. Bibliographie choisie des épigraphies antiques et médiévales,
3e éd., Paris, 2000 (instrument de travail essentiel).
[27] FEISSEL D., Inscriptions chrétiennes et byzantines, Bulletin épigraphique (depuis 1987,
bibliographie analytique paraissant chaque année dans la REG). Ces chroniques vien-
nent d’être réunies commodément dans un ouvrage : D. FEISSEL, Chroniques d’épigraphie
byzantine, 1987-2004 (TM, Monogr., 20), Paris, 2006.

SOURCES GÉOGRAPHIQUES ET ADMINISTRATIVES

[28] OIKONOMIDÈS N., Les listes de préséance byzantines des IXe et Xe siècles, Introduction, texte,
traduction et commentaire (Le Monde byzantin), Paris, 1972 (fondamental).
[29] DARROUZÈS J., Notitiae episcopatuum Ecclesiae Constantinopolitanae, texte critique, introduc-
tion et notes, Paris, 1981.
[30] Costantino Porfirogenito, De thematibus, éd. A. PERTUSI, Cité du Vatican, 1952.
[31] Constantine Porphyrogenetus, De administrando imperio, éd. G. MORAVCSIK, traduction
anglaise par R. J. H. JENKINS (CFHB, 1), Washington, 19672.

NUMISMATIQUE ET MÉTROLOGIE

[32] BERTELÈ T., Numismatique byzantine, éd. par C. MORRISSON, Wetteren, 1978 (Introduc-
tion très claire).
[33] GRIERSON Ph., Byzantine Coins, Londres - Los Angeles, 1982.
[34] GRIERSON Ph. et al., Catalogue of the Byzantine Coins in the Dumbarton Oaks Collection and in
the Whittemore Collection, II (602-717), III (717-1081), Washington DC, 1971-1973 ;
HENDY M., IV (1081-1261), Washington, 1999 (très vaste collection ; les introductions
sont très riches).
[35] MORRISSON C., Catalogue des monnaies byzantines de la Bibliothèque nationale, Paris, 1970,
2 vol. (catalogue raisonné ; introd. brèves).
[36] SCHILBACH E., Byzantinische Metrologie, Munich, 1970.
[37] SCHILBACH E., Byzantinische metrologische Quellen, Thessalonique, 1982.

SIGILLOGRAPHIE

[38] CHEYNET J.-Cl., L’usage des sceaux à Byzance, Sceaux d’Orient et leur emploi. Res Orientales,
10, 1997, 23-40.
[39] CHEYNET J.-Cl., MORRISSON C., SEIBT W., Les sceaux byzantins de la collection Henri Sey-
rig, Paris, 1991.
[40] JORDANOV I., Corpus of Byzantine Seals from Bulgaria, vol. 1 : Byzantine Seals with Geographi-
cal Names, Sofia, 2003 (voir le c. r. de W. SEIBT, BZ, 98/1, 2005, 129-133).
XII Le monde byzantin

[41] LAURENT V., Le Corpus des sceaux de l’Empire byzantin, II : L’administration centrale, Paris,
1981 ; V, 1-3 : L’Église, Paris, 1963-1972 (inachevé).
[42] NESBITT J., OIKONOMIDÈS N., Catalogue of the Byzantine Seals at Dumbarton Oaks and in the
Fogg Museum of Art, 1-5, Washington, 1991-2005 (les cinq volumes prévus sur les régions
sont parus).
[43] SCHLUMBERGER G., Sigillographie de l’Empire byzantin, Paris, 1884 (ancien, mais a fondé
la sigillographie moderne).
[44] SEIBT W., Die byzantinischen Bleisiegel in Österreich, I, Kaiserhof, Vienne, 1978, II (en coll.
avec Al. WASSILIOU), Zentral-und Provincialverwaltung, Vienne, 2004.
[45] ZACOS G., VEGLERY A., Byzantine Lead Seals, I, Bâle, 1972, 3 vol.
[46] ZACOS G., Byzantine Lead Seals, compiled by J. W. NESBITT, Berne, 1985.

CHRONOLOGIE ET REGESTES, PROSOPOGRAPHIE

[47] GRUMEL V., La chronologie, Paris, 1958.


[48] DÖLGER F., Regesten der Kaiserurkunden des Oströmischen Reiches von 565-1453, 5 vol.,
Munich, 1924-1965, 2e éd. revue et corrigée par P. WIRTH (1025-1204) en 1995, et
A. MÜLLER, A. BEIHAMMER (867-1025) en 2003.
[49] Prosopographie der mittel-byzantinischen Zeit, nach Vorarbeiten F. WINKELMANNS erstellt von
R.-J. LILIE, Cl. LUDWIG, Th. PRATSCH, Il. ROCHOW unter Mitarbeit von
W. BRANDES, J. R. MARTINDALE, B. ZIELKE, Berlin - New York, 1998-2002.
[50] The Prosopography of the Byzantine Empire, I : 641-867, ed. by J. MARTINDALE, Aldershot,
2001 (CD-rom).
[51] Les Regestes des Actes du patriarcat de Constantinople, vol. I : Les Actes des patriarches, fasc. 1 : Les
Regestes de 381 à 715, par V. GRUMEL, 2e éd. revue et corrigée, Paris, 1972 ; fasc. II
et III : Les Regestes de 715 à 1206, par V. GRUMEL, 2e éd. revue et corrigée par
J. DARROUZÈS, Paris, 1989.

LES SOURCES NARRATIVES

Sources grecques

[52] Theophanis Chronographia, 1-2, éd. C. DE BOOR, Leipzig, 1883-1885. Traduction anglaise,
The Chronicle of Theophanes Confessor : Byzantine and Near Eastern History AD 284-813, transla-
ted with introd. and comment. by C. MANGO and Roger SCOTT, with the assistance of
G. GREATREX, Oxford, 1997.
[53] Nicephoros Patriarch of Constantinople Short History, ed. C. MANGO (CFHB, 13), Washing-
ton DC, 1990.
[54] Georgius Monachus Chronicon, ed. C. DE BOOR (and P. WIRTH), Stuttgart, 1904, 19782.
[55] Iosephi Genesii regum libri quattuor, rec. A. LESMUELLER-WERNER et I. THURN (CFHB, 4),
Berlin, 1978.
[56] Theophanes Continuatus, ed. I. BEKKER (CSHB), Bonn, 1838 (le même volume comprend
également l’édition de Syméon Magistre, Georges Le Moine).
[57] Leonis Diaconi Caloënsis historiae libri decem, éd. C. B. HASE (CSHB), Bonn, 1828. Traduc-
tion anglaise : The History of Leo the Deacon. Byzantine Military Expansion in the Tenth
Introduction méthodologique et bibliographique XIII

Century Int., trans., and annot. by A.-M. TALBOT and D. F. SULLIVAN, Washing-
ton DC, 2005.
[58] Ioannis Scylitzae Synopsis Historiarum, éd. I. THURN (CFHB, 5), Berlin - New York, 1973.
Traduction française B. FLUSIN et annot. J.-Cl. CHEYNET, Empereurs de Constantinople
(Réalités byzantines, 8), Paris, 2003.
[59] Miguel Ataliates, Historia, Introducción, edición, tradución y commentario de Im. PÉREZ
MARTÍN, Madrid, 2002.
[60] Michel PSELLOS, Chronographie, éd. É. RENAULD (Les Belles Lettres), Paris, 19672 ; éd.
S. IMPELIZZERI, trad. S. RONCHEY, Imperatori di Bisanzio : Michele Psello. Cronografia,
Milan, 1984.
[61] Nicephori Bryennii historiarum libri quattuor, Introduction, texte, traduction et notes par
P. GAUTIER (CFHB, 9), Bruxelles, 1975.
[62] ANNE COMNÈNE, Alexiade, éd. et trad. B. LEIB, Paris, 19672. Nouvelle édition (sans tra-
duction) Annae Comnenae Alexias. Pars prior. Prolegomena et textus, rec. D. R. REINSCH et
A. KAMBYLIS (CFHB, 40/1), Berlin - New York, 2001.
[63] Kinnamos, Épitomè, éd. A. MEINEKE (CSHB), Bonn, 1836. Traduction française : Jean
Kinnamos, Chronique, J. ROSENBLUM, Paris, 1972.
[64] Nicetae Choniatae Historia, éd. I. A. VAN DIETEN (CFHB, 9), Berlin - New York, 1975.
Traduction anglaise : H. J. MAGOULIAS, O City of Byzantium : Annals of Niketas Choniates,
Détroit, 1984.

Sources arabes

[65] The History of al Tabarî (Bibliotheca Persica), vol. I-XXXVI (divers traducteurs), Albany,
NY, 1989-1992.
[66] YAHYE D’ANTIOCHE I, II, III : Histoire de Yahyà ibn-Sa’íd al-Antàki, Continuateur de Sa’íd
ibn-Bitriq, éd. et trad. par I. KRATCHOVSKY, A. VASILIEV, I – PO, 18, 1924, 700-833 ;
II – PO, 23, 1932, 347-520 ; III – éd. par I. KRATCHOVSKY, trad. franç. annotée par
Fr. MICHEAU et G. TROUPEAU, PO, 47, fasc. 4, Turnhout, 1997.

Sources arméniennes

[67] Ps. SEBEOS, The Armenian History attributed to Sebeos, trad. et annoté par R. W. THOMSON ;
comm. historique par J. HOWARD-JOHNSTON, Liverpool, 1999, 2 vol.
[68] Histoire d’Arménie, Yohannes Drasxanakertcì, Introd., trad. et notes par P. BOISSON-
CHÉNORHOKIAN (CSCO, 605), Louvain, 2004.
[69] Étienne Asolik de Taron, Histoire universelle, traduite de l’arménien et annotée par
F. MACLER, Paris, 1917.
[70] Aristakès de Lastivert, Récit des malheurs de la nation arménienne, traduction française avec
introduction et commentaire par M. CANARD et H. BERBÉRIAN d’après l’édition et la
traduction russe de K. YUZBASHIAN (Bibliothèque de Byzantion, 5), Bruxelles, 1973.
[71] Armenia and the Crusades Tenth to Twelfth Centuries. The Chronicle of Matthiew of Edessa, trans-
lated from the Original Armenian with a Commentary and Introduction by
A. E. DOSTOURIAN, New York - Londres, 1993.
XIV Le monde byzantin

Sources latines

[72] Recueil des historiens des croisades, Historiens occidentaux, publ. par les soins de l’Académie
royale des inscriptions et belles-lettres (RHC), Paris, depuis 1844.
[73] GUILLAUME DE TYR, Historia rerum in partibus transmarinis gestarum, éd. R. B.
C. HUYGENS (CCCM, 63A), Turnholt, 1986. Version française : Guillaume de Tyr, Chro-
nique du royaume franc de Jérusalem de 1095 à 1184, adapté au français moderne par G. et
R. MÉTAIS, Paris, 1999.
[74] VILLEHARDOUIN G. DE, La conquête de Constantinople, II, éd. É. FARAL, Paris, 1973.

Sources documentaires

[75] Actes de Lavra, I-IV, éd. P. LEMERLE et al. (Archives de l’Athos V, VIII, X, XI), Paris,
1970-1982.
[76] Actes de Xéropotamou, éd. J. BOMPAIRE (Archives de l’Athos III), Paris, 1964.
[77] Actes d’Iviron, I-IV, éd. J. LEFORT et al. (Archives de l’Athos XIV, XVI, XVIII, XIX),
Paris, 1985-1995.
[78] Actes du Prôtaton, éd. D. PAPACHRYSSANTHOU (Archives de l’Athos VII), Paris, 1975.
[79] MIKLOSICH F., MÜLLER I., Acta et Diplomata Graeca medii aevi sacra et profana, I-VI,
Vienne, 1860-1890.
[80] Byzantine Monastic Foundations Documents, ed. J. THOMAS, A. CONSTANTINIDES-HERO,
5 vol., Washington DC, 2000. (Cette série comprend la traduction de tous les typika
byzantins conservés, avec une introd. pour chacun d’eux).

Les sources juridiques

[81] Basilicorum Libri LX, SCHELTEMA H. J., VAN DER WAL N., 7 vol., Groningue, 1955-1988.
[82] Ecloga : Das Gesetzbuch Leons III. und Konstantinos V., ed. L. BURGMANN (Forschungen zur
byzantinischen Rechtsgeschichte, 10), Francfort, 1983.
[83] JOANNOU P., Discipline générale antique : IIe-IXe s. t. I, 1 : Les canons des conciles œcuméniques ;
t. I, 2 : Les canons des synodes particuliers, t. II : Les canons des Pères grecs (Pontificia Commis-
sione per la redazione del Codice di diritto canonico orientale, Fonti, IX), Rome, 1962-
1963.
[84] KODER J., Das Eparchenbuch Leons des Weisen (CFHB, 33), Vienne, 1991.
[85] SVORONOS N., La Synopsis major des Basiliques et ses appendices (Bibliothèque byzantine),
Paris, 1964.
[86] SVORONOS N., Les novelles des empereurs macédoniens concernant la terre et les stratiotes, éd.
P. Gounaridis, Athènes, 1994 (trad. par E. MCGEER, The Land Legislation of the Macedo-
nian Emperors, Toronto, 2000). Les novelles de Léon VI sont éditées et traduites : Les
novelles de Léon VI, texte et trad. P. NOAILLES et A. DAIN, Paris, 1944.
[87] SVORONOS N., Recherches sur le cadastre byzantin et la fiscalité aux XIe et XIIe siècles :
le cadastre de Thèbes (= Id. [520], no III).
[88] VAN DER WAL N., LOKIN H. A., Historiae iuris graeco-romani delineatio : les sources du droit
byzantin de 300 à 1453, Groningue, 1985.
[89] ZÉPOS J. et P., Jus Graecoromanum, 8 vol., Athènes, 1930, 1931. Le vol. IV comprend la
Peira (9-260), un important recueil de jurisprudence du XIe s.
Introduction méthodologique et bibliographique XV

Les sources hagiographiques (ordre chronologique des Vies)

[90] Bibliotheca hagiographica graeca, 1-3, mise à jour et considérablement augmentée par
F. HALKIN (Subsidia hagiographica, 8a), Bruxelles, 1957-1967, 3e éd., et Novum auctarium
bibliothecae hagiographicae graecae, Fr. HALKIN (éd.) (Subsidia hagiographica, 65), Bruxelles,
1984 [BHG].
[91] Les plus anciens recueils des miracles de saint Démétrius et la pénétration des Slaves dans les Balkans,
I : Le texte, éd. P. LEMERLE (Le monde byzantin), Paris, 1979.
[92] The Life of St Philaretos the Merciful written by his Grandson Nicetas, ed. L. RYDÉN (Acta Uni-
versitatis Upsaliensis, 8), Uppsala, 2002.
[93] La Vie d’Étienne le Jeune par Étienne le Diacre (BHG, 1666), Introduction, édition, traduction
par M.-F. AUZÉPY (Birmingham Byzantine and Ottoman Monographs, 3), Birmingham,
1997.
[94] The Life of the Patriarch Tarasios by Ignatios the Diacon, ed. S. EFTHYMIADIS (Birmingham
Byzantine and Ottoman Monographs, 4), Aldershot, 1998.
[95] Vie d’Euthyme de Sardes, éd. et trad. J. GOUILLARD, TM, 10, 1981, 1-101.
[96] Vita Euthymii Patriarchae Cp. Text, Trans., Intro. and Com. P. KARLIN-HAYTER (Biblio-
thèque de Byzantion, 3), Bruxelles, 1970.
[97] Vie d’André Salos (BHG, 115z), éd. L. RYDÉN (Studia Byzantina Upsaliensia, 4/2),
Uppsala, 1995.
[98] The Life of Saint Nikon, Text, Translation and Commentary by D. F. SULLIVAN, Broo-
kline, 1987.
[99] The Life of Lazaros of Mt. Galesion. An eleventh-century pillar saint, Introduction, transl., and notes
by R. P. H. GREENFIELD (Byzantine saints’ lives in translation, 3), Washington DC, 2000.
[100] La vie de saint Cyrille le Philéote moine byzantin, Introduction, texte critique, traduction et
notes par É. SARGOLOGOS (Subsidia Hagiographica, 39), Bruxelles, 1964.
[101] The Life of Leontios patriarch of Jerusalem (BHG, 985), éd. D. TSOUGARAKIS (The Medieval
Mediterranean, 2), Leyde - New York - Cologne, 1993.

Les épistoliers
[102] The correspondence of Ignatios the Deacon, C. MANGO and St. EFTHYMIADIS (ed.)
(CFHB, 39), Washington DC, 1997.
[103] Theodori Studitae epistulae, éd. G. FATOUROS (CFHB, 31), Berlin, 1991.
[104] Phôtios, Epistulae et Amphilochia, ed. B. LAOURDAS and L. G. WESTERINK, I-III, Leipzig,
1983-1985.
[105] Nicholas I, Patriarch of Constantinople, Letters, ed. and transl. by R. J. H. JENKINS and
L. G. WESTERINK (CFHB, 6), Washington DC, 1973.
[106] Anonymi Professoris Epistulæ, éd. A. MARKOPOULOS (CFHB, 37), Berlin - New York, 2000.
[107] DARROUZÈS J., Épistoliers byzantins du Xe siècle (AOC, 6), Paris, 1960 (contient des lettres
de Léon de Synada, Nicéphore Ouranos, Théodore de Cyzique, etc.).
[108] Georges et Dèmètrios Tornikès, Lettres et Discours, éd. J. DARROUZÈS (Le Monde byzantin),
Paris, 1970.
[109] Michel Italikos, Lettres et Discours, éd. P. GAUTIER (AOC, 14), Paris, 1972.
[110] LAMPROS Sp., Michaèl Akominatou tou Chôniatou ta sôzoména, II, Athènes, 1880. Nouvelle
édition des lettres : F. KOLOVOU (éd.), Michaelis Choniatae Epistulae (CFHB, 41), Berlin-
New York, 2001.
XVI Le monde byzantin

MANUELS

[111] CAVALLO G., The Byzantines, Chicago, 1997.


[112] CHEYNET J.-Cl., Byzance. L’Empire romain d’Orient, Paris, 2001.
[113] CHEYNET J.-Cl., Byzance ( « Que-sais-je ? » ), Paris, 2005.
[114] DAGRON G., RICHÉ P. et VAUCHEZ A. (éd.), Évêques, moines et empereurs (610-1054) (HC,
4) Paris, 1993 (fondamental ; contributions de G. Dagron, B. Martin, J.-M. Martin,
J..P. Mahé et G. Troupeau) et VAUCHEZ A. (éd.), Apogée de la papauté et expansion de la
chrétienté (1054-1274) (HC, 5), Paris, 1993 (contribution de Év. Patlagean, 27-56 et 329-
348, 451-459, 473-485).
[115] DUCELLIER A. et al., Byzance et le monde orthodoxe, Paris, 1986.
[116] DUCELLIER A., KAPLAN M., MARTIN B., Le Moyen Âge en Orient, Byzance et l’Islam, des
Barbares aux Ottomans, Paris, 2003.
[117] MANGO C., Byzantium : The Empire of New Rome, Londres, 1980.
[118] MANGO C. (ed.), The Oxford History of Byzantium, Oxford, 2002.
[119] New Cambridge Medieval History, II (ca 700 - ca 900), ed. R. MCKITTERICK, Cambridge,
1995 ; III (ca 900-1024), ed. T. REUTER, 1999 ; IV (1024-1198), ed. D. LUSCOMBE and
J. RILEY-SMITH, 2004 ; V (1198 - c. 1300), ed. D. ABOULAFIA, 1999 (très à jour).
[120] OSTROGORSKY G., Histoire de l’État byzantin, Paris, 1969 (bonne trame chronologique,
mais problématique vieillie).
[121] Oxford Dictionary of Byzantium, éd. A. P. KAZHDAN, New York - Oxford, 1991 (une nou-
velle édition est en préparation) (ODB).
[122] TREADGOLD W., A History of the Byzantine State and Society, Stanford, Ca, 1997.

PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE I
BYZANCE SUR LA DÉFENSIVE : LA STABILISATION
DES FRONTIÈRES (DU VIIe S. AU MILIEU DU IXe S.)

[123] AUZÉPY M.-F., La destruction de l’icône du Christ de la Chalcé par Léon III : propa-
gande ou réalité ?, Byz., 60, 1990, 445-492.
[124] BONNER M., Arab-Byzantine Relations in Early Islamic Times (The Formation of the Classi-
cal Islamic World), Aldershot, 2004.
[125] BRUBAKER L. (ed.), Byzantium in the Ninth Century : Dead or Alive. Papers from the Thirteenth
Spring Symposium of Byzantine Studies, Birmingham, March 1996, Aldershot, 1998.
[126] HALDON J., Byzantium in the Seventh Century. The Transformation of a Culture, Cambridge,
1990.
[127] HERRIN J., Women in Purple : Rulers of Medieval Byzantium, Londres, 2001.
[128] KAEGI W. E., Byzantine Military Unrest 471-843 : An Interpretation, Amsterdam, 1981.
[129] KAEGI W. E., Byzantium and the Early Islamic Conquests, Cambridge, 1995.
[130] KAPLONY A., Konstantinopel und Damaskus : Gesandschaften und Verträge zwischen Kaisern und
Kalifen 639-750 : Untersuchungen zum Gewohnheits-Völkerrecht und zur interkulturellen Diplomatie
(Islamkundliche Untersuchungen, 208), Berlin, 2002.
Introduction méthodologique et bibliographique XVII

[131] KOUNTOURA-GALAKÈ El. (ed.), The Dark Centuries (7th-9th ca) (International sympo-
sium, 9), Athènes, 2001.
[132] LEMERLE P., Thomas le Slave, TM, 1, 1965, 255-297 (= Id. [501], no III).
[133] LILIE R.-J., Die Byzantinische Reaktion auf die Ausbreitung der Araber : Studien zur Strukturwan-
dlung des byzantinischen Staates im 7. und 8. Jhd, Munich, 1976.
[134] LILIE R.-J., Byzanz unter Eirene und Konstantin VI. : 780-802. Mit einem Kapitel Über
Leon IV (775-780) von I. ROCHOW (BBS, 2), Francfort, 1996.
[135] MODÉRAN Y., Les Maures et l’Afrique romaine (IVe-VIIe siècle), BEFAR, Rome, 2003.
[136] NOONAN T. S., Byzantium and the Khazars : A special relationship ?, dans She-
pard [220], 109-132.
[137] ROCHOW I., Kaiser Konstantin V. (741-775) : Materialen zu seinem Leben mit einem
prosopographischen Anhang von Cl. Ludwig, I. Rochow und Ralph-Johannes Lilie,
Francfort-sur-le-Main, 1994.
[138] SHEPARD J., The Rhos guests of Louis the Pious : Whence and wherefore ?, Early Medie-
val Europe, 1995, 4 (1), 41-60.
[139] TURNER D., The Origins and Accession of Leo V (813-820), JÖB, 40, 1990, 171-203.
[140] TREADGOLD W., The Byzantine Revival : 780-842, Stanford, Ca, 1988.
[141] ZUCKERMAN C., On the date of the Khazars’ conversion to judaism and the chrono-
logy of the kings of the Rus Oleg and Igor, REB, 53, 1995, 237-270.

CHAPITRE II
L’EXPANSION BYZANTINE
DURANT LA DYNASTIE MACÉDONIENNE (867-1057)

[142] BIANQUIS T., Damas et la Syrie sous la domination fatimide (359-468/969-1076) : essai
d’interprétation de chroniques arabes médiévales, 2 vol. (Publications de l’Institut français de
Damas), Paris, 1986-1989.
[143] BROKKAAR W. G., Basil Lacapenus, Studia byzantina et neohellenica Neerlandica, 3, 1972,
199-234.
[144] CANARD M., Histoire de la dynastie des H’amdanides de Jazîra et de Syrie, Alger, 1951.
[145] CANARD M., Byzance et les musulmans du Proche-Orient (VR), Londres, 1973 (recueil
d’articles encore très utiles).
[146] CHRISTIDES V., The Conquest of Crete by the Arabs. A Turning Point in the Struggle between
Byzantium and Islam, Athènes, 1984.
[147] DROCOURT Nicolas, Ambassades latines et musulmanes à Byzance : une situation con-
trastée (VIIIe-XIe siècle), Byz., 75, 2004, 348-380.
[148] EUPSYCHIA. Mélanges offerts à Hélène Ahrweiler, éd. M. BALARD et al. (BS, 16), 2 vol., Paris
1998.
[149] FARAG W. A., The Aleppo question : A Byzantine-Fatimid conflict of interest in
Northern Syria in the later tenth century, BMGS, 14, 1990, 44-60.
[150] FELIX W., Byzanz und die islamische Welt in früheren 11. Jahrhundert (Byzantina Vindobonen-
sia, 14), Vienne, 1981.
[151] HOLMES C., Political elites in the reign of Basil II, in MAGDALINO [155], 35-69.
XVIII Le monde byzantin

[152] HOLMES C., Basil II and the Governance of Empire (976-1025) (Oxford Studies in Byzan-
tium), Oxford, 2005.
[153] JENKINS R. H. J., The chronological accuracy of the « Logothete » for the years
AD 867-913, DOP, 19, 1965, 91-112 (= Id. [154], no III).
[154] JENKINS R. H. J., Studies on Byzantine History of the 9th and 10th Centuries (VR), Londres,
1970.
[155] MAGDALINO P. (ed.), Byzantium in the Year 1000 (The Medieval Mediterranean, 45),
Leyde-Boston, 2003.
[156] MARKOPOULOS A., Le témoignage du Vaticanus Gr. 163 pour la période entre 945-
963, Symmeikta, 3, 1979, 83-119 (= Id. [157], no III).
[157] MARKOPOULOS A., History and Literature of Byzantium to the 9th-10th Centuries (VR) Alder-
shot, 2004.
[158] RUNCIMAN St., The Emperor Romanus Lecapenus and its Reign. A Study of Tenth-Century Byzan-
tium, Cambridge, réimpr., 1990.
[159] SCHLUMBERGER G., L’épopée byzantine à la fin du Xe siècle, 3 vol., Paris, 1896-1905 (vieilli,
mais un monument de l’historiographie).
[160] SCHLUMBERGER G., Un empereur byzantin au Xe siècle, Nicéphore Phocas, Paris, 1923.
[161] SHEPARD J., Byzantium and the Steppe-Nomads : The Hungarian Dimension, Byzanz
und Ostmitteleuropa 950-1453, Wiesbaden, 1999, 55-83.
[162] TOUGHER Sh., The Reign of Leo VI (886-912). Politics and People (The Medieval Mediter-
ranean, 15), Leyde, 1997.
[163] DE VRIES-VAN DER VELDEN E., Les amitiés dangereuses : Psellos et Léon Paraspondy-
los, BSl., 60, 1999, 315-350.
[164] VLYSSIDOU V. N. (ed.), The Empire in Crisis (?). Byzantium in the 11th Century (1025-1081),
Athènes, 2003.
[165] WALKER P. E., The « Crusade » of John Tzimisces in the Light of New Arabic Evi-
dence, Byz., 47, 1977, 301-327.
[166] ZUCKERMAN C., Le voyage d’Olga et la première ambassade espagnole à Constanti-
nople en 946, TM, 13, 2000, 647-672.
[167] ZUCKERMAN C., Deux étapes de la formation de l’ancien État russe, in Les centres proto-
urbains russes entre Scandinavie, Byzance et Orient, éd. par M. Kazanski, A. Nercessian et
C. Zuckerman (Réalités byzantines, 7), Paris, 2000, 95-121.
[168] ZUCKERMAN C., À propos du Livre des Cérémonies, II, 48, TM, 13, 2000, 531-594.

CHAPITRE III
BYZANCE ENTRE LES TURCS ET LES CROISÉS
(DU MILIEU DU IXe S. À LA FIN DU XIIe S.)

[169] Alexios I Komnenos. Papers of the second Belfast Byzantine International Colloquium, 14-
16 April 1989, ed. by M. MULLETT and D. SMYTHE (Belfast Byzantine Texts and
Translations, 4/1), Belfast, 1996.
[170] ANGOLD M., The Byzantine Empire, 1025-1204, a Political History, New York, 1984.
[171] ANGOLD M., The Fourth Crusade : Event and Context, Londres, 2002.
[172] BRAND C. M., Byzantium confronts the West (1180-1204), Cambridge, Mass. 1968.
Introduction méthodologique et bibliographique XIX

[173] CAHEN C., La première pénétration turque en Asie Mineure, Byz., 18, 1948, 5-67.
[174] CAHEN C., La Turquie pré-ottomane, Istanbul-Paris, 1988.
[175] CHALANDON F., Les Comnène, I : Essai sur le règne d’Alexis Comnène ; II. Jean II Comnène et
Manuel Ier Comnène, Paris, 1900-1912 (encore utile pour l’histoire événementielle).
[176] CHEYNET J.-Cl., Mantzikert : un désastre militaire ?, Byz., 50, 1980, 410-438
(= Id. [420], no XIII).
[177] CIGGAAR K. N., Western Travellers to Constantinople. The West and Byzantium, 962-1204 :
Cultural and Political Relations (The Medieval Mediterranean, 10), Leyde - New York-
Cologne, 1996.
[178] DÉDÉYAN G., Les Arméniens entre Grecs, Musulmans et Croisés. Étude sur les pouvoirs arméniens
dans le Proche-Orient méditerranéen (1068-1150), 2 vol., Lisbonne, 2003.
[179] EASTMOND A. (ed.), Eastern Approaches to Byzantium : Papers from the thirty-third Spring Sympo-
sium of Byzantine Studies, University of Warwick, Coventry, March 1999 (Society for the Promo-
tion of Byzantine Studies Publications, 9), Aldershot, 2001.
[180] FOSS Cl., The defence of Asia Minor against Turks, The Greek Or. Th. Rev., 1982, 145-
205 (= Id. [1003], no V).
[181] GOUMA-PETERSON Th. (ed.), Anna Komnene and her Times, New York - Londres, 2000.
[182] KAPLAN M., Le schisme de 1054 : quelques éléments de chronologie, BSl., 56, 1995,
147-157.
[183] KISLINGER E., Zur Chronologie der byzantinischen Thronwechsel 1180-1, JÖB, 47,
1997, 195-198.
[184] KRESTEN O., Der « Anredestreit » zwischen Manuel I. Komnenos und Frie-
drich I. Barbarossa nach der Schlacht von Myriokephalon, RHM, 34/35, 1992-1993,
65-110.
[185] LAIOU A., MOTTAHEDEH R. P., The Crusades from the perspective of Byzantium and the Mus-
lim world, Washington DC, 2003.
[186] LILIE R.-J., Byzantium and the Crusader States 1096-1204, Oxford, 1993.
[187] LILIE R.-J., Des Kaisers Macht und Ohnmacht. Zum Zerfall der Zentralgewalt in Byzanz vor dem
vierten Kreuzzug (Poikila Byzantina, 4), 1984, 9-121.
[188] LILIE R.-J., Manuel I. Komnenos und Friedrich I. Barbarossa : Die deutsche und die
byzantinische Italienpolitik während der zweiten Hälfte des 12. Jahrhunderts in der
neueren Literatur, JÖB, 42, 157-170.
[189] LILIE R.-J., Twelfth Century Byzantine and Turkish States, Byz. Forsch., 16, 1990, 35.51.
[190] LILIE R. J., Die Schlacht von Myriokephalon (1176) : Auswirkungen auf das byzanti-
nische Reich im ausgehenden 12. Jahrhundert, REB, 35, 1977, 257-275.
[191] MAGDALINO P., The Byzantine Background to the First Crusade, Canadian Institute of
Balkan Studies, Toronto, 1996, 3-38.
[192] MAGDALINO P., The empire of Manuel I Komnenos (1143-1180), Cambridge, 1993
(fondamental).
[193] MAGDALINO P., Tradition and transformation in medieval Byzantium (VR), Aldershot, 1991.
[194] SCHREINER P., Der Brief des Alexios I. Komnenos an den Grafen Robert von Flandern
und das Problem gefälschter byzantinischer Kaiserschreiben in den westlichen Quellen,
dans Documenti medievali greci e latini : studi comparativi : Atti del seminario di Erice, 23-
29 ottobre 1995, Spolète, 1998, 111-140.
[195] SETTON K. M. (General Editor), A History of The Crusades, vol. I-VI, Milwaukee,
Londres, 1969-1989.
XX Le monde byzantin

[196] SHEPARD J., When Greek meets Greek : Alexius Comnenus and Bohemond in 1097-
1098, BMGS, 12, 1988, 185-277.
[197] SHEPARD J., « Father » or « scorpion » ? Style and substance in Alexios’ diplomacy, in MULLET-
SMYTHE [169], 68-132.
[198] SHEPARD J., Cross-purposes : Alexius Comnenus and the First Crusade, The First Cru-
sade, Origins and Impact, ed. J. PHILLIPS, Manchester - New York, 1997, 107-129.
[199] SHEPARD J., The « muddy road » of Odo Arpin from Bourges to La Charité-sur-Loire,
in The Experience of Crusading, vol. II : Defining the Crusader Kingdom, ed. by P. EDBURY and
J. PHILLIPS, Cambridge, 2003, 11-28.
[200] STEPHENSON P., Political authority in Dalmatia during the reign of Manuel I Comne-
nus (1143-1180), dans Byzanz und Ostmitteleuropa, 950-1453 : Beiträge zu einer table-ronde des
XIX International Congress of Byzantine Studies, Copenhagen 1996, ed. G. PRINZING,
M. SALAMON, Wiesbaden, 1999, 127-150.
[201] THOMAS R. D., Anna Comnena’s account of the First Crusade. History and politics in
the reigns of the emperors Alexius I and Manuel I Comnenus, BMGS, 15, 1991, 269-312.
[202] Urbs capta, La IVe Croisade et ses conséquences, éd. A. LAIOU (Réalités byzantines, 10),
Paris, 2005.
[203] VRYONIS S., The Decline of Medieval Hellenism in Asia Minor and the Process of Islamization
from the Eleventh through the Fifteenth Century, Berkeley - Los Angeles - Londres, 1971.

CHAPITRE IV
L’EMPEREUR ET LE PALAIS

Sources

[204] Liudprandi Cremonensis opera omnia : Antapodosis ; Homelia paschalis Historia Ottonis ; Relatio de
legatione Constantinopolitana, éd. M. P. CHIESA, CCCM, CLVI, Turnout, 1999. Trad.
franç. : Liutprand de Crémone, Ambassades à Byzance, J. SCHNAPP, Toulouse, 2004.
[205] Constantini Porphyrogeniti, De cerimoniis aulae Byzantinae libri duo (CSHB, éd. J. J. REISKE,
Bonn, 1829-1830. Une partie a été rééditée et traduite dans Constantin VII Porphyrogénète,
Le Livre des Cérémonies, éd. A. VOGT (Les Belles Lettres), Paris, 1935-1940 ; et
G. DAGRON, L’organisation et le déroulement des courses d’après le Livre des Cérémonies,
TM, 13, 2000, 1-174.

Littérature secondaire

L’EMPEREUR ET SA FAMILLE

[206] DAGRON G., Empereur et prêtre. Étude sur le « césaropapisme » byzantin (Bibliothèque des his-
toires), Paris, 1996.
[207] DAGRON G., Nés dans la pourpre, TM, 12, 1994, 105-142.
[208] LAIOU A. E., Imperial marriages and their critics in the eleventh Century : The case of
Skylitzes, DOP, 46, 1992, 165-176.
[209] LAUXTERMANN M., Byzantine poetry and the paradox of Basil II’s reign, in
MAGDALINO [155], 199-216.
Introduction méthodologique et bibliographique XXI

[210] MAGDALINO P., Aspect of Twelfth Century Byzantine Kaiserkritik, Speculum, 58, 1983,
326-346 (= Id. [193], no VIII).
[211] PERTUSI A., Il pensiero politico bizantino, ed. a cura di A. Carile, Bologne, 1990.
[212] YANNOPOULOS P., Le couronnement de l’empereur à Byzance : rituel et fond institu-
tionnel, Byz., 61, 1991, 71-92.

DIRIGER L’EMPIRE

La nature du pouvoir impérial

[213] DAGRON G., Lawful Society and Legitimate Power : Ennomos politeia, ennomos archê, Law and
Society, in LAIOU-SIMON [333], 27-51.
[214] KAZHDAN A. P., Certain Traits of Imperial Propaganda in the Byzantine Empire from
the Eighth to the Fifteenth Centuries, dans Prédication et propagande au Moyen Âge, éd.
G. Makdisi et al., Paris, 1983, 13-28.
[215] KAZHDAN A. P., The Aristocracy and the Imperial Ideal, in ANGOLD [417], 43-57.
[216] KOUTRAKOU N., La propagande impériale byzantine : persuasion et réaction (VIIIe-Xe siècle),
Athènes, 1994.
[217] KRESTEN O., MÜLLER A., Samtherrschaft, Legitimationsprinzip und kaiserlicher Urkundentitel in
Byzanz in der ersten Hälfte des 10. Jahrhunderts, Vienne, 1995.
[218] KRESTEN O., « Staatsempfänge » im Kaiserpalast von Konstantinopel um die Mitte des 10. Jahrhun-
derts : Beobachtungen zu Kapitel II 15 des sogenannten « Zeremonienbuches », Vienne, 2000.
[219] MAGDALINO P., NELSON R., The Emperor in Byzantine art of the twelfth century, Byz.
Forsch., 8, 1982, 123-183 (= Id. [193], VI).

La diplomatie byzantine

[220] Byzantine Diplomacy : Papers from the Twenty-fourth Spring Symposium of Byzantine Studies, Cam-
bridge, March 1990, ed. by J. SHEPARD and S. FRANKLIN, Aldershot, 1992.
[221] GRABAR O., The shared culture of objects, in MAGUIRE [236], 115-129.
[222] JACOBY D., Diplomacy, trade, shipping and espionage between Byzantium and Egypt
in the twelfth century, in Polypleuros Nous, « Miscellanea für Peter Schreiner für seinem
60. Geburtstag » hrsg. von C. SCHOLTZ und G. MAKRIS, Munich, 2000, 83-102.
[223] KOUTRAKOU N., Diplomacy and espionage : Their role in the Byzantine Foreign Rela-
tions, Graeco-Arabica, 6, 1995, 125-144.
[224] KRESTEN O., Die Auslandsschreiben der byzantinischen Kaiser der Komnenenzeit : Die literarische
Überlieferung bei Anna Komnene und Ioannes Kinnamos. Mit einem Exkurs : Zur Chronologie der Aus-
landsschreiben Dölger-Wirth, Reg. 1068, 1077, 1080 und 111, RHM, 39, 1997, 21-59.
[225] SHEPARD J., Aspects of byzantine attitudes and policy towards the West in the tenth
and eleventh Centuries, Byz. Forsch., 13, 1988, 67-118.
[226] SHEPARD J., Byzantine relations with the outside world in the ninth century : An intro-
duction, in BRUBAKER [125], 167-180.
[227] SHEPARD J., Byzantine diplomacy AD 800-1204 : Means and ends, in SHEPARD-
FRANKLIN [200], 41-71.
XXII Le monde byzantin

LA MISE EN SCENE DU POUVOIR

[228] DAGRON G., Réflexions sur le cérémonial byzantin, Chrysai Pylai : Essays presented to Ihor
Ševcenko, P. SCHREINER and O. STRAKOV (eds), Cambridge, Mass., 2002, 26-36.
[229] DAGRON G., Trônes pour un empereur, in Byzantio, kratos kai koinônia : mnêmê Nikou Oiko-
nomidê, éd. A. AVRAMÉA et al., 179-203.
[230] GRIERSON Ph., The tombs and obits of the Byzantine Emperors (337-1042) with an
additional note by C. MANGO and I. SEVCENKO, DOP, 16, 1962, 3-63.
[231] OIKONOMIDÈS N., Pictorial propaganda in XIIth c. Constantinople, Glas 390 de
l’Académie serbe des sciences et des arts, Classe des sciences historiques, 11, Belgrade, 2001, 93-102
(= Id. [635], no XII).

LES MANIFESTATIONS

La célébration du triomphe

[232] AUZÉPY M. F., Les déplacements de l’empereur dans la ville et ses environs (VIIIe-Xe siè-
cles), in DAGRON-MANGO [576], 359-366.
[233] MCCORMICK M., Eternal Victory. Triumphal Rulership in Late Antiquity, Byzantium, and the
Early Medieval West, Cambridge, Mass, 1986.
[234] JEFFREYS M., The Comnenian prokypsis, Parergon, 5, 1987, 38-53.
[235] MALMBERG S., Dazzling Dining : Banquets as an Expression of Imperial Legitimacy, Uppsala,
2003.

LA TAXIS IMPÉRIALE ET LA COUR

[236] Byzantine Court Culture from 829 to 1204, H. MAGUIRE (ed.), Washington DC, 1997.
[237] CHEYNET J.-Cl., Dévaluation des dignités et dévaluation monétaire dans la seconde
moitié du XIe siècle, Byz., 53, 1983, 453-477 (= Id. [420], VI).
[238] GUILLAND R., Recherches sur les institutions byzantines, I-II, Berlin - Amsterdam, 1968.
[239] OIKONOMIDES N., Some Byzantine State Annuitants : Epi Tes (Megales) Hetaireias and
Epi Ton Barbaron, Symmeikta, 14, Athènes, 2001, 9-28.
[240] OIKONOMIDES N., Title and income at the Byzantine Court, in MAGUIRE [236], 199-
215 (= Id. [635], no XVII) (synthèse remarquable).
[241] RINGROSE K., The Perfect Servant : Eunuchs and the Social Construction of Gender in Byzantium,
Chicago-Londres, 2003.
[242] SMYTHE D., Outsiders by taxis : Perceptions of non-conformity in eleventh and twelfth-
century literature, Byz. Forsch., 24, 1997, 229-249.
Introduction méthodologique et bibliographique XXIII

CHAPITRE V
LE PATRIARCHE ET L’ÉGLISE

Sources

[243] ARRANZ M., L’Eucologio costantinopolitano agli inizi del secolo XI. Hagiasmatarion & Archieratikon
(Rituale & Pontificale), con l’aggiunta del Leiturgikon (Messale), Rome, 1996.
[244] DARROUZÈS J., Documents inédits d’ecclésiologie byzantine, textes édités, traduits et commen-
tés, Paris, 1966.
[245] DARROUZÈS J., Le traité des transferts, édition critique et commentaire, REB, 42, 1984,
147-214.
[246] DARROUZÈS J., Trois documents de la controverse gréco-arménienne, REB, 48, 1990,
89-153.
[247] GAUTIER P., Le synode des Blachernes (fin 1094). Étude prosopographique, REB, 29,
1971, 213-284.
[248] GAUTIER P., L’édit d’Alexis Comnène sur la réforme du clergé, REB, 31, 1973,
165.202.
[249] GAUTIER P., Le typikon du sébaste Grégoire Pakourianos, REB, 42, 1984, 5-145.
[250] GOUILLARD J., Le Synodikon de l’orthodoxie, édition et commentaire, TM, 2, 1967,
1.316.
[251] LOUKAKI M. (éd.), Grégoire Antiochos. Éloge du patriarche Basile Kamatèros. Texte, traduction,
commentaire (BS, 13), Paris, 1996.
[252] MATEOS J., Le Typicon de la Grande Église. Ms. Sainte-Croix no 40, Xe siècle. Introduction, texte
critique, traduction et notes (OCA, 165-166), 2 vol., Rome, 1962-1963.
[253] OIKONOMIDÈS N., Un décret synodal inédit du patriarche Jean VIII Xiphilin, REB, 18,
1960, 55-78 (= Id. [337], no II).
[254] OHME H., Das Concilium Quinisextum und seine Bischofsliste. Studien zum Konstantinopeler Konzil
von 692, Berlin - New York, 1990.
[255] SCHMINCK A., Ein Synodalakt vom 10. November 1167, dans FM, III, 1979, 316-322.
[256] The Council in Trullo revisited, ed. G. NEDUNGATT, M. FEATHERSTONE (Kanonika, 6),
Rome, 1995.
[257] TROIANOS Sp., Ein Synodalakt des Sisinnios zu den bischöflichen Einkünfte (Reg 808),
dans FM, III, 1979, 212-214.
[258] J. L. VAN DIETEN, Geschichte der Patriarchen von Sergios I. bis Johannes VI. (610-715),
Amsterdam, 1972.
[259] M. P. VINSON, The correspondence of Leo, Metropolitan of Synada and Syncellus (CFHB, 23),
Washington DC, 1985.

Littérature

[260] ANGOLD M., Church and Society in Byzantium under the Comneni, 1081-1261, Cambridge,
1995.
[261] ANTONOPOULOU Th., The Homilies of the Emperor Leo VI (The Medieval Mediterranean,
14), Leyde - New York - Cologne, 1997.
XXIV Le monde byzantin

[262] BECK H.-G., Kirche und Theologische Literatur im Byzantinischen Reich, Munich, 1959.
[263] BECK H. G., Nomos, Kanon und Staatsraison in Byzanz, Vienne, 1981.
[264] BORNERT R., Les Commentaires byzantins de la Divine Liturgie du VIIe au XVe siècle (AOC, 9),
Paris, 1966.
[265] CHEYNET J.-Cl., Le patriarche tyrannos : le cas Cérulaire, in M. Th. FÖGEN (éd.) :
Ordnung und Aufruhr im Mittelalter. Historische und juridistische Studien zur Rebellion, Franc-
fort/M., 1995, 1-16.
[266] Christian Dualist Heresies in the Byzantine world (ca 650 - ca 1405), Selected sources transla-
ted and annotated by J. HAMILTON and B. HAMILTON, assistance with the translation
of Old Slavonic texts by Y. STOYANOV, Manchester, 1998.
[267] CONGAR Y., L’ecclésiologie du haut Moyen Âge. De saint Grégoire le Grand à la désunion entre
Byzance et Rome, Paris, 1968.
[268] CONGOURDEAU M.-H., L’empereur et le patriarche dans l’Empire byzantin, Istina, 50,
2005, 8-21.
[269] Cristianità d’Occidente e cristianità d’Oriente (Settim., 51), Spolète, 2004 contributions de
M..Fr. AUZÉPY (Les enjeux de l’iconoclasme, 127-165) ; J. BEAUCAMP (La christianisa-
tion du droit à Byzance : l’exemple du statut des femmes, 917-955), Ch. HANNICK (Les
enjeux de Constantinople et de Rome dans la conversion des Slaves méridionaux et
orientaux, 171-198) ; J. HERRIN (The Pentarchy, 591-626) ; C. PITSAKIS (Droit romain
et droit canonique oriental, 1435-1469).
[270] CUNNINGHAM M. B., Preaching and the Community, in MORRIS [305], 29-47.
[271] CUNNINGHAM M. B., ALLEN P. (ed.), Preacher and audience. Studies in Early Christian and
Byzantine Homiletics (A New History of the Sermon, 1), Leyde - New York - Cologne,
1998.
[272] DAGRON G., Juifs et chrétiens dans l’Orient du VIIe s., TM, 11, 1991, 17-46.
[273] DAGRON G., Judaïser, TM, 11, 1991, 359-380.
[274] DAGRON G., Le traité de Grégoire de Nicée sur le baptême des juifs, TM, 11, 1991,
313-358.
[275] DARROUZÈS J., Un décret d’Isaac II Angelos, REB, 40, 1982, 135-155.
[276] DARROUZÈS J., Les documents byzantins du XIIe siècle sur la primauté romaine, REB,
23, 1965, 42-88.
[277] DARROUZÈS J., Deux lettres inédites de Photius aux Arméniens, REB, 29, 1971, 137-181.
[278] DARROUZÈS J., Le patriarche Méthode contre les iconoclastes et les stoudites, REB, 45,
1987, 15-75.
[279] DARROUZÈS J., Recherches sur les offikia de l’Église byzantine (AOC, 11), Paris, 1970.
[280] DUCELLIER A., Chrétiens d’Orient et Islam au Moyen Âge. VIIe-XVe siècle, Paris, 1996.
[281] DVORNIK Fr., The Idea of Apostolicity in Byzantium and the Legend of the Apostle Andrew, Cam-
bridge, Mass., 1958.
[282] EDDÉ A.-M., F. MICHEAU, Ch. PICARD, Communautés chrétiennes en pays d’islam du début du
VIIe s. au milieu du XIe s. (SEDES), Paris, 1997.
[283] ELEUTERI P., RIGO A., Eretici, dissidenti, musulmani ed Ebrei a Bizancio, Venise, 1993.
[284] GAHBAUER F. R., Die Pentarchy-Theory. Ein Modell die Kirchenleitung von den Anfängen bis zur
Gegenwart, Francfort, 1993.
[285] GARSOÏAN N., Byzantine heresy : A reinterpretation, DOP, 25, 1971, 85-113.
[286] GAUTIER P., Le chartophylax Nicéphore. Œuvre canonique et notice biographique,
REB, 27, 1969, 159-195.
Introduction méthodologique et bibliographique XXV

[287] GOUILLARD J., L’hérésie dans l’Empire byzantin des origines au XIIe siècle, TM, 1,
1965, 299-324 (= Id. [288], no I).
[288] GOUILLARD J., La vie religieuse à Byzance (VR), Londres, 1981.
[289] HAJJAR J., Le synode permanent dans l’Église byzantine des origines au XIe s. (OCA, 164), 1962.
[290] HANNICK Ch., Les nouvelles chrétientés du monde byzantin : Russes, Bulgares et Ser-
bes, dans HC, 4, 909-939.
[291] HANNICK Ch., Die byzantinischen Missionen, dans K. SCHÄFERDIEK (éd.), Die Kirche
des früheren Mittelalters (Kirchengeschichte als Missionsgeschichte, II/I), Munich, 1978,
279-359.
[292] HERMAN E., Die kirchlichen Einkünfte des byzantinischen Niederklerus, OCP, 8, 1942,
378-442.
[293] HUSSEY J. M., The Orthodox Church in the Byzantine Empire, Oxford, 1986.
[294] KHOURY A. T., Polémique byzantine contre l’islam, Leyde, 1972.
[295] KOLBABA T., The Byzantine Lists : The Errors of the Latins, Chicago, 2000.
[296] KONIDARIS J., The Ubiquity of Canon Law, in LAIOU-SIMON [333], 131-150.
[297] KOUNTOURA-GALAKÈ E., Ho Buzantinos klèros kai hè koinônia tôn « skoteinôn aiô-
nôn » / Byzantine Clergy and Society in the Dark Centuries, Athènes, 1996.
[298] MACRIDES R., Kinship and Justice in Byzantium, 11th-15th Centuries (VR), Aldershot, 1999.
[299] MACRIDES R., Justice under Manuel I Komnenos : Four Novels on Court Business and
Murder, FM, 6, Francfort, 1984, 99-204. (= Ead. [298], no IX).
[300] MACRIDES R., Nomos and Kanon on Paper and in Court, in MORRIS [305], 61-85
(= Id. [298], no VI).
[301] MATHEWS T. F., The Early Churches of Constantinople : Architecture and Liturgy, Pennsyl-
vanie - Londres, 1971.
[302] MEYENDORFF J., Byzantine views of Islam, DOP, 18, 1964, 115-132.
[303] MEYENDORFF J., Byzantine Theology, 2nd ed., New York, 1979.
[304] MICHEL A., Die Kaisermacht in der Ostkirche, 843-1204, Darmstadt, 1959.
[305] MORRIS R. (ed.), Church and People in Byzantium, Birmingham, 1990.
[306] PAPAGIANNI E., Ta oikonomika tou eggamou klèrou sto Buzantio, Athènes, 1986.
[307] PERENTIDIS S., Un canon peut-il être périmé ? Mentalités et autorité du texte cano-
nique au XIIe s., in OIKONOMIDÈS [332], 141-148.
[308] PERI V., La pentarchia : istituzione ecclesiale (IV-VII secolo) e teoria canonico-teologica,
dans Bisanzio, Roma e l’Italia nell’alto Medioevo, Spoleto, 1988 (Settim., 34), 209-311.
[309] PITSAKIS C., Clergé marié et célibat, dans Nedungatt [256], 281-289.
[310] RABELLO A. M., Giustiniano, Ebrei e Samaritani alla luce delle Fonti storico-letterarie, ecclesiastiche
e giuridiche, Milan, 1987-1988.
[311] RIGO A., Messalianismo = Bogomilismo. Un’equazione dell’eresiologia medievale
bizantina, OCP, 56, 1990, 53-82. Cf. également, Id., Il processo del bogomilo Basilio
(1099 ca) ; una reconsiderazione, OCP, 58, 1992, 185-211.
[312] SARADI H., Imperial Jurisdiction over Ecclesiastical Provinces : The Ranking of New
Cities as Seats of Bishops or Metropolitans, in OIKONOMIDÈS [337], 149-163.
[313] SCHMINCK A., Das Prooimion der Bearbeitung des Nomokanons in 14. Titeln durch
Michael und Theodoros, FM, X, 1998, 357-386.
[314] SCHMINCK A., Zur Entwicklung des Eherechts in der Komnenenepoche, in
OIKONOMIDÈS [332], 555-587.
[315] SHARF A., Jews and other minorities in Byzantium, Jérusalem, 1995.
XXVI Le monde byzantin

[316] SHARF A., Byzantine Jewry from Justinian to the IVth crusade, Londres, 1971.
[317] SMITH M. H., « And Taking bread ». Cerularius and the Azyme Controversy of 1054, Paris,
1978.
[318] SPECK P., Die vermeintliche Häresie der Athinganoi, JÖB, 47, 1997, 37-50.
[319] SPITERIS J., La critica bizantina del primato romano nel secolo XII (OCA, 208), Rome,
1979.
[320] STARR J., Le mouvement messianique au début du VIIIe siècle, REJ, 102, 1937, 81-92.
[321] STOLTE B. H., A note on the un-Photian Revision of the Nomocanon XIV Titulorum,
dans TROIANOS Sp. (ed.), Analecta Atheniensia ad ius byzantinum spectantia, I, Athènes, 1997,
115-130.
[322] STOLTE B. H., In Search of the Origins of the Nomocanon of the Fourteen Titles, dans
PAPASTATHIS Ch. (ed.), Byzantine Law, Thessalonique, 2001, 183-194.
[323] TIFTIXOGLU V., Gruppenbildungen innerhalb des konstantinopolitischen Klerus
während der Komnenzeit, BZ, 62, 1969, 25-72.
[324] TROIANOS Sp. N., The Canons of the Trullan Council in The Novels of Leo VI, in
NEDUNGATT [256], 189-198.
[325] TROIANOS Sp. N., Ostkirche und profanes Recht, dans R. F. Taft (ed.), The Christian
East. Its Institutions and Its Thought. A Critical Reflexion (OCA, 251), Rome, 1966, 465-484.
[326] VODOFF V., Naissance de la chrétienté russe. La conversion du prince Vladimir de Kiev (988) et ses
conséquences (XIe-XIIe siècles), Paris, 1988.

CHAPITRE VI
L’ADMINISTRATION IMPÉRIALE

LA FISCALITÉ

[327] HARVEY A., The land and taxation in the reign of Alexios I Komnenos : The evidence
of Theophylakt of Ochrid, REB, 51, 1993, 139-154.
[328] OIKONOMIDÈS N., Fiscalité et exemption fiscale à Byzance (IXe-XIe s.), Fondation nationale de
la recherche scientifique, Athènes, 1996 (fondamental).
[329] SARADI H., Evidence of Barter economy in the documents of private transactions, BZ,
88/2, 1995, 405-418.
[330] ZUCKERMAN C., Du village à l’empire : autour du registre fiscal d’Aphroditô (525/526) (TM,
Monogr., 16), Paris, 2004 (expose de nouvelles idées sur l’évolution du prélèvement fis-
cal aux VIe et VIIe siècles).

LA FORMATION DE LA LOI

Dans la série FM (Francfort/M.) sont édités de nombreux textes juridiques et publiés des
commentaires.
[331] BURGMANN L., Lawyers and Legislators : Aspects of Law-Making in the Time of Alexios I., in
MULLETT-SMYTHE [169], 185-198.
Introduction méthodologique et bibliographique XXVII

[332] Byzantium in the 12th Century. Canon Law, State and Society, ed. by N. OIKONOMIDÈS (Society
of Byzantine and post-byzantine Studies Diptycha-Paraphylla, 3), Athènes, 1991.
[333] LAIOU A., SIMON D., Law and Society in Byzantium, Ninth-Twelfth Centuries (Dumbarton
Oaks Research Library and Collection), Washington DC, 1994 (en particulier les contri-
butions de G. Dagron, P. Magdalino, R. Macrides, I. M. Konidaris, A. E. Laiou).

L’ADMINISTRATION

Ouvrages généraux

[334] AHRWEILER H., Études sur les structures administratives et sociales de Byzance (VR), Londres,
1971.
[335] GLYKATZI-AHRWEILER H., Recherches sur l’administration de l’Empire byzantin
aux IXe-XIe siècles, BCH, 84, 1960, 1-111 (= Ead. [334], no VIII (reste fondamental).
[336] HOHLWEG A., Beiträge zur Verwaltungs Geschichte des Oströmischen Reiches unter den Komnenen
(Miscellanea Byzantina Monacensia, I), Munich, 1965.
[337] OIKONOMIDÈS N., Documents et études sur les institutions de Byzance (VIIe-XVe s.) (VR), Lon-
dres, 1976.
[338] OIKONOMIDES N., Byzantium from the Ninth Century to the Fourth Crusade. Studies, Texts,
Monuments (VR), Aldershot, 1992.
[339] OIKONOMIDES N., Society, Culture and Politics in Byzantium (VR) Aldershot, 2005.
[340] WEISS G., Oströmische Beamte im Spiegel der Schriften des Michael Psellos (Miscellanea Byzan-
tina Monacensia, 16), Munich, 1973.
[341] WINKELMANN F., Byzantinische Rang- und Ämterstruktur im 8. und 9. Jahrhundert : Faktoren und
Tendenzen ihrer Entwicklung, Berlin, 1985.

L’ADMINISTRATION CENTRALE

[342] KARLIN-HAYTER P., L’hétériarque. L’évolution de son rôle du De Cerimoniis au Traité des
Offices, JÖB, 23, 1974 (Ead., Studies in Byzantine Political History. Sources and Controversies,
Londres, 1981, no XVIII).
[343] KAPLAN M., Maisons impériales et fondations pieuses : réorganisation de la fortune
impériale et assistance publique de la fin du VIIIe siècle à la fin du Xe siècle, Byz., 61,
1991, 340-364.
[344] MAGDALINO P., Innovations in government, in MULLETT-SMYTHE [169], 146-166.
[345] OIKONOMIDÈS N., L’évolution de l’organisation administrative de l’Empire byzantin au
XIe siècle (1025-1118), TM, 6, 1976, 125-152 (= Id. [337], no X).
[346] OIKONOMIDES N., The « Peira » of Eustathios Romaios : An Abortive Attempt to inno-
vate in Byzantine Law, FM, VII, 1986, 169-192 (= Id. [337], no XII).
[347] GKIOUTZIOUKOSTA A. E., Administration of Justice in Byzantium (9th-12th centuries). Judicial
Officers and secular Tribunals of Constantinople (Byzantina keimena kai meletai, 37), Thessalo-
nique, 2004 (très informé, en grec, mais avec un résumé anglais).
XXVIII Le monde byzantin

L’ADMINISTRATION PROVINCIALE

[348] FERLUGA J., Untersuchungen zur byzantinischen Provinzverwaltung, VI-XIII Jahrhundert : gesam-
melte Aufsätze, Amsterdam, 1992.
[349] FRANKOPAN DOIMI P. de, The workings of the Byzantine provincial administration in
the 10th-12th centuries : The example of Preslav, Byz., 71, 2001, 73-97.
[350] SEIBT W., Armenika themata als terminus technicus der byzantinischen Verwaltungsge-
schichte des 11. Jahrhunderts, BSl., 54, 1993/994, 134-141.
[351] STAVRIDOU-ZAFRAKA Al., The development of the theme organisation in Macedonia,
dans Byzantine Macedonia : Identity, Image and History : Papers from the Melbourne Conference,
July 1995, J. BURKE and R. SCOTT (ed), Melbourne, 2000, 128-138 (tout le volume est
intéressant pour l’histoire de la Macédoine médiévale).
[352] VLYSSIDOU V. N., Quelques remarques sur l’apparition des juges : première moitié du
Xe siècle, in LAMPAKIS [1053], 59-66.
[353] WINKELMANN F., Byzantinische Rang- und Ämterstruktur im 8. und 9. Jahrhundert : Faktoren und
Tendenzen ihrer Entwicklung, Berlin, 1985.

CHAPITRE VII
L’ARMÉE ET LA MARINE

Sources

[354] Léon VI, Tactica, PG, 107, col. 669-1120.


[355] Three Byzantine Military Treatises, text, translation and notes by G. T. DENNIS, Washing-
ton DC, 1985.
[356] Constantine Porphyrogenitus, Three Treatises on Imperial Military Expeditions, Introd., ed. transl.
and commentary by J. HALDON (CFHB, Series Vindobonensis, XXVIII), Vienne, 1990.
[357] DAGRON G., MIHÀESCU H., Le traité sur la guérilla de l’empereur Nicéphore Phocas (Le
Monde byzantin), Paris, 1986.
[358] DAIN A. (éd.), Léon VI, Naumachica, Paris, 1943.
[359] DAIN A., Les stratégistes byzantins, TM, 2, 1967, 317-392.
[360] DE FOUCAULT J.-A., Douze chapitres inédits de la Tactique de Nicéphore Ouranos,
TM, 5, 1973, 296-299.
[361] Siegecraft : Two Tenth-Century Instructional Manuals by « Heron of Byzantium », ed. and transl.
by D. F. SULLIVAN, Washington DC, 2000.

Littérature secondaire

OUVRAGES GÉNÉRAUX

[362] HALDON J. F., State, Army and Society in Byzantium (VR), Aldershot, 1995.
[363] HALDON J. F., Welfare State and Society in the Byzantine World, 565-1204, Londres, 1999.
Introduction méthodologique et bibliographique XXIX

[364] KÜHN H.-J., Die byzantinische Armee im 10. und 11. Jahrhundert. Studien zur Organisation der
Tagmata (Byzantinische Geschichtschreiber. Ergänzungsband, 2), Vienne, 1991.
[365] MCGEER E., Sowing the Dragon’s Teeth : Byzantine Warfare in the Tenth Century, Washing-
ton DC, 1995.
[366] MILLER T. S. and J. NESBITT (eds), Peace and War in Byzantium : Essays in Honor of George
T. Dennis, Washington DC, 1995.
[367] TREADGOLD W. T., Byzantium and its Army, 284-1081, Stanford, Ca, 1995 (à manier
avec précaution quant aux données numériques).
[368] To Empolemo Byzantio (9os-12os ai.). Byzantium at war : 9th-12th ca, K. TSIKNAKIS (ed.),
Athènes, 1997.

THEMATA ET TAGMATA

[369] CHEYNET J.-Cl., Du stratège de thème au duc : chronologie de l’évolution au cours du


XIe siècle, TM 9, 1985, 181-194 (= Id. [420], no XI).
[370] FERLUGA J., Le clisure bizantine in Asia Minore, ZRVI, 16, 1975, 9-23.
[371] HALDON J. F., Byzantine Praetorians, Bonn, 1984.
[372] HALDON J. F., Military service, military lands and the status of soldiers : Current pro-
blems and interpretation, DOP, 47, 1993, 1-67 (= Id. [362], no VII).
[373] HALDON J. F., Recruitment and Conscription in the Byzantine Army c. 550-950. A study on the
origins of the stratiotika ktemata (Österr. Akad. d. Wiss., philos.-hist. Kl., Sitzungsberichte,
357), Vienne, 1979.
[374] HALDON J. F., KENNEDY H., The Arab-Byzantine Frontier in the Eight and the
Ninth Centuries, Military Organisation and Society in the Borderland, ZRVI, 19, 1980,
79-116.
[375] LILIE R.-J., « Thrakien » und « Thrakesion ». Zur byzantinischen Provinzorganisation
am Ende des 7. Jahrhunderts, JÖB, 26, 1977, 7-47.
[376] ZUCKERMAN C., Learning from the enemy and more : Studies in « Dark Centuries »
Byzantium, Millennium, 2, 2005, 79-135.

LA MARINE

[377] AHRWEILER H., Byzance et la mer. La marine de guerre, la politique et les institutions maritimes de
Byzance aux VIIe-XVe siècle (Bibliothèque Byzantine. Études, 5), Paris, 1966.
[378] CHRISTIDES V., Two parallel naval guides of the Tenth Century. Qudama’s Document
and Leo VI’s Naumachica. A study on Byzantine and Moslem Naval Preparedness,
Graeco-Arabica, 1, 1982, 51-103.
[379] EICKHOFF E., Seekrieg und Seepolitik zwischen Islam und Abendland. Das Mittelmeer unter byzan-
tinischer und arabischer Hegemonie (650-1040), Berlin, 1966.

Le recrutement et le financement

[380] BLÖNDAL S., The Varangians of Byzantium, révisé et réécrit par B. S. BENEDIKZ, Cam-
bridge, 1978.
XXX Le monde byzantin

[381] CHEYNET J.-Cl., Les effectifs de l’armée byzantine (Xe-XIIe s.), CCM, 38, fasc. 4, 1995,
319-335 (= Id. [420], no XII).
[382] CHEYNET J.-Cl., Le rôle des Occidentaux dans l’armée byzantine avant la première
croisade, dans Byzanz und das Abendland im 10. und 11. Jahrhundert, ed. E. Konstantinou,
Cologne, 1997, 111-128.
[383] CIGGAAR K., Flemish mercenaries in Byzantium, their later history in an old norse
miracle, Byz., 51, 1981, 44-75.
[384] GORECKI D., The Strateia of Constantine VII. The Legal Status, Administration, and
Historical Background, BZ, 82, 1989, 157-176.
[385] GREGORIOU IOANNIDOU I., Stratologia kai eggeia stratiôtikê idioktêsia sto Byzantio, Thessalo-
nique, 1989.
[386] HALDON J., The Long Eight Century. Production, distribution and demand in the
Byzantine World, ca 660-840, dans The Long Eight Century. Production, Distribution and Demand
in the Byzantine World, I. L. HANSEN, Ch. WICKHAM (eds), Leyde, 2000, 226-264.
[387] HALDON J., Theory and practice in tenth century military administration : Chapters II,
44 and 45 of the Book of Ceremonies, TM, 13, 2000, 201-352.
[388] HOLMES C., « How the East was won » in the Reign of Basil II, in EASTMOND [179],
41-56.
[389] KAZHDAN A., Pronoia : The history of a scholarly discussion. intercultural contacts,
Mediterranean Historical Review, 10/1-2, 1995, 133-163.
[390] SHEPARD J., The uses of the Franks in Eleventh Century Byzantium, dans Anglo-Norman
Studies, XV, Woodbridge, 1993, 275-305.
[391] MAGDALINO P., The Byzantine Army and the Land : From stratiotikon ktema to military
pronoia, in TSIKNAKIS [368], 15-36.
[392] OIKONOMIDES N., Middle Byzantine Provincial Recruits : Salary and Armament, Goni-
mos, Buffalo, 1988, 121-136 (= Id. [635], no X).
[393] OIKONOMIDES N., The social structure of The Byzantine Countryside in the first half
of the Xth century, Symmeikta, 10, 1996, 105-125 (= Id. [635], no VI).
[394] TREADGOLD W. T., The Military Lands and the Imperial Estates in the Middle Byzan-
tine Empire, Harvard Ukrainian Studies, 7, 1983, 619-631.

e e
L’ÉVOLUTION AUX XI ET XII SIÈCLES

[395] BIRKENMEIER J. W., The Development of the Komnenian Army 1081-1180, Leyde-Boston-
Cologne, 2002 (trop rapide).
[396] CHEYNET J.-Cl., La politique militaire de Basile II à Alexis Comnène, ZRVI, 29-30,
1991, 61-74 (= Id. [420], no X).
[397] CHEYNET J.-Cl., La conception militaire de la frontière orientale (IXe-XIIIe s.), in
EASTMOND [179], 57-69.
[398] LILIE R.-J., Die Schlacht von Myriokephalon (1176). Auswerkungen auf das byzanti-
nische Reich im ausgehenden 12 Jahrhundert, REB, 35, 1977, 257-275.
[399] VRYONIS Sp., The eleventh century : Was there a crisis in the Empire ? : The decline of
quality and quantity in the Byzantine Armed Forces, in VLYSSIDOU [164], 17-43.
[400] VRYONIS Sp., A personal history of the history of the battle of Mantzikert, in
LAMPAKIS [1053], 225-244.
Introduction méthodologique et bibliographique XXXI

LA TECHNIQUE

[401] CHEVEDDEN P. E., The invention of the counterweight trebuchet : A study in cultural
diffusion, DOP, 54, 71-116.
[402] DENNIS G. T., Byzantine heavy artillery : The Helepolis, GRBS, 39, 1998, 99-115.
[403] FOSS Cl., WINFIELD D., Byzantines Fortifications. An Introduction, Pretoria, 1986.
[404] FOSS Cl., Cities, Fortresses and Villages of Byzantine Asia Minor (VR), Aldershot, 1996.
[405] HALDON J. F., Some aspects of Byzantine military technology from the sixth to the
tenth centuries, BMGS, 1, 1975, 11-47.
[406] HYLAND A., The Medieval Warhorse : From Byzantium to the Crusade, with a foreword by
Michael PRESTWICH, Dover, NH, 1994.
[407] KOLIAS T., Byzantinische Waffen. Ein Beitrag zur byzantinischen Waffenkunde vor den Anfänger
bis zur lateinischen Eroberung (Byzantina Vindobonensia, 17), Vienne, 1988.
[408] KORRES Th., « Hygron pyr » : Ena oplo tês byzantinês nautikês taktikês, Thessalonique, 1989.
[409] NICOLLE D., Warriors and their Weapons around the Time of the Crusades : Relationships between
Byzantium, the West and the Islamic world, Aldershot, 2002.
[410] SULLIVAN D., Tenth century Byzantine offensive siege warfare : Instructional prescrip-
tions and historical practice, in TSIKNAKIS [368], 178-200.

L’ÉTAT D’ESPRIT

[411] DAGRON G., Byzance et le modèle islamique au Xe siècle : à propos des Constitutions tac-
tiques de l’empereur Léon VI, CRAI, 1983, 219-243.
[412] DENNIS G. T., Religious Services in the Byzantine Army, Eulogema : Studies in honor of
R. Taft, E. Carr (ed.) (Studia anselmiana, 110), Rome, 1993, 107-117.
[413] KOLBABA T. M., Fighting for Christianity. Holy War in the Byzantine Empire, Byz. 68,
1998, 194-221.
[414] KOLIA-DERMITZAKÈ A., O Buzantinos « ieros polemos ». È ennoia kai è probolè tou thrèskeutikou
polémou sto Byzantio, Athènes, 1991 (en grec ; rassemble toute la documentation).

CHAPITRE VIII
LES CLASSES DIRIGEANTES DE L’EMPIRE

Sources

[415] G. G. LITAVRIN, Sovety i rasskazy Kekavmena (Cecaumeni consilia et narrationes), Moscou,


1972. Une nouvelle édition avec une traduction italienne est parue depuis : Cecaumeno,
Raccomandazioni e consigli di galantuomo, a cura di Maria Dora SPADARO, Alessandria,
1998.
XXXII Le monde byzantin

Littérature secondaire

Généralités
[416] AHRWEILER H., Recherches sur la société byzantine au XIe siècle : nouvelles hiérarchies
et nouvelles solidarités, TM, 6, 1976, 99-124.
[417] ANGOLD M. (ed.), The Byzantine Aristocracy, IX to XIII Centuries (BAR International Series,
221), Oxford, 1984.
[418] BECK M. G., Senat und Volk von Konstantinopel, Bayer. Akademie der Wissenschaft Phil.
Hist. Kl., 1966, 1-75 (= Id., [419], no XII).
[419] BECK M. G., Ideen und Realitaeten (VR), Londres, 1972.
[420] CHEYNET J.-Cl., The Byzantine Aristocracy and its Military Function (VR), Aldershot, 2006.
[421] CHEYNET J.-Cl., L’anthroponymie aristocratique à Byzance, dans L’anthroponymie, docu-
ment de l’histoire sociale des mondes méditerranéens médiévaux, éd. M. Bourin, J.-M. Martin et
F. Menant, Rome, 1996, 267-294 (= Id. [420], no III).
[422] CHEYNET J.-Cl., L’aristocratie byzantine (VIIIe-XIIIe siècle), Journal des Savants, juillet-
décembre 2000, 281-322 (= Id. [420], no I).
[423] CHEYNET J.-Cl., L’aristocrazia bizantina nei secoli X-XII : a proposito del libro di
A. Kazhdan e Ronchey S., Rivista Storica Italiana, CXIII, fasc. 2, 2001, 413-440
(= Id. [420], no II).
[424] KAZHDAN A. P., S. RONCHEY, L’aristocrazia bizantina dal principio dell’XI alla fine del
XII secolo, Palerme, 1997.
[425] MAGDALINO P., Honour among Romaioi : The framework of social values in the world
of Digenes Akrites and Kekaumenos (= Id. [193], no III).
[426] PATLAGEAN Év., Les débuts d’une aristocratie byzantine et le témoignage de
l’historiographie : système des noms et liens de parenté aux IXe-Xe siècles dans
Angold [417], 23-43.
[427] SVORONOS N., Société et organisation intérieure dans l’Empire byzantin au XIe siècle :
les principaux problèmes, Thirteenth Internationnal Congress of Byzantine Studies, Main
Papers XII, Oxford, 1966, 1-17 (= Id. [520], no IX).

LE RENOUVELLEMENT DE LA HAUTE ARISTOCRATIE

[428] BURGMANN L., A Law for Emperors : On a Chrysobull of Nikephoros III Botaneiates,
dans New Constantines, The Rhythm of Imperial Renewal in Byzantium, 4th-13th Centuries (VR),
P. MAGDALINO (ed.), Aldershot, 1994, 247-257.
[429] NICHANIAN M., Aristocratie et pouvoir impérial à Byzance (VIIe-IXe siècle), thèse de l’Université
de Paris IV, 2004 (sera publiée).
[430] WINKELMANN F., Quellenstudien zur herrschenden Klasse von Byzanz im 8. und 9. Jahrhundert
(BBA, 54), Berlin, 1987.

LES ÉTRANGERS

[431] BOZILOV I., Les Bulgares dans l’Empire byzantin, Annuaire de l’Université de Sofia, Faculté
d’Histoire, 69, 1980 (1975), 143-193.
Introduction méthodologique et bibliographique XXXIII

[432] BRAND Ch. M., The Turkish element in Byzantium, Eleventh-Twelfth Centuries, DOP,
43, 1989, 1-25.
[433] GARSOÏAN N., The Problem of Armenian Integration into the Byzantine Empire, in
AHRWEILER-LAIOU [436], 53-124.
[434] PAULIKIANOV C., The Medieval Aristocracy on Mount Athos : The Philological and Documentary
Evidence for the Activity of Byzantine, Georgian and Slav Aristocrats and Eminent Churchmen in the
Monasteries from the 10th to the 15th century (Monumenta Slavico-Byzantina et Mediaevalia
Europensia, 15), Sofia, 2001.
[435] STAVRAKOS Ch., Sceaux inédits d’Arabes au service de Byzance, Graeco-Arabica, 7-8,
1999-2000, 511-518.
[436] Studies on the Internal Diaspora of the Byzantine Empire, H. AHRWEILER, A. LAIOU (eds),
Washington DC, 1998.
[437] SHEPARD J., The uses of the Franks in eleventh century Byzantium, Anglo-Norman Studies,
15, 1993, 275-305.

LES MOYENS DE L’INFLUENCE

Les familles

[438] AUZÉPY M.-F., De Philarète, de sa famille, et de certains monastères de Constantinople,


in Les saints et leur sanctuaire, textes, images et monuments M. KAPLAN et al. (éd.) (BS, 11),
Paris, 1993, 117-134.
[439] BARZOS K., Hè généalogia tôn Komnènôn (Byzantina keimena kai mélétai, 20), Thessalo-
nique, 1984. L’ouvrage est en grec, mais comporte de bons tableaux généalogiques.
[440] CHEYNET J.-Cl., VANNIER J.-F., Études prosopographiques (BS, 5), Paris, 1986 (familles
Bourtzès, Brachamios, Dalassène et Paléologue).
[441] CHEYNET J.-Cl., Les Phocas, in DAGRON-MIHDESCU, [357], 289-315.
[442] CHEYNET J.-Cl., VANNIER J.-F., Les Argyroi, ZRVI, 40, 2003, 57-90.
[443] POLEMIS D. I., The Doukai. A Contribution to Byzantine Prosopography (University of London
Historical Studies, 22), Londres, 1968.
[444] SAVVIDES A., Bibliographical advances in Byzantine prosopography of the Middle and
Later Periods : Part One, Medieval Prosopography, 13, 1992, 67-154 (donne les références à
tous les articles prosopographiques parus à cette date).
[445] SEIBT W., Die Skleroi. Eine prosopographisch-sigillographische Studie (Byzantina Vindobonensia,
9), Vienne, 1976.
[446] SETTIPANI Chr., Nos ancêtres de l’Antiquité. Études des possibilités de liens généalogiques entre les
familles de l’Antiquité et celles du haut Moyen Âge européen, Paris, 1991.
[447] TURNER D., The origins and accession of Leo V (813-820), JÖB, 40, 1990, 171-203.

Les fortunes et l’héritage

[448] AHRWEILER H., Charisticariat et autres formes d’attribution de fondations pieuses


aux Xe-XIe siècles, ZRVI, 10, 1967, 1-27 (= Id. [334], no VII).
[449] BEAUCAMP J. et DAGRON G., La transmission du patrimoine. Byzance et l’aire méditerranéenne,
Paris, 1998.
XXXIV Le monde byzantin

[450] CHEYNET J.-Cl., Fortune et puissance des grandes familles (Xe-XIIIe siècle), HR, II, 199-
213 (= Id. [420], no V).
[451] GÉROLYMATOU M., L’aristocratie et le commerce (IXe-XIIe siècle), Symmeikta, 15, 2002,
77-89.
[452] KAPLAN M., Les monastères et le siècle à Byzance : les investissements des laïques au
XIe siècle, CCM, 27, 1984, 73-83.

La place des femmes

[453] BEAUCAMP J., Les femmes et l’espace public à Byzance : le cas des tribunaux, DOP, 52,
1998, 129-145.
[454] Femmes et pouvoirs des femmes à Byzance et en Occident (VIe-XIe siècle), S. LEBECQ,
A. DIERKENS, R. LE JAN, J.-M. SANSTERRE (éd.), Colloque international organisé
les 28, 29, 30 mars 1996, à Bruxelles et Villeneuve-d’Ascq, Lille, 1999. Noter en parti-
culier les contributions de J. BEAUCAMP (Incapacité féminine et rôle des femmes à
Byzance, 23-36) et M. KAPLAN (L’aristocrate byzantine et sa fortune, 205-226).
[455] LAIOU A. E., Observations on the life and ideology of Byzantine women, Byz Forsch., 9,
1985, 59-102.

Les clientèles

[456] MACRIDES R., The Byzantine godfather, BMGS, 11, 1987, 139-162 (= Id. [298], no I).
[457] NESBITT J., WIITA J., A confraternity of the Comnenian Era, BZ, 68, 1975, 360-384.
[458] NEVILLE El., Authority in Byzantine Provincial Society, 950-1100, Cambridge, 2004.
[459] OIKONOMIDES N., The donation of castles in the last quarter of the eleventh century
(Dölger, Regesten, no 1012), in Polychronion : Festschrift Franz Dölger, 413-417 (= Id. [337],
no XIV).
[460] OSTROGORSKY G., Pour l’histoire de la féodalité byzantine (Corpus Bruxellense historiae
Byzantinae, Subsidia, 1), Bruxelles, 1954.

LES RÉVOLTES

[461] CHEYNET J.-Cl., Pouvoir et contestations à Byzance (963-1210) (BS, 9), Paris, 1990.
[462] CRESCI L. R., Appunti per una tipologia del tyranno, Byz., 60, 1990, 90-129.
[463] HILL B., Actions speak louder than Words : Anna Komnene’s attempted Usurpation, in GOUMA-
PETERSON [181], 45-62.

Les mouvements séparatistes

[464] CHEYNET J.-Cl., Philadelphie, un quart de siècle de dissidence, 1182-1206, dans Phila-
delphie et autres études (BS, 5), 1984, 39-54 (= Id. [420], no IX).
[465] MALINGOUDIS P., Die Nachrichten des Nicetas Choniates über die Entstehung des
Zweiten Bulgarischen Staates, Byzantina, 10, 1980, 51-147.
[466] PRINZIG G., Demetrios-Kirche und Aseniden-Aufstand : Zur chronologischen Präzisie-
rung der Frühphase des Aseniden-Aufstandes, ZRVI, 38, 1999-2000, 257-265.
Introduction méthodologique et bibliographique XXXV

CHAPITRE IX
LA POPULATION

[467] ALLEN P., The « Justinianic » Plague, Byz., 49, 1979, 5-20.
[468] AVRAMÉA A., Le Péloponnèse du IVe au VIIIe siècle, changements et persistances (BS, 15), Paris,
1997.
[469] L’Arménie et Byzance. Histoire et culture (BS, 12), Paris, 1996.
[470] BEŠEVLIEV V., Die protobulgarische Periode der bulgarischen Geschichte, Amsterdam, 1981.
[471] BIRABEN J.-N., La peste du VIe siècle dans l’Empire byzantin, HR, I, 121-125.
[472] BOURAS Ch., City and village : Urban design and architecture, JÖB, 31, 1981, 611-653.
[473] BROUSSELLE I., L’intégration des Arméniens dans l’aristocratie byzantine au IXe siècle,
in L’Arménie et Byzance [469], 43-54.
[474] BRUNET F., Sur l’hellénisation des toponymes slaves en Macédoine byzantine, TM, 9,
1985, 235-265.
[475] CHARANIS P., Studies on the Demography of the Byzantine Empire (VR), Londres, 1972.
[476] CHARANIS P., On the demography of Medieval Greece : A problem solved, Balkan Stu-
dies, 20, 1979, 193-218 (sur le degré de slavisation de la Grèce et sur la Chronique de
Monemvasie).
[477] CHEYNET J.-Cl., L’apport arabe à l’aristocratie byzantine, BSl., 56, 1995, 137-146.
[478] DAGRON G., Minorités ethniques et religieuses dans l’Orient byzantin à la fin du Xe et
au XIe siècle : l’immigration syrienne, TM, 6, 1976, 177-216 (= Id., La romanité chrétienne
en Orient. Héritages et mutations (VR), Londres, 1984, no X).
[479] DAGRON G., Entre village et cité : la bourgade rurale des IVe-VIIe siècles en Orient, Koi-
nônia, 3, 1979, 29-52.
[480] DITTEN H., Ethnische Verchiebungen zwischen des Balkanhalbinsel und Kleinasien vom Ende des 6.
bis zur zweiten Hälfte des 9. Jahrhunderts (BBA, 59), Berlin, 1993.
[481] DUCELLIER A., L’Albanie entre Byzance et Venise, Xe-XVe siècle (VR), Londres, 1987.
[482] DURLIAT J., La peste du VIe siècle, HR, I, 107-119.
[483] DVOICHENKO-MARKOV D., The Vlachs : The Latin speaking Population of Eastern
Europe, Byz., 54, 1984, 508-526.
[484] FOSS Cl., Ephesus after Antiquity : A late Antique, Byzantine and Turkish City, Cambridge,
1979.
[485] GARSOÏAN N., Armenia between Byzantium and the Sasanians (VR), Londres, 1985.
[486] GEYER B., DALONGEVILLE R., LEFORT J., Les niveaux du lac de Nicée au Moyen Âge,
Castrum, 7, 2001, 77-93 (= Lefort [493], no XVII).
[487] GEYER B., KOÇ Y., LEFORT J. et CHATAIGNER Ch., Les villages et l’occupation du sol
au début de l’époque moderne, in GEYER-LEFORT [1021], 411-430.
[488] HARVEY Al., Economic expansion in the Byzantine empire, 900-1200, Cambridge, 1989.
[489] Hommes et richesses dans l’Empire byzantin, I (IVe-VIIe siècle), Paris, 1989 ; II (VIIIe-XVe siècle),
1991.
[490] KOUTABA-DÉLÈBORIA B., O geôgraphikos kosmos Kônstantinou tou Porphyrogennètou, 2 v.,
Athènes, 1993.
[491] LAIOU-THOMADAKIS A. E., Peasant Society in the Late Byzantine Empire. A Social and Demo-
graphic Study, Princeton, 1977.
XXXVI Le monde byzantin

[492] LAIOU A. E., L’étranger de passage et l’étranger privilégié à Byzance, XIe-XIIe siècles,
in Identité et droit de l’autre, L. Mayali (Studies in comparative legal History), Berkeley,
1994, 69-88.
[493] LEFORT J., Société rurale et histoire du paysage à Byzance, Paris, 2006.
[494] LEFORT J., Radolibos : population et paysage, TM, 9, 1985, 195-234 (= Id. [493],
no VI).
[495] LEFORT J., Population et peuplement en Macédoine orientale, IXe-XVe siècle, HR II,
63-82 (= Id. [493], no IX).
[496] LEFORT J. et MARTIN J.-M., L’organisation de l’espace rural : Macédoine et Italie du
Sud (Xe-XIIIe siècle), HR, II, 11-26 (= Id. [493], no VIII).
[497] LEFORT J., Toponymie et anthroponymie : le contact entre Grecs et Slaves en Macé-
doine, Castrum, 4, 1992, 161-171 (= Id. [493], no XI).
[498] LEFORT J., Rural economy and social relations in the countryside, DOP, 47, 1993, 101-
113 (= Id. [493], no XII).
[499] LEFORT J., Les villages de Macédoine orientale au Moyen Âge, in Id. et al. [549], 289-
299 (= Id. [493], no XX).
[500] LEMERLE P., L’histoire des Pauliciens d’Asie Mineure d’après les sources grecques, TM,
5, 1973, 1-144 (= Id. [493], no IV).
[501] LEMERLE P., Essais sur le monde byzantin (VR), Londres, 1980.
[502] LEMERLE P., Les plus anciens recueils des miracles de saint Démétrius et la pénétration des Slaves
dans les Balkans, II, Commentaire, Paris, 1981.
[503] MARTIN J.-M., Une origine calabraise pour la Grecía salentine ?, RSBN, n.s. 22-23,
1985-1986, 51-63.
[504] MCEVEDY C. et JONES R., Atlas of World Population History, Harmondsworth, 1978.
[505] MORAVCSIK G., Byzantinoturcica, 2 vol., Berlin, 1958 (rééd. Leyde, 1983).
[506] MORRISSON C., Monnaie et finances dans l’Empire byzantin, Xe-XIVe siècle, HR, II,
291-315 (= Id. [661], no IV).
[507] NASTUREL P., Les Valaques balcaniques aux Xe-XIIIe siècles, Byz. Forsch., 7, 1979, 89-112.
[508] OBOLENSKY D., The Bogomils, Cambridge, 1948.
[509] PATLAGEAN Év., Pauvreté économique et pauvreté sociale à Byzance, IVe-VIIe siècles, Paris-La
Haye, 1977.
[510] PATLAGEAN Év., Structure sociale, famille, chrétienté à Byzance, IVe-XIe siècle (VR), Londres,
1981.
[511] POHL D., Die Awaren, Munich, 1988.
[512] PRITSAK O., Die bulgarische Fürtenliste und die Sprache der Protobulgaren, Wiesbaden, 1955.
[513] PRITSAK O., The Pecenegs : A Case of Social and Economic Transformation, Lisse, 1976.
[514] RUSSEL J. C., Ancient and Medieval Population, Philadelphie, 1958.
[515] RUSSEL J. C., Recent advances in medieval demography, Speculum, 40, 1965, 84-101.
[516] SAVVIDÈS A., Oi Komanoi (Koumanoi) kai to Byzantio, 11o-13o ai. m. Ch., Byzantina
13, 1985, 937-955.
[517] SPIESER J.-M., L’évolution de la ville byzantine de l’époque paléochrétienne à
l’iconoclasme, HR, I, 97-106.
[518] STARR J., The Jews in the Byzantine Empire, Athènes, 1939.
[519] STATHAKOPOULOS, Famine and Pestilence in the Late Roman and Early Byzantine Empire : A
Systematic Survey of Subsistence Crises and Epidemics (Birmingham Byzantine and Ottoman
Monographs, 9), Aldershot, 2004.
Introduction méthodologique et bibliographique XXXVII

[520] SVORONOS N., Études sur l’organisation intérieure, la société et l’économie de l’Empire byzantin
(VR), Londres, 1973.
[521] TREADGOLD W., The Byzantine State Finances in the Eight and Ninth Centuries, New York,
1982.
[522] VASMER M., Die Slaven in Griechenland, Berlin, 1941 (rééd. Leipzig, 1970, 1977).
[523] VRYONIS Sp., Byzantium : Its Internal History and Relations with the Muslim World (VR), Lon-
dres, 1971.

CHAPITRE X
ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ RURALE

Sources

[524] Beiträge zur Geschichte der byzantinischen Finanzverwaltung besonders des 10. und 11. Jahrhunderts,
ed. F. DÖLGER, Leipzig-Berlin, 1927, réimpr. 1960 (comprend le Traité fiscal).
[525] Eggrapha Patmou 2. Dèmosiôn leitourgôn, éd. M. Nystazopoulou-Pélékidou, Athènes, 1980.
[526] Geoponica sive Cassiani Bassi scholastici De re rustica eclogae, éd. H. BECKH, Leipzig, 1895,
réimp. Stuttgart, 1994.
[527] Michel Psellos, Péri géorgikôn, éd. BOISSONADE, Anecdota graeca I, Paris, 1829, réimpr.
Hidesheim, 1962, 242-247.
[528] Ptochoprodromos, éd. H. EIDENEIER (Neogreca Medii Aevi, 5), Cologne, 1991.
[529] Vizantijskij zemledelceskij zakon éd. I. MEDVEDEV, Léningrad, 1984 (il s’agit du Code
rural).

Littérature secondaire

[530] BARTUSIS M., Exaleimma : Escheat in Byzantium, DOP, 40, 1986, 55-81.
[531] BELLIER P. et al., Paysages de Macédoine, leurs caractères, leur évolution à travers les documents et
les récits des voyageurs, Paris, 1986.
[532] BOURAS Ch., Houses in Byzantium, Delt. Christ. Arch. Et., 11, 1982-1983, 1-26.
[533] BRYER A., The means of agricultural production : Muscle and tools, EHB, 101-113.
[534] DUNN A., The exploitation and control of woodland and scrubland in the Byzantine
world, BMGS, 16, 1992, 235-298.
[535] ELLYS S., La casa, dans La civiltà bizantina, oggetti e messaggio, éd. A. Guillou, Rome, 1993,
167-226.
[536] GEYER B., Aridité et sociétés du Proche-Orient ancien, problématique géo-archéologique, Habilitation
à diriger des recherches, Lyon II, 1999.
[537] GEYER B., Physical factors in the evolution of the landscape and land use, EHB, 31-45.
[538] GEYER B. et LEFORT J., L’évolution de l’occupation du sol et du paysage, in Id. [1021],
535-545.
[539] GIROS Ch., Remarques sur l’architecture monastique en Macédoine orientale, BCH,
116, 1992, 409-443.
[540] GUILLOU A., La soie du catépanat d’Italie, TM, 6, 1976, 69-84.
[541] GYONI M., La transhumance des Vlaques balkaniques au Moyen Âge, BSl., 12, 1951,
29-42.
XXXVIII Le monde byzantin

[542] HARVEY A., Risk aversion in the eleventh century peasant economy, in
LAMPAKIS [1053], 73-82.
[543] JACOBY D., Silk in Western Byzantium before the Fourth Crusade, BZ, 1991/1992,
452-500 (= Id. [608], no VII).
[544] JARDÉ A., Les céréales dans l’Antiquité grecque, Paris, 1925 ; réimpr. 1979.
[545] KAPLAN M., Les hommes et la terre à Byzance du VIe au XIe siècle (BS, 10), Paris, 1992.
[546] KAZHDAN A., Two notes on Byzantine demography of the eleventh and twelfth centu-
ries, Byz. Forsch., 8, 1982, 115-122.
[547] KODER J., Gemüse in Byzanz : die Versorgung Konstantinopels mit Frischgemüse im Lichte der Geo-
ponika (Byzantinische Geschichtsschreiber. Ergänzungsband, 3), Vienne, 1993.
[548] LAIOU A. E. (ed.-in-chief), Economic History of Byzantium. From the Seventh through the Fifteenth
Century (Dumbarton Oaks Research Library and Collection), Washington DC, 2002.
(fondamental. Trois volumes en pagination continue).
[549] LEFORT J., MORRISSON C., SODINI J.-P. (éd.), Les villages dans l’Empire byzantin, IVe-
XVe siècle (Réalités byzantines, 11), Paris, 2005.
[550] LEFORT J., Une exploitation de taille moyenne au XIIIe siècle en Chalcidique, in Aphie-
rôma ston Niko Svorôno, éd. B. KREMMYDAS et al., Rethymno, 1986, I, 362-372.
[551] LEFORT J., Une grande fortune foncière aux Xe-XIIIe s. : les biens du monastère
d’Iviron, in Structures féodales et féodalisme dans l’Occident méditerranéen (Xe- XIIIe siècles) : bilan et
perspectives de recherches, Rome, 1980, 727-742.
[552] LEFORT J., The rural economy, seventh-twelfth centuries, EHB, 231-310.
[553] LEMERLE P., The Agrarian History of Byzantium from the Origines to the Twelfth Century. The
sources and Problems, Galway, 1979.
[554] OIKONOMIDES N., Hè Peira péri paroikôn, Aphierôma [549], I, 232-241.
[555] OIKONOMIDES N., Das Verfalland im 10.-11. Jahrhundert : Verkauf und Besteurung,
FM, 7, 1986, 161-168 (= Id. [338]), no V).
[556] OIKONOMIDÈS N., Terres du fisc et revenu de la terre aux Xe-XIe siècles, in HR II, 321-
337 (= Id. [635], no XI).
[557] PAPANGELOS I., Ampelos kai oinos stèn mesaiônikè Chalkidikè, in Historia tou hellenikou
krasiou, Athènes, 1992, 219-255.
[558] RUAS M.-P., Les plantes exploitées en France au Moyen Âge d’après les semences
archéologiques, in Plantes et cultures nouvelles (Flaran, 12), Auch, 1992, 9-35.
[559] Séminaire de J. LEFORT, EPHE, Anthroponymie et société villageoise (Xe-XIVe siècle) in
HR, II, 225-238.
[560] SMYRLIS K., La fortune des grands monastères byzantins (fin du Xe-milieu du
XIVe siècle (TM, Monogr., 21), Paris, 2006.
[561] SVORONOS N., Sur quelques formes de la vie rurale à Byzance, petite et grande exploi-
tation, Annales ESC, 11, 1956, 325-355 (= Id. [520], no II).
[562] TEALL J. L., The grain supply of the Byzantine Empire, 330-1025, DOP, 13, 1959,
89.139.
[563] TEALL J. L., Byzantine agricultural tradition, DOP, 25, 1971, 35-59.
[564] THOMAS J. Ph., Private Religious Foundations in the Byzantine Empire, Washington DC, 1987.
[565] TOUBERT P., Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine du IXe siècle à
la fin du XIIe siècle, Rome, 1973.
[566] WEISS G., Die Entscheidung des Kosmas Magistros über das Parökenrecht, Byz., 48,
1978, 477-500.
Introduction méthodologique et bibliographique XXXIX

CHAPITRE XI
CONSTANTINOPLE ET L’ÉCONOMIE URBAINE

CONSTANTINOPLE

Les sources

[567] Plusieurs typika de monastères de Constantinople ont été édités et traduits par P. GAU-
TIER, Le typikon du Christ Sauveur Pantocrator, REB, 32, 1974, 1-145 ; La Diataxis de
Michel Attaliate, REB, 39, 1981, 5-143 ; Le typikon de la Théotokos Évergétis, REB, 40,
1982, 5-101 ; Le typikon de la Théotokos Kécharitôménè, REB, 43, 1985, 5-165.
[568] CIGGAAR K., Byzance et l’Angleterre : études sur trois sources de la topographie et de l’histoire de
Constantinople aux XIe et XIIe siècles, Leyde, 1976.
[569] Constantinople in the Early Eighth Century : The Parastaseis syntomoi chronikai : introd., transla-
tion and commentary edited by Av. CAMERON and J. HERRIN in conjunction with
Al. CAMERON, R. CORMACK and Ch. ROUÉCHÉ (Columbia Studies in the classic tra-
dition, 10), Leyde, 1984.

Littérature secondaire

Ouvrages généraux
[570] MAGDALINO P., Constantinople médiévale. Études sur l’évolution des structures urbaines (TM,
Monogr., 9), Paris, 1996.
[571] MANGO C., Le développement urbain de Constantinople (IVe-VIIe siècles), 2e éd. (TM, Monogr.,
2), Paris, 1990.
[572] DAGRON G., Constantinople imaginaire : études sur le recueil des Patria (Bibliothèque byzan-
tine, 8), Paris, 1984.
[573] GUILLAND R., Études de topographie de Constantinople byzantine, Amsterdam, 1969 (vieilli,
mais non encore remplacé).
[574] JANIN R., Constantinople byzantine (AOC, 4A), Paris, 1964.
[575] JANIN R., La géographie ecclésiastique de l’Empire byzantin, Ire partie. Le siège de Constanti-
nople et le patriarcat œcuménique ; III : Les églises et les monastères, Paris, 19692.
[576] MANGO C., DAGRON G., Constantinople and its Hinterland : Papers from the Twenty-seventh
Spring Symposium of Byzantine Studies, Oxford, April 1993, Londres, 1995.
[577] MANGO C., Studies on Constantinople (VR), Aldershot, 1993.
[578] NECIPOäLU N. (ed.), Byzantine Constantinople : Monuments, Topography and Everyday Life (The
Medieval Mediterranean, 33), Leyde - Boston - Cologne, 2001.

LE DÉVELOPPEMENT URBAIN

La population
[579] JACOBY D., The Jews of Constantinople and their Demographic Hinterland, in
DAGRON-MANGO [576], 221-232 (= Id., Byzantium, Latin Romania and the Mediterranean
(VR), Aldershot, 2001, no IV).
XL Le monde byzantin

[580] JACOBY D., The Venetian quarter of Constantinople from 1082 to 1261 : Topographi-
cal considerations in Novum Millennium : Studies on Byzantine History and Culture Dedicated to
Paul Speck, Cl. SODE, S. TAKÁCS (eds), Aldershot, 2001, 153-170 (= Id., Commercial
Exchange Across the Mediterranean. Byzantium, the Crusader Levant, Egypt and Italy (VR), Alders-
hot, 2005, no III).
[581] REINERT S. W., The Muslim presence in Constantinople, 9th-15th Centuries : Some Preliminary
Observations, in AHRWEILER-LAIOU [436], 125-150.

L’organisation de l’espace et le paysage urbain

[582] BERGER A., Streets and public spaces in Constantinople, DOP, 54, 2000, 161-172.
[583] MADDEN T. F., The fires of the Fourth Crusade in Constantinople, 1203-1204 : A
damage assessment, BZ, 84/85, 1991-1992, 72-93.
[584] MAGDALINO P., Medieval Constantinople : Built environment and urban development,
EHB, 529-538.
[585] MAGUIRE H., Gardens and parks in Constantinople, DOP, 54, 2000, 251-264.
[586] OUSTERHOUT R., Building medieval Constantinople, Proceedings of the PMR Conference,
19-20, 1994-1996, 35-67.
[587] MUNDELL-MANGO M., The Porticoed Street at Constantinople, in NECIPOGLU [578],
29-51.

La ville capitale

[588] AHRWEILER H., Fonctionnaires et bureaux maritimes à Byzance, REB, 19, 1961, 239-
262 (= Id. [334], no II).
[589] BERGER A., Imperial and ecclesiastical processions in Constantinople,
NECIPOäLU [578], 73-87.
[590] HALDON J., Strategies of defence, problems of security : The garrisons of Constanti-
nople in the middle Byzantine period, in DAGRON-MANGO [576], 143-155.
[591] WOLSKA-CONUS W., Les termes nomè et paidodiskalos nomikos du « Livre de l’Éparque »,
TM, 8, 1981, 531-541.

Les palais

[592] BARDILL J., The Palace of Lausus and nearby monuments in Constantinople : A topo-
graphical study, American Journal of Archaeology, 101, 1997, 67-95.
[593] LITTLEWOOD A., Gardens of the Palace, in MAGUIRE [236], 13-38.
[594] MAGDALINO P., Manuel Komnenos and the Great Palace (= Id. [193], no V).
[595] MANGO C., The Brazen House, Copenhague, 1959.
[596] MIRANDA S., Étude de topographie du Palais Sacré de Byzance : avec un essai de
reconstitution de l’ensemble de ses édifices au Xe siècle, s. l., 1976.

La ville sainte

[597] ANGOLD M., The Imperial Administration and the Patriarchal Clergy in Twelfth Cen-
tury, Byz. Forsch., 19, 1993, 17-24.
Introduction méthodologique et bibliographique XLI

[598] DAGRON G., Constantinople. Les sanctuaires et l’organisation de la vie religieuse, Actes
du XIe Congrès international d’archéologie chrétienne, Rome, 1989, 1069-1085.
[599] GRUMEL V., Le « miracle habituel » de Notre-Dame des Blachernes à Constantinople,
Échos d’Orient, 30, 1931, 129-146.
[600] MAGDALINO P., L’église du Phare et les reliques de la Passion à Constantinople
(VIIe/VIIIe-XIIIe siècles), in DURAND-FLUSIN [699], 15-30.
[601] MANGO C., Hagia Sophia : A Vision for Empires (photogr. Ahmet Ertug), Istanbul,
1997.
[602] NELSON R. S., Hagia Sophia, 1850-1950 : Holy Wisdom Modern Monument, Chicago (Ill.),
Londres, 2004.
[603] RIANT comte P., Exuviæ sacræ Constantinoplæ, rééd. avec préface J. DURAND, 2 vol., Paris,
2004 (1877-1878).

L’économie

[604] BALARD M., Amalfi et Byzance (Xe-XIIe siècles), TM, 6, 1976, 85-95.
[605] DAGRON G., The urban economy, seventh-twelfth centuries, EHB, 393-461.
[606] HENNING J., Slavery or freedom ? The causes of Early Medieval Europe’s economic
advancement, Early Medieval Europe, 12, 2003, 269-277.
[607] HODGES R., WHITEHOUSE D., Mahomet, Charlemagne et les origines de l’Europe (Réalités
byzantines, 5), Paris, 1996.
[608] JACOBY D., Trade, Commodities and Shipping in the Medieval Mediterranean (VR), Aldershot,
1997.
[609] JACOBY D., Italian privileges and trade in Byzantium before the Fourth Crusade. A
reconsideration, Annuario de estudios médievales, 24, 1994, 349-368 (= Id. [608], no II).
[610] KAPLAN M., Du cocon au vêtement de soie : concurrence et concentration dans
l’artisanat de la soie à Constantinople aux Xe-XIe siècles, in BALARD [148], 313-327.
[611] LAIOU A., Byzantine trade with Christians and Muslims and the Crusades, in LAIOU-
MOTTAHEDEH [185], 157-196.
[612] LAIOU A., Exchange and trade, seventh-twelfth centuries, EHB, 2002, 697-759.
[613] LILIE R.-J., Handel und Politik zwischen dem byzantinischen Reich und den italianischen Kommunen
Venedig, Pisa und Genua in der Epoche der Komnenen und der Angeloi, 1081-1204, Amsterdam,
1984.
[614] MAGDALINO P., The maritime neighbourhoods of Constantinople : Commercial and
residential functions, sixth to twelfth centuries, DOP, 54, 2000, 209-226.
[615] MORRISSON C., CHEYNET J.-Cl., Prices and wages in the Byzantine World, EHB,
2002, 815-878.
[616] MUNDELL-MANGO M., The commercial map of Constantinople, DOP, 54, 2000,
189.199.
[617] OIKONOMIDÈS N., Le marchand byzantin des provinces, IXe-XIe s., in Mercati e mercanti
nell’alto medioevo : l’area eurasiatica e l’area mediterranea, Spolète, 1993, 633-660 (= Id. [635],
no XII).
[618] OIKONOMIDÉS N., Quelques boutiques de Constantinople au Xe s. : prix, loyers, impo-
sition, DOP, 26, 1972, 345-356 (= Id. [337], no VIII).
[619] OIKONOMIDES N., The economic region of Constantinople : From directed economy
to free economy and the role of the Italians, in Europa Medievale et il Mondo Bizantino.
XLII Le monde byzantin

Contatti effettici et possibilità di studi comparati, éd. G. Arnaldi, G. Cavallo, Rome 1997
(Nuovi studi storici, 40), 221-238 (= Id. [635], no XIII).
[620] PAPAGIANNI E., Byzantine legislation on economic activity relative to social classes,
EHB, 2002, 1083-1093.

Le ravitaillement

[621] DURLIAT J., De la ville antique à la ville médiévale. Le problème des subsistances (Collection de
l’École française de Rome, 136), Rome, 1990.
[622] DAGRON G., Poissons, pêcheurs et poissonniers de Constantinople, in DAGRON-
MANGO [576], 57-73.
[623] MAGDALINO P., The grain supply of Constantinople, 9th-12th centuries, in DAGRON-
MANGO [576], 35-47.
[624] KAPLAN M., Le ventre de l’Empire, in Constantinople 1054-1261, tête de la chrétienté, proie
des Latins, capitale grecque, éd. A. DUCELLIER, M. BALARD (Autrement, coll. « Mémoi-
res », 40), Paris, 1996, 86-103.

La société

[625] BERGER A., Untersuchungen zu den Patria Konstantinupoleos (Poikila Byzantina, 8), Bonn,
1988.
[626] DAGRON G., « Ainsi rien n’échappera à la réglementation ». État, Église, corporations,
confréries : à propos des inhumations à Constantinople (IVe-Xe siècle), HR II, 155-183.
[627] KAPLAN M., Les artisans dans la société byzantine aux VIIe-XIe siècles, in
NECIPOäLU [578], 245-260.
[628] KÖPSTEIN H., Zur Sklaverei im ausgehenden Byzanz : Philologisch-historische Untersu-
chung (BBA, 34), Berlin, 1966.
[629] LAIOU A., Women in the Market Place of Constantinople (10th-14th centuries), in
NECIPOGLU [578], 261-273.
[630] LEMERLE P., « Roga » et rente d’État aux Xe-XIe siècles, REB, 25, 1967, 77-100 (= Id.,
Le monde de Byzance : histoire et institutions (VR), Londres, 1978, no XV).
[631] LEMERLE P., Cinq études sur le XIe siècle byzantin (Le Monde byzantin), Paris, 1977.
[632] MAGDALINO P., Church, bath and diakonia in Medieval Constantinople, in
MORRIS [305], 165-188.
[633] MAGDALINO P., The Byzantine Aristocratic Oikos, in ANGOLD [417], 92-111
(= Id. [193], no II).
[634] MILLER T. S., The Birth of the Hospital in the Byzantine Empire, Baltimore, 1985.
[635] OIKONOMIDÈS N., Social and Economic Life in Byzantium, ed. by El. ZACHARIADOU (VR),
Aldershot, 2004.
[636] OIKONOMIDÈS N., St. Georges of Mangana, Maria Skleraina and the « Malyj Sion » of
Novgorod, DOP, 34-35, 1980-1981, 239-246 (= Id. [337], no XVI).
[637] ROTMAN Y., Les esclaves et l’esclavage. De la Méditerranée antique à la Méditerranée médiévale,
VIe-XIe siècle, Paris, 2004.
Introduction méthodologique et bibliographique XLIII

CHAPITRE XII
FINANCES ET MONNAIES

[638] ALBUM St., GOODWIN T., Sylloge of Islamic coins in the Ashmolean, vol. 1 : The Pre-Reform
Coinage of the Early Islamic Period, Oxford, 2002.
[639] ARSLAN E. A., MORRISSON C., Monete e moneta a Roma nell’alto Medioevo, in Roma fra
Oriente e Occidente (Settim., XLIX), Spolète, 2002, 1255-1301.
[640] BRANDES W., Finanzverwaltung in Krisenzeiten, Untersuchungen zur byzantinischen Verwaltung-
sgeschichte zwischen dem 6. und 9. Jahrhundert (Forschungen zur Byzantinischen Rechtsge-
schichte, 25), Francfort, 2002 (c. r. par J. HALDON, BZ, 96, 2003, 717-728).
[641] BRANDES W., HALDON J., Towns, tax and transformation : State, cities and their Hin-
terlands in the East Roman World, Hea. 500-800, in G. P. BROGIOLO, N. GAUTHIER
and N. CHRISTIE (eds), Towns and their Territories between Late Antiquity and the Early Middle
Ages (TRW, 9), Leyde - Boston - Cologne, 2000, 141-172.
[642] CIPOLLA C. M., Money, Prices and Civilisation in the Mediterranean World. Fifth to Seventeenth
Century, Princeton, 1956.
[643] DUNN A., The Kommerkiarios, the Apotheke, the Dromos, the Vardarios and The West, BMGS,
17, 1993, 3-24.
[644] FOSS Cl., Arab-Byzantine Coins. An Introduction with a Catalogue of the Dumbarton Oaks Collec-
tion (à paraître).
[645] GARAFFO S., Gli scavi di Gortina e i problemi della circolazione monetaria a Creta
nella seconda Dark Age (668-824 ca.), Ritrovamenti monetali nel mondo antico : problemi e
metodi, G. Gorini (ed.), Padoue, 2002, 223-233.
[646] GORDUS A. A., METCALF D. M., The Alloy of the Miliaresion, Hamburger Beiträge zur
Numismatik, 24/26, 1972 [1977], 9-36.
[647] GRIERSON Ph., BLACKBURN M., Medieval European Coinage, I : The Early Middle Ages,
Cambridge, 1986 (référence essentielle sur les monnayages de l’Occident médiéval jus-
qu’aux Carolingiens et leurs rapports avec le système byzantin).
[648] GRIERSON Ph., TRAVAINI L., Medieval European Coinage, XIV : South Italy, Cambridge,
1998 (référence essentielle sur les monnayages de Sicile et d’Italie du Sud du Xe au
XVe siècle, souvent très influencés par Byzance).
[649] HEIDEMANN S., Die Renaissance der Städte in Nordsyrien und Nordmesopotamien. Städtische
Entwicklung und wirtschafliche Bedingungen in ar-Raqqa und Harrán von der Zeit der beduinischen
Vorherrschaft bis zu den Seldschuken, Leyde, 2002.
[650] HENDY M. F., Coinage and Money in the Byzantine Empire (1081-1261), Washington, 1969
(une étude pionnière et fondamentale du monnayage des XIIe-XIIIe s. que n’a pas totale-
ment remplacée le vol. 4 de DOC).
[651] HENDY M. F., Studies in the Byzantine Monetary Economy, ca 300 - ca 1450, Cambridge,
1985 (fondamental ; v. c. r. Morrisson dans RN, 1987, 245-256).
[652] HENDY M. F., The Economy, Fiscal Administration and Coinage of Byzantium, Northampton
(VR), 1989 (9 art. réimpr., 3 inéd. ; v. c. r. dans RN, 1991, 307-310).
[653] KAPLAN M., Quelques remarques sur la vie rurale à Byzance au IXe siècle d’après la
correspondance d’Ignace le diacre, in KOUNTOURA-GALAKÈ [131], 365-376.
[654] KAPLANIS C., The Debasement of the « Dollar of the Middle Ages », The Journal of Eco-
nomic History, 63/3, 2003, 768-798.
XLIV Le monde byzantin

[655] LOPEZ R. S., The Dollar of the Middle Ages, The Journal of Economic History, 11, 1951,
209-234 (= Id., Byzantium and the World around it : Economic and Institutional Relations (VR),
Londres, 1978, no VII).
[656] METCALF D. M., The currency of Byzantine coins in Syrmia and Slavonia, Hamburger
Beiträge zur Numismatik, 4, 1960, 429-444.
[657] METCALF D. M., How extensive was the use of folles during the years 775-820 ?, Byz.,
37, 1967, 270-310.
[658] METCALF D. M., Coinage in South-Eastern Europe 820-1396, Londres, 1979.
[659] MORRISSON C. et al., L’or monnayé, I. : Purification et altérations. De Rome à Byzance (Cahiers
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CHAPITRE XIII
L’IMPACT DE LA VIE RELIGIEUSE SUR LA SOCIÉTÉ

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XLVI Le monde byzantin

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CHAPITRE XIV
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CHAPITRE XV
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CHAPITRE XVI
L’ORIENT ET SES CONFINS

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LXII Le monde byzantin

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CHAPITRE XVII
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Introduction méthodologique et bibliographique LXIII

Littérature secondaire

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[1112] SEIBT W., Siegel als Quelle für Slawenarchonten in Griechenland, SBS, 6, 1999, 27-36.
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Les conversions
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LXIV Le monde byzantin

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[1118] THOMSON F. J., The Reception of Byzantine Culture in Medieval Russia (VR), Aldershot,
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Les Bulgares et leurs voisins


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Les peuples nomades


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Les Balkans byzantins


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[1140] MILANOVA Al., L’habitat en Bulgarie byzantine (fin Xe - fin XIIe siècle) : l’apport de
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[1141] OIKONOMIDÈS N., Recherches sur l’histoire du Bas-Danube aux Xe-XIe siècles : la
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[1142] SHEPARD J., Tzetzes’ letters to Leo at Dristra, Byz. Forsch., 13, 1979, 191-239.

L’économie des Balkans


[1143] FERLUGA J., Mercati e mercanti fra Mar Nero e Adriatico : il commercio nei Balcani
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zur byzantinischen Geschichte und Kultur, her. von Lars M. HOFFMANN unter Mitarbeit von
Anuscha MONCHIZADEH, Wiesbaden, 2005, 159-190.
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Le renouveau nationaliste
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CHAPITRE XVIII
L’ITALIE BYZANTINE (641-1071)

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Washington, 2004.
LXVI Le monde byzantin

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1972. L’édition préparée par E. Follieri doit paraître prochainement.
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réimpr. anast. Bari, 1960.
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réimpr. anast. Bari, 1964.
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[1171] LECCISOTTI T., Le colonie cassinesi in Capitanata. IV. Troia (Miscellanea Cassinese, 29),
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[1174] PETRUCCI A., Codice diplomatico del monastero benedettino di S. Maria di Tremiti (1005-1237)
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Littérature secondaire

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[1191] La Calabre de la fin de l’Antiquité au Moyen Âge (actes de la Table ronde, Rome, 1er-
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[1192] La Chiesa greca in Italia dall’VIII al XVI secolo. Atti del Convegno storico interecclesiale (Bari 1969),
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[1193] COSENTINO S., Prosopografia dell’Italia bizantina (493-804), Bologne, 1996-2000, 2 vol.
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in Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und Bibliotheken, 53, 1973, 395-406.
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[1200] FALKENHAUSEN V. von, Die Städte im byzantinischen Italien, MEFRM, 101-2, 1989,
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LXVIII Le monde byzantin

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[1204] GUILLOU A., La Sicile byzantine. État des recherches, Byz. Forsch., 5, 1977,
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[1205] GUILLOU A., HOLTZMANN W., Zwei Katepansurkunden aus Tricarico, Quellen und
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[1206] Histoire et culture dans l’Italie byzantine. Acquis et nouvelles recherches, sous la dir.
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[1207] HOLTZMANN W., Der Katepan Boioannes und die kirchliche Organisation der Capitanata, dans
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pos de deux inscriptions perdues, dans Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und
Bibliotheken, 68, 1988, 1-17.
[1209] LEFORT J. et J.-M. MARTIN, Le sigillion du catépan d’Italie Eustathe Palatinos pour le juge
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[1210] LUCÀ S., I Normanni e la rinascita del secolo XII, dans Archivio storico per la Calabria e la Luca-
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[1212] MCCORMICK M., Origins of the European Economy : Communications and Commerce, AD 300-
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[1213] MARTIN J.-M., Economia naturale ed economia monetaria nell’Italia meridionale longobarda e
bizantina (secoli VI-XI), dans Storia d’Italia. Annali, 6. Economia naturale, economia monetaria,
Turin, 1983, 181-219.
[1214] MARTIN J.-M., Une origine calabraise pour la Grecìa salentine ?, RSBN, n. s. 22-23 (XXXII-
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[1215] MARTIN J.-M., Troia et son territoire au XIe siècle, Vetera Christianorum, 27, 1990, 175.201.
[1216] MARTIN J.-M., La Pouille du VIe au XIIe siècle (Collection de l’École française de Rome, 179),
Rome, 1993.
[1217] MARTIN J.-M., Léon, archevêque de Calabre, l’Église de Reggio et la lettre de Photius
(Grumel-Darrouzès, no 562), in BALARD [148], 481-491.
[1218] MARTIN J.-M., L’Occident chrétien dans le Livre des Cérémonies, II, 48, dans TM, 13,
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[1219] MARTIN J.-M., L’érémitisme grec et latin en Italie méridionale (Xe-XIIIe siècle), in
Ermites de France et d’Italie (XIe-XVe siècle), sous la dir. d’A. VAUCHEZ (Collection de l’École
française de Rome, 313), Rome, 2003, 175-198.
[1220] MARTIN J.-M., Guerre, accords et frontières en Italie méridionale pendant le haut Moyen Âge.
Pacta de Liburia, Divisio principatus Beneventani et autres actes (Sources et documents
d’histoire du Moyen Âge publiés par l’École française de Rome, 7), Rome, 2005.
Introduction méthodologique et bibliographique LXIX

[1221] MARTIN J.-M. et NOYÉ G., Les campagnes de l’Italie méridionale byzantine (Xe-XIe siècles),
MEFRM, 101-2, 1989, 559-596.
[1222] MARTIN J.-M. et NOYÉ G., Les villes de l’Italie byzantine (IX e-XI e siècles), HR 2, 27-62.
[1223] MONTANARI M., Campagne e contadini nell’Italia bizantina (Esarcato e Pentapoli), MEFRM,
101-2, 1989, 597-607.
[1224] NOYÉ G., RAIMONDO Ch. et RUGA A., Les enceintes et l’église du Monte Tiriolo en Calabre,
MEFRM, 110-1, 1998, 431-471.
[1225] PETERS-CUSTOT A., Les populations grecques de l’Italie méridionale post-byzantine : modalités
d’acculturation (XIe-milieu du XIVe siècle), thèse de l’Université de Paris I (2002).
[1226] PRIGENT V., Les évêchés byzantins de la Calabre septentrionale au VIIIe siècle, MEFRM, 114-2,
2002, 931-953.
[1227] PRIGENT V., Les empereurs isauriens et la confiscation des patrimoines pontificaux d’Italie du Sud,
MEFRM, 116, 2004, 557-594.
[1228] PRIGENT V., La Sicile byzantine, thèse de l’Université de Paris IV (2006). V. Prigent a
relu cette contribution.
[1229] ROVELLI A., La Crypta Balbi. I reperti numismatici. Appunti sulla circolazione a Roma nel
Medioevo, in La moneta nei contesti archeologici. Esempi dagli scavi di Roma. Atti dell’incontro di
studio. Roma 1986, Rome, 1989, 49-95.
[1230] SAFRAN L., S. Pietro at Otranto : Byzantine Art in South Italy, Rome, 1992.
[1231] SANSTERRE J.-M., Les moines grecs et orientaux à Rome aux époques byzantine et carolingienne
(milieu du VI e siècle - fin du IX e siècle) (Académie royale de Belgique. Mémoires de la Classe des Let-
tres, 2e série, t. 66-1), Bruxelles, 1983, 2 vol.
[1232] Storia della Calabria medievale. I quadri generali, sous la dir. d’A. PLACANICA, Rome, 2001.
PRE M IÈ R E PA R TIE

L a f o r m a t i o n et le d évelo p p em en t
d e l ’ E mp ire m éd iéva l :
l e s évén em en ts
C HA P I T R E P R E M I E R

Byzance sur la défensive :


la stabilisation des frontières
(du VIIe s. au milieu du IXe s.)
PAR JEAN-CLAUDE CHEYNET

L’AVANCE DES MUSULMANS1

L’ÉCHEC DES CONTRE-OFFENSIVES BYZANTINES

La mort d’Héraclius, en janvier 641, laisse l’Empire dans une situation


critique, tant sur le plan intérieur qu’extérieur. La succession est disputée
entre des enfants de plusieurs lits. L’aîné, Constantin III, désigné par son
père pour lui succéder, périt de maladie après trois mois de règne.
L’impératrice Martine voulut alors imposer son fils Héraclonas, mais se
heurta à l’armée d’Orient conduite par Valentinos, qui l’écarta du pouvoir,
puis ce dernier fut lui-même éliminé en 644 lorsqu’il voulut s’emparer du
trône. Constant II, alors âgé de 14 ans, assuma le gouvernement de
l’Empire. Sur le front des invasions, à la mort d’Héraclius, les Arabes
musulmans étaient sur le point de s’emparer de l’Égypte, principale pour-
voyeuse de blé et d’impôts pour l’État. Pourtant, l’empereur avait fait
débarquer les troupes de Thrace, mais elles furent repoussées par les Ara-
bes qui avaient reçu des renforts, une fois le front perse enfoncé. Le
patriarche d’Alexandrie, Kyros, qui, à titre exceptionnel, avait été nommé
gouverneur d’Égypte, fut contraint à l’automne 641 de rendre la ville au
général arabe, ‘Amr, désigné par le calife Umar pour administrer le pays.
Désormais les empereurs n’ont plus qu’un but, contenir les offensives
arabes qui menacent même d’emporter Constantinople [Bonner, 124 ;
Kaplaony, 130]. Les opérations sur les autres fronts sont menées en fonc-
tion de cet objectif prioritaire. Constant II agit avec détermination pour

1. Sur la guerre entre Byzantins et Arabes, voir aussi le chapitre XVI sur l’Anatolie.
4
L’Empire vers 750
Byzance sur la défensive 5

sauver ce qui pouvait l’être. Trois régions étaient particulièrement mena-


cées par les Arabes : l’Afrique, la Cilicie et l’Arménie. L’Afrique constituait
un autre grenier à blé, certes plus modeste que l’Égypte. La Cilicie, riche
plaine également, parce que sa possession entretenait l’espoir d’une contre-
attaque vers Antioche et le reste de la Syrie où des rebelles, les Mardaïtes,
s’opposaient toujours à l’occupation arabe. L’Arménie enfin, fournissait des
guerriers réputés. Le maintien de la domination byzantine des plateaux
arméniens faisait planer une menace vers la Mésopotamie, tout en proté-
geant à l’inverse l’Anatolie. Reprendre l’Égypte soumise depuis peu, où
l’autorité du calife et sans doute ses exigences fiscales étaient mal ressenties,
semblait accessible, les Arabes n’ayant pas encore développé de flotte.
En 645, une armée dirigée par le stratège Manuel débarqua sans
encombre à Alexandrie, reçut un bon accueil de ses habitants, mais fut
incapable de tenir la campagne, lorsque ‘Amr revint en force l’année sui-
vante. L’empereur fut plus chanceux en Afrique. Les musulmans, désireux
de s’établir dans cette riche province après avoir, dès 642, rapidement
conquis la Libye et soumis les tribus berbères locales, qui semblent s’être
converties très rapidement, attaquèrent en 647 et vainquirent à Sufétula
l’exarque Grégoire, qui s’était rebellé dans l’espoir de renouveler l’exploit
d’Héraclius, mais ils se retirèrent contre le paiement d’un énorme tribut.
En revanche, les Arabes ouvraient un nouveau front et, tirant les leçons de
l’expédition de Manuel, décidèrent de se doter d’une marine. Mu’âwiya,
nommé gouverneur de Syrie par le calife ‘Umar et maintenu à ce poste par
le calife ‘Uthmân, cousin du général, était ainsi libre de mener les premiers
assauts contre l’Anatolie et contre les îles de la Méditerranée, Chypre en
premier lieu, pillée à deux reprises, en 649-650 et en 654.
Les Arabes se renforçaient car, après s’être ouvert la route du plateau ira-
nien, en 642, par la victoire de Nihâwand sur l’empereur perse Yazdagirt, ils
éliminèrent l’ultime résistance de leurs adversaires, grâce à la complicité du
chef d’une des dernières armées perses, en acculant Yazgert dans le Khurâ-
sân et en faisant échouer son projet d’alliance avec les Turcs. La défaite et la
mort du souverain perse conduisirent à la disparition de son État en 652. La
chronologie des opérations en Perse permet de comprendre quelles troupes
arabes étaient disponibles pour combattre les armées byzantines.
Dès le 5 octobre 641, les Arabes s’étaient emparés de Dvin, siège du
patriarcat arménien, faisant de nombreux captifs. Mais en 643, lors d’une
nouvelle attaque massive des Arabes, l’Arménien Théodore Restuni, choisi
comme gouverneur par les Byzantins, réussit à défaire un de leurs corps
d’armée. Cette campagne soulignait la difficulté de conquérir l’Arménie,
mais démontrait aussi aux populations locales la vigueur de l’offensive
arabe. Les Byzantins s’efforcèrent désormais de ne pas contrarier les princes
arméniens pour éviter leur ralliement aux ennemis. Un concile tenu à Dvin
6 La formation et le développement de l’Empire médiéval

en 648 confirmait le rejet définitif par l’Église arménienne des canons de


Chalcédoine. Théodore Restuni choisit de se soumettre au califat, en dépit
de la pression byzantine puisque Constant II, en 653, vint en personne en
Orient à la tête d’une puissante armée. Les premières exigences des Arabes
étaient modestes, car ils réclamaient seulement un tribut négociable et, sans
exiger de laisser des contingents sur place, demandaient aux troupes armé-
niennes de défendre leur pays, sous-entendu contre les Byzantins. L’accord
donné par Restuni ne rencontra pas l’unanimité des princes locaux dont
une grande partie regardaient toujours vers Constantinople, notamment
ceux des provinces occidentales de l’Arménie.
Dans les provinces récemment occupées par les Arabes, une fois que les
troupes byzantines eurent évacué la région, la population ne fit pas obstacle
à l’installation des envahisseurs qui n’avaient pas modifié les cadres admi-
nistratifs, ni sans doute bouleversé les prélèvements fiscaux. Seuls dans les
montagnes du Liban, plus propices à la résistance, les Mardaïtes menèrent
durablement des raids qui inquiétèrent les califes, en particulier lorsque ces
derniers s’établirent à Damas toute proche. Les chrétiens, dans un premier
temps, attendirent le retour du basileus, s’inspirant du précédent d’Héraclius
face aux Perses, puis les décennies passant cet espoir s’estompa, sauf peut-
être au bref moment qui suivit l’échec de Mu’âwiya devant Constantinople,
en 677. Anastase le Sinaïte nous décrit la condition des fidèles : une mino-
rité, dont des prisonniers de guerre qui purent ainsi retrouver la liberté,
passa à l’islam, le reste souffrit sous le joug des conquérants.
Les liens entre l’Empire et ses anciennes provinces se distendirent sans
doute plus lentement que ne le suggère la rapidité de la conquête. Des sym-
boles de l’ancien pouvoir, comme la monnaie ou la datation par règne de
l’empereur, ne disparurent pas immédiatement. La circulation des mar-
chands entre les deux puissances ne fut pas totalement interrompue, mais
nos connaissances sur cette phase de transition restent encore trop fragmen-
taires. La capitale byzantine demeura informée des événements de Syrie et
de Palestine, comme en témoignent les sources de la Chronique de Théo-
phane, ce qui peut s’expliquer par la présence de nombreux moines palesti-
niens à Constantinople jusqu’au début du IXe siècle.

ABATTRE L’EMPIRE

Après la défaite de la Perse, Mu’âwiya, gouverneur de Syrie, avait jugé


le moment venu de l’assaut définitif contre Byzance. Il disposait désormais
d’une flotte grâce aux arsenaux syriens et égyptiens et prépara à partir
Byzance sur la défensive 7

de 654 une attaque contre la capitale byzantine. Dès l’année suivante, la


flotte arabe fut capable de vaincre celle de Constant II au large de la Lycie.
L’Empire gagna cependant un répit, grâce à un échec arabe en Arménie,
une puissante révolte en Médie et surtout la guerre civile qui éclata après
l’assassinat du calife ‘Uthmân en 656. Pendant cinq ans environ, les armées
de Mu’âwiya, prétendant au califat, et de son rival ‘Âlî s’affrontèrent.
Constant II obtint de Mu’âwiya, qui craignait d’être attaqué sur ses
arrières, une trêve, en payant un tribut de 1 000 nomismata, un cheval et un
esclave par jour. L’empereur eut le temps de dégager en partie la Thrace
en 658, où il fit de nombreux prisonniers slaves et affermit son autorité sur
les terres balkaniques encore contrôlées par l’Empire. Il semble bien que
Constant II ait conçu, de façon plus générale, un vaste projet de rééquili-
brage de l’État, en renforçant les provinces d’Occident. Est-ce en rapport
avec la victoire définitive de Mu’âwiya sur ‘Âlî, qui laissait présager la
reprise de l’offensive arabe ? La date de l’assassinat du calife ‘Âlî n’est pas
établie de manière certaine, mais on admet généralement qu’il périt en 661.
Dès l’année suivante, Constant II, laissant son fils en charge de Constanti-
nople, partit avec une flotte vers Thessalonique, puis se dirigea vers Athè-
nes, avant de gagner Tarente au printemps suivant. Il rencontra le pape
Vitalien à Rome puis, à l’automne, gagna la Sicile, sans avoir véritablement
essayé de libérer l’Italie du Sud des Lombards. En s’établissant à Syracuse,
l’empereur s’installait dans l’une des rares provinces épargnées par les
guerres et encore fort riches, d’où il pouvait rapidement intervenir en Italie
et en Afrique. Son absence facilita cependant le renouveau des raids musul-
mans conduits en Anatolie sous l’autorité de Mu’âwiya, stratège expéri-
menté et désormais calife incontesté. Cette tension au sein de l’armée fut
sans doute le prétexte à l’assassinat de Constant II à l’automne 668, par un
Arménien, le comte de l’Opsikion Mzézios.
Constantin IV, héritier de l’Empire, vint rapatrier depuis la Sicile
l’armée qui était restée fidèle à la dynastie et qui avait immédiatement cap-
turé et exécuté le chef rebelle. Son départ profita aux Arabes qui attaquèrent
l’Afrique et pillèrent aussi Syracuse, menant leur première attaque, sans len-
demain, contre la Sicile. Toutefois, des indices montraient que le calife allait
reprendre son projet d’anéantir le dernier État organisé qui résistait aux
cavaliers d’Allâh. Jusqu’à cette date les Byzantins avaient, somme toute,
assez bien tenu par rapport aux dernières années du règne d’Héraclius, mais
ils commençaient à fléchir. Dès 670, des Arabes, menant des raids d’avant-
garde, avaient trouvé refuge à Cyzique, ville mal défendue de la côte sud de
la Marmara. Mu’âwiya multiplia les expéditions : la Cilicie et Tarse furent
perdues, Rhodes prise, une garnison arabe y fut installée et finalement,
en 674, une puissante flotte arabe pénétra dans la Marmara, ravageant les
régions côtières six mois durant, avant d’hiverner à Cyzique, occupée
8 La formation et le développement de l’Empire médiéval

depuis 670. Constantin IV, ainsi placé sous une menace constante, défendit
difficilement le reste de l’Empire. En 676, un chef slave, Perboundos, qui
visait à s’emparer de Thessalonique, fut surpris et exécuté et les Sclavènes,
pour se venger, mirent le siège devant Thessalonique. En Italie, les Lom-
bards avancèrent jusqu’à Brindisi et Tarente dont ils s’emparèrent.
Après trois années de raids intenses contre les régions proches de la
capitale et la marche à travers l’Anatolie d’une grosse armée sous le com-
mandement de Yazîd, le propre fils du calife, Constantin IV se décida à
combattre, rassembla sa flotte et l’équipa du feu grégeois. Durant l’été 677,
les Byzantins brûlèrent une partie de la flotte ennemie, qui fut contrainte de
se replier et qui, sur le chemin du retour, subit une tempête désastreuse. Le
premier siège de Constantinople par les armées de Mu’âwiya avait échoué.

LE RENOUVEAU TEMPORAIRE DE L’EMPIRE (677-692)

La victoire de Constantin IV eut un énorme retentissement, car les Ara-


bes, pour la première fois, subissaient un très grave échec, qui leur interdi-
sait pour longtemps l’espoir de renouveler leur assaut. Dans les Balkans, les
chefs slaves et même le khagan des Avars envoyèrent des ambassades pour
féliciter l’empereur. Plus concrètement, ce dernier dirigea une flotte de
secours vers Thessalonique qui fut libérée du siège sklavène [Lemerle, 91]
et lui-même conduisit une expédition terrestre qui dégagea les alentours de
la métropole des Balkans.
Constantin IV reprit une grande partie du terrain perdu face aux Ara-
bes et Mu’âwiya négocia une trêve, sans doute conclue en 679, par laquelle
le calife s’engageait à verser chaque année 216 000 pièces d’or, 50 esclaves
et autant de chevaux de prix. Les bases navales des Arabes en Méditer-
ranée, Cyzique, Chios, Rhodes, furent reprises ou évacuées par l’ennemi.
Chypre était démilitarisée, aucune flotte de guerre ne devait y stationner et
le produit de l’impôt de l’île était partagé par moitié entre les adversaires.
Par chance pour l’Empire, après la mort prématurée de Yazîd, le califat
connut une crise de succession qui dégénéra en guerre civile, compliquée
par les multiples rébellions des ‘Alides shî’ites, et qui offrit l’opportunité
d’une offensive byzantine. L’empereur reprit la Cilicie et envoya sa flotte
ravager la côte syrienne avant d’accepter finalement une augmentation du
tribut que lui proposa le calife ‘Abd al-Malik en 685.
La politique extérieure de Constantin IV aurait été pleinement cou-
ronnée de succès sans l’affaire bulgare. La fédération bulgare avait été
Byzance sur la défensive 9

brisée par les Khazars qui occupèrent leur place à l’emplacement de


l’Ukraine actuelle ; les Bulgares, progressivement chassés de leurs terres, se
dirigèrent alors vers l’ouest. Leur khan, Asparuch, franchit le Danube et
refusa d’évacuer les terres occupées. Constantin IV conduisit une armée
contre lui en 681, mais fut vaincu. L’empereur dut concéder à Asparuch le
territoire compris entre le Danube et l’Haimos ainsi que le paiement d’un
tribut, car il ne pouvait se permettre une guerre prolongée sur un front
secondaire. Les Bulgares établirent un camp permanent à Pliska, qui devint
leur première capitale. Avec le temps, ils absorbèrent les nombreux Slaves
établis avant eux et finirent par abandonner leur langage prototurc. Les
empereurs considérèrent qu’ils formaient un État client. D’autres Bulgares,
conduits par Kouber, furent établis près de Thessalonique par Constan-
tin IV.
L’empereur s’efforça aussi de conforter sa position à l’intérieur de
l’Empire, en tentant de déposer ses frères les coempereurs, mais une réac-
tion militaire le fit renoncer. Il imposa cependant son fils, nommé non sans
arrière-pensée Justinien, comme son seul héritier. Il réussit, en revanche, à
régler la question monothélite par le concile de Constantinople, en 680-
681. Les efforts pour se concilier par cette doctrine des populations orienta-
les, placées désormais sous une domination arabe qui, en dépit des récents
succès, ne semblait pas devoir être remise en cause, perdaient de leur inté-
rêt, alors que les populations occidentales restaient fermement attachées à
Chalcédoine.
En 685, Justinien II, arrivant au pouvoir à 16 ans, pouvait juger oppor-
tun de reprendre l’offensive face au califat, toujours affaibli par les guerres
civiles menées par Mukhtâr en Mésopotamie entre 685 et 687 et par les
Zubayrides en Arabie jusqu’en 692. ‘Abd al-Malik ne protesta pas contre le
rétablissement de l’influence byzantine en Arménie et négocia, à deux
reprises, un traité qui renouvelait le tribut versé à l’Empire, mais il obtint
que les Mardaïtes du Liban fussent établis dans l’Empire, ce qui le débar-
rassait d’une source de troubles. En 688, tranquille sur le front arabe, Justi-
nien II conduisit une vaste expédition par la via Egnatia de Constantinople à
Thessalonique et fit de nombreux prisonniers slaves qu’il établit en Bithynie
et qu’il enrôla massivement dans son armée. Toujours soucieux de renfor-
cer les abords de la capitale, il transféra de même une partie de la popula-
tion de Chypre en Bithynie.
Une fois vaincus les rebelles à son régime, ‘Abd al-Malik, souverain
énergique, décida de rompre plus nettement avec les traditions héritées de
Byzance ; il arabisa l’administration et émit une nouvelle monnaie, le dînâr,
où ne figurait plus l’effigie impériale ni le buste du Christ. Justinien II en fit
un casus belli, en refusant le tribut mais, en 692, il fut vaincu à Sébastoupolis
lorsque son contingent slave le trahit en pleine bataille. L’empereur se
10 La formation et le développement de l’Empire médiéval

vengea en vendant comme esclaves les Slaves survivants, mais il perdait ses
précédentes conquêtes, l’Arménie passant de nouveau sous l’autorité cali-
fale. Ses armées furent incapables de repousser des raids en Cilicie et dans
le Taurus.
Justinien II réunit un concile en 691-692, dit in Trullo ou Quinisexte,
qui promulgua une série de canons, mais sans tenir compte des usages occi-
dentaux, car peu d’évêques latins étaient présents. Le pape Serge désavoua
ses légats et les décisions du concile. Lorsque Justinien II envoya un repré-
sentant arrêter le pape, les armées de Rome et de Ravenne prirent le parti
de Serge, signe d’un sentiment unitaire nouveau et dirigé contre l’Empire
en Italie centrale. Les efforts militaires avaient accentué la pression fiscale et
le mécontentement des élites, d’autant plus qu’ils se soldaient en définitive
par des échecs. En 695, une révolte à Constantinople plaça sur le trône
Léonce, un ancien stratège des Anatoliques, et Justinien II fut envoyé en
exil, après avoir eu le nez coupé.

LA MENACE DU DÉSASTRE FINAL (692-717)

La destitution de Justinien II ouvrit une époque d’instabilité préjudi-


ciable pour l’Empire qui avait, depuis le recul des années 640, à peu près
sauvegardé ses positions. Entre 695 et 717, six empereurs se succédèrent de
manière violente, entraînant chaque fois des purges dans l’armée, fort dom-
mageables pour la continuité de la résistance face aux Arabes, au moment
où ceux-ci avaient retrouvé des généraux efficaces, comme Maslama, qui
conduisit une série d’expéditions au cœur de l’Anatolie. Des officiers byzan-
tins capables, comme le frère de l’empereur Apsimar, Héraclius, infligèrent
des défaites aux Arabes, ainsi en 699, mais ce dernier fut exécuté avec son
état-major, quand Justinien II reprit le pouvoir en 705.

LA PERTE DE L’AFRIQUE

Le bilan de ce quart de siècle est désastreux. L’Afrique byzantine avait


connu, après une reconquête difficile, une certaine stabilité qui avait permis
le succès final de l’entreprise d’Héraclius en 610. La perte de l’Égypte,
bientôt suivie par l’abandon de la Cyrénaïque, laissait l’Afrique exposée aux
raids venus de l’est. L’Afrique byzantine au VIIe siècle était bien moins
Byzance sur la défensive 11

étendue que celle de la reconquête justinienne. Les tribus maures de


Numidie avaient acquis leur indépendance, mais étaient largement christia-
nisées. Les garnisons byzantines, les Rûm mentionnés par les sources arabes
de la conquête, s’étaient repliées dans les villes des deux provinces de la
plaine, les plus riches, la Byzacène au sud et la Proconsulaire au nord. La
défense du pays reposait au reste moins sur une armée régulière que sur les
tribus maures aussi bien de l’intérieur des provinces byzantines que de la
Numidie voisine dont les exarques avaient obtenu le soutien. De fait, les
Arabes se heurtèrent davantage à la résistance des berbères qu’aux Byzan-
tins. En 669 ou 670, profitant de la désorganisation de l’Occident à la suite
du meurtre de l’empereur Constant II à Syracuse, les Arabes, conduit par
‘Uqba ibn Nâfi’ lancèrent une nouvelle offensive au cœur de la Byzacène.
Les chefs musulmans entrèrent ainsi en contact avec les tribus maures dont
la christianisation récente restait superficielle ; ils en firent passer certaines à
l’islam, ce qui aboutit à l’établissement d’une base permanente en Afrique
même, à Kairouan.
Les Byzantins étaient désormais confinés à la seule province d’Afrique
autour de Carthage. La métropole déclinait, car des constructions médio-
cres occupaient désormais d’anciennes maisons à péristyle et les ports cessè-
rent, semble-t-il, d’être utilisés. Cette décrépitude explique pourquoi la ville
disparut au profit de Tunis durant les premiers siècles de la souveraineté
musulmane. Toutefois la prospérité, soutenue par une production encore
abondante de blé et d’huile, s’est maintenue plus longtemps qu’on ne l’a
cru au cours du VIIe siècle et, au moment de la conquête, les Arabes se
réjouirent de l’abondant butin en or qu’ils se procurèrent alors. Au reste, la
monnaie d’or frappée à Carthage ne subit pas d’altération sensible avant la
chute de la ville.
Dans les années 680, la victoire de Kusayla, chef d’une coalition ber-
bèro-byzantine, sur ‘Ubka qui trouva la mort, permit de refouler les enva-
hisseurs, mais seulement pour quelques années. Le calife ‘Abd al-Malik
envoya contre l’Afrique un puissant corps expéditionnaire conduit par Has-
sân ibn al-Nu’mân qui, appuyé par les tribus maures de Lybie, considérées
comme très sûres, s’empara de toute la province et de Carthage vers 695.
La conquête arabe fut retardée par la résistance d’autres tribus maures,
conduites par la prophétesse, al-Kâhina, qui voulaient sauver leur indépen-
dance. Après une victoire de al-Kâhina, l’empereur Léonce, comme son
illustre prédécesseur Justinien, fit débarquer une armée qui reprit temporai-
rement la capitale de l’Afrique mais dut se replier devant les renforts
arabes. Sur le chemin du retour, les marins proclamèrent empereur le
drongaire de la flotte, Apsimar, qui chassa Léonce en 698 et prit le nom de
Tibère III. Pendant ce temps, al-Kâhina fut finalement vaincue, ouvrant la
route du Maghreb aux conquérants [Modéran, 135].
12 La formation et le développement de l’Empire médiéval

Il en résulta la perte définitive de l’Afrique, qui privait l’Empire du blé


africain et laissa exposé à terme le riche thème de Sicile. Le christianisme
africain au passé si glorieux s’affaiblit plus rapidement qu’en Orient, sans
doute parce que les cadres, dont les évêques, se réfugièrent nombreux en
Sicile, laissant des communautés sans pasteur, d’autant plus que le mona-
chisme africain, peu développé, ne pouvait prendre la relève. Il ne restait
plus de la préfecture d’Afrique que les îles, Sardaigne, Corse, Baléares, qui
quittèrent progressivement l’orbite byzantine sans violence. En 800, la Sar-
daigne reconnaissait encore l’autorité de l’Empire.

LA PRÉPARATION DU SECOND SIÈGE DE CONSTANTINOPLE

En Orient, l’Arménie, en dépit d’une rébellion en 702, et l’Ibérie, ainsi


que la Lazique provisoirement, furent fermement contrôlées par les Arabes.
Dans les premières années du VIIIe siècle, les Arabes chassèrent définitive-
ment les Byzantins de Cilicie et fortifièrent Mopsueste, faisant de la pro-
vince une base pour prendre pied sur le plateau anatolien. Tibère III à son
tour avait été renversé par Justinien II qui avait pénétré par ruse dans
Constantinople et avait l’appui du khan des Bulgares, Tervel, qu’il récom-
pensa en le promouvant à la dignité de césar. Les places périphériques de
l’Empire, Ravenne comme Cherson, semblaient prêtes à la dissidence. C’est
de cette dernière ville qu’éclata la révolte qui emporta Justinien II en 711,
mettant fin à la dynastie d’Héraclius.
Les Umayyades jugèrent le moment propice pour reprendre l’offensive
contre Constantinople. L’instabilité politique fut portée à son comble : Phi-
lippikos, le vainqueur de Justinien II, voulut restaurer le monothélisme et,
se rendant impopulaire, fut renversé en juin 713 en faveur d’un civil, Anas-
tase, lui-même écarté en 715 par Théodose III. Maslama, fils d’‘Abd
al.Malik et gouverneur de l’Armîniya, parcourait l’Anatolie sans réelle
opposition et les navires arabes débarquaient sans encombre sur la côte
lycienne pour couper le bois d’œuvre. En 716, deux armées arabes péné-
traient en Asie Mineure pour assiéger la capitale, d’autant que le stratège
des Anatoliques, Léon, s’était rebellé avec la complicité d’Artavasde, le stra-
tège des Arméniaques auquel il donna sa fille en mariage. Léon négocia
avec Maslama, lui laissant entendre que s’il prenait la couronne, il recon-
naîtrait la souveraineté du calife. Il réussit à éviter les forces arabes et à
s’introduire à Constantinople au printemps 717, après que Théodose III
eut renoncé au pouvoir pour devenir moine à Éphèse.
Byzance sur la défensive 13

LA C O N S O LI D A T I O N I S A U R I E N N E ( 7 1 7 - 7 8 0 )

Le nouvel empereur fut assiégé, dès juillet 717, par des soldats et des
marins du califat, bien supérieurs en nombre à ses propres forces. Son pré-
décesseur, Anastase, avait renforcé les défenses maritimes et stocké des pro-
visions pour un très long siège. La muraille terrestre dissuadait les Arabes
d’oser un assaut direct et le blocus fut organisé, mais une petite victoire de
la marine byzantine, qui brûla des navires adverses, rehaussa le moral des
défenseurs. Les Arabes furent contraints d’hiverner, alors qu’ils étaient
nombreux, manquaient de vivres et que l’hiver fut particulièrement rigou-
reux, leur causant de fortes pertes. Au printemps, d’importants renforts vin-
rent d’Égypte et d’Afrique, mais une partie des équipages, composés de
chrétiens, fit défection auprès de Léon III, le feu grégeois dispersa les
navires ennemis et donna aux hommes de l’empereur des possibilités de
manœuvrer. Ils dressèrent d’heureuses embuscades en Bithynie contre les
renforts musulmans qui venaient à travers l’Asie Mineure. Finalement
Maslama, dont les troupes étaient frappées par l’épidémie et attaquées sur
leurs arrières par les Bulgares, leva le siège en août 718. Sur le retour, les
navires furent détruits par une tempête.
Le triomphe de Léon était total et lui permit d’éliminer une révolte en
Sicile ainsi qu’une autre, fomentée dans la capitale par l’ancien empereur
Anastase. Cependant, les Arabes dominaient toujours sur terre. Ils ravagè-
rent Ikonion, Césarée, Gangra et manquèrent de s’emparer de Nicée
en 727. La même année, Léon avait repoussé une attaque des marins de
l’Hellade et des Caravisiens, qui avaient soutenu un usurpateur. L’empe-
reur, comme ses contemporains, interprétait ces échecs comme le signe du
courroux divin, d’autant qu’en 726 une terrible explosion volcanique près
de Théra submergea de fumée et de cendres les rivages de l’Égée.
Alors que toutes les hérésies antérieures avaient été rejetées, Léon crut
voir dans le culte excessif des images la cause de cette colère. Il aurait fait
descendre l’image du Christ qui ornait la Chalcè, la porte du Grand Palais
[Auzépy, 123] et, en 730, au cours d’une audience solennelle, il déclara son
hostilité au culte des images. Le patriarche Germain, refusant l’iconoclasme,
démissionna et finit sa vie au monastère sans être autrement inquiété. Anas-
tase, qui lui succéda, officialisa la nouvelle doctrine qui insistait sur la vénéra-
tion de la croix, et informa par une lettre synodale le pape Grégoire II, qui
critiqua cette initiative. Son successeur Grégoire III la fit condamner par un
synode en 731. Léon III ne prit pas d’autre mesure durant son règne.
14 La formation et le développement de l’Empire médiéval

La querelle des images n’était pas le seul point de contentieux qui éloi-
gnait Rome de l’Empire. Léon III, à une date mal déterminée, priva le
pape de ses importants revenus siciliens et calabrais et décida d’ajuster la
géographie ecclésiastique au cadre politique et de rattacher au patriarcat de
Constantinople la partie orientale de l’Illyricum (Macédoine, Grèce, Pélo-
ponnèse) jusque-là dépendante du patriarcat de Rome. Les vives protesta-
tions des papes se firent entendre bien après l’époque iconoclaste
(cf. chap. V, p. 90-91).
Sur le terrain militaire, Léon III ne secourut pas l’exarque de Ravenne,
qui perdit temporairement sa capitale prise par les Lombards qui, en la per-
sonne de Liutprand, trouvèrent un souverain actif et conquérant. Les raids
arabes se poursuivaient mais, en 740, Léon III, accompagné de son fils Cons-
tantin, surprit une de leurs armées près d’Akroïnos et l’anéantit, premier suc-
cès en rase campagne de l’armée byzantine depuis plusieurs décennies. Les
Khazars constituaient depuis le règne d’Héraclius une carte maîtresse de la
diplomatie byzantine pour faire pression sur les Perses, puis sur le califat au
nord du Caucase, car ces nomades étaient tentés par les richesses de la
Mésopotamie [Noonan, 136]. Léon III, reconnaissant l’importance de cette
alliance, choisit pour épouse de Constantin, l’héritier du trône, la fille du
khagan. Pourtant vers 737, Marwân, le futur calife, réussit à surprendre et
battre les Khazars et à faire accepter l’islam à leur chef.
Malgré cet échec et un terrible tremblement de terre à l’automne 740,
qui mit à bas des forteresses de Bithynie et de Thrace et ruina en partie les
murailles de Constantinople – pour la reconstruction desquelles Léon leva
un impôt nouveau d’un miliarèsion, le bilan du règne était satisfaisant.
Lorsque Léon III mourut en juin 741, la succession devait tout naturelle-
ment passer à Constantin [Rochow, 137], mais celui-ci, qui avait cependant
mené l’armée byzantine à la victoire durant l’été 741 en s’emparant de
Mélitène, fut attaqué en juin 742 par son beau-frère Artavasde, qui rallia
les troupes de Thrace et fit courir le bruit de la mort du jeune empereur,
s’ouvrant ainsi sans combat les portes de la capitale. L’usurpateur semble
avoir joué la carte du soutien aux iconodoules pour augmenter le nombre
de ses partisans. Les deux adversaires sollicitèrent tour à tour l’appui du
calife umayyade. Constantin, pour sa part, fut aidé par les troupes des Ana-
toliques et des Thracésiens et vainquit à deux reprises Artavasde, puis son
fils Nicétas en 743 et vint assiéger la capitale, ayant reçu le soutien du
thème naval des Cibyrrhéotes. En novembre 744, il fit tomber Constanti-
nople affamée, mettant fin à une guerre civile de plus de deux ans. Cet
affrontement témoigne des divisions qui partageaient la société byzantine,
rivalités régionales, iconoclastes opposés aux iconodoules. Par chance pour
Constantin V, les Umayyades ne purent en tirer aucun avantage, car eux-
mêmes combattaient les prémices de la révolte ‘abbâside [Nichanian, 429].
Byzance sur la défensive 15

Une nouvelle épidémie de peste frappa l’Empire en 747, notamment la


capitale au point qu’il fallut faire appel aux habitants des îles et de
l’Hellade pour la repeupler. Nul ne pouvait savoir qu’elle marquait la fin de
l’épisode commencé sous Justinien Ier. Sur le front oriental, Constantin V
bénéficia de la révolution ‘abbâside, qui mobilisait toutes les forces du
monde musulman vers 748-750. Les vainqueurs, qui s’appuyaient sur les
forces arabes du Khurâsân, recentrèrent le califat sur l’Iraq, en fondant
Bagdad, plus éloignée du front syrien. Dans un premier temps, les califes
‘abbâsides s’appliquèrent, en musulmans rigoristes, à respecter le devoir de
djihâd et conduisirent des expéditions en territoire chrétien, d’autant plus
redoutables que leur capacité de mobilisation financière et humaine attei-
gnit son apogée médiéval, mais, à terme, cette translation de Damas à Bag-
dad signifiait que la destruction de l’Empire byzantin ne serait plus un
objectif prioritaire. En 751 l’empereur vint assiéger Mélitène et revint avec
une foule de prisonniers qu’il établit en Thrace, puis en 755 il avança jus-
qu’à Théodosioupolis, agissant de même, ce qui témoigne du prix des hom-
mes et de leur rareté. Sur mer la flotte des Cibyrrhéotes détruisit une
escadre ennemie dans les eaux chypriotes. Constantin repeupla la Thrace, y
établit des garnisons, offrant à Constantinople une protection en profon-
deur, complétée par la soumission de sclavinies en Macédoine.
Constantin V avait clairement donné la priorité à la défense de Cons-
tantinople et n’avait pas distrait de forces pour protéger les derniers restes
de l’exarchat de Ravenne, qui fut perdu en 751. Il comptait sur des moyens
diplomatiques pour recouvrer ces possessions et ne découragea pas le pape
Étienne II de se rendre en Gaule pour solliciter l’aide de Pépin, comptant
sur l’amitié traditionnelle des Francs.
Fort de ses succès, Constantin V décida de réunir un concile œcumé-
nique sur la question des images, sans la présence de représentants du pape,
hostile à l’iconoclasme, mais en réunissant la majorité des évêques de
l’Empire qui, depuis plus de vingt ans, étaient choisis parmi les adversaires
des images. Le concile réuni au palais de Hiéreia en 754 condamna le culte
des images dans un horos, document définissant le dogme de l’Église byzan-
tine unanime. L’empereur pouvait aussi compter sur l’appui inconditionnel
des tagmata, qu’il avait reconstitués et dont il choisissait lui-même les
combattants.
Constantin V reprit l’offensive dans les Balkans, car les ‘Abbâsides
étaient encore en train de consolider le nouveau régime, et à plusieurs
reprises, en 759 et surtout en 763, il battit les Bulgares, sécurisant ainsi ses
gains en Thrace et en Macédoine. Les dernières années du règne furent
moins heureuses, une tempête brisant une flotte envoyée contre les Bulga-
res, rendant l’expédition par terre impraticable, mais en 774 Constantin V
emporta une nouvelle victoire sur le khan Télérig. Sur le front oriental, les
16 La formation et le développement de l’Empire médiéval

‘Abbâsides renouèrent avec des raids puissants. En 770, les Anatoliques


furent ravagés, en 772 les armées des thèmes d’Orient réunies ne réussirent
pas à arrêter les Arabes chargés de butin.
La force de la contestation iconodoule est difficile à apprécier, car
s’opposer à l’empereur relevait du crime de lèse-majesté. Il est certain qu’il
restait des iconodoules fervents, notamment parmi l’aristocratie de la capi-
tale ou parmi les moines. Constantin s’appuya sur quelques stratèges fidèles
pour s’assurer la loyauté des provinces. Le plus fameux, Michel Lachano-
drakôn, qui fut durablement stratège des Thracésiens, semble avoir mené
un combat intense contre les moines, transformant des couvents en écuries
pour la cavalerie. En novembre 765, un moine, Étienne le Jeune, fut lapidé
par les scholes et la foule de la capitale avec l’approbation impériale. La Vie
d’Étienne le présente comme une victime de son attachement aux images,
mais sa mort est sans doute à mettre en relation avec le complot de 766 qui
impliquait de nombreux hauts fonctionnaires proches du souverain et
même le patriarche Constantin, qui fut publiquement humilié avant d’être
décapité. Or le chef de l’Église avait été choisi par l’empereur au moment
du concile de Hiéréia et ne peut donc passer pour un iconodoule
convaincu. L’interprétation des luttes internes sous Constantin V est rendue
difficile par la grille de lecture qu’imposent les sources conservées, toutes
iconodoules et évidemment mal disposées à l’égard de ce souverain sur-
nommé le Copronyme, parce qu’il aurait souillé l’eau de son baptême.
Léon IV, qui succéda sans encombre à son père en 775, abandonna les
positions personnelles de celui-ci, qui s’était montré hostile au culte de la
Vierge que l’Église n’avait jamais condamné. Le règne semblait promettre
une certaine détente et commençait sous de bons auspices, par une victoire
de Lachanodrakôn sur les Arabes dans la région de Germanicée en 778 et
la mise en échec d’une riposte l’année suivante. Mais Léon IV mourut
dès 780.
Le bilan des trois empereurs isauriens est remarquable. Ils obtinrent le
pouvoir à un moment où l’existence de l’Empire était en jeu et trois quarts
de siècle plus tard, les Arabes, certes toujours dangereux, étaient contenus,
les Bulgares avaient été abaissés, la Thrace et la Macédoine réorganisées et
repeuplées. La nouvelle armée des tagmata avait fait ses preuves et était,
semble-t-il, régulièrement payée, signe d’un retour à l’équilibre des finances
publiques. La stabilité politique était consolidée, en dépit de la guerre de
succession de Léon III, ce qui permit la réorganisation en profondeur des
structures de l’Empire. Cette nouvelle confiance des autorités se traduisit
par la promulgation en 741 d’un code, l’Ecloga, première réorganisation des
lois depuis Justinien Ier. Mais l’État manquait encore singulièrement
d’hommes et ses ressources restaient bien inférieures à celles du califat
‘ab.âside, seule puissance universelle de l’époque.
Byzance sur la défensive 17

À LA R E C H E R C H E D E L ’ É Q U I L I B R E ( 7 8 0 - 8 6 7 )

UNE NOUVELLE CRISE DU POUVOIR IMPÉRIAL

La mort prématurée de Léon IV offrit la régence à sa veuve, Irène,


pour le compte de son fils, Constantin VI [Lilie, 134 ; Treadgold, 140].
L’impératrice, qui souhaitait gouverner par elle-même, sans la surveillance
de ses beaux-frères ni des proches de Constantin V, ne pouvait trouver de
soutien que chez les adversaires des iconoclastes, sans doute assez nom-
breux dans la capitale. Pour s’en assurer la fidélité, elle fut conduite à un
accommodement avec les iconodoules et augmenta sa popularité par des
allègements fiscaux. Elle devait donc purger l’Église et les tagmata, les deux
institutions clés du régime. Avec l’appui du patriarche Taraise, ancien haut
fonctionnaire de la capitale, elle convoqua en 786 un concile aux Saints-
Apôtres à Constantinople, mais les tagmata dispersèrent cette première réu-
nion. L’année suivante, Irène convoqua un nouveau concile à Nicée, faisant
appel – initiative inédite – à de nombreux higoumènes, après avoir pris la
précaution d’éloigner les troupes sous prétexte d’une campagne contre les
Arabes. Elle obtint que le culte des images soit déclaré conforme à l’ortho-
doxie et que le haut clergé se rallie à la position défendue par Taraise.
En 790, la pression des armées thématiques obligea Irène à céder le pou-
voir à son fils, mais celui-ci accumula les bévues, maltraitant le thème des
Arméniaques qui l’avait soutenu, se faisant battre par les Bulgares en 792,
répudiant son épouse et épousant sa maîtresse, provoquant le schisme
« mœchien » à l’initiative de Théodore Stoudite, si bien qu’Irène évinça et
aveugla son propre fils en 797, exerçant seule le pouvoir jusqu’à ce qu’elle
fût renversée en 802 par son logothète du génikon, Nicéphore.
La venue au pouvoir d’Irène marque une phase d’affaiblissement de
l’Empire jusque vers 815. Le gouvernement d’une femme incita les adver-
saires de l’Empire à prendre l’offensive. Les Arabes menèrent des raids
dont l’un, conduit par Hârûn al-Rashîd, fils du calife, jusqu’en Bithynie,
contraignit l’Empire à verser tribut. Le successeur d’Irène, Nicéphore, ne
fut guère plus heureux face à Hâroûn, maintenant calife, auquel il dut
payer la capitation pour lui-même et pour son fils Staurakios.
Le khan bulgare Kroum prit l’offensive en 809 et s’empara de Serdica
(Sofia). Nicéphore réagit par deux campagnes dont la seconde, en 811,
aboutit à un désastre, car l’empereur resta sur le champ de bataille et son
crâne servit de coupe à boire au khan victorieux, qui pilla librement la
18 La formation et le développement de l’Empire médiéval

Thrace et s’ouvrit la route de Constantinople après une nouvelle victoire à


Versinikia en 813, contre le gendre de Nicéphore, Michel Ier Rhangabé, qui
avait recueilli la succession. Ce grave échec provoqua un coup d’État à
Constantinople où l’on aspirait à un pouvoir militaire fort. Le stratège des
Anatoliques, Léon, fut appelé au pouvoir, avec l’assentiment du patriarche
Nicéphore, et remplaça le faible Michel [Turner, 139]. Le nouvel empereur
défendit Constantinople contre l’assaut de Kroum qui mourut en 814 et,
l’année suivante, il remporta une victoire qui persuada les Bulgares de
signer une paix durable leur laissant une bonne partie de leurs conquêtes.
En Occident, Charles, le roi des Francs et aussi désormais celui des
Lombards, devint le protecteur du pontife romain et décida de relever le
titre impérial en 800. Les Byzantins craignirent en premier lieu que le nou-
vel empereur ne marche sur Constantinople. Nicéphore refusa également
de lui reconnaître ce titre, ce qui entraîna une guerre limitée en Adriatique,
notamment pour le contrôle de Venise, les Francs l’emportant sur terre et
les Byzantins dominant la mer. Finalement, en 812, les ambassadeurs de
Michel Ier à Aix-la-Chapelle acclamèrent Charles comme empereur des
Francs, mais non des Romains. L’affaiblissement assez rapide des Carolin-
giens contribua à atténuer les tensions sur ce point.
Cette époque ne connut qu’un point brillant, la soumission des Slaves
de Grèce et du Péloponnèse. Staurakios, le fidèle eunuque d’Irène, condui-
sit une armée de Constantinople à Thessalonique, puis gagna le Pélopon-
nèse, accumulant du butin et faisant respecter l’autorité impériale. Puis
l’impératrice soumit les Slaves de Thrace occidentale jusqu’à Philippoupo-
lis, mais ces terres furent perdues après les victoires de Kroum. Nicéphore
renforça l’élément grec en ordonnant un transfert de population des îles et
d’Asie Mineure. Les Slaves du nord du Péloponnèse, qui s’étaient rebellés,
furent soumis à la métropole de Patras.

LE SECOND ICONOCLASME

Léon V, mais aussi nombre de Byzantins, dont sans aucun doute une
partie du corps des officiers supérieurs, constatèrent que depuis la condam-
nation de l’iconoclasme, les affaires de l’Empire, marquées par de lourdes
défaites et ses souverains tués ou renversés, ne semblaient guère bénéficier
du soutien divin. En 815, après une large consultation, mais contre les avis
du patriarche Nicéphore et de Théodore Stoudite, principal représentant
du monachisme constantinopolitain et bithynien, Léon V fit réunir un
synode qui remit en vigueur l’horos promulgué au concile de Hiéréia. La
Byzance sur la défensive 19

seconde phase de l’iconoclasme fut assez différente de la première, plus


intellectuelle et plus mesurée, même si Théodore Stoudite dut subir les
rigueurs de l’exil et si quelques iconodoules notoires furent maltraités par
Théophile : martyre d’Euthyme de Sardes et captivité de son disciple
Méthode [Vie d’Euthyme, 96] ; supplice des graptoi (les « gravés »), deux moi-
nes palestiniens à qui l’on grava sur le visage des versets iconoclastes.
Léon V tomba victime d’un complot palatin à la Noël 820 et le trône
passa à l’un de ses anciens complices, Michel d’Amorion. Un autre de leurs
collègues, Thomas dit le Slave, se présenta en vengeur de Léon, rallia assez
rapidement la plus grande partie de l’Asie Mineure au cours de
l’année 821, trouva du secours chez les Arabes, se fit acclamer par les thè-
mes occidentaux et se dota même d’une flotte. La position de Michel II,
qui ne disposait que des troupes de l’Opsikion et des Arméniaques, était dif-
ficile, mais la capitale lui resta fidèle, ce qui obligea Thomas à hiverner en
Thrace. Michel l’emporta enfin en 823 après une guerre civile de trois ans
[Lemerle, 132]. La flotte avait particulièrement souffert, ce qui permit aux
Arabes d’Afrique, en 826, de soutenir en Sicile un rebelle, Euphèmios, qui
s’était proclamé empereur, et à une bande de musulmans originaires de
l’Andalus, exilés à Alexandrie avant d’en être chassés, de s’emparer de la
Crète. Michel envoya les navires disponibles en Sicile, où une grande partie
du terrain perdu fut temporairement repris, mais Palerme tomba finale-
ment en 831 aux mains des Arabes. En Crète les marins et les soldats
byzantins furent mis en déroute par les Arabes qui annexèrent l’île au prix
d’une lente conquête durant plusieurs décennies.
Théophile, qui succéda à son père en 829, avait été éduqué en futur
souverain par l’un des grands savants de son temps, Jean le Grammarien,
iconoclaste convaincu lui aussi. Théophile aspirait à renouveler les exploits
de la dynastie isaurienne pour conforter l’iconoclasme par des victoires.
Après des débuts incertains, il obtint le secours inattendu de rebelles venus
de Perse, fuyant le califat. L’empereur fit baptiser dans la capitale leur chef,
sous le nom de Théophobe, le titra patrice et lui donna en mariage une
princesse impériale. Ses effectifs ainsi renforcés, il conduisit une forte armée
qui s’empara de Sôzopétra, fit un gros butin, revint sans encombre et célé-
bra un triomphe dans la capitale. Al Mu’tasim se vengea l’année suivante
en dirigeant une puissante expédition, la dernière que mena un calife en
Anatolie. Théophile fut vaincu par l’un des corps d’armée et faillit être pris
à Dazimôn. Il dut laisser le terrain libre et les ennemis s’emparèrent
d’Ancyre puis assiégèrent Amorion, berceau de la dynastie et capitale du
thème des Anatoliques, qu’ils prirent d’assaut, tuant ou capturant l’élite des
troupes byzantines. Les officiers supérieurs emmenés en captivité furent
exécutés plus tard, formant la cohorte des martyrs d’Amorion. Le désastre
était plus psychologique que militaire, même si le souverain envoya des
20 La formation et le développement de l’Empire médiéval

ambassades en Occident pour suggérer une collaboration militaire [She-


pard, 138], car l’armée du thème des Thracésiens fut capable d’anéantir
une grosse bande de pirates arabes durant l’été 841.
Théophile mourut prématurément, laissant un fils de 2 ans, Michel III,
pour qui s’annonçait une longue régence. Théodora, la jeune veuve, pou-
vait compter sur ses frères, Bardas et Pétrônas, qui avaient une expérience
d’officiers [Herrin, 127]. L’abandon de l’iconoclasme fut rapide, même si la
doctrine était encore soutenue par une partie du clergé, à commencer par
Jean le Grammairien, que Théophile avait promu patriarche. Il fallut à
peine plus d’un an pour démettre Jean, revenir, le 11 mars 843, au cours
d’un simple synode, à la position de Nicée II et introniser le même jour
Méthode, un Sicilien qui avait vécu à la cour de Théophile. Théodora avait
pris soin que la condamnation de l’iconoclasme n’entraînât pas celle de la
dynastie et avait sauvegardé la mémoire de son époux. À la mort de
Méthode, elle fit appel à Ignace, un moine rigoriste, fils castré de l’empe-
reur Michel Ier, dont elle espérait qu’il saurait apaiser les troubles persistants
dans l’Église et notamment renouer avec les moines stoudites.
Dans la première partie de sa régence, Théodora s’appuya sur un
eunuque, Théoctiste, préposé à l’encrier. À la différence d’Irène, Théodora,
confrontée à de moindres périls, ne subit que des échecs mineurs, sauf en
Sicile où les Arabes continuaient d’avancer vers l’est de l’île, et remporta
quelques succès, par des raids profonds en territoire ennemi, qui rappor-
taient butin et prisonniers. Son attitude rigide à l’égard des membres d’une
secte dualiste, les Pauliciens, déjà punis de mort depuis le patriarche Nicé-
phore, mais dont le nombre augmentait dans les thèmes orientaux, les
contraignit a émigrer hors de l’Empire auprès des Arabes. Ils formèrent,
sous l’autorité de Karbéas, puis de Chysocheir, un petit État militaire très
combattif, autour de la forteresse de Téphrikè, située en territoire
musulman, mais à proximité de la frontière [Lemerle, 500].

LES SUCCÈS DE MICHEL III

En 856, Bardas fit assassiner Théoctiste, sous prétexte de donner le


pouvoir à son neveu Michel III. Il gouverna de fait l’Empire et reçut le titre
de césar. Le pouvoir ‘abbâside commençait à s’affaiblir et l’immense
Empire à se désintégrer. Sous le contrôle nominal des califes, le djihâd était
confié aux émirs des frontières, ceux de Tarse et de Mélitène, qui harcelè-
rent les thèmes d’Orient, avec l’aide des Pauliciens. En 863, Pétrônas, com-
mandant effectif de l’armée, réussit à encercler et à détruire l’armée de
Byzance sur la défensive 21

l’émir de Mélitène, ‘Amr, qui trouva la mort. La même année, ‘Âlî, ancien
émir de Tarse et gouverneur de l’Arménie, ainsi que Karbéas, chef des
Pauliciens, périrent. L’émirat de Mélitène ne se remit jamais complètement
de ce coup, ce qui ouvrit aux armées byzantines la route de l’Arménie, pro-
vince encore soumise au califat. Une nouvelle campagne pour reconquérir
la Crète avait été programmée en 866, mais elle fut annulée après
l’assassinat de Bardas. Seule source de préoccupation nouvelle, en 860, un
peuple du nord, les Rhôs, avaient mené un raid contre Constantinople et sa
banlieue, puis étaient repartis sans être autrement inquiétés.
Le patriarche Ignace, qui était resté fidèle à Théodora et critiquait
l’inconduite de Bardas, fut accusé de comploter et exilé en 858. Il fut rem-
placé par un haut fonctionnaire lettré, Photius, alors chef de la chancellerie.
Ce dernier reçut dans la semaine l’ensemble des ordres mineurs et majeurs.
Cette élection peu canonique – quoique non sans précédent –, fut contestée
par les partisans d’Ignace qui en appelèrent au pape. Michel III, sur propo-
sition de Photius, décida de convoquer un concile sur la question des ima-
ges ; il se tint en 860-861 et aboutit au triomphe du patriarche. Le pape
Nicolas Ier désavoua ses légats, d’autant plus que la rivalité entre les deux
Églises s’accentuait en Bulgarie. En 867, Photius réunit un nouveau concile
qui excommunia le pape pour hérésie, le désaccord sur le Filioque ayant été
exploité pour la première fois (cf. chap. V, p. 112). La chute de Michel III
et le renvoi de Photius changèrent immédiatement la donne.
Le premier patriarcat de Photius fut marqué par une activité mission-
naire inhabituelle dont les deux objectifs majeurs furent initialement la
conversion de la Khazarie et de la Moravie, deux États qui jouaient un rôle
essentiel dans la diplomatie byzantine. Constantin – qui prit plus tard le nom
de Cyrille – et son frère Méthode furent envoyés en 860 en Khazarie, en pas-
sant par Cherson, en Crimée, qui restait le point d’observation byzantin des
peuples de la steppe. L’entreprise fut un échec, car les Khazars, dont le kha-
gan en 861 avait reçu les représentants des trois religions monothéistes, choi-
sirent de se convertir au judaïsme [Zuckerman, 141]. En réaction, Basile le
Macédonien, alors empereur, tenta de convertir les juifs de l’Empire, davan-
tage par des offres de promotions que par coercition.
En 863, Photius répondant à une demande du prince de Moravie,
Ratislav, envoya Constantin et Méthode former le clergé slave de cet État.
Le remarquable philologue qu’était Constantin mit au point un alphabet
permettant pour la première fois d’écrire la langue slave et de traduire les
textes utiles à la liturgie. La mission, dont l’histoire est complexe, devait se
heurter à l’hostilité des missionnaires francs. Après la disparition de
Méthode en 885 (Constantin était mort en 869), leurs derniers disciples,
chassés de Moravie, trouvèrent refuge en Bulgarie où ils renforcèrent la
politique de christianisation en cours. En effet, le khan bulgare, Boris,
22 La formation et le développement de l’Empire médiéval

manifestait de l’intérêt pour le christianisme, qui lui permettait de mieux


asseoir son pouvoir parmi ses boyards et de faire entrer son pays dans le
concert des nations chrétiennes.
Depuis les conquêtes de Kroum, une partie des sujets des khans,
anciens prisonniers ou nouveaux convertis, étaient déjà chrétiens. Boris se
tourna vers Constantinople, il obtint le baptême en 864 et prit le nom de
son parrain, l’empereur Michel. Il restait à organiser l’Église bulgare dont
Boris ne voulait pas qu’elle servît de canal pour imposer l’influence de
Constantinople et pour laquelle il souhaitait un statut d’indépendance. Il
comptait sur la rivalité entre Rome et Constantinople pour parvenir à ses
fins, mais il dut accepter le rattachement de l’archevêché bulgare au
patriarcat de Constantinople.
Michel III, lassé de l’influence de Bardas, se prit d’amitié pour Basile,
un paysan d’origine arménienne, venu de Macédoine, qui était vigoureux et
apte à dompter les chevaux pour lesquels Michel III semble avoir eu une
passion. Bardas essaya d’éliminer ce rival, mais fut devancé et massacré au
printemps 866. L’influence de Basile s’accrut au point que Michel
lui donna pour épouse sa maîtresse, Eudocie Ingérina, et en fit un
coempereur, gestes qui provoquèrent de nombreux commentaires, dès
l’époque des faits, et qui laissent un doute sur la paternité du fils d’Eudocie,
Léon, né en septembre 867. Quelques jours après, Michel, qui songeait à
destituer Basile, fut assassiné par ce dernier en son palais suburbain de
Saint-Mamas, dans la nuit du 23 septembre 867.
Le bilan du règne de Michel III, dressé de façon tendancieuse par les
historiens de la dynastie macédonienne, a longtemps influencé les moder-
nes. L’empereur, qu’il fallait disqualifier pour justifier l’accession de Basile
par le meurtre de son bienfaiteur, est présenté comme un débauché qui ne
respecte pas les institutions les plus sacrées, comme un incapable qui ne se
soucie pas des intérêts de l’État, faisant éteindre les feux signalant une
incursion ennemie pour achever le programme d’une course à l’Hippo-
drome, d’une telle prodigalité enfin à l’égard de ses favoris qu’il aurait vidé
complètement le Trésor. Sans pouvoir porter de jugement sur la personna-
lité de Michel, force est de constater que, sous son règne justement,
l’influence byzantine dans les Balkans se fait sentir plus fortement, grâce à
l’activité de Photius et qu’en Orient, pour la première fois, la perspective de
reprendre du terrain sur les musulmans se précise.
C HA P I T R E I I

L’expansion byzantine
durant la dynastie macédonienne
(867-1057)
PAR JEAN-CLAUDE CHEYNET

Lors de sa prise de pouvoir, Basile le Macédonien, contesté par quel-


ques stratèges, sut emporter l’adhésion par une habile distribution des pos-
tes et des dignités qui conforta la puissante faction qu’il avait constituée
antérieurement, s’appuyant sur ses proches parents et un réseau d’étran-
gers, dont des Arméniens. Son pouvoir ne fut guère menacé, sinon par des
complots palatins attestés jusqu’à la fin du règne. Dès 867 il contraignit
Photius, trop lié à ses yeux à l’Ancien Régime, à démissionner et il rétablit
Ignace. Cependant, à la mort de ce dernier en 877, il rappela Photius dont
le réseau d’influence constantinopolitain était trop puissant pour être
négligé par un usurpateur.

L ’ É T A B LI S S E M E N T D E L A D Y N A S T I E M A C É D O N I E N N E

L’avènement de Basile Ier ne changea pas les rapports de force en


Orient, même si la propagande délivrée par la Vita Basilii voudrait faire
croire le contraire et le présenter comme le premier empereur de l’expan-
sion byzantine. Cependant le Ier siècle de la dynastie macédonienne voit
s’affermir la puissance byzantine sur tous les fronts. Basile n’était pas lui-
même un général talentueux, faute d’expérience, et les campagnes qu’il a
conduites personnellement n’ont pas donné de grands résultats, mais ses
généraux furent plus heureux. En 871, l’empereur partit contre les Pauli-
ciens, mais échoua tout à la fois à s’emparer de Téphrikè et de Mélitène.
L’année suivante, Christophe, un parent par alliance nommé domestique
des scholes, surprit l’armée des Pauliciens à Bathyryax, la dispersa et tua
24
L’Empire vers le milieu du XIe siècle
L’expansion byzantine durant la dynastie macédonienne (867-1057) 25

son chef Chrysocheir, mettant fin à la phase militaire du paulicianisme.


Une partie des prisonniers survivants formèrent un régiment de l’armée
byzantine.
En 878, accompagné de son fils aîné Constantin, Basile s’établit à
Césarée de Cappadoce et, de là, ravagea de nombreuses places fortes d’im-
portance secondaire, mais ne put s’emparer d’Adata, forteresse qui tenait
l’un des passages du Taurus vers la Syrie. Mais ses généraux balayèrent un
raid des Arabes de Tarse et Basile revint célébrer un triomphe à Constanti-
nople, habile opération de propagande pour l’usurpateur. Les succès byzan-
tins manquaient cependant de continuité. Une armée envoyée contre Méli-
tène fut repoussée, une autre, en 883, commandée par le domestique des
scholes Styppeiôtès, fut anéantie par les Tarsiotes.
En Occident, le bilan est également contrasté. La Sicile fut perdue, car
la négligence de Basile Ier provoqua la chute de Syracuse en 878. Les
Byzantins détenaient quelques forteresses dans la partie orientale de l’île où
se concentrait la population grecque mais, en 902, la présence byzantine
officielle prit fin avec la chute de Taormine. En revanche, Basile rétablit les
positions byzantines dans le sud de l’Italie, qui était passée presque complè-
tement aux mains des Arabes. Il joua la carte de l’alliance avec Louis II, le
Carolingien maître de l’Italie, qui reprit Bari en 871. Après la mort de
Louis, Bari se livra aux Byzantins, en 876, qui coordonnèrent une alliance
des États italiens contre les Arabes et détruisirent l’émirat de Tarente
en 880. Finalement une forte armée sous le commandement de Nicéphore
Phocas l’Ancien, dont ce furent les brillants débuts, reprit le nord de la
Calabre et la Pouille, en prenant soin que ces troupes n’aillent pas piller les
autochtones lombards [Gay, 1203]. Quelques années plus tard, était créé le
thème de Langobardie.
Basile, en chassant Photius au profit d’Ignace, se rapprochait de
Rome, mais ensuite le retour de Photius fut accepté par le pape, au
concile de Constantinople tenu en 879/880, car Jean VIII avait trop
besoin de la flotte byzantine, face aux Arabes qui menaçaient l’Italie cen-
trale. Photius poursuivit son œuvre missionnaire en christianisant les
Russes qui avaient attaqué Constantinople en 860, mais cette première
conversion fut sans lendemain, car le khaganat russe du nord, où Photius
avait envoyé un évêque, disparut avant 900. Il semble que le patriarche
ait aussi joué un rôle dans la curieuse affaire qui assombrit les dernières
années de Basile. L’empereur avait perdu en 879 son fils préféré, Constan-
tin, l’aîné destiné à hériter de l’Empire, et s’était résigné à désigner Léon,
qu’il n’aimait pas, peut-être en raison des bruits qui circulaient à la cour à
propos de sa naissance. La fin du règne fut marquée par des complots au
sein de l’aristocratie et Léon, accusé par un proche de Photius de songer à
tuer son père, fut emprisonné, manquant d’être aveuglé. Il ne fut rétabli
26 La formation et le développement de l’Empire médiéval

dans ses droits que quelques mois avant la mort accidentelle de Basile,
en 886.
Le premier geste de Léon VI, intronisé le 29 août 886, fut de transférer
les restes de Michel III avec les honneurs impériaux aux Saints-Apôtres
[Tougher, 162]. Le jeune empereur voulait ainsi libérer la dynastie de son
crime originel, moins sûrement pour honorer celui que beaucoup pensaient
être son père que pour se concilier le personnel au service des Amoriens et
unifier les élites dirigeantes. Il se vengea des amis de son père qui avaient
conseillé de l’écarter du pouvoir. Le patriarche Photius fut démis de ses
fonctions et remplacé par Étienne, le propre frère de Léon.
Un des premiers soucis de l’empereur fut de s’assurer une descendance.
Il avait épousé contre son gré la pieuse Théophanô, issue d’une des plus
brillantes familles, les Martinakioi, liés aux Amoriens, qui ne lui donna
qu’une fille, morte en bas âge. Un second mariage avec Zôè Zaoutzaina,
dont les proches complotèrent contre lui après la mort de leur parente, puis
une troisième union avec Eudocie Baïanè, ne donnèrent pas de rejeton
mâle viable. Il prit une concubine, Zôè Karbonopsina, qui lui donna l’héri-
tier tant attendu en septembre 905, Constantin. Léon VI désirant que la
légitimité de son fils fût incontestable, obtint du patriarche Nicolas Mystikos
que l’enfant fût baptisé, alors que ce compromis, nécessaire pour la paix
civile, passait mal dans l’Église, mais en outre Léon décida d’épouser Zôè.
Or l’Église byzantine, qui assortissait déjà le second mariage d’une péni-
tence, rejetait complètement les troisièmes et quatrièmes noces. L’em-
pereur, lui-même grand législateur, qui avait achevé l’œuvre planifiée par
son père en faisant rédiger l’Eisagôgè et un nouveau code, les Basiliques,
attentif à se concilier l’Église, avait promulgué une novelle interdisant les
troisièmes noces. Léon passa outre et fit célébrer son quatrième mariage à
Sainte-Sophie. L’empereur tenta avec succès d’obtenir l’accord du pape et
des autres patriarches, mais rencontra l’opposition de Nicolas, poussé par la
hiérarchie ecclésiastique. Le souverain trouva les portes de Sainte-Sophie
fermées lors de la procession solennelle à la Noël 906. Nicolas fut déposé et
remplacé par Euthyme, mais il en résulta un schisme durable au sein de
l’Église byzantine. En revanche, Léon avait politiquement gagné et, à la
Pentecôte 908, Euthyme couronna coempereur Constantin, celui que son
père n’appelait pas autrement que le Porphyrogénète. Léon VI cependant
ne vécut pas assez âgé pour éviter au jeune prince une période de régence,
après mai 912.
L’expansion byzantine durant la dynastie macédonienne (867-1057) 27

LA P O LI T I Q U E E X T É R I E U R E D E L É O N V I

Sur le plan extérieur, Léon VI, qui ne conduisit jamais les armées quoi-
qu’il eût pris de l’intérêt aux affaires militaires comme en témoigne la
rédaction de ses Taktika et de ses Naumachika, fut confronté aux ennemis tra-
ditionnels de l’Empire, Bulgares et Arabes musulmans, qui montrèrent une
vigueur renouvelée. Le successeur de Boris, Vladimir, voulant revenir au
paganisme, fut chassé par son propre père et remplacé en 893 par son frère
cadet, Syméon. Ce dernier avait été éduqué à Constantinople en futur haut
dignitaire de l’Église bulgare. Il se montra soucieux de ne pas apparaître
comme un pion des Byzantins et réagit par une démonstration de force,
en 894, à une initiative maladroite de Léon VI qui avait transféré de Cons-
tantinople vers Thessalonique la place d’échanges commerciaux avec les
Bulgares. Les Byzantins avaient pris l’avantage en lançant les Hongrois
contre Syméon, mais en 896, ce dernier l’emporta nettement sur les troupes
réunies par le domestique des scholes, Léon Katakalon. Léon VI préféra
négocier et, au prix d’un tribut annuel et de la perte de quelques forteresses
frontalières, il obtint le retour des prisonniers et une paix durable.
La guerre sur terre contre les Arabes se traduisait principalement par
des raids des émirs de Tarse auxquels ripostaient les généraux byzantins qui
pénétrèrent jusqu’en Mésopotamie et humilièrent à plusieurs reprises les
Tarsiotes. Ces opérations ne changeaient pas fondamentalement l’équilibre
des forces. Toutefois, plusieurs thèmes ou cleisouries furent formés à la
frontière orientale : le thème de Mésopotamie, les cleisouries de Sébastée et
de Lykandos. Cette dernière extension était l’œuvre de l’Arménien Mélias,
car l’Empire attirait à son service des Arméniens toujours plus nombreux.
Mélias, un aventurier entouré d’une bande de combattants, se tailla un ter-
ritoire dans le Lykandos, région désertée de la frontière qui, développée par
Mélias, devint un thème dont il fut le premier stratège. À intervalles régu-
liers, les prisonniers étaient échangés sur la frontière cilicienne et, au cours
du Xe siècle, le succès progressif des Byzantins se mesura au déséquilibre
croissant du nombre de captifs aux mains des Byzantins que les émirs
arabes mirent un point d’honneur à racheter un bon prix.
Le comportement des généraux d’Orient causa de plus graves soucis à
l’empereur, car leurs victoires plus fréquentes leur donnaient un ascendant
grandissant sur les populations anatoliennes qu’ils protégeaient mieux. L’un
d’eux, Andronic Doucas, qui avait remporté de nombreux succès sur les
Arabes – victime de sa rivalité avec Samônas, un eunuque de cour, ou bien
28 La formation et le développement de l’Empire médiéval

aspirant réellement à l’Empire avec la complicité du patriarche Nicolas –,


fit défection à Tarse puis à Bagdad en 906. Il fut, après négociations, par-
donné, parce que Léon VI ne pouvait se priver d’un général aussi efficace
et risquer de l’affronter sur un terrain qu’il connaissait trop bien.
Sur mer, les Arabes se montrèrent plus agressifs, car ils pouvaient
compter sur les flottes des émirs de Tarse et de Crète, qui pillaient réguliè-
rement les côtes de la mer Égée, et sur celles de Syrie commandées par de
redoutables amiraux, souvent des renégats, tels Léon de Tripoli ou Damien.
Léon VI ne resta pas inactif et la marine byzantine s’opposa régulièrement
aux Arabes sous le commandement d’un proche de l’empereur, Himérios.
Cependant cette flotte était insuffisante pour affronter les plus grandes esca-
dres arabes et l’amiral ne put empêcher l’attaque de Léon de Tripoli contre
Thessalonique, alors mal fortifiée du côté maritime, qui fut surprise et pillée
en 904, événement de grande portée psychologique, même si la balance
stratégique ne fut pas modifiée dans les Balkans. La destruction de la ville
fut évitée par le versement d’un tribut et une grande partie des prisonniers
furent rachetés, les autres étant vendus sur le marché crétois. Himérios prit
une belle revanche sur les Arabes en octobre 906. L’empereur comprit que
la prépondérance navale ne pourrait être retrouvée qu’après la neutralisa-
tion des arsenaux de Syrie et de Crète. Il fit préparer une énorme flotte et
des troupes d’élite, confiées à Himérios, mais l’amiral byzantin fut vaincu
par les forces combinées de Léon de Tripoli et de Damien en 911.

LA R E P R I S E D U C O N F L I T A V E C L E S B U L G A R E S

Le règne d’Alexandre, frère de Léon VI, fut bref, mais non sans consé-
quence. Il rétablit Nicolas Mystikos dans sa fonction de patriarche et refusa
de payer aux Bulgares leur tribut, ce qui poussa Syméon à se préparer à la
guerre. En juin 913, à la mort de l’empereur, Constantin étant encore trop
jeune pour régner, un conseil de régence, dirigé par le patriarche, fut mis
en place, dont Zôè, la mère de l’empereur, était écartée. Le relatif vide du
pouvoir excita les ambitions, notamment celles du domestique des scholes,
Constantin Doucas, qui fut tué en cherchant à s’emparer du Palais, en juil-
let 913. En août de la même année, Syméon se présenta à la tête de ses
troupes devant Constantinople. Les négociations entre Syméon et le
patriarche aboutirent à la reconnaissance du titre impérial pour Syméon,
mais sous la forme de « basileus des Bulgares » et aux fiançailles de sa fille à
Constantin VII. Ces concessions parurent excessives à la cour et Nicolas
L’expansion byzantine durant la dynastie macédonienne (867-1057) 29

dut céder le pouvoir à Zôè, qui fit le pari d’une politique militaire active.
Sur le front oriental, en 915, elle réussit à rétablir Asot II sur son trône
d’Arménie, après une victoire sur les Arabes, au cours de laquelle se distin-
gua Mélias. Mais en 917, les troupes d’Orient, commandées par le domes-
tique des scholes, Léon Phocas, manquèrent une opération combinée sur le
Danube avec le drongaire de la flotte, Romain Lécapène, et subirent une
défaite désastreuse à Anchialos.
La compétition pour remplacer Zôè était dès lors ouverte. Léon Phocas,
appuyé par les troupes d’Orient, semblait le mieux placé, en dépit de son
échec, mais Romain Lécapène le devança, pénétrant, grâce aux marins,
dans le Palais. En mai 919, il donna en mariage sa fille Hélène à Constan-
tin VII et en décembre 920 fut couronné empereur. Léon Phocas se
rebella, mais fut vaincu et aveuglé. Lécapène conserva au patriarcat Nicolas
qui, en juillet 920, réunit un concile et rétablit l’unité de l’Église, mise à
mal par la querelle de la Tétragamie et par la rivalité entre ses partisans et
ceux d’Euthyme. L’empereur, toujours méfiant à l’égard d’un patriarche
trop influent, fit nommer à ce poste, en 933, son propre fils, Théophylacte.
Syméon, lésé par le mariage de Constantin VII avec Hélène Lécapène,
qui lui interdisait l’espoir de gouverner l’Empire des Romains pour le
compte de son gendre, vint assiéger Constantinople et eut une entrevue,
en 924, avec Romain Lécapène, qui renouvela la promesse de la reconnais-
sance du titre impérial et d’un tribut annuel [Shepard, 1124]. En mai 927,
la mort de Syméon, qui avait tenté avec succès de réduire les Serbes
– à l’instigation de Byzance, ils étaient intervenus contre lui à plusieurs
reprises –, puis vainement les Croates, laissait la Bulgarie épuisée. Cepen-
dant Pierre, fils de Syméon, au prix d’une marche d’intimidation, obtint de
Lécapène, peu soucieux d’entreprendre une nouvelle guerre incertaine dans
les Balkans, la reconnaissance du titre impérial, le renouvellement du tribut
et la main de Marie, petite-fille de l’empereur byzantin. La paix allait
régner avec Byzance jusqu’en 965.

LE S S U C C È S F A C E A U X M U S U L M A N S

Lécapène et son général favori, Jean Kourkouas, qui resta domestique


des scholes durant vingt-deux ans jusqu’en 944, reprirent l’initiative en
Orient, car les conditions devenaient favorables. L’affaiblissement du califat
‘abbâside s’accentuait, conséquence de l’autonomie croissante des grandes
provinces qui l’avaient composé. Ni le calife ni l’émir des émirs, chef des
30 La formation et le développement de l’Empire médiéval

armées, qui détint plus tard le véritable pouvoir à Bagdad, n’étaient en


mesure de coordonner la lutte contre les chrétiens, laissée à l’initiative des
émirs frontaliers. L’obstination du domestique conduisit à la prise définitive
de Mélitène en 934, non sans avoir ravagé les campagnes environnantes
pour affamer la population. Ce succès impressionna les guerriers de l’Islam
et ceux de Tarse cessèrent plusieurs années leurs incursions en Anatolie.
Les musulmans conçurent sans doute quelque espoir, lorsqu’un émir actif
s’installa à Alep, Sayf al-Dawla. Ce dernier, après un raid vers Bitlis et
l’Arménie, intimida assez les princes arméniens pour obtenir d’eux qu’ils
continuent de reconnaître l’autorité du pouvoir califal, dont l’émir s’estimait
le représentant. Mais Sayf al-Dawla ne put s’engager immédiatement dans
une guerre totale avec les Byzantins, car il devait faire accepter ses conquê-
tes par les pouvoirs musulmans rivaux, dont l’émir d’Égypte.
L’avancée des Byzantins en Orient fut un temps compromise par une
nouvelle attaque russe sur Constantinople en 941, conduite par Igor et
Oleg [Zuckerman, 141]. À deux reprises la flotte russe fut vaincue, mais de
nombreux guerriers débarquèrent en Bithynie et ne furent repoussés que
par l’armée de Kourkouas revenue d’Orient. En 944 Igor renouvela les
accords commerciaux que les Byzantins avaient déjà conclus en 911 avec
Oleg, peut-être en raison de la rupture entre les Khazars et les Russes, qui
privait ces derniers de la route de la Caspienne les menant vers le califat.
Kourkouas reprit l’offensive, particulièrement vers la Mésopotamie, pil-
lant Amida, Nisibe et ravageant les alentours d’Édesse. En 944, les habi-
tants de cette ville négocièrent le départ du domestique contre la remise du
mandylion. Ce précieux tissu, attesté depuis le VIe siècle, portait une effigie
miraculeuse – acheiropoiète – du Christ (cf. chap. XI, p. 267).
Romain Lécapène se soucia de maintenir les effectifs de son armée,
alors qu’une partie des soldats étaient encore recrutés parmi les petits et
moyens propriétaires. Le terrible hiver de 927/928 avait provoqué une
famine généralisée et la disparition de nombre de ces possédants, forcés de
vendre. De plus, en s’attaquant à la voracité des grands propriétaires fon-
ciers, l’empereur visait une partie de ses adversaires politiques. Romain, par
deux novelles en 928 et 934, annulait ces ventes et les restreignait à
l’avenir. À la fin de sa vie, le souverain remit les dettes des Constantinopoli-
tains à l’égard du Trésor public.
Signalons qu’en Italie, les possessions byzantines étaient toujours mena-
cées par les agissements des princes lombards, mais une alliance avec le roi
franc d’Italie, Hughes de Provence, et l’envoi de deux modestes armées
en 934 et 935 suffirent à décourager Aténolf II, prince de Bénévent,
d’annexer la Langobardie.
L’expansion byzantine durant la dynastie macédonienne (867-1057) 31

LA R E P R I S E E N M A I N P A R C O N S T A N T I N V I I

En décembre 944, Constantin VII réussit à se débarrasser de Romain


Lécapène, avec le concours de ses propres fils, impatients de régner et
inquiets de l’attitude de leur père, qui semblait se repentir d’avoir écarté
l’héritier légitime. Le mois suivant, Constantin, avec l’assentiment
d’Hélène son épouse, envoya ses beaux-frères rejoindre leur père en exil.
Enfin maître de l’Empire, il choisit de s’appuyer sur les Phocas, anciens
rivaux des Lécapènes, et nomma domestique des scholes Bardas, dont les
trois fils obtinrent de commander les thèmes frontaliers d’Orient : les Ana-
toliques, la Cappadoce et Séleucie. Constantin s’engagea également dans
une intense activité diplomatique, comme en témoigne la liste des ambas-
sades reçues lors des premières années du règne et conservées dans le De
cerimoniis. En 946, la princesse russe Olga vint à Constantinople solliciter
l’appui impérial pour le compte de son jeune fils, Svyatoslav. C’est au
cours de ce voyage qu’elle se serait convertie, à titre personnel, au chris-
tianisme, mais les élites russes restèrent païennes, quoiqu’une communauté
chrétienne fût attestée à Kiev [Zuckerman, 166]. Constantin s’efforça aussi
d’attirer dans l’orbite byzantine les Hongrois, dont plusieurs raids avaient
été repoussés. En 948, deux de leurs chefs fussent baptisés à Constanti-
nople, mais les Hongrois passèrent finalement sous l’influence de Rome
(cf. chap. XVII, p. 454).
La lutte contre les Arabes fut la priorité du règne. Dans l’espoir de
reconquérir la Crète, Constantin organisa, en 949, une nouvelle expédi-
tion ; mais, mal commandée par son fidèle eunuque, Constantin Gongylios,
et insuffisamment nombreuse, ce fut un échec complet. En revanche, à la
frontière orientale, la forteresse de Qâlîqalâ/Théodosioupolis, une des clés
de l’Arménie, tombait enfin. Bardas Phocas, chef de l’armée d’Orient, se
heurta à l’émir d’Alep, le Hamdanide Sayf al-Dawla en qui il trouva un
redoutable adversaire [Canard, 144]. L’émirat d’Alep, même uni à celui de
Tarse, disposait de ressources limitées en hommes et en argent, mais Sayf
al-Dawla sut, par une habile propagande, se présenter comme le seul chef
musulman à remplir le devoir de djihad face aux Byzantins. Il obtint ainsi le
renfort de nombreux volontaires de la guerre sainte qui venaient de tout le
Proche-Orient. Il commanda de grosses armées et fut, par ce moyen,
capable de réparer ses échecs. L’émir et les Phocas menèrent une guerre de
mouvement autour des passes du Taurus. Bardas, moins habile manœu-
vrier que l’émir, subit plusieurs échecs et l’un de ses fils, Constantin, finit sa
32 La formation et le développement de l’Empire médiéval

vie en captivité à Alep. Mais, en 950, Léon Phocas infligea une terrible
défaite à l’émir. En 955, Constantin VII finit par écarter Bardas au profit
de son fils aîné Nicéphore, meilleur stratège. Ce changement produisit ses
effets et dans les dernières années du règne, les armées byzantines prenaient
l’ascendant sur les troupes de l’émir d’Alep. En 958, un jeune général, Jean
Tzimiskès, de la famille des Kourkouas, secondé par Basile Lécapène le
parakoimomène, attaquait en Mésopotamie, détruisait l’armée de Sayf
al.Dawla et s’emparait de Samosate sur l’Euphrate avant de vaincre à nou-
veau le Hamdanide.
Cette même année, l’armée byzantine se montrait apte à écraser un
raid des Hongrois en Thrace. En Italie seulement, les Byzantins conti-
nuaient à enregistrer des échecs, sans graves conséquences, sinon pour les
autochtones toujours soumis aux raids des Siciliens, soutenus par les Fâtimi-
des d’Ifrîqiya.
Constantin VII mourut en novembre 959, laissant le pouvoir à son fils
Romain II, sur l’éducation duquel il avait veillé, en faisant rédiger pour lui
le seul manuel connu de diplomatie byzantine, le De administrando imperio.

LE TRIOMPHE EN ORIENT

Romain II laissa la famille Phocas diriger l’armée et la politique impé-


riale en Orient. Nicéphore Phocas se consacra à la reconquête de la Crète
et prépara une énorme expédition qui débarqua en 960 et vint assiéger les
Arabes à Chandax, sans que les Fâtimides du Maghreb et les Ikhshîdides
d’Égypte qui se méfiaient les uns des autres ne vinssent secourir les assiégés.
Sayf al-Dawla, profitant de l’absence de l’armée d’Orient, avait mené un
raid qui avait pillé Charsianon, mais Léon, frère de Nicéphore, le surprit à
son retour dans un défilé et anéantit son armée. L’émir hamdanide réussit
une fois de plus à s’échapper, mais sa puissance était définitivement ruinée.
En Crète, Nicéphore, après un long siège, s’empara de Chandax et l’île,
redevenue byzantine, fut érigée en thème [Tsougarakis, 1088]. La popula-
tion musulmane fut la cible de missions auxquelles participa notamment
saint Nikon le Métanoïte. Une partie du butin gagné par Nicéphore fut
donné à un moine proche du général, Athanase, qui en 962/963 fonda
Lavra sur le mont Athos, destiné à devenir le plus grand couvent cénobi-
tique de la Sainte-Montagne, où Nicéphore espérait finir ses jours. Léon et
son frère Nicéphore eurent le droit de célébrer un triomphe à Constanti-
nople, respectivement en 961 et 963. Dès 962, à deux reprises, au prin-
L’expansion byzantine durant la dynastie macédonienne (867-1057) 33

temps et à la fin de l’automne, Nicéphore conduisit une grande armée


contre l’émir de Tarse, repoussa Sayf al-Dawla et vint mettre le siège
devant Alep, dont seule la citadelle résista à l’assaut byzantin. Nicéphore se
retira sans être inquiété, emportant un butin sans précédent.
Romain II mourut au printemps 963, laissant une veuve, Théophanô,
et deux fils mineurs, les porphyrogénètes Basile et Constantin. La régence
fut de courte durée, car l’armée d’Orient proclama empereur Nicéphore
Phocas en juillet 963, à Césarée de Cappadoce. Seul le parakoimomène
Joseph Bringas, un fidèle de Constantin VII et de Romain II, tenta de
s’opposer à la marche de Nicéphore, en faisant vainement appel à l’armée
d’Occident commandée par Marianos Argyros. Nicéphore fut secondé par
Basile, un bâtard de Romain Lécapène, qui retrouva son poste de parakoi-
momène et, dès le 15 août, fit son entrée dans la capitale. Couronné empe-
reur, il épousait un mois plus tard Théophanô, promettant de sauvegarder
les droits des enfants de Romain.
Nicéphore Phocas nomma Jean Tzimiskès, son neveu, domestique des
scholes d’Orient, qui continua de mener la guerre en Cilicie. En 964
et 965, Nicéphore vint lui-même assiéger Mopsueste, une des clés de la pro-
vince, hivernant en Cappadoce. Les Tarsiotes capitulèrent au prin-
temps 965 et la Cilicie devint un thème. Après deux siècles de stabilité, la
frontière du Taurus était enfoncée au profit des Byzantins. La même année,
Nicéphore avait remis Chypre sous l’unique autorité de l’Empire. Il avait
envoyé un neveu contre les Arabes de Sicile, mais l’expédition, mal com-
mandée, fut battue par les Arabes et son chef tué. Nicéphore revint en
Syrie et en Mésopotamie à deux reprises, alors que l’émirat d’Alep perdait
son chef, Sayf al-Dawla, mort au début de 967. Nicéphore approcha
d’Antioche qu’il assiégea brièvement en 968. Il annexa également le Tarôn,
dont le prince venait de mourir. En 969, les forces laissées par l’empereur à
proximité d’Antioche, commandées par un eunuque de confiance, Pierre, et
par le stratège Michel Bourtzès, s’emparèrent de la place le 28 octobre 969,
redonnant à l’Empire un second siège patriarcal et ouvrant la possibilité de
reconquérir toute la Syrie et peut-être Jérusalem. Pour repeupler la Cilicie,
dont la majorité des habitants étaient morts, captifs ou en fuite, Nicéphore
fit appel avec succès aux communautés chrétiennes du monde musulman,
monophysites, leur permettant de fonder des évêchés et des couvents
[Dagron, 478 ; Dédéyan, 1008].
En Occident, Nicéphore refusa le tribut que l’Empire versait aux Bul-
gares et s’empara de quelques forteresses à leur frontière. Il décida de faire
appel au prince russe Svyatoslav pour attaquer les Bulgares à leur frontière
nord, évitant de disperser des troupes sur un front jugé secondaire. Svyato-
slav fit un premier raid qui persuada le tsar Pierre de faire la paix avec
Nicéphore. Puis le prince russe, revenu à Kiev pour repousser une attaque
34 La formation et le développement de l’Empire médiéval

des Petchénègues, ses adversaires traditionnels de la steppe, retourna en


Bulgarie où, entre-temps, Pierre était décédé au début de 969, et, aisément
vainqueur de son successeur Boris II, il prit Preslav et toute la Bulgarie
orientale, acquérant une puissance supérieure à celle du royaume qu’il
venait de détruire et songeant à garder sa nouvelle acquisition. En Italie,
Otton Ier, qui avait relevé l’Empire en Occident, avait établi sa domination
sur la péninsule, y compris sur les Lombards de Capoue et de Bénévent et
réclamait une princesse byzantine pour son fils Otton II. Pour appuyer sa
demande, il mena un raid contre les possessions byzantines, qui échoua,
puis envoya un ambassadeur, Liutprand de Crémone, qui essuya un refus
de la part de Nicéphore.
Cette série de triomphes presque ininterrompus avait son prix. Nicé-
phore durcit la fiscalité, augmentant l’impôt dispensant du service pour
payer une armée sans doute plus nombreuse et constamment sur le pied de
guerre. À terme, les acquisitions territoriales en Orient, comptant de nom-
breuses villes commerçantes, et les tributs que versaient les émirs, tels ceux
d’Alep, offraient à l’Empire des ressources fiscales supplémentaires et abon-
dantes, mais, avant de toucher les dividendes de la victoire, les Byzantins
furent lourdement taxés. Une novelle de Nicéphore, en 964, qui interdisait
aux monastères et institutions charitables d’acquérir de nouveaux biens fon-
ciers, pour des raisons de bonne gestion économique, irrita l’Église. Sans
doute le souverain restait-il fort populaire dans sa Cappadoce d’origine,
mais, à Constantinople, il comptait de nombreux ennemis. L’Église refusa
sa demande de considérer les soldats morts au combat contre les infidèles
comme des martyrs. Ensuite, il s’aliéna la population de la capitale lorsque,
au cours d’une disette, son frère spécula sur le prix du blé. Même dans
l’armée, des généraux limogés et exilés par l’empereur, comme Tzimiskès,
ou se jugeant mal récompensés, comme Michel Bourtzès, étaient prêts à le
renverser. L’impératrice Théophanô, peut-être lassée de l’austérité et de la
haute piété de Nicéphore, s’inquiétait d’une mise à l’écart de ses fils au pro-
fit des enfants du curopalate Léon Phocas.
Un complot palatin dirigé par Tzimiskès, avec la complicité de Théo-
phanô, aboutit à l’assassinat de Nicéphore dans la nuit du 10 décem-
bre 969. Le nouvel empereur fut contraint par le patriarche Polyeucte de
chasser du Palais Théophanô, soupçonnée d’être sa maîtresse. Il purgea
l’armée des partisans des Phocas, mais dut faire face à plusieurs rébellions
menées par les Phocas, dont celle de Léon, frère du défunt, et de Bardas,
un neveu doué de grandes qualités stratégiques. Tzimiskès avait hérité
d’une situation difficile dans les Balkans où une armée russe s’avança à
proximité de Constantinople, avant d’être arrêtée par des troupes rassem-
blées en hâte et commandées par le beau-frère de Tzimiskès, Bardas Sklè-
ros. Il fallut deux ans à l’empereur pour venir à bout de Svyatoslav, puis le
L’expansion byzantine durant la dynastie macédonienne (867-1057) 35

contraindre à quitter la Bulgarie, après de durs combats autour de Preslav


et de Dristra [Hanak, 1121]. La conclusion d’un traité qui renouvelait les
avantages commerciaux accordés aux Russes suggère que la victoire byzan-
tine n’était pas aussi écrasante que le laissait croire l’intense propagande
impériale, soucieuse de légitimer l’usurpation de Tzimiskès. Le souverain
célébra un triomphe à Constantinople, où défilèrent, derrière l’icône de la
Vierge, l’empereur, accompagné de Boris, l’ancien souverain de Bulgarie,
désormais simple dignitaire byzantin.
En Occident, le souverain se montra moins intransigeant que son pré-
décesseur et, au printemps 972, il accorda la main d’une princesse byzan-
tine, sa nièce Théophanô, qui n’était pas porphyrogénète, à Otton II, qui
s’en satisfit, ce qui assurait la sécurité de l’Italie byzantine et fit pénétrer en
Germanie l’influence byzantine, particulièrement sensible dans le domaine
des arts. Théophanô, devenue veuve, gouverna au nom de son fils mineur
Otton III.
Tzimiskès reprit l’offensive en Orient et, après que son domestique des
scholes, l’Arménien Mélias, eut été vaincu par l’émir de Mossoul,
l’empereur fit deux ans de suite une démonstration de force, obligeant
l’émir en 974 à verser un tribut annuel, puis menant l’année suivante une
forte armée qui s’avança profondément en Syrie, obtint un tribut de
Damas, mais fit ensuite demi-tour sans avoir atteint Jérusalem. Les lignes
de communication de l’armée étaient, en effet, démesurément étendues
alors que l’Égypte était redevenue un adversaire redoutable depuis que les
Fâtimides s’y étaient établis. Une lettre de Tzimiskès envoyée à Asot III
d’Ani, même si elle n’est pas authentique, reflète la mentalité des popula-
tions et des troupes anatoliennes. L’empereur se présentait comme le chef
de l’ensemble des chrétiens, même non chalcédoniens, pour les rassembler
dans le combat contre les musulmans. Chez ces derniers, les milieux pié-
tistes se désolaient de leur manque d’unité et de la perte de tout esprit de
djihâd. Tzimiskès n’eut pas le temps de réaliser ses projets, qui comprenaient
peut-être une visite aux Lieux saints, car il mourut soudainement en jan-
vier 976. Basile Lécapène fut soupçonné de l’avoir empoisonné, car
l’empereur s’était emporté en découvrant les propriétés qu’il avait usurpées
dans les territoires reconquis, aux dépens de la couronne. Sa mort marque
la fin de l’avancée rapide des Byzantins en Orient, due sans doute à la
compétence de leurs généraux, mais facilitée par la désagrégation irrémé-
diable du califat ‘abbâside et l’impossibilité pour les émirs de la frontière à
forger un État doté de ressources comparables à celles de leurs adversaires
chrétiens.
36 La formation et le développement de l’Empire médiéval

B A S I LE I I , L ’ E X P A N S I O N E N O C C I D E N T
ET LA SAUVEGARDE DE L’ORIENT

À la mort de Jean Tzimiskès, Basile, qui pourtant avait l’âge de régner,


resta sous la tutelle du parakoimomène, son grand-oncle. Dès 976, Bardas
Sklèros, malheureux d’être maintenu dans un commandement frontalier
subalterne, se révolta avec l’aide de contingents arméniens, d’alliés arabes
et d’une partie des officiers supérieurs de l’armée d’Orient. Pour lutter
contre ce redoutable général, le parakoimomène fit appel à Bardas, neveu
de l’empereur Nicéphore Phocas, qui en trois ans de guerre civile, secondé
par des contingents géorgiens, finit par contraindre Sklèros et les siens à se
réfugier à la cour de Bagdad. La part de butin obtenue par le Géorgien
Tornikios lors du pillage du camp des rebelles permit de fonder l’un des
plus grands monastères athonites, Iviron. Un Phocas conduisait derechef les
armées byzantines en Orient, avec succès vers Alep, où le général imposa à
nouveau le tribut annuel dû à l’Empire [Cheynet, 461 ; Holmes, 151].
En 985, Basile II décida de se débarrasser du parakoimomène et confis-
qua brutalement son immense fortune. Il désirait imprimer sa marque per-
sonnelle en abandonnant le front oriental et en conduisant personnellement
une expédition contre les Bulgares qui, sous l’impulsion de Samuel, avaient
retrouvé leur indépendance. La défaite désastreuse de l’empereur, au retour
du siège infructueux de Sardique en août 986, justifia des critiques dans
l’armée. Bardas Phocas, qui avait été démis de sa fonction de domestique
des scholes, réunit à Césarée de Cappadoce les officiers de l’armée d’Orient
et se fit proclamer empereur le 15 août 987. Basile II perdit en peu de
temps toute l’Asie Mineure, mais conservait le Trésor. Cherchant des alliés,
il se tourna vers le prince russe Vladimir, geste audacieux, tant les Russes
inspiraient de crainte aux Constantinopolitains. Vladimir accepta d’envoyer
un fort contingent, mais demanda en échange la main de Anne, sœur de
Basile, une princesse porphyrogénète. Basile, qui n’était pas en mesure de
refuser, exigea en retour le baptême de Vladimir, qui accepta, car un tel
mariage lui assurait la prééminence sur tous les princes de la steppe. Le
prince de Kiev s’empara de Cherson, peut-être alors ralliée aux rebelles et
y enleva des reliques de saint Clément. Vladimir et sa druzina (garde person-
nelle) furent baptisés à Kiev, sans doute en 988 [Poppe, 1117]. Avec le
contingent russe, Basile II l’emporta à Abydos en avril 989. Bardas Sklèros,
qui avait été libéré par le calife, mais écarté par Phocas, continua avec des
partisans de ce dernier la résistance pendant quelques mois, avant de se
rendre en octobre 989.
L’expansion byzantine durant la dynastie macédonienne (867-1057) 37

Basile épargna Sklèros et les siens, mais châtia les Phocas, leurs plus
proches parents et leurs alliés géorgiens. L’empereur durcit, en 996, la légis-
lation visant à protéger les droits des petits propriétaires et créa l’allélengyon,
procédure rendant les puissants responsables du paiement des impôts fon-
ciers que les faibles ne pourraient acquitter, mesure qui fut ressentie comme
une sanction. Sous son influence, quelques mois plus tard, le patriarche
Sisinnios durcit les interdictions de mariage en raison des liens de parenté,
offrant au souverain un moyen de surveiller la formation des factions aristo-
cratiques [Laiou, 732, p. 25].
L’empereur, soucieux d’effacer le souvenir de l’échec de 986 et inquiet
des progrès des Bulgares durant le temps des guerres civiles, ouvrit les hosti-
lités avec Samuel de Bulgarie. Cette guerre ne visait sans doute pas à
annexer tout entière la Bulgarie, mais à rétablir le prestige impérial dans les
Balkans. La chronologie des opérations, entre 990 et 1018, reste incertaine.
Samuel se montra un adversaire valeureux, capable de raids audacieux
contre la Grèce ou Andrinople. À la longue toutefois, les ressources plus
considérables de l’Empire allaient permettre à Basile II de reprendre rapi-
dement les provinces orientales de la Bulgarie, puis de mieux contrôler le
Danube et de frapper par des campagnes répétées le cœur de l’État de
Samuel, autour d’Ochrida en Macédoine. Finalement en 1014, à la bataille
du Kleidion, Basile II captura une partie de l’armée de Samuel, qui mourut
peu après. Il fallut encore près de quatre ans de combats, souvent incer-
tains, pour réduire les Bulgares. En 1018, le souverain l’emportait autant
par la distribution de dignités et de postes aux cadres militaires bulgares
que par la force des armes. La famille royale bulgare fit sa reddition et fut
traitée avec les plus grands honneurs. Le souverain fit un voyage triomphal
dans les Balkans, célébrant sa victoire à Athènes avant de retourner à Cons-
tantinople. La frontière byzantine était de nouveau portée sur le Danube et
les princes slaves voisins de l’Empire firent prudemment allégeance à
l’empereur.
En Orient, Basile II sauva à deux reprises, en 995 et 999, Antioche et
ses alliés d’Alep, attaqués par des armées fâtimides [Farag, 149 ; Micheau,
1052]. Il finit par conclure une trêve de dix ans avec le calife fâtimide du
Caire, al-Hakîm. Il chercha, mais en vain, à consolider l’emprise byzantine
en Syrie en s’emparant de Tripoli. Il profita de son second séjour en Orient
pour régler ses comptes avec les Géorgiens et les obliger, en l’an 1001, à lui
rendre les territoires que le prince David du Tao, ancien allié de Phocas, lui
avait légués, plus au moins sous la contrainte. Une fois libéré de tout souci
avec les Bulgares, Basile II se tourna à nouveau vers l’Orient. Le roi du
Vaspurakan, l’Arménien Sénachérim Artzruni, lui donnait son royaume
qu’il se sentait incapable de défendre contre de nouveaux agresseurs aux
méthodes de combat inédites et terrifiantes, sans doute les premières bandes
38 La formation et le développement de l’Empire médiéval

turques pénétrant en Orient. En 1021, Basile vint prendre possession de ces


terres bordant le lac de Van, qu’il organisa en un nouveau catépanat. Il
hiverna à Trébizonde où le catholicos arménien, Pierre, vint lui porter la
promesse de Smbat, roi d’Ani, de lui livrer son royaume après sa mort.
Seul, le roi géorgien, Georges, osa l’affronter, car il s’était allié aux Fâti-
mides et comptait aussi sur le mécontentement d’une partie de l’aristocratie
micrasiatique, qui se traduisit par l’ultime révolte autour d’un Phocas
en 1022, vouée à un échec rapide. Basile mena contre Georges une cam-
pagne très dure pendant laquelle le contingent russe se distingua et contrai-
gnit l’adversaire à se soumettre. La prépondérance byzantine était assurée
en Arménie, sans trop de difficulté [Cheynet, 999 ; Holmes, 152].
Basile II ne négligea pas l’Italie où les catépans, nommés pour
une longue durée, consolidèrent l’œuvre des empereurs précédents
(cf. chap. XVIII, p. 488). Ils surent contenir le mécontentement des nota-
bles lombards conduits par l’un d’entre eux, Mel (Mélès pour les Grecs)
qui, en 1009 puis en 1017, se révolta ouvertement. Lors de sa seconde ten-
tative, Mel avait enrôlé un contingent de Normands, dont ce fut la pre-
mière intervention dans les affaires byzantines. L’empereur germanique
Henri II, considérant que l’Italie relevait de l’Empire d’Occident, fit cam-
pagne contre les possessions byzantines de la péninsule, mais ne put empor-
ter les places fortes. Seuls les Arabes de Sicile menaient encore des raids.
Basile II, à la fin de son règne, songeant à reconquérir l’île, avait en 1025
envoyé en avant-garde un fort contingent, mais la mort du souverain, en
décembre 1025, fit renoncer à ce projet, quand les troupes du koitonitès
Oreste eurent été battues par les musulmans [Felix, 150].
Le grand empereur acquit aux yeux même de ses contemporains une
réputation considérable qui le plaça au rang des souverains de référence,
Justinien et Héraclius. À la fin du XIIe siècle, lorsque les frontières de
l’Empire s’écroulèrent, les Byzantins se rappelaient avec nostalgie les vic-
toires de celui qu’ils appelaient désormais le Bulgaroctone.
La rigueur du personnage face à ses adversaires et ses succès extérieurs
ont longtemps séduit les historiens modernes. Gustave Schlumberger [160]
le considérait comme le troisième des empereurs militaires qui avaient
conduit « l’épopée byzantine ». Michael Angold et d’autres avec lui sont
revenus à une vue plus mesurée. Sans nier les réussites de Basile, il faut
considérer que le legs politique fut difficile à assumer lorsque les frontières
eurent été assaillies en tout point. L’effort militaire avait été porté à son
comble et les finances publiques ne pouvaient être davantage sollicitées.
L’absorption des États tampons des Balkans et du Caucase, largement
amorcée sous son règne et poursuivie sous ses successeurs, a peut-être faci-
lité les invasions de la seconde moitié du XIe siècle.
L’expansion byzantine durant la dynastie macédonienne (867-1057) 39

LES SUCCESSEURS DE BASILE

À la mort de Basile, resté célibataire toute sa vie, le pouvoir passa à son


frère Constantin VIII, pourvu seulement de filles que leur oncle ne s’était
pas soucié de marier. Zôè avait certes été fiancée à Otton III, mais le pré-
tendant était mort alors qu’elle débarquait à Bari en 1002. En
novembre 1028, Constantin, à la veille de sa mort, lui donna pour époux
un cousin éloigné, Romain Argyros, mais il devint évident que ce mariage
ne produirait pas d’enfant et que la dynastie macédonienne était destinée à
s’éteindre à la mort des princesses porphyrogénètes, Théodora et Zôè. Leur
légitimité était incontestable et reconnue avec enthousiasme par la popula-
tion, notamment constantinopolitaine. Pour obtenir le pouvoir suprême, il
fallait se lier aux princesses par le mariage ou par l’adoption, ou bien tenter
sa chance par un coup de force. Ainsi s’explique, après un demi-siècle
d’accalmie, la multiplication des complots et coups d’État.
Romain III, tenté par la gloire militaire, à l’exemple des Phocas, décida
d’annexer l’émirat d’Alep alors gouverné par les Mirdâsides, eux-mêmes
pressés par les Fâtimides. L’expédition menée durant l’été 1030 souligna
l’inexpérience militaire de Romain, les Mirdâsides ayant bousculé son
armée aventurée vers Alep. Cette défaite fut rapidement réparée par les
ducs de la frontière et, dès 1031, les Mirdâsides payaient à nouveau tribut à
l’Empire. Georges Maniakès, stratège de Télouch, réussit à s’emparer
d’Édesse et à tenir la ville contre l’émir marwânide d’Amida [Felix, 150].
L’expansion de l’Empire se poursuivait d’elle-même, quelles que fussent les
capacités personnelles des empereurs, en raison de la faiblesse des ennemis.
À la mort de Romain III, en 1034, Zôè se remaria avec son amant le
Paphlagonien Michel IV, frère de Jean l’Orphanotrophe, l’un des fonction-
naires favoris de Basile II.
Georges Maniakès fut choisi pour accomplir le dernier projet de
Basile II, la reprise de la Sicile. Il s’empara de Syracuse au début de 1040,
grand succès qui semblait préluder à la reconquête de l’île. Mais son
contingent lombard se rebella et vint soutenir à Bari une révolte conduite
par Argyros, fils de Mel. Maniakès fut rappelé par Michel IV, par crainte
des ambitions du général. Or, cette même année, les Bulgares se soule-
vèrent, en partie pour des raisons fiscales, et rallièrent d’abord Pierre Del-
jean, qui prétendait descendre de la famille royale bulgare, puis Alousianos,
l’un de ses membres authentiques. Au début de 1041, Michel IV réussit à
mettre fin rapidement au mouvement, en jouant sur les divisions des
40 La formation et le développement de l’Empire médiéval

rebelles et le ralliement d’Alousianos. L’empereur, épileptique, mourut


jeune en décembre 1041 et le pouvoir passa à son neveu, Michel V, aupa-
ravant adopté par Zôè.
Ce dernier, désireux de diriger personnellement l’Empire, écarta
d’abord son oncle, Jean l’Orphanotrophe, que sa rigueur fiscale et son enri-
chissement personnel avaient rendu impopulaire. Puis, à Pâques 1042,
Michel crut possible de reléguer sa mère adoptive dans un couvent proche
de la capitale. La population de Constantinople réagit avec une vigueur
imprévue, sortit de sa retraite Théodora, la dernière porphyrogénète, et
chassa du pouvoir Michel, qui fut aveuglé (cf. chap. XI, p. 260-261).
Après trois mois de règne conjoint de Théodora et de Zôè, cette der-
nière se remaria avec Constantin IX Monomaque en juillet 1042. Michel V
avait libéré Maniakès et l’avait renvoyé en Sicile. Or Constantin IX avait
pour maîtresse Marie Sklèraina, dont le frère, Romain Sklèros, appelé aux
plus hautes fonctions de l’État, était un ennemi juré de Maniakès ; ce der-
nier se révolta alors en septembre 1042, puis, au printemps suivant, passa
avec son armée dans les Balkans, mais il périt lors d’un combat avec les
impériaux, alors qu’il avait déjà enfoncé les lignes ennemies. La même
année, une flotte russe envoyée par Iaroslav de Kiev attaqua la capitale et
fut difficilement vaincue par l’escadre constantinopolitaine. Certains histo-
riens ont rapproché les deux événements qui ne leur paraissaient pas une
simple coïncidence, mais il n’y a aucune preuve de collusion.
Le long règne de Monomaque est marqué par l’invasion des Balkans
par les nomades petchénègues qui ne se contentaient plus de simples raids
et par l’absorption de l’Arménie qui mit les Byzantins en contact direct
avec de nouveaux venus, les Turcs saldjûkides. L’empereur privilégia tou-
jours les solutions pacifiques. Lorsque durant l’hiver 1046/1047, une masse
de Petchénègues franchit le Danube, les ennemis furent repoussés par
l’armée d’Occident et par une bande de congénères, passée plus tôt au ser-
vice de l’Empire et commandée par Kégénès qui, une fois baptisé, avait
reçu des titres et des terres. L’empereur, sans doute encouragé par le com-
portement loyal de ce dernier et inquiet du faible peuplement des Balkans,
décida d’établir les Petchénègues vaincus sur des terres publiques et d’en
enrôler une partie dans l’armée. Cette décision, conforme à la pratique tra-
ditionnelle, suscita l’opposition de l’armée d’Occident qui se révolta, puis
accepta l’amnistie impériale au printemps 1047. Quelques mois plus tard
cependant, Léon Tornikios, issu d’une grande famille d’Andrinople, souleva
à nouveau les régiments d’Occident et faillit emporter Constantinople vide
de défenseurs, avant d’être capturé et aveuglé en décembre 1047
[Lefort, 822].
En 1041 le roi d’Ani, Smbat, mourut, mais les troubles internes à l’Em-
pire ne permirent pas de faire valoir immédiatement les clauses du testa-
L’expansion byzantine durant la dynastie macédonienne (867-1057) 41

ment. C’est en 1045 seulement que Constantin IX en demanda l’exécution


et envoya une armée s’emparer de la ville, tandis que le nouveau souverain
Gagik II, attiré par ruse à Constantinople, y reçut des titres et des revenus
fonciers compensatoires. En 1048, une importante bande turque com-
mandée par Ibrahim Inal, demi-frère du sultan saldjûkide Tughril Beg, vint
piller l’Arménie, affaiblie par l’absence des armées d’Orient rappelées pour
lutter contre Tornikios. Finalement en septembre 1048, les troupes des
catépanats frontaliers, renforcées d’un fort contingent géorgien, rencontrè-
rent à Kaputru les Turcs qui se retirèrent après une bataille indécise.
En 1054, le sultan, devenu maître de l’Azerbaïdjan, vint tester les défenses
byzantines et assiéger Mantzikert qui, bien défendue par le duc du Vaspou-
rakan, l’Arménien Basile Apokapès, résista victorieusement.
Contre les Turcs, l’empereur avait mobilisé les Petchénègues, qui refu-
sèrent de s’éloigner de leurs bases et se révoltèrent. La réaction fut éner-
gique : Constantin IX envoya contre eux plusieurs armées, qui furent
d’abord vaincues, puis réussirent à les surprendre et finalement à res-
treindre leurs incursions, ce qui les convainquit de signer une paix durable
à la fin du règne. Cette obstination de Monomaque qui, plusieurs fois,
reconstitua les armées décimées par les Petchénègues, dément les accusa-
tions des contemporains, parfois reprises par les savants modernes, d’une
négligence par cet empereur des affaires militaires et prouve que les res-
sources fiscales de l’Empire financent encore un important effort de guerre
sur plusieurs années [Malamut, 1119].
En Italie, les Normands consolidaient leurs positions, attaquaient les kas-
tra byzantins et vainquirent plusieurs catépans en dépit des renforts
envoyés. Constantin IX comptait sur le soutien du pape Léon IX, car les
Normands pillaient indistinctement les biens d’Église, et il résolut de faire
appel au notable lombard le plus influent, Argyros qui était devenu le fidèle
serviteur de l’Empire et avait été nommé duc d’Italie lorsqu’il avait com-
battu Maniakès révolté. Les Normands défirent les troupes pontificales puis
celles d’Argyros en 1053. Peu après, la papauté se tourna vers les Nor-
mands qu’elle investit en 1059 des territoires d’Italie du Sud. Pour raffermir
l’alliance et discuter de certaines mesures prises par le patriarche Michel
Cérulaire contre les églises latines de Constantinople et de sa prétention à
diriger les Églises orientales, Léon IX envoya une délégation conduite par
le cardinal Humbert. Les négociations avancèrent favorablement avec
l’empereur, influencé par Argyros, mais les légats mis en confiance se mon-
trèrent intransigeants vis-à-vis du patriarche, qui jouissait d’un vaste soutien
populaire dans la capitale. Finalement, en juillet 1054, les légats déposèrent
une bulle d’excommunication sur l’autel de Sainte-Sophie. Constantin IX
ne put que laisser le synode et le patriarche riposter, en anathématisant les
légats [Kaplan, 182]. Ce schisme fut circonstanciel, d’autant que le pape
42 La formation et le développement de l’Empire médiéval

Léon IX était mort entre-temps. Au reste, les négociations reprirent avec


son successeur, Victor II, sur les mêmes bases. Cependant l’événement est
symptomatique de l’éloignement de la papauté, qui commence à prendre
ses distances vis-à-vis des pouvoirs politiques, en revendiquant la liberté de
l’Église, thème incompréhensible pour les Byzantins.
Le règne de Monomaque fut aussi marqué par des réformes. Il institua
une nouvelle maison pieuse, Saint-Georges-le-Tropaiophore, qu’il dota fort
richement, et y installa le nomophylax, fonction créée pour Jean Xiphilin, qui
avait pour charge la formation juridique des hauts fonctionnaires. Il élargit
la fiscalisation de la strateia aux territoires récemment conquis, notamment
en démobilisant l’armée d’Ibérie (cf. chap. VII, p. 170). À sa mort en jan-
vier 1055, il laissait un Empire intact, ayant agi plutôt vigoureusement face
aux différents défis extérieurs.
Théodora la Porphyrogénète, fort âgée, conserva seule le pouvoir pour
les dix-huit mois de vie qui lui restaient, en dépit de critiques sur le fait que
l’Empire avait besoin d’un souverain énergique. La mort de l’impératrice,
en août 1056, n’ouvrait pas de crise institutionnelle, puisque la dernière
représentante de la dynastie macédonienne avait transmis le pouvoir à
Michel Bringas dans les formes les plus légales. Le nouvel empereur cepen-
dant, bureaucrate de la capitale, âgé et mal conseillé, se montra maladroit à
l’égard d’une partie des généraux qui avaient conduit les troupes byzantines
sous Monomaque. Lorsque Théodora, puis Michel VI démirent quelques
généraux en faveur au temps de Monomaque et leur refusèrent des promo-
tions, plusieurs d’entre eux, Katakalon Kékauménos, Constantin Doucas se
joignirent à Isaac Comnène, qu’ils proclamèrent empereur en juin 1057.
Après une brève mais sanglante guerre civile, Isaac Comnène, soutenu dans
la capitale par un puissant parti conduit par le patriarche Michel Cérulaire,
pénétra sans combat à Constantinople et se fit couronner empereur le
1er septembre 1057. Les deux grandes familles, Comnène et Doucas, qui
allaient dominer le siècle et demi à venir, s’installaient aux commandes de
l’Empire.
C HA P I T R E I I I

Byzance entre les Turcs


et les croisés (1057-1204)
PAR JEAN-CLAUDE CHEYNET

LES TROUBLES INTERNES

Isaac Comnène, le nouvel empereur, conduisit une expédition victo-


rieuse contre les Petchénègues réfugiés au nord du Danube, mais perdit une
partie de ses troupes au retour lors d’une brutale inondation. Soucieux de
rétablir les finances publiques, il décida de revenir sur des donations anté-
rieures et de réduire les versements effectués au titre de la roga, notamment
aux monastères, et se heurta à l’hostilité des anciens bénéficiaires. Il mécon-
tenta une partie de l’armée lorsqu’il refusa, par réalisme, toute idée de
conquête. Sa position fut aussi compromise par sa rupture avec l’ambitieux
Cérulaire, qui lui aliéna une partie de l’opinion constantinopolitaine.
Malade, l’empereur démissionna, peut-être influencé par Michel Psellos, en
faveur de son ancien compagnon d’armes, Constantin Doucas, en 1059.
Ce choix se révéla plutôt décevant, car Constantin se montra incapable,
en dépit d’une politique fiscale rigoureuse, de faire face aux invasions tur-
ques, petchénègues et ouzes, qui pourtant menaçaient directement Cons-
tantinople. L’empereur mourut en 1067 avant que les effets de sa politique
n’aient provoqué de révoltes généralisées, laissant une veuve, Eudocie
Makrembolitissa, apparentée aux Cérulaires, et des enfants dont l’aîné,
Michel, qui avait l’âge de régner, fut cependant jugé inapte encore à gou-
verner. Eudocie devint donc régente, mais la situation extérieure s’ag-
gravant, le patriarche et le Sénat la relevèrent du serment qu’elle avait dû
consentir à son défunt époux de ne pas se remarier pour préserver les droits
dynastiques. Eudocie choisit un général de bonne réputation, quoique
d’une famille turbulente, Romain Diogène, qu’elle épousa en janvier 1068
et fit simultanément couronner coempereur, provoquant une sorte de coup
d’État aux dépens des Doucas.
44
L’Empire vers le milieu du XIIe siècle
Byzance entre les Turcs et les croisés (1057-1204) 45

Durant les trois ans et demi de règne de Romain, les ambitions des dif-
férentes factions aspirant au pouvoir se donnèrent libre cours. Les Diogènes
voulaient assurer la pérennité de leurs succès, d’autant plus qu’Eudocie
donna des fils à Romain. Anne Dalassène, belle-sœur d’Isaac Comnène,
visait à placer l’un de ses fils sur le trône qu’elle jugeait devoir revenir à un
Comnène, enfin les Doucas, conduits par le frère de Constantin X, le césar
Jean Doucas, craignaient d’être évincés si Romain Diogène par ses victoires
acquérait une trop grande popularité. Or Romain, qui conduisait lui-même
l’armée, était en train de restaurer en partie ses capacités combattantes, par
un meilleur entraînement et un recrutement renforcé. Cependant il ne rem-
porta pas de succès majeur et certains de ses généraux, tel Manuel Com-
nène, furent au contraire défaits. Lors de la bataille de Mantzikert, le fils du
césar Jean, Andronic, fit sans doute passer les intérêts de sa famille avant
ceux de l’Empire, lorsque, commandant l’arrière-garde de l’armée byzan-
tine, il laissa les Turcs encercler et capturer Diogène. Lorsque le sultan
libéra ce dernier avec une escorte turque, les Doucas saisirent ce prétexte
pour écarter Eudocie et placer sur le trône Michel VII Doucas, avec le sou-
tien actif du césar, en octobre 1071.
Romain Diogène ne se résigna pas et, s’appuyant sur sa forte popularité
en Orient, principalement en Cappadoce, il réunit des troupes, mais fut
battu à deux reprises et finalement se rendit, mais, contrairement aux pro-
messes reçues, il fut aveuglé dans des conditions qui conduisirent rapide-
ment à sa mort, le 4 août 1072. Les Doucas étaient victorieux, mais au prix
d’une terrible guerre civile qui les rendit impopulaires dans une partie de
l’Orient et qui introduisit les Turcs dans le jeu politique interne de l’Em-
pire. Le danger potentiel de cette stratégie n’avait pas été perçu puisque
c’est en Asie Mineure qu’Andronic Doucas se fit octroyer de grands domai-
nes, en récompense de sa victoire sur Diogène.
Michel VII au pouvoir ne put endiguer l’avance des ennemis. L’un de
ses ministres, l’eunuque Nicéphoritzès, longtemps décrié à la suite des chro-
niqueurs contemporains, prit des décisions énergiques [Lemerle, 631]. Il
tenta de rétablir des sources de financement, car les percepteurs ne pou-
vaient plus lever l’impôt dans une grande partie de l’Asie Mineure, en ins-
taurant un monopole du commerce du blé destiné à Constantinople. Il
s’efforça de reconstituer une unité d’élite autochtone en Asie Mineure pour
lutter contre les Turcs.
Ces efforts furent vains, car Michel VII fut contesté de toutes parts et
deux grandes révoltes militaires se déclarèrent en 1077. L’armée d’Occident,
encore largement intacte, se rallia à l’un de ses généraux, Nicéphore
Bryennios, issu des familles dirigeantes d’Andrinople, et ce qui restait des
régiments d’Orient se rangea en grande partie derrière un autre chef presti-
gieux, Nicéphore Botaneiatès. L’empereur fit appel à des troupes étrangères,
46 La formation et le développement de l’Empire médiéval

Francs et Turcs, mais Botaneiatès réussit à retourner les Turcs de Sulaymân


le Saldjûkide envoyés contre lui. Les habitants de Constantinople, inquiets
devant le nombre de réfugiés venus d’Anatolie, accablés par la disette et la
cherté du blé, se donnèrent une fois de plus au général venu d’Orient,
Nicéphore Botaneiatès qui fit une entrée triomphale en avril 1078.
Devenu empereur, Nicéphore, soutenu dans un premier temps par les
Comnènes, épousa l’impératrice Marie d’Alanie, séparée de Michel VII,
pour conforter sa légitimité, mais dut réprimer par la force les rébellions des
armées d’Occident, d’abord conduites par Bryennios, qui n’avait pas
renoncé à son projet, puis par le duc de Dyrrachion, Nicéphore Basilakès.
Nicéphore III l’emporta surtout grâce à l’appui des Turcs qui, pour la pre-
mière fois, passèrent en grand nombre en Europe, avec l’assentiment des
autorités. L’empereur, qui était âgé et ne quittait plus le Grand Palais, déçut
par son inaction et ne sut pas entraîner l’armée dans une campagne contre
les Turcs, désormais visibles sur la rive asiatique du Bosphore. Les intrigues
de cour conduisaient à des alliances de circonstances entre les factions. Anne
Dalassène se révélait une manœuvrière particulièrement habile et renforça
l’influence de sa famille, qu’elle avait nombreuse, par des alliances matrimo-
niales qui l’unirent aux plus illustres maisons de l’époque, à l’exception des
Macédoniens, résidant à Andrinople. Isaac et Alexis, ses fils, tout en bénéfi-
ciant longtemps de la confiance de Botaneiatès, acquirent des soutiens auprès
même de l’impératrice Marie d’Alanie qui s’inquiétait du sort de son fils
Constantin, l’héritier des Doucas. Lorsque Botaneiatès, sans enfant, décida
de transmettre l’Empire à un neveu, les Comnènes, profitant de ce qu’ils
avaient rassemblé une armée près de la capitale sous prétexte de combattre
les Turcs, se rebellèrent et choisirent pour chef Alexis qui avait les meilleures
connexions familiales. Leur armée hétéroclite pénétra dans Constantinople
le 1er avril 1081 et se livra à un pillage qui ne fut pas oublié avant longtemps
par les habitants de la capitale. Alexis Comnène sut désintéresser son beau-
frère Nicéphore Mélissènos, autre rebelle, qui renonça à ses prétentions au
trône en échange du titre de césar et d’une belle rente fiscale, et, à 24 ans, fut
couronné empereur, sans doute le 4 avril 1081, fondant une dynastie qui
allait gouverner l’Empire pendant plus d’un siècle.

L’EMPIRE ASSAILLI DE TOUS CÔTÉS

Cette rivalité des grandes factions pour remplacer durablement la


dynastie macédonienne avait trop souvent détourné l’attention des périls
extérieurs chez des généraux soucieux de participer à la lutte pour en per-
Byzance entre les Turcs et les croisés (1057-1204) 47

cevoir les profits en termes de postes et de dignités et, à plusieurs reprises,


les frontières avaient été dangereusement dégarnies de troupes, ce dont
avaient profité les adversaires qui s’étaient manifestés depuis la mort de
Basile II : les Normands en Italie, les Petchénègues et autres nomades dans
les Balkans et enfin les Turcs saldjûkides, secondés par des bandes turco-
manes peu disciplinées. Jusqu’au milieu du XIe siècle, les frontières avaient
en gros tenu. Mais dans la seconde moitié du siècle, chacun des fronts avait
cédé.
En Italie, depuis l’échec de Civitate, Byzance cherchait un allié de
substitution contre les Normands qui avaient réussi à se concilier la papauté
après le concile de Melfi de 1059 et fit des ouvertures à l’empereur alle-
mand. Les Normands, désormais unis pour la plupart autour d’un chef
remarquable, Robert Guiscard, officiellement reconnu par le Saint-Siège
comme duc de Pouille, de Calabre et de Sicile, firent de lents progrès en
Italie du Sud, car les empereurs, notamment Constantin X, ne renonçaient
pas à ces riches provinces qui, de surcroît, protégeaient la péninsule balka-
nique, et continuèrent d’envoyer de bonnes troupes, dont des Varanges, qui
reprirent parfois le terrain perdu. Mais Robert Guiscard, qui à l’occasion
prêta main-forte à son frère Roger pour la conquête de la Sicile, conduisit
avec obstination ses troupes aux effectifs encore modestes, mais croissants,
au point qu’il finit par isoler la capitale de l’Italie byzantine, Bari. Il avait
réussi à susciter au sein de la population de la ville un parti favorable aux
Normands. Après un long siège, la ville, sans espoir de secours, capitula au
printemps 1071. Byzance était exclue d’Italie pour la première fois depuis
la reconquête justinienne, à un moment où la péninsule bénéficiait tout
particulièrement du renouveau démographique et économique qui saisissait
tout l’Occident.
Michel VII s’efforça de reprendre le territoire perdu par la diplomatie
en reconnaissant lui aussi à Guiscard le titre de duc de Pouille, qui
l’intégrait à la hiérarchie byzantine, et en accordant à ses lieutenants des
dignités élevées et donc enrichissantes. Un projet de mariage entre Cons-
tantin, héritier du trône et la fille de Guiscard, la toute jeune Olympias,
visait à consolider ce traité et à inciter Robert à passer en Anatolie com-
battre les Turcs. La chute de Michel VII mit fin à tout projet et Olympias
fut renvoyée à son père par Botaneiatès. Guiscard, s’estimant offensé, pré-
para un débarquement dans les Balkans qui préludait à la conquête de
l’Empire affaibli. L’avènement d’Alexis Comnène ne le dissuada pas de
poursuivre ses projets et il débarqua au printemps 1081 devant Dyrrachion,
après s’être emparé de Corfou.
Dans les Balkans, les empereurs choisirent une politique conciliatrice à
l’égard des Petchénègues dont l’expérience avait montré qu’ils étaient diffi-
ciles à repousser par la force. Lorsqu’une masse de nomades ouzes (des
48 La formation et le développement de l’Empire médiéval

Turcs païens) franchit le Danube, Constantin X refusa de les affronter, ce


qui lui valut le reproche d’inertie mais, par chance, la maladie les décima et
cette invasion se dispersa presque miraculeusement. L’Empire contrôlait les
villes du Danube bien fortifiées, mais en 1072 les Petchénègues se rebellè-
rent lorsque Nicéphoritzès, à la recherche de numéraire, réduisit les sub-
sides envoyés. Les nomades compensèrent le manque à gagner en pillant les
provinces de plus en plus loin de leurs bases jusqu’en Thrace et le catépa-
nat du Paradounavon fut largement perdu.
L’adversaire le plus formidable se trouvait à l’est. En 1063, le sultan Alp
Arslân succéda à son oncle, Tughril Beg, à la tête de l’immense Empire des
Grands Saldjûkides. Il cherchait à refaire l’unité du monde musulman, ce
qui impliquait l’anéantissement du califat shî’ite du Caire. Il laissa, comme
Tughril Beg, les bandes turcomanes qui ne devaient pas rester trop long-
temps proches des riches terres de l’Iraq, ravager les pays chrétiens. Les
Byzantins n’étaient pas vraiment menacés par de tels raids qui ne visaient
pas à une occupation permanente du territoire, mais les pillages du grand
sanctuaire de saint Michel à Chônes, de la riche ville marchande d’Arzn ou
le sac de Césarée de Cappadoce irritèrent l’opinion publique. L’armée
byzantine, placée en garnison aux frontières, fut trop souvent incapable
d’arrêter les pillards chargés de butin, mais elle remporta parfois de beaux
succès avec l’aide des populations frontalières. La pression saldjûkide se fit
sentir sur les confins arméniens, lorsque Alp Arslân s’empara d’Ani en 1064
et deux ans plus tard de Kars, que son prince, Gagik, venait de placer sous
la protection des Byzantins.
En 1071, lorsque le sultan entreprit une vaste expédition contre les Fâti-
mides du Caire, il passa près des frontières byzantines, exigeant à l’occasion
du gouverneur d’Édesse qu’il le ravitaillât. Apprenant la venue de Romain
Diogène avec son armée, Alp Arslân souhaita négocier avec lui, car il
n’avait pas l’intention de livrer bataille. Romain, après quelque hésitation,
refusa, tant pour des motifs de politique intérieure – il devait en effet justi-
fier par un grand exploit militaire ses prétentions à gouverner sans les
Doucas, que de politique extérieure, puisqu’il croyait mettre fin par une
victoire aux raids turcs. L’empereur établit son camp près de la grande for-
teresse de Mantzikert qu’il avait pris soin de reprendre aux Turcs pour
assurer ses arrières, mais il avait laissé partir une grande partie de ses trou-
pes d’élite, sur la foi de mauvais renseignements. Le 26 août 1071, il fut
battu et capturé par les Turcs, et son armée fut dispersée sans avoir subi
trop de pertes, à l’exception des régiments cappadociens [Cheynet, 176 ;
Vryonis, 400].
Le désintérêt d’Alp Arslân pour la conquête de l’Anatolie se manifesta
par l’accueil finalement assez clément du vaincu. Il traita avec l’empereur,
demandant seulement que soient restituées aux musulmans les conquêtes
Byzance entre les Turcs et les croisés (1057-1204) 49

faites à leurs dépens depuis un siècle, ce qui incluait tout de même le duché
d’Antioche. Romain fut relâché avec une escorte turque, mais le coup
d’État des Doucas remit en cause le traité et Alp Arslân, puis son fils Malik
Shâh, s’efforcèrent de conquérir les territoires promis par Diogène, Édesse,
Antioche, l’Arménie.
La guerre civile quasi permanente, qui se déroula de l’avènement de
Michel VII à celui d’Alexis Comnène, permit aux Turcs de pénétrer facile-
ment en Asie Mineure, car les empereurs comme leurs adversaires firent
appel aux Turcs pour grossir rapidement leurs armées à un coût assez
modeste. Les Turcs rencontrèrent rarement une résistance organisée, sauf
dans les duchés orientaux d’Antioche, d’Édesse et de Mélitène, provinces
qui concentraient la plus grande partie de l’armée d’Orient, sous l’autorité
d’un général d’origine arménienne, Philarète Brachamios qui, à partir du
règne de Botaneiatès, gouvernait de manière autonome, non par hostilité
aux empereurs, mais parce que les Turcs l’avaient coupé du reste de
l’Empire [Dédéyan, 178]. Michel VII Doucas avait utilisé les services du
Turc Artouch pour se débarrasser de Roussel de Bailleul, le chef de la
cavalerie franque, qui se taillait une principauté autonome dans les Armé-
niaques, avec la complicité des notables locaux, satisfaits d’être enfin bien
protégés [Cheynet, 382 ; Shepard, 390]. Peu après, le même Michel fit
appel à Sulaymân, un cousin des Grands Saldjûkides en rupture de ban,
mais l’émir passa du côté de Botaneiatès. Un autre rebelle, Nicéphore
Mélissènos, hostile à Botaneiatès, parcourut l’ouest de l’Asie Mineure et prit
à son service des Turcs qu’il installa en garnison dans des cités dont ils
n’auraient pu s’emparer, faute de connaître la poliorcétique. C’est ainsi que
Sulaymân devint le maître de Nicée aux murs puissants et située au cœur
de la Bithynie, face à Constantinople [Cahen, 173 et 174].

L’ A V È N E M E N T D ’ A L E X I S C O M N È N E

À son arrivée sur le trône Alexis Comnène poursuivit deux objectifs :


conserver le pouvoir, alors que depuis un demi-siècle aucun empereur, sauf
Constantin X, n’avait réussi à le faire, et repousser les ennemis. Il disposait
d’un solide soutien dans l’aristocratie, mais à condition de consolider son
alliance avec les Doucas. Après quelque hésitation, il épousa la petite-fille
du césar Jean, Irène, et laissa ses sandales pourpres à Constantin, fils de
Michel VII, qu’il fiança dès que possible à l’aînée de ses filles, Anne Com-
nène. Cependant, il comptait avant tout sur ses proches, son frère Isaac,
50 La formation et le développement de l’Empire médiéval

pour lequel il créa la dignité de sébastokratôr qui le mit au-dessus de tous les
autres dignitaires, et sa mère, Anne Dalassène, à qui il laissa le gouverne-
ment de l’Empire, dotée des pouvoirs impériaux, avant de partir en cam-
pagne. Sur le plan militaire, ses atouts étaient également appréciables, car
l’armée d’Occident était largement intacte tandis que la situation en Ana-
tolie restait fluide. En agissant rapidement et en s’appuyant sur les forces de
Philarète Brachamios et sur les autres garnisons byzantines, un général de
talent pouvait sans doute rétablir la situation.
Robert Guiscard, accompagné de son fils, Bohémond de Tarente,
débarqua avec une forte armée et assiégea Dyrrachion, verrou qui défend
la via Egnatia, placé sous l’autorité du beau-frère d’Alexis, Georges Paléo-
logue. En octobre 1081, l’empereur fut sévèrement battu par Guiscard
devant Dyrrachion qui, peu après, tomba aux mains du chef normand, lui
ouvrant la route de Thessalonique. Alexis avait subi de lourdes pertes, ce
qui lui interdisait de songer à des opérations contre les Turcs en Orient.
Pour contenir l’avance normande, il eut recours à la diplomatie, cherchant
l’appui des Vénitiens, inquiets que Guiscard tînt les deux rives du détroit
d’Otrante et pût entraver la route des bateaux vénitiens sortant de l’Adria-
tique. Il conclut avec eux un traité, sans doute en 1082, qui, en échange
d’avantages commerciaux, mettait à son service la flotte vénitienne, pour
couper la ligne de ravitaillement du Normand [Lilie, 613]. D’autre part, il
sollicita, au prix d’une forte somme d’argent, l’intervention de l’empereur
germanique Henri IV, préoccupé de l’influence de Guiscard sur Rome. La
résistance de Kastoria et la dérobade devant toute bataille rangée arrêtèrent
l’avance des Normands alors commandés par Bohémond. Mais c’est la
mort de Guiscard en 1085 qui mit fin à la guerre.
Alexis continua de donner la priorité à la défense des Balkans, en luttant
contre les Petchénègues qui, profitant de la guerre normande, avaient étendu
leur zone de pillage jusqu’à la banlieue de Constantinople. Alexis voulut
reprendre le contrôle du Danube, mais, stratège plutôt médiocre, il fut à
nouveau sévèrement défait en 1087 à Dristra/Silistrie, forteresse contrôlant
le Bas-Danube, et dut les années suivantes se contenter d’opérations limitées
pour refréner l’avance des Petchénègues. Incapable avec ses seules forces de
mettre fin à ces incursions, Alexis chercha le soutien d’autres nomades établis
au nord du Danube, les Coumans, et en avril 1091, les Petchénègues furent
finalement battus à la bataille du Lébounion et les prisonniers furent ensuite
largement massacrés. La menace petchénègue fut éliminée et une partie des
survivants enrôlés dans l’armée byzantine.
Face aux Turcs, l’empereur se contenta de mesures défensives très limi-
tées. Sulaymân, à l’abri des solides remparts de Nicée, affermissait son
autorité sur les Turcs d’Anatolie, sans contrôler pour autant les émirs qui
continuaient à avancer vers la mer Égée aux dépens des Byzantins. Il prit le
Byzance entre les Turcs et les croisés (1057-1204) 51

titre de sultan, au grand dépit de Malik Shâh, successeur d’Alp Arslân, fon-
dant ce qu’on appela le sultanat de Rûm, puisqu’il était établi en Anatolie
sur la terre des « Romains ». Sulaymân était avant tout soucieux de ne pas
se couper de l’est d’où venaient les renforts potentiels. Suivant la grande
route militaire qui traversait l’Anatolie, il s’empara par surprise d’Antioche
en décembre 1084, en l’absence de Philarète Brachamios, mais se trouva
engagé dans les luttes internes des Saldjûkides et trouva la mort en 1086
près d’Alep. Alexis se contenta de défendre la rive sud de la Marmara et
reprit Nicomédie, passée un temps aux mains des Turcs.
La mort de Sulaymân n’apporta guère de bénéfice, car les Turcs restè-
rent fidèles à son fils Kilidj Arslân. Malik Shâh, désireux d’éliminer le sulta-
nat rival de Nicée contre lequel il envoya des troupes, proposa à Alexis de
retirer les Turcs d’Anatolie et de marier son fils à Anne la Porphyrogénète,
fille du basileus. Ce dernier, qui craignait le voisinage d’un Empire turc, uni
et puissant, et n’avait pas saisi les motivations de Malik Shâh, retarda sa
réponse au point que l’ambassade qu’il envoya à la cour de Perse arriva
après la mort du sultan. Parmi les émirs actifs en Anatolie, deux se montrè-
rent particulièrement redoutables, un nouveau venu, Dânismend au nord-
est et Tzachas dans l’ouest de l’Asie Mineure.
Dânismend, s’établissant en Paphlagonie se heurta non pas à Alexis,
mais à Théodore Gabras, duc de Trébizonde, alors plus ou moins indé-
pendant de Constantinople. En 1090, ce dernier mourut en martyr et la
Paphlagonie, avec Néocésarée et Kastamon, passa aux Turcs, mais la
Chaldie échappa à Dânismend. Tzachas, un émir qui avait un temps servi
les Byzantins, profita de la désorganisation du sultanat naissant de Rûm
pour agrandir son territoire dans la région d’Éphèse et de Smyrne. Encou-
ragé par l’absence de toute réaction byzantine, il équipa une flotte dans le
but de conquérir les îles micrasiatiques. Lorsque le risque d’un assaut de
Constantinople par mer, soutenu par une attaque terrestre menée par les
Petchénègues apparut plausible, l’empereur envoya une flotte contre Tza-
chas, qui fut battu [Cahen, 174].
Vers 1091, pour la première fois depuis l’avènement d’Alexis, l’Empire
n’était plus sous la menace d’une invasion imminente. Les années suivantes,
l’empereur entreprit la réorganisation de l’État : son pouvoir était affermi et
les principaux postes donnés à ses proches parents qui, aux yeux des digni-
taires ordinaires, s’enrichirent scandaleusement. Ceux-ci avaient aussi perdu
des postes, conséquence d’une administration moins nombreuse et sim-
plifiée, notamment dans le domaine financier. Cependant, l’autorité person-
nelle de l’empereur resta contestée, comme en témoignent les nombreux
complots qui engagèrent, notamment autour de Nicéphore Diogène, une
partie des officiers. Jean Comnène, fils aîné d’Alexis, coempereur depuis
son baptême en 1088, devint l’héritier proclamé en 1092, Constantin
52 La formation et le développement de l’Empire médiéval

Doucas étant écarté. Après la mort prématurée de ce dernier, Anne Com-


nène fut mariée à Nicéphore Bryennios en 1096/1097, donnant à Alexis le
soutien de la famille macédonienne dominante. Les finances de l’Empire
s’étaient dégradées au fur et à mesure de l’avance des ennemis, qui pri-
vaient l’État de ressources fiscales au moment où les dépenses militaires
augmentaient. La dévaluation du nomisma, commencée sous Constantin IX,
s’accéléra durant la première décennie du règne d’Alexis. En redressant la
situation dans les Balkans et en l’absence de toute guerre majeure, Alexis
retrouvait une base fiscale plus solide et rétablit une monnaie d’or stable et
de bon aloi, l’hyperpère, frappé à partir de 1092 (cf. chap. XII, p. 310).
Un usurpateur se devait toujours de souligner le soutien de Dieu en se
montrant parfait orthodoxe. Alexis devait aussi faire oublier la brutale
confiscation des biens d’Église, au début de son règne, pour financer de
nouveaux régiments. Il laissa sanctionner Jean Italos, un philosophe qui
voulait traiter la théologie comme une branche de la philosophie et qui
était de surcroît un proche des Doucas. En mars 1082, Jean Italos fut
contraint de se rétracter devant l’empereur et le synode. Par ailleurs, Alexis
fit condamner les Bogomiles et brûler Basile, le chef de la secte dans la
capitale. Il favorisa le clergé de Sainte-Sophie aux dépens des métropolites
provinciaux dans le synode permanent qui gouvernait l’Église. Enfin,
en 1107, il favorisa la création d’un corps de prêcheurs pour améliorer
l’enseignement des Évangiles auprès de la population de la capitale.

LE CHOC DE LA CROISADE

Après quelques années d’accalmie, juste troublées par une invasion des
Coumans en 1095 et des incursions serbes, Alexis Comnène se tourna à
nouveau vers l’Asie Mineure. La situation était favorable, car il tenait plus
solidement la côte de la mer Noire, contrôlant mieux la Chaldie et recou-
vrant sans combat le port de Sinope. Le souverain ne désirait pas affronter
les Saldjûkides de Rûm commandés par Kilidj Arslân, fils de Sulaymân,
puisque ce dernier ne cherchait pas à s’étendre vers l’ouest, mais vers l’est,
pour garder le contact avec le réservoir de combattants turcomans. Visant à
conquérir Mélitène, encore tenue par un général jadis byzantin, Gabriel, le
Saldjûkide se heurtait à la concurrence des Dânismendides.
Toutefois, l’empereur n’osait pas mener des opérations d’envergure sans
le secours de l’Occident. Les Byzantins, qui appréciaient de longue date la
valeur des cavaliers francs, continuaient à les recruter, notamment parmi
Byzance entre les Turcs et les croisés (1057-1204) 53

les nombreux pèlerins qui passaient par Constantinople. Le comte Robert


de Flandre, sollicité lors de son passage dans la capitale, envoya un contin-
gent de 500 hommes qu’Alexis établit en garnison en Bithynie [Schreiner,
194]. Beaucoup de soldats francs, après avoir servi en Anatolie – ils consti-
tuaient ainsi la majeure partie de la garnison d’Édesse – revenaient dans
leurs pays respectifs, donnant de l’Empire une image favorable, louant la
générosité des empereurs.
La querelle entre les Églises n’avait pas pris un tour irréversible et le
retour à l’union semblait possible et souhaitable des deux côtés. Urbain II,
élu pape en 1088, lui-même aux prises avec une opposition au sein de son
Église autour de l’antipape Clément III, multiplia les gestes d’apaisement ;
il demanda que son nom soit rétabli sur les diptyques de Constantinople et,
en septembre 1089, leva l’excommunication contre l’empereur Alexis, que
son prédécesseur Grégoire VII avait fini par jeter sur Nicéphore III. Le
projet d’un concile d’union à Constantinople n’aboutit point, car l’empe-
reur était convaincu que les prélats grecs ne reconnaîtraient pas la supré-
matie du siège romain, point sur lequel un partisan de la réforme grégo-
rienne, comme Urbain II, ne pouvait céder.
Alexis expédia des lettres, évoquant la détresse des chrétiens d’Orient
et, semble-t-il, la perspective d’une expédition qui conduiraient Francs et
Byzantins jusqu’à Jérusalem, auprès de tous les princes d’Occident pour
recevoir des secours [Shepard, 198] et sa diplomatie active obtint des résul-
tats. Tout naturellement l’empereur, qui espérait également qu’Urbain II
aurait une influence modératrice sur ses alliés normands, envoya des repré-
sentants au concile de Plaisance en 1095 pour demander des secours, en
offrant un tableau pitoyable de la chrétienté orientale, menacée jusque sous
Constantinople. Une demande identique avait été formulée par Michel VII
auprès du pape Grégoire VII qui l’avait accueillie favorablement, même si
rien de concret n’en avait résulté. Urbain II, comme Grégoire VII avant
lui, incita les guerriers d’Occident à combattre en Orient, en prêtant ser-
ment de fidélité à l’empereur. Le pape renouvela son appel au concile de
Clermont l’année suivante et prit la tête d’un mouvement qui devait mettre
en marche une masse inégalée de pèlerins armés sur la route de Jérusalem.
Beaucoup de ces combattants venaient de France et certains d’entre eux,
ou leurs proches, venaient de combattre les musulmans en Espagne à
l’appel des rois chrétiens inquiets de la puissance des Almoravides.
Les flottes de transport italiennes n’étaient pas encore assez développées
pour effectuer le transport d’une telle masse d’hommes et d’animaux.
Seules les routes terrestres étaient alors praticables, ce qui impliquait un
passage obligatoire par Constantinople.
Les soldats provenaient de nombreux pays d’Occident, sous la conduite
de leurs princes. Parmi cette foule se distinguaient quatre groupes princi-
54 La formation et le développement de l’Empire médiéval

paux, les hommes de Godefroi de Bouillon, ceux de Raymond de Saint-


Gilles, comte de Toulouse, les guerriers du Normand Bohémond et enfin
une troupe plus disparate sous l’autorité de Robert de Normandie, Robert de
Flandre et d’Étienne de Blois. Ces soldats furent précédés par une armée
plus hétéroclite, comportant de nombreux non-combattants, menée par
Pierre l’Ermite. La présence de guerriers francs sur le sol byzantin n’était
plus de longue date une nouveauté. Les empereurs byzantins les employaient
régulièrement dans leur armée, mais ils étaient sous commandement byzan-
tin, alors que les nouveaux venus avaient des objectifs autonomes : l’expul-
sion des Turcs d’Orient et la délivrance du Saint-Sépulcre. Ce rôle actif
d’Alexis dans la préparation de ce que nous appelons, après coup, la pre-
mière croisade, a été occulté par sa fille Anne, dans l’Alexiade, car l’opinion
byzantine porta ultérieurement un jugement de plus en plus négatif sur le
rôle des croisés, tandis que tout un courant accusait Alexis d’avoir provoqué
cette croisade. Anne, en passant sous silence la campagne diplomatique de
son père, voulait préserver sa mémoire et l’exonérer de toute responsabilité
[Shepard, 197].
La collaboration entre l’empereur et les chefs croisés était cependant
indispensable, car il fallait prévoir la fourniture de guides, le ravitaillement
des pèlerins et donc l’organisation de marchés, avec la participation de
changeurs, sous peine de voir pillés les pays traversés. D’autre part, les
Occidentaux seraient conduits à traverser l’Asie Mineure, en chassant les
Turcs, ce qui impliquait que le statut des terres reconquises soit précisé.
Enfin, parmi les croisés, se trouvait Bohémond, contre lequel Alexis avait
rudement bataillé quinze ans auparavant. Les Latins arrivèrent en ordre
dispersé devant Constantinople en 1196 et jusqu’au printemps 1097. Alexis
souhaitait les faire passer le plus vite possible en Asie Mineure pour éviter
une trop grande concentration de troupes étrangères devant une ville aussi
riche.
Pierre l’Ermite et les siens, arrivés les premiers, furent rapidement trans-
férés sur la côte nord de la Bithynie, près de Civetot, nouvelle forteresse
construite par Alexis. Désobéissant aux consignes et attirés par la richesse des
campagnes, ils s’aventurèrent imprudemment sous les murs de Nicée, où ils
furent surpris et massacrés par les Turcs. Les négociations avec les chefs de la
croisade se déroulèrent durant l’hiver 1096-1097 et furent difficiles, non pas
tant avec Bohémond, familier de la diplomatie byzantine, qui, disposant
d’une armée modeste, cherchait à se mettre au service de l’empereur en
échange de titres prestigieux [Shepard, 196], qu’avec le comte de Toulouse,
moins enclin à prêter un serment de fidélité en raison de ses illustres origines.
L’accord fut finalement conclu avec l’aide des largesses impériales : ses
clauses prévoyaient qu’en échange du ravitaillement des Latins, de la fourni-
ture de guides et de l’appui, dès que possible, de l’armée impériale, les croisés
Byzance entre les Turcs et les croisés (1057-1204) 55

remettraient aux fonctionnaires impériaux les villes et les provinces reconqui-


ses sur les Turcs. Le sort des territoires qui n’appartenaient plus depuis long-
temps aux Byzantins comme la Syrie du Sud et la Palestine était plus incer-
tain et l’Empire ne les briguait pas ouvertement.
Au printemps 1097, les croisés mirent le siège devant Nicée et rejetèrent
les troupes de secours du sultan. À la veille de la chute de leur ville, les
Turcs préférèrent négocier directement leur reddition avec Alexis, qui
empêcha une prise d’assaut. Bien des croisés en conçurent du ressentiment,
privés d’un pillage jugé légitime. Les pèlerins confortèrent leur succès en
bousculant à nouveau les Saldjûkides à Dorylée le 30 juin 1097 et en
repoussant, près d’Héraclée, une offensive de l’émir de Cappadoce secondé
par les Dânismendides et ils s’avancèrent jusqu’à Antioche qu’ils assiégè-
rent. Des chefs francs profitèrent de l’accueil chaleureux des Arméniens de
Cilicie pour s’établir dans la région, tel Baudouin de Boulogne à Édesse
[Dédéyan, 178]. Antioche était solidement défendue par un émir turc,
Yaghî-Siyân, et résista pendant des mois. Les Latins manquaient cruelle-
ment de ravitaillement en dépit des efforts d’Alexis pour leur en fournir
depuis l’île de Chypre. L’empereur, qui s’avançait à la tête de son armée
pour les secourir, rebroussa chemin sur la foi d’Étienne de Blois qui,
jugeant la situation des siens perdue, s’était enfui du camp latin. Or les
croisés, après avoir repoussé l’armée de l’émir de Mossoul, Karbûgâ, le
28 juin 1098, étaient entrés dans Antioche. Bohémond, après de longs
débats parmi les chefs croisés, réussit à se faire attribuer la ville à titre per-
sonnel. Alexis, furieux, considéra que cette manœuvre rompait l’accord de
Constantinople et s’efforça de reprendre pied dans la région, ouvrant plu-
sieurs décennies de contestation, qui aboutirent à plusieurs conflits militai-
res avec les princes latins d’Antioche [Lilie, 186].
Après le succès de l’entreprise qui se conclut par la prise de Jérusalem
en juillet 1099, des renforts furent envoyés en 1100 et 1101, mais aucune
de ces troupes ne parvint en Syrie. Les bandes croisées, à l’encontre des
conseils d’Alexis, traversèrent imprudemment l’Anatolie, en ordre dispersé,
et se firent surprendre par les Turcs. L’une des troupes les plus importantes
commandées par Raymond de Saint-Gilles, retourné en Occident, mais
désormais loyal partisan d’Alexis par haine de Bohémond, s’engagea contre
les Dânismendides et fut détruite en Paphlagonie. Tant d’efforts n’avaient
eu aucun résultat et certains croisés soupçonnèrent l’empereur d’avoir favo-
risé la perte de ces combattants par crainte de voir se développer des États
latins trop puissants en Orient et contribuèrent à propager en Occident
l’image du Grec perfide. Bohémond, maître d’Antioche, menacé par les
contre-attaques byzantines, décida de laisser son neveu Tancrède à la tête
de la principauté et de revenir en Occident pour organiser une expédition
contre Alexis. Soutenu par le pape Pascal II, Bohémond réunit une armée
56 La formation et le développement de l’Empire médiéval

nombreuse et, suivant les traces de son père, débarqua à Dyrrachion


en 1107. On mesura alors les progrès byzantins. Alexis coupa la ligne de
ravitaillement de Bohémond, soudoya une partie de ses barons et lui refusa
tout affrontement en rase campagne. Le traité de Déabolis signé en 1108
marquait l’échec de Bohémond, quoique Tancrède refusât d’appliquer les
clauses concernant Antioche, théoriquement rendue à l’Empire.
Le bilan de la croisade fut pourtant positif pour l’Empire car, après que
les Turcs eurent été refoulés par les Latins sur le plateau micrasiatique,
Alexis envoya ses généraux reprendre la région de Smyrne, d’Éphèse, puis
de Philadelphie, ce qui, ajouté à la Bithynie restituée par les croisés, offrait
à l’empereur les plus riches plaines d’Asie Mineure, même si bien des terri-
toires étaient dévastés et sans doute désertés. Dans les dernières années de
son règne, Alexis dut repousser plusieurs raids saldjûkides sans trouver de
solution pour une paix durable qui assurerait la sécurité des terres recon-
quises. L’espoir de reconquête du plateau central anatolien s’estompant,
Alexis choisit d’établir un no man’s land entre les terres byzantines et le cœur
du sultanat saldjûkide, qui s’était replié dans la région d’Ikonion/Konya, sa
nouvelle capitale depuis la perte de Nicée. En 1116, Alexis conduisit en
personne une armée pour limiter les raids turcs et remporta une victoire
près de Philomèlion sur Shâhanshâh, fils de Kilidj Arslân. En revenant vers
Constantinople, il déporta la population chrétienne de la région, qu’il se
sentait incapable de protéger.

LE R È G N E D E J E A N I I

La mort d’Alexis en 1118, loin de permettre une succession tranquille,


révéla une des faiblesses de la nouvelle organisation de l’Empire autour
d’un noyau familial, lorsque l’impératrice Irène Doukaina, soutenue par sa
fille Anne, voulut donner l’Empire en héritage à son gendre Nicéphore
Bryennios. Jean II, soutenu par son frère Isaac, agit rapidement avec
l’accord tacite de son père et écarta les comploteurs. Cependant Isaac,
quelques années plus tard, s’enfuit de Constantinople et se réfugia en com-
pagnie de son fils à la cour de Konya. La compétition impériale n’opposait
plus des familles entre elles, mais se situait au sein de la dynastie régnante.
Jean II gouverna en s’appuyant sur Jean Axouch, un Turc fait prison-
nier dans son enfance, élevé avec le futur empereur auquel il devait tout et
qui en fit le commandant de ses armées [Brand, 432]. Le règne de Jean II
est mal connu, faute d’avoir suscité l’œuvre d’un historien contemporain,
Byzance entre les Turcs et les croisés (1057-1204) 57

mais il a laissé le souvenir d’une heureuse époque. Le souverain, soldat


avant tout, fit campagne sur tous les fronts, créant en Asie Mineure le camp
retranché de Lopadion pour remplacer Dorylée, resté en territoire turc, et
disposer d’une solide base d’attaque contre les Turcs. Jean II commença
par dégager la vallée du Méandre et maintenir la route d’Attaleia ouverte,
en s’emparant de Sôzopolis de Pisidie. Il repoussa une dernière attaque de
Petchénègues en 1123, puis dispersa une troupe serbe, dont il déporta une
partie des prisonniers en Bithynie. Bien qu’ayant épousé une princesse hon-
groise, il fut attaqué par les armées de ce pays qui commençait à dévelop-
per sa puissance au nord des Balkans, mais il l’emporta de nouveau. Il ne
rencontra pas le même succès avec les Vénitiens dont il n’avait pas souhaité
renouveler le traité d’alliance, car plus aucun adversaire ne menaçait
l’Empire sur mer. Cependant l’empereur, précisément faute d’une marine
de guerre, se vit contraint de céder en 1126.
Jean II avait deux ambitions prioritaires, liées entre elles, repousser les
Dânismendides, alors plus puissants que leurs rivaux saldjûkides, et réinté-
grer Antioche à l’Empire, en soumettant au passage les Arméniens désor-
mais maîtres de la Cilicie, que leur disputaient aussi les Francs d’Antioche.
Pendant plusieurs années de suite, l’armée byzantine fit campagne dans les
montagnes de Paphlagonie et réussit à prendre Kastamôn et Gangra mais,
chaque fois que l’empereur s’était retiré, l’ennemi réussissait à anéantir les
garnisons laissées dans ces forteresses. La principauté d’Antioche avait été
sérieusement affaiblie depuis que Roger d’Antioche et l’élite des chevaliers
normands étaient restés sur le champ de bataille de l’Ager Sanguinis en 1119
[Setton, 195, vol. I]. En 1138, Jean II conduisit une puissante armée en
Cilicie et dans la principauté d’Antioche, faisant une démonstration de
force à l’égard des Arméniens, des Latins, ainsi que des musulmans de
Zengî, émir de Mossoul. Jean II parvint jusqu’à Shaïzar, forteresse située au
sud d’Antioche, dont il leva le siège contre une indemnité. Il fit son entrée
solennelle à Antioche en 1139 aux côtés du prince Raymond, mais dut se
retirer devant une émeute animée en sous-main par les chefs latins
[Lilie, 186]. Après une nouvelle campagne en 1140 contre les Dânismendi-
des, sans grand succès puisque Néocésarée ne fut pas reprise, Jean II repar-
tit vers Antioche en 1142 et se préparait pour un coup décisif l’année sui-
vante, mais il mourut d’un accident de chasse, au printemps 1143.
Le règne de Jean II se situe dans la continuité partielle de celui de son
père : sauvegarder les Balkans pour avoir les moyens d’expulser les Turcs
du plateau anatolien et soumettre par la force la principauté d’Antioche.
Par d’autres points, il annonce l’éclat du règne suivant : une armée de terre
en permanence sur le pied de guerre et l’idée de se montrer un allié utile
aux croisés de Terre sainte, soumis à la pression de plus en plus forte des
musulmans. En terme de gains territoriaux, le bilan final n’est guère specta-
58 La formation et le développement de l’Empire médiéval

culaire, mais les acquis du règne précédent ont été consolidés et Jean II
lègue à son successeur une armée performante qui inspirait le respect à ses
adversaires potentiels.

LE S A M B I T I O N S D E M A N U E L C O M N È N E

Avant de mourir, Jean II avait eu le temps de faire prêter par l’armée


un serment d’allégeance en faveur de Manuel, le plus jeune de ses fils survi-
vants. Après quelques hésitations, ce dernier consolida l’alliance tradition-
nelle avec l’Empire germanique contre les Normands, en épousant Berthe
de Sulzbach, parente de l’empereur Conrad III. Manuel fut ensuite
confronté à l’organisation d’une nouvelle croisade provoquée par la chute
d’Édesse en 1144. Suivant l’exemple de son grand-père Alexis Comnène, il
promit en 1146 d’aider les croisés, mais la nouvelle expédition différait de
la précédente, car deux des plus puissants souverains de l’Occident,
Louis VII et Conrad III, guidaient les armées. Manuel ne pouvait donc pas
traiter, comme Alexis, en position de supériorité diplomatique. L’impor-
tance de l’armée allemande provoqua quelques incidents et inquiéta
Manuel et les Constantinopolitains, lorsqu’ils la découvrirent au pied des
murs de la capitale. Mais Conrad, pressé de passer en Asie Mineure sans
attendre Louis VII, se laissa bousculer par les Turcs à Dorylée et ses
troupes furent dispersées. L’empereur allemand revint à Constantinople où
il fut réconforté par Manuel lui-même. Louis VII fut reçu avec munificence
dans la capitale même, mais son armée ne connut guère meilleur sort, car
le roi finit par embarquer à Attaleia, abandonnant son infanterie. La croi-
sade fut plutôt un échec et au témoignage d’Odon de Deuil, le chroniqueur
qui accompagnait Louis VII, des croisés estimaient à nouveau que les évé-
nements confirmaient la perfidie des Grecs [Setton, 195, vol. I]. En même
temps, les États latins d’Orient n’attendaient plus de secours massif de
l’Occident et Manuel pouvait se présenter comme soutien potentiel, tout
proche du champ de bataille.
À l’été 1147, Roger II de Sicile, profitant de ce que les soldats byzantins
avaient été regroupés près de la capitale, attaqua l’Empire. Il s’empara de
Corfou, puis débarqua et pilla Thèbes et Corinthe, raflant tissus de prix et
captifs dont de nombreux tisserands. La perte de Corfou, transformée en
base d’attaque ennemie, était inacceptable pour Manuel, qui renouvela les
privilèges vénitiens pour disposer immédiatement d’une flotte. Le siège de
la forteresse traîna en longueur, des incidents éclatèrent entre Vénitiens et
Byzance entre les Turcs et les croisés (1057-1204) 59

Grecs pourtant alliés, et il fallut attendre 1149 pour obtenir la reddition de


la garnison ennemie.
Manuel décida d’attaquer les Normands chez eux avec l’aide des Véni-
tiens et de Conrad d’Allemagne, à la mort de Roger II en février 1154. Deux
généraux, chargés d’une grande quantité d’or, furent envoyés avec une
modeste troupe et obtinrent le soutien d’une partie de la population, lassée
de la tutelle normande et nostalgique du temps où un catépan les gouvernait.
Les Byzantins s’emparèrent facilement de Bari, mais échouèrent devant la
citadelle de Brindisi et furent vaincus en mai 1156 par le roi Guillaume. On
a parfois interprété cette expédition byzantine comme la preuve des ambi-
tieux desseins de Manuel, qui aurait voulu faire revivre l’Empire de Justi-
nien. Compte tenu des forces engagées, quelques milliers d’hommes, l’empe-
reur n’envisageait sans doute que de tenir certains ports côtiers de la Pouille
pour interdire un nouveau débarquement normand sur la côte balkanique.
Manuel ne renonça pas à intervenir dans les affaires italiennes, car il
avait compris que la puissance des Latins se développait rapidement et qu’il
fallait éviter leur union dans une hostilité commune contre les Grecs. Dès
avant l’offensive italienne, il avait réussi à faire accepter son autorité à
Ancône, d’où partaient les subsides destinés à acheter des partisans dans les
villes d’Italie. Cet activisme lui aliéna à terme l’alliance germanique, d’au-
tant plus que Frédéric Barberousse, qui avait succédé à son oncle Conrad,
était décidé à faire valoir ses droits sur l’Italie. Un traité de paix fut finale-
ment conclu avec Guillaume de Sicile en 1158, sans toutefois aboutir à un
renversement des alliances [Lilie, 188].
La paix dans les Balkans était indispensable, car ces provinces fournis-
saient maintenant le gros des revenus au trésor impérial et constituaient le
lien indispensable avec l’Occident en plein essor, mais il fallait neutraliser la
puissance croissante des Hongrois. Par une série de guerres, les plus nom-
breuses de tout le règne, et des interventions dans les querelles dynastiques
des Arpáds, la famille régnante hongroise, Manuel réussit à transformer ce
royaume en État client, en imposant Béla comme héritier du trône, fiancé à
la porphyrogénète Marie, fille de Manuel, et en dominant la Dalmatie que
visaient également les rois hongrois.
Manuel s’efforça également de rétablir la prépondérance byzantine en
Asie, sans restaurer nécessairement une administration directe. Il com-
mença par renforcer les territoires proprement byzantins, en complétant le
réseau de fortifications défensives, créant le thème au nom significatif de
Néakastra (Les Nouvelles Forteresses) pour assurer une meilleure continuité
territoriale entre la Bithynie et la vallée du Méandre. Il se soucia aussi de
protéger la haute vallée du Méandre pour interdire aux nomades turcs
l’accès aux riches plaines des Thracésiens. Il transféra des prisonniers cap-
turés lors des guerres balkaniques en Bithynie et repeupla Adramyttion.
60 La formation et le développement de l’Empire médiéval

Pour convaincre le sultan saldjûkide et l’émir dânismendide d’accepter


la suzeraineté byzantine, l’empereur mena une politique à la fois de force
par des démonstrations militaires et de séduction. Il crut l’objectif atteint
lorsque Kilidj Arslân, en 1161, lui rendit visite à Constantinople où, adopté
comme un fils par Manuel, le sultan se déclara le doulos (serviteur) de
l’empereur. Ce dernier fournit des subsides au sultan, demandant en
échange une partie des villes qui seraient conquises par Kilidj Arslân. Mais
le sultan profita de la paix pour éliminer les Dânismendides affaiblis et unir
les Turcs d’Asie Mineure, sans donner de contreparties.
Manuel s’intéressa, comme ses prédécesseurs, aux États francs de Terre
sainte, mais renonçant à un gouvernement direct sur Antioche, il entreprit
d’attirer l’ensemble des Francs d’Orient sous sa protection, dans l’idée qu’ils
pourraient en cas de besoin servir d’alliés de revers contre les Turcs. Il
trouva des interlocuteurs attentifs, car la situation des Francs s’aggravait en
raison de la réunification de la Syrie par Nûr al-Dîn, alors que l’échec de la
seconde croisade entraînait l’absence de nouveau projet [Lilie, 186]. Ce
rapprochement fut sanctionné par des alliances matrimoniales. Manuel prit
pour seconde épouse Marie d’Antioche, tandis que Baudouin III de Jérusa-
lem, puis son frère Amaury épousèrent des princesses byzantines richement
dotées en numéraire. Manuel fit une entrée solennelle à Antioche à
Pâques 1159, après avoir au passage soumis les Roupénides de Cilicie, tou-
jours rétifs à la domination byzantine. À deux reprises l’empereur, qui avait
reconstruit une flotte de guerre opérationnelle, conçut une expédition com-
mune avec les Francs de Jérusalem contre l’Égypte fâtimide, alors en pleine
décadence militaire, mais dont la richesse aurait conforté les États de Terre
sainte. Mais les arrière-pensées des deux alliés interdirent d’exploiter les
succès initiaux, ce qui conduisit à la prise de l’Égypte par Saladin.
Les contemporains grecs reprochèrent à Manuel une certaine complai-
sance vis-à-vis des Occidentaux, dont il accueillit un grand nombre, non seu-
lement dans l’armée, mais à sa cour et auxquels il confia des missions diplo-
matiques. Manuel avait compris que la force de l’Empire serait restaurée en
collaborant avec les Latins, alors en pleine expansion démographique et éco-
nomique, et non contre eux. Les divergences religieuses ne constituaient pas
un obstacle, même si l’empereur veillait à une défense stricte des droits de
l’Église grecque. Lorsque Manuel estimait que les intérêts de l’Empire étaient
lésés, il n’hésitait pas à intervenir. Ainsi, en 1171, il fit arrêter tous les Véni-
tiens de l’Empire et confisquer leurs biens, car il jugeait leur position trop
avantageuse et leur rôle dans les affaires italiennes qu’il menait, négatif. Il
joua de leur rivalité avec les Génois pour négocier avec ces derniers un traité
de commerce moins favorable aux marchands latins.
En 1176, Manuel prépara sa plus grande campagne militaire, poursui-
vant plusieurs objectifs. D’abord, il espérait frapper le sultan de façon déci-
Byzance entre les Turcs et les croisés (1057-1204) 61

sive, en assiégeant sa capitale, car ce dernier avait acquis trop de puissance


depuis qu’il avait absorbé les territoires dânishmendides et, depuis la mort
en 1174 de Nûr al-Dîn, sultan de Damas, le maître d’Ikonion n’avait plus
d’utilité pour contre-balancer son influence et soulager indirectement les
États croisés. En outre, par la réussite de cette entreprise, qui aurait permis
à l’Empire de redevenir un voisin efficace des Francs d’Orient, Manuel
montait une sorte de croisade pour venir sauver les Francs qui restaient
dans une situation critque sous la menace de Saladin qui tenait l’Égypte.
Manuel fit fortifier Dorylée et Soublaion pour reprendre pied sur le plateau
anatolien et contrôler les nomades turcs. L’entreprise tourna court, lorsque
l’empereur et son armée furent surpris dans les passes de Myrioképhalon.
Manuel perdit tout son matériel de siège et une partie de ses troupes,
l’armée du sultan étant elle-même fort éprouvée. Cet échec marquait la fin
de tout espoir de reconquête des territoires turcs. L’armée byzantine restait
toutefois efficace, puisqu’elle fut capable l’année suivante de détruire une
grosse troupe turque envoyée dans la vallée du Méandre [Lilie, 190].
Manuel fut très attentif à ses devoirs de souverain. Il s’impliqua comme
peu d’empereurs dans les affaires de l’Église jusque sur des questions de
dogme, sans provoquer les réactions attendues pour ce type d’intrusion, et il
s’intéressa à la réforme des monastères, envers lesquels il se montra géné-
reux, surtout au début de son règne. Il réforma les tribunaux de Constanti-
nople pour accélérer les décisions et lutter contre la corruption.
En septembre 1180, Manuel mourut, laissant le pouvoir à son fils,
Alexis, trop jeune pour régner, et à son épouse Marie d’Antioche, nommée
régente. Le bilan de ce règne brillant a été fort discuté. D’aucuns, suivant
Nicétas Chôniatès, estiment que Manuel a surexploité les ressources de
l’Empire pour un résultat médiocre, puisque sa politique extérieure avait en
gros échoué tant en Occident [Lilie, 188] qu’en Orient. Paul Magda-
lino [192] a souligné l’injustice de ce jugement, car Manuel laissait à sa
mort un Empire riche et en paix ; il avait conclu des traités avec tous ses
voisins et, même en Italie, il gardait un grand nombre de partisans, dont
l’influente famille des Montferrat ; sa réputation en Occident et en Terre
sainte était excellente, ce dont témoigne l’Histoire de Guillaume de Tyr [73].

LE RAPIDE AFFAIBLISSEMENT SOUS LES ANGES

Les faiblesses du système mis en place sous les Comnènes se firent clai-
rement sentir. Tout reposait sur la capacité de l’empereur à se faire obéir
par ses proches et à les satisfaire. Or la régente Marie d’Antioche était
62 La formation et le développement de l’Empire médiéval

dépourvue, en raison de son origine latine, d’un réseau d’influence suffisant.


Un cousin germain de Manuel, Andronic, réussit à usurper le pouvoir, en
flattant les sentiments xénophobes d’une partie des Constantinopolitains et
au prix d’un terrible massacre des Latins de la capitale au printemps 1182.
Il fit sans doute empoisonner Marie, la fille de l’empereur Manuel, ainsi
que son époux Rénier de Montferrat. L’année suivante, il fit exécuter
Marie et étrangler Alexis II, ce qui entraîna à la fois les rébellions de
parents de Manuel et de nombreuses attaques des voisins de l’Empire dont
Manuel avait fait les garants de la sécurité de son fils. Les provinces d’Asie
soutinrent Jean Comnène, le domestique des scholes nommé par Manuel,
et subirent un châtiment sévère à Nicée et à Brousse reprises par
l’usurpateur, soutenu par les troupes d’Occident. Voyant en chaque proche
de Manuel un rival potentiel, Andronic élimina la majorité de la haute aris-
tocratie, privant ainsi l’armée impériale d’une grande partie de ses cadres.
Une première province, Chypre, fit dissidence sous l’impulsion d’un descen-
dant d’Alexis Ier, Isaac Comnène, qui s’y proclama empereur.
Sur le plan extérieur, Béla de Hongrie ouvrit les hostilités, mais
l’attaque la plus dangereuse vint des Normands qui, en 1185, débarquèrent
à Dyrrachion dont ils s’emparèrent sans coup férir et atteignirent rapide-
ment Thessalonique, qui tomba en août 1185. La route de Constantinople
était ouverte et la population inquiète suivit un arrière-petit-fils d’Alexis Ier,
Isaac Ange, réfugié à Sainte-Sophie, car Andronic avait décidé de le faire
exécuter. Isaac qui cherchait d’abord à sauver sa vie, encouragé par la
foule qui l’entourait, demanda la couronne. Andronic, revenu trop tard
dans le Palais, s’enfuit mais, rattrapé, il fut massacré en septembre 1085.
Le nouvel empereur, arrivé au pouvoir par le gré des circonstances,
n’inspira pas un grand respect et fut en butte à de nombreux soulèvements.
Le plus grave, celui d’Alexis Branas en 1187, faillit emporter la capitale,
sauvée par un contingent latin commandé par Conrad de Montferrat. Il fut
incapable de reprendre Chypre à Isaac Comnène sauvé par une flotte nor-
mande. Plus grave, les Bulgares commandés par les frères Pierre et Asen, sou-
tenus par des pasteurs nomades valaques, se soulevèrent en raison d’une fis-
calité excessive, et réussirent à plusieurs reprises à battre les Byzantins. Le
second Empire bulgare était fondé qui allait se développer sous la conduite de
Kalojan (cf. chap. XVII, p. 469). Les Turcs profitèrent de l’affaiblissement de
l’Empire pour reprendre leur avance en Anatolie, sans toutefois s’emparer
d’aucune ville importante. Ils trouvèrent parfois du soutien parmi la popula-
tion et aidèrent à leur tour de nombreux rebelles, dont le plus remarquable
fut Théodore Mankaphas qui, établi à Philadelphie, s’y fit couronner empe-
reur et frappa monnaie, sans pour autant marcher vers Constantinople.
Au printemps 1195, le renversement d’Isaac par son frère Alexis, que
les officiers de l’armée espéraient plus actif, ne changea pas la donne. Dans
Byzance entre les Turcs et les croisés (1057-1204) 63

les Balkans des chefs locaux devinrent plus ou moins indépendants, aggra-
vant la décomposition de l’Empire. Cependant, dans les premières années
du XIIIe siècle, les gendres de l’empereur, qui n’avait pas de fils, Alexis
Paléologue et Théodore Lascaris commencèrent à redresser la situation
militaire et maintenir l’autorité impériale sur tous les territoires peuplés de
Grecs.
Les relations avec l’Occident étaient plus difficiles depuis le massacre
des Latins de 1182, auquel avait répondu celui des Grecs par les Normands
à Thessalonique trois ans plus tard. Les Latins d’Orient, privés du secours
byzantin, depuis que la Cilicie arménienne avait pris son indépendance,
avaient finalement succombé devant Saladin et perdu Jérusalem en 1187
[Brand, 172]. Cette chute provoqua une nouvelle croisade à laquelle parti-
cipèrent les grands souverains d’Occident, Frédéric Barberousse, Richard
Cœur de Lion et Philippe Auguste. Très inquiet devant l’ampleur des forces
rassemblées, Isaac Ange négocia avec Saladin, fait qui, une fois connu, sus-
cita l’incompréhension en Occident.
Les rois de France et d’Angleterre voyagèrent par mer et gagnèrent
directement Acre. Richard, toutefois, s’empara au passage de Chypre aux
dépens de l’usurpateur Isaac Comnène qui avait maltraité des pèlerins
anglais en difficulté au large de l’île. Les négociations entre Frédéric Barbe-
rousse et Isaac Ange furent difficiles et les incidents graves se multiplièrent
lors du passage des croisés allemands à travers les Balkans. Certains, dans
l’entourage de Barberousse, lui conseillaient de s’emparer de Constantinople
pour mettre les ressources de l’Empire au service de la croisade et se débar-
rasser des Grecs, perfides et séparés de Rome. Isaac II, impuissant devant la
supériorité militaire de Barberousse, céda à toutes les exigences de
l’empereur germanique. Ce dernier traversa l’Anatolie en saccageant Konya
avant de se noyer en Cilicie, au printemps 1190 [Setton, 195, vol. I].

LA QUATRIÈME CROISADE

Sous Alexis III, des relations plus pacifiques furent rétablies avec les
villes italiennes et Venise se fit confirmer en 1198 le renouvellement de ses
privilèges, Gênes et Pise obtenant plus tard leurs propres traités. Le danger
le plus imminent venait de l’union de la Sicile et de l’Empire germanique
sous un même souverain, Henri VI, qui reprenait les revendications tradi-
tionnelles des Normands. Alexis III allait lui verser un énorme tribut, pré-
levé par un impôt spécial, l’alémanikon, quand Henri VI mourut en sep-
64 La formation et le développement de l’Empire médiéval

tembre 1197. La troisième croisade n’avait pas réussi à reprendre Jérusalem


et le pape Innocent III, très imbu de sa fonction, à peine élu en 1198, prê-
cha une nouvelle croisade. Il rencontra l’assentiment de grands barons, à
défaut de celui des souverains d’Occident occupés alors à se faire la guerre.
Il fallait trouver une flotte, car le but secret de l’expédition était de
s’emparer de l’Égypte. Venise était, à cette date, seule en mesure de cons-
truire l’escadre nécessaire et le doge, Henri Dandolo, négocia avec les chefs
croisés, dont Boniface de Montferrat, la somme correspondant au transport
de 35 000 hommes et de leurs chevaux, et proposa aussi une participation
vénitienne de 50 navires. À l’été 1202, les combattants réunis étaient moins
nombreux que prévu et ils ne disposaient que de la moitié de la somme
espérée.
Alexis III, informé des préparatifs, s’alarma vraiment lorsqu’il apprit
que son jeune neveu Alexis, fils de son frère renversé, s’était échappé de sa
geôle constantinopolitaine et avait demandé le secours des croisés pour
reprendre le trône paternel. L’empereur écrivit à Innocent III pour écarter
un tel projet. Le pape répondit qu’il ne soutiendrait pas le jeune homme,
en dépit des pressions d’une partie de son entourage, qui rappelait que
l’Église grecque refusait de se soumettre à Rome.
Dandolo réussit une première diversion de la croisade en promettant de
réduire la dette des croisés si ces derniers contribuaient à rétablir l’autorité
de Venise sur Zara, ville dalmate, objectif atteint en novembre 1202, non
sans une vive discussion préalable dans le camp croisé où un groupe de com-
battants préféra gagner directement la Terre sainte. Les chefs croisés accep-
tèrent finalement – une nouvelle fois contre l’avis d’une partie de l’armée –,
les propositions du jeune Alexis, qui se révélèrent irrésistibles lorsque ce der-
nier s’engagea à verser une énorme somme d’argent et à envoyer un gros
contingent en Orient, promesses irréalistes, mais le prétendant ignorait les
capacités réelles de l’Empire, comme sans doute ses interlocuteurs.
Alexis III, faute d’avoir entretenu une flotte, ne s’opposa pas au débar-
quement des croisés devant Constantinople en juin 1203. Cette nouvelle
déviation, soutenue, voire encouragée par les Vénitiens qui étaient excom-
muniés depuis l’affaire de Zara, fut formellement condamnée par Inno-
cent III. Alexis III commandait des troupes nombreuses et les murailles de
la capitale avaient arrêté tous les envahisseurs, mais il n’était pas sûr de
l’appui de la population. Après un premier échec, Alexis III abandonna sa
capitale où les habitants, pour éviter l’entrée de l’armée ennemie, sortirent
Isaac II de sa geôle, le remirent sur le trône, puis accueillirent son fils
Alexis IV en juillet 1203.
Le jeune empereur devait exécuter ses promesses, notamment finan-
cières, alors que les provinces, dans leur majorité, ne s’étaient pas ralliées à
lui et qu’Alexis III avait laissé un trésor vide. Ses ressources provenaient
Byzance entre les Turcs et les croisés (1057-1204) 65

soit de la confiscation des biens de ses adversaires politiques, soit des impôts
prélevés sur les Constantinopolitains, mesures qui le rendirent vite impopu-
laire, d’autant plus que tout cet argent semblait destiné aux Latins de plus
en plus détestés. À la suite d’une rixe, une grande partie de la ville partit en
fumée lors du terrible incendie qui ravagea le cœur de la capitale, en
août 1203, et l’hostilité contre les croisés en fut exacerbée.
Tout un parti, qui se regroupa dans la capitale autour d’Alexis Doucas
Mourtzouphlos, un cousin d’Alexis, était favorable à l’expulsion par la force
des Latins. Mourtzouphlos fit tuer Alexis IV et ouvrit les hostilités contre les
croisés. Ces derniers décidèrent de venger leur ancien protecteur et, consi-
dérant qu’aucun Grec n’était digne de régner, de prendre pour leur compte
Constantinople, décision révolutionnaire, en prévoyant à l’avance le partage
des provinces byzantines. Après un premier assaut repoussé le 9 avril, trois
jours plus tard, les croisés pénétrèrent dans la cité par les murailles mari-
times moins bien défendues, puis mirent à sac la ville la plus riche de la
chrétienté.
La déviation de la quatrième croisade reste un sujet discuté. On y a vu
le fruit de la préméditation machiavélique du doge Dandolo, qui se serait
vengé des sévices qu’il aurait subis en 1071. Si l’on observe le déroulement
des événements, en analysant les situations imprévues où se sont trouvés les
croisés et les décisions qu’ils prirent, il en ressort qu’il n’y avait pas de plan
préconçu pour se rendre vers Constantinople. La principale différence qui
caractérise la quatrième croisade par rapport aux précédentes est la désu-
nion des Grecs qui résulte de la présence d’un prétendant au trône au
milieu de l’armée latine. Par ailleurs, il est certain que les sentiments
d’hostilité réciproques entre Grecs et Latins s’étaient renforcés depuis la
mort de Manuel Comnène, rendant possible l’impensable : la prise de la
capitale des chrétiens grecs par leurs frères latins [Angold, 171 ; Urbs
Capta, 202].
D E UX IÈ M E PA R TIE

L e s i n s t i t utio n s d e l’Em p ire


C HA P I T R E I V

L’empereur et le Palais
PAR JEAN-CLAUDE CHEYNET

L’ E M P E R E U R E T S A F A M I L L E

LE CHOIX DE L’EMPEREUR

L’assassinat de Maurice par Phocas marqua un tournant dans la vie


politique de l’Empire en réintroduisant la violence dans la succession impé-
riale, au moment même où l’hérédité de la succession semblait à nouveau
possible, puisque Maurice était le premier empereur, depuis plus d’un
siècle, à avoir engendré plusieurs fils. Héraclius, plus heureux, réussit à
transmettre le pouvoir à sa descendance, non sans difficulté, car il laissait
des enfants de plusieurs lits. Au cours du VIIe siècle, le pouvoir se concentra
aux mains de l’empereur aux dépens de sa proche famille, notamment de
ses frères, auparavant associés au trône. Désormais, même si plusieurs co-
empereurs se maintenaient, seul le basileus autokratôr régnait effectivement.
Sans doute la légitimité du souverain, après que Dieu eut manifesté sa
préférence, continuait à reposer sur l’acclamation de l’armée, du Sénat et
du peuple, mais l’opinion s’habitua désormais à ce qu’au père succédât le
fils aîné, au point que les ultimes rejetons de la dynastie macédonienne,
deux femmes, Zôè et Théodora, ont détenu le pouvoir suprême, soit en y
associant un époux ou un fils adoptif pour la première, soit, pour la
seconde, en régnant seule jusqu’à sa mort. Cette évolution fut lente à se
dessiner et, longtemps, les empereurs prirent soin de couronner leurs héri-
tiers présomptifs à un âge tendre. La qualité de porphyrogénète, « né dans
la pourpre », fut un atout croissant pour hériter du pouvoir, car, selon les
rhéteurs officiels, le nouveau-né avait été distingué par Dieu dès la concep-
tion [Dagron, 207].
70 Les institutions de l’Empire

En même temps que se renforçait le sentiment légitimiste, subsistait


l’idée qu’on ne pouvait restreindre la liberté élective de Dieu, qui, en aucun
cas, ne saurait soutenir un empereur ne se conformant pas aux prescrip-
tions chrétiennes de philanthropie et d’équité ou déviant vers l’hérésie. Les
opposants à la politique impériale du moment guettaient les signes qui
attesteraient la colère divine : catastrophes naturelles, épidémies, guerres,
désastreuses lorsqu’elles conduisaient à la défaite des armées. L’interpré-
tation de ces signes n’était pas univoque et le peuple pouvait aussi être jugé
responsable de ses propres malheurs. La longue suite des échecs consécutifs
aux assauts des Arabes finit par entraîner la mise en cause même de l’ins-
titution impériale, notamment au tournant des VIIe et VIIIe siècles, lorsque
les empereurs ne se maintinrent sur le trône que quelques années. En fait,
les débâcles militaires n’emportèrent que rarement l’empereur en place : on
ne peut citer qu’un seul cas clair, celui de Michel Ier Rhangabé, conduit à
l’abdication à la suite d’une irrésistible avance victorieuse des Bulgares près
de la capitale. Les querelles religieuses des VIIIe et IXe siècles furent aussi
l’occasion de contester la légitimité impériale, leurs adversaires voyant dans
les souverains iconoclastes des hérétiques. Les défaites de Dazimôn et
d’Amorion ne furent pas sans nuire à la popularité de Théophile, ni étran-
gères à l’affaiblissement définitif de l’iconoclasme, qui avait pourtant repris
vigueur après l’échec des empereurs iconodoules et les victoires de Léon V.
Le système politique byzantin n’a donc jamais interdit la contestation
du pouvoir en place, car l’hérédité ne suffit pas à l’exercice du pouvoir,
puisque l’héritier, avec l’accord de Dieu, doit agir pour le bien commun.
C’est au nom de cette notion que le serment qu’avait prêté Eudocie
Makrembolitissa à son époux, Constantin X, à la demande de ce dernier,
fut cassé. La promesse que l’impératrice avait donnée de ne pas se remarier
résultait d’un sentiment personnel, la jalousie de l’empereur, et allait à
l’encontre des intérêts de l’Empire, qui réclamaient qu’Eudocie épousât un
talentueux général, Romain Diogénès, en raison de la menace turque. Les
sujets de l’Empire n’oubliaient jamais que si la fonction impériale était
sacrée, son détenteur restait un homme faillible et mortel. En même temps
que les insignes du pouvoir, le nouveau souverain recevait l’akakia, un
sachet de soie pourpre contenant de la poussière, qui était censé lui rappe-
ler sa condition de simple mortel [Pertusi, 211].
Lorsqu’un empereur, aux yeux de l’opinion, paraissait animé par des
motifs personnels ou des idées hétérodoxes, il se transformait en « tyran » et
dès lors, il était licite de s’opposer à lui, fût-ce par la force, à la tête d’une
armée, ou par un complot qui menait éventuellement à l’assassinat du
« tyran ». Le succès d’un usurpateur le légitimait ipso facto, même si nom-
breux furent les empereurs ainsi parvenus au pouvoir qui jugèrent utile de
consolider leur réussite par une propagande justificatrice [Cheynet, 461].
L’empereur et le Palais 71

Les efforts de Basile Ier et de son petit-fils Constantin VII pour justifier le
meurtre de Michel III, à l’origine de la dynastie macédonienne, influencè-
rent l’historiographie du Xe siècle qui noircit Michel III, non sans réussite,
minimisant les gains du règne, voire les attribuant à son successeur. La sou-
plesse du système autorisa l’élimination d’empereurs médiocres et la venue
au pouvoir de souverains énergiques à des moments cruciaux, tels que
Léon III face aux Arabes, Léon V confronté aux Bulgares, ou les généraux
Nicéphore Phocas et Jean Tzimiskès, placés aux côtés des jeunes Basile II et
Constantin VIII.
Sans aller jusqu’à la révolte ouverte, l’opposition aux empereurs en
place fut constante [Magdalino, 210], même si les sources n’en conservent
qu’un souvenir atténué, sauf à l’époque iconoclaste. Des indices suggèrent
en particulier qu’après un coup de force, le nouveau basileus n’était pas
accepté par les partisans du souverain évincé aussi facilement que les sour-
ces narratives, souvent rédigées à l’instigation du vainqueur, souhaitent le
faire accroire. Ce ressentiment prenait des formes diverses. Des libelles cir-
culaient dans le palais, annonçant parfois la mort prochaine du basileus. Des
dignitaires s’estimaient victimes d’un traitement injuste : Jean le Géomètre,
un proche de Nicéphore Phocas, attaque dans ses poèmes le grand Basile II
lui-même [Lauxtermann, 209]. Bien des souverains furent accusés de dila-
pider le Trésor pour enrichir leurs compagnons de débauche (Michel III)
ou entreprendre des constructions dispendieuses (Constantin IX). Jean
Zônaras a dressé un véritable réquisitoire contre Alexis Comnène : le souci
de la justice, le soin de ses sujets, le maintien des anciennes traditions de
l’État, telles sont les qualités qui conviennent à un empereur.
Mais [Alexis] cherchait à changer les anciennes traditions politiques et c’était
pour lui la plus urgente des tâches, il ne traitait pas l’État comme un bien com-
mun ou appartenant à tous, et il ne s’en considérait pas le gestionnaire, mais le
propriétaire... Il ne se souciait pas en tout de la justice, car l’essence de cette
vertu est d’accorder à chacun ce qu’il mérite. Il a dilapidé l’argent public, par
chariots, en faveur de ses parents et de certains serviteurs, leur a attribué de
grasses pensions et leur a permis de vivre dans l’opulence, de se constituer des
« maisons » plus dignes de rois que de simples particuliers et d’acquérir des
demeures plus grandes que des villes et d’une richesse qui ne les distinguait pas
des palais. Le reste des aristocrates ne connut pas une telle faveur.
L’institution impériale était frappée de faiblesses structurelles, en parti-
culier lorsque s’ouvrait une régence, qui provoquait un inévitable vide du
pouvoir. La santé des empereurs, pourtant favorisés par le soin que leur
prodiguaient les meilleurs médecins du temps, n’était guère plus satisfai-
sante que celle du reste des élites et bien des souverains moururent fort
jeunes, laissant des enfants mineurs. L’âge auquel un adolescent accédait au
pouvoir effectif nous paraît fort tendre, 14 ans en théorie. De fait, Cons-
72 Les institutions de l’Empire

tantin IV succéda à 16 ans à son père Constant II, mort à 36 ans, et lui-
même laissa la place à son fils Justinien II également âgé de 16 ans. La
régence était le plus souvent organisée par le souverain défunt et assumée
en principe par un conseil que l’impératrice, mère de l’héritier, dirigeait et
auquel participait le patriarche. En fait, toutes les régences, sauf celle de
Théodora, veuve de Théophile, aboutirent à des coups d’État, soit en
imposant des co-empereurs, lorsque la dynastie était solidement établie,
comme sous les Macédoniens, soit en éliminant l’héritier : Andronic Com-
nène fit exécuter successivement la veuve de son cousin Manuel, puis le
jeune Alexis II. À partir des Comnènes, comme dans le cas précédent, puis
sous les Lascarides et les Paléologues, la défense de l’héritier servit de pré-
texte aux princes étrangers pour intervenir dans les affaires de l’Empire.
À deux reprises, une femme régna comme empereur autokratôr, Irène
entre 797 et 802, puis Théodora en 1055-1056. Dans les deux cas, sans que
fût ouvertement contestée la légitimité des impératrices, la situation était
perçue comme anormale. Irène, qui avait éliminé l’héritier naturel du pou-
voir, Constantin VI, son propre fils, fut renversée sans grande difficulté par
un coup d’État palatin et Théodora, ultime héritière de la dynastie macédo-
nienne, ne dut qu’à la brièveté de son règne d’échapper à ce sort.
Les empereurs furent en majorité recrutés parmi l’aristocratie d’Asie
Mineure, et rares furent les candidats de modeste extraction qui accédè-
rent au pouvoir et purent en appeler au modèle davidique, tel Basile le
Macédonien.
Lorsque Dieu a désigné son lieutenant, l’armée, le Sénat et le peuple
– c’est-à-dire les habitants de Constantinople rassemblés à l’Hippodrome –
acclament l’heureux élu, l’ « oint du Seigneur ». Le patriarche n’intervient
donc pas dans ce choix et c’est déjà un basileus qu’il couronne à Sainte-
Sophie, à partir de Constant II en 641. Toutefois aucun empereur ne se
dispense d’une cérémonie qui souligne son alliance divine et son
orthodoxie, tout en manifestant son emprise sur la capitale (cf. chap. V).
Pour célébrer la cérémonie avec plus de solennité, les empereurs atten-
daient souvent l’une des grandes fêtes de l’année, Pâques ou Noël. Il n’y a
pas un modèle de couronnement, mais une adaptation aux circonstances,
selon qu’on honore un homme nouveau ou un héritier [Dagron, 206].

IMPÉRATRICES ET PORPHYROGÉNÈTES

Le choix de l’épouse qui allait solennellement s’unir au souverain ou à


l’héritier du trône, bénie par le patriarche à Sainte-Sophie lors de son
mariage, ne dépendait pas seulement de ses perspectives procréatrices, mais
L’empereur et le Palais 73

constituait un acte politique de premier ordre, dans la mesure où la belle-


famille du souverain en tirait puissance et donc influence ; le précédent
d’Artabasde, gendre de Léon III, qui faillit renverser son beau-frère Cons-
tantin V, marqua les esprits. Jusqu’au XIe siècle, les souverains, en quête
d’une épouse pour leur héritier, se tournèrent vers des aristocrates de leur
Empire, ne s’alliant qu’exceptionnellement à des princesses étrangères, tel
Constantin V uni à une princesse khazare, à une époque où l’on attendait
de ce peuple une alliance ferme contre les Arabes. Aux VIIIe et IXe siècles, le
choix s’opéra à plusieurs reprises sous la forme d’un concours qui réunissait
à Constantinople une brochette de jeunes aristocrates. Certains ont douté
de l’existence d’une telle compétition, mais cette forme de sélection permet-
tait sans doute d’éviter les affrontements entre factions de la cour et de
conjuguer symboliquement la légitimité dynastique à la légitimité élective,
comme l’a souligné G. Dagron [206, p. 68].
Constantin VII Porphyrogénète prétendait encore s’offusquer du
mariage entre Marie, petite-fille de Romain Lécapène, avec Pierre souve-
rain des Bulgares, une nation du Nord, ce qui aggravait le scandale, ou de
l’union future de son fils Romain II à une princesse occidentale et Vladimir
de Kiev dut à des circonstances exceptionnelles le consentement arraché à
Basile II de lui offrir la main de sa sœur, Anne. À partir de la seconde moi-
tié du XIe siècle, on note un changement significatif, car les souverains cher-
chèrent pour leurs fils presque exclusivement des princesses étrangères, cau-
casiennes ou occidentales, en raison des enjeux diplomatiques nouveaux.
Dans un premier temps, suivant l’exemple de Basile II, il s’agissait d’attirer
une puissance moyenne au service de l’Empire. Le fils de Constantin X,
Michel VII, s’unit à Marie d’Alanie. Leur propre fils, Constantin, fut fiancé
à Olympias, fille de Robert Guiscard dont on espérait le secours en Asie
Mineure. Alexis Comnène fit exception, car, heureux usurpateur, il épousa
Irène Doukaina pour renforcer son pouvoir par un rapprochement avec la
dynastie précédente, mais son fils Jean II prit pour femme une princesse
hongroise. Avec Manuel Comnène dont les deux épouses furent latines, le
jeu s’élargit aux nombreuses princesses impériales dont les unes constituè-
rent la plus belle des récompenses pour les meilleurs généraux de l’Empire
et dont les autres furent données à des souverains de second rang, suscepti-
bles toutefois de soutenir les intérêts de l’Empire : à deux reprises, les rois
de Jérusalem obtinrent la main d’une parente de Manuel. Puis finalement,
reflet du nouvel équilibre des forces, les mariages engagèrent des parte-
naires devenus quasi égaux : le jeune Alexis II épousant Agnès, fille du puis-
sant roi de France Louis VII, et Isaac II, Marguerite de Hongrie, fille de
Béla III, monarque le plus influent des Balkans à cette date.
En dehors des cas exceptionnels où elle assumait la réalité du pouvoir, au
titre de régente ou d’autokratôr, l’impératrice se devait d’être présente, en tant
74 Les institutions de l’Empire

qu’épouse du souverain, aux cérémonies auxquelles participaient les dames


de la cour, telle par exemple la réception des patriciennes à ceinture. Certai-
nes impératrices exercèrent une influence auprès de leur époux, qu’on
devine dans le cas d’Hélène, femme de Constantin VII, ou qui est reven-
diquée chez Irène Doukaina unie à Alexis Comnène. Elles intercédaient par-
fois en faveur des condamnés politiques : Théodosia plaida auprès de
Léon V la cause de Michel d’Amorion, qui échappa à son exécution pro-
grammée le jour de Noël et réussit la même nuit à assassiner l’empereur.
Certains usurpateurs épousèrent des filles de basileus ou des impératrices
veuves pour conforter leur légitimité : Michel II choisit en secondes noces
Euphrosyne, fille de Constantin VI, Nicéphore Phocas, Théophanô veuve
de Romain II, Romain Diogène, Eudocie Makrembolitissa veuve de Cons-
tantin Doucas...
L’intimité des princesses dans les appartements du palais était protégée
et surveillée par les eunuques du cubiculum. Les impératrices disposaient de
leur « maison », qui comportait entre autres un préposé à la table, et possé-
daient de grands domaines, leur offrant de confortables revenus. Théodora
se serait même aventurée à pratiquer le commerce lointain, provoquant
une mémorable colère de son époux, Théophile.
La naissance d’un prince était l’occasion de festivités pour les habitants
de Constantinople et le choix de son nom était en soi un programme, rele-
vant celui d’un illustre ancêtre de la dynastie ou celui du fondateur de
l’Empire chrétien, Constantin. Des usurpateurs n’hésitèrent pas à rebaptiser
leur fils aîné Constantin, tel Léon V. Les corps constitués, l’armée, le Sénat
ou les dèmes étaient parfois invités à choisir le prénom du nouveau-né par
des acclamations bien réglées à l’avance. Il s’agissait éventuellement de pré-
venir toute contestation de la future succession : le jeune Léon VI avait ainsi
pour parrain le corps des officiers du thème des Anatoliques [Dagron, 207].

DIRIGER L’EMPIRE

LA PROPAGANDE IMPÉRIALE

L’empereur excelle dans les vertus chrétiennes, la philanthropie, la


justice et l’humilité envers le souverain des cieux. Cette dernière qualité,
bien nécessaire à des souverains qui commirent souvent de graves fautes sur
le modèle biblique du roi David, s’exprime publiquement, confortant la
légitimité impériale. Léon VI (ou son père Basile, qui n’était pas moindre
L’empereur et le Palais 75

pécheur) s’est ainsi fait anonymement représenter, en proskynèse, sur


une mosaïque du narthex de Sainte-Sophie, en souverain exemplaire, la
Vierge intercédant auprès du Christ en faveur du suppliant [Dagron, 206,
p. 129-138].
A. Kazhdan a décelé un changement dans le modèle du bon empereur,
qu’il place au XIe siècle, avec l’arrivée au pouvoir des Comnènes [214]. Il
est indéniable que les empereurs de cette dynastie aimaient entendre les
rhéteurs souligner leurs qualités guerrières, mais cette valorisation de l’ex-
ploit sur le champ de bataille, en partie explicable par l’émulation avec les
chevaliers occidentaux, marque plutôt une simple inflexion, car le thème de
l’empereur pacifique et philanthrope se maintient simultanément. Théophy-
lacte de Bulgarie se félicite de ce qu’Alexis Comnène ait remporté une vic-
toire « non sanglante » sur les Petchénègues, à l’occasion du traité de paix
conclu avec eux. De même, Anne Comnène écarte de son père toute res-
ponsabilité dans le massacre des mêmes Petchénègues qui avait suivi leur
défaite au Lébounion. Aucun de ces thèmes n’est nouveau et tous appar-
tiennent au répertoire des rhéteurs de l’Antiquité, comme la lecture des
discours de Thémistios, pour ne prendre qu’un exemple, suffit à s’en per-
suader. L’art de l’orateur consiste à choisir les motifs en fonction de la per-
sonnalité de l’empereur et de l’image que ce dernier souhaite donner de lui.
La victoire légitime le pouvoir impérial, comme le note jusqu’à la cari-
cature un Arabe de la fin du XIe siècle, Marvazi :
Quand le roi (comprendre l’empereur) combat l’ennemi et retourne victorieux
et triomphant, sa position et sa place dans le royaume s’affirment. S’il lui arrive
d’être vaincu et de se montrer faible, il est renvoyé du pouvoir (cité par McCor-
mick [233], p. 131).
L’arrivée au pouvoir de Léon V aux dépens de Michel Ier, écarté d’un
commun accord par le patriarche, le Sénat et l’élite des officiers après les
défaites répétées face aux Bulgares, illustre à merveille cette observation.
Les empereurs disposaient de canaux variés pour diffuser leur propa-
gande. Citons, sans être exhaustif : les lettres envoyées dans les provinces à
l’occasion d’un grand événement, comme l’avènement d’un prince, les
introductions aux lois, les communiqués militaires, qui étaient lus à Cons-
tantinople et dont quelques-uns ont ainsi fourni la trame des chroniques du
règne de Jean Tzimiskès. Les hauts faits impériaux étaient parfois représen-
tés dans le palais, à la vue des visiteurs de marque : les iconodoules ont
accusé Constantin V de substituer aux images de la Vierge et des saints
celles de ses prouesses militaires.
76 Les institutions de l’Empire

LA DIPLOMATIE BYZANTINE

Si le basileus des Romains domine l’Empire chrétien universel, il doit


néanmoins définir ses rapports avec les autres princes chrétiens aussi bien
qu’avec les chefs païens ou musulmans [Byzantine Diplomacy, 220]. La diplo-
matie byzantine médiévale ne concédait, en principe, à aucun autre souve-
rain le titre de basileus, puisque, depuis la Translatio imperii, le seul maître de
la Nouvelle Rome avait droit à ce titre. Un faux pontifical datant probable-
ment de la seconde moitié du VIIIe siècle, la Donation de Constantin, fut reçu
favorablement à Constantinople car, en affirmant les prétentions tempo-
relles du pape, sous le prétexte que Constantin quittant Rome aurait laissé
les insignes impériaux au pape Sylvestre, ce texte justifiait l’absence d’un
empereur dans l’Ancienne Rome.
À deux reprises, en Occident, un rival prétendit relever le titre impé-
rial : Charlemagne en 800, puis Otton Ier en 962. La diplomatie byzantine
s’en inquiéta, non pas tant parce que le basileus de Constantinople visait à
l’exclusivité du titre qu’en raison des craintes que l’empereur en Occident,
maître de l’Ancienne Rome, ne cherchât à conquérir Constantinople ou à
tout le moins l’ensemble de l’Italie. De fait, des conflits surgirent à ce pro-
pos entre Charlemagne et Nicéphore Ier pour la possession de Venise, et
entre Nicéphore Phocas et Otton Ier qui fit campagne contre Bari et les ter-
ritoires byzantins d’Italie du Sud [McCormick, in McKitterick, 119, p. 366-
373]. Une fois les appréhensions byzantines calmées, un compromis fut
trouvé qui accordait aux intéressés le titre de basileus, sans mentionner le
nom des Romains dans la titulature, et Otton II épousa finalement une
princesse byzantine, Théophanô. Otton III, le fils issu de ce mariage, allait
épouser la porphyrogénète Zôè quand il mourut brusquement. La même
attitude prévalut à l’égard des Bulgares et de Syméon qui obtint par son
obstination de se voir accorder le titre de basileus des Bulgares.
Le basileus de Constantinople se considérait comme supérieur à tous les
rois, comme le père en quelque sorte dans une famille chrétienne idéale. En
réalité, la diplomatie byzantine prenait parfaitement en compte les rapports
de force, et lorsque le souverain correspondait avec le calife de Bagdad ou
celui du Caire, il scellait le document d’une bulle d’or d’un poids de quatre
nomismata, alors qu’il en accordait seulement trois au pape ou aux princes
arméniens. En somme, il reconnaissait au calife une sorte de parité, comme
auparavant au souverain perse, tandis que les roitelets du Caucase étaient
au mieux des clients dont on entretenait l’amitié par l’octroi de dignités,
mais qui devaient obéir aux ordres (kéleuseis) impériaux. L’empereur d’Occi-
L’empereur et le Palais 77

dent, dans cette parenté fictive, devenait le frère du basileus de Constanti-


nople, les rois, comme le chef des Bulgares, étaient ses fils, censés se com-
porter comme tels, respectueux et soumis.
Le pragmatisme domine l’action des diplomates byzantins dont
l’objectif premier fut toujours d’éviter autant que possible les conflits inu-
tiles. Les négociateurs byzantins tenaient compte des coutumes de la partie
adverse, donnant ainsi un autre exemple de souplesse. Ainsi, les Russes prê-
tèrent serment sur leurs dieux païens au Xe siècle. L’empereur Alexis Ier
accepta le serment de fidélité du Latin Bohémond en 1108, lui-même prê-
tant aussi serment, ce qui était inconcevable dans la tradition byzantine.
Autre exemple tout aussi étonnant, après un accord acquis en février 1190,
Isaac II et Frédéric Barberousse échangèrent des serments non pas directe-
ment, mais par leurs représentants.
Peut-on déceler des objectifs constants de la diplomatie impériale [She-
pard, 227] ? Les rhéteurs donnent souvent l’impression que le souverain
dont ils font l’éloge s’apprête à conquérir l’univers, alors que l’observation
des négociations réellement menées conduit à penser que l’Empire est
presque toujours en position défensive, cherchant seulement à reprendre les
territoires récemment perdus. Même en période d’expansion, les buts fixés
restent assez modestes. Lorsque Nicéphore Phocas négocie avec l’émir
d’Alep vaincu, il ne cherche pas à annexer la ville, mais à constituer un
État tampon ou lorsque Manuel Comnène riposte en Italie, il ne cherche
pas à reconstituer l’Empire de Justinien [Magdalino, 192]. Au reste, les
empereurs, s’ils disposaient des rapports des stratèges des frontières,
n’étaient pas toujours bien informés, comme le montrent les lacunes du De
administrando imperio de Constantin VII. Cependant, sous les Comnènes,
l’information circule beaucoup mieux, en partie grâce à l’expansion de la
navigation en Méditerranée.
L’action diplomatique s’affirma toujours comme l’alternative efficace et
nécessaire à l’emploi d’armées trop peu nombreuses. À la force des armes
étaient préférés la séduction de l’or et les titres impériaux, atout qui
s’affaiblit seulement dans les dernières décennies précédant 1204.

LES CÉRÉMONIES IMPÉRIALES

Les empereurs, à l’exception de Constant II, firent désormais de Cons-


tantinople leur capitale exclusive. Certains, tels Léon VI ou son fils Cons-
tantin VII, ne quittèrent guère la ville, sinon pour se rendre dans sa
78 Les institutions de l’Empire

banlieue bithynienne ou dans les palais suburbains le long du Bosphore,


tandis que d’autres, tels Basile II ou Alexis Comnène, qui conduisaient per-
sonnellement l’armée, résidaient des mois durant loin de la capitale, se fai-
sant accompagner dans leur camp par une partie du personnel administra-
tif. C’est à Constantinople que se manifestait l’éclat de la majesté impériale,
principalement par des cérémonies glorifiant l’éternelle victoire de
l’empereur, et c’est au Grand Palais que la mise en scène du pouvoir trou-
vait son décor le plus significatif. Ce serait une erreur de croire que les
cérémonies étaient figées dans un ordre immuable. Lorsque le besoin s’en
faisait sentir, de nouvelles fêtes étaient ajoutées : ainsi en fut-il pour la
Saint-Élie, le 20 juillet, une fête introduite par Basile Ier pour commémorer
la vision au cours de laquelle sa mère avait reçu du saint la prophétie du
futur règne de son fils.
En réalité, comme l’atteste le De cerimoniis, ouvrage conçu à l’initiative
de l’empereur Constantin VII, des procès-verbaux des cérémonies ancien-
nes étaient conservés et les empereurs retenaient les éléments qui leur sem-
blaient pertinents pour celles qu’ils projetaient.

LE GRAND PALAIS

Le caractère sacré du pouvoir impérial était mis en scène au Grand


Palais (cf. chap. XI, p. 259-260). Lorsque le souverain convoquait une
assemblée pour faire connaître une décision importante, il faisait, avant de
paraître, imposer le silence par des eunuques, les silentiaires. Léon III ren-
dit ainsi publique son adhésion à l’iconoclasme par le silention de 730.
Lorsque l’empereur était assis sur son trône dans l’une des salles de récep-
tion, dont la plus imposante, la Magnaure, comporte une abside où se
trouve le trône dit de Salomon, dominé par une représentation du Christ,
son interlocuteur ne s’adressait pas directement à lui. Le souverain était
salué par une proskynèse, geste qui va de la prosternation complète à la
simple génuflexion. Lorsque des ambassadeurs étrangers étaient reçus,
aux IXe et Xe siècles, des automates entraient en action pour les impression-
ner : lions rugissant, oiseaux chantant, tandis que le trône s’élevait dans les
airs, soustrayant l’empereur à la vue des courtisans. Tous n’étaient pas
dupes de cette mise en scène. L’envoyé du roi d’Italie Bérenger, Liutprand
de Crémone [204], averti à l’avance, refusa de se montrer impressionné,
selon le récit qu’il fit lui-même de son ambassade.
Sous les Comnènes, le Grand Palais restait en service pour une partie
des cérémonies officielles, mais les empereurs préférèrent s’établir au palais
L’empereur et le Palais 79

des Blachernes, au fond de la Corne d’Or. Les empereurs adoptèrent, par


calcul, une attitude moins solennelle à l’égard de leurs visiteurs occiden-
taux, tel Alexis vis-à-vis des chefs croisés, au scandale des courtisans.
Cependant il faut sans doute créditer Manuel Comnène de l’invention de la
prokypsis, une mise en scène qui soudainement et en pleine lumière faisait
apparaître l’empereur et sa famille, une fois levé le rideau qui les masquait
à la vue des spectateurs [Jeffreys, 234]. De plus, des poèmes du XIIe siècle
nous apprennent que les murs du palais des Blachernes étaient décorés de
scènes mettant en valeur les victoires des empereurs Comnènes ou leur
position exaltée de représentants de Dieu sur terre [Magdalino-
Nelson, 219].
Le Grand Palais était organisé comme les oikoi aristocratiques, mais sa
richesse fabuleuse, le nombre immense et la variété des serviteurs le pla-
çaient hors de toute comparaison. La garde du Palais était assurée par des
unités d’élite, mais aussi, pour impressionner les visiteurs et rivaliser avec la
cour califale, par des mercenaires recrutés en des pays lointains, la Kha-
zarie, le Ferghana, ou le Khurâsân... Enfin, l’abondance des eunuques don-
nait à la cour impériale son caractère le plus spécifique.
Deux moments privilégiés mettaient en scène la majesté impériale, l’un
de fréquence très irrégulière, le triomphe, l’autre, réglé par un calendrier
annuel, le banquet.
Lorsqu’une victoire importante, ou prétendue telle, était remportée, les
empereurs voulaient en démontrer la réalité par l’organisation d’un
triomphe à travers la ville. Ils l’accordèrent quelquefois à leurs généraux,
comme Nicéphore Phocas après la reconquête de la Crète, mais, le plus
souvent, les empereurs prenaient la tête de l’armée victorieuse. En tête du
cortège, Jean Tzimiskès et Jean II Comnène placèrent l’image de la Théo-
tokos, soulignant par là qu’ils étaient simplement les instruments de Dieu.
Plus traditionnellement, selon l’ancien modèle romain, les empereurs
posaient symboliquement le pied sur la nuque de leurs ennemis vaincus
(calcatio) devant le peuple assemblé à l’Hippodrome et faisaient défiler les
prisonniers de guerre, témoins involontaires du succès des armées byzanti-
nes [McCormick, 233].
Les empereurs réunissaient régulièrement les plus hauts personnages de
la cour, auxquels ils adjoignaient leurs hôtes de marque étrangers alors pré-
sents, quand ils n’organisaient pas le banquet en leur honneur, comme
pour la princesse russe Olga sous Constantin VII, en 946. Le moindre
détail était prévu, les dignitaires et les fonctionnaires se présentaient dans
leurs costumes officiels de soie de diverses couleurs, les empereurs se réser-
vant le monopole exclusif des vêtements totalement teints de pourpre. Ils
pouvaient offrir de petits coupons de tissus pourpres à ceux qu’ils voulaient
honorer, serviteurs fidèles ou hôtes de marque. La place de chacun était
80 Les institutions de l’Empire

déterminée par la taxis, c’est-à-dire l’ordre de préséance, la présence à la


table impériale marquant le plus grand des honneurs, puis la hiérarchie
descendante se marquait par l’éloignement progressif de cette table centrale
[Liutprand, 204 ; Malmberg, 235].

LES TITRES IMPÉRIAUX

LA COLLATION DES DIGNITÉS ET DES CHARGES

La position sociale des aristocrates et leur proximité par rapport à


l’empereur se manifestaient principalement par les titres qui leur étaient
octroyés. Ces titres dépendaient également des postes que le souverain leur
confiait. Plus lourde était la responsabilité, plus les titres étaient élevés,
même s’il n’y avait pas de parfaite corrélation entre les deux hiérarchies
[Oikonomidès, 28 et 240]. Le système n’était pas figé et évolua constam-
ment, souvent par transformation d’anciennes charges telles hypatos (consul),
protospathaire (à l’origine, un eunuque chef des gardes du corps), proèdre
(d’abord le chef du Sénat...), qui devinrent de simples dignités. Le souci du
respect de cette hiérarchie – supposée intangible, puisqu’elle est le reflet de
la hiérarchie divine, mais en fait mouvante – a donné naissance aux taktika,
documents établis par un spécialiste, l’atriklinès, dont le plus complet, celui
du Clétorologe de Philothée établi en 899 sous Léon VI, est conservé dans le
dossier du De Cerimoniis. Ce document règle aussi la préséance entre titu-
laires de la même dignité, les patrices pourvus d’une charge passaient avant
ceux qui en étaient dépourvus, les patrices eunuques l’emportaient sur les
patrices barbus. Plus concrètement, ces documents servaient également à
placer les invités aux banquets impériaux, selon le bon ordre de préséance
(taxis).
On peut distinguer trois phases dans la formation de cet ordre de pré-
séance. La première voit les dignités sénatoriales, apo hypatôn ou apo éparchôn,
décliner puis disparaître au profit des dignités impériales, entre les VIIe et
IXe siècles. Ensuite, très lentement à partir du Xe siècle, puis en s’accélérant
au cours de la seconde moitié du XIe siècle, les dignités se dévaluent et de
nouveaux titres apparaissent pour compenser l’affaiblissement des dignités
inférieures [Cheynet, 237]. Dans cette seconde phase, le nombre des bénéfi-
ciaires s’accroît considérablement et la distinction opérée entre les dignités
réservées aux hommes barbus et celles octroyées aux eunuques (proèdre, ou
vestarque, par exemple) s’efface progressivement, même si les dignités liées
L’empereur et le Palais 81

au service de la chambre impériale, ainsi celles de préposite ou de cubicu-


laire, restaient sans doute l’apanage des eunuques. Cette confusion s’étend
même à certaines fonctions : le parakoimomène peut être choisi, à partir
des Comnènes, parmi les parents de l’empereur, qui, à cette époque, ne
sont plus jamais eunuques.
Au XIe siècle, la collation des dignités, notamment celle de protospa-
thaire et des rangs supérieurs, a permis aux empereurs de récompenser des
hommes qui n’appartenaient pas aux échelons supérieurs de l’administra-
tion, mais à l’élite des commerçants, des banquiers et peut-être des artisans
spécialistes des productions de luxe. Ces derniers purent accéder au Sénat,
ce qui fut perçu comme une révolution scandaleuse par les anciens bénéfi-
ciaires. Ceux-ci accusèrent de démagogie les empereurs Constantin IX
Monomaque et Constantin X qui furent les plus généreux car ils voulaient
se concilier la population constantinopolitaine et sans doute renflouer les
caisses de l’État.
Alexis Comnène réforma la hiérarchie des dignités devenue inadaptée,
puisque le nombre excessif des bénéficiaires les dévaluait et ne permettait
plus de payer des rogai ; des dignités jadis prestigieuses comme celles de
magistre et de proèdre furent encore données mais à de modestes notables
provinciaux, avant de disparaître [Cheynet, 237]. Pour rendre à nouveau
visible l’élite impériale, le nouvel empereur créa de nouveaux titres. Il les
constitua autour du terme d’augustus, sébastos en grec, qui était jusque-là un
prédicat accompagnant la dignité impériale. Les premiers titres de sébastai
furent donnés pour gratifier la maîtresse de l’empereur en place, comme
Marie Sklèraina, liée à Constantin IX, quand il devint empereur en 1042.
Le titre de sébaste, qui apparaît déjà sous le règne de Michel VII, corres-
pond dès lors à l’échelon supérieur des dignités et, fait nouveau, devient
progressivement réservé aux seuls membres de la famille impériale des
Comnènes au point que, sous Manuel Comnène, un détenteur du titre de
sébaste est nécessairement un Comnène par naissance ou par alliance. Ce
n’est pas une totale nouveauté puisque, avant 1050, les plus hautes dignités,
celles de césar ou de nobélissime, étaient réservées à la famille impériale. Le
titre de sébaste sert à en former d’autres, comme celui de sébastocrator qui
désigne le frère de l’empereur régnant. Sous Manuel apparaît le despote,
autre dignité dont le nom vient aussi d’un prédicat impérial, qui désigne le
gendre de l’empereur, susceptible d’être appelé à régner, quand il n’y a pas
d’héritier mâle.
Les Comnènes ont imposé une conception familiale de la hiérarchie des
dignités qui ne dépend plus de la fonction exercée, mais de la proximité des
liens du sang avec le souverain. Les listes de dignitaires du XIIe siècle que
nous avons conservées, notamment lors des synodes réunis à Constanti-
nople, confirment un ordre de préséance uniquement fondé sur la parenté.
82 Les institutions de l’Empire

Il permet même de déterminer l’ordre des naissances, puisque le frère aîné


l’emporte sur le cadet, les neveux sont classés selon l’âge de leur père ou de
leur mère et sont eux-mêmes rangés en fonction de leur âge [Magda-
lino, 192]. À la fin du XIIe siècle, comme au siècle précédent, parallèlement
à la dégradation de la valeur de la monnaie d’or, les dignités connaissent
une nouvelle phase de dévaluation sous les Anges, lorsque des « épiciers »
deviennent sébastes.
Les dignités, viagères, sont attribuées par un brevet de l’empereur (axia
dia brabeiou) pour lequel l’impétrant doit verser des sportules aux autres
dignitaires. Les charges, appelées aussi axiai, sont accordées par un ordre de
l’empereur (axia dia logou).

Les dignités vers 7501


césar spathaire
nobélissime hypatos
curopalate apo hypatôn
patrice apo éparchôn
protospathaire

Les dignités vers 1060/1070


césar protovestès (post 1070)
nobélissime, vestès
curopalate illoustrios
protoproèdre, avant 1070 anthypatos
proèdre patrice
magistre dishypatos
protovestarque (post 1070) hypatos
vestarque protospathaire
spatharocandidat

Les dignités au milieu du XIIe s.


Dignités réservées à la famille impériale Autres dignités
despote, protonobélissime
sébastocrator, nobélissime
protosébaste protocuropalate
panhypersébaste, curopalate
sébastohypertatos
sébaste

1. Dans les tableaux les dignités sont données dans l’ordre hiérarchique décroissant.
L’empereur et le Palais 83

LA ROGA

Un traitement ou roga est versé non seulement aux fonctionnaires, mais


aussi aux dignitaires, dans le premier cas tant que le bénéficiaire est en
exercice et, dans le second cas, à titre viager, même si un doute subsiste
dans le cas où l’intéressé entre au monastère. Katakalon Kékauménos, bril-
lant général qui avait contribué à la victoire d’Isaac Ier Comnène, devenu
moine à la fin de sa vie, se plaignait de ne plus toucher sa roga de curopa-
late. A priori, cette réclamation semble impliquer que la roga aurait dû lui
être versée, mais elle ne l’était pas, soit pour punir politiquement le vieux
général, soit faute d’argent dans les caisses de l’État, puisque telle était la
situation sous Michel VII.
Les rogai pouvaient se cumuler. Elles étaient distribuées une fois l’an, à
Pâques. Pour toutes les rogai d’un montant égal ou supérieur à une livre d’or,
l’empereur en personne remettait son dû au fonctionnaire, soulignant ainsi le
lien personnel qui unissait le souverain aux grands serviteurs de l’État.
Les rogai étaient versées sous forme de bourses d’or ou apokombia et de pré-
cieux tissus de soie, et parfois d’autres articles de luxe, fabriqués sans doute
dans les ateliers du Grand Palais. Un complément en nature, sous forme
d’une rente en modioi de blé, était aussi octroyé. L’ambassadeur Liutprand de
Crémone assista à la cérémonie de l’année 950 [cf. chap. XII, p. 304-305].
Les fonctionnaires du sommet de la hiérarchie recevaient jusqu’à 40 livres
d’or qu’ils cumulaient avec la roga des hautes dignités qu’ils avaient également
obtenues. Nous ne connaissons qu’imparfaitement l’échelle des rogai accor-
dées aux différentes dignités, rogai qui semblent être restées stables au cours
des siècles, les empereurs préférant accorder une promotion plutôt que de
bouleverser le niveau des rémunérations. Le titre de protospathaire, le pre-
mier à ouvrir les portes du Sénat, rapportait une livre d’or par an.

LA VENTE DES DIGNITÉS ET DES CHARGES

Nous avons vu que l’empereur nomme, en principe, les titulaires des


charges. Toutefois, les sources témoignent, à plusieurs reprises, d’un affer-
mage des fonctions, notamment fiscales, en temps de difficultés financières.
Il semble qu’aux VIIe et VIIIe siècles, les charges de commerciaires, qui
avaient pris une dimension économique considérable, aient été attribuées
par adjudication à un petit nombre de très riches personnages proches des
empereurs [Brandes, 640]. Aux XIe et XIIe siècles, les exemples d’affermage
84 Les institutions de l’Empire

se multiplient, avec des résultats parfois malheureux. Si les percepteurs en


furent, comme par le passé, les principaux bénéficiaires, puisqu’ils avaient
la possibilité de retrouver et de dépasser leur mise de fonds – encore qu’on
connaisse des échecs qui ruinèrent certains –, la vénalité des charges s’est
étendue à l’armée. L’Arménien Pankratios (Bagrat) obtint le gouvernement
de l’Arménie avec Ani, sans demander de salaire en contrepartie, mais per-
dit rapidement cette ville face aux Turcs, faute d’avoir consacré assez de
ressources à sa défense.
Les dignités constituèrent également un placement pour les Byzantins
fortunés [Lemerle, 630 ; Oikonomidès, 239]. Il leur était possible d’acheter
un titre en versant un capital important et d’en toucher les revenus à titre
viager. Les empereurs furent d’abord réticents à vendre des dignités sénato-
riales, puis, au cours du XIe siècle, ce scrupule fut oublié et la vente devint
massive, en fonction des besoins du Trésor public, au point que l’abondance
du capital disponible aurait provoqué une baisse du rendement de 7 nomis-
mata par livre à 6 seulement. En vendant les dignités, l’État gagnait une forte
somme en numéraire, qui rentrait immédiatement dans les caisses, et l’ache-
teur, outre le prestige encore attaché aux titres impériaux, gagnait l’assu-
rance d’une rente annuelle élevée et d’un montant déterminé à l’avance. Les
dignités étant viagères, leur rapport dépendait donc de l’espérance de vie du
détenteur, mais on observe, au XIe siècle, que la dignité était considérée
comme un capital liquide qui pouvait se transmettre, une fois au plus, voire
constituer la partie d’une dot [Guilland, 238].
Le système traditionnel des rogai payées annuellement par l’empereur n’a
pas survécu à la crise du nomisma. Nicéphore III Botaneiatès, qui avait distri-
bué avec prodigalité les dignités les plus élevées fut incapable de verser les
rogai correspondantes. L’évolution du milieu du XIe siècle, qui avait vu le
développement de l’affermage des fonctions, offrait une solution simple, la
généralisation de cet affermage, qui évitait à l’État de reconstituer une admi-
nistration nombreuse que ses moyens financiers, du moins sous Alexis Com-
nène, ne lui permettaient plus de rétribuer après la perte de la majeure partie
de l’Asie Mineure et les ravages subis par celle qui avait été reconquise.

LA COUR

Autour de l’empereur vivaient en permanence vraisemblablement quel-


ques milliers de courtisans et de serviteurs. Ce milieu spécifique ne se
confond pas, même s’il la recoupe, avec l’administration centrale et se sub-
L’empereur et le Palais 85

divise en de nombreux sous-groupes. C’était un milieu très divers et qui ne


peut guère se comparer aux cours européennes postérieures, qui avaient
élaboré un véritable mode de vie de cour [Byzantine Court Culture, 236 ;
Magdalino, 192]. Le plus influent de ces groupes était formé par les favoris
de toute condition que l’empereur réunissait autour de lui pour gouverner,
mais aussi pour participer à ses plaisirs et à ses divertissements. Il incluait
souvent des parents du souverain et sous les Comnènes il s’en distinguait à
peine. Cette situation était sans doute un peu moins nouvelle que certains
historiens (ex. Kazhdan [424 ; 808]) l’ont affirmé, car dès le VIIIe et le
IXe siècle, la parenté impériale dominait la cour. Ce fait était en partie mas-
qué parce que les chroniqueurs notaient moins systématiquement cette rela-
tion de parenté, puisqu’elle n’était pas encore une condition nécessaire de
l’ascension sociale comme elle le devint sous les Comnènes.
Les proches de l’empereur partageaient évidemment sa table et pou-
vaient accéder directement à sa personne, ce qui leur conférait un pouvoir
éminent. Une partie d’entre eux, bien entendu, occupaient les plus hautes
charges de l’Empire, mais on rencontrait aussi de hauts dignitaires sans
affectation.
Les femmes étaient présentes à la cour, mais en position secondaire, car
elles ne participaient pas à toutes les cérémonies. Toutefois, la présence
d’une impératrice était requise pour le fonctionnement régulier de la cour,
puisque Léon VI, alors veuf, s’était résolu pour cette raison à proclamer sa
fille impératrice. Les femmes devaient leur position à celle de leur époux qui
leur conférait indirectement leur dignité. La magistrissa n’était que l’épouse
d’un magistre. Un seul titre était réservé aux femmes, celui de patricienne à
ceinture, et il était distribué avec une grande parcimonie [Oikonomidès, 28].
De nombreux étrangers étaient également présents à la cour impériale.
Parmi ces étrangers, il faut noter la présence de jeunes princes des pays
limitrophes de l’Empire, accueillis pour être élevés dans l’admiration de
l’ordre byzantin, mais servant aussi d’otages. Leur présence garantissait que
leurs parents n’agresseraient pas les Byzantins. Syméon, futur maître de la
Bulgarie, avait ainsi séjourné à Constantinople. Des fils de famille venant
des provinces étaient aussi intégrés dans les hétairies du palais où ils étaient
élevés pour devenir de futurs officiers dans un esprit de loyauté envers le
souverain qu’ils avaient la possibilité de rencontrer en personne. Les prison-
niers de guerre de marque étaient aussi reçus au palais impérial et pou-
vaient à l’occasion converser avec le souverain. Enfin d’autres étrangers
venaient chercher fortune à Byzance, des Varanges, comme Harald, le
futur roi de Norvège, des Arméniens, des Géorgiens, ou encore des Latins,
en grand nombre à partir du XIe siècle. Manuel Comnène se vit reprocher
d’être trop influencé par les Latins tant ceux-ci étaient nombreux dans son
entourage et pas seulement à titre de soldats.
86 Les institutions de l’Empire

LES EUNUQUES

Les eunuques, déjà bien attestés à l’époque protobyzantine, commencè-


rent à jouer un rôle politique majeur lors du développement du cubiculum
impérial [Guilland, 238]. Ils étaient concentrés à Constantinople et tout
particulièrement au palais, même si en province de hauts personnages, à
l’imitation de l’empereur, disposaient de leur propre cubiculum. Leur recrute-
ment, longtemps venu des pays étrangers puisque la loi chrétienne interdi-
sait la castration volontaire, s’est modifié après le VIIe siècle, lorsque l’Asie
Mineure et tout particulièrement la Paphlagonie fournirent le gros des
eunuques impériaux [Ringrose, 241]. En effet, des parents n’hésitèrent pas
à faire castrer illégalement leurs propres enfants, espérant pour eux une
brillante réussite qui rejaillirait sur le reste de la famille. L’exemple de la
dynastie paphlagonienne illustre la justesse de ce calcul : l’eunuque Jean,
remarqué par Basile II, devint le principal conseiller de Romain Argyre,
obtenant la charge d’orphanotrophe, puis il introduisit son jeune frère
Michel ; ce dernier séduisit l’impératrice Zôè, qui l’épousa en 1034, lui
offrant le trône.
En règle générale, le crédit des eunuques s’estompait quand l’empereur
était d’humeur guerrière, car les officiers les regardaient avec un certain
mépris, même si bien des eunuques conduisirent des troupes à la victoire,
mais ils étaient plus souvent vus dans les camps comme des sortes de com-
missaires politiques. Lors du règne d’empereurs casaniers comme Léon VI,
ou plus encore lors des régences, ils occupaient une place plus voyante,
puisqu’ils étaient perçus comme des hommes de confiance pouvant aider au
gouvernement sans pouvoir prétendre régner. Ainsi Théodora, veuve de
Théophile, gouverna de longues années avec l’appui du logothète Théoc-
tiste, un eunuque. Plus tôt, l’impératrice Irène s’était entourée d’eunuques,
avant et surtout après avoir écarté son fils Constantin VI. Sous les Com-
nènes, imprégnés des traditions militaires et peut-être influencés par
l’Occident hostile à la castration, les eunuques passent à l’arrière-plan poli-
tique, mais les empereurs, y compris Manuel, continuèrent à leur confier
des missions diplomatiques. Il faut attendre l’époque nicéenne pour qu’ils
disparaissent de la cour.
Aucune charge n’était fermée aux eunuques, sinon celle d’empereur.
Des eunuques devinrent patriarches (Ignace), commandèrent des armées,
dirigèrent les services fiscaux... Léon VI, dans un souci d’humanité, leur
accorda le droit d’adopter des enfants. On les supposait cependant moins
L’empereur et le Palais 87

enclins à constituer de puissants clans familiaux, même si les eunuques issus


de la filière paphlagoniennne exercèrent entre les IXe et XIe siècles une
influence intermittente, mais considérable.
La hiérarchie (taxis) des eunuques leur était propre et, aux IXe et Xe siè-
cles, certaines fonctions et dignités leur étaient réservées. Ils servaient dans
les appartements privés de l’empereur et de son épouse. Le parakoimomène
veillait personnellement sur la chambre impériale, en assurant la sécurité, et
par ses activités approchait constamment le souverain. Le plus fameux,
Basile, bâtard de l’empereur Lécapène, fut le parakoimomène de plusieurs
empereurs et gouverna, seul, l’Empire entre 976 et 985 pour le compte de
ses petits-neveux. Les préposites et les cubiculaires le secondaient, ainsi que
les serviteurs approchant le couple impérial, le préposé à la table, le pin-
cerne ou échanson, le papias ou concierge, le nipsistarios qui présentait le bas-
sin où les souverains se lavaient les mains...
La castration était prohibée dans l’Empire et Léon VI avait renouvelé
cette interdiction (nov. LX), autorisant toutefois la castration pour raison
médicale, ce qui ouvrait la porte à des abus. Depuis que les pays du Cau-
case, qui fournissaient à la haute époque la plupart des eunuques, avaient
été séparés de l’Empire par les invasions arabes, le recrutement provenait
pour l’essentiel du territoire impérial. On utilisait, bien sûr, les eunuques
naturels, mais on pratiquait aussi la castration. Le taux de perte engendré
par cette mutilation est discuté, mais l’enjeu en valait la peine, car une
famille dont un enfant devenait eunuque et recevait, si elle en avait les
moyens, une éducation adéquate, nourrissait l’espoir de s’introduire aux
plus hauts échelons de la cour et de bénéficier des largesses impériales. Cet
espoir n’était pas vain : l’empereur Michel VI Bringas était apparenté à
Joseph Bringas, parakoimomène sous Romain II. De même, nous l’avons
vu, l’orphanotrophe Jean réussit à placer son frère Michel sur le trône. Les
eunuques étaient donc issus de toutes les couches sociales.
C HA P I T R E V

Les institutions de l’Église byzantine


PAR MARIE-HÉLÈNE CONGOURDEAU
ET BERNADETTE MARTIN-HISARD1

En occupant dès le milieu du VIIe siècle la Palestine et Jérusalem, la


Syrie et Antioche, l’Égypte et Alexandrie, les Arabes placèrent sous leur
autorité trois des sièges patriarcaux d’Orient. Rome, de plus en plus isolée
par les invasions lombardes et slaves, échangea au milieu du VIIIe siècle la
domination byzantine pour la domination carolingienne. Constantinople
resta donc bientôt le seul siège patriarcal en terre byzantine et installa son
autorité sur les Balkans. Plus que jamais, le destin de son Église, devenant
au sens plein l’Église byzantine, se lia à celui de l’Empire et en épousa les
fluctuations. La fin des grands débats christologiques au milieu du IXe siècle
marqua aussi la fin des conciles œcuméniques, expression de l’universalité
de l’Église. Au foisonnement intellectuel et aux exclusions de l’époque dite
conciliaire succède pour Constantinople le temps d’une gestion qui voit le
patriarche, épaulé par un clergé patriarcal qui s’est développé, tenter d’ac-
compagner l’évolution de la société et de répondre à ses interrogations en
prenant appui sur les métropolites du synode permanent : c’est l’époque
synodale que l’on peut encore appeler l’époque de l’Orthodoxie. Liturgie,
droit canon appliqué dans un esprit d’économie plus que d’acribie, traque
frileuse de l’hérésie modèlent le visage d’une Église dont le rayonnement
dépasse les frontières, mais dans laquelle se réalise difficilement l’équilibre
des pouvoirs. De plus en plus distincte de l’Église de Rome qui se construit
dans un autre contexte en s’émancipant des pouvoirs laïques et en affir-
mant sa catholicité, mais toujours en communion et en dialogue avec elle
comme avec les autres patriarcats, l’Église de Constantinople est et
demeure une Église impériale.

1. Bernadette Martin-Hisard a rédigé les pages 89-96 et 99-110. Marie-Hélène Congourdeau a


rédigé les pages 96-99 et 110-124.
90 Les institutions de l’Empire

LE PATRIARCAT

LE RESSORT DU PATRIARCAT (VIIe-XIIe SIÈCLE)

En 640 le ressort du patriarcat de Constantinople correspondait aux


trois diocèses civils qui lui avaient été impartis au Ve siècle. Organisé en un
réseau de 33 provinces métropolitaines ou éparchies et comptant 26 arche-
vêchés autocéphales, c’est-à-dire des évêchés sans suffragants rattachés
directement à Constantinople, il était essentiellement anatolien, car, par le
nombre et l’antiquité de leurs sièges, l’Asie et le Pont pesaient d’un poids
bien plus lourd que la Thrace réduite à cinq éparchies. À l’exception de la
Thrace, le siège de Rome qui était toujours dans l’Empire avait dans sa
juridiction l’ensemble de la péninsule des Balkans, alors connue sous le nom
d’Illyricum [Bavant, NC 1 avec carte p. 305].
Cette région était divisée en un Illyricum occidental, de tradition essentiellement
latine, qui fit partie de l’Empire d’Occident, et un Illyricum oriental rattaché
administrativement à Constantinople ; mais sur le plan ecclésiastique l’Illyricum
garda son unité sous la houlette de Rome dont le primat s’affirma au Ve siècle
par le vicariat de son autorité, confié à l’évêque de Thessalonique.

Le décr et de Léon II I
Au début du VIIIe siècle, l’empereur usant de ses droits [Michel, 304]
prit une double mesure, de transfert à la juridiction ecclésiastique de Cons-
tantinople des églises d’Illyricum oriental (Dacie et Macédoine) et de ratta-
chement au fisc impérial des patrimoines pontificaux de Sicile et de
Calabre, ce qui impliquait le rattachement de leurs Églises à la capitale. La
perte des décrets impériaux nous prive de la connaissance de leur date, de
leur contenu exact et de leurs motivations ; la meilleure expression des faits
se trouve en 860 sous la plume du pape Nicolas Ier, revendiquant le réta-
blissement du vicariat ecclésiastique de Thessalonique et la restitution de
son patrimoine italien.
Léon visait peut-être à conforter par le biais ecclésiastique l’autorité de
l’Empire sur des territoires que l’expansion slave d’une part, les Lombards
de Bénévent et les Arabes de l’autre séparaient de Rome. Dans les Balkans,
il ne semble pas que l’Illyricum occidental ait été en cause bien que se soit
posée plus tard la question de l’épiscopat dalmate ; du côté italien, les
Les institutions de l’Église byzantine 91

autres possessions byzantines, comme Naples ou Ravenne, ne furent pas


concernées, malgré une possible tentative à Naples. Les décrets de Léon III
avaient des conséquences pratiques différentes dans les deux cas concernés.
En Illyricum, le transfert touchait juridiquement l’existence d’un vicariat
romain à Thessalonique, mais sa suppression laissait entier un réseau
d’éparchies, déjà constitué en terre hellénophone. En Italie au contraire, les
Églises de Sicile et de Calabre ayant Rome pour unique métropole au sein
de la province d’Italie suburbicaire, leur rattachement passait par la défini-
tion de métropoles nouvelles, voire d’archevêchés autocéphales, et par
l’éventuelle fondation d’évêchés dans les zones nouvellement hellénisées.
L’état des sources ne permet pas de suivre concrètement l’entrée en
application du décret, mais son effet est déjà perceptible en 787 et s’affirme
clairement au début du Xe siècle.

La t axis de 901-905
Nous n’avons pas de listes épiscopales officielles, à l’exception de la taxis
de 901-905 rédigée sous Nicolas Mystikos et Léon VI, qui fournit une liste de
51 métropoles. L’Orient garde sa prééminence tant dans le nombre de
métropoles (33 sièges) que dans celui des archevêchés autocéphales (31
sur 50) ; mais parmi les 19 archevêchés nouveaux institués par la taxis, 6 sont
en Occident (Rhousion, Nikè, Brysis, Serres, Karabizyè, Corfou), un encore
plus à l’ouest, en Italie (Otrante) et 3 en Crimée (Gotthie, Sougdia, Phoulloi).
On constate ainsi l’incorporation des métropoles des Balkans et la créa-
tion d’une structure métropolitaine en Sicile et en Calabre. On note aussi
dans les territoires occupés par les Bulgares et les Serbes la disparition des
éparchies de l’ancien diocèse de Dacie, de Mésie et de Scythie et d’autre
part une évolution dans les régions pontiques où le développement de la
Crimée compense la disparition de l’archevêché de Zichie et de l’éparchie
de Phasis dont le nom (la Lazique) est transféré à la nouvelle métropole de
Trébizonde.
On notera enfin que l’apparente tendance à faire coïncider territoire
impérial et territoire patriarcal de Constantinople que suggérait le décret de
Léon III ne se confirme pas, puisque aucune éparchie constantinopolitaine
n’est mentionnée dans le territoire des nouveaux thèmes de Dalmatie et
surtout de Langobardie dont les titulaires sont des Latins et dont les Églises
dépendent ecclésiastiquement de Rome, même si l’empereur se réserve le
droit d’intervenir au niveau des circonscriptions.
Le patriarcat de Constantinople ressort transformé par cet équilibre
nouveau entre Orient et Occident. Au lieu d’une soixantaine d’évêques,
essentiellement orientaux, c’est maintenant un corps d’une centaine qui,
92 Les institutions de l’Empire

sous la juridiction immédiate du patriarche, encadre la plus grande partie


de l’Empire. Le territoire ainsi couvert a une certaine cohérence sur le plan
linguistique – le grec est en voie de s’imposer partout – et dogmatique : il
est globalement peuplé d’orthodoxes et les vains efforts de Photius pour
ramener l’Église d’Arménie et son catholicos dans le giron de Constanti-
nople n’y ont rien changé [Mahé, HC 4].

Les évolu tion s des Xe-XIIe si ècl es

Le réseau métropolitain et archiépiscopal est remanié par l’empereur


qui en a le droit [Michel, 304] en fonction de l’expansion ou de la rétrac-
tion du territoire de l’Empire. Il est possible de confronter les nombreuses
notices épiscopales, qui n’ont aucun caractère officiel et qui sont incom-
plètes, de plus difficiles à dater, reflétant plus ou moins correctement la réa-
lité, aux listes de présence provenant des réunions synodales bien datées qui
se multiplient aux XIe et XIIe siècles. Le contrôle à un moment précis de
l’exactitude d’une partie des informations des notices est ainsi rendu pos-
sible [Darrouzès, 29 ; Ohme, 254].
Le Xe siècle, siècle d’expansion, a vu peu de changements, sinon la créa-
tion de la métropole de Keltzénè, et la promotion d’une série d’archevêchés
en métropoles, les uns en Orient (Amastris, Chônes, Colonée) où fut égale-
ment promu l’évêché de Pompeioupolis, les autres en Occident : Otrante
(créée en 968), Thèbes, Serres ; ces promotions sont signe d’une emprise
locale accrue. Au XIe siècle, le nombre de métropoles s’accrut considérable-
ment, avec la promotion de 20 sièges archiépiscopaux ou épiscopaux à des
dates rarement connues, parmi lesquelles on notera les métropoles d’Alanie
et de Russie.
La promotion en métropole d’Attaleia en 1083-1084 fut la dernière
d’un mouvement qui s’était intensifié au début du règne d’Alexis et provo-
qua la réaction des métropolites, privés du territoire de leurs anciens suffra-
gants ; un long tome synodal promulgué par le patriarche Nicolas III
démontra à Alexis Ier sur la base des canons et des lois que ses fondations
qui séparaient des évêchés de leurs métropoles étaient abusives. Prenant
acte de cette protestation mais sans revenir sur ses créations, Alexis promul-
gua en 1087 un décret impérial [Dölger, 48] dans lequel il admit que toute
nouvelle fondation devrait résulter d’un accord entre l’empereur et le
patriarche en son synode. Un net ralentissement du mouvement de fonda-
tion s’ensuivit, mais le dernier quart du XIIe siècle témoigne d’un regain des
promotions.
Ainsi le ressort du patriarcat de Constantinople, issu de la réforme de
Léon III, est resté globalement stable, sauf en Italie où la conquête nor-
Les institutions de l’Église byzantine 93

mande replaça les Églises de Calabre et de Sicile dans le giron de l’Église


romaine. En revanche il a connu une évolution de son découpage interne.
Les rétractions territoriales en Orient n’ont pas fait disparaître les circons-
criptions dont beaucoup de titulaires, toujours nommés, se retrouvèrent à
Constantinople. Il faut enfin souligner une transformation dont les effets
n’ont pas encore été appréciés : les réformes administratives de l’Empire,
notamment le développement des thèmes, ont mis fin au parallélisme des
circonscriptions politiques et ecclésiastiques.

Le patr iar cat et les Égli ses n at i on al es

Durant cette période, et surtout à partir de la fin du IXe siècle, la forma-


tion de l’État bulgare, construit sur un territoire enlevé à l’Empire, et sa
conversion au christianisme posèrent le problème du rattachement ecclésial
des évêchés apparus ou recréés dans des régions dont certaines avaient
relevé du patriarcat de Constantinople et d’autres de Rome (Hannick,
HC 4). La possibilité de création de patriarcats nouveaux, distincts des cinq
patriarcats canoniques, commença alors à être envisagée. Les Bulgares pri-
vilégièrent dès la fin du IXe siècle la solution du patriarcat dit autocéphale,
c’est-à-dire dont le chef était choisi localement sans intervention du
patriarche de Constantinople, formant ainsi une Église nationale. Après
l’annexion de la Bulgarie en 1018, le patriarcat fut supprimé et transformé
en un archevêché, ayant son siège à Ochrida, auquel Basile II affecta de
nombreux évêchés et qui fut bientôt tenu par des Grecs ; les plus éminents
furent l’ancien chartophylax Léon (1037-1055) auquel est attribuée la fameuse
lettre à Jean de Trani de 1053 et l’ancien diacre de Sainte-Sophie, Théo-
phylacte (v. 1082 - apr. 1125) [Angold, 260].
La question d’une Église nationale se posa aussi pour la Russie, officiel-
lement convertie à la fin du Xe siècle, mais en dehors des limites de
l’Empire byzantin. La solution fut ici aussi celle d’un archevêché établi à
Kiev auquel furent rattachés dix suffragants et qui dépendait de Constanti-
nople [Vodoff, 326]. Dans les deux cas, bulgare et russe, indépendamment
ou au-delà de l’appartenance juridique au patriarcat de Constantinople, la
traduction en langue slave des textes fondamentaux du christianisme
orthodoxe par Cyrille et Méthode assura le rayonnement de l’influence
byzantine. Une dernière Église nationale fut rattachée au patriarcat, l’Église
caucasienne d’Alanie, dont le nom apparaît dans les notices épiscopales.
94 Les institutions de l’Empire

LE PATRIARCHE

Le patriarche, bénéficiant de l’affaiblissement des patriarcats orientaux


et de l’éloignement politique du pape, conforta son statut d’interlocuteur
privilégié de l’empereur pour toutes les affaires de l’Église. S’appuyant sur
le clergé de Sainte-Sophie, dont les fonctions se précisèrent et se développè-
rent, son importance s’accentua dans l’Empire de plus en plus centralisé à
partir du XIe siècle.

La titu latu r e
Évêque de Constantinople, le patriarche occupait un siège dont les
titres, d’origine conciliaire, furent rappelés par le concile in Trullo :
Renouvelant la législation des 150 pères qui se sont réunis dans cette ville impé-
riale gardée de Dieu (= Constantinople I, 381) et des 630 qui se sont rassemblés à
Chalcédoine, nous décrétons que le siège de Constantinople jouira des mêmes
privilèges (presbeia) que le siège de l’ancienne Rome et obtiendra dans les affaires
ecclésiastiques la même grandeur que lui, venant en second après lui (canon 36).
À cette définition, toujours rejetée par Rome, tentera de se superposer
une définition apostolique, fondée sur la légende de l’apostolat d’André
[Dvornik, 281]. Plus tardivement, au XIIe siècle, une lecture nouvelle de la
Donation de Constantin par Balsamon permettra de revenir à d’autres aspects
historiques [Spiteris, 319 ; Angold, 260], qui conduisirent vers 1200 le
patriarche Jean X Kamatèros à revenir aux origines chrétiennes de Cons-
tantinople et de l’Empire.
La titulature du patriarche fait intervenir le qualificatif d’œcuménique
qui sous Photius devient de règle dans le protocole pour s’adresser à Sa
sainteté, mais continue à faire problème avec le pape. Cérulaire le premier
le fera figurer sur ses sceaux [Laurent, 41, V . 1, no 16] qui portent la for-
mule désormais adoptée : « Par la grâce de Dieu archevêque de Constanti-
nople, la nouvelle Rome, et patriarche œcuménique ».

L’élection

Le mode d’élection, jusqu’alors identique à celle d’un métropolite, se fit


plus précis, aboutissant à une procédure bien décrite dans le Livre des Cérémo-
nies (II, 14 et 38). Les canons du concile de Nicée II (canon 3) et de Constan-
Les institutions de l’Église byzantine 95

tinople IV en 870 (canon 12) rappellent la règle de non-intervention des


princes laïcs dans l’élection d’un évêque, mais le cas du patriarche est parti-
culier. Le choix d’un nouveau patriarche comportait trois phases distinctes.
Il résultait d’un vote (psèphos) des métropolites présents dans la capitale, à la
suite duquel ils présentaient à l’empereur une liste de trois noms ; l’empereur
choisissait celui qui lui convenait, déclarait son nom et le promouvait comme
tout autre fonctionnaire au palais de la Magnaure, en affirmant :
La grâce divine, ainsi que notre pouvoir qui en dérive, promeuvent le très pieux
Un Tel comme patriarche de Constantinople [De cerimoniis, 205, II, 14 et 38].
La cérémonie religieuse de la consécration (cheirotonia) par le premier
des métropolites, celui d’Héraclée de Thrace, intervenait le dimanche sui-
vant à Sainte-Sophie. Selon une coutume ancienne, le nouveau patriarche
envoyait alors normalement aux quatre autres patriarches une lettre dite
synodique contenant l’avis de sa consécration et sa profession de foi. Son
nom figurait alors dans les diptyques de leurs Églises. L’absence du nom
signifiait la rupture entre deux Églises.
L’élection était en principe à vie comme pour tous les évêques ; mais il
y eut des cas de patriarches démissionnaires pour cause de maladie. Le plus
souvent, toutefois, c’est un conflit avec le pouvoir impérial qui conduisait à
la déposition du patriarche, provoquant parfois un schisme comme dans la
querelle Ignace-Photius à la fin du IXe siècle et l’affaire Euthyme-Nicolas au
début du Xe siècle. Plus rares furent les cas de vacance, on en trouve cepen-
dant dans la seconde moitié du Xe siècle, telle la vacance de trois ans avant
l’élection de Sisinnios en 996.

L’or igin e des patr iar ches


L’absence d’un Liber pontificalis de l’Église de Constantinople ne permet
pas de retracer l’histoire concrète des patriarches ; leur origine familiale,
géographique, sociale, ethnique n’est pas toujours connue, ni les circons-
tances de leur élection ni leur exacte pratique du pouvoir. Il existe toutefois
quelques listes citant les fonctions antérieures de l’élu qu’on peut compléter
par les éloges funèbres des patriarches, et les regestes de leurs actes qui
éclairent au moins leur gouvernement.
Entre 641 et 1206, il y eut 63 patriarches dont la durée moyenne de pon-
tificat fut de près de neuf ans ; mais la durée réelle est très variable, de moins
d’un an à vingt-sept ans pour Nicolas III Grammatikos. Le transfert de siège
est interdit par le droit canonique, les élus furent donc rarement d’anciens
évêques ; il y aurait eu six cas cependant de 715 à 1204, ainsi l’évêque de
Cyzique Germain qui devint patriarche en 715. Jusqu’au VIIIe siècle, le
96 Les institutions de l’Empire

recrutement se fit principalement parmi les clercs : 15 de 705 à 1204, prove-


nant essentiellement du clergé de Sainte-Sophie. Il y eut aussi des laïcs : 6
de 705 à 1204, comme Taraise ou Photius, tous deux anciens prôtoasèkrètis. Le
fait marquant fut la progression du recrutement monastique, notamment
dans le milieu de Stoudios, privilégié sous les Macédoniens : 5 avant le VIIIe ;
7 de 815 à 912 ; 4 au Xe ; 14 au XIe et au XIIe siècle.

Les fon ction s


Les patriarches avaient été définis à l’époque antérieure comme des ins-
tances juridiques supramétropolitaines, aptes à régler les conflits surgis au
niveau métropolitain et à résoudre sur un mode collégial tout problème, dog-
matique, liturgique ou moral, mettant en cause l’unité de l’Église universelle
[Flusin, NC 1]. La définition resta valable au-delà du VIIe siècle. À l’instar de
tout évêque, le patriarche assure les divers aspects de la fonction spirituelle et
sacramentelle : enseigner la foi, protéger les orthodoxes de l’hérésie et rame-
ner les hérétiques à l’orthodoxie, convertir les païens, mettre les chrétiens en
état de parvenir à la vie éternelle, soigner et guérir les pécheurs ; au niveau
patriarcal, cette fonction impliquait aussi de répondre aux demandes d’ex-
plication suscitées par le dogme, le droit canon ou la liturgie et, de plus en
plus, aux interrogations nées de l’évolution de la société.
Le patriarche pouvait certes répondre directement à des particuliers,
envoyer des lettres de consolation ou de recommandation, donner des
consultations, comme il ressort de la correspondance de Photius et de Nico-
las Mystikos ; mais toute question d’importance, dont la solution pouvait
faire jurisprudence, était étudiée en synode. Après l’époque dite conciliaire
– celle des conciles œcuméniques où tous les évêques étaient invités – com-
mença donc à partir du IXe siècle l’époque dite synodale parce que l’organe
de gouvernement du patriarcat fut le synode permanent des métropolites
qui traita des seuls problèmes de l’Église byzantine, toujours sous l’œil de
l’empereur.

LE PATRIARCHE ET L’EMPEREUR

La chrétienté est une, mais elle comporte deux domaines. « Rendez à


César ce qui est à César, dit le Nouveau Testament, et à Dieu ce qui est à
Dieu » (Mt 22, 21). L’empereur comme le patriarche peuvent revendiquer
la primauté, puisque le patriarche est sujet de l’empereur et l’empereur, fils
de l’Église.
Les institutions de l’Église byzantine 97

Har mon ie ou r ivalité ?

En théorie, il ne peut donc y avoir de conflit, puisque l’empereur et


l’Église servent le même Dieu, et que le temporel et le spirituel semblent
bien délimités. C’est ce qu’exprime la novelle 6 de Justinien, en 535 :
Dieu a donné aux hommes le Sacerdoce et l’Empire (conçu comme
potentiellement universel). L’un a en charge le temporel et l’autre le spiri-
tuel. « Tous deux, procédant d’un seul et même principe, rendent plus
belle la vie des hommes » [Dagron, 206, p. 202]. L’image est celle d’une
harmonie entre deux pouvoirs procédant d’un même principe et concou-
rant au même but.
Photius est l’auteur du seul texte qui tente de tracer les frontières exac-
tes des deux domaines et d’expliciter les relations entre les deux pouvoirs.
Il s’agit de l’Eisagogè, introduction au recueil de lois des Basiliques, rédigée
par Photius vers 880 [Dagron, 206, p. 203-207]. Il n’est pas indifférent
que ce soit un patriarche qui entreprenne de « rationaliser les rapports
entre l’Église et l’État » (ibid.), dans la mesure où l’incertitude bénéficie au
plus fort, à savoir le basileus. Les titres II et III de l’Eisagogè décrivent les
pouvoirs respectifs de l’empereur et du patriarche, présenté comme
« l’image incarnée et vivante du Christ », alors que l’empereur, avec ses
diverses obligations concernant la défense de l’Église, apparaît plutôt
comme son serviteur. Cependant l’accent est mis là encore sur l’harmonie
des deux pouvoirs : « La paix et le bonheur des sujets selon l’âme et selon
le corps résident dans la bonne entente et l’accord complet entre l’Em-
pereur et le patriarche » (Titre III, 8). Cette sorte de « constitution » ne
fut sans doute jamais promulguée, puisque dès son avènement Léon VI
obtint la démission de Photius, illustrant le rapport de force réel entre les
deux hommes.
Byzance ne connut pas l’équivalent de la réforme grégorienne, car le siège
patriarcal était à quelques pas du palais impérial, ce qui interdisait, sauf rares
exceptions, toute politique personnelle du patriarche alors que le pape bénéfi-
ciait de l’éloignement de l’empereur germanique. Toutefois, Michel Cérulaire,
appuyé politiquement par une puissante faction de la capitale, osa défier Isaac
Comnène en portant des sandales pourpres, en prétendant dominer un empe-
reur qu’il avait contribué à porter au pouvoir et en réclamant l’autonomie de
l’Église dans son domaine. Le souverain le fit arrêter (mais hors de la capitale,
par crainte d’une émeute) et la mort du patriarche évita un procès dont Isaac
redoutait l’issue. Les autres conflits qui opposèrent empereurs et patriarches
n’eurent pas cette acuité. Soit le basileus voulait se débarrasser d’un patriarche
nommé par son prédécesseur : Nicéphore écarté par Léon V ou Photius par
Léon VI, soit le patriarche s’opposait à la violation du droit canon, comme
Nicolas Mystikos hostile au quatrième mariage de Léon VI.
98 Les institutions de l’Empire

Les pou voir s de l’emper eu r dan s l ’ Égl i se

Il faut distinguer entre les droits de l’empereur qui ne sont pas contestés
par les clercs et ceux qui rencontrèrent une opposition plus ou moins vigou-
reuse selon l’époque. L’empereur byzantin est, en effet, pourvu de préroga-
tives importantes dans le domaine religieux. Il est tout d’abord le garant de
l’orthodoxie, et nombre d’empereurs, d’Héraclius à Léon III ou Manuel
Comnène, revendiquent ce rôle. L’empereur joue le rôle d’arbitre dans les
débats.
Le dogme une fois défini, l’empereur est chargé de l’imposer, poursui-
vant les hérétiques des rigueurs de la loi : ainsi, le patriarche Nicéphore
(806-815) demanda de faire respecter les lois condamnant à mort les mani-
chéens. Mais le rôle de l’empereur ne se borne pas à celui d’un simple pou-
voir exécutif, comme un bras séculier au service de l’Église.
Le basileus dispose de nombreux atouts pour gérer l’Église terrestre,
mais le sujet qui provoqua la controverse concernait les droits spécifiques
du souverain par rapport à tous les autres laïcs [Dagron, 206]. Ils sont
énumérés au XIIe siècle par un canoniste particulièrement favorable aux
thèses impériales, Théodore Balsamon, dans son commentaire du
canon 69 du concile in Trullo, qui interdit aux laïcs de pénétrer dans le
sanctuaire. Le canoniste rappelle à cette occasion que l’empereur n’est pas
un laïc ordinaire. Le souverain est l’Oint du Seigneur et comme tel il peut
entrer dans le sanctuaire (bèma), utiliser l’encensoir, bénir avec le triple
chandelier, prononcer des homélies [Antonopoulou, 261] : toutes fonctions
interdites aux laïcs.
Des empereurs intervinrent dans la définition même du dogme, qu’on
pense à la politique monothélite de Constant II ou à l’action de Léon III et
de Constantin V contre les iconodoules. Ils rencontrèrent une résistance
virulente de certains fidèles, notamment des moines, comme Maxime le
Confesseur face à Constant II, qui affirmait que l’empereur n’était pas prêtre
[Dagron, 206], ou Théodore Stoudite opposé à Léon V. L’échec des empe-
reurs iconoclastes a fait reculer l’interventionnisme impérial en matière théo-
logique. Au XIIe siècle, toutefois, la dynastie des Comnènes impose la vision
d’un empereur « épistèmonarque ». Ce terme désignait jusqu’alors le moine
qui, dans les monastères stoudites, rappelle à leurs devoirs ses frères négli-
gents ; il illustre la responsabilité que s’attribue l’empereur pour garder
l’Église dans le droit chemin. S’appuyant sur les clercs de Sainte-Sophie, hos-
tiles aux prétentions du patriarche et des métropolites qui l’entourent,
Alexis Ier impose une réforme du clergé en bravant l’opposition du synode
(1107). Manuel Ier, qui reprend les ambitions religieuses de Léon VI, rédige
des homélies, s’immisce dans les querelles théologiques, convoque des
Les institutions de l’Église byzantine 99

synodes qui sous sa présidence prononcent des anathèmes (procès de Niphôn


ou de Panteugénos) ou imposent des options théologiques (synode de 1166
sur « le Père est plus grand que moi »).

L’ADMINISTRATION PATRIARCALE

Le siège du patr iar cat

Au VIIe siècle, le Patriarcheion, résidence du patriarche et de son admi-


nistration, se transforma en se fixant et en se dédoublant [Janin, 574, plan,
p. 61]. Il se fixa le long de l’Augustéon, au sud de Sainte-Sophie avec
laquelle il communiquait. Le long bâtiment du palais proprement dit abri-
tait de nombreux bureaux, notamment deux sékréta, des tribunaux et pou-
vait accueillir synodes et réceptions ; de nouveaux appartements s’y ajoutè-
rent au XIe et au XIIe siècle. Non loin du palais, le triklinos Thomaïtès
abritait la Bibliothèque patriarcale et de grandes salles qui facilitèrent la
réunion des synodes. Le patriarcat disposait de revenus, principalement
immobiliers, dont la gestion incombait à différents bureaux (scrinia), dont la
compétence était définie géographiquement. Mais nous sommes mal rensei-
gnés sur l’évolution de ces scrinia et sur la fortune considérable du patriar-
cat, tant en boutiques détenues à Constantinople, qu’en grands domaines
dispersés dans l’Empire. Une partie des revenus, du moins, servit à alimen-
ter les œuvres charitables du patriarcat. Diverses églises de Constantinople
étaient placées sous l’autorité directe du patriarche, comme Sainte-Irène et
la Théotokos des Blachernes, mais Sainte-Sophie constituait par excellence
l’église cathédrale dont la splendeur et le rituel impressionnaient les Byzan-
tins comme les étrangers.

Le cler gé patr iar cal


On entend par là le clergé qui desservait la Grande Église, ce pour quoi
il recevait un salaire. Son effectif, imposant, avait été limité en 612 à
600 personnes : les plus nombreux étaient les lecteurs (160), les dia-
cres (150), puis les prêtres (80) ; il y avait également un corps de 40 diaco-
nesses. Un clergé surnuméraire existait aussi, en attente d’un poste salarié.
À la fin du XIe siècle leur nombre s’était accru, en particulier sous Constan-
tin Monomaque, jusqu’à atteindre approximativement le chiffre de 500 à
700 clercs salariés auxquels s’ajoutaient 1 500 surnuméraires [Angold, 260 ;
Papagianni, 306] ; on conçoit les rivalités qui pouvaient exister entre ces
deux groupes et les préoccupations de certains patriarches quant aux reve-
100 Les institutions de l’Empire

nus de leur clergé [Herman, 292]. La prétendue négligence du clergé en


matière de pastorale et d’enseignement, le souci de la carrière et la pro-
bable méconnaissance du droit canon allaient préoccuper fortement Alexis
Comnène, comme en témoigne l’édit qu’il promulgua en 1107 [Gautier,
248 ; Angold, 260].
À partir du XIe siècle en tout cas, les diacres formèrent l’élite de ce
clergé dont le niveau intellectuel s’éleva notablement ; c’est en son sein et
notamment parmi les diacres que furent menés sous les Comnènes les
débats théologiques, au point que l’expression de « gardiens de l’Ortho-
doxie », forgée par P. Magdalino [192], leur a été plus particulièrement
attribuée [Angold, 260].

Les ar chon tes patr iar cau x


Comme tout évêché, celui de Constantinople possédait des administra-
teurs nantis de charges comportant une responsabilité administrative, les
offikia, détenus par des clercs. Leur importance avait grandi avec le patriar-
cat. Au début du VIIe siècle, il y avait ainsi un syncelle pour l’administration
en général, un chartophylax et des notaires pour la chancellerie, un économe
et des chartulaires pour la gestion des biens et propriétés foncières, un skeuo-
phylax pour le trésor et l’ordonnancement de la liturgie, des ekdikoi pour la
discipline et le maintien de l’ordre. Les offikia étaient normalement détenus
par des clercs de Sainte-Sophie, dénommés archontes, à l’instar des fonc-
tionnaires civils. L’importance de leurs responsabilités n’était pas liée à leur
ordre dans la cléricature ; des diacres occupaient souvent des charges plus
élevées que des prêtres.
L’extension du ressort du patriarcat ne put qu’accroître le travail et le
poids des officiers dont on sait peu de choses, sinon que l’empereur les
accueillait parfois aux cérémonies du Palais où ils formaient toutefois une
hiérarchie distincte de celle des laïcs, comme en témoigne, en 934-944, le
Taktikon Benesevi8 [Oikonomides, 28]. Le sacellaire gère les finances de
Sainte-Sophie ; le protonotaire est un secrétaire du patriarche ; le logothète
est surtout chargé de prononcer des discours de fête et l’hypomnéma-
tographe qui apparaît au Xe siècle est alors un officier de justice et devien-
dra plus tard le second du chartophylax ; le kanstrèsios est affecté au vestiaire
liturgique ; le référendaire est peut-être encore l’intermédiaire entre le
patriarche et l’empereur. La liste ne mentionne pas le syncelle que l’on tend
à tort à considérer comme le successeur pressenti du patriarche [Darrou-
zès, 279]. L’influence croissante de l’empereur se traduisit par deux tendan-
ces au Xe siècle : la nomination par l’empereur des principaux archontes
– notamment l’économe et le skeuophylax – et le choix fréquent de laïcs au
Les institutions de l’Église byzantine 101

lieu de clercs ; cet intérêt impérial est sans doute dicté par le souci de con-
trôler la richesse de l’Église. En 1057, Isaac Comnène remit au patriarche
le droit de nommer à tous les offices patriarcaux et renonça à toute
ingérence dans l’administration des biens ecclésiastiques, décision qui libé-
rait le patrimoine de l’Église et rendait au patriarche la haute main sur son
gouvernement.
Dans le contexte agité des débuts de son règne (confiscation des biens
des églises, procès de Jean Italos), Alexis Comnène publia en 1094 un pros-
tagma qui clarifie l’organisation du patriarcat et met en lumière l’évolution
qui était en train de donner une place éminente au chartophylax [Darrouzès,
279 ; Angold, 260]. On voit que le patriarcat comportait cinq départements
dont les responsables avaient des fonctions précises touchant aux intérêts de
la Grande Église : le grand économe, le grand sacellaire, le grand skeuophy-
lax et le préposé à la sacelle ou sakelliou. En revanche, le cinquième
archonte qui était le chartophylax, au-delà du pouvoir qu’il détenait à Sainte-
Sophie dont il était l’archiviste, était défini comme « la bouche et la main »
du patriarche ; il en était le représentant dans le gouvernement spirituel de
l’Église, ce qui justifiait pour l’empereur, contre l’opinion des métropolites,
que, bien que simple diacre, il ait préséance sur tous, métropolites inclus.
Le sakelliou avait juridiction sur les lieux de culte et leurs desservants. Ce
texte montre une étape nouvelle dans l’évolution des services patriarcaux.
Très clairement, ce ne sont plus des services « domestiques » ; la définition
du chartophylax comme le délégué du patriarche consolide le pouvoir central
de la Grande Église en conférant aux archontes patriarcaux une position de
corps intermédiaire entre le patriarche et le synode.
Le didascale du Psautier, le didascale de l’Évangile et le didascale de
l’Apôtre (cf. chap. XIV, p. 364-366), également choisis parmi les diacres,
sur une possible initiative de Nicolas Grammatikos (1084-1111), relayée par
Alexis Comnène, sont comptés au nombre des archontes patriarcaux, où,
selon M. Angold, ils seraient devenus, en raison de leurs connaissances
scripturaires, comme les chantres des patriarches dont ils rédigeaient des
éloges (enkomia). Des luttes d’influence, auxquelles les didascales ne furent
pas étrangers, se développèrent au sein du clergé patriarcal qui constituait
également un précieux allié possible pour le pouvoir impérial contre la
puissance des métropolites et leur présence accrue à Constantinople [Tif-
tixoglu, 323].
Dans les années qui suivirent, on peut noter plusieurs transformations
dans le milieu des archontes comme l’entrée des didascales dans la hié-
rarchie des archontes, la spécialisation du sacellaire dans la gestion des
monastères de plus en plus confrontés au problème du patronage laïc, ou
encore l’émergence au XIIe siècle du prôtekdikos qui préside le tribunal ecclé-
siastique de l’ékdikeion en charge du for interne, des affaires d’asile à Sainte-
102 Les institutions de l’Empire

Sophie, de la libération des esclaves [Macrides, 299]. Les actes impériaux et


patriarcaux, qui concernent plus largement le clergé de Sainte-Sophie,
révèlent aussi la lutte contre des formes diverses de cumul des charges,
contre leur vénalité, les échanges, le favoritisme, contre l’exercice de cer-
tains métiers, ainsi en 1157 sous Luc Chrysobergès ; à l’évidence, la puis-
sance accrue des archontes avait des revers. Les commentaires canoniques
qui se développent au XIIe siècle montrent cependant que la place des
archontes dans la structure de l’Église byzantine n’était pas encore bien
définie canoniquement. Leur importance accrue fut en fait la conséquence
pratique du développement de la fonction patriarcale et d’une centralisa-
tion croissante dans le gouvernement de l’Église.

LE GOUVERNEMENT DE L’ÉGLISE

LES PRINCIPAUX ORGANES

Le syn ode per man en t


Le synode endèmousa c’est-à-dire permanent, formé d’évêques se trouvant
séjourner dans la capitale, était apparu avant le VIIe siècle comme un orga-
nisme participant au gouvernement de l’Église par le patriarcat [Flusin,
NC 1]. Son activité devint particulièrement intense à partir du Xe siècle, au
fur et à mesure que la fin des grandes querelles théologiques n’entraîna plus
la tenue des conciles œcuméniques. Toutefois l’importance qu’il prit
conduisit à de nettes évolutions dans l’ecclésiologie byzantine.
Sa composition se limita bientôt aux métropolites et aux archevêques ;
les évêques n’étaient cependant pas exclus, ni même parfois des moines ou
de simples clercs, et les archontes du patriarcat participaient aux travaux.
Le synode était présidé par le patriarche et réuni à son initiative ou à celle
de l’empereur.
Doté d’un pouvoir judiciaire en tant que cour d’appel, il intervint dans
des questions touchant à la liturgie, à la discipline des clercs et des laïcs, à
l’administration des églises et de leurs biens, mais aussi au dogme. Les actes
synodaux permettent donc de suivre l’évolution intérieure de l’Église byzan-
tine et les problèmes de société qui se posèrent alors aux chrétiens. Les
métropolites faisaient remonter auprès du patriarche les problèmes provin-
ciaux et en synode, ils cherchaient à résoudre des questions d’ampleur
générale ou qui ne trouvaient pas de solutions locales ; le synode promul-
Les institutions de l’Église byzantine 103

guait alors des décrets, souvent sous le nom de tomes, qui tiraient leur force
non seulement de la signature de l’empereur et du patriarche, mais de la
collégialité de la décision. Les métropolites étaient donc étroitement associés
à l’exercice du pouvoir.
La configuration du synode variait en fonction de la présence des
métropolites. Le rééquilibrage du ressort patriarcal en direction de
l’Occident augmenta en tout cas les participations possibles et fit du synode
un organe plus représentatif des diverses régions de l’Empire. À partir du
XIe siècle les invasions conduisirent beaucoup de métropolites d’Anatolie à
échapper à leurs obligations de résidence pour s’établir dans la capitale, ce
que leurs collègues d’Occident ne tardèrent pas à imiter ; les Comnènes
tentèrent de freiner ce mouvement, que Manuel Comnène finit par entéri-
ner en 1173.

La chan celler ie patr iar cal e et syn odal e


L’étendue du ressort du patriarche et l’activité accrue du synode per-
manent contribuèrent au renforcement du rôle de la chancellerie patriar-
cale et de son archonte, le chartophylax qui jouait le double rôle de chance-
lier du patriarche et du synode, rédigeant et conservant les actes de l’un et
de l’autre. Peu d’actes originaux sont conservés : quatre seulement
avant 1204 ; mais des allusions à ces actes sont aussi enregistrées dans les
Regestes des actes patriarcaux [51], qui en répertorient environ 900,
entre 715 et 1204. Ces actes sont dotés de noms divers qui ne sont peut-
être pas originaux : tome, psèphos, lettre (graphè ou gramma), lysis, krisis,
hypomnèma, pittakion. À partir du Xe siècle le diplôme ou privilège patriarcal
solennel porte le nom d’hypomnèma. Les tomes synodaux, tendant à être
considérés comme des lois générales de l’Église byzantine et de l’État, pri-
rent donc le relais des décisions des conciles œcuméniques. Purement
constantinopolitains, ils contribuèrent à modeler le visage propre de
l’Église byzantine, ce qui explique les différences croissantes avec l’Église
romaine, attelée parallèlement au même travail.

Un difficile équ ilibr e des pou voi r s

Le rôle croissant d’un synode permanent potentiellement plus nom-


breux entraîna une série de questions quant à son indépendance par rap-
port au patriarche, à sa fonction et à sa place par rapport aux archontes
patriarcaux. Au cœur de ces questions était celle du pouvoir à l’intérieur de
l’Église. Le canon 28 de Chalcédoine, distinguant soigneusement le cas des
104 Les institutions de l’Empire

évêques suffragants et celui des métropolites, avait prescrit que la consécra-


tion (cheirotonia) des métropolites était faite par le patriarche après leur élec-
tion selon la coutume. Mais selon le rituel attesté au IXe siècle l’élection
d’un métropolite relevait du synode permanent, réuni par le patriarche ;
hors de la présence de ce dernier qui pouvait cependant faire connaître ses
préférences, les métropolites présents examinaient les candidatures possibles
ou déclarées, retenaient trois noms et en faisaient notification (anaphora) au
patriarche ; alors seulement celui-ci intervenait pour retenir un nom et pro-
céder à la consécration. En revanche l’élection et la consécration d’un
simple évêque se faisaient dans l’éparchie sans aucune intervention du
patriarche ; à ce dernier échappait donc, théoriquement, tout regard sur le
clergé épiscopal et ses droits sur les métropolites se réduisaient à leur consé-
cration. Sur ce plan le synode permanent était d’autant plus indépendant
des patriarches que ceux-ci héritaient des élus consacrés par leurs prédéces-
seurs. Le rôle croissant du synode permanent ne pouvait que rendre sen-
sible la question de la désignation de ses membres, question qui conduisit à
un vif affrontement sous le patriarcat de Polyeucte (956-970) qui avait pré-
tendu assister aux délibérations électorales ; la crise, nouée autour de
l’interprétation du canon 28 de Chalcédoine et aiguisée par Nicéphore
Phocas (963-969) qui prétendit devoir donner son accord au choix d’un
métropolite, fut tranchée par l’empereur Jean Tzimiskès (969-976) en
faveur des métropolites : le patriarche dont on souligna qu’il n’avait pas et
n’avait jamais eu de suffragant fut cantonné au rôle de consécrateur et de
simple président d’honneur.
À partir du XIe siècle, la question du pouvoir dans l’Église se déplaça et
fut tranchée par l’autorité impériale. On a évoqué plus haut les tensions qui
se manifestèrent entre le corps des métropolites, fort jaloux de leurs droits
sur le ressort de leurs métropoles et sur leurs suffragants, des droits mis à
mal en 1087 par Alexis Comnène [Darrouzès, 244], et les archontes
patriarcaux, tout particulièrement le chartophylax, et, à travers lui, les diacres
qui détenaient les principaux offices. Le renforcement du corps des archon-
tes contribua à assurer leur indépendance par rapport au synode des métro-
polites ; il en fut en quelque sorte le contrepoids, au point que Jean Darrou-
zès a pu oser parler d’une « certaine séparation entre le législatif et
l’exécutif » dans le gouvernement de l’Église byzantine. Parallèlement la
fonction du patriarche oscilla entre l’affirmation d’une préséance, voire la
concrétisation d’une primauté que lui aurait assurée le contrôle de l’élection
des métropolites, et l’exercice de la collégialité.
À l’évidence, l’équilibre des pouvoirs dans le gouvernement de l’Église
constitua un problème difficile à régler. Il le fut d’autant plus que la solution
dépendait en grande partie des droits de l’empereur dans l’Église, droits aux-
quels répondit l’esquisse d’une royauté du patriarche [Dagron, 206] et que
Les institutions de l’Église byzantine 105

les débats sur le pouvoir du patriarche dans son Église furent accompagnés
des débats avec Rome sur sa place dans l’Église universelle [Peri, 308 ; Gah-
bauer, 284 ; Herrin, 269].

LES NORMES DE L’ORTHODOXIE BYZANTINE

Le patriarche de Constantinople était lié par des textes qui définissaient


le dogme de l’Église, donnaient à celle-ci son organisation et fixaient les
normes de vie des chrétiens ; ces définitions et canons ecclésiastiques et dis-
ciplinaires ne procédaient pas du patriarche ; ils avaient été et furent élabo-
rés jusqu’à la fin du IXe siècle dans le cadre des conciles œcuméniques ; à
ces textes s’étaient ajoutées des lois prises par l’empereur en vertu de ses
compétences ecclésiastiques [Congourdeau, 268]. Le patriarche de Cons-
tantinople n’était donc pas la source directe des textes qui régissaient son
Église ; en revanche, il en était le garant et se devait de les faire appliquer,
de les expliquer, éventuellement de les interpréter et de trancher en cas de
doute ; il exerçait cette compétence avec le synode permanent. C’est alors
que la jurisprudence et le commentaire des textes anciens, réalisés par
l’Église de Constantinople et en son seul sein, forgèrent et unifièrent son
Orthodoxie et l’orthopraxie de ses fidèles. Une historiographie tenace,
oublieuse ou ignorante de l’extraordinaire diversité des Églises primitives,
tend à dramatiser la différenciation des Églises grecque et latine en y
voyant l’ombre ou la réalité d’un schisme.

Les der n ier s con ciles u n i ver sel s


Deux conciles dits œcuméniques se réunirent encore au VIIe et au
e
VIII siècle pour mettre un terme aux dernières grandes discussions christo-
logiques. La définition (ou horos) du sixième concile œcuménique, réuni à
Constantinople en 680-681 (= Constantinople III) rejeta le monoénergisme
et le monothélisme [Flusin, NC 1] et les décisions du concile furent entéri-
nées officiellement par le pouvoir impérial ; cependant le concile intervint
alors que les invasions arabes avaient détaché la Syrie de l’Empire ; un cer-
tain nombre de melkites du patriarcat d’Antioche, notamment les moines
du couvent de Saint-Maroun, restèrent attachés au monothélisme et jetè-
rent au milieu du VIIIe siècle les bases d’une Église dite maronite qui se dota
d’un patriarcat [Dagron, HC 4]. Le concile in Trullo, réuni à Constantinople
en 691 et désigné comme Quinisexte à partir du XIIe siècle, parce qu’il
avait complété l’œuvre des 5e et 6e conciles, ne fut reçu que partiellement
106 Les institutions de l’Empire

par Rome, car plusieurs de ses canons étaient contraires à la discipline


romaine.
En 787, le 7e concile œcuménique de Nicée (= Nicée II) se réunit pour
annuler le concile de Hiéreia qui s’était lui-même défini comme œcumé-
nique et qui avait proclamé l’iconoclasme en 754 ; l’horos qui fut lu le
6 octobre 787 admet et justifie la vénération des images, et non leur adora-
tion (latreia). Les sept conciles œcuméniques faisaient l’objet de fêtes, disper-
sées au cours de l’année liturgique, durant lesquelles étaient lues leurs défi-
nitions, comme par exemple, à partir de 843, le premier Dimanche de
Carême lorsque est lu le synodikon de l’Orthodoxie. Dans le cadre de la crise
photienne, divers conciles se tinrent encore à Constantinople à la fin du
IXe siècle, ainsi le concile de 861 dit Prime-second parce qu’il se déroula en
deux temps (judiciaire et canonique), réuni pour déposer le patriarche
Ignace et qui ne fut pas reconnu par Rome, ou encore le concile de 869-
870, chargé de réconcilier ignatiens et photiens, dont l’Église byzantine ne
reçut pas les canons.

Le Nomocan on
Le droit ecclésiastique qui régit les clercs et les laïcs procède dans le
monde byzantin d’une double source, les canons des conciles œcuméniques
et les lois impériales ; nomos et canon s’influencent et s’interpénètrent dans
un équilibre parfois difficile [Beck, 263 ; Macrides, 300 ; Troianos, 324 ;
Schminck, 255 ; Pitsakis, 269 ; Beaucamp, 269], dont le droit matrimonial
est un parfait exemple. Le droit canon byzantin, hétérogène, fut d’abord
une masse touffue dans laquelle, à côté des canons édictés par les conciles
œcuméniques, figuraient les canons des Apôtres, les canons de conciles
locaux antérieurs à 325 ainsi que des prescriptions de certains Pères de
l’Église, des constitutions et novelles promulguées par les empereurs,
notamment Justinien.
Dès la fin du VIe siècle étaient apparus, à titre plus ou moins privé, les
premiers recueils systématiques de canons [Van der Wal, 88] parmi lesquels
le Syntagma ( « ce qui est rassemblé et disposé de manière ordonnée » ),
rédigé dans les années 580, qui se présentait comme un répertoire de
canons, organisé en 14 titres, subdivisés en chapitres classés par sujet ; le
répertoire était suivi d’une collection donnant le texte complet des canons
eux-mêmes. Ce recueil fut développé vers 615 en un nouvel ouvrage, qui
incorporait, en les classant sous les mêmes titres et chapitres, canons ecclé-
siastiques et extraits de lois traitant de sujets intéressant l’Église. Ce recueil
fut connu sous le nom de Nomocanon des 14 titres ; c’était une collection
privée qui tirait son autorité non pas d’un statut ou d’un rédacteur officiel,
Les institutions de l’Église byzantine 107

mais de l’autorité qui à chaque moment avait promulgué primitivement les


canons et les lois qui le composaient [Stolte, 322]. Peu après, le canon 2 du
concile in Trullo établit une liste des canons recevables dans l’Église byzan-
tine ; ce fut là une étape majeure dans la constitution du droit canon orien-
tal qui prenait déjà une certaine distance par rapport à l’Occident, car le
patriarcat de Constantinople cherchait à figer et à imposer ses propres tra-
ditions sans tenir compte des pratiques des Églises voisines et sans hésiter à
les critiquer, en cas de divergence.
Le corpus officiel des canons d’origine ecclésiastique s’enrichit jusqu’à la
fin du IXe siècle : les 102 canons qui, au concile in Trullo, concernaient
clercs, laïcs et moines, aux prises avec les conséquences d’un difficile
VIIe siècle [Nedungatt, 256 ; Dagron, HC 4], furent complétés ou repris par
les 22 canons du concile de Nicée II qui contribuèrent aussi à régler les
conséquences pratiques de l’iconoclasme ; le rôle des puissants et de l’argent
y est évoqué, ainsi que la question de la culture des clercs. Les 17 canons
du concile Prime-second de 861 se consacrent aux moines et aux clercs.
Deux des trois canons du concile de 879 concernent les seuls évêques.
En 882-883, ces 144 canons nouveaux furent intégrés dans une nouvelle
édition du Nomocanon, synthèse du droit canon byzantin qu’au XIIe siècle
on prenait pour l’œuvre du patriarche Photius [Stolte, 321]. Après le
IXe siècle, ce nomocanon n’incorpore pas les novelles (notamment celles de
Léon VI) ni la jurisprudence synodale. En 1089-1090, une dernière édition
du Nomocanon vit le jour, mais uniquement pour remplacer le renvoi aux
compilations justiniennes par la référence aux Basiliques [Schminck, 313].
De cette période, où le texte du Nomocanon se fige tandis que lois et
décrets synodaux se multiplient, date l’apparition plus fréquente de ques-
tions sur le rapport entre les lois et les canons [Macrides, 300 ; Dagron,
206 ; Oikonomidès, 338], sur leurs éventuelles contradictions, notamment
pour les empêchements de mariage [Pitsakis, 269], sur la supériorité d’un
droit sur l’autre, mais aussi sur la validité permanente ou la désuétude de
certains canons [Perentidis, 307], sur l’acribie ou sur l’économie et la phi-
lanthropie à suivre dans leur interprétation. On comprend l’importance que
revêtirent pour l’Église les grands commentaires canoniques qui virent le
jour au XIIe siècle avec Zonaras, Aristènos et Balsamon, lequel, de manière
significative, entreprit son œuvre sur l’ordre conjoint de l’empereur et du
patriarche [Angold, 260].

Le Synodikon de l’Or t hodoxi e

Au terme du second iconoclasme, un texte synodal, qui prolongeait


l’horos de Nicée II, fut lu publiquement, le dimanche 11 mars 843, alors
108 Les institutions de l’Empire

premier dimanche du carême, lors d’une solennelle action de grâces. Il fut


décidé qu’une liturgie commémorative aurait lieu chaque premier
dimanche de Carême pour célébrer le triomphe sur l’iconoclasme. Déjà
attesté à la fin du IXe siècle, le dimanche de l’Orthodoxie comportait pro-
cessions, hymnes et lectures édifiantes mais la pièce maîtresse en restait la
lecture du Synodikon de l’Orthodoxie [Gouillard, 250], un texte qui pro-
clame les dogmes de l’iconodoulie dont il exalte nommément les hérauts de
la foi, qui réitère la condamnation de l’iconoclasme avec les anathèmes
concrets contre les hérésiarques et qui est suivi par des acclamations de
longue vie (polychronia) pour les vivants et les morts (empereurs, impéra-
trices, patriarches).
Ce Synodikon originel ne réitère pas la condamnation des grandes héré-
sies par les six conciles œcuméniques et se transmet sans altération notable
pendant deux siècles. Sous les Comnènes, à partir de la fin du XIe siècle, le
mémorial de la restauration des images se modifia par insertion d’éléments
nouveaux qui enregistraient ou célébraient un certain nombre de décisions
du synode de Constantinople, intervenues en matière doctrinale depuis 843,
tandis que les listes des empereurs et des patriarches étaient complétées. On
n’y trouvera rien concernant les doctrines dualistes, les déviations mystiques
ou les erreurs des Latins, tenues en quelque sorte pour des « affaires étran-
gères », rien non plus concernant le monophysisme des jacobites et des
Arméniens, devenu cependant un problème intérieur.
En revanche, le texte du nouveau Synodikon condamne plusieurs penseurs
non conformistes. Jean Italos, accusé de professer des opinions hérétiques,
contraint en 1076 de rédiger une profession de foi orthodoxe, fut finalement
anathématisé, interdit d’enseignement et enfermé dans un monastère
en 1082, sous Alexis Ier [Clucas, 701 ; Gouillard, 804 ; cf. chap. XIV, p. 363-
364]. L’acharnement du basileus laisse entrevoir des motifs non doctrinaux :
facteurs politiques liés à une nouvelle dynastie, divisions au sein de l’Église
ou volonté des Comnènes de couper court à toute dissidence intellectuelle.
Peu de temps après, Nil le Calabrais, ascète autodidacte, et Eustrate, disciple
repenti d’Italos, métropolite de Nicée et conseiller d’Alexis, furent accusés
d’appliquer la dialectique à la réflexion christologique, ce qu’avait interdit le
premier anathème contre Italos [Gouillard, 719].
En 1143, deux évêques de Cappadoce furent condamnés pour bogomi-
lisme, ainsi qu’un moine, Niphôn, qui avait pris leur défense ; le patriarche
Kosmas II, qui avait refusé d’anathématiser Niphôn, fut déposé. D’autres
polémiques éclatèrent à la même époque. L’une portait sur le fait de savoir
à qui est offert le sacrifice du Christ, au Père seul ou à la Trinité. En 1156,
le synode conclut qu’il est offert à la Trinité ; un archonte promu
patriarche d’Antioche, qui défendait la position inverse ainsi qu’une inter-
prétation symbolique de l’eucharistie, fut déposé en 1157, lors d’un synode
Les institutions de l’Église byzantine 109

aux Blachernes présidé par Manuel Ier [Congourdeau, 696]. La phrase du


Christ « le Père est plus grand que moi » concerne-t-elle l’infériorité du
Christ en tant qu’homme ou en tant que Fils de Dieu ? Pour répondre à
cette question importée d’Occident, Manuel Ier, lors d’un synode en 1166,
imposa un édit affirmant que c’est en tant qu’homme [Mango, 743] ; deux
théologiens récalcitrants à cette idée furent condamnés en 1170 et 1171.
Une dernière affaire posait la question de savoir si le corps du Christ dans
l’eucharistie est son corps ressuscité ou son corps corruptible au moment de
la Cène. Un synode réuni en 1200 ne parvint pas à trancher la question.
La prise de Constantinople par les Latins éteint la querelle, qui connut des
résurgences sous l’Empire de Nicée [Magdalino, 193 ; Congourdeau, 696].
Comme l’a bien montré J. Gouillard, le Synodikon prit ainsi les traits
d’un mémorial « pour ainsi dire domestique » d’affaires propres à l’Église
byzantine, et le synode permanent, auteur des additions, pouvait se poser
en successeur et héritier des grands conciles œcuméniques, ce qui n’avait
pas empêché au même moment l’empereur de se poser en épistémonarque
de l’Église [Magdalino, 192 ; Dagron, 206 ; Angold, 260]. Au XIIe siècle, il
était ressorti des débats dogmatiques internes à l’Église byzantine que celle-
ci se donnait maintenant sur le plan de la foi une mission limitée à la
conservation d’une théologie cléricale, fermant tout accès au dogme aux
laïcs et aux philosophes, en net contraste avec l’épanouissement parallèle de
la théologie occidentale.
Le Synodikon sous sa deuxième forme dessine les contours d’une
orthodoxie byzantine aux traits bien spécifiques.

LE RITE DE SAINTE-SOPHIE

Outre son rôle essentiel de culte rendu à Dieu (cf. chap. XIII, p. 326),
capable de contribuer à la diffusion du dogme ou du droit canon [Konida-
ris, 296], la liturgie de la Grande Église contribua aussi à l’affirmation, à
Constantinople, du patriarche dont les cérémonies répondaient aux cérémo-
nies impériales. Ce n’est pas un hasard si les rites de la Grande Église jouè-
rent leur rôle, à côté des innovations stoudites, dans le glissement liturgique
qui intervint au IXe et au Xe siècle entre les usages de Jérusalem et ceux de
Constantinople [Pott, 757]. Ces rites se fixèrent alors et, s’il n’existe pas de
De cerimoniis du patriarche, du moins connaît-on les normes liturgiques par
une série de livres nouvellement apparus : Typikon, Synaxaire, Euchologe
auxquels s’ajoutent différents recueils hymnographiques : Triodion, Pentecos-
taire, Octoèque, Parakliton [Taft, 762 ; Mateos, 252]. Rituel, couleur, or,
110 Les institutions de l’Empire

lumière et musique firent de Sainte-Sophie un lieu qui n’était pas encore le


ciel, mais n’était déjà plus la terre et contribuèrent d’autant plus au rayonne-
ment du patriarcat de Constantinople dans les Églises du monde slave que
les textes liturgiques grecs furent traduits en slavon. Dans l’Empire, il reste
une réelle diversité des usages liturgiques comme l’atteste la diversité des
typika et des euchologes. Mais aux usages anciens s’en superposent de nou-
veaux (prières ou pratiques) qui révèlent l’influence de Constantinople.

LE PATRIARCHE DE CONSTANTINOPLE
DANS L’ÉGLISE UNIVERSELLE

Le christianisme, qui s’est répandu dans le cadre de l’Empire romain,


s’est organisé durant les quatre premiers siècles en de grandes aires géo-
graphiques autour de cinq sièges épiscopaux prestigieux élevés au rang
de patriarcats par le concile de Chalcédoine : Rome, Constantinople,
Alexandrie, Antioche et Jérusalem. Ces cinq patriarcats « assument la res-
ponsabilité collective de la direction de l’Église dans l’Empire » [Her-
rin, 269] par le biais des conciles œcuméniques. C’est ce qu’on appelle la
pentarchie. En 645, dans sa Dispute avec Pyrrhus, Maxime le Confesseur
affirme qu’un concile œcuménique doit obligatoirement comporter des
représentants des cinq patriarches (cette affirmation servira aux iconodoules
à dénier le titre de « concile œcuménique » au concile iconoclaste de Hié-
reia). Dans cette pentarchie, le siège de Rome jouit d’une primauté
d’honneur, et Constantinople, qui vient en second, jouit des mêmes privi-
lèges (can. 36 in Trullo).

L’EFFACEMENT DES PATRIARCATS ORIENTAUX

La conquête arabe affaiblit les patriarcats orthodoxes d’Antioche,


d’Alexandrie et Jérusalem. Les orthodoxes appelés melkites se retrouvent
minoritaires et sont soupçonnés a priori de connivence avec le souverain de
Constantinople. Pendant les premières décennies de la domination musul-
mane, les sièges épiscopaux restèrent sans titulaires. Ensuite, les nomina-
tions se firent sous le contrôle des autorités locales et contre argent. Les
relations avec Constantinople, capitale de l’ennemi, restèrent sous étroite
surveillance et se limitèrent aux lettres synodiques par lesquelles un
Les institutions de l’Église byzantine 111

patriarche informait ses confrères de sa consécration. Les crises favorisèrent


un plus grand effort de communication : ainsi, en 843, le patriarche
Méthode consulte les patriarches orientaux sur l’attitude à avoir envers les
clercs iconoclastes. Même après le redressement de l’Empire, les communi-
cations avec Constantinople restèrent difficiles.
La doctrine d’un gouvernement collectif de l’Église s’élabore surtout en
Orient (Rome développant de son côté une doctrine de la primauté
romaine) et s’y maintient de façon intermittente, car, le plus souvent, c’est
la dyarchie Rome-Constantinople qui est privilégiée. Au IXe siècle, Théo-
dore Stoudite affirme encore que le « pouvoir de lier et de délier »
(Mt 16, 19) a été confié aux successeurs des apôtres, c’est-à-dire les cinq siè-
ges patriarcaux qui forment « le corps à cinq têtes » (Pentakoruphon sôma) de
l’Église. Chaque patriarche administre sa propre circonscription et, pour les
affaires communes, il faut l’accord des quatre autres.
Lorsque des conflits éclatèrent avec Rome, comme au temps de Pho-
tius, les patriarches de la Nouvelle Rome cherchèrent le soutien de leurs
collègues orientaux. C’est encore auprès des patriarches orientaux que
Michel Cérulaire cherche des alliances contre Rome en 1054 : dans une
lettre, il déclare qu’ils lui doivent obéissance, le pape s’étant retranché de
leur communion. Ce fut d’autant plus aisé qu’Antioche fut reprise en 969,
ce qui permit de maintenir sous le strict contrôle de Constantinople la
nomination des patriarches, avec l’accord de l’empereur. Ils furent souvent
choisis parmi les clercs de la Grande Église, même si certains étaient origi-
naires de Syrie, tel Pierre d’Antioche (1052-1056) ; d’autre part, en 1027,
l’empereur Constantin VIII obtint que le patriarche de Jérusalem soit
promu par le basileus et non plus par le calife fatimide.
La formation des États latins d’Orient complique la donne. Les rela-
tions souvent difficiles entre la principauté d’Antioche et le royaume de
Jérusalem font que les titulaires grecs ne sont que rarement autorisés par les
souverains francs à résider dans leur circonscription et doivent rester à
Constantinople dans les résidences monastiques que leur ont concédées les
empereurs.

ROME ET CONSTANTINOPLE

Les motifs de dissen sion


La rupture de 1054 entre Rome et Constantinople est l’aboutissement
d’un lent processus d’éloignement [Dagron, HC 4]. Des différences culturelles
112 Les institutions de l’Empire

expliquent cet éloignement : Occidentaux et Orientaux ne parlent pas la


même langue, et les problèmes de traduction enveniment des querelles la-
tentes. Les deux traditions théologiques divergent, les Pères grecs témoignant
d’une vision plus philosophique, les Pères latins d’une vision plus juridique.
Parmi les points en litige, le plus connu est l’ajout en Occident, sous les
Carolingiens, du Filioque au symbole de foi. Soulevé par des moines palesti-
niens sous l’iconoclasme [Herrin, 269], puis par Photius dans le contexte de
l’évangélisation rivale des peuples slaves par les deux Églises, le problème
comporte une dimension liturgique et une dimension théologique (les Latins
ajoutent au symbole de foi que l’Esprit procède du Père et du Fils, pour les
Grecs il ne procède que du Père), les deux formulations correspondant à
deux appréhensions du mystère trinitaire.
Plus délicate est la question de la primauté du pape, où s’affrontent
deux visions de l’Église. En Occident, la primauté est fondée sur la per-
sonne de l’apôtre Pierre, à qui le Christ a donné mission de fonder son
Église. Les évêques de Rome considèrent qu’ils ont hérité d’un rôle particu-
lier de gardiens de la foi en tant que successeurs de Pierre et ils appuient
leurs prétentions sur la présence à Rome des reliques de Pierre et Paul. Il
en résulte une ecclésiologie universaliste et qui donne au titulaire du siège
de Rome une autorité. La réforme grégorienne, au XIe siècle, avec le dictatus
papae de Grégoire VII, proclame un droit d’ingérence du pape dans les
affaires des autres Églises : c’est une vision juridique de la primauté
romaine. En Orient, on considère que c’est le collège des apôtres, dont
Pierre est le premier, qui a reçu la charge de l’Église ; le siège de Constanti-
nople, nouvelle Rome, reçoit les mêmes privilèges que l’Ancienne Rome,
selon le canon 28 du concile de Chalcédoine qui explique que Rome avait
reçu des prérogatives parce qu’elle était ville impériale. Cette vision poli-
tique est inacceptable pour Rome, car elle justifie que le siège de Constanti-
nople jouisse des mêmes privilèges, en tant que nouvelle capitale. Ce désac-
cord est source de conflits.
À cela s’ajoutent des divergences liturgiques (emploi pour l’eucharistie
de pain azyme par les Latins et de pain levé par les Grecs) et disciplinaires
(célibat progressivement imposé aux prêtres latins, règles du jeûne) ainsi que
nombre de griefs mineurs et de faux procès [Kolbaba, 295].
Avant la crise photienne, les frictions n’empêchent pas Rome de repré-
senter un recours pour les Orientaux contre les positions impériales ou
patriarcales : lors des crises monothélite et iconoclaste, c’est vers le pape
que se tournent les opposants (Maxime, Théodore Stoudite). Néanmoins,
les relations entre les deux sièges sont le plus souvent harmonieuses. Au
IXe siècle Méthode, un Grec, frère de Constantin-Cyrille, est encore envoyé
par le pape Hadrien II organiser, pour le compte de Rome, l’Église de
Moravie.
Les institutions de l’Église byzantine 113

Les étapes de la r u ptu r e

En 858, Photius devient patriarche, en remplacement d’Ignace écarté


pour des raisons politiques. En 861, un synode auquel assistent des légats
du pape Nicolas Ier confirme la déposition d’Ignace. Cependant le pape
désavoue ses légats et, lors d’un synode au Latran, il dépose Photius et les
évêques qu’il a consacrés (863), affirmant sa primauté et son droit d’inter-
vention dans les affaires du patriarcat de Constantinople. Photius réplique
par une encyclique aux patriarches orientaux et par un concile qui dépose
et excommunie le pape (867). Une révolution de palais à Constantinople
entraîne la disgrâce de Photius et le retour d’Ignace. En 869, un concile à
Constantinople (que les Latins tiennent pour le VIIIe concile œcuménique),
sous la direction des légats du pape, confirme la condamnation de Photius
et déclare Rome seule garante de l’orthodoxie. Par la suite, Ignace et Pho-
tius se réconcilient et à la mort d’Ignace en 876, le pape Jean VIII entérine
le retour de Photius, réhabilité triomphalement, en 879, par un nouveau
concile à Constantinople.
Ce qu’il faut retenir, c’est le durcissement des positions : Rome reven-
dique un droit de regard dans les affaires du patriarcat de Constantinople ;
Photius, dans son encyclique aux patriarches orientaux, réclame la pri-
mauté en Orient pour Constantinople, et pour la première fois énumère les
« erreurs » des Latins, au premier rang desquelles le Filioque.
Dès la fin du VIe siècle, les patriarches de Constantinople revendiquent
le titre de patriarche œcuménique, c’est-à-dire universel, ce qui attire des
protestations de la part des papes. Les possibilités de conflit surgissent
quand sont élues des personnalités affirmées, comme Photius ou Michel
Cérulaire. En 1052, Léon d’Ochrida met en garde l’archevêque de Trani
contre l’usage latin de pain azyme pour l’eucharistie. Malgré la médiation
du patriarche de Grado, la querelle s’envenime quand le patriarche Michel
Cérulaire, d’après les sources latines, fait fermer les églises latines à Cons-
tantinople. Le pape Léon IX, alors allié des Byzantins contre les Normands,
envoie des légats à Constantinople, menés par le cardinal Humbert. Entre
ce champion de la réforme de l’Église et Cérulaire, attaché à ses préroga-
tives de patriarche œcuménique, la négociation est vouée à l’échec. Après
un dialogue de sourds entre les légats et le théologien Nicétas Stéthatos, le
cardinal dépose sur l’autel de Sainte-Sophie, le 16 juillet 1054, une bulle
excommuniant le patriarche, à quoi ce dernier répond en excommuniant
les légats. La rupture est consommée, alors que Léon IX, leur mandant,
était mort depuis le 19 avril [Kaplan, 182].
Nul à cette époque n’est conscient d’une rupture durable. Entre 1054
et 1204, de nombreuses démarches cherchent à rétablir la communion.
114 Les institutions de l’Empire

Grégoire VII cherche à réunir des troupes pour secourir les chrétiens
d’Orient menacés par les Turcs, démarche renouvelée par Urbain II, qui
aboutit à la première croisade. Mercenaires latins et marchands italiens
peuvent vivre paisiblement dans la capitale jusqu’au massacre de 1182.
Toutefois les croisades enveniment les relations et la polémique entretient la
méfiance réciproque des plus rigides dans les deux camps. La quatrième
croisade et le sac de Constantinople rendent finalement utopique une
Union des Églises.

L’ O R G A N I S A T I O N D U C L E R G É

LA CARRIÈRE ECCLÉSIASTIQUE

Héritée des premiers canons conciliaires et de la législation justinienne


[Flusin, NC 1], l’organisation du clergé ne change guère au-delà du
VIIe siècle. La distinction entre clercs ou laïcs reste fondamentale, mais
l’insistance mise à la préciser au cours des conciles, puis des synodes perma-
nents (distinction de vêtements, de métiers, de comportement, dans le
mariage, dans le maniement de l’argent, etc..), montre qu’elle ne va pas de
soi. Le clergé est organisé selon une hiérarchie où la progression des car-
rières dépend de l’âge (selon les canons que ne sont pas toujours respectés,
18 ans pour le lecteur, 25 pour le diacre, 30 ans pour le prêtre, 35 pour
l’évêque ; seul le sous-diacre est passé de 25 à 20 ans), du talent et parfois
de l’argent.
Au sommet se trouve toujours l’évêque, que le port de l’omophorion qua-
lifie comme pasteur par excellence, seul responsable de la marche de son
troupeau vers le salut. Par délégation de l’évêque et à son service, se trou-
vent des clercs nombreux, simplement bénis (ordres mineurs, notamment
chantres et lecteurs), ou consacrés avec imposition des mains (ordres
majeurs : diacres, prêtres, évêques). Il y a un temps à respecter entre
chaque échelon, mais cette règle subit des exceptions. Il est possible de res-
ter toute sa vie dans les grades inférieurs, comme celui de portier. Inverse-
ment, Photius est passé de l’état laïc à celui d’évêque en une semaine. À
chaque seuil correspond une cérémonie liturgique conférant au titulaire une
charge accompagnée de ses insignes. Si l’on fait exception de l’empereur,
seuls les clercs consacrés ont accès au sanctuaire et à l’autel. On les appelle
donc les « clercs du sanctuaire (bèma) ».
Les institutions de l’Église byzantine 115

Les clercs byzantins peuvent se marier avant d’entrer dans le clergé et


garder leur épouse même après la consécration cléricale. En revanche, les
évêques sont désormais choisis presque exclusivement parmi les célibataires
pour éviter les problèmes liés à l’héritage de leurs biens et, comme les dia-
cres et les prêtres mariés sont nombreux, la tendance est de recruter les
évêques dans les milieux monastiques. L’influence de la spiritualité monas-
tique est donc grande sur le milieu épiscopal.
Les clercs desservant les églises rurales, un diacre et un prêtre en prin-
cipe, doivent travailler pour faire vivre leur famille, car il n’y a pas de dîme
à Byzance. Ils mènent une vie proche de celle des laïcs. Les clercs reçoivent
des redevances tarifées pour leurs services (baptême, mariage...), mais ceux
qui sont en ville se sont souvent engagés dans des activités lucratives, inten-
dance, commerce, usure que les canons condamnent. Ils doivent verser une
contribution, le kanonikon, à leur évêque.
Les évêques et les métropolites sont assez souvent issus de familles aris-
tocratiques pour les métropoles les plus prestigieuses, mais il n’y pas de
mainmise complète de l’aristocratie sur les évêchés. Toutefois, par leurs
revenus (d’une ou deux livres d’or à plusieurs dizaines) et en raison des
biens possédés par leur Église, les évêques sont rangés par les novelles des
Macédoniens parmi les « puissants ». Les métropolites se distinguent des
simples évêques par leur responsabilité de coordination de leurs suffragants
qu’ils réunissent en synodes ; ils forment un maillon intermédiaire entre le
patriarche et les évêques. Le développement du synode permanent fit
d’eux, on l’a vu, des acteurs majeurs du gouvernement de l’Église et les
attira à Constantinople. La régularité des synodes provinciaux s’en ressentit.

L’ÉVÊQUE

Au Moyen Âge, les évêques ne sont plus élus par le clergé et le peuple
de leur cité ; ils sont désormais choisis par leurs pairs réunis en synode
provincial parmi les clercs locaux ou parmi les moines. Les laïcs sont
beaucoup plus rarement promus à l’épiscopat. Le métropolite retient et
consacre l’un des trois candidats, après que celui-ci a prononcé la confes-
sion de foi orthodoxe. Cette dernière permet de contrôler que les préfé-
rences théologiques du nouvel élu correspondent à celles du métropolite et
donc, en principe, à celles du patriarche choisi par l’empereur. L’autorité
des évêques locaux pour la désignation de leurs pairs est battue en brèche,
à partir de la fin du XIe siècle, par l’intervention de l’empereur dans le
choix des prélats.
116 Les institutions de l’Empire

Le métropolite est en premier lieu l’évêque du chef-lieu d’une province.


Il est désigné par le patriarche sur une liste de trois noms présentés par les
seuls métropolites, puis est consacré par le patriarche. Le métropolite est
assisté dans sa tâche par le clergé cathédral et, sur le modèle de l’adminis-
tration patriarcale, par des archontes provinciaux, notamment un économe
(charge obligatoire depuis le concile in Trullo pour garantir une bonne ges-
tion des biens des Églises). Les métropoles les plus aisées se dotent de didas-
cales et de services administratifs composés principalement de diacres. Ces
archontes voient leur rôle grandir dans leur localité, à mesure que le métro-
polite passe de plus en plus de temps à Constantinople. Le métropolite doit
réunir une fois par an le synode provincial (canons 8 de in Trullo et 6 de
Nicée II) et non plus deux fois comme il était prévu par les premiers conci-
les, en raison du coût et des invasions. Le canon 37 du concile in Trullo,
ayant à traiter du cas des évêques tenus éloignés de leur siège par les inva-
sions, garde à ces évêques non résidants leur rang hiérarchique qui leur
permet de procéder à des ordinations. La même « économie » est adoptée
par Manuel Comnène du fait de la conquête turque et du grand nombre
d’évêques ne pouvant ou ne voulant pas rejoindre le siège pour lequel ils
sont consacrés : ils peuvent résider à Constantinople. Ces mesures qui tien-
nent compte des difficultés rencontrées par les évêques, mais beaucoup
moins de celles de leur troupeau, expliquent pour une part l’impression
d’abandon ressentie dans les éparchies en terre d’Islam.
L’évêque en son diocèse est responsable des affaires spirituelles et tempo-
relles de l’Église. L’évêque a autorité sur le clergé et sur les monastères qui
dépendent de lui, mais qui sont de moins en moins nombreux, puisque les
nouvelles fondations monastiques sont généralement placées sous la dépen-
dance directe du patriarche, quand elles ne sont pas purement et simplement
indépendantes. Il a juridiction sur les différends entre clercs et laïcs, sur les
affaires entre laïcs quand son arbitrage est requis. Il tranche sur diverses
questions canoniques, dont les empêchements de mariage. Il doit aussi ins-
truire son troupeau : la prédication est l’un de ses principaux devoirs mais
aussi son privilège, car nul, pas même un autre évêque, ne peut prêcher dans
son diocèse sans son autorisation. Il est le seul à préparer le myron, l’huile
parfumée utilisée lors du baptême, à consacrer un autel ou à procéder à la
dédicace d’une église. Il veille sur l’administration des sacrements.
L’évêque est souvent pris au piège de problèmes économiques qui l’em-
pêchent de se consacrer à ses tâches spirituelles et administratives. Parfois
des évêques furent tentés de confondre leur fortune personnelle avec celle
de l’Église dont ils avaient la charge, voire avec celle des monastères placés
sous leur dépendance, ou encore de pressurer leurs clercs en exigeant d’eux
des redevances indues. D’où les nombreuses mises en garde, qui rappellent
l’obligation de confier la gestion économique à un économe, ou la soumis-
Les institutions de l’Église byzantine 117

sion obligatoire des évêques à leurs métropolites, lesquels ne doivent pas


s’emparer des biens d’un évêque défunt (in Trullo canon 35).
L’évêque en sa province joue le rôle d’un notable, et se trouve parfois
en rivalité d’influence avec un moine charismatique comme l’évêque de
Lacédémone opposé à saint Nikon le Métanoïte. Son autorité morale lui
fait un devoir de protéger les faibles (veuves, orphelins, prisonniers) ou
d’intercéder contre la rapacité des agents du fisc. Il nourrit les plus pauvres,
participe au rachat des prisonniers de guerre. Il prend parfois la relève des
autorités laïques, en cas de défaillance du pouvoir impérial, comme ce fut le
cas lorsque les invasions arabes et slaves, puis ultérieurement turques, isolè-
rent leur cité. Si les métropolites sont volontiers sensibles à l’attrait de la
capitale et de l’entourage impérial, les évêques sont plus nombreux à rester
dans leurs provinces.
En effet, lorsqu’une région tombe sous la domination arabe (au VIIe s.)
ou turque (à partir du XIe s.), échappant ainsi à la juridiction impériale,
l’évêque reste pour les chrétiens de la région l’unique juridiction, et, pour
l’occupant, l’unique interlocuteur légitime. Selon les conventions signées
avec les conquérants, l’évêque est responsable de tout ce qui concerne ses
fidèles, y compris les actes les plus quotidiens de la vie civile. Il est aussi res-
ponsable des fondations charitables. Cet alourdissement des tâches est
d’autant plus difficile à gérer que souvent les revenus décroissent en propor-
tion. À partir du XIIe siècle, des évêchés sont en quelque sorte « donnés » à
des évêques en plus de leur siège propre, pour accroître leurs ressources :
c’est le phénomène de l’épidosis [Vryonis, 523].

PRÊCHER

C’est par la prédication que l’Église byzantine exprime et diffuse la


conscience de sa propre identité. Le Synodikon de l’Orthodoxie, lu chaque pre-
mier dimanche de Carême, avec ses acclamations et ses anathèmes,
acquiert de ce fait un statut homilétique [Gouillard, 287]. La fonction de la
prédication est triple : enseigner le dogme, expliquer l’Écriture, exhorter.
Les évêques et les prêtres prêchent au cours de la Divine Liturgie, après les
Lectures qu’il s’agit d’interpréter, mais aussi, de plus en plus, au cours de la
liturgie des heures (cf. chap. XIII, p. 325-329).
Le concile in Trullo, en 692, exclut les laïcs de cette fonction et recom-
mande aux prédicateurs d’emprunter aux Pères leurs homélies, l’enseigne-
ment patristique formant comme un écran obligé entre l’Écriture et le
fidèle, voire le clergé (canon 19). Par la suite, des évêques continuent à rédi-
118 Les institutions de l’Empire

ger des homélies (Germain de Constantinople au VIIIe s., Photius au IXe,


Eustathe de Thessalonique au XIIe), mais, parallèlement, se constituent des
recueils d’homélies patristiques groupées selon le cycle de l’année liturgique,
dans lesquels peuvent puiser les prédicateurs. Même le patriarche de Cons-
tantinople bénéficie, à partir du XIIe siècle, d’un Homéliaire patriarcal ali-
menté par quelques patriarches compétents.
L’instruction du peuple a toujours préoccupé empereurs et patriarches,
mais c’est Alexis Comnène qui a pris la mesure la plus spectaculaire par
son édit de 1107 (cf. chap. XIV, p. 364). Pour leur part les évêques sont
invités à visiter leurs diocèses et à y déléguer des prêtres qualifiés pour la
prédication [Gautier, 248 ; Darrouzès, 279].

LE S M I N O R I T É S N O N O R T H O D O X E S

LES MONOPHYSITES

La conquête arabe a amputé Byzance de ses territoires où dominaient


les hétérodoxes, y compris l’Arménie. Toutefois, l’empereur et le patriarche
voulaient réintégrer cette province d’Orient dans l’orbite byzantine et les
tentatives d’union se poursuivirent, comme en témoignent les lettres des
patriarches Germain au VIIIe siècle et Photius au IXe aux catholicoi (mono-
physites) et aux princes arméniens pour les inciter à reconnaître le dogme
chalcédonien. La majeure partie des Arméniens établis dans l’Empire sont
sans doute chalcédoniens, mais ce n’est pas le cas des Arméniens hors de
l’Empire.
À partir du Xe siècle, avec la reconquête de la Syrie, la question des
relations avec les monophysites redevient d’actualité ; la politique byzantine
oscille entre la recherche de l’unité religieuse au prix de la répression des
minorités et le souhait de se concilier des populations devenues localement
majoritaires.
Les jacobites monophysites furent invités par Nicéphore Phocas à
repeupler les provinces frontalières de Syrie et Mésopotamie. De nouveaux
évêchés sont créés et le patriarche jacobite s’établit à Mélitène, ce qui
explique que le métropolite chalcédonien de cette ville fut souvent en pre-
mière ligne contre les monophysites. Nicéphore, à la fin de son règne,
aurait tenté de ramener les jacobites à l’orthodoxie. Leur patriarche empri-
sonné à Constantinople fut libéré par Tzimiskès. L’élément arménien se
renforça lorsque furent établies en garnison dans tout l’Orient des troupes
arméniennes et lors de l’absorption des royaumes arméniens. Dans la
Les institutions de l’Église byzantine 119

région d’Antioche, des heurts occasionnels opposaient chalcédoniens, dont


le nombre avait aussi probablement augmenté, Jacobites ou Arméniens.
Les tensions s’avivèrent au XIe siècle, lorsque Romain III, vexé de son
échec en Syrie, fit convoquer le patriarche jacobite à Constantinople et
l’exila. Sous Constantin X, à la suite d’un nouveau regain de tension, la hié-
rarchie jacobite fut de nouveau convoquée à Constantinople pour l’obliger
– vainement – à reconnaître Chalcédoine. En 1063, fut donné l’ordre
d’expulser les monophysites de Mélitène, et le synode ordonna que les livres
des Syriens et des Arméniens fussent brûlés. L’année suivante, le patriarche
jacobite d’Antioche mourut durant son transfert à Constantinople et le
métropolite jacobite de Mélitène fut condamné à l’exil. La conquête turque
et l’établissement des Latins à Antioche ne mirent pas fin aux discussions.
Manuel Comnène, désireux d’enrôler tous les chrétiens dans son combat
contre les Turcs et d’affirmer sa mainmise sur la Petite Arménie, favorisa les
contacts avec l’Église arménienne alors établie en Cilicie : en 1171
Manuel Ier attendait des Arméniens la reconnaissance de l’orthodoxie chal-
cédonienne ; en 1177 il reconnaît leur rattachement à l’orthodoxie
[Augé, 690]. Selon le concile arménien de Cilicie de 1178, le catholicos
adhère à la foi chalcédonienne en échange de sa nomination au patriarcat
d’Antioche par l’empereur et de la fusion des deux hiérarchies. Mais cette
tentative très politique de rapprochement s’éteint à la mort de Manuel.

LES MOUVEMENTS SECTAIRES

Cependant, l’orthodoxie affronte un autre défi : des mouvements sec-


taires caractérisés non par des déviations dogmatiques mais par des prati-
ques qui révèlent l’existence de « corps étrangers réfractaires à certaines for-
mes d’hellénisation et de byzantinisation » [Gouillard, 287]. Ces
mouvements touchent des populations pour la plupart non hellénophones,
qui peuplent les marges orientales (Phrygie, Lycaonie, Arménie) ou septen-
trionales (Balkans) de l’Empire.
Ces mouvements sectaires, que rapprochent la tendance au syncrétisme
et le refus de l’orthodoxie, se répartissent en deux grandes catégories : les
sectes judaïsantes et les sectes dualistes. De la nébuleuse judaïsante
[Dagron, 273], qui se caractérise par l’observance de la loi juive en même
temps que de rites chrétiens, se détachent les montanistes – qui sont peut-
être à cette époque des juifs baptisés de force ou tentés par un syncrétisme
judéo-chrétien [Sharf, 315] – et les athinganes, dont les pratiques présen-
tent un syncrétisme entre judaïsme (shabbat), samaritanisme (refus de la
120 Les institutions de l’Empire

résurrection), christianisme (baptême) et paganisme (magie, culte des astres).


La confusion des sources, biaisées par des arrière-pensées politiques (ainsi,
Nicéphore Ier fut accusé de favoriser les athinganes et Michel II d’en être
un lui-même) a conduit P. Speck à penser que les « athinganes » seraient
une construction des hérésiologues byzantins [Speck, 318]. Montanistes ou
athinganes disparaissent presque des sources après le IXe siècle.
Les dualistes [Christian dualists, 266] constituent un danger permanent,
sous forme de vagues de sectarisme entraînant une réaction brutale. Pour
les Byzantins, l’ascendance manichéenne de ces sectes ne fait aucun doute
(Anne Comnène, Alexiade, XIV, 8, 3-4 ; XV, 8-10). L’amalgame entre dua-
listes et messaliens est aussi constant, selon la pratique de ramener toute
hérésie nouvelle à une ancienne hérésie. La pratique de la dissimulation,
attestée chez les manichéens, les pauliciens et les bogomiles, a pu faire
naître le sentiment d’une filiation et la crainte d’une « subversion souter-
raine » [Dagron, HC 4] qui explique la violence de la réaction.
Les sources byzantines, qui mêlent traits d’observation et stéréotypes,
laissent apparaître un mélange de dualisme théologique (deux dieux, deux
mondes) plus ou moins radical et de pratiques qui expriment le refus des
médiations ecclésiales (clergé, sacrements, images). Mais elles interprètent
parfois comme des dualismes doctrinaux de simples mouvements spiritua-
listes cherchant une réponse au scandale du Mal dans le monde
[Garsoian, 285].
L’orthodoxie byzantine eut à affronter deux grands mouvements dua-
listes. Les Pauliciens [Astruc, 676], adeptes d’un syncrétisme manichéo-
chrétien, apparurent dans l’Empire byzantin au VIIe siècle. La répression
déclenchée au IXe siècle entraîna la formation d’un État paulicien qu’il fut
difficile de réduire (cf. chap. II). Pierre de Sicile fut envoyé à Téfrikè pour
négocier un échange de prisonniers, et l’enquête qu’il y mena est à l’origine
de notre connaissance de la secte. Le danger bogomile [Rigo, 311] prit la
relève. Dès le Xe siècle, le prêtre Kosmas mentionne le succès d’un mouve-
ment prêché par Bogomil en Bulgarie [Vaillant, Puech, 765]. Ce mouve-
ment semble né de la rencontre entre des missions dualistes, peut-être pau-
liciennes, et un mouvement de révolte contre la tutelle du patriarcat de
Constantinople et l’imposition du modèle culturel byzantin. Au XIe siècle, le
danger pénètre dans l’Empire, avec les Phoundagiagites, actifs dans les
monastères orientaux. À la fin du siècle, le prosélytisme bogomile touche les
cercles aristocratiques de Constantinople, entraînant une forte réaction
d’Alexis Ier, qui aboutit à l’arrestation de Basile, le chef de la secte, qui est
brûlé en 1099. L’interrogatoire de Basile par Euthyme Zigabènos, l’hérésio-
logue officiel, est une des sources principales sur ce bogomilisme byzantin.
Par la suite, le bogomilisme continue de troubler la vie de l’Église byzan-
tine, tant dans les provinces que dans la capitale. Des sources occidentales
Les institutions de l’Église byzantine 121

laissent deviner, au XIIe siècle, un schisme entre des dualistes mitigés (un
principe du mal subordonné au principe du bien) et des dualistes radicaux
(deux principes égaux) qui seraient à l’origine du mouvement cathare en
Occident [Hamilton, 266]. L’accusation de bogomilisme, fondée ou non,
demeure une arme contre tous les dissidents.

LES JUIFS

La situation légale des Juifs est fixée par le Code Justinien [Rabello, 310],
repris dans les Basiliques. Les Juifs sont tolérés, et comme tels protégés
contre les exactions ; ils peuvent exercer leur religion librement et nul ne
peut les obliger à transgresser leurs coutumes ; toute affaire interne est du
ressort des tribunaux juifs. En revanche, ils ne peuvent exercer le moindre
prosélytisme, ni poursuivre ceux des leurs qui se font chrétiens. La cons-
truction de nouvelles synagogues, interdite, est tolérée en fait. Ceux qui
incitent les chrétiens à se convertir au judaïsme sont passibles de mort.
La législation de l’Église cherche à séparer les communautés afin de
prévenir tout risque de syncrétisme : interdiction des mariages mixtes, du
recours à un médecin juif, de chômer le samedi (sabbat), de participer aux
fêtes juives, de prier dans une synagogue. Cependant, le sort des Juifs de
l’Empire, sans être enviable, est moins tragique que celui des Juifs
d’Occident [de Lange, 707]. Si l’on excepte les violences du VIIe siècle, plus
politiques que religieuses [Sharf, 315], l’Orient chrétien médiéval ne semble
pas avoir connu de véritables pogroms. Cependant des initiatives locales,
comme celle de Nikon le Métanoïte à Sparte au Xe siècle, aboutirent à
l’expulsion – temporaire ? – des juifs d’une ville, non sans résistance d’une
partie des notables. Au XIIe siècle, Benjamin de Tudèle a laissé une descrip-
tion des communautés juives de l’Empire, qui paraissent prospères.
Nous ne pouvons qu’évoquer la vie religieuse des communautés juives
[Starr, 518 ; Sharf, 316 ; Sharf, 315]. Si la novelle 146 de Justinien s’adresse
à des communautés qui parlent grec, dans les siècles suivants, ces dernières
reviennent à l’hébreu : des documents byzantins en hébreu ont été retrouvés
dans la Géniza du Caire. Les relations entre les Juifs byzantins et leurs coreli-
gionnaires d’Occident, de Jérusalem, du Caire ou de Bagdad, sont attestées
par des correspondances personnelles, d’affaires ou entre communautés.
On notera la présence de nombreux Karaïtes (les Karaïtes s’en tiennent
à la Bible et refusent le Talmud) venus de Palestine au Xe siècle. Cette com-
munauté compte des savants comme Tobiah ben Moses de Constantinople
(XIe s.), ou Tobiah ben Eliezer de Kastoria (XIIe s.). Constantinople est le
122 Les institutions de l’Empire

théâtre de controverses entre Rabbanites et Karaïtes, parfois violentes


comme en 1092 à propos du calendrier. La présence de ces Karaïtes peut
expliquer la coloration anti-talmudique des formulaires d’abjuration tardifs
[Ankori, 687].
Les Byzantins se considèrent comme le nouveau peuple élu, et présen-
tent Constantinople comme la nouvelle Jérusalem [Flusin, 712]. Dans ce
schéma, le peuple juif est destiné à se convertir à la fin des temps. Les évé-
nements tragiques du VIIe siècle en Orient et une littérature apocalyptique
abondante expliquent peut-être la décision d’Héraclius d’imposer un bap-
tême aux Juifs en Orient. À plusieurs reprises, des empereurs renouvelèrent
la tentative de conversion : Léon III, Basile Ier ou Romain Lécapène, tous
souverains qui cherchaient à affirmer leur légitimité. On trouve un écho du
décret de Basile dans l’histoire d’Ahima’atz d’Oria, ville de l’Italie byzan-
tine qui abritait une importante communauté juive. L’auteur rapporte que
son ancêtre sortit victorieux d’une controverse avec l’évêque local et que
plus tard, il fut traité avec respect par l’empereur lui-même.
Ces conversions forcées sont mal accueillies par une partie de l’Église
depuis Maxime le Confesseur au VIIe siècle jusqu’à Grégoire de Nicée
au IXe. Dans son Traité sur le baptême des Juifs écrit vers 878/879, Grégoire
condamne sévèrement l’initiative impériale, qui risque de mêler les fidèles à
des cryptojuifs.
Le VIIe siècle nous a laissé une foison de dialogues judéo-chrétiens qui
visent moins à convertir les Juifs qu’à détourner les chrétiens de l’attirance
du judaïsme [Olster, 750]. La plupart des récits qui nous sont parvenus
sont des reconstitutions fictives qui suivent toutes à peu près le même scéna-
rio : prétendue provocation par un Juif, discussion publique, conversion du
Juif. Seule la Doctrina Jacobi reflète probablement un affrontement réel qui
eut lieu vers 634, entre un Juif converti et ses coreligionnaires baptisés de
force sous Héraclius [Déroche, 709].
Après le VIIe siècle, l’anti-judaïsme s’exprime surtout dans des homélies
et dans l’hagiographie, signe qu’il s’agit d’une apologétique ad intra. Aux
thèmes théologiques, présents dès le IIe siècle (caducité de la Loi, Verus Israel,
prophéties du Christ, déicide), s’ajoutent des thèmes nouveaux : défense des
images, sort eschatologique des Juifs.

LES MUSULMANS

Les Byzantins perçurent d’abord l’islam comme une hérésie chrétienne,


avant de prendre conscience du caractère irréductible de la nouvelle religion.
Les institutions de l’Église byzantine 123

Le comportement des Byzantins à l’égard des musulmans est symétrique


de celui de ces derniers à leur égard. Dans les deux Empires, il est interdit
d’apostasier sous peine de mort. Quelques chrétiens subissent le martyre
pour avoir critiqué l’islam, ou refusé d’abjurer après leur capture – fait
exceptionnel – (martyrs d’Amorion). Mais il existe aussi dans les deux
Empires un modus vivendi entre les communautés religieuses, malgré des
heurts occasionnels. La conduite du calife fâtimide Al Hakîm qui a donné
l’ordre de détruire toutes les églises de son territoire, dont celle de l’Anas-
tasis à Jérusalem en 1019, est atypique. Dès le VIIIe siècle, il existe une
mosquée à Constantinople ; commerçants et soldats, parfois mercenaires
des armées byzantines, ainsi que les prisonniers arabes, peuvent pratiquer
leur religion en terre byzantine. Une seconde mosquée, construite après un
accord entre Isaac II et Saladin en 1189 dans le quartier des commerçants
musulmans, fut incendiée en août 1203 par des Latins [Reinert, 581]. Au fil
des siècles, les contacts permettent une meilleure connaissance non de la
théologie coranique (embryonnaire), mais des croyances et pratiques popu-
laires de l’Islam.
Si dès le VIIe siècle, la conquête arabe avait inspiré des inquiétudes sur
les raisons de la victoire des armées arabes et sur les conversions à leur reli-
gion (on en trouve des échos chez Anastase le Sinaïte), le premier théolo-
gien chrétien qui écrivit entre 720 et 754 sur l’Islam avec une assez bonne
connaissance de cette religion est Jean Damascène [Auzépy, 693]. Ancien
fonctionnaire au service du calife à Damas, il présente l’Islam comme une
hérésie fruste qui ne menace pas la religion subtile des chrétiens. Il cite des
sourates du Coran, mais connaît surtout la tradition orale. Dans sa Contro-
verse entre un musulman et un chrétien (SC, no 383), manuel à l’usage des chré-
tiens, transparaissent à la fois la condescendance envers une religion primi-
tive et la prudence envers la religion des gouvernants. À la génération
suivante, Théodore Abu Qurra, disciple de Jean, rédige des dizaines
d’opuscules apologétiques [Griffith, 720].
Dans le monde byzantin même, la connaissance de l’islam semble assez
limitée, en dépit des contacts avec les marchands ou les prisonniers musul-
mans. Au IXe siècle, Michel III, ayant reçu des lettres de théologiens musul-
mans attaquant le christianisme, charge Nicétas de Byzance d’y répondre.
Dans son Exposé démonstratif, le lettré grec ne cherche pas à convertir, mais à
éblouir les musulmans par la dialectique byzantine. Sa Réponse aux Agarènes
repousse l’idée que les victoires des Arabes prouvent la supériorité de leur
religion. Dans sa Réfutation du Coran, il utilise l’une des premières traductions
grecques de ce texte. Traditionnellement, la polémique chrétienne déve-
loppa quelques thèmes constamment répétés : la cruauté, déjà prônée par
Mahomet qui incitait à verser le sang, et la luxure liée à la polygamie et à
la conception du Paradis [Khoury, 294].
124 Les institutions de l’Empire

La polémique peut aller jusqu’à l’injure. Au IXe siècle, Georges le


Moine s’emporte contre la « folie, la démence grotesque de ce magicien
scélérat (Mahomet) ». Ces rapports conflictuels n’interdisent pas que des
liens pacifiques se nouent, à l’occasion, entre chrétiens et musulmans. Nico-
las Mystikos affirme au calife de Damas que chrétiens et musulmans doi-
vent entretenir des sentiments fraternels. Les musulmans visitent les Lieux
saints du christianisme, en particulier à l’époque des Ummayades. Des phé-
nomènes de syncrétisme apparaissent : une décision synodale du XIIe siècle
évoque « la coutume des Agarènes de faire baptiser leurs enfants par des
prêtres orthodoxes pour éviter qu’ils ne soient possédés du démon et ne
sentent mauvais comme des chiens » [Grumel, 51, Reg. 1088]. Certains de
ces musulmans étaient nés d’une mère chrétienne, dans l’Asie Mineure
conquise par les Turcs.
C HA P I T R E V I

L’administration impériale
PAR JEAN-CLAUDE CHEYNET

L’Empire médiéval a hérité de l’Antiquité une administration complexe,


coûteuse et peuplée de fonctionnaires bien éduqués. La crise du VIIe siècle
entraîna une profonde réorganisation qui adapta les structures d’un État,
dont l’étendue s’était fortement réduite et qui s’était appauvri, par le renfor-
cement de la centralisation, Constantinople restant l’unique cité méritant
d’être encore appelée une mégalopolis. Les principaux fonctionnaires de
l’époque protobyzantine disparaissent ou perdent progressivement leur
importance, qu’il s’agisse du préfet du Prétoire, du maître des offices ou des
responsables financiers. Toutefois, on remarque que nombre de services
nouveaux sont dirigés par leurs anciens subordonnés.

LA FISCALITÉ

LES PRINCIPES

La force de l’Empire réside dans le maintien d’un système fiscal assez


efficace pour assurer l’entretien d’armées nombreuses, au moins jus-
qu’en 1204. Il n’y avait pas de budget prévisionnel comme dans les États
modernes, mais l’empereur connaissait approximativement le montant des
recettes auxquelles il devait s’attendre. N. Oikonomidès a avancé l’idée que,
entre l’Antiquité et le haut Moyen Âge, on serait passé de l’impôt de réparti-
tion à celui de quotité. Dans le premier cas, les conseillers financiers de
l’empereur établissaient le niveau des besoins pour l’année à venir et la
somme était ensuite répartie sur les diverses provinces qui, elles-mêmes,
redistribuaient les montants exigés entre les diverses cités. Ce que nous
savons du système médiéval montre que l’impôt était exigé en fonction des
126 Les institutions de l’Empire

capacités contributives de chacun, selon un barème qui variait selon les pro-
vinces, mais qui, en gros, permettait d’établir le montant de l’impôt en fonc-
tion de la richesse de chaque paysan, c’est-à-dire la superficie de terre arable
qu’il pouvait cultiver, celle-ci dépendant elle-même du train de culture dont
il disposait. Cette opposition est en fait exagérée, car la fiscalité égyptienne
montre que le taux de l’impôt ne variait pas d’année en année et qu’un sys-
tème proche de celui de l’époque médiévale était déjà en place [Zucker-
man, 330]. De fait, la continuité domine toute l’époque médiévale, même si
les modalités évoluent. Les besoins fondamentaux de l’État sont couverts par
l’impôt foncier de base et les dépenses extraordinaires sont alimentées par
des expédients, des « exactions » comme le disent les textes, qui sont répartis
sur une population donnée. C’est à cette pratique que Kékauménos dans ses
Conseils et récits fait allusion, lorsqu’il invite ses fils à ne pas exercer de charges
fiscales, car ils seraient conduits à favoriser leurs parents et amis ou à être
accusés de le faire [Kékauménos, Spadaro, 415, § 100].
Les fonctionnaires du fisc de la capitale connaissaient donc à l’avance le
niveau des recettes qui variaient peu d’année en année, sauf catastrophe
naturelle ou fait de guerre. Bien entendu, sur le long terme, les variations
dépendent de la démographie qui, elle-même, détermine la superficie
exploitée des terres. Ainsi, on peut supposer que les Isauriens étaient moins
bien lotis que les empereurs des Xe et XIe siècles. La pression fiscale pouvait
aussi varier en fonction des besoins. Les empereurs portés aux grandes opé-
rations militaires qui exigeaient en permanence des effectifs importants, tel
Nicéphore Phocas, étaient contraints d’élever les impôts, ce qui, dans le cas
de Phocas, lui a fait une réputation détestable. L’État ignore en effet le cré-
dit, ce qui explique, en cas d’urgence absolue, l’emploi de méthodes contes-
tables telle l’annulation des privilèges précédemment concédés ou la confis-
cation de la fortune des adversaires politiques, comme dans la seconde
moitié du XIe siècle, ou entre les deux prises de Constantinople par les Latins.
Les sources ne fournissent pas d’estimation des rentrées fiscales pour
une année et permettent seulement les conjectures des chercheurs contem-
porains. Un savant, par exemple, les a évaluées à 5 ou 6 millions de nomis-
mata à l’époque de Justinien, un autre les estime, vers 800, à moins de deux
millions probablement [Hendy, 651, p. 172] – ce qui semble encore très
optimiste. Le total s’accroît ensuite dans une proportion notable sous les
Macédoniens et sans doute encore sous les Comnènes, la perte du plateau
de l’Asie Mineure étant compensée par la conquête des Balkans et le dyna-
misme de l’économie.
La notion d’un budget de l’État est évidemment anachronique, car
chaque institution publique était indépendante et possédait des biens
fonciers ou des ressources fiscales censés couvrir les dépenses de son fonc-
tionnement et même au-delà. C’est pour cette raison que la direction d’un
L’administration impériale 127

service de l’État, un sékréton ou un oikos, offrait une perspective d’enrichis-


sement rapide. Nicéphoritzès, ministre de Michel VII, fut torturé à mort
par les hommes de Botaneiatès pour lui faire rendre gorge. Des sékréta
furent même distribués à titre de libéralité impériale parce qu’ils procu-
raient des revenus. L’ancienne impératrice Eudocie Makrembolitissa reçut
ainsi les revenus de trois d’entre eux, qui paraissent avoir été considérables,
de l’ordre de plusieurs centaines de livres d’or [Attaleiatès, 59, p. 217].
Le cadre de la levée de l’impôt avait cessé d’être la cité, dont les institu-
tions périclitaient déjà au siècle précédent et avaient quasi disparu dans la
tourmente du VIIe siècle ; il était tout naturellement passé au village. Les
paysans qui, à cette époque, étaient sans doute majoritairement proprié-
taires de leurs terres, étaient collectivement responsables du paiement de
l’impôt, ce qui n’était pas non plus une nouveauté, et les impôts qu’ils
devaient étaient enregistrés dans un kôdix provincial dont une copie était
gardée au bureau du génikon dans la capitale. Lorsqu’un paysan déguerpis-
sait et abandonnait sa terre, ses voisins payaient son impôt et avaient donc
tout intérêt à mettre en culture ses champs pour assumer cette charge sup-
plémentaire. Un tel système garantissait à l’État des rentrées stables, mais
fonctionnait seulement à condition que le nombre de contribuables restât
important par rapport à ceux qui avaient disparu pour que la charge se
maintînt à un niveau supportable (cf. chap. X, p. 238). Lorsque tel n’était
pas le cas, le percepteur octroyait un dégrèvement temporaire.
Les propriétaires étaient responsables du paiement de l’impôt au point
que l’inscription à ce titre au registre fiscal valait présomption de propriété
sur cette terre. Lorsque l’économie domaniale fut devenue prédominante
(cf. chap. X, p. 239-241), le paysan transformé en parèque n’était plus en
rapport direct avec le fisc, mais continuait à payer l’impôt par l’intermédiaire
de son propriétaire qui l’intégrait, en sus du loyer, à la redevance que le
parèque lui versait. Cette évolution s’est traduite par l’apparition des praktika,
documents dans lesquels sont déterminées les limites du domaine, énumérés
les paysans qui l’exploitent, avec une brève description de la composition de
leur famille et des terres cultivées et précisée la liste des impôts dus. S’y
ajoutent éventuellement les avantages fiscaux obtenus par le propriétaire.
Avec le développement constant de la grande propriété, le praktikon va se
substituer au kôdix comme document fiscal de référence.

LES PRINCIPAUX IMPÔTS

Du point de vue documentaire, deux époques sont à distinguer, la pre-


mière, qui va jusqu’au IXe siècle, pour laquelle les textes de la pratique sont
128 Les institutions de l’Empire

inexistants et qui repose donc sur quelques textes normatifs et quelques


observations générales d’ordre monétaire et économique, puis une seconde,
commençant au Xe siècle, pour laquelle les directives données par les novel-
les ou les traités fiscaux peuvent être vérifiées dans la pratique (pour la pré-
sentation des sources sur la fiscalité [Oikonomidès, 328, qui offre également
un tableau très complet des divers impôts]).

Le dèmosion ou im pôt fon ci er de base


Le calcul de cet impôt tenait compte de l’exploitation, au taux théorique
de 1/24 de sa valeur fiscale, telle qu’elle était définie dans les traités fiscaux et
les barèmes qu’emportaient avec eux les apographeis (recenseurs du fisc). Il
était tenu compte de la capacité de production des terres réparties en trois
qualités, de la nature de la production, les vignobles étant très imposés et les
animaux également taxés. Les régions d’élevage étaient soumises à une impo-
sition forfaitaire, car il n’y a pas de raison de supposer que la cadastration
complète de l’Empire ait jamais été accomplie. Un impôt spécifique pesait
également sur les viviers et les madragues qui, dans la région de Constanti-
nople, étaient d’un bon rapport. L’impôt était donc dans une certaine mesure
proportionnel à la capacité contributive des paysans. Les inspecteurs du fisc
disposaient de barèmes, mais devaient tenir compte des usages locaux.
Sous Alexis Comnène, apparaît un nouveau procédé fiscal, l’épibolè, sans
rapport avec l’institution homonyme de l’Antiquité tardive qui visait à faire
payer l’impôt sur les terres abandonnées. Le percepteur calcule l’impôt glo-
bal d’une région et le rapporte à la superficie des terres, ce qui donne un
taux de tant de modioi cultivés pour une pièce d’or payée. Il suffit ensuite de
mesurer les parcelles pour établir l’impôt. En modifiant le taux d’épibolè,
l’empereur augmentait de fait l’impôt par le procédé ancien de l’hikanôsis
qui permettait au fisc de vérifier que l’impôt payé par un contribuable cor-
respondait bien à ses propriétés et de confisquer le surplus, s’il s’en trouvait.
Sous les Comnènes donc, ou bien le contribuable payait davantage sur la
base du nouveau taux, ou bien il conservait le niveau d’impôt précédent,
mais il devait rendre ce que l’État considérait alors comme un surplus de
terre, puisque le propriétaire ne payait plus que pour une partie de ses
biens. Cette mesure visait à maintenir ou augmenter les ressources de
l’État, même en cas de troubles monétaires et peut-être à inciter à mettre
en valeur les terres improductives [Oikonomidès, 328, p. 56-60].

Le kapnikon ou fouage
Cet impôt personnel est attesté depuis le VIIe siècle [Zuckerman, 376] et
payé par tous les cultivateurs, libres ou parèques.
L’administration impériale 129

La synonè (ou c oemptio)

À l’époque protobyzantine, la synonè désigne les denrées que l’État ache-


tait à un prix fixé à l’avance et qui venaient en déduction de l’impôt ordi-
naire. Au XIe siècle, cet impôt avait changé de nature et était réparti sur les
paysans, en fonction de la force de travail dont ils disposaient : un zeugaratos
possédant une paire de bœufs payait deux fois plus que le fermier disposant
d’un seul animal de trait. La synonè constituait l’un des prélèvements com-
plémentaires de l’impôt de base.
Une fois de plus, ce sont les siècles obscurs qui font difficulté. Selon
J. Haldon, à cette date, la synonè aurait constitué le principal prélèvement.
Cette hypothèse repose sur l’idée qu’en raison de la forte baisse de la circula-
tion monétaire, la part de l’impôt versé en nature s’est nettement accrue.
Cette solution est compatible avec le rôle nouveau que certains historiens
depuis M. Hendy attribuent aux commerciaires des VIIe et VIIIe siècles. Il a
été suggéré [Hendy, 651 ; Haldon, 386 ; Brandes-Haldon, 641] que ces der-
niers accumulaient dans leurs entrepôts les denrées provenant des impôts et
qu’ils les redistribuaient aux soldats des thèmes. N. Oikonomidès a objecté, à
juste titre, qu’aucun texte n’a mis les commerciaires en rapport avec l’armée
[Oikonomidès, 635, no XII] mais, en l’état actuel de la recherche, on ne voit
pas d’alternative satisfaisante qui expliquerait à la fois la création temporaire
de ce type de commerciaire, l’importance apparente de la synonè et la struc-
ture de ravitaillement des armées, d’autant plus que la fin des commerciaires
de ce type coïncide avec le retour à la monétarisation perceptible dès Cons-
tantin V et précède d’assez peu l’attestation des protonotaires de thème aux-
quels cette fonction fut dévolue. Cependant, il faut reconnaître que nos
connaissances des mécanismes financiers des siècles obscurs sont encore trop
imparfaites pour une conclusion définitive sur ces points.

LES IMPÔTS COMPLÉMENTAIRES

À côté de l’impôt de base, les contribuables étaient encore sollicités à la


fois lorsque des dépenses extraordinaires devaient être financées, telles que
l’équipement d’une armée pour s’opposer à une invasion ennemie imprévue
et pour des dépenses récurrentes, telles que les corvées, l’accueil des fonc-
tionnaires et les diverses sportules. Parmi ces charges, le mitaton ou accueil
des soldats et des officiers constituait l’une des plus lourdes et donc des plus
redoutées. C’est pourquoi elle figure au premier rang des servitudes dont les
130 Les institutions de l’Empire

contribuables influents, notamment les monastères, demandaient l’exemp-


tion. Les paysans étaient frappés de nombreuses corvées, entretien des
routes et des ponts, construction de forteresses...
L’État s’efforçait de modérer les effets négatifs de ces impositions sup-
plémentaires, parfois désignées sous le nom significatif d’épèreiai ou « exac-
tions », en les délimitant avec une grande précision : par exemple, au cours
d’une année, un fonctionnaire ne pouvait s’installer qu’un nombre de jours
déterminés dans la demeure du contribuable où il résidait aux frais de ce
dernier. Ces dispositions donnaient cependant lieu aux plus graves abus fis-
caux. Il faut se garder d’opposer des époques où les empereurs auraient
réussi à restreindre les abus à celles où les souverains auraient fait preuve
de laxisme. Sans doute les empereurs isauriens, ou Andronic Comnène
entre 1183 et 1185, prirent-ils des mesures rigoureuses, mais la corruption
est restée endémique, même si quelques percepteurs se distinguèrent par de
graves débordements. Les excès, toutefois, conduisaient à des confiscations
par le fisc aux dépens des percepteurs les plus avides ou les plus maladroits,
à des révoltes des contribuables qui parfois massacraient le coupable.
De rares impôts ne portaient pas sur la terre, dont le plus connu est le
kommerkion, attesté dès le VIIIe siècle. Il est levé par un commerciaire, fonc-
tionnaire qui n’est pas l’héritier direct des commerciaires de la haute
époque (cf. ci-dessus), et s’applique à toutes les transactions de marchan-
dises au taux normal de 10 %. Sous les Comnènes, les Latins obtinrent une
réduction substantielle et, pour les Vénitiens, une suppression de cette taxe,
ce qui faussait la concurrence et mécontenta les marchands byzantins. Le
paiement était en principe partagé à égalité entre l’acheteur et le vendeur.

LE POIDS DE L’IMPÔT

La charge fiscale a subi des variations au cours des siècles, mais dans
des proportions que les conditions techniques agricoles interdisaient de faire
évoluer très fortement. Les chroniqueurs sont sensibles aux mouvements de
hausse, qui provoquent évidemment l’insatisfaction des contribuables. Il
semble qu’une telle augmentation, toujours en relation avec un effort mili-
taire, ait été perceptible sous Nicéphore Ier qui, en fait, annula des mesures
d’allègement accordées peu auparavant par Irène, soucieuse de se consti-
tuer un parti fidèle, sous Nicéphore Phocas, qui imposa à chaque catégorie
de soldats une charge supérieure à celle imposée précédemment et fit finan-
cer le reste des dépenses militaires par ceux qui ne partaient pas en cam-
pagne, ou encore sous Alexis Comnène, à court d’argent au début de son
L’administration impériale 131

règne. On ne peut que présumer les moments de détente fiscale, sauf dans
le cas d’Irène. Il est possible que la dévaluation monétaire du XIe siècle ait
été favorable aux contribuables, du moins dans un premier temps, avant
que l’État n’adapte ses mécanismes de perception [Morrisson, 663]. En
revanche, l’idée que les VIIe et VIIIe siècles aient été un âge d’or fiscal pour
la paysannerie byzantine est suspecte, car ce moment correspond à un
effort de guerre considérable pour assurer la survie de l’Empire. Certes, les
paysans ont bénéficié par ailleurs d’un moindre prélèvement sur la produc-
tion puisqu’ils n’avaient plus à ravitailler les cités alors en plein déclin. À
titre de simple hypothèse, on se demandera si ce n’est pas la rente des pro-
priétaires qui a fait les frais des ajustements fiscaux [Zuckerman, 330].
Les VIIe-VIIIe siècles pourraient avoir connu un assez haut niveau de prélè-
vement étatique, inévitable en raison des dépenses, au prix d’une baisse de
la rente, ce qui expliquerait la proportion moindre – supposée – de grands
propriétaires à cette époque, puis, une fois la sécurité revenue et quelques
progrès agricoles accomplis, la possibilité d’une rente plus forte aurait de
nouveau rendu attractive la grande propriété.
Aux XIe-XIIe siècles, la part de l’impôt représentait entre un quart et un
bon tiers des revenus des paysans selon qu’ils étaient locataires, bien dotés
de terres ou non. Tous ces calculs ne sont que des estimations [Oikonomi-
dès, 328, p. 129-135].

L’EXEMPTION FISCALE

L’étendue des exemptions (ou exkousseiai du latin excusare, dispenser


d’une obligation) a provoqué des débats parmi les byzantinistes, car certains
y ont vu l’un des traits majeurs de la « féodalité » byzantine et l’ont même
comparé, comme Georges Ostrogorsky, à l’immunité occidentale [Ostro-
gorsky, 460]. La réalité paraît bien différente puisque jusqu’à la fin du
XIe siècle, en règle générale, l’impôt de base, le plus important, a rarement
fait l’objet d’exemption, à l’exception des dégrèvements temporaires accor-
dés lorsqu’un désastre a provoqué la destruction des récoltes. Certes, quel-
ques monastères obtinrent des logisima (l’octroi par l’empereur d’une somme
équivalente à l’impôt qui devrait être payé, l’annulant de fait) sur une part
modeste de leurs biens. Des catégories de la population, tels les clercs ou,
au Xe siècle, certains fonctionnaires palatins, ont bénéficié de privilèges glo-
baux. D’autres ont été « excusés », parce qu’ils remplissaient d’autres obli-
gations, tels les exkoussatoi du drome, qui entretenaient les chevaux de la
poste impériale [Oikonomidès, 328].
132 Les institutions de l’Empire

Les exemptions des charges extraordinaires sont en revanche bien attes-


tées à partir du XIe siècle, quand notre documentation devient plus riche.
Par les quelques dossiers de domaines laïcs conservés, il devient clair qu’un
propriétaire, lorsqu’il s’élève dans l’échelle sociale, comme le grand domes-
tique d’Alexis Comnène, Grégoire Pakourianos, ou lorsqu’il y est établi par
sa naissance, comme Andronic Doucas, cousin de Michel VII, obtient des
exemptions importantes. Les monastères influents, comme ceux de l’Athos,
arrachaient aussi des privilèges, à force de démarches dans la capitale. Les
bénéficiaires en tiraient avantage pour attirer la main-d’œuvre, toujours
rare, sur leurs domaines car ils offraient aux paysans de meilleures condi-
tions, par rapport à leurs concurrents pleinement imposés. Exploitant
davantage de terres, ils s’enrichissaient plus rapidement.
Les privilèges attachés à des biens s’héritaient et, avec la multiplication
des donations impériales pour acquérir des fidèles, notamment en période
d’instabilité politique, les pertes du fisc auraient dû s’accroître régulière-
ment. Deux mouvements, cependant, contrariaient cette expansion. Des
empereurs abolissaient ou réduisaient les avantages accordés par leurs pré-
décesseurs, à l’exemple d’Isaac Comnène confronté à une pénurie du
Trésor, mesure qui le rendit impopulaire et contribua à sa démission, car
elle toucha l’aristocratie et les monastères de la capitale. À une échelle plus
modeste, mais plus systématiquement, les fonctionnaires du fisc tendaient à
remettre en cause les faveurs accordées. Ils profitaient de la perte de docu-
ments officiels ou refusaient parfois de les prendre en considération s’ils
étaient anciens. Notre documentation prouve que les propriétaires cher-
chaient à faire confirmer les anciens chrysobulles par les nouveaux souve-
rains. Il est donc peu probable que les exemptions fiscales aient contribué à
vider substantiellement le Trésor avant 1204, encore que ce point reste
sujet à discussion, mais elles ont contribué à modifier la façon dont l’État
s’est assuré des revenus suffisants.

L’ÉVOLUTION DES XIe ET XIIe SIÈCLES

Deux changement principaux sont à noter. D’une part l’État se soucie


de moins en moins de recevoir l’impôt foncier traditionnel, en développant
d’autres ressources, et d’autre part, à partir des Comnènes, il lève moins
souvent l’impôt directement sur les contribuables, en instituant la pronoia.
L’évolution de la position de l’État sur ces questions se lit à travers sa poli-
tique à l’égard de la terre klasmatique. À partir de la fin du IXe siècle,
lorsque, dans une commune, une terre abandonnée ne produisait plus
L’administration impériale 133

d’impôt depuis trente ans, elle était séparée du registre communal et deve-
nait la propriété de l’État (cf. chapitre X). Au Xe siècle, le fisc revendait les
terres klasmatiques à un prix souvent dérisoire, puis, à partir du XIe siècle,
décida plus souvent de garder les terres et de les exploiter pour lui-même,
car la main-d’œuvre devenait plus abondante. S’ajoutait ainsi à l’impôt fon-
cier le revenu du loyer payé par tout paysan à son propriétaire. L’impulsion
pourrait avoir été donnée par Basile II, d’autant plus qu’ayant procédé à de
vastes confiscations, il avait accru la part des terres publiques. En tout cas,
le bureau chargé de gérer les terres possédées en propre par le fisc (oikeiaka)
apparaît dans la documentation en 1030 et prend une importance crois-
sante pour devenir, au XIIe siècle, la principale caisse du fisc en province
[Oikonomidès, 340].
La pronoia offre des revenus d’État à son bénéficiaire. La dévolution
d’un revenu fiscal à un particulier n’est pas une nouveauté de la fin du
XIe siècle, puisque les empereurs donnaient, nous l’avons dit, des sékréta à
leurs proches. Basile II lui-même, après avoir vaincu Bardas Sklèros en 989,
lui pardonna et lui offrit les revenus fiscaux de deux provinces d’Orient. De
même, Constantin Leichoudès, avant d’être nommé patriarche, avait dû
rendre les documents qui lui donnaient droit aux énormes revenus du sékré-
ton qui gérait la maison pieuse des Manganes. L’institution de la pronoia
donne un cadre à cette pratique. Il s’agit de l’attribution viagère par
l’empereur à un personnage, pas nécessairement un militaire, d’un revenu
de l’État (impôt foncier d’une terre, droits de douane, etc.) en récompense
de services rendus et à rendre, voire en tant que simple libéralité impériale.
L’État n’abandonne donc pas ses droits théoriques et il peut reprendre son
bien au cas où le service attendu ne serait pas accompli. L’État concède
donc le plus souvent une quantité d’impôt que les contribuables versent
non plus au percepteur, mais au pronoiaire. Il accorde éventuellement des
donations de parèques, c’est-à-dire que les parèques qui travaillaient sur les
terres de l’État et payaient à la fois un impôt et un loyer plus ou moins
confondu dans un même versement, le pakton, versaient la même somme au
bénéficiaire de la pronoia [Kazhdan, 389].
L’État évitait ainsi tout intermédiaire entre le contribuable et le fonc-
tionnaire à un moment où il cherchait à restreindre le coût de l’admi-
nistration. Le bénéficiaire avait l’assurance de revenus plus réguliers, puis-
qu’il se les procurait lui-même. Auparavant, il n’était pas rare de déplorer
des retards très importants dans le versement des rogai, qui conduisirent à
des rébellions militaires, notamment durant la crise monétaire de la
seconde moitié du XIe siècle, alors qu’on ne note pas de tels mouvements
chez les pronoiaires, avant 1204.
En principe, rien de changeait pour le contribuable, l’agent du pro-
noiaire se substituant au fonctionnaire du fisc. Le versement de l’impôt à
134 Les institutions de l’Empire

un particulier n’était pas une pratique radicalement nouvelle, puisque la


technique du logisimon ou du solemnion autorisait le bénéficiaire à percevoir
pour son compte les impôts qu’il devait pour ses domaines fonciers, aug-
mentant ainsi singulièrement leur rentabilité.
Les premiers cas connus de pronoia ont concerné de proches parents
d’Alexis Comnène, ses frères Isaac et Adrien et son beau-frère Nicéphore
Mélissènos. Lorsque les moines de Lavra, à l’Athos, apprirent qu’ils
devraient payer l’impôt à Isaac, le frère d’Alexis, ils furent inquiets, car ils
craignirent d’être dépossédés de leurs biens au profit d’Isaac et il fallut pour
les rassurer la garantie donnée par l’empereur qu’il n’en était rien. Les pro-
noiaires n’avaient pas le droit de modifier le taux de l’impôt, mais le contri-
buable n’avait plus de liens directs avec l’administration fiscale centrale.
Au cours du XIIe siècle, la pronoia se répandit pour payer les fonction-
naires, notamment les soldats (cf. chap. VII, p. 170-171), pour des sommes
beaucoup plus modestes que celles accordées aux membres de la famille
impériale. Ces derniers continuèrent à en recevoir, tel le césar Jean Roger
dans la région de Stroumitza ou le césar Rénier de Montferrat, gendre de
Manuel Comnène, qui obtint les impôts de Thessalonique. Par rapport à
l’exkousseia, la pronoia avait l’avantage d’être adaptée à la durée du service
rendu. Elle était par nature viagère et non transmissible. Lorsqu’un fonc-
tionnaire ne donnait pas satisfaction, elle lui était retirée.
Toutefois, à terme, le fisc risquait d’y perdre, surtout en cas d’expansion
économique. Si le pronoiaire se voyait attribuer un village, ce dernier pou-
vait se développer dans le contexte favorable du XIIe siècle de sorte que le
pronoiaire voyait ses revenus augmenter, sans que l’État lui reprenne le sur-
plus, car les fonctionnaires chargés de la péréquation fiscale dans les pro-
vinces, les exisôtai, ne passaient que rarement dans les villages. Si, par mal-
chance, les revenus du pronoiaire ne correspondaient plus à son dû, il ne
manquait pas de se retourner vers le fisc pour que celui-ci complétât sa pro-
noia. Enfin, entre un grand pronoiaire et ses contribuables, une relation de
dépendance pouvait s’instituer, lui donnant une influence sociale susceptible
de s’exercer aux dépens de l’empereur. Les pronoiaires les mieux dotés
entretenaient une administration parallèle, dont les responsables obtenaient
par l’intermédiaire de leur chef des dignités impériales et se faisaient respec-
ter par des hommes d’escorte. Elle se substituait donc à celle de l’État, et
leur donnait une autorité directe sur les sujets du basileus. En 1204, une fois
Constantinople tombée, ces grands pronoiaires négocièrent souvent, comme
dans le Péloponnèse, leur reddition avec les conquérants latins. La pronoia
connut une évolution accentuant ses inconvénients et finit – tardivement –
par devenir héréditaire, mais seulement après 1204.
L’administration impériale 135

LE POIDS DE L’ÉTAT DANS L’ÉCONOMIE

Par le biais de la fiscalité, l’État prélevait une part de la production et


disposait d’une grande quantité de numéraire, qui formait son premier ins-
trument d’influence sociale, mais qui en faisait aussi nécessairement le pre-
mier acteur de l’économie byzantine. Il est inutile d’insister sur sa fonction
de redistribution par le versement des rogai et plus tard des concessions de
rentes. Le rôle de l’État dans l’économie a fait l’objet d’appréciations diver-
gentes. Nul ne défend plus l’idée d’un État contrôlant les échanges, à
l’exception de quelques produits stratégiques, les armes, le bois de construc-
tion ou les tissus pourpres. Il se contente de réglementer les marchés, y
compris ceux accordés à des puissances étrangères (Bulgarie ou principauté
de Kiev, émirat d’Alep, puis Venise). On ignore quelle part représente le
marché dans les échanges. La réponse doit être nuancée selon les époques.
Avant le Xe siècle, l’État semble intervenir pour stimuler le grand commerce
que les circonstances rendent léthargique. Ainsi peut s’expliquer l’emprunt
forcé imposé aux armateurs par Nicéphore Ier (cf. chap. XII, p. 302).
L’économie de marché, si l’on peut risquer cet anachronisme, voit son
importance grandir au fil des siècles, avec l’emploi retrouvé de la monnaie
et sans doute l’accroissement des surplus paysans, qui provoquent, indirec-
tement, un nouvel essor des productions de luxe. Cet essor n’interdit pas le
maintien du troc, y compris à l’époque où la monétarisation est la plus
avancée [Saradi, 329]. La part progressive que prirent dans les échanges les
marchands italiens, les meilleurs représentants de cette liberté des échanges,
est caractéristique de cette évolution. A. Laiou accepterait l’hypothèse haute
d’une part de 40 % occupée par les produits non agricoles au sein de la
partie monétarisée de l’économie du XIIe siècle [EHB II, p. 691]. L’État
intervient dans le commerce des objets de luxe, soit comme commanditaire,
soit comme fournisseur et enfin comme régulateur. Les soies tissées dans
l’atelier du blattion sous l’autorité d’un archonte constituent un enjeu poli-
tique et diplomatique. La valeur des biens précieux stockés dans les réserves
de l’eidikon ou des vestiaria, le public ou le privé, toutes situées dans le Grand
Palais, était certainement considérable, sauf en temps de crise. Le législa-
teur intervient pour faire respecter une concurrence loyale, notamment
pour éviter que les puissants ou les riches propriétaires ne privent les arti-
sans de matières premières ou ne jettent sur le marché leur propre produc-
tion, ou encore ne détournent l’organisation des foires à leur profit.
Comme l’a bien résumé Angéliki Laiou dans sa contribution de l’EHB
[II, 681-696] sur les échanges non commerciaux, les dons des empereurs
136 Les institutions de l’Empire

aux souverains étrangers engagent parfois des sommes considérables, en


biens précieux ou en numéraire, atteignant l’équivalent de plusieurs cen-
taines de milliers de pièces d’or, alors que les sommes notées dans les con-
trats italiens entre commerçants au XIIe siècle s’expriment encore en centai-
nes ou, au plus, en milliers d’hyperpères.

LA LOI

L’empereur reste l’unique source des lois, auxquelles lui-même n’est pas
soumis (princeps legibus solutus est), à l’exception des coutumes locales qui ser-
vent, par défaut, sur des points secondaires, lorsqu’elles ne contredisent pas
la législation impériale. Le souverain confie à des professionnels, tels les
questeurs, la rédaction des textes juridiques. À cette activité législatrice
s’ajoutent les nombreuses réponses aux questions de droit soulevées par les
fonctionnaires de l’Empire. Ces lyseis forment la jurisprudence. On s’est
interrogé sur l’influence de la christianisation dans l’évolution du droit
byzantin. Après avoir estimé que celle-ci était nettement perceptible dès
l’époque de Justinien, les spécialistes sont plus réservés, considérant que les
pratiques sociales et les traditions, parfois héritées de la plus haute Anti-
quité, ont elles-mêmes influencé le droit impérial et qu’il est donc difficile
de déterminer la part de chaque apport [Beaucamp, 269]. Toutefois, dans
certains domaines, comme le droit du mariage, l’influence de l’Église est
manifeste dans la réduction des possibilités de divorce et s’accrut au point
que les conflits dans ce domaine furent progressivement tranchés exclusive-
ment devant les tribunaux ecclésiastiques.

LES CODES

L’E c loga
L’Ecloga (« choix » des lois) constitue le premier effort de rénovation glo-
bale de la loi en vigueur depuis Justinien. Ce n’est pas un hasard si elle fut
promulguée en 741, alors que le pouvoir des Isauriens s’affermissait. Elle est
fort brève par rapport au Code Justinien, mais ses 18 livres balaient les princi-
paux aspects de la vie quotidienne. L’Ecloga fut augmentée d’appendices,
reprenant des textes antérieurs. Parmi ceux-ci, la Loi agraire, qui n’est pas un
L’administration impériale 137

texte impérial et daterait de Justinien II. Elle comporte 85 articles et traite


de problèmes très concrets du monde rural, comme le vol de bétail, le
déplacement des clôtures, les dommages aux récoltes. La popularité de ce
texte fut telle que son contenu a été incorporé dans l’Hexabiblos, compilation
du juriste Constantin Harménopoulos au XIVe siècle. La Loi militaire rappelle
que les soldats sont soustraits à la juridiction civile, sauf cas d’adultère, et
traite principalement des punitions à infliger aux soldats coupables de
désertion, d’insubordination ou de pillage. La Loi rhodienne concerne les
affaires maritimes, comportant des clauses qui règlent le partage du profit
entre l’équipage et le commanditaire. L’influence du christianisme se fait
sentir ici dans la modération toute relative des châtiments, des peines de
mutilation se substituant à la peine capitale, ou, à l’inverse, la restriction
des cas où un mariage ou des fiançailles peuvent être rompus.

Les Basiliques
L’usurpateur Basile Ier, soucieux de paraître bon souverain, s’attaqua à
la purification des lois et décida de refaire un code. L’Épanagôgè ou mieux
l’Eisagôgè (Introduction), fut le premier recueil en 40 titres à paraître, en
partie sous l’influence du patriarche Photius, pour être remplacé peu après
par le Procheiron (Manuel), rassemblant aussi 40 titres, où les prétendus erre-
ments de Photius étaient corrigés. Les deux codes avaient pour source com-
mune le Corpus Juris Civilis. Les Basiliques, promulguées par Léon VI, com-
portaient 60 livres organisés selon les thèmes. Le texte est également fondé
sur la compilation du Digeste et du Code de Justinien, en traduction grecque,
ainsi que sur les novelles de ce souverain, en éliminant les dispositions
jugées superflues ou obsolètes. Les praticiens du droit ont rapidement
ajouté des commentaires (scholies), souvent empruntés à des commentateurs
des VIe et VIIe siècles. D’autres ont rédigé des ouvrages facilitant le manie-
ment des Basiliques, dont le plus connu, la Synopsis Basilicorum Major, a béné-
ficié d’une large diffusion. Nombre de manuscrits conservés incluent égale-
ment, en appendice, les novelles des empereurs macédoniens et des
Comnènes.

LES NOVELLES

Les empereurs complétaient sans cesse les lois existantes, puisqu’ils


étaient source de la Loi. La défense des biens stratiotiques engendra tout un
corpus de novelles prises par les empereurs successifs de Léon VI à
138 Les institutions de l’Empire

Basile II. Léon VI fut un législateur particulièrement prolixe et une collection


de 113 de ses novelles nous est parvenue, qui visaient notamment à harmoni-
ser le droit impérial et le droit canon [Dain-Noailles, 86]. La première moitié
de ces lois concerne le droit des personnes, le mariage – l’empereur de la
Tétragamie condamne formellement les troisièmes noces ! –, les dots,
l’héritage, l’adoption, désormais possible pour les eunuques.

LA FORMATION DES JURISTES

Tout enseignement public du droit avait cessé après le VIIe siècle. Les
exigences n’étaient pas identiques pour les futurs fonctionnaires ou pour les
jeunes gens destinés à devenir notaires ou tabulaires. Les fonctionnaires de
l’Empire, les juges notamment, n’avaient pas nécessairement acquis des
connaissances juridiques approfondies, mais ils étaient secondés par des
praticiens du droit. L’idée d’éduquer au Palais les auxiliaires directs du
pouvoir remonte à l’époque du césar Bardas, mais c’est Constantin Mono-
maque qui recréa une chaire publique, celle du nomophylax, qu’il confia à
l’un de ses anciens conseillers, Jean Xiphilin, futur patriarche, et qu’il éta-
blit dans sa grande fondation des Manganes. Cet enseignement était
d’abord destiné à former de hauts fonctionnaires compétents. On a le senti-
ment que le niveau et le nombre de bons juristes a régulièrement augmenté
aux XIe et XIIe siècles et que la précision des actes conservés, notamment au
Mont Athos, va croissant, 1204 ne marquant pas sur ce point d’inflexion
durable. L’éducation de tabulaires ou notaires est connue par le Livre de
l’Éparque. Pour obtenir l’un des 24 postes de notaires privés à Constanti-
nople, les apprentis devaient connaître par cœur les 60 livres des Basiliques.
Il existait des écoles professionnelles, qui semblent liées à celles donnant un
enseignement général comme celle située dans l’église des Quarante-
Martyrs [Magdalino, 570, p. 34-37]. On pouvait aussi assister aux cours du
nomophylax, à moins que ce dernier n’ait formé que des notaires publics.
Les praticiens disposaient de manuels : outre la Synopsis des Basiliques, le
Tipoukeitos, rédigé avant 1100, constitue un index des Basiliques, assorti de
références aux sources. En 1142, un juriste resté anonyme entreprit un
commentaire des Basiliques, appelé Ecloga Basilicorum, mais ne traita que dix
des 60 livres, comprenant des éléments de la législation plus récente et des
exemples concrets.
L’administration impériale 139

L’ADMINISTRATION CENTRALE

L’empereur gouverne par l’intermédiaire de ses subordonnés, les fonc-


tionnaires, qui ne tiennent leur pouvoir que par délégation du souverain.
En conséquence, la responsabilité d’éventuelles exactions est portée au pas-
sif de l’empereur régnant et justifie parfois les révoltes. L’empereur émet
par sa chancellerie des documents. Le plus solennel, attesté depuis la
dynastie macédonienne, le chrysobulle logos, est scellé, comme son nom
l’indique, par une bulle d’or. Le mot logos, la date (mois et indiction), le legi-
mus et la signature complète de l’empereur (un tel, basileus et autocrator des
Romains, fidèle dans le Christ-Dieu) sont rédigés au cinabre (encre vermil-
lon). Cet ensemble de mots écrits de la main même du souverain porte le
nom de ménologe. Les chrysobulles sont destinés à garantir des privilèges, y
compris des traités avec des puissances étrangères, tels les privilèges accor-
dés aux Vénitiens par Basile II ou Alexis Comnène.
Pour faire connaître sa volonté, l’empereur adresse des prostagmata ou
prostaxeis, documents brefs comportant la signature au cinabre du souverain,
à ses fonctionnaires, pour qu’ils mettent en application la décision impériale.

LES CONSEILLERS DE L’EMPEREUR

Au Moyen Âge, aucune institution n’est comparable au consistoire de


l’époque constantinienne. L’empereur choisit selon son bon plaisir le cercle
restreint de ses conseillers. En règle générale, sont présents les chefs des
grands services et les principaux généraux. Un empereur comme Léon VI,
qui ne conduisit jamais d’armée, semble avoir longtemps compté sur les
avis de Nicéphore Phocas l’Ancien, qu’il promut domestique des scholes.
Les régentes de l’Empire sentirent souvent le besoin de s’appuyer sur un
conseiller privilégié : Théodora, mère de Michel III, se plaça sous l’in-
fluence d’un eunuque, le logothète du drome Théoctiste, Marie d’Antioche,
mère d’Alexis II Comnène, confia le pouvoir à un parent de son défunt
époux, le protosébaste et protovestiaire Alexis Comnène. Au XIe siècle, qui
vit se succéder des empereurs parfois inexpérimentés et peu enclins à se
mêler des détails du gouvernement, ce personnage avait une position
reconnue et s’appelle dans les textes le mésazôn (l’intermédiaire) ou le parady-
nasteuôn (celui qui côtoie le pouvoir), mais ces titres ne furent jamais officiels.
À partir du règne d’Alexis Comnène, le conseil impérial se confond avec la
140 Les institutions de l’Empire

réunion des proches parents de l’empereur, qui désormais occupent aussi


les plus hautes charges. Nous n’avons que de très rares comptes rendus de
ces réunions. Michel Attaleiatès, qui assista au conseil précédant la bataille
de Mantzikert, nous montre Romain Diogène sollicitant les avis des partici-
pants qui semblent s’exprimer avec une certaine liberté et exposent des
conceptions divergentes sur la façon de défendre les frontières orientales de
l’Empire. L’empereur prend la décision finale.
Alexis Comnène, à peine arrivé au pouvoir, confia les affaires inté-
rieures de l’Empire à sa mère, Anne Dalassène, peu expérimentée et dotée
sans doute d’une instruction modeste. Pour la seconder, il créa le poste de
logothète des sékréta, chargé de superviser l’administration civile, charge qui
se maintint après l’éloignement d’Anne Dalassène.

LE RECRUTEMENT ET LA RÉMUNÉRATION
DES FONCTIONNAIRES

Le recrutement des bureaucrates s’effectuait certes en fonction des com-


pétences de l’intéressé, notamment en droit et en rhétorique, mais le plus
souvent par recommandation. Les liens de parenté, de clientèle, une origine
provinciale commune facilitaient l’entrée dans la carrière. Souvent, un fonc-
tionnaire ou un membre du haut clergé intercédait auprès du souverain pour
placer de brillants sujets de leur ville d’origine et ces derniers, à leur tour,
introduisaient leurs cadets. C’est ainsi que les frères Chôniatai parvinrent au
sommet de la hiérarchie, ecclésiastique pour Michel, civile pour Nicétas. On
attendait de leur part la loyauté et les empereurs, de qui ils allaient tenir leur
propre pouvoir, leur faisaient prêter serment de fidélité (pistis).
Le mode de rétribution des fonctionnaires a varié dans le temps et selon
la fonction exercée. En principe, nous l’avons vu (chap. IV, p. 83), l’État
leur assurait un revenu régulier sous la forme d’un traitement (roga), aug-
menté d’une annone proportionnelle à l’importance de la charge. S’y ajou-
taient les avantages en nature fournis par les administrés, logement et nour-
riture. Bien des fonctionnaires recevaient une gratification (synètheia ou
sportule) pour les actes qu’ils rédigeaient en faveur d’un bénéficiaire. Les
sommes étaient en principe réglementées par la loi, mais les abus ne man-
quaient pas, à en croire les plaintes des administrés.
Les fonctionnaires civils paraissent avoir bénéficié de revenus plus
importants que ceux de leurs collègues servant dans l’armée. Leurs rogai ne
sont pas plus élevées, mais les synètheiai fournissaient de substantiels complé-
ments. Nous n’avons pas d’exemple concret avant l’Antiquité tardive, mais
L’administration impériale 141

rappelons qu’au VIe siècle, le jeune Jean Lydos recevait comme exceptor à la
préfecture du prétoire un salaire de 10 ou 20 nomismata, mais qu’il en avait
gagné 1 000 à titre d’émoluments pour ses actes, montant certes exception-
nel pour un débutant. À l’époque médiévale, une partie des fonctionnaires
civils subalternes étaient directement rémunérés par les usagers et devaient
acheter très cher leur charge, de 20 à 60 livres d’or pour les exemples
connus. Mais les revenus générés étaient considérables, du moins pour les
fonctionnaires du fisc. Quelques militaires étaient payés selon des modalités
comparables. Ainsi, le stratège de Mésopotamie percevait traditionnelle-
ment l’impôt commercial de sa province située à la frontière. On notera
l’absence d’uniformité et l’existence de nombreuses pratiques spécifiques
dues aux traditions locales.
Les empereurs avaient accordé ces hauts revenus dans l’espoir de
réduire la corruption endémique, celle des juges de thèmes étant la plus cri-
tiquée, car elle entraînait des jugements iniques. L’empereur Andronic Ier
Comnène décida de relever fortement leur traitement à condition qu’ils
renoncent à toucher des pots-de-vin. L’effet de la réforme n’excéda pas la
brève durée du règne de ce souverain. En complément de leurs revenus
monétaires, les fonctionnaires en mission hors de la capitale pouvaient exi-
ger le logement pour eux et leur suite, ainsi que le ravitaillement, sous
forme de kaniskia, « petits paniers » contenant par exemple des volailles.
Même ces prestations secondaires étaient strictement réglementées par des
textes, ce qui n’empêchait pas des abus.
Les revenus des très hauts fonctionnaires servaient aussi à rétribuer leur
entourage, la suite qui les accompagnait dans l’exercice de leur fonction,
notamment en province, et qui les distinguait des autres fonctionnaires subal-
ternes envoyés par Constantinople. Cet entourage permettait, par exemple, à
un stratège de thème de se faire respecter par les aristocrates de la province,
qui disposaient également de leur suite personnelle [Oikonomidès, 240].

LE S P R I N C I P A U X S E R V I C E S D E L ’ É T A T

Ici ne sont évoqués que les principaux services et les fonctionnaires res-
ponsables (Pour l’administration de Constantinople, cf. M. Kaplan,
chap. XI). Les bureaux de Constantinople étaient aussi peuplés de jeunes
secrétaires (grammatikoi), promis à une belle carrière pour les plus talen-
tueux, et d’un personnel subalterne de notaires, chargés de rédiger les
documents administratifs. Ils étaient souvent recrutés dans les familles de
l’aristocratie civile.
142 Les institutions de l’Empire

LA CHANCELLERIE1

À l’époque médiévale, la chancellerie est dirigée par un prôtoasèkrètis qui


a sous ses ordres des notaires (asékrètai). Dans ce bureau étaient mis au point
les actes impériaux, dont les chrysobulles les prostagmata et les lois, qui
étaient rédigés dans les services spécialisés. Le contenu des actes était vérifié
par le préposé à l’encrier (épi tou kanikleiou), qui marquait ensuite les signes
d’authentification à l’encre pourpre (cinabre) avant de les faire signer, si
nécessaire, par l’empereur.

LES FINANCES

Dans l’Antiquité, les services financiers avaient été dominés par le préfet
du prétoire, le comte des Largesses sacrées (comes sacrarum largitionum) et le
comte des Biens privés (comes rei privatae), qui disparurent tous au cours de la
première moitié du VIIe siècle [Haldon, 126]. Plusieurs grands sékréta prirent
la relève, dirigés par des fonctionnaires, appelés parfois logothètes, qui étaient
souvent d’anciens subordonnés du préfet et des comtes disparus. L’ancienne
distinction entre biens de la Couronne et biens du fisc fut maintenue.
Le logothète du génikon ( « général » ) dirige le principal service fiscal et
lève l’impôt sur la terre. Ses subordonnés ont compétence pour établir les
registres fiscaux (chartulaires), réviser le cadastre, là où il existe (époptes),
percevoir l’impôt (dioecètes). N. Oikonomidès, dans un article capital [635,
no VIII], a montré l’évolution de la fonction de commerciaire, qui est
affermée, depuis le milieu du VIIe siècle jusque sous Léon III, aux plus hauts
personnages de l’État. À cette même époque, les entrepôts (apothèkai) des
commerciaires sont attestés dans toutes les provinces de l’Empire et non plus
seulement en Orient, comme au VIe siècle. L’auteur attribue cette extension
au développement de la sériciculture et des productions de soieries, hypo-
thèse qui a rencontré le scepticisme. Mais, nous l’avons vu, l’autre hypothèse
proposée, celle de la collecte de la synonè, se heurte à de graves objections. À
partir du IXe siècle, les commerciaires devinrent de simples agents de percep-
tion des droits de transactions sur les marchés, et leurs sceaux perdent la
figure de l’empereur régnant, qui les distinguait des autres fonctionnaires.

1. Toutes les informations sur l’administration centrale et provinciale sont données par
N. Oikonomidès [28 et 345], H. Ahrweiler [335] et P. Magdalino [344].
L’administration impériale 143

Le comte des eaux, chargé de percevoir les taxes sur l’eau distribuée et
le comte de Lamia, chargé de collecter et sans doute de distribuer le blé
annonaire destiné aux fonctionnaires, dépendaient également du logothète
du génikon.
Le logothète du stratiôtikon s’occupe du recrutement et du financement de
l’armée. Il tient à jour les rôles militaires, notamment ceux où sont enregis-
trés les strateiai qui déterminent la liste des soldats des thèmes mobilisables.
Le préposé à la sacelle, qui n’apparaît qu’au IXe siècle, a en charge le
Trésor de l’État. Reflet de la diversité de ses tâches, il dispose de nombreux
subordonnés. Il a autorité, entre autres, sur les protonotaires des thèmes, les
contrôleurs des poids et mesures (zygostatès), et les responsables des établisse-
ments pieux qui ne sont pas indépendants : xénodochoi (hôteliers), gèrokomoi
(chefs des hospices).
Le chartulaire du vestiarion public était responsable de l’arsenal où
étaient conservés le nécessaire pour équiper une flotte et sans doute des
réserves de métaux précieux puisque de lui dépendaient non seulement
l’exartistès (chef de l’arsenal), mais aussi l’archonte tès charagès, chef du bureau
frappant la monnaie.
Le préposé à l’eidikon ou idikon, c’est-à-dire le Trésor spécial ou privé,
disposait de stocks monétaires et d’objets précieux (d’or ou de soie) qu’il uti-
lisait pour équiper une flotte et pour payer les rogai. Il commandait naturel-
lement les chefs d’ateliers (archontes des ergodosia), qui fournissaient les
objets précieux distribués au Palais.
Enfin, le sacellaire, dont la première fonction remonte à Zénon, était à
l’origine un membre du sacrum cubiculum et, dès le VIIe siècle, les empereurs
ont confié aux sacellaires, leurs hommes de confiance, des commandements
qui excédaient leurs compétences financières. Au VIIIe siècle, le sacellaire est
devenu le contrôleur des finances de l’État. Il est représenté dans chaque
bureau par des notaires.

LES INSTITUTIONS PIEUSES

Les maisons pieuses (euageis oikoi) sont constituées sur le même modèle
que les grands oikoi laïcs, possédant de vastes biens fonciers dans tout
l’Empire, administrés par un personnel spécialisé d’intendants. Leurs reve-
nus étaient en principe destinés à des œuvres charitables, mais furent plus
d’une fois détournés en faveur de protégés de l’empereur. Ils prirent une
importance croissante dès le IXe siècle et plusieurs de ces établissements
obtinrent leur indépendance administrative. Le grand curateur gère les
domaines impériaux, notamment par l’intermédiaire des intendants (épiskep-
144 Les institutions de l’Empire

titai), puis il est remplacé au XIe siècle par l’économe des maisons pieuses.
Le curateur des Manganes est chargé d’un des plus grands domaines impé-
riaux, réorganisé et gratifié d’au moins une très grande propriété par
Basile Ier, puis à nouveau doté largement par Constantin IX Monomaque.
L’orphanotrophe dirige le grand orphelinat de Constantinople [Miller, 634]
qui gagne en importance à partir du XIe siècle :
Les habitants sont logés et la nourriture et les vêtements leur sont fournis sans
effort de leur part par la main impériale. De façon étonnante, ces indigents ont,
comme de riches propriétaires fonciers disposant de revenus de toutes sortes,
comme intendant et administrateur de leurs moyens de subsistance, l’empereur
lui-même et ses collaborateurs (Alexiade, III, p. 215).

LE DROME

Depuis le VIIIe siècle, le logothète du drome (l’ancien cursus publicus),


secondé par un protonotaire, maintient le réseau routier en état, fait circu-
ler des courriers qui portent les messages impériaux et surveille les fonction-
naires provinciaux et animait les réseaux d’espions [Koutrakou, 223 ;
Jacoby, 222]. Le logothète reçoit les ambassades étrangères et assure leur
logement et leur sécurité. À la fois chef des services secrets et ministre des
Affaires étrangères, il est donc toujours un proche de l’empereur.
Les ambassadeurs n’étaient pas des professionnels, mais ils étaient choi-
sis en fonction de leur loyauté et de leur connaissance du pays où ils se ren-
daient ou de son souverain. Ils partaient le plus souvent à deux, dont un
ecclésiastique, notamment lorsqu’ils se rendaient en pays musulman. Ils
emmenaient leurs serviteurs, les cadeaux à offrir dont une liste précise était
dressée pour que ceux-ci ne se perdent pas en route. Ils avaient le droit
d’emporter des marchandises à vendre, ce qui leur permettait de rentrer
dans leurs frais et d’être rémunérés pour ces longues missions. Les sauf-
conduits étaient en principe respectés, mais Léon Choirosphaktès passa
quelque temps dans la prison du tsar Syméon et Nicéphore Ouranos fut
détenu de nombreuses années par le maître de Bagdad. Il est vrai
qu’Ouranos fut accusé d’avoir voulu empoisonner Bardas Sklèros, alors
réfugié dans cette ville [Shepard, 1067].

LA JUSTICE

La justice est rendue par de nombreuses instances dont il n’est pas tou-
jours facile de démêler les compétences, qui évoluent selon les époques. Si
L’administration impériale 145

l’empereur est évidemment le juge suprême qui peut évoquer n’importe


quel procès en appel, tout chef de service détient une part du pouvoir judi-
ciaire : le stratège dispose d’une large autorité disciplinaire sur ses soldats, le
questeur traite des questions d’héritage, le préfet, des fraudes commerciales,
le génikos, des contentieux fiscaux... Ces responsables de services ne sont pas
nécessairement des juristes de formation, mais ils sont assistés par des
experts. Si nous ignorons largement le fonctionnement du système judi-
ciaire au temps des siècles obscurs, qui reste sans doute en bonne part dans
la continuité de l’époque précédente, avec les gouverneurs (ou archontes)
exerçant cette fonction dans les provinces, nous constatons l’émergence
d’un groupe de juges spécialisés à partir du IXe siècle. Les corps des juges
de l’Hippodrome et du Velum sont attestés pour la première fois dans le
Taktikon scorialensis (971-975). Ils siégeaient dans l’hippodrome couvert du
Grand Palais. Il est probable que les juges du Velum constituaient sans
doute une élite choisie parmi ceux de l’Hippodrome. Nombre d’entre eux
servaient hors de la capitale pour présider les tribunaux des thèmes.
Le nombre d’affaires s’accroissant, accompagnant le renouveau démo-
graphique et économique, de nouveaux présidents de tribunaux apparais-
sent. Le drongaire de la Veille cesse, vers 1030, d’être un chef militaire
pour présider le plus important tribunal de Constantinople. La Peira, recueil
de jurisprudence, témoigne de l’activité d’un des premiers titulaires de cette
charge et l’un des plus novateurs, Eustathe Rhômaios [Oikonomidès, 346].
Au XIIe siècle nous savons, par une novelle de Manuel Comnène, que la
justice était rendue par quatre fonctionnaires : le drongaire de la Veille, le
prôtoasèkrètès, le dikaiophylax et le mystérieux prokathèménos tôn dèmosiakôn
[Macrides, 299 ; Gkioutzioukosta, 347].

L’ÉVOLUTION DE L’ADMINISTRATION SOUS LES COMNÈNES

Les réformes d’Alexis Comnène, où l’on ne discerne pas un plan d’en-


semble, aboutissent à réduire le nombre des services et à adapter
l’administration aux nouvelles réalités fiscales [Magdalino, 344]. Ainsi, le
génikon, le stratiôtikon et l’eidikon déclinent avant de s’effacer. Les attributions
d’autres bureaux évoluent : le sacellaire cesse de contrôler les finances pour
devenir le chef d’un service qui a juridiction sur les échelles maritimes et la
marine marchande. Au XIIe siècle, l’épi tôn oikeiakôn perçoit l’essentiel des
revenus provinciaux, le vestiaire public est devenu la principale caisse fis-
cale, le Phylax étant la caisse privée de l’empereur. Deux chefs comptables,
le grand logariaste des bureaux et le logariaste des bureaux pieux, qui rem-
146 Les institutions de l’Empire

place l’économe des maisons pieuses et le curateur des Manganes, dirigent


la comptabilité du fisc, la distinction entre les biens du fisc et ceux de la
couronne restant en vigueur. Les fonctions de bienfaisance de l’ancien éco-
nome des maisons pieuses passent à l’orphanotrophe, qui préside un bureau
renforcé par l’octroi d’autres fondations décadentes et assure les principaux
services sociaux : asiles pour vieillards, hôpitaux, hôtelleries et bien sûr les
orphelinats, celui de Constantinople abritant une école pour les enfants de
toute origine les plus doués.

L’ A D M I N I S T R A T I O N P R O V I N C I A L E

LES THÈMES

Les circonscriptions où se recrutèrent les corps d’armée (cf. chap. VII,


p. 152) devinrent des thèmes et formèrent les nouveaux cadres de l’admi-
nistration provinciale. Ces stratégies sont peu nombreuses vers 700 : les Ana-
toliques, les Arméniaques, les Thracésiens et l’Opsikion en Orient, la
Thrace, l’Hellade et la Sicile en Occident. Les thèmes se multiplient ensuite,
à partir du VIIIe siècle, par la division des grandes circonscriptions d’Asie
Mineure où le pouvoir des stratèges apparaît comme trop menaçant à
l’égard de l’empereur, puis, aux IXe et Xe siècles, en raison de la reconquête
progressive des territoires perdus dans les Balkans et en Asie Mineure.
Deux régions échappent à cette évolution, l’Afrique et l’Italie continen-
tale qui, l’une et l’autre, restent sous l’autorité d’un exarque. Ce fonction-
naire cumule la double autorité civile et militaire, en raison des initiatives
rapides qu’il doit prendre, face à la menace des Lombards en Italie et des
Maures, puis des Arabes, en Afrique, alors qu’il gère les provinces les plus
éloignées de Constantinople. Ces provinces furent perdues avant que les
thèmes n’aient pris leur forme définitive.
Le commandant de la circonscription cesse d’être un magister militum ou
stratèlatès et il est désormais appelé stratège. Dans un premier temps, il
n’exerce que des responsabilités militaires sur ses hommes et, au reste, les
sceaux des premiers stratèges ne précisent pas le lieu où s’exerce leur auto-
rité. Les gouverneurs ou archontes continuent, jusque dans la première
moitié du IXe siècle, à exercer les fonctions civiles : dans le taktikon Uspenskij
(842/843) sont encore mentionnés simultanément l’archonte et le stratège
de Crète. La préfecture du prétoire de l’Illyricum, repliée à Thessalonique,
est également mentionnée jusqu’au début du IXe siècle. Ensuite le stratège
L’administration impériale 147

– ou le drongaire quand il s’agit d’un thème maritime –, se retrouve seul


maître de l’administration provinciale [Winkelman, 341].
Le stratège dispose des pouvoirs du souverain que celui-ci lui a délégués
sur le thème. La durée de son commandement reste à la discrétion de
l’empereur. Certains basileis, comme Constantin V ou Basile II, laissèrent
les stratèges en place durant de longues années, d’autres les déplacèrent
après une ou deux années d’exercice. Le stratège dirige les opérations mili-
taires, accompagné de ses tourmarques et entouré de son état-major : son
comte de la tente, son comte de l’hétairie, son kentarque (chef d’un batail-
lon de 100 soldats), son domestique, qui serait l’officier à la tête des soldats
des tagmata stationnés sur le territoire du thème. Sous ses ordres, un chartu-
laire tient les rôles militaires et fait son rapport au logothète du stratiôtikon et
le protonotaire rassemble l’équipement militaire et contrôle aussi
l’administration civile.
L’administration civile des thèmes est mal connue jusqu’au Xe siècle. Le
dioecète perçoit les impôts, dans une circonscription plus petite que le
thème. Le kritès ou juge n’apparaît pas sur les sceaux avant le Xe siècle,
époque où les stratèges commencent précisément à se plaindre de leurs
activités, notamment aux dépens des soldats [Vlyssidou, 352]. Ces juges de
thèmes, le plus souvent attachés aux tribunaux de la capitale (cf. supra), sont
envoyés en mission dans les thèmes pour quelques années au plus. Leur
pouvoir s’accroît constamment, si bien qu’au XIe siècle, ils sont devenus, à
la place des stratèges, les vrais chefs de l’administration provinciale, ayant
autorité sur tout l’appareil fiscal qui s’est développé avec les chartulaires, les
époptes (réviseurs du cadastre), les anagrapheis (aux fonctions très proches,
qui apparaissent fréquemment sur les sceaux depuis l’époque iconoclaste,
mais pas dans les taktika). Dans certaines provinces, l’administrateur civil
prend le nom de praitôr. Pour limiter la toute-puissance des juges, fut créée
la charge d’épi tôn kriseôn. Son titulaire répondait aux questions techniques
posées par les juges des provinces et examinait en appel leurs décisions.

L’ÉVOLUTION DES THÈMES

Les thèmes diminuèrent progressivement de superficie au fur et à


mesure que les anciens grands thèmes furent divisés, même si ces derniers
conservaient une étendue plus grande que les créations nouvelles. Aux fron-
tières, les défilés (kleisourai) étaient défendus par un officier, le cleisourarque,
qui était indépendant du stratège et ces cleisouries avaient vocation, avec la
progression des frontières, à devenir un thème, comme en témoigne le sort
148 Les institutions de l’Empire

de la cleisourie de Séleucie. Dans la seconde moitié du Xe siècle, la progres-


sion victorieuse des Byzantins s’accentuant, de nouveaux territoires furent
annexés, principalement en Orient, mais ils furent divisés en petits thèmes
dont le territoire, parfois, se comprenait guère plus qu’une forteresse et son
environnement immédiat. Une partie de ces nouveaux thèmes furent
appelés du nom de arménika thémata, car ils étaient situés dans les anciennes
provinces d’Arménie de l’époque justinienne et étaient peuplés en partie
d’Arméniens, mais ils ne disposaient pas de l’infrastructure d’un thème tra-
ditionnel [Seibt, 350]. Ainsi, à partir de Basile II, un seul juge provincial
avait compétence sur les arménika thémata dans leur ensemble.
Les dizaines de nouveaux thèmes recensés dans le taktikon de l’Escorial
ne pouvaient abriter en permanence des garnisons suffisantes. Lorsque Jean
Tzimiskès parvint au pouvoir, il décida de remodeler l’organisation des thè-
mes frontaliers, en créant une nouvelle circonscription militaire beaucoup
plus vaste, le duché ou catépanat. Son chef, le duc ou catépan, regroupait
les troupes de plusieurs thèmes, formant une force opérationnelle suffisante
pour faire face aux attaques ennemies. Le duc d’Antioche, qui défendait la
métropole reconquise en 969, disposait de plusieurs milliers d’hommes,
composés de détachements des tagmata, dont souvent les scholes. Il n’est pas
sûr que les ducs aient eu autorité sur les juges des thèmes qui étaient sous
leur responsabilité. Les grands thèmes traditionnels furent à leur tour com-
mandés par des ducs, au cours de la seconde moitié du XIe siècle, en même
temps que disparaissaient les troupes thématiques [Cheynet, 369].
De même, des fonctionnaires civils se virent confier des missions dépas-
sant le cadre du thème et s’étendant à tout l’Occident ou à tout l’Orient. On
connaît ainsi des exisôtai d’Occident chargés de répartir plus équitablement la
charge fiscale, et aussi des économes des maisons pieuses d’Occident.
Sous Alexis Comnène, l’Asie Mineure fut désorganisée par l’implanta-
tion des Saldjûkides. La nomination des ducs se généralisa même aux
anciens petits thèmes et, dans les premières années du règne, sont attestés
des ducs dont l’autorité ne s’étend guère au-delà d’une ville fortifiée et du
territoire qu’elle commande. Après l’effort de guerre des deux premières
décennies et la reconquête partielle, Alexis et ses successeurs restaurèrent les
thèmes de l’ouest et du nord de l’Asie Mineure, auxquels s’ajouta la Cilicie,
quand les Byzantins la contrôlaient. Au XIIe siècle, le duc, qui domine de
nouveau une vaste circonscription, a désormais autorité sur tous les fonc-
tionnaires de son thème et le kritès ou le praitôr cessent d’être mentionnés,
sauf en Hellade-Péloponnèse, qui a échappé à la militarisation et est placé
sous la coupe du mégaduc auquel il fournit les moyens d’entretenir la flotte.
À la veille de la quatrième croisade, on assiste à un nouveau morcellement
des grandes circonscriptions dont on trouve la traduction dans la Partitio
Romanie, rédigée en 1204 pour le compte des conquérants latins.
L’administration impériale 149

Les rapports des habitants avec l’administration restent assez mal


connus. On est frappé du contraste entre les affaires rapportées par les
textes narratifs et la Peira où éclatent les cas de malversations, d’exactions,
parfois de rébellions des intéressés et l’impression d’une administration
fonctionnant conformément aux règles qui ressort de la documentation
conservée, principalement dans les archives monastiques. Sans doute les
monastères doivent-ils se battre pour limiter les empiétements des percep-
teurs, mais ceux-ci paraissent toujours agir au nom des intérêts du fisc et
non pas à leur profit. De même, il est difficile de déceler des cas flagrants
d’intervention inéquitable à l’avantage des « puissants » face à des « fai-
bles ». Parfois un empereur, tel Constantin VII, expédiait en province des
envoyés personnels pour mettre fin aux abus les plus flagrants ou qui pro-
voquaient le mécontentement ouvert des sujets.
Les juges et les percepteurs se heurtaient parfois aux notables locaux
sous le patronage desquels la population rurale se plaçait volontiers, espé-
rant ainsi être protégée des exactions. C’est pour cette raison que les pay-
sans choisirent souvent de quitter leur communauté pour s’établir dans de
grands domaines, alors qu’a priori les charges y étaient plus lourdes. À la fin
du XIIe siècle, Michel Chôniatès, métropolite d’Athènes, se lamentait de
voir ses concitoyens privés de protecteurs qui, comme en Euripe ou à Thè-
bes, limiteraient les exactions. Ainsi, le mégaduc Michel Stryphnos avait fait
lever deux fois le même impôt destiné à équiper une flotte.
Les méfaits présumés de l’administration ont-ils contribué à l’affaiblisse-
ment de l’Empire en érodant les sentiments de loyauté des provinciaux à
l’égard du centre ? À lire les frères Chôniatai, on serait tenté de répondre
par l’affirmative [Herrin, 1136]. Michel Chôniatès rapporte le ressentiment
de ses ouailles vis-à-vis de Constantinople, qui se nourrit de toute la richesse
des provinces, sans fournir en contrepartie aucun bienfait et surtout pas le
premier d’entre eux, la sécurité des personnes et des biens menacée par le
banditisme terrestre et maritime. Nicétas Chôniatès garde le souvenir amer
des paysans qui virent les réfugiés d’après 1204, expulsés de la capitale, et
ne montrèrent aucune compassion, jugeant que les malheureux ne faisaient
que retrouver le sort commun. Sans doute, ces témoignages datent-ils d’une
période de troubles aigus, celle de la dynastie des Anges, mais d’autres indi-
ces montrent que, si les provinciaux n’obtenaient pas la sûreté qu’ils exi-
geaient en échange du paiement de l’impôt et si l’empereur n’écoutait pas
les notables censés les représenter auprès de lui, ils se donnaient le droit de
traiter avec les envahisseurs, fussent-ils païens ou musulmans, pour obtenir
de meilleures conditions. La longue existence de l’Empire prouve que ces
circonstances furent rarement réunies.
Il faut distinguer deux moments dans l’histoire des rapports des autori-
tés centrales avec les provinciaux. Jusqu’au XIe siècle, de nombreux fonc-
150 Les institutions de l’Empire

tionnaires – et aussi certains ecclésiastiques – obtenaient des charges dans


leur province d’origine. En dépit d’une interdiction légale, nombreux furent
les stratèges et parfois les ducs à servir là où leur famille était influente : les
Phocas, les Maléïnoi, les Diogènes au cœur de l’Asie Mineure. Tout en ser-
vant l’empereur, ces aristocrates gouvernaient la province avec l’aide de
leur clientèle, car ils plaçaient des parents parmi les fonctionnaires qui les
secondaient, plus souvent sans doute que les textes conservés nous permet-
tent de le démontrer. Les provinciaux trouvaient ainsi un relais naturel
auprès du souverain, mais ce dernier courait le risque, en cas de révolte,
d’un trop grand attachement de ceux-ci à leur stratège. La rotation assez
rapide des stratèges palliait ce danger. Certains stratèges ne servaient guère
plus d’une année, mais des empereurs, confiants dans leur autorité, comme
Basile II, constituèrent une sorte d’équipe, maintenant longtemps en place
les mêmes stratèges ou ducs. Au cours du XIe siècle et après la perte de
l’Asie Mineure, ce lien entre les provinces et la capitale se modifia dans la
mesure où l’aristocratie devint davantage concentrée, par la volonté des
souverains, à Constantinople. Les ducs ou préteurs de thèmes furent plus
souvent considérés par les autochtones comme des envoyés du pouvoir
central.
C HA P I T R E V I I

L’armée et la marine
PAR JEAN-CLAUDE CHEYNET

Pour saisir le rôle vital de l’armée, il suffit d’observer qu’elle permit à


l’Empire de survivre à la pire crise extérieure qu’il ait connue aux VIIe et
VIIIe siècles, puis de rétablir sa situation à l’époque suivante, Constantin VII
n’affirmait-il pas : « L’armée constitue la tête du corps de l’État » (Zepos I,
p. 222). L’histoire de l’armée ne peut être séparée de celle de la fiscalité,
car la plus grosse partie des ressources de l’Empire furent toujours consa-
crées à sa défense. Elle illustre remarquablement les capacités réformatrices
de Byzance car, en quelques siècles, l’organisation des armées fut à plu-
sieurs reprises bouleversée pour s’adapter aux nouvelles données. Les sour-
ces narratives ne mentionnent cependant que de manière allusive ces chan-
gements et les traités militaires, inspirés de modèles antiques qu’ils copient
parfois, mais aussi actualisés en fonction de l’expérience des contemporains,
notamment aux IXe et Xe siècles, sont difficiles à interpréter. D’autres infor-
mations sont données par les listes de préséance de la même époque et,
pour toute la période, par les sceaux des officiers. Par eux nous apprenons,
en partie, comment était recruté le corps des officiers, quels étaient les régi-
ments d’active ou les circonscriptions pourvues d’effectifs.

THÉMATA ET TAGMATA

LA PRÉTENDUE RÉFORME DES THÈMES

La brutalité de la conquête perse, puis arabe ne laissa pas aux chefs


militaires byzantins le temps d’accomplir des réformes à court terme, à sup-
poser qu’ils aient conçu une telle idée. Les historiens modernes, à la suite
152 Les institutions de l’Empire

notamment de G. Ostrogorsky, ont longtemps attribué à Héraclius la


réforme thématique, qui expliquerait le redressement accompli dans la der-
nière phase de la guerre perse en transformant une armée de mercenaires
en une armée recrutée dans l’Empire au sein de vastes et nouvelles circons-
criptions militaires. Il était, de plus, séduisant d’accorder au dernier grand
empereur militaire de l’Antiquité la paternité de mesures qui assurèrent à
terme la survie de l’Empire.
Comme l’a rappelé Constantin Zuckerman dans le précédent volume
de la « Nouvelle Clio » (p. 143), c’est le principe de continuité qui l’emporte
entre l’armée romaine et l’armée dite byzantine et, durant le millénaire
byzantin, de lentes transformations donnèrent des formes très différentes
aux armées impériales, mais il est toujours possible d’observer les traces des
anciennes structures après la mutation.
Lorsque Constant II, en 641, hérita de l’armée de son grand-père,
celle-ci était en pleine réorganisation. Les grandes unités du passé restent
identifiables car les contingents des armées d’Orient (Anatolè) se replièrent
en Asie Mineure, ceux installés en Arménie byzantine (les quatre provin-
ces créées par Justinien) restèrent probablement sur place, puisque ces
provinces furent sauvées, seule l’Arménie extérieure où ne séjournaient pas
en permanence des troupes byzantines passa progressivement sous
l’autorité des Arabes. L’armée de Thrace, qui avait été vainement engagée
pour la reconquête de l’Égypte avant la mort d’Héraclius, fut finalement
établie dans l’ouest de l’Asie Mineure, non pas après son échec devant
Alexandrie, mais avant 711. Les armées d’Italie et d’Afrique subsistaient,
fort occupées par leurs adversaires respectifs, Lombards et Maures, mais
elles furent contraintes à d’importants reculs, sans qu’on puisse affirmer
que les garnisons des territoires perdus se repliaient ou que simplement les
effectifs diminuaient, la seconde hypothèse étant de loin la plus vraisem-
blable. Au cours de la seconde moitié du VIIe siècle, les éléments établis en
Asie Mineure furent maintenus sur place, puisque la perspective d’une
reconquête s’éloignait. La troupe d’élite (ou obsequium/opsikion), héritière
des praesentales, qui entourait Héraclius lors de la guerre perse, s’établit au
nord-ouest de l’Asie Mineure. En 687, une jussio de Justinien II, conservée
dans le Liber pontificalis, s’adresse aux armées de l’Opsikion, des Anatoli-
ques, de Thrace, des Arméniaques, mais aussi à celles d’Italie, des Caravi-
siens, de Septem, de Sardaigne et d’Afrique, situées dans des régions qui
n’évoluèrent pas en thèmes. À cette date, les futurs thèmes sont encore
des corps d’armée, mais la zone où ils recrutaient leurs combattants prit
progressivement le nom de la troupe qui y stationnait. Dans un premier
temps, ces circonscriptions n’ont qu’un caractère militaire et l’adminis-
tration civile est toujours exercée dans le cadre des provinces tradition-
nelles, Bithynie, Hellespont, Asie, etc. jusque dans la première moitié du
L’armée et la marine 153

e
IX siècle, lorsque le thème territoire devient la seule référence administra-
tive (sur l’organisation du thème cf. chap. VI). On trouve toutefois trace
de l’organisation primitive puisque dans tous les taktika, les stratèges des
quatre grands « thèmes » primitifs d’Orient, eux-mêmes héritiers des
contingents du début du VIIe siècle, conservent la préséance sur tous les
autres stratèges.
Ces thèmes ne proviennent donc pas d’une réforme qu’on pourrait por-
ter au crédit d’un empereur précis, ils sont simplement issus de l’ancienne
armée centrale de l’Empire, redéployée dans les provinces orientales encore
sauvegardées. Ils ne se situent pas non plus dans la continuité des limitanei
du Bas-Empire, contrairement à l’ancienne opinion encore défendue par
I. Gregoriou-Ioannidou [385], puisque les limitanei avaient disparu avant
même les transformations de la seconde moitié du VIIe siècle. La survie des
anciennes unités se vérifie à nouveau lorsqu’on observe les subdivisions de
ces thèmes : ainsi l’opsikion avait incorporé les bucellaires et les optimates.
Au VIIIe siècle, deux thèmes homonymes furent créés, pris sur l’ancienne
circonscription de l’Opsikion. De même, l’unité d’élite des fédérés (Zucker-
man, NC 1, p. 166-167) associée à l’armée d’Orient, est bien attestée au
début du IXe siècle en Pisidie, région qui relevait du thème des Anatoliques.
Mieux encore, parmi les unités mentionnées dans la préparation de l’expé-
dition en 911 contre la Crète, le tourmarque des Victores et celui des Théodo-
siaci, régiments jadis placés sous l’autorité du magister militum per Thracias
selon la Notitia Dignitatum, sont encore mobilisés, précisément dans le thème
des Thracésiens [Haldon, 387].
Lorsque la situation militaire eut exigé une nouvelle répartition des
troupes, celle-ci s’effectua dans un cadre qui annonce le thème. La Sicile,
désormais front du combat contre les musulmans qui s’étaient installés
dans la préfecture d’Afrique, devint une circonscription à part entière à la
fin du VIIe siècle. La consolidation des positions byzantines face aux Slaves
permit la création vers la même époque des stratégies de l’Hellade et de
Thrace. D’une façon plus générale, le nombre des circonscriptions
s’accrut, soit, dès le VIIIe siècle, par la division des grands ensembles pri-
mitifs, soit, à partir de la seconde moitié du IXe siècle, par la création de
nouveaux thèmes découpés dans les territoires reconquis. Au IXe siècle et
dans la première moitié du Xe siècle, les armées thématiques défendirent
l’Anatolie contre les raids désormais plus limités des musulmans : elles
s’appuyaient sur un système de guet dans les passes du Taurus, qui per-
mettait de protéger les populations, et sur une tactique d’embuscades et
d’utilisation des forteresses pour affaiblir l’adversaire avant de lui porter le
dernier coup et de délivrer les prisonniers. L’importance des défilés fut
reconnue par la création des cleisouries, comme à Séleucie d’Isaurie, qui,
confiées à un cleisourarque, se développèrent parfois pour former un
154 Les institutions de l’Empire

thème [Ferluga, 370]. Cette guerre des frontières, « acritique », forgea un


état d’esprit glorifiant les prouesses militaires des officiers encadrant les
défenseurs byzantins, dont l’écho se faisait entendre dans toute l’Anatolie
par les poèmes et les chants acritiques.

L’ORGANISATION ET LE RECRUTEMENT
DE L’ARMÉE THÉMATIQUE

Le stratège du thème commandait à deux ou trois tourmarques, parfois


appelés mérarques, qui eux-mêmes avaient autorité sur des drongaires et
des comtes placés à la tête des banda [Ahrweiler, 355]. À l’inverse, il arrivait
que plusieurs thèmes fussent temporairement réunis sous l’autorité d’un
stratège unique désigné dans les sources par le titre de monostratège. Le
mode de recrutement des soldats des thèmes est pour l’essentiel connu par
les textes juridiques. Le titre 16 de l’Ecloga nous fait connaître la situation
sous les Isauriens. Le soldat est un volontaire, propriétaire de ses armes, qui
dépend de sa famille pour l’achat de l’équipement et son entretien ; en
conséquence, il doit partager les fruits de son travail, sauf les gratifications
exceptionnelles obtenues pour faits d’arme, du moins durant les treize pre-
mières années de son service. Passé ce temps, il possède à titre personnel
son équipement et reste maître de son salaire. En clair, la famille qui a
investi dans l’équipement et l’entretien d’un de ses membres, a droit, en
retour, à un remboursement de ses dépenses.
Au Xe siècle, le système a évolué : bien des soldats des thèmes ne com-
battent plus qu’occasionnellement, mais aux côtés du stratège s’est formé
un noyau de soldats d’élite, toujours disponibles. Les familles devaient four-
nir un combattant équipé de ses armes (lance, bouclier, épée et, pour les
plus riches, en minorité, une armure) et accompagné d’un cheval, car les
thèmes sont encore des armées de cavalerie. Toutefois, lorsque la famille
n’était pas en mesure d’envoyer un homme à l’armée, si par exemple le
mari tué à la guerre ou fait prisonnier n’a laissé que des enfants mineurs,
elle était tenue de payer une compensation, ou de trouver un remplaçant. Il
était expressément recommandé aux stratèges, lorsqu’ils convoquaient à
l’appel les hommes enregistrés dans les rôles, de ne choisir que des hommes
aptes à combattre. Il leur fallait donc écarter les plus jeunes et les plus âgés.
Ces dispositions supposent que le nombre des familles enregistrées était net-
tement supérieur au nombre de soldats effectivement mobilisés. En plus de
ces levées régulières, il était toujours possible de faire appel à des paysans
équipés d’un armement plus léger d’arcs ou de lances pour occuper des
L’armée et la marine 155

postes défensifs, notamment pour renforcer les garnisons ou bloquer un


défilé.
Le soldat, mobilisable à partir de 18 ans, servait durant vingt-quatre
années. Il possédait ses armes et au moins un cheval, car à l’origine les
troupes sont composées quasi exclusivement de cavaliers (kaballarika). Il
devait se présenter à l’appel (adnoumion), muni d’une réserve de nourriture
pour quelques semaines.

LA CONSTITUTION D’UNE MARINE DE GUERRE

L’Empire n’a pas entretenu de véritable marine de guerre, faute


d’adversaire majeur en Méditerranée orientale, avant le milieu du
VIIe siècle lorsque les Arabes eurent mis la main sur les arsenaux de Syrie-
Palestine et d’Égypte et fait construire une flotte, indispensable pour entre-
prendre à terme le siège de Constantinople. Les Arabes, après leurs raids
sur Chypre, ayant prouvé qu’ils ont fait de rapides progrès, l’empereur
Constant II les affronte en 655 près de la côte lycienne avec une flotte qui
ne paraît pas avoir de capacité manœuvrière par rapport à celle des enne-
mis, composée, semble-t-il, de bateaux de taille assez modeste, mais mania-
bles. Le premier siège de Constantinople souligna la vulnérabilité de la
défense byzantine, impuissante à entraver l’avance des navires arabes.
En 687, dans la liste fournie par la jussio de Justinien II, sont attestés les
Caravisiens, que d’autres textes font connaître comme des marins. Selon
Hélène Ahrweiler, ils servaient dans une flotte instituée pour s’opposer aux
navires arabes [Ahrweiler, 377]. On a proposé de voir dans les Caravisiens
les héritiers de la Quaestura exercitus établie par Justinien Ier, qui comprenait
les Cyclades et Chypre [Hendy, 652, p. 652-653], mais cette nouvelle pré-
fecture n’avait pour objet que de soutenir financièrement les provinces
danubiennes dévastées et non de former une unité de combat. Cette
escadre pourrait tirer son existence des bateaux construits par Constant II
lors de son expédition de Sicile, à partir d’une nouvelle charge publique
levée dans cette province pour la première fois [Zuckerman, 376], mais
l’hypothèse est contestée [Prigent, 1228]. Les Caravisiens, peut-être pour
n’avoir pas su intercepter les flottes arabes qui bloquèrent Constantinople
en 717/718, déclinèrent peu après au profit de flottes thématiques, dont la
principale, celle des Cibyrrhéotes, était recrutée dans le sud-ouest de l’Asie
Mineure et dans les îles voisines. Son stratège était secondé par des dron-
gaires maritimes qui, à la différence de leurs collègues de l’armée de terre,
avaient compétence sur une circonscription assez étendue : la mer Égée, le
156 Les institutions de l’Empire

Kolpos, les Cyclades. Seul avantage notable de Byzance dans la guerre


navale contre les Arabes, cette dernière circonscription disposait d’abon-
dantes ressources en bois d’œuvre, tandis que leurs adversaires étaient con-
traints de se servir dans les forêts lyciennes.
Au IXe siècle, c’est-à-dire plus tardivement que pour l’armée de terre,
une escadre centrale fut établie dans la capitale sous le commandement du
drongaire des ploïmôn, puis renforcée au siècle suivant. Elle constitua le
cœur des grandes expéditions offensives. À partir de cette date, pour deux
siècles environ, la défense maritime s’ordonna en trois échelons : la flotte
constantinopolitaine, les flottes provinciales et les flottilles rattachées aux
thèmes terrestres dotés d’un littoral. Les arsenaux, les bateaux, les équipe-
ments, le feu grégeois étaient dispersés dans l’Empire, mais le plus gros était
stocké à Constantinople sous la responsabilité du préposé à l’eidikon ou dans
les ports de la Propontide. Les marins des flottes provinciales furent recrutés
selon les mêmes modalités que les soldats des thèmes. La strateia maritime,
moins coûteuse, se maintint plus longtemps, puisqu’elle est encore attestée
sous Michel VII (1071-1078) [Ahrweiler, 377 ; Eickoff, 379].
Le séjour prolongé des soldats dans un même thème, le recrutement
régional eurent pour conséquence de renforcer l’esprit de corps des unités,
avantage indéniable face aux Arabes. Cependant, ces unités eurent ten-
dance à suivre fidèlement leurs stratèges lorsque ceux-ci se révoltaient et ce
n’est pas un hasard si le moment de la formation des troupes thématiques
coïncide avec la plus grande intrusion de l’armée dans la vie politique de
l’Empire. À de nombreuses reprises, les stratèges des Anatoliques entraînè-
rent leurs hommes à la conquête du pouvoir et deux réussirent, les futurs
empereurs Léon III et Léon V.

LA FORMATION D’UNE NOUVELLE ARMÉE DE CAMPAGNE

Lors de l’avènement des Isauriens, l’armée était largement distribuée


dans les provinces, même si un contingent plus conséquent avait été installé
près de Constantinople, dans l’Opsikion, formant le noyau des troupes qui
accompagnaient l’empereur lorsque celui-ci faisait campagne. Cette réparti-
tion convenait mieux à une posture défensive, mais au cours du VIIIe siècle,
les empereurs furent davantage en mesure de mener des offensives organi-
sées, d’abord contre les Slaves, puis contre les Bulgares et les Arabes. La
mobilisation des armées provinciales prenait du temps et ne se prolongeait
qu’exceptionnellement au-delà de quelques mois. De plus, les empereurs
manquaient de troupes pour leur protection personnelle. L’initiative de la
L’armée et la marine 157

création d’une nouvelle armée permanente semble revenir à Constantin V.


Après la révolte d’Artavasde, soutenu par l’Opsikion et les Arméniaques,
qui avait failli l’emporter, Constantin V ressentit à la fois la nécessité de
diminuer les effectifs de l’Opsikion, trop proches de la capitale en cas de
révolte, et l’utilité de disposer d’une troupe qui lui fût totalement dévouée,
capable de prendre la relève de l’Opsikion et d’assurer la défense de la
capitale. Il semble qu’à cette date l’empereur ait pu disposer, grâce à une
fiscalité maintenant plus productive, de sommes plus importantes qui lui
permettaient de payer à nouveau en numéraire des soldats en plus grand
nombre. Les contemporains étaient conscients de la différence de nature
entre les thémata et les nouveaux bataillons appelés tagmata pour les distin-
guer [Haldon, 371]. Les scholes avaient jusqu’au VIe siècle formé une unité
d’élite, avant de devenir un régiment de parade, mais Constantin V les
rétablit comme unité combattante et leur donna pour chef un domestique,
qui devint, au IXe siècle, le chef d’état-major de l’armée et le commandant
des troupes en l’absence de l’empereur. Le régiment des excubites, com-
mandé par un comte puis un domestique, fut aussi rattaché à la garde per-
sonnelle de l’empereur. Constantin V supervisa le recrutement des soldats
et en fit l’un des soutiens de sa politique iconoclaste.
L’impératrice Irène purgea les tagmata existants, mais jugea plus sûr de
se forger un régiment d’une fidélité totale. Elle créa l’Arithmos ou la Veille,
sous les ordres d’un drongaire, sans doute à partir d’éléments provinciaux
[Haldon, 371]. Plusieurs de ses successeurs l’imitèrent. Nicéphore Ier, qui la
renversa en 802, s’appuya sur les Fédérés qu’il fit venir de Lycaonie et sur
une nouvelle unité, les Hicanates. Jean Tzimiskès enfin forgea, après son
coup d’État de 969, le régiment des Athanatoi (Immortels) pour disposer
d’une unité sûre dans une armée encore en grande partie acquise aux
parents de son prédécesseur, Nicéphore Phocas. Les Immortels furent dis-
sous, semble-t-il, sous Basile II, peut-être en raison d’une trop grande proxi-
mité avec l’armée d’Orient qui s’était rebellée contre lui. Sous Basile II et
ses successeurs, c’est le régiment étranger des Varanges qui assura la sécu-
rité du Grand Palais, tout en étant engagé de façon décisive contre
l’ennemi, fût-il bulgare, petchénègue ou franc.
Les soldats des tagmata, qui, à l’origine, furent seulement des cavaliers,
auxquels, à partir du Xe siècle, furent adjoints des fantassins, étaient recru-
tés sur la base du volontariat, soit parmi les plus valeureux soldats des thè-
mes après avis sur leur aptitude et accord de leur stratège, soit parmi les
jeunes gens de belle prestance physique. Comme les soldats des thèmes, ils
étaient recrutés à partir de 18 ans et servaient jusqu’à 40. Ils étaient en
revanche mieux rémunérés et recevaient leurs armes de l’État. À Constanti-
nople, l’archonte de l’armamenton était responsable du dépôt d’armes [Hal-
don, 371, p. 297-325].
158 Les institutions de l’Empire

La multiplication des tagmata correspond aussi à un besoin d’ordre stra-


tégique. Lorsque l’Empire au Xe siècle reprit l’initiative sur tous les fronts,
les généraux eurent besoin de régiments constamment mobilisables, aptes à
mener des campagnes loin de leurs bases durant plusieurs années. Progres-
sivement l’armée fut composée de soldats professionnels, évolution qui cor-
respondait au déclin concomitant des thémata et à l’essor économique qui
redonnait au Trésor les moyens de solder en numéraire une masse de
combattants.
Dans un premier temps, les empereurs, tout particulièrement Nicé-
phore Phocas, essayèrent de renforcer le noyau des soldats permanents des
thèmes et de forger une cavalerie lourde, les cataphractaires, chargés de
briser par leur élan la ligne ennemie. Équipés d’un armement défensif plus
coûteux, le corps couvert par une cuirasse, montant un cheval aussi pro-
tégé, ils se distinguaient en maniant, outre la lance et l’épée tradition-
nelles, la masse d’arme. Cette cavalerie fut remplacée au siècle suivant par
les Francs. Dans la seconde moitié du XIe siècle, l’évolution était parvenue
à son terme et les thémata, encore mobilisables théoriquement, n’eurent
plus d’efficacité opérationnelle, comme le montra la malheureuse tentative
de Romain IV Diogène au début de son règne pour les rassembler [Chey-
net, 396]. Il ne vit s’approcher que des troupes en haillons, mal équipées,
car l’armée d’active était formée seulement de tagmata commandés par des
ducs ou des catépans, y compris dans les anciens thèmes. Ainsi, sous
Michel VII, le futur empereur Nicéphore Botaneiatès fut promu duc des
Anatoliques. Le noyau permanent de l’armée de ce thème était devenu à
son tour un tagma.
La hiérarchie des tagmata différait de celle des thèmes. Les unités
étaient placées sous les ordres de domestiques, comme celui des scholes.
Avec le développement des activités militaires, le commandement de ces
grandes unités fut scindé en deux, l’un en Orient et l’autre en Occident
pour les scholes à partir de Romain II puis, sur ce modèle, les autres uni-
tés, comme les excubites, furent divisées. Les grandes circonscriptions fron-
talières créées à partir du règne de Jean Tzimiskès furent placées sous
l’autorité de ducs ou de catépans, secondés par un topotèrètès. Ils avaient
sous leurs ordres des taxiarques, à la tête d’un régiment de mille fantassins
dont la moitié étaient armés de lances et les autres de javelots ou d’arcs.
L’infanterie tagmatique, lorsqu’elle était rassemblée, obéissait à un archégètès
d’Orient ou d’Occident. L’ethnarque prenait la tête des mercenaires
étrangers et l’acoluthe sans doute celle des Varanges [Oikonomidès, 28 ;
Ahrweiler, 335].
Sous les Comnènes, la structure de l’armée ne changea pas, en dépit de
l’échec subi en Anatolie face aux Saldjûkides. Elle resta constituée unique-
ment de régiments professionnels. Les anciens tagmata impériaux, les hica-
L’armée et la marine 159

nates, l’Arithmos ne survécurent pas au règne de Basile II et les scholes ou


les excubites disparurent avant la fin du XIe siècle. Beaucoup de tagmata
continuèrent d’être recrutés parmi les étrangers, les Francs notamment,
mais aussi les Turcs. Les premiers étaient souvent engagés pour un temps
limité et, une fois rentrés dans leur pays d’origine, servaient d’agents recru-
teurs. Pour des raisons d’efficacité, le régiment était en principe composé
d’une seule ethnie et son chef appartenait souvent au même peuple. Nous
avons une liste des chefs des tagmata francs de la seconde moitié du
XIe siècle : Hervé, Crispin, Roussel de Bailleul, Humbertopoulos, ce dernier
appartenant à la seconde génération de Francs établie dans l’Empire [She-
pard, 437 ; Cheynet, 382]. Dans les listes d’exemptions du mitaton accordées
aux monastères athonites, on relève pour la plus développée, en 1088,
qu’étaient susceptibles d’être hébergés en Macédoine, des Russes, des
Varanges, des Koulpiggoi (non identifiés), des Anglais, des Francs, des
Némitzoi (Bavarois), des Bulgares, des Saracènes, des Alains et des Abasges,
sans compter les Romains [Oikonomidès, 328, p. 264-272]. Précisons qu’il
ne faut pas voir dans cette longue liste le signe d’une charge fiscale écra-
sante, mais seulement une précaution des moines contre toute demande
des agents du fisc qui pointeraient une lacune dans le document pour les
faire payer.
Les empereurs veillèrent toutefois à conserver un recrutement autoch-
tone. Michel VII Doucas, confronté à la rébellion d’une partie de ses tag-
mata francs, avait reconstitué le tagma des Athanatoi en rassemblant des sol-
dats d’Asie Mineure, mais le régiment disparut rapidement. Le sort du
tagma des Archontopouloi, créé par Alexis Comnène qui avait regroupé les fils
de ceux qui étaient tombés au combat, fut à peine plus heureux, car il fut
décimé par les Petchénègues.
Sous les Comnènes, l’armée conserva toujours des régiments indigènes,
comme en témoignent les nombreuses attestations de tagmata composés de
soldats macédoniens, dont certains gardaient le palais impérial sous les
Anges. Cet attachement à l’armée professionnelle s’explique par son effica-
cité, car le recrutement s’effectuait en fonction des armes. L’archerie
montée était confiée à des Petchénègues ou à des Turcs, peuples les plus
expérimentés dans la pratique du tir à l’arc. La cavalerie lourde était
fournie par les Latins, de préférence les Normands, car nul mieux qu’eux
ne savait charger de façon irrésistible. En dépit des efforts des empereurs,
notamment de Manuel Comnène, jamais les Byzantins ne parvinrent à
rivaliser sur ce plan avec les Latins et ce fut l’une des raisons qui provo-
quèrent l’inquiétude des Grecs face aux croisés, tout particulièrement lors
de la quatrième croisade où l’infériorité technique des cavaliers grecs fut
patente.
160 Les institutions de l’Empire

Structures comparées du thème et du tagma


[Oikonomidès, 28 ; Ahrweiler, 335]
théma tagma (scholes)
chef stratège domestique (ou comte)1
second ek prosôpou topotèrètès
état-major un comte de la tente un chartulaire
un domestique un prôximos
un chartulaire
Officiers supérieurs tourmarques comtes
ou mérarques
officiers subalternes drongaires domestiques
comtes et protiktôres

L’ÉVOLUTION DE LA MARINE

Après la reconquête de la Crète en 961 et l’affaiblissement des flottes


arabes, la marine, dont l’entretien est toujours coûteux, n’est plus prioritaire
et entre en rapide décadence. Ses missions se limitent à la poursuite des
corsaires musulmans qui réalisent encore de beaux coups. Au XIe siècle, ses
cadres sont en partie composés d’officiers de l’armée de terre à la retraite,
peu motivés. L’arrivée des Turcs ne changea pas immédiatement la situa-
tion, si bien qu’Alexis Comnène, confronté à l’invasion normande de 1081,
ne disposait plus d’une flotte apte à s’opposer au franchissement du détroit
d’Otrante et n’avait pas de ressources financières à consacrer aux arsenaux.
Cette contrainte l’incita à faire appel à la flotte vénitienne au prix de
concessions commerciales. Le traité avec les Vénitiens entraîna des consé-
quences économiques non négligeables à terme mais, au moment de sa
conclusion, sans doute en 1082, il représentait la solution la plus rationnelle
sur un plan stratégique et budgétaire.
Dès qu’il en eut la possibilité matérielle, Alexis reconstitua une escadre
susceptible de repousser l’émir Tzachas qui s’était lui-même construit une
flotte dans l’arsenal de Smyrne pour piller les îles. L’empereur l’employa
également pour surveiller l’avance des croisés. Les navires byzantins furent
confiés à des ducs et la fonction de mégaduc est attestée pour la première
fois vers 1092. Cet officier commande l’ensemble de la flotte et supervise
parfois des opérations combinées navales et terrestres. Sous les Comnènes
et les Anges, cette charge si considérable fut presque toujours confiée à un

1. À partir du Xe siècle, les tagmata peuvent être sous les ordres de ducs ou de catépans.
L’armée et la marine 161

parent de l’empereur. Au XIIe siècle, Manuel Comnène, conscient de l’ac-


croissement de la puissance navale des Latins, notamment des Normands
de Sicile qui, au début de son règne, avaient mis à mal une grande partie
de l’Hellade et du Péloponnèse, voulut retrouver sa liberté de manœuvre en
Méditerranée orientale et reconstitua une marine opérationnelle, capable
de transporter une forte armée en Égypte. Cet effort ne fut pas poursuivi
sous la dynastie des Anges, pour des raisons financières. Isaac II fit encore
débarquer un corps expéditionnaire en Chypre, alors gouvernée par Isaac
Comnène qui ne reconnaissait plus le gouvernement de Constantinople,
mais son escadre fut dispersée par celle d’un amiral sicilien. Alexis III fit
appel à des aventuriers latins pour contrer la piraterie croissante des Occi-
dentaux, Génois et Pisans principalement, mais ne sut pas enrayer l’insé-
curité des voies commerciales maritimes. En 1203, le souverain n’opposa
qu’une misérable flottille à la puissante escadre vénitienne transportant les
croisés jusqu’à Constantinople [Ahrweiler, 377].

LE RÔLE DES ÉTRANGERS

Les Byzantins accueillirent toujours les volontaires qui souhaitaient ser-


vir l’Empire ou recrutèrent parmi leurs adversaires les plus redoutables. Au
VIe siècle, plusieurs corps d’élite étaient d’origine barbare, gothique ou lom-
barde. Ensuite, pendant les pires décennies du recul byzantin, les étrangers
furent moins attirés par le service de l’Empire, à la seule exception des
Arméniens. Ces derniers fuyaient leur pays, soit qu’ils désapprouvassent la
politique de conciliation de leurs dirigeants avec les Arabes, soit qu’ils y fus-
sent contraints en raison de l’écrasement des révoltes au moment où les
califes développèrent la province d’Armîniya. La tentative de Justinien II
d’enrôler en masse des Slaves, auxquels il avait donné des terres, fut un
échec, mais des unités slaves plus modestes survécurent. Il faut attendre le
IXe siècle pour qu’un contingent important de Perses sous Nasr/Théophobe
s’installe en Asie Mineure. Au siècle suivant, les Banû Habîb, des Arabes
chrétiens, désertèrent et vinrent renforcer substantiellement les troupes des
frontières. Les Arméniens continuaient d’affluer, mais à partir du Xe siècle,
les armées byzantines devinrent plus composites comme le soulignent les
sources arabes : on y rencontre des Francs [Cheynet, 382], des Bulgares,
des Arabes, et toujours de nombreux Arméniens.
L’attrait de Byzance, qui passe pour être généreuse, pousse des chefs
étrangers à venir chercher fortune dans l’Empire, où ils s’engagent avec
leur propre troupe. Parfois l’affaire tourne mal : le Russe Chrysocheir,
162 Les institutions de l’Empire

parent de Vladimir de Kiev, fut massacré avec ses hommes dont on redou-
tait le comportement, mais a contrario Harald, futur roi de Norvège, venu à
Constantinople sous Michel IV avec quelques centaines des siens, fut l’un
des héros des guerres de Sicile et de Bulgarie, avant de repartir chez lui
couvert de richesses. D’autres, tel le Géorgien Grégoire Pakourianos, restè-
rent définitivement dans l’Empire et y fondèrent une famille au brillant des-
tin. Grégoire lui-même parvint au poste de domestique des scholes sous
Alexis Ier et bâtit à Backovo, en Bulgarie, un monastère où il accueillit ses
compagnons rescapés des nombreuses campagnes. Les étrangers furent
donc bien reçus, surtout ceux qui venaient d’Orient mais, au XIIe siècle, des
officiers latins aussi firent souche. À ces étrangers venus de pays au-delà des
frontières de l’Empire s’ajoutaient les contingents des ethnies vaincues éta-
blis dans l’Empire qui, de ce fait, n’étaient plus vraiment des étrangers, tels
les Slaves des sklavinies aux VIIe-IXe siècles, les Bulgares ou les Petchénè-
gues, actifs dans les armées des Comnènes.
Ponctuellement, l’empereur renforçait ses troupes en appelant des alliés
(symmachoi), y compris des païens qu’il embauchait le temps d’une cam-
pagne, sans qu’ils fussent destinés à intégrer les cadres de l’armée régulière,
mais en les laissant combattre sous leurs propres chefs. En 1091, Alexis
Comnène, désespérément à cours d’effectifs, s’allia aux Coumans pour se
débarrasser d’un autre peuple nomade, les Petchénègues. Après la victoire
commune, les Coumans rentrèrent dans leur campement situé au nord du
Danube, chargés de la part de butin que l’accord avec l’empereur leur avait
d’avance attribuée.
L’enrôlement d’étrangers suscita souvent des critiques, à mesure que
leur nombre augmentait. Au XIe siècle une partie de l’opinion, dont Kékau-
ménos [415] se fait l’écho, jugeait excessives les faveurs que les empereurs
leur accordaient. Ce reproche n’était pas sans fondement car les étrangers,
dans la seconde moitié du XIe siècle, obtinrent souvent des dignités supé-
rieures à celles octroyées aux autochtones de rang équivalent. Au XIIe siècle,
le ton se fit plus acide : Nicétas Chôniatès, porte-parole d’une partie des
élites constantinopolitaines, accusait l’empereur Manuel d’avoir accordé
aux étrangers trop d’avantages, sans distinguer les mérites, plaçant parfois
dans leur dépendance des Grecs autochtones. Si les Varanges jouissaient
d’une flatteuse réputation de fidélité, l’indiscipline et la rapacité des Latins
étaient proverbiales. Les régiments latins furent indociles en plusieurs occa-
sions, lors des conflits internes ou externes de la seconde moitié du
XIe siècle, mais ils n’exigeaient le plus souvent qu’un paiement ponctuel de
leur solde. Le seul à mener un jeu personnel, Roussel de Bailleul, au reste
fort populaire auprès des notables du thème des Arméniaques, qu’il défen-
dait contre les Turcs, ne pouvait prétendre personnellement au trône et dut
faire alliance avec le césar Jean Doucas pour faire pression sur l’empereur
L’armée et la marine 163

Michel VII. Les mercenaires étrangers représentèrent donc un danger


moindre pour le pouvoir central. En règle générale, ils combattirent avec
un grand courage pour leur employeur, comme en témoignent les graves
pertes subies par les Latins à Dyrrachion en 1081 ou à Myrioképhalon
en 1176. L’apport des étrangers, notamment latins, a en fait permis aux
armées byzantines de suivre l’évolution des techniques de combat et de
mieux s’adapter aux nouveaux adversaires.

LES EFFECTIFS

Nous n’avons conservé aucun texte comparable à la Notitia dignitatum


pour évaluer les effectifs globaux de l’armée byzantine au Moyen Âge. Il
faut se contenter des données offertes par les sources narratives, byzantines
ou non, des éléments glanés dans les traités militaires et dans quelques
archives. Mais, difficulté supplémentaire, nous savons que la plupart des
nombres transmis par ces textes ne sont pas fiables, car ils sont destinés le
plus souvent à suggérer l’importance d’une armée. Si aucun historien n’ac-
corde de crédit à une armée qui aurait compté 300 000 combattants, com-
ment juger les nombres nettement inférieurs ? Il faut se fonder sur les rares
documents disponibles et ne retenir ensuite que les estimations compatibles
avec les données, mais c’est là introduire une élément subjectif, qui a pro-
voqué un vif différend opposant d’une part Warren Treadgold [367], très
optimiste sur les capacités de mobilisation de l’Empire et d’autre part John
Haldon [363] ainsi que Ralph-Johannes Lilie, plus sensibles aux contraintes
économiques et logistiques. Enfin, il faut savoir ce qu’on entend par soldat,
car on ne peut comparer ni par le coût, ni pour l’efficacité, le cavalier lour-
dement armé au fantassin équipé de sa seule lance, ni un combattant d’élite
à un soldat qui ne quitte guère sa garnison. Il faut enfin distinguer, nous
l’avons dit, entre les effectifs théoriques enregistrés sur les rôles militaires, le
nombre des soldats qui se présentaient à l’adnoumion (l’appel), et ceux enfin
que le stratège gardait auprès de lui.
L’estimation de 150 000 hommes donnée par Agathias pour toute
l’armée sous Justinien Ier est généralement admise. Le déclin numérique est
engagé avant la conquête arabe, car Héraclius est vainqueur des Perses par
son génie stratégique à la tête d’une armée aux effectifs réduits. La déban-
dade engendrée par les multiples offensives arabes et les pertes consécutives
à la bataille du Yarmouk ont accentué le déficit et c’est sans doute la raison
pour laquelle les grosses armées arabes traversèrent l’Anatolie sans grande
opposition, car les empereurs ne pouvaient pas réunir une armée suscep-
tible d’avoir la moindre chance de succès en rase campagne.
164 Les institutions de l’Empire

Nos informations s’améliorent pour le IXe siècle, lorsque l’armée des


thèmes connaît son apogée. Un prisonnier arabe, al-Djarmî, a eu connais-
sance des effectifs de l’armée byzantine. La précision administrative de son
rapport, repris plus tard par les géographes arabes, est corroborée par le
taktikon Uspenskij, qui est de peu postérieur. Les effectifs par thème seraient
les suivants selon Ibn al-Faqîh :
Anatoliques 15 000
Arméniaques 10 000
Chaldie 10 000
Thacésiens 10 000
Bucellaires 8 000
Opsikion 6 000
Thrace, Macédoine, Paphlagonie : 5 000 chacun
Optimates, Cappadoce, Charsianon : 4 000 chacun
Soit en tout 85 000 hommes.

Ces données sont compatibles avec les 80 000 hommes que Théophane
semble attribuer à toute l’armée de Constantin V en 783, et avec les effec-
tifs que Léon VI donne aux grands thèmes, en tenant compte de la part
d’exagération d’un empereur qui se garde de dévoiler une information stra-
tégique. Les effectifs combattant réellement étaient sans doute bien infé-
rieurs. Peut-être ces nombres correspondaient-ils aux familles enregistrées
dans les rôles militaires du bureau du stratiôtikon ? Postérieurement à cette
époque, nous ne disposons plus d’estimation générale. L’effort militaire
considérable du Xe siècle aura produit une augmentation des effectifs en
rapport avec l’accroissement du nombre des thèmes, suivie d’une baisse au
siècle suivant, sous le double effet de l’emploi massif de mercenaires beau-
coup plus coûteux, donc moins nombreux que les soldats qu’ils rempla-
çaient, puis de la perte de l’Asie Mineure, avant que les Comnènes ne réta-
blissent la situation, profitant d’un potentiel démographique accru et d’un
retour à la prospérité. Il faut se garder de prendre la liste des thèmes et de
multiplier le nombre des combattants par celui des thèmes, même en tenant
compte de leur taille, car il est certain que l’effectif théorique ne fut jamais
atteint. Lorsque de nouveaux thèmes frontaliers furent créés, leurs soldats
ont été prélevés, au moins partiellement, sur les anciennes unités. Quand
s’estompe la menace ennemie, l’entretien de toutes les forteresses fronta-
lières cesse d’être assuré [Holmes, 388].
Les estimations concernant les tagmata sont aussi fort divergentes. War-
ren Treadgold, s’appuyant sur les sources arabes, accepte pour les quatre
premiers tagmata pris ensemble 12 000, voire 24 000 hommes [Tread-
gold, 367], nombre élevé que John Haldon récuse, à juste titre, pour des
raisons financières [Haldon, 387]. Les effectifs officiels des soldats et marins
L’armée et la marine 165

engagés pour les expéditions de Crète en 911 et 949 offrent une base
incomplète, mais sûre. Furent mobilisés le domestique des hicanates avec
tout son régiment, soit 456 hommes, et le domestique des excubites avec
tous les siens, soit 700 combattants, mais les effectifs ont pu varier dans le
temps. Les scholes établis en Occident comptaient 869 combattants, indice
que ce régiment était plus important que les autres. Enfin, la cavalerie
lourde des cataphractaires mobilisés par Nicéphore II Phocas, fer de lance
de son armée, n’excédait guère les 500 hommes, d’après les traités mili-
taires [Dennis, 355].
Les effectifs des différents tagmata étaient donc disparates. Les Varanges
constituèrent l’unité la plus importante, comptant selon les sources 4 000 ou
6 000 hommes, mais on ne sait s’ils se maintinrent à ce niveau durant les
deux siècles suivants. Ensuite, par ordre d’importance, les scholes rassem-
blaient 30 escadrons (banda), probablement de 50 hommes chacun. Un
tagma formé d’autochtones, comme celui des archontopouloi créé par
Alexis Comnène, réunissait 2 000 hommes, alors que la plupart des tagmata
étrangers, francs notamment, semblent avoir compris entre 500 et
1 000 combattants.
S’il est difficile de déterminer l’effectif global des soldats à une époque
donnée, la taille des armées en campagne est plus facile à établir à partir des
sources narratives et des traités militaires et n’a guère varié au cours des siè-
cles. Quand l’armée des thèmes frontaliers repoussait un raid arabe, elle réu-
nissait au plus quelques milliers de cavaliers [Dagron, 357]. Au Xe siècle,
selon un traité militaire, lorsque l’empereur participe à la campagne, il est
accompagné de 15 à 25 000 hommes, nombre corroboré par les autres
sources [Dennis, 355 ; Cheynet, 381]. Il s’explique par les limites logistiques,
notamment l’impossibilité d’accumuler assez de nourriture pour des armées
nombreuses. Les difficultés rencontrées par les croisés en sont la preuve, en
dépit des accords préalables passés entre Alexis et leur chef pour établir des
marchés bien achalandés. Les effectifs des marins sont encore plus mal
connus, mais en 911, la flotte impériale avait mobilisé 19 600 marins.
Au total, même à partir du Xe siècle lorsque le commandement opéra-
tionnel des forces byzantines fut divisé entre l’Orient et l’Occident, l’Em-
pire n’a disposé que d’une seule armée capable de s’opposer à une invasion
massive, ce qui explique pourquoi, avant d’engager une bataille jugée déci-
sive, l’empereur fût-il présent ou non, l’armée d’Orient et celle d’Occident
faisaient toujours leur jonction, tout en laissant en couverture, dans la
partie de l’Empire qui n’était pas le théâtre des opérations, des troupes de
moindre qualité, mais capables de combattre sous un bon commandement.
Léon Phocas remporta ainsi sur Sayf al-Dawla l’une de ses plus belles vic-
toires avec les contingents de réserve pendant que son frère Nicéphore
assiégeait Chandax, en Crète, avec les meilleures troupes [Dagron, 357].
166 Les institutions de l’Empire

UNE ARMÉE TRÈS TECHNIQUE

Byzance a hérité de l’armée romaine, où l’entraînement des jeunes


recrues aux différents mouvements sur le champ de bataille était très poussé.
La qualité de la manœuvre était souvent destinée à compenser l’infériorité
numérique des armées byzantines. Faute d’école militaire, les officiers se for-
maient sur le terrain, souvent auprès de leurs parents plus âgés, ou sortaient
du rang pour avoir fait montre de leur bravoure. Les plus fortunés et les plus
curieux lisaient les ouvrages de stratégie. Byzance a produit aux IXe et Xe siè-
cles une série de Taktika et de Naumachika, le plus souvent rédigés par des offi-
ciers expérimentés, mais un empereur, Léon VI, ambitionna de faire revivre
par ses Taktika la science de la guerre que les Byzantins avaient, selon lui,
perdue. De la lecture de ces manuels se dégage l’idée que les généraux
byzantins économisaient le sang de leurs hommes au combat, en raison de
l’oliganthropie persistante, et qu’ils évitaient les batailles rangées sauf à s’être
assurés d’une supériorité momentanée. Le renseignement, l’emploi de la
ruse, la guerre d’usure par un bon usage des points fortifiés, où la population
et les troupes étaient à l’abri des murailles des villes, étaient privilégiés.
Les Byzantins, dont l’armement a suivi l’évolution de celui de leurs
adversaires [Kolias, 407], se distinguaient en Orient par leur science de la
poliorcétique, en particulier dans la construction et l’emploi des engins de
siège [Sullivan, 410]. Sans aucun doute leur arme la plus connue est le
« feu grec », mélange inflammable de poix et de naphte, projeté par un
siphon ou par des catapultes lançant des récipients emplis de ce produit. Il
existait même des pots maniables par un seul soldat. L’impact de cette
arme est difficile à mesurer ; elle fut sans doute utile contre les peuples qui
l’ignoraient, mais elle fut rapidement copiée et contrée par l’emploi de
peaux humidifiées qui empêchaient le développement du feu [Korres, 408].
Les Byzantins avaient à leur disposition tout un matériel de siège, dont des
catapultes variées, qui ne furent pas dépassées avant l’arrivée des croisades
[Foss-Winfield, 403 ; Cheveden, 401 ; Dennis, 402]. À l’inverse, ils surent
fortifier les points stratégiques, réparant avec soin et à très haut coût les
murailles de Constantinople. À plusieurs reprises furent édifiées toute une
série de fortifications, travaux dont le souvenir est conservé par des inscrip-
tions, sous Constantin IV, sous Michel III (à Ancyre, Nicée et Smyrne) ou
encore sous Romain IV Diogène. Cette politique est cohérente avec l’ensei-
gnement des traités militaires.
Les Byzantins disposaient d’un appareil logistique de premier ordre,
fondé sur une administration complexe. Ils savaient rassembler l’équipe-
ment nécessaire, dont une partie était conservée à Constantinople dans les
L’armée et la marine 167

réserves de l’armamenton, qui dépendait du préposé à l’eidikon. Les préparatifs


des expéditions avortées de 911 et 949 contre la Crète montrent la préci-
sion et l’efficacité de la chaîne logistique [Haldon, 387].
Jusqu’au XIe siècle, les troupes étaient convoquées dans des camps éta-
blis à l’avance dans chaque grand thème, les aplèkta, répartis en Asie
Mineure sur les routes conduisant vers les frontières orientales. Sous les
Comnènes, Kypséla en Thrace et Lopadion en Bithynie jouèrent le même
rôle. Les écuries impériales faisaient l’objet des soins du prôtostratôr et du
comte de l’Étable, en charge de celles, impériales, de Constantinople et de
Malagina, le premier aplèkton (camp de rassemblement des troupes) sur la
principale route d’Asie Mineure, qui menait en Cilicie. Le logothète des
troupeaux contrôlait l’approvisionnement en chevaux, dont une partie pro-
venait des élevages (mètata) d’Asie et de Phrygie, déjà en activité à l’époque
romaine [Oikonomidès, 28].

LE FINANCEMENT DE L’ARMÉE
E T LE P A I E M E N T D E S S O L D A T S

Bien des aspects de l’armée byzantine dépendirent de son financement :


le nombre de combattants, leur répartition sur le territoire, leur équipe-
ment. Après la perte des provinces d’Orient et la réduction de la moitié ou
des deux tiers (?) des ressources fiscales, le financement de l’armée, difficile
dès la seconde moitié du VIe siècle et surtout depuis Héraclius, acculé à
mobiliser les trésors de l’Église, s’avéra la plus grave des contraintes. Le
numéraire s’était raréfié et l’on comprend combien le versement d’un tribut
par Mu‘âwiya, outre son côté symbolique, apportait un soulagement. Il est
certain que la valeur des donativa en numéraire diminua fortement. La façon
dont les troupes rapatriées en Asie Mineure furent rémunérées reste l’objet
de débats sur deux points principaux : le rôle des commerciaires aux VIIe-
VIIIe siècles, sujet sur lequel nous renvoyons au chapitre sur la fiscalité
(p. 129), et la date d’apparition des terres stratiotiques.

LA QUESTION DES TERRES MILITAIRES

Deux théories s’opposent. Selon certains, dont Georges Ostrogorsky,


qui a le premier clairement agencé tous les éléments de cette reconstruc-
tion, et Warren Treadgold [394], qui est le représentant actuel le plus émi-
168 Les institutions de l’Empire

nent de ce point de vue, les empereurs, dès Héraclius, auraient distribué


aux soldats rapatriés des terres prises sur les domaines impériaux, qui sont
encore bien attestés au VIe siècle, puis disparaissent au Moyen Âge. Bénéfi-
ciant de revenus fonciers complétés par des exemptions fiscales, ces soldats
auraient pu assurer l’entretien de leurs familles et de leurs chevaux, en
attendant d’être appelés à faire campagne. D’autres historiens, au premier
rang desquels Paul Lemerle [553], Hélène Ahrweiler [334 et 335], ou John
Haldon [373], considèrent que les terres stratiotiques n’ont acquis un statut
officiel que peu avant la promulgation par les empereurs Macédoniens des
premières lois destinées à les protéger.
La première théorie a rencontré de sérieuses critiques, à commencer
par l’absence de thèmes sous Héraclius et ses successeurs immédiats. Sans
doute les empereurs ont-ils toujours établi sur des terres publiques des
populations étrangères transférées de gré ou de force, tels des Arméniens
sous Maurice ou des Slaves sous Justinien II, pratique qui se poursuivit jus-
qu’à la fin de l’Empire. Mais à l’échelle de toute l’armée impériale, la dis-
ponibilité de très vastes domaines suffisamment pourvus de paysans pour
l’entretien de dizaines de milliers d’hommes est invraisemblable dans un
contexte de déclin démographique marqué. Nicolas Oikonomidès a cru
voir dans une disposition de l’Ecloga un sérieux indice que le service était
déjà lié à la possession d’une terre sous les Isauriens [Oikonomidès, 392],
mais cette interprétation a été, à juste titre, contestée [Haldon, 372]. Aucun
texte, en fait, ne lie formellement le service militaire à l’existence de terres
stratiotiques avant le Xe siècle, ce qui laisse entière la question de l’entretien
des soldats avant la mise en place des terres stratiotiques, même si les terres
stratiotiques ont assurément existé avant que la menace de leur disparition
n’amène les empereurs à légiférer.
L’État cherchait avant tout à disposer d’effectifs nombreux, stables et
prévisibles. En principe, le stratiote était désormais tenu de posséder ses
armes personnelles, car l’État, qui avait perdu au cours du VIIe siècle ses
fabriques d’armes publiques, sauf celle de Césarée de Cappadoce, ne les
fournissait plus, à la différence de l’époque précédente. La condition sociale
des soldats était donc loin d’être uniforme ; ainsi, dans plusieurs vies de
saints, on voit le héros secourir un stratiote dépourvu de toute monture et
dans d’incapacité de s’en procurer et, par ailleurs, ce fut l’intendance qui,
bien souvent, fournissait la nourriture.
Dès l’origine de l’armée thématique, le service apparaît héréditaire, ce
qui entraîne à terme plusieurs difficultés : que faire si la famille n’a pas
d’homme apte à servir ? Que faire lorsqu’un soldat est devenu trop pauvre
pour assurer son propre entretien ? La distinction s’est rapidement établie
entre celui qui était inscrit dans les registres et celui qui servait effective-
ment. D’autre part, il a été fait appel à des cocontribuables (syndotai) pour
L’armée et la marine 169

équiper un soldat démuni et, éventuellement, payer ses impôts. Déjà, une
novelle de Nicéphore Ier évalue à 18 nomismata et demi la somme nécessaire.
Pour stabiliser le système, les empereurs macédoniens décidèrent
d’inscrire sur les registres les maisons militaires avec leurs terres (stratiôtikoi
oikoi). D’où venaient ces terres ? Les soldats résidaient durablement dans le
même village et disposaient d’un peu de numéraire qui leur permettait
d’acquérir des terres et faisait d’eux des partis sans doute assez intéressants
pour attirer des héritières. Ce processus d’enracinement des soldats et, pour
les plus heureux, l’intégration à la nouvelle aristocratie en formation
s’observent bien en Italie [Brown, 1189]. Ces terres continuaient à suppor-
ter l’impôt foncier de base, mais leurs propriétaires étaient dispensés de tous
les impôts extraordinaires puisqu’ils fournissaient un combattant.
Au Xe siècle, la valeur des terres enregistrées dans les livres du fisc
dépendait du prix du service rendu. Pour un simple soldat, il fallait inscrire
quatre livres d’or de terres, ce qui en faisait un propriétaire important
(600 modioi, soit environ 60 ha de terres arables, c’est-à-dire l’équivalent de
six à dix fermes) et le plaçait donc bien au-dessus des paysans, même aisés.
Un simple marin détenait deux livres d’or. Lorsque Nicéphore II recruta sa
cavalerie lourde, qui exigeait un équipement fort coûteux, il mit en place
une nouvelle catégorie de propriétaires inscrivant un minimum de douze
livres d’or de terres, ce qui explique le faible nombre des combattants
recrutés.
Sans aucun doute, peu de soldats des thèmes eurent les moyens de faire
enregistrer des domaines d’une telle superficie d’autant plus que les hérita-
ges divisaient à l’occasion les lots. Plusieurs propriétaires d’une part de stra-
teia pouvaient s’associer pour fournir un combattant. Au cas où le stratiote
ne pouvait durablement maintenir ses capacités, la procédure d’adoreia per-
mettait de transférer ses terres à d’autres, en attendant qu’il retrouve ses
facultés contributives [Gorecki, 384].

LES TRANSFORMATIONS DES Xe ET XIe SIÈCLES :


LA FISCALISATION DE LA STRATEIA

À partir du Xe siècle, l’armée se professionnalise et les généraux se plai-


gnent de la médiocre qualité des soldats des thèmes, à l’exception du noyau
de soldats permanents autour du stratège, les épilektoi. Les autres avaient
parfois vendu leur équipement et s’adonnaient aux activités agricoles. De
fait, l’idée se fait jour que le service effectivement rendu n’a plus guère
d’intérêt sur le plan militaire ; il vaudrait mieux que ces stratiotes démotivés
170 Les institutions de l’Empire

versent une contribution de rachat dont les sommes rassemblées permet-


traient de solder des combattants, autochtones ou étrangers, mais combat-
tifs. Les empereurs furent donc conduits à commuer des charges en impôts,
ce qu’on appelle la fiscalisation de la strateia. Le moment était favorable
puisque le numéraire était redevenu abondant. Il est probable que cet
impôt fut ensuite étendu à ceux qui ne relevaient pas des maisons militaires
traditionnelles. L’une des mesures de Nicéphore Phocas, en créant la caté-
gorie des détenteurs de douze livres d’or de terres, avait aussi pour objectif
de faire participer à l’effort de guerre les civils aisés, ce qui le rendit impo-
pulaire, en particulier à Constantinople [Dagron, 357].
La fiscalisation de la strateia se généralise au XIe siècle, brouillant la dis-
tinction entre oikoi politikoi et oikoi stratiôtikoi. La strateia apparaît au même
titre que les autres impôts dans les listes d’exemptions que nous connaissons
en faveur des monastères. Parallèlement, les combattants des thèmes
n’étaient plus mobilisés, en dehors du noyau des soldats permanents qui
formèrent les tagmata thématiques. Lorsque l’Empire acquit de nouveaux
territoires, les souverains cherchèrent la même conversion en or des services
dus. La dissolution par Constantin Monomaque de l’armée d’Ibérie, qui
aurait compté des dizaines de milliers d’hommes, suscita la réprobation des
contemporains qui jugèrent, à tort sans doute, que cette réforme facilita
l’invasion turque [Oikonomidès, 345 ; Lemerle, 553 ; Haldon, 362].
L’État perdit son combat pour défendre la petite et la moyenne pro-
priété, et longtemps les historiens associèrent cet échec au déclin de l’Em-
pire au XIe siècle. En réalité, on considère aujourd’hui que l’expansion
domaniale ne conduisit pas à un affaiblissement de ses ressources, car les
institutions publiques se mirent à exploiter systématiquement leurs domai-
nes regroupés en curatories et en épiskepseis, dont certaines furent peut-être
directement consacrées au financement des troupes. Les civils étaient aussi
contraints d’héberger les soldats qui n’hivernaient pas dans leurs foyers, ce
fut le cas notamment des régiments étrangers, et cette charge, le mitaton,
était particulièrement redoutée, car elle entraînait facilement des exactions.

LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRONOIA

À partir du règne d’Alexis Comnène, une fois surmontée la terrible


crise financière, la rémunération des serviteurs de l’État s’est effectuée le
plus souvent sous forme de pronoiai [cf. chap. VI et Kazhdan, 389 ; Magda-
lino, 391]. Elles restèrent exceptionnelles sous les deux premiers Comnènes,
mais Manuel Comnène aurait généralisé l’emploi de la pronoia pour le paie-
L’armée et la marine 171

ment des soldats. Un texte fameux de Nicétas Chôniatès rappelle que les
ancêtres de Manuel avaient conféré des pronoiai seulement aux plus valeu-
reux guerriers qui s’étaient distingués face à l’ennemi, en faisant une récom-
pense très recherchée. Mais en élargissant cette pratique, l’empereur, selon
Chôniatès, aurait découragé les plus braves puisque tous bénéficiaient de
cette faveur, au point que la foule se serait précipitée vers les rôles mili-
taires, fût-ce en corrompant les officiers recruteurs, pour qu’ils acceptent
même les hommes inaptes à la guerre. Des artisans qui n’avaient jamais
touché une épée auraient abandonné un métier qui, en comparaison, les
nourrissait chichement. La réflexion de Chôniatès fait écho à une plainte de
Michel Psellos qui décrivait, au siècle précédent, une situation inverse, où
tous se détournaient des armes pour embrasser la carrière d’avocat. Chô-
niatès souligne enfin une conséquence néfaste de la réforme, lorsque les
contribuables devenaient victimes des représentants des pronoiaires qui leur
auraient arraché, selon ses termes, jusqu’à leur dernier vêtement. Ces criti-
ques sont excessives car l’État, respecté sous Manuel, avait les moyens de
réprimer les abus, mais le nouveau système recelait bien des dangers poten-
tiels en cas d’affaiblissement de l’autorité centrale. Le scepticisme est de
mise sur le prétendu afflux d’artisans dans les rangs de l’armée car,
avant 1204, on ne note aucune évolution particulière dans la composition
de l’armée. En fait, on ignore quelle proportion de soldats bénéficiait de ce
mode de rémunération, si les officiers furent davantage concernés et quel
impact social eut la donation de grosses pronoiai, quoique les empereurs,
avant 1204, aient gardé, semble-t-il, le contrôle de l’institution.
Par ailleurs, il est certain que le paiement en numéraire des troupes se
poursuivit largement tout au long du XIIe siècle : en avril 1204, les Varan-
ges demandaient une augmentation de leur solde, au moment même où les
Latins pénétraient dans la ville.

LES SOLDATS, DES PRIVILÉGIÉS ?

Le revenu du combattant dépendait de plusieurs éléments, la catégorie à


laquelle il appartenait, thématique ou tagmatique, le rang qu’il occupait, la
durée du service accompli, s’il était mobilisé ou non. Nous manquons
d’informations avant le IXe siècle, sauf à savoir que le paiement en numéraire
était modeste, car le stock métallique avait fortement diminué, mais dans des
proportions qu’il est, dans l’état actuel de la recherche, difficile de préciser
(cf. chap. XII, p. 290). Lorsque Constant II voulut payer ses soldats, il en fut
réduit, selon le Liber pontificalis, pour obtenir le bronze nécessaire, à arracher,
172 Les institutions de l’Empire

entre autres, le toit de Sainte-Marie-des-Martyrs à Rome, pour obtenir le


métal nécessaire. Sous Michel III, le coût total des soldes ou rogai annuelles
atteignait sans doute 20 000 livres d’or. Cette estimation de Théophane
Continué est confirmée par le montant des rogai du thème des Arméniaques
qui se montaient à 1 300 livres d’or, et celles du thème du Strymon à
1 100 livres d’or sous Nicéphore Ier, sommes qui furent toutes deux abandon-
nées aux mains des ennemis. Les soldes étaient fortement hiérarchisées : le
stratège des Anatoliques recevait annuellement 40 livres d’or alors que les
soldats touchaient, en règle générale, moins de 12 nomismata. Les combattants
recevaient aussi une solde lorsqu’ils partaient en campagne [Tread-
gold, 367]. En 949, pour une expédition censée durer quelques mois, un
tourmarque obtenait 30 nomismata contre trois seulement à l’homme du rang
ou au rameur. Les guerriers des tagmata étaient davantage rémunérés, deux
fois plus à en juger par les données de 911 et 949 [Haldon, 387]. Pour attirer
les volontaires dans des opérations dangereuses, les sommes allouées étaient
plus hautes. Ainsi, pour lutter contre la piraterie arabe, des volontaires
avaient été recrutés auxquels on avait promis 40 pièces d’or par personne.
La solde ne constituait pas les seules ressources des militaires. Il s’y ajou-
tait, dans les cas heureux, le butin, qui permettait de ramener des esclaves et
de rapporter des biens précieux. Lors des grandes victoires du Xe siècle, il
était si abondant que le prix des esclaves fléchit. En revanche, le soldat fait
prisonnier devait fréquemment assurer seul les frais de son rachat, et les ran-
çons pouvaient atteindre jusqu’à plusieurs dizaines de nomismata, qui corres-
pondaient au coût de rachat d’un esclave – ce qu’il était devenu après sa cap-
ture. Leurs familles étaient ruinées si les plus pauvres ne recevaient pas l’aide
de l’Église. Pour les gradés, la somme exigée était proportionnelle à la for-
tune supposée des captifs, pour lesquels l’ennemi demandait parfois plusieurs
dizaines de milliers de nomismata. Seule une contribution de l’empereur ou un
geste du chef ennemi, dans le cadre de négociations diplomatiques ou d’un
échange de prisonniers, leur laissaient espérer le retour à la liberté. À
l’inverse, la vente des prisonniers ennemis offrait une prime de campagne,
comme ce fut le cas lors de l’échec des assauts russes devant la capitale ou
après les raids victorieux en Syrie au temps de Jean Tzimiskès.
Les gratifications impériales complétaient très substantiellement les
soldes. Les simples soldats en bénéficiaient plus rarement, sauf à accomplir
un exploit sous les yeux de l’empereur. Les officiers de rang élevé, stratèges,
ducs, tourmarques... se voyaient octroyer des dignités en rapport avec leurs
rang : les stratèges des Anatoliques ou les domestiques des scholes étaient
souvent titrés patrices, voire magistres, et touchaient les rogai correspon-
dantes. Ils obtenaient aussi des dons directs de l’empereur, des tissus pré-
cieux, et surtout des terres. Les généraux victorieux et appréciés de
l’empereur constituaient rapidement des fortunes considérables.
L’armée et la marine 173

POURQUOI L’ARMÉE COMBAT ?

Les pratiques religieuses se développèrent dans l’armée byzantine,


notamment durant l’affrontement avec les musulmans. Les soldats prient
matin et soir, chantent quotidiennement le trisagion, jeûnent avant le combat
et, après 843, emportent avec eux icônes et croix précieuses [Dennis, 412].
Les savants se sont souvent interrogés pour déterminer si les Byzantins
avaient élaboré une doctrine comparable à la guerre sainte des Occidentaux
ou au djihâd des musulmans. Sans doute ne faut-il pas se laisser abuser par
une interprétation littérale du canon de saint Basile privant un soldat de
communion durant trois ans s’il avait versé le sang de l’ennemi. L’Église
avait, dès l’Antiquité, forgé une théorie, fort bien résumée par saint Augus-
tin, qui permettait aux combattants de porter les armes pour protéger les
saints empereurs et secourir leurs frères chrétiens [Kolbaba, 413], dans le
cadre de la guerre juste, c’est-à-dire défensive, où le sang n’est pas versé plus
que nécessaire. L’Empire, c’est la paix, auraient pu affirmer de nombreux
panégyristes impériaux, que ce fût Jean Mauropous louant la modération de
Constantin IX qui épargna ses ennemis, ou Anne Comnène affirmant que
son père Alexis, après la victoire du Lébounion, fut totalement étranger au
terrible massacre des prisonniers petchénègues, pourtant des païens.
Toute guerre contre des chrétiens n’était autre qu’une guerre civile, donc
condamnable au plus haut point. En vertu de ce principe, les vaincus, lors
des rébellions internes, étaient cruellement châtiés pour avoir enfreint le
commandement divin. Cette réticence à l’affrontement sanglant s’appliquait
aussi, en principe, aux peuples voisins, lorsqu’ils partageaient la même foi.
De fait, les rares combats avec les Carolingiens furent plutôt d’intensité
modérée. En revanche l’emploi d’un tel argument pour susciter la honte et
les regrets de Syméon de Bulgarie relève du cynisme : le pieux empereur
Léon VI n’avait pas eu de scrupules à faire appel aux Hongrois, pas encore
convertis, pour ravager les terres des Bulgares, frères en Christ des Romains.
Le même Léon VI déplorait la réticence de ses compatriotes à l’égard
de la violence guerrière. Les siens lui semblaient désavantagés, face aux
musulmans qui disposaient dans la doctrine du djihâd d’un atout propre à
stimuler l’ardeur guerrière de leurs hommes et à les appeler au combat
contre les infidèles [Dagron, 411]. Il n’était pas seul à penser de la sorte et
dans l’aristocratie cappadocienne aussi bien que chez les hommes de
troupe, l’idée s’était répandue que le sang versé pour la défense de la chré-
tienté devrait leur valoir, comme à leurs adversaires, le statut de martyrs
s’ils tombaient sur le champ de bataille. Nicéphore Phocas, représentant
174 Les institutions de l’Empire

accompli de cette aristocratie, proposa à l’Église de faire sienne cette doc-


trine, mais à Constantinople, ni l’opinion ni le clergé n’appréciaient cet état
d’esprit et Nicéphore essuya un refus catégorique du patriarche Polyeucte
[Kolia-Dermitzaki, 414]. Cet échec ne paralysa point le mouvement de
reconquête et Jean Tzimiskès exaltait encore l’armée chrétienne qui avait
reconquis Antioche, lui laissant espérer une éventuelle reprise de Jérusalem,
où l’empereur songea à se rendre pour prier sur le tombeau du Christ, pro-
jet que reprirent, dans des circonstances bien différentes, Alexis, puis
Manuel Comnène.
Le culte des saints militaires, Démétrius, Michel, Georges, Théodore fut
encouragé par les empereurs des dynasties macédonienne et Comnène.
Leur propagande prétendait que ces soldats envoyés par Dieu combattaient
aux côtés des armées chrétiennes. Bien des officiers firent figurer l’un de ces
protecteurs au droit de leurs sceaux.

CONCLUSION

Edward Gibbon, suivant en cela toute une tradition, latine puis occiden-
tale, méprisait les commandants byzantins et leurs troupes pour ce qu’il
jugeait être un manque de combativité. Sans doute aurait-il trouvé une
confirmation de ce point de vue s’il avait lu leurs ouvrages de tactique. Leurs
rédacteurs en effet, anciens officiers pour la plupart, nous l’avons vu, recom-
mandent constamment d’éviter l’affrontement en rase campagne, mais plutôt
de surveiller l’ennemi, de le harceler, notamment à partir des garnisons des
forteresses. Il ne faut pas y voir une preuve de couardise, mais une juste
appréciation du rapport de force. L’Empire a presque toujours combattu des
adversaires plus nombreux que les effectifs de ses armées, tout particulière-
ment durant les deux premiers siècles du califat, qui disposait d’une supério-
rité économique et militaire écrasante. Les stratèges des thèmes ont su habi-
lement utiliser le handicap des Arabes, gênés par la longueur inévitable de
leurs lignes de ravitaillement, et tirer profit de leur excellente connaissance
du terrain pour limiter les dommages causés par les invasions. S’il n’était
obscurci par la chute de Constantinople en 1204, qui révèle davantage les
divisions internes de l’Empire que son infériorité militaire intrinsèque, le
bilan serait impressionnant, comparé aux Empires musulman ou franc, bien
établis aux VIIIe et IXe siècles et si rapidement en déclin.
C HA P I T R E V I I I

Les classes dirigeantes de l’Empire


PAR JEAN-CLAUDE CHEYNET

Tout au long du Moyen Âge, les sources nous présentent un groupe de


personnages qui gravitent autour de l’empereur, occupent les charges et
détiennent le pouvoir économique et l’influence sociale. Ils sont désignés sous
divers noms, selon l’aspect – la distinction (ekkritoi, logadés), la place dans
l’État (oi en telei) – sur lequel la source met l’accent. La différenciation sociale
provient toujours, in fine, du pouvoir qui a attribué une haute charge ou une
dignité soit au personnage désigné dans la source, soit à ses ancêtres. Osera-
t-on parler de nobles comme Rodolphe Guilland qui consacra tant d’articles
à étudier les dignités qu’ils portaient [Guilland, 238] ? Sans doute l’eugéneia
– littéralement, la bonne naissance – pourrait-elle tenir lieu d’un tel mar-
queur social, mais l’attribution de cette qualité est éminemment subjective,
voire symbolique, ne désignant parfois que la noblesse d’âme. En l’absence
d’un statut juridique qui aurait déterminé des privilèges héréditaires, on s’en
abstiendra, mais les élites byzantines, nous le verrons, surent conserver de
génération en génération les positions acquises, par-delà même les crises poli-
tiques les plus virulentes. Il est difficile de donner à ce groupe des contours
précis, car il n’est pas homogène, puisqu’il y a plusieurs élites, politiques,
ecclésiastiques, économiques, intellectuelles, qui ne se recoupent qu’imparfai-
tement. La strate supérieure composée des familiers de l’empereur est bien
délimitée, mais le doute subsiste pour la couche inférieure, car le personnel
ordinaire des bureaux se différencie peu des riches marchands de la capitale
ou des provinces, qui purent eux aussi acquérir des dignités et dont les fils
entraient à l’occasion au service de l’État. On ne peut même pas utiliser la
définition juridique du « pauvre » qui serait celui qui ne posséderait pas
50 pièces d’or, car cette définition est héritée de l’époque romaine et ne tient
compte ni de l’évolution de la monnaie ni de celle de la société.
Ce que nous appellerons l’aristocratie a constitué les cadres de l’admi-
nistration impériale et c’est en son sein que les empereurs ont été choisis, à
176 Les institutions de l’Empire

peu d’exceptions près. Elle a toujours constitué une minorité qui, au


moment de l’apogée de l’Empire au XIe siècle, comptait sans doute quel-
ques milliers de familles, en y incluant les administrateurs des bureaux,
ceux de l’Église et les lettrés.

LE R E N O U V E LLE M E N T D E L A H A U T E A R I S T O C R A T I E

Alexander Kazhdan avait nettement opposé deux moments de l’histoire


des élites [Kazhdan-Ronchay, 424]. Aux VIIe-IXe siècles, selon ce savant, le
renouvellement des hommes fut intense, en raison des guerres qui favori-
saient l’émergence d’hommes nouveaux, d’origine modeste, parvenant aux
abords du pouvoir à la force de leur épée. Cette hypothèse en supposait une
autre, celle d’une absence de continuité entre la classe sénatoriale, encore
puissante jusqu’au VIe siècle, et les familles qui se distinguèrent progressive-
ment au cours des IXe et Xe siècles. Aux XIe et XIIe siècles, sous l’impulsion des
empereurs Comnènes, la couche supérieure de l’aristocratie n’aurait plus
intégré de nouveaux venus et la société se serait rigidifiée, faisant perdre à
l’Empire l’une des clés de son succès, l’assimilation des étrangers.

LES CADRES DES VIIe-IXe SIÈCLES

Pour connaître l’évolution des élites durant la phase aiguë de la crise du


VIIe siècle, nos sources sont maigres, même renforcées par un matériel sigillo-
graphique plus abondant. Par chance, les Arméniens reçoivent des noms
caractéristiques des familles dont ils sont issus, à un moment où ils donnent
de nombreux cadres aux armées. Or les généraux de sang arménien provien-
nent des plus illustres lignées, les Mamikonians ou les Gnuni, puis les Bagra-
tides, dont une partie s’était installée dans l’Empire, avant même la conquête
arabe. D’autres cas, moins isolés qu’on ne le pensait il y a encore vingt ans,
suggèrent que la coupure du VIIe siècle ne fut sans doute pas radicale, y com-
pris chez les militaires dont le taux de renouvellement était nécessairement
plus élevé, compte tenu des pertes au combat et de l’instabilité politique. Le
stratège des Arméniaques et futur empereur Nicéphore Ier serait un descen-
dant du patrice ghassanide Gabalas. Nous mesurons mieux les résultats de ce
passage à la forme médiévale d’un Empire réduit pour l’essentiel à l’Anatolie.
La classe sénatoriale, fondée sur la possession de vastes domaines, a large-
Les classes dirigeantes de l’Empire 177

ment disparu, victime des troubles militaires et, peut-être, d’un accroisse-
ment de la pression fiscale, si l’exemple égyptien de la fin du VIe siècle doit
être généralisé, ce dont il n’y a pas de raison de douter. Les propriétaires
redevables du paiement de l’impôt foncier ne purent transférer sur les pay-
sans la hausse subie et perdirent leur rente fiscale. Ce furent sans doute les
moyens propriétaires qui souffrirent le plus [Zuckerman, 330]. Cette évolu-
tion s’observe le mieux en Italie [Brown, 1189]. Une partie des sénateurs
romains s’est probablement réfugiée à Constantinople où elle s’est mieux
maintenue. C’est aux représentants de cette élite que Théophane fait allusion
lorsqu’il rapporte que l’empereur Philippikos, après une procession solen-
nelle dans la capitale, invita à déjeuner les citoyens de vieille souche, formule
qui ne peut désigner que l’aristocratie traditionnelle.
En observant, lorsque c’est possible, les antécédents des grandes famil-
les, on note que plusieurs d’entre elles surgirent à l’époque des Isauriens et
que leurs membres exerçaient des fonctions militaires ; elles étaient issues,
quand la précision est donnée, de l’Anatolie. En dépit d’une information
insuffisante pour le VIIIe siècle, on peut hasarder le scénario suivant. Les
empereurs isauriens, puis Michel II et ses descendants au siècle suivant, ont
stabilisé le pouvoir impérial en s’appuyant sur certains officiers. Les souve-
rains ont assuré la fortune de ces derniers, ont multiplié les mariages qui les
rendaient solidaires de la dynastie. En retour, ces officiers ont soutenu les
empereurs contre l’aristocratie établie de longue date dans la capitale.
Celle-ci s’est ralliée, en majorité, aux iconodoules et, grâce à sa fortune fon-
cière, se trouve à l’origine de la floraison monastique en Bithynie à la fin du
VIIIe siècle, comme le montrent les cas de Théophane le Confesseur, de Pla-
ton et de son neveu, Théodore Stoudite. Quelques sources permettent de
suggérer que certaines familles à tradition civile remontent pour le moins
jusqu’au VIIe siècle. Nous connaissons ainsi les ancêtres des patriarches Ger-
main et Photius depuis la fin du VIIe siècle.
Ce poids si précoce de l’hérédité paraît aller contre la liberté absolue de
l’empereur de distinguer qui bon lui semblait. En réalité les maîtres de
l’Empire, pour conserver le soutien de puissants réseaux, veillaient à hono-
rer les enfants de leurs serviteurs zélés et, en conséquence, la nomination à
de hautes fonctions et le bénéfice de dignités élevées se maintenaient dans
les mêmes familles pendant plus d’un siècle parfois, comme ce fut le cas
pour les Phocas, les Maleïnoi, les Sklèroi... En cas de disgrâce, il suffisait de
couper ce flux et la famille cessait de tenir le premier rang, sans disparaître
nécessairement.
Cette pratique se perçoit mieux avec l’apparition des noms de familles,
signe du sentiment d’appartenance à un même génos et garant de la
mémoire générationnelle. Des noms qui remontent aux VIIIe et IXe siècles
sont encore attestés à l’époque des Paléologues, soit durant six à sept siè-
178 Les institutions de l’Empire

cles : les Mélissènoi, les Argyroi, les Doucas, les Kratéroi. L’eugéneia favorise
les carrières et l’empereur Léon VI prétendait en faire un critère, sans
exclusivité, pour le choix de ses généraux. La glorification des ancêtres
devient une arme sociale et à partir du Xe siècle quelques chroniques utili-
sent des archives familiales, celles des Kourkouas, des Phocas ou des
Kékauménoi au siècle suivant.
Le premier noyau de l’aristocratie militaire distingué sous les Isauriens,
déjà installé presque exclusivement en Anatolie, s’est renforcé au cours de
la longue lutte contre les Arabes et s’est enraciné dans les provinces fronta-
lières. Il s’est progressivement scindé en deux groupes principaux : l’un, ori-
ginaire de Paphlagonie et de Chaldie, était tourné vers l’émirat de Méli-
tène, puis la Mésopotamie ; l’autre, établi dans les Anatoliques, puis en
Cappadoce et dans le Charsianon, s’attaquait aux Arabes de Cilicie et
d’Antioche. Au Xe siècle, s’illustrent dans le premier groupe les Doucas,
Argyroi, Kourkouas, et dans le second, les Mélissènoi, Phocas, Maléïnoi,
Sklèroi [Cheynet, 422].
La réussite d’une lignée se traduit donc par la transmission des mêmes
fonctions sur plusieurs générations. Les listes des domestiques des scholes ou
des stratèges des Anatoliques du Xe siècle sont éloquentes à cet égard, puis-
qu’on y relève les noms de Phocas, de Maléïnos ou Tzimiskès... Sous Cons-
tantin VII, les Phocas, partageant avec les Macédoniens la haine des Léca-
pènes, cumulèrent le poste de domestique des scholes, confié à Bardas, ceux
de stratège des Anatoliques, de Cappadoce et de Séleucie, détenus respecti-
vement par Nicéphore, Léon et Constantin, les trois fils de Bardas [Chey-
net, 441]. Sans doute cet exemple est-il exceptionnel puisqu’il fut ensuite
stigmatisé par Basile II dans sa novelle contre les puissants, promulguée
après sa difficile victoire sur la rébellion de Bardas Phocas le Jeune [Chey-
net, 461 ; Holmes, 152].

L’ÉVOLUTION SOUS LES DERNIERS MACÉDONIENS

Au cours des siècles, les contours de l’aristocratie se modifièrent, des


reclassements permanents s’effectuant au sommet de la hiérarchie, en fonc-
tion de la faveur impériale qui seule fait les carrières rapides. Cependant,
les structures de l’aristocratie dans la société expliquent pourquoi, si tel de
leurs membres encourt le châtiment impérial, les familles survivent, en règle
générale, aux bouleversements politiques, appuyées sur leur richesse fon-
cière et sur leurs réseaux. Les cadres de la dynastie amorienne conservent
encore une place de choix sous les Macédoniens. La faction des Comnènes,
Les classes dirigeantes de l’Empire 179

composée de familles distinguées par Basile II, se développe tout au long du


XIe siècle, prolifique en coups d’État, en dépit des revers de fortune qui
frappent de temps à autre tel membre du groupe. Au cours de la seconde
moitié du XIe siècle, un sentiment d’insécurité saisit l’aristocratie civile car
elle n’avait pas toujours les moyens d’échapper aux confiscations qui sui-
vent les nombreux changements de régime et Michel Attaleiatès, l’un de ses
représentants, en appela au basileus pour qu’il promulgue une loi protectrice
[Burgmann, 428]. À l’arrivée des Comnènes, un ultime redéploiement
conduit au premier plan les Paléologues et les Cantacuzènes, sans doute
originaires d’Asie Mineure occidentale, et rabaisse les Sklèroi et une grande
partie des vieilles familles de l’aristocratie anatolienne [Seibt, 445]. Même
1204 n’a pas rompu pas la continuité des familles alors au sommet de
l’État, Paléologues, Anges, Lascaris, Tornikioi... Il fallut l’acharnement de
Basile II et Constantin VIII pour éliminer de la haute aristocratie les Maléï-
noi et les Phocas, encore qu’une branche de ces derniers demeure attestée
sous l’Empire de Nicée.
Au XIe siècle se produisirent toutefois plusieurs changements notables :
la montée en puissance des familles à tradition civile, la centralisation de
l’aristocratie dans la capitale, l’émergence d’un puissant groupe en Macé-
doine, et la formation de la faction des Comnènes.
Dans les bureaux de Constantinople où les enjeux de pouvoir sont tout
de même moindres sur le plan politique, lorsqu’un membre éminent d’une
famille obtient un poste influent, il favorise le recrutement de ses parents,
pratique facilitée, comme dans l’armée, par les techniques d’apprentissage
auprès d’un proche plus âgé qui transmet son expérience. Au reste, c’est à
partir du XIe siècle que les familles à tradition civile accaparent plus métho-
diquement les positions les plus élevées de la hiérarchie ecclésiastique, qui
supposait une éducation soignée [Tiftixoglu, 323]. Des dynasties de fonc-
tionnaires en arrivent à accaparer certains postes et, parmi les exemples les
plus éclatants au XIe siècle, citons ceux des Xèroi, dont plusieurs occupèrent
la charge de logothète du génikon et des Chrysobergai qui cumulèrent de
hautes fonctions civiles et des postes élevés dans l’Église, mais comptaient
également les Kamatèroi, qui réussirent à s’apparenter par mariage avec les
Comnènes, les Kataphlôroi, les Serblias, les Promoudènoi...
Avec la prospérité économique, les charges fiscales que ces fonction-
naires civils monopolisaient les enrichissaient si rapidement que des familles
plus enclines à servir par le sang vinrent rejoindre leurs rangs. Des échecs
restaient toutefois possibles et nombre de percepteurs finirent ruinés faute
d’avoir réuni les sommes correspondant aux impôts qu’ils avaient promis de
lever. À Constantinople, la séparation entre les fonctionnaires de rang
modeste et les riches marchands devint floue à partir du XIe siècle, où l’on
voit se multiplier sur les sceaux de fonctionnaires des noms inconnus aupa-
180 Les institutions de l’Empire

ravant, ce qui prouve l’élargissement du recrutement aux enfants de la


bourgeoisie aisée, munis d’une forte instruction, et confirme l’impression
d’ouverture sociale ressentie et souvent critiquée par les chroniqueurs du
temps, comme Michel Psellos. Mais ces nouveaux venus ne parvinrent pas
au sommet de la hiérarchie en raison d’un contrôle social plus serré sous les
Comnènes [Cheynet, 422].
La révolte de 1057 marqua l’un des points culminants de cette influence
des élites constantinopolitaines, lorsque le patriarche Michel Cérulaire sou-
leva la capitale en faveur d’Isaac Comnène, son ascendant ne venant pas seu-
lement de sa fonction, mais de ses relations avec les plus importantes familles
de la capitale, tels les Makrembolitai, liés aux Doucas [Cheynet, 461].
L’action de Basile II dans les transformations de la couche supérieure de
l’aristocratie est remarquable. Certains [Ostrogorsky, 120] ont cru que
l’empereur avait manifesté une hostilité radicale à l’égard du corps des offi-
ciers supérieurs des armées d’Orient qui avaient failli emporter son pouvoir.
En fait, il a soutenu une nouvelle génération de militaires, parmi lesquels les
frères Isaac et Jean Comnène, dont le père, Manuel, avait courageusement
servi l’empereur contre Bardas Sklèros, mais aussi les Dalassènoi, les Bota-
neiatai, les Kontostéphanoi, les Pègônitai, les Bourtzai, les Gabras qui tous
jouèrent les premiers rôles dans les guerres civiles ou étrangères du XIe siècle
et s’apparentèrent directement ou indirectement aux Comnènes. Le glorieux
empereur choisit aussi de pardonner aux Sklèroi, qui l’avaient longtemps fait
trembler et qui obtinrent de hautes charges au cours du XIe siècle, mais ne
réussirent pas à s’arrimer aux Comnènes [Cheynet, 422 et 461].
Avec Basile II et l’échec de l’aristocratie anatolienne, le centre du pou-
voir s’est déplacé à Constantinople où désormais les empereurs décidaient
des carrières et des fortunes, alors que le numéraire y circulait en abon-
dance. Pour cette raison, tout ce qui comptait vint s’établir dans la capitale,
même si de nombreuses lignées conservaient leurs biens en province. Cette
évolution présentait l’avantage de permettre au souverain d’exercer une
surveillance plus efficace sur des rivaux potentiels, mais elle éloignait en
revanche les populations locales de leurs chefs naturels. Ce trait n’est pas
entièrement nouveau, car étaient déjà enregistrés – peut-être fictivement,
sans service actif, mais avec une présence réelle – dans les hétairies censées
garder le palais, de jeunes archontes grecs ou étrangers, immédiatement
dotés de dignités appréciables.
Cette tendance à la centralisation connaît une exception notable. L’Oc-
cident byzantin n’avait pas jusqu’alors laissé émerger une aristocratie mili-
taire comparable à celle de l’Orient, sans doute parce que les guerres avec
les Bulgares et les nomades du Nord étaient intermittentes et n’apportaient
ni la richesse ni la gloire des combats contre les musulmans. Or au
XIe siècle, plusieurs lignées, les Tornikioi d’origine arménienne, les Batatzai,
Les classes dirigeantes de l’Empire 181

les Bryennioi, s’étaient établies à Andrinople, ce qui leur valut le nom de


faction « macédonienne ». Elles dominaient les tagmata occidentaux qui sui-
virent Léon Tornikios en 1047 ou Nicéphore Bryennios en 1077 dans leurs
tentatives d’usurpation, qui furent brisées par la répugnance des gens de la
capitale à leur égard.

L’ASCENSION DES COMNÈNES

Les Comnènes, favorisés par Basile II, réussirent à fédérer autour d’eux
l’élite militaire du XIe siècle [Barzos, 439]. Une femme, Anne Dalassènè,
belle-sœur de l’empereur Isaac Comnène, sut par des alliances matrimonia-
les unir ses nombreux enfants aux meilleurs partis de l’époque, les Dio-
gènes, les Tarônitai, les Mélissènoi, les Doucas, et, par des intrigues, obtenir
pour eux les plus hautes charges sous trois règnes successifs, pourtant sépa-
rés par des coups d’État, ceux de Romain IV Diogène, de Michel VII
Doucas et de Nicéphore III Botaneiatès (cf. tableau général) [Femmes et pou-
voirs, 454]. Notons que la prise du pouvoir par les Comnènes ne doit pas
s’interpréter comme le triomphe de militaires provinciaux, mais comme
celui d’une faction de la capitale car, depuis Basile II, c’était à Constanti-
nople qu’ils préparaient leur succès. Finalement l’avènement du second des
fils d’Anne Dalassènè, Alexis, marqua un triomphe attendu. Le nouvel
empereur consolida son pouvoir en suivant les mêmes méthodes, confortant
le soutien indispensable des Doucas [Polemis, 443] et obtenant l’appui des
Paléologues et finalement des « Macédoniens » par le mariage de sa fille
aînée, Anne, avec Nicéphore Bryennios, petit-fils du rebelle de 1077/1078,
qu’Alexis lui-même avait combattu pour le compte de Botaneiatès. Désor-
mais dans l’aristocratie le clivage se fit entre ceux qui étaient apparentés
aux Comnènes et ceux qui ne l’étaient pas, rejetés dans un statut de
seconde zone, quelque glorieux qu’eût été le nom qu’ils portaient.
Faut-il établir une nette opposition entre les familles à tradition militaire
et celles à tradition civile et considérer que l’avènement des Comnènes
symbolise la victoire des premières ? En effet, les guerres civiles du XIe siècle
ont été parfois interprétées en termes de conflit entre militaires et civils. Or,
dans les camps qui s’affrontent, la prosopographie révèle des alliances
mêlant des familles de chaque tradition. De plus, la séparation entre les
deux groupes n’est pas étanche et des liens matrimoniaux les unissent assez
fréquemment, même si l’endogamie l’emporte. Enfin l’appartenance à une
catégorie n’est pas figée et, comme l’avait déjà remarqué Alexandre Kazh-
dan, bien des familles de l’aristocratie militaire du Xe siècle se sont recon-
182
La descendance masculine des Comnènes (Xe-XIIe s.)
Les classes dirigeantes de l’Empire 183

verties au siècle suivant dans les fonctions civiles, notamment financières


[Kazhdan-Ronchey, 424]. Ce choix ne marque pas à cette époque, nous
l’avons vu, une dégradation de leur statut, puisque leurs nouvelles fonctions
leur permettaient un enrichissement spectaculaire et rapide, mais, pour cer-
taines d’entre elles, l’exclusion de la caste militaire, au moment où les Com-
nènes parvinrent au pouvoir, se traduisit alors par un reflux de leur prestige
social.

UNE ARISTOCRATIE ENCORE OUVERTE ?

En dépit de cette armature aristocratique héréditaire de fait, la promo-


tion d’hommes nouveaux s’est poursuivie tout au long du Moyen Âge, à des
degrés divers ; plus importante, mais jamais généralisée jusqu’au début du
XIe siècle, elle se restreint particulièrement sous les Comnènes. L’entrée
durable dans l’aristocratie s’accomplissait d’ordinaire par une brillante car-
rière militaire, même si, au XIe siècle, par leurs belles études, un Jean Mau-
ropous, un Michel Psellos ou un Michel Attaleiatès furent admis dans le
cercle restreint des conseillers de l’empereur. Cependant, l’insertion des
intellectuels qui ne parvenaient pas à conclure d’illustres mariages s’avérait
plus éphémère : les noms de Psellos et d’Attaleiatès disparaissent après une
ou deux générations.
La plupart des noms nouveaux qui apparaissent aux XIe et XIIe siècles
sont de consonance étrangère. Les étrangers étaient accueillis sans discrimi-
nation, pourvu qu’ils fussent chrétiens ou se convertissent, et s’intégrèrent à
l’aristocratie dans des proportions non négligeables. Les Arméniens, qui for-
ment le plus gros contingent jusqu’à Basile II inclus, offrent les spécificités
communes à tous les étrangers. Ceux d’entre eux, qui furent associés aux
plus hautes charges, étaient tous eux-mêmes issus des lignages princiers, tels
les Tornikioi et les Tarônitai qui furent accueillis au Xe siècle et les descen-
dants des familles royales du Vaspurakan et d’Ani au siècle suivant [Gar-
soïan, 433]. Ensuite, l’apport des étrangers reflète assez exactement les
populations que l’Empire affronte, enregistrant un flux, qui reste modeste,
de Slaves, d’Arabes [Stavrakos, 435], de Bulgares, de Géorgiens, puis, en
nombre de plus en plus important à partir de la fin du Xe siècle, de Francs
[Shepard, 437]. Les nouveaux venus appartenaient en règle générale aux
élites de leur propre pays et venaient s’engager dans l’armée impériale sou-
vent accompagnés de leurs fidèles. Ces Francs, qui firent souche, prove-
naient plutôt de lignées de moindre envergure, mais ils étaient tout de
même issus, dans leur majorité, de la noblesse normande ou italienne : les
184 Les institutions de l’Empire

Pétraliphai, les Rogérioi, les Lapardai. Dans la seconde moitié du XIe siècle
et sous les Comnènes, les Turcs parvinrent à de hautes charges militaires.
Tatikios et Jean Axouch, faits prisonniers tout jeunes, furent élevés respecti-
vement avec Alexis Comnène et Jean II, dont ils devinrent les hommes de
confiance. Doit-on y voir une exception à la règle de la bonne naissance
des nouveaux venus ? Ce n’est pas certain, car on n’associait pas aux jeux
d’un futur empereur des enfants de souche médiocre [Brand, 432]. Le fils
de l’émir de Crète, capturé lors de la reconquête de l’île, se distingua rapi-
dement dans la guerre menée par Tzimiskès contre les Russes et fonda la
famille des Anémas. De même les enfants royaux bulgares, capturés
en 1018 par Basile II, furent tous unis aux meilleurs partis d’Anatolie [Bozi-
lov, 431]. Seuls les chefs de la garde varange, fussent-ils russes, anglais ou
danois, n’ont pas laissé de trace.

LE S M O Y E N S D E L ’ I N F L U E N C E

LA CONSTITUTION DE CLANS FAMILIAUX

Les mariages étaient censés unir les intérêts des deux familles co-
contractantes ou, à tout le moins, interrompre les rivalités privées.
L’exemple le plus abouti de la formation d’une véritable faction est, comme
nous l’avons vu, celui des Comnènes, qui a conduit à la réorganisation de
la couche supérieure de l’aristocratie, mais il n’est finalement que le dernier
d’une longue liste. Si la formation des premiers regroupements aux VIIe et
VIIIe siècles nous échappe partiellement, faute de sources [Auzépy, 438], le
réseau d’alliances noué autour des principaux chefs militaires et même au-
delà parmi l’aristocratie de la capitale apparaît en pleine lumière au début
du IXe siècle lorsque nous découvrons que les principaux officiers secondant
le domestique des scholes, Bardanios le Turc, sont liés par mariage. Un
autre regroupement se dessine autour de la nombreuse famille de l’impé-
ratrice Théodôra, qui survécut à la chute de la dynastie macédonienne. La
réussite la plus accomplie, avant celle des Comnènes, est à mettre au
compte des Phocas au Xe siècle, qui fédérèrent toutes les lignées remarqua-
bles d’Asie Mineure (cf. tableau). Les Maléïnoi soutinrent indéfectiblement
les Phocas dans toutes leurs entreprises et partagèrent leur malheureux des-
tin, mais les Sklèroi, qui disposaient d’autres soutiens, notamment parmi les
Arméniens, ne se sentirent pas solidaires, en dépit de leurs liens matrimo-
niaux, et restèrent des rivaux dans la conquête du pouvoir [Cheynet, 441].
Tableau généalogique des Phocas
du IXe siècle au début du XIe siècle
186 Les institutions de l’Empire

De même les Kourkouas, d’où était issu Jean Tzimiskès, jouèrent leur
propre carte. Les obligations liées à la parenté, notamment l’entraide,
s’estompaient assez vite et ne se faisaient plus guère sentir entre cousins
issus de germains alors qu’elles s’exerçaient fortement entre oncle et neveu.
Les empereurs n’avaient pas qualité pour se mêler des affaires matrimo-
niales, cependant ils ne s’en désintéressaient pas. Tout d’abord les mariages
au sein de leur famille ne se concluaient pas sans leur accord, avec un con-
trôle de plus en plus élargi. Basile Ier interdit à ses filles de se marier pour
éviter des belles-familles envahissantes ; Manuel Comnène intervint pour
briser l’union entre l’une de ses cousines et un Mésaritès dont il jugeait la
naissance trop médiocre pour prétendre à une princesse de sang impérial.
Basile II choisit les conjoints de quelques-uns de ses protégés : sur son
injonction, le futur empereur Isaac Comnène épousa une princesse bulgare.
Plus généralement, les empereurs, dont Basile II une nouvelle fois, s’effor-
cèrent de maîtriser les alliances matrimoniales de la haute aristocratie par
l’intermédiaire de l’Église, qui prit des dispositions de plus en plus restric-
tives en matière d’empêchement de mariage pour consanguinité, en distin-
guant les cas dirimants où, une fois l’empêchement constaté, le mariage
était immédiatement annulé, et les autres où il pouvait être maintenu. Il
existait donc une marge d’appréciation [Laiou, 733].
Ajoutons que le mariage ne constituait pas le seul moyen de réunir des
familles ou des individus. Les parentés spirituelles offraient également le
moyen soit de confirmer une alliance, soit de désarmer un adversaire poten-
tiel, soit de marquer sa place dans la société : Michel Psellos s’enorgueillissait
d’avoir pour marraine de son petit-fils, l’impératrice Marie d’Alanie. Les
liens spirituels étaient pris en compte par l’Église dans le décompte des
degrés de parenté [Macrides, 456 ; Patlagean, 752].
La fraternité d’adoption ne recevait pas en revanche la sanction de
l’Église, mais rapprochait deux personnes par leur seule volonté. Ainsi deux
généraux, Romain Diogène futur empereur et Nicéphore Bryennios futur
prétendant au trône, s’étaient adoptés comme frères.

LA PLACE DES FEMMES

Étudier le rôle des femmes dans la société byzantine revient à souligner


la faiblesse de nos sources à l’époque étudiée. Comme nous ne disposons
plus de l’énorme documentation papyrologique, ces dernières sont trop
exclusivement normatives, à l’exception des informations que fournissent
l’hagiographie et la rhétorique, principalement par les éloges funèbres. Il
serait vain de décrire la vie des paysannes ou des femmes du peuple des
Les classes dirigeantes de l’Empire 187

villes, qu’on n’atteint guère que par des stéréotypes, de la sainte femme à la
prostituée. Les prostituées, condamnées par l’Église, mais tolérées par la
société, servaient, à Constantinople, à valoriser la philanthropie impériale,
car les souverains créèrent souvent des monastères pour accueillir ces mal-
heureuses condamnées le plus souvent à la mendicité. Les seuls témoignages
exploitables, et encore, à peu d’exceptions près, proviennent-ils des cercles
masculins, concernent les femmes de la haute société.
La place des femmes est largement héritée de l’époque précédente
[Beaucamp, 271] et tient aux traits qu’on continue à leur prêter : leur « fai-
blesse » et leur pudeur menacée quand elles s’exposent au public ; elles sont
considérées comme d’éternelles mineures, sans toutefois les soumettre à une
tutelle. Dans le couple, l’inégalité est de règle : seul le père a pouvoir (exou-
sia) sur ses enfants. En conséquence, les femmes jouissent d’un statut pro-
tégé, notamment contre le rapt ou sur le plan financier, mais inférieur,
aussi bien dans la sphère civile que dans l’Église. Les femmes restent écar-
tées des fonctions publiques, n’ont pas la faculté d’agir en justice, sauf en de
rares cas, et leur témoignage ne peut être reçu que sur des points où les
hommes ne peuvent enquêter, tels les accouchements [Beaucamp, 453].
Dans l’Église, elles n’ont évidemment pas accès au sacerdoce, se voient
interdire l’entrée dans l’espace sacré délimité par le chancel, en raison des
règles de pureté d’origine vétéro-testamentaire et n’ont pas le droit de
prendre la parole en public. En revanche, elles peuvent évidemment diriger
les monastères féminins. On ne sait si ces règles rigoureuses ont toujours été
respectées dans la sphère laïque. Ainsi, les veuves, tant qu’elles ne se rema-
riaient pas, disposaient d’une grande liberté d’action au titre de leurs
enfants mineurs.
Les femmes de l’aristocratie ont toujours joué un rôle significatif, mais il
est resté en filigrane dans nos sources. À partir du XIe siècle, au sein des
familles les plus éminentes, les femmes acquièrent une place significative,
car les liens du sang pèsent davantage et elles exercent un vrai pouvoir
puisqu’elles représentent leur famille d’origine et disposent de leurs biens
propres. Elles sont libres de rédiger un testament ou de passer des contrats.
Irène Doukaina, épouse d’Alexis Ier, n’hésita pas à rompre le mariage de sa
fille Eudocie qu’elle estimait maltraitée par son époux Michel, lui-même
membre de l’illustre famille des Iasitai. L’influence des impératrices d’ori-
gine grecque s’est accrue sous les Comnènes et les Anges : Irène Doukaina
ou Euphrosyne Kamatèrissa, épouse d’Alexis III Ange, participèrent active-
ment aux intrigues politiques de leur temps. Les épouses gardaient le nom
de leur père et ne prenaient pas celui de leur époux. Il arrivait même que
des enfants relevassent le nom de leur mère, plus renommé, au détriment
de celui de leur père. Par ailleurs, certaines femmes de l’aristocratie, notam-
ment dans la famille des Comnènes, ont acquis une haute culture : Anne
188 Les institutions de l’Empire

Comnène ne fut pas une figure isolée, d’autres princesses du XIIe siècle ani-
mèrent des cercles littéraires ou se firent dédicacer des œuvres savantes
[Gouma-Peterson, 181].

LES FORTUNES ET L’HÉRITAGE

Les novelles des empereurs macédoniens du Xe siècle, qui dénonçaient


les empiétements des puissants, accapareurs de terres, ont fait croire que
l’aristocratie tirait sa force économique de ses domaines fonciers. C’est assu-
rément exact pour les provinciaux qui n’avaient pas accès directement à
l’empereur, mais les plus grandes fortunes de l’Empire n’auraient pu trou-
ver leur origine par la seule et lente accumulation de revenus fonciers
[Cheynet, 450], qui restaient sûrs mais d’un rapport modéré [Oikonomi-
dès, 556]. Servir l’empereur enrichit plus vite et, pour quelques favoris, à
un niveau exceptionnel. Titulaires des plus hautes charges et bénéficiaires
des hautes dignités qui y étaient normalement associées, les heureux élus
étaient assurés de recevoir chaque année des rogai de plusieurs dizaines de
livres d’or. À ces sommes s’ajoutaient les dôréai impériales, palais à Constan-
tinople, vastes domaines dans les pays reconquis pour les généraux victo-
rieux. Leur position sociale permettait aux plus hautes personnalités de
l’État de s’emparer frauduleusement de terres aux dépens de ceux qui
n’avaient pas les moyens de protester, mais aussi au détriment de l’État.
Avant même d’accéder au gouvernement de l’Empire, Basile le parakoimo-
mène, ferme soutien de plusieurs empereurs, s’était constitué une fortune
colossale en détournant une partie des terres publiques dans les provinces
récemment conquises sur les musulmans. Enfin, lorsque le souverain sou-
haitait récompenser un ministre fidèle, il pouvait également lui confier un
monastère impérial en charisticariat [Ahrweiler, 448]. Constantin Leichou-
dès dut rendre les Manganes – qui comportaient en outre un sékréton –,
avant d’être promu patriarche.
Les propriétés qui provenaient des donations (dôréai) impériales sem-
blent avoir été concédées seulement à titre viager. C’est ainsi que des palais
de Constantinople furent donnés à des bénéficiaires successifs, favoris du
moment. De façon plus générale, un bien qui avait appartenu au fisc était
susceptible d’être réclamé. Il semble qu’une dôréa octroyée par un empereur
devait être confirmée par son successeur pour garder sa validité. Les
monastères réussirent mieux que les laïcs à accumuler les libéralités impé-
riales et conservèrent tous les actes établissant leurs droits de propriétés
dans des archives, qui ne nous sont guère parvenues, excepté pour les
Les classes dirigeantes de l’Empire 189

monastères athonites. Nous ne disposons plus d’aucun fonds d’archives laï-


ques, sauf indirectement, pour de rares biens passés à des monastères. Les
très proches parents ou favoris des empereurs amassaient des richesses pou-
vant se compter en centaines de livres d’or, tout particulièrement sous les
Comnènes, qui furent très généreux à l’égard de leurs proches parents, sous
l’œil critique de ceux qui étaient exclus, comme le chroniqueur Zônaras,
porte-parole des sénateurs. Cependant, l’accumulation de richesses n’est pas
comparable aux patrimoines dont disposaient les plus puissantes familles
sénatoriales de l’Antiquité tardive.
En contrepartie, les confiscations étaient fréquentes, arme utilisée contre
les adversaires politiques et qui autorisait en retour des distributions géné-
reuses aux partisans. Une fortune par trop exceptionnelle attirait l’attention
des empereurs et tous ceux dont les textes vantent l’enrichissement hors du
commun finirent par tout perdre : Basile le parakoimomène et Eustathe
Maléïnos sous Basile II, Nicéphoritzès sous Nicéphore Botaneiatès, Alexis
Axouch sous Manuel Comnène ou Manuel Kamytzès sous Alexis III Ange
[Cheynet, in Beaucamp-Dagron, 449]. Pour stabiliser leur patrimoine, les
aristocrates ont souvent fondé des monastères qui abritaient leur fortune
foncière, la rendant de fait inaliénable puisqu’elle bénéficiait de la protec-
tion accordée aux biens d’Église, tout en restant dans la famille puisque le
typikon (règlement) prévoyait que leurs héritiers conserveraient la gestion,
donc les revenus du monastère [Kaplan, 452].
L’implication de l’aristocratie dans la vie économique de l’Empire, en
dehors du commerce des denrées agricoles, reste un sujet obscur, faute
d’une documentation suffisante. Nous savons qu’à Constantinople, les aris-
tocrates investissaient dans les boutiques et tournaient l’interdiction faite
aux dignitaires d’exercer les métiers de l’artisanat et du commerce par
l’intermédiaire d’hommes de paille [Gerolymatou, 451]. Il est certain aussi
que les activités domestiques des grands oikoi aristocratiques fournissaient
des surplus qui semblent avoir été mis sur le marché ou servaient à distri-
buer des cadeaux de prestige. Au IXe siècle, Danèlis, si généreuse envers
Basile le Macédonien, faisait travailler dans le Péloponnèse des centaines de
tisseuses de soie. Un tel nombre d’employées, s’il n’est pas enflé par l’aspect
légendaire de l’épisode, est certes exceptionnel, mais le modèle économique
est vraisemblable.
La transmission du patrimoine, dans une famille conjugale où cohabi-
taient seulement parents et enfants non mariés, s’effectuait lors des fian-
çailles et des mariages plutôt qu’au décès, toujours imprévisible mais trop
souvent prématuré, des parents. Les filles étaient parfois engagées à un âge
précoce, encore dans leur prime enfance, mais, en principe, se mariaient
vers 15 ans à un époux plus âgé de quelques années. Elles recevaient une
dot, proportionnée à la fortune de leurs parents, qui correspondait à leur
190 Les institutions de l’Empire

part d’héritage. L’époux, au matin des noces, offrait l’hypobolon, équivalent à


la moitié ou au tiers de la dot, auquel s’ajoutait à partir du Xe siècle un
complément du douzième de la dot, le théoretron. Le mari gérait les biens de
sa femme, mais ne pouvait les vendre, sauf exception prévue par la loi. Les
familles veillaient à maintenir les biens dans leurs patrimoines respectifs. La
dot revenait aux parents de la mariée lorsque celle-ci mourait sans enfant.
Si l’épouse devenait veuve, elle en gardait l’usage. Les secondes noces
étaient tolérées, car beaucoup de femmes mouraient en couches, à la suite
de leurs nombreuses maternités, et les époux périssaient parfois au combat
[Beaucamp-Dagron, 449].
À chaque génération, le patrimoine était divisé entre les enfants, y com-
pris les filles qui jouissaient d’une part égale à celle des fils, mais plus souvent
sous forme de numéraire ou de biens meubles. Cet affaiblissement potentiel à
chaque génération, partiellement compensé par la forte mortalité infantile, y
compris dans les classes aisées, et par les alliances matrimoniales, fournissait
aux empereurs un moyen de pression supplémentaire. Les pères, souhaitant
que leurs enfants obtiennent, comme eux, de fructueuses dignités, devaient
manifester leur allégeance à l’empereur en place, souvent en envoyant leurs
rejetons servir au Grand Palais. Ces derniers espéraient des charges futures
tout en servant d’otages. Le souverain compensait aussi par de nouvelles
donations l’affaiblissement du patrimoine lors des partages. Ces mécanismes
expliquent pourquoi les familles qui surent conserver la faveur impériale se
maintinrent au plus haut niveau pendant des générations.

LES CLIENTÈLES

Leur richesse et leur influence auprès de l’empereur attiraient autour


des grands notables une foule de dépendants hiérarchisés, parents, amis,
serviteurs, esclaves. Si les parents ne vivaient pas nécessairement sous le
même toit, les vastes oikoi ou palais facilitaient la concentration de la « mai-
son » des chefs de famille. Ceux-ci se rendaient parfois dans la maison de
maître établie au cœur d’un de leurs grands domaines qu’entretenait un
intendant, mais séjournaient plus volontiers en ville. Le palais des Maléïnoi
était situé à Césarée de Cappadoce. Des raisons de sécurité justifiaient ce
choix de vivre derrière de puissantes murailles, mais aussi la perspective
d’une vie plus douce. À partir du XIe siècle, la haute aristocratie réside
quasi exclusivement à Constantinople, ce qui n’était pas sans conséquence,
puisque les revendications des populations provinciales furent insuffisam-
ment relayées auprès du pouvoir central. Dans cet oikos, une pièce contenait
Les classes dirigeantes de l’Empire 191

le trésor familial, composé de tissus précieux, parfois des vêtements jadis


portés par l’empereur, du numéraire et des bijoux. Il constituait une assu-
rance contre les coups du sort car, facilement transportable, il pouvait
échapper aux confiscations, et c’était un instrument de pouvoir puisqu’il
permettait des distributions aux proches pour entretenir leur fidélité. L’oikos
prit d’autant plus d’importance que les lieux publics étaient tombés en dés-
hérence, à l’exception des églises. Même sur ce point, les aristocrates firent
souvent aménager leurs chapelles privées, dotées d’un clergé particulier qui
célébrait baptêmes et mariages, légalement depuis une novelle de Léon VI
[Magdalino, 633].
Les sources mentionnent dans l’entourage des grands des philoi, des
oikeioi – termes qui ont leur exact pendant latin, les amici et familiares, ou des
anthrôpoi (les « hommes »), qui étaient de condition libre et eux-mêmes par-
fois des notables disposant de leur propre réseau. Ils avaient choisi de don-
ner leur confiance à un magnat et se consacraient à sa réussite, parce qu’ils
en espéraient un bénéfice [Cheynet, 461]. Un provincial sans relation pou-
vait ainsi obtenir des titres impériaux par l’intermédiaire de ses patrons. Un
certain Eustathe Boïlas, protospathaire, dans son testament, daté de 1059,
rappelle les libéralités de son maître et seigneur (kyrios et authentés), Michel
Apokapès, qui l’a comblé de bienfaits. Il a tiré profit de la protection (prosta-
sia) du duc Michel, puis à la mort de ce dernier, de celle de son fils Basile.
Il affirme qu’il n’a jamais trahi la confiance qu’il devait à ses maîtres. Les
avantages n’étaient pas à sens unique, car les maîtres de Boïlas lui avaient
extorqué plusieurs propriétés de valeur [Lemerle, 631].
À partir du XIe siècle, ces liens personnels furent mis à profit par les
empereurs qui eurent leurs propres oikeioi, personnages immédiatement très
influents puisque, ayant l’oreille du souverain, ils attiraient son attention en
faveur de ceux qui éventuellement les avaient rémunérés pour obtenir une
charge. Ce lien d’oikeios ou d’anthrôpos de l’empereur fut reconnu officielle-
ment, puisqu’il figure sur les sceaux de ceux qui pouvaient se flatter d’un tel
honneur et qui rappelaient également cette position lorsqu’ils signaient des
documents publics. Cette proximité avec l’empereur finit par prendre plus
d’influence que la fonction précise exercée pour son compte. Ce serait une
erreur d’opposer trop radicalement cette époque, qui marquerait une pré-
tendue étape vers la « féodalisation », à celle qui la précède. Les empereurs
ont toujours su s’entourer de fidèles de leur choix formant l’assise du pou-
voir. La faction de Basile le Macédonien comportait non seulement ses
parents, mais aussi des Arméniens que le futur empereur connaissait depuis
qu’il avait servi le stratège Tzantzès, et quelques hauts fonctionnaires qui
avaient lié leur fortune à la sienne. Les plus puissantes maisons copiaient
l’organisation du palais, disposant d’un vestiarion dirigé par un protoves-
tiaire, d’un pincerne (échanson) pour le service de la table. Le futur empe-
192 Les institutions de l’Empire

reur Basile inaugura son ascension sociale en devenant le prôtostratôr (pre-


mier écuyer) de Théophilitzès, parent de Michel III.
Enfin une masse de domestiques (oikétai, douloi) vivaient dans les palais,
dépendant exclusivement de leurs maîtres. Les esclaves (douloi, andrapoda,
paides...) constituaient une part importante des serviteurs, part qui fluctua au
gré du succès des armes byzantines. Ainsi, dans la seconde moitié du
Xe siècle, le prix des esclaves baissa fortement en raison de la capture de
nombreux musulmans. Leur statut juridique importait moins que la relation
qu’ils établissaient avec leur maître, qui pouvait leur valoir d’occuper des
postes importants sur le plan économique ou social, surtout si leur proprié-
taire était l’empereur. Il ne semble pas que les esclaves aient été souvent
établis sur des terres, sauf celles de l’État. Les maîtres les affranchissaient
souvent par testament, mais cette générosité ne libérait pas les esclaves de
leur obligation de servir les héritiers. En récompense d’un long service
domestique, les patrons offraient souvent une terre à leurs serviteurs mâles
[Rotman, 637, p. 123-184].

DES ARMÉES PRIVÉES À BYZANCE ?

Les palais des aristocrates étaient assurément gardés par des serviteurs
armés dont le nombre dépendait du statut de leur patron. D’après de rares
testaments où le testateur donne la liste des legs qu’il laisse à ses domesti-
ques, y compris les esclaves, on voit que ce nombre se compte au mieux
par dizaines chez des personnages qui ne sont pas les premiers de l’État. Le
plus riche de tous, le parakoimomène Basile, véritable empereur sans le
titre, qui avait rassemblé une clientèle hors du commun, mobilisait jusqu’à
3 000 partisans. Une bande de quelques dizaines d’hommes suffisait aux
notables locaux aussi bien pour régler à coups de bâton ou à l’arme
blanche les querelles de voisinage contre d’autres puissants, que pour com-
mettre des exactions envers les faibles, mais ne permettait pas de lutter
contre des soldats de métier. Ainsi, Constantin IX, en 1047, à bout de res-
sources face à Léon Tornikios qui l’assiégeait avec l’aide des tagmata
d’Occident, avait armé les serviteurs des sénateurs de la capitale et les avait
fait sortir hors des murailles contre les régiments du rebelle. Les malheu-
reux furent dispersés sur le champ, s’enfuirent en grand désordre et aban-
donnèrent jusqu’à la garde des remparts.
On s’est aussi interrogé sur l’éventuelle possession de forteresses par des
magnats. Durant quelques décennies à la fin du XIe siècle, une loi avait auto-
risé des particuliers à construire des forteresses, car l’État n’avait plus l’argent
Les classes dirigeantes de l’Empire 193

nécessaire, mais le propriétaire de ces ouvrages ne les détenait que pour une
ou deux générations [Oikonomidès, 460]. De plus, aucune forteresse
majeure ne semble avoir été construite de cette façon. Bien entendu, les
palais aristocratiques, notamment dans le plat pays, comportaient un réduit
défensif pour protéger le trésor et les hommes contre des bandes de voleurs.
Quel que fût le nombre de gardes ou de maisons fortes, l’empereur
n’avait pas grand-chose à craindre, même si plusieurs puissants personnages
unissaient leurs forces. La vraie menace provenait du lien très fort qui unis-
sait le général glorieux et populaire à ses hommes, attache confortée par les
solidarités familiales et territoriales. Les officiers combattaient au milieu de
leurs parents et de soldats souvent issus de la même province, du moins jus-
qu’au XIe siècle. Les Phocas au Xe siècle ou les Diogènes au siècle suivant
pouvaient compter sur le soutien indéfectible des Cappadociens qu’ils
avaient souvent conduits à la victoire et par là même enrichis. Les empe-
reurs étaient conscients de la force de ces liens et, dès qu’ils soupçonnaient
un général de trop favoriser ses hommes pour se les attacher, ils le démet-
taient de sa charge, parfois bien à tort, entraînant ce qu’ils avaient souhaité
éviter, la révolte de l’intéressé, comme le domestique des scholes Manuel
sous Théophile, Andronic Doucas sous Léon VI, Georges Maniakès sous
Michel IV. Lorsqu’un rebelle réunissait une forte armée, la masse de ses
serviteurs, fussent-ils les plus dévoués au prétendant, n’en constituait pas le
fondement, c’étaient alors les régiments de l’armée régulière qu’il avait su
rallier.
Des savants, au premier rang desquels Georges Ostrogorsky [460] et
plus récemment, avec plus de réserve, Nicolas Oikonomidès, ont considéré
que les structures étatiques se sont progressivement désagrégées au profit de
l’aristocratie qui aurait usurpé les droits régaliens de l’usage de la force, de
la levée de l’impôt et du droit de justice. Une chronologie est même pro-
posée : le XIe siècle marquerait une étape significative avec des empereurs
faibles, ce qui expliquerait le recul général des frontières, les Comnènes
auraient accentué cette évolution parfois qualifiée de féodalisation, le règne
des Paléologues en marquant l’aboutissement avec l’éclatement de l’Em-
pire. Nous avons vu que rien ne suggère un recul sensible de la puissance
publique et que les empereurs, jusqu’en 1204, ont presque conservé intactes
leurs prérogatives. Cela ne signifie pas que les notables n’aient pas exercé
d’emprise sur les populations locales. Kékauménos, dans ses Conseils et Récits,
montre qu’on attendait d’eux qu’ils favorisent leurs amis en cas de levées
fiscales exceptionnelles ou qu’ils règlent les différends opposant les villageois
sans passer par les tribunaux officiels.
194 Les institutions de l’Empire

LES RÉVOLTES

REVENDIQUER LE TRÔNE

La conception même du pouvoir impérial autorisait tous les espoirs


pour les usurpateurs, leur réussite justifiant a posteriori leur prétention par la
sanction divine. Dès lors le rythme des usurpations dépendit d’une part de
l’ancienneté d’une dynastie et d’autre part des échecs du gouvernement
impérial, car une succession de défaites entraînait en règle générale le senti-
ment qu’un empereur cessait de bénéficier du soutien divin et offrait
l’opportunité d’attaquer une armée démoralisée. C’est pourquoi l’engage-
ment personnel de l’empereur sur le champ de bataille protégeait contre les
coups d’État, sauf en cas de désastre, comme pour Nicéphore Ier et
Romain IV Diogène.
Les révoltes peuvent être classées en fonction de leur objectif : obtenir le
pouvoir suprême ou se soustraire localement à l’autorité impériale, et distin-
guées selon le mode d’action : coup de force militaire, coup d’État palatin
ou, plus rarement, insurrection urbaine [Cresci, 462]. Elles furent toujours
conduites par des membres de la classe dirigeante, car le succès était condi-
tionné par la constitution d’un réseau réunissant des proches de l’empereur
menacé. Même Basile le Macédonien, sans doute simple paysan de Macé-
doine à l’origine, ne réussit son coup d’État palatin qu’après avoir accompli
une brillante carrière à la cour. C’est pour cette raison qu’il est légitime de
traiter des révoltes dans un chapitre consacré aux élites dirigeantes
[Cheynet, 461].
L’armée redevint un facteur politique majeur au début du VIIe siècle,
quand elle cessa de revendiquer un meilleur statut professionnel et financier
pour exprimer des préférences politiques. Sur ces nouvelles ambitions se
greffèrent des rivalités géographiques bien décrites par Walter Kaegi.
Lorsque le thème des Arméniaques prenait parti pour tel prétendant, celui
des Anatoliques soutenait un autre candidat [Kaegi, 128]. Au cours des siè-
cles étudiés, plusieurs dizaines de tentatives d’usurpation s’appuyèrent sur
des régiments de l’armée. Les causes en furent multiples. Les soldats protes-
taient lorsque l’empereur s’avérait inapte à remporter des succès militaires
et portaient l’un des leurs, espéré plus énergique : l’avènement de Léon V
en est le cas le plus net. Les détenteurs des plus hauts postes militaires
étaient évidemment plus prompts à tenter leur chance. Plusieurs stratèges
des Anatoliques, qui disposaient du plus fort contingent provincial, osèrent
Les classes dirigeantes de l’Empire 195

prendre les armes et deux réussirent, Léon III et Léon V, mais aussi plu-
sieurs domestiques des scholes, lorsque cette charge devint la plus impor-
tante de l’armée à partir du Xe siècle : le meilleur exemple fut Nicéphore
Phocas en 963.
Les époques de régence ne furent qu’une variante du cas précédent.
Une longue vacance du pouvoir aiguisait les ambitions et les minorités
impériales virent se multiplier les tentatives de coups d’État : celui de Cons-
tantin Doucas – encore un domestique des scholes –, durant la régence de
Zôè, puis l’éviction de cette même impératrice par Romain Lécapène, ou
les succès de Nicéphore II Phocas et de Jean Tzimiskès durant la minorité
de Basile II. Dans d’autres cas, c’était une menace réelle ou supposée
contre les intéressés et leur faction qui guidait leur offensive : frapper avant
d’être aveuglé soi-même, tant les empereurs se méfiaient souvent des per-
sonnalités populaires à leur cour. Citons les noms de Michel II, de
Basile Ier, d’Alexis Comnène ou d’Isaac Ange.
Le succès d’un général entraînant la majorité des troupes n’était pas
garanti, comme le prouvent les échecs de Bardanios le Turc face à Nicé-
phore Ier, de Thomas le Slave devant Michel II, de Bardas Phocas contre
Basile II, pour ne citer que les déconvenues les plus spectaculaires. Les
murailles de la capitale et le trésor impérial qui permettait de solder de
nouvelles troupes sauvèrent plus d’un empereur, Michel II, Basile II ou
Constantin IX. En fait, jamais un usurpateur ne franchit de vive force les
défenses de Constantinople et ceux qui entrèrent dans la capitale dispo-
saient de complicités ou d’un parti à l’intérieur de la ville : la trahison de
Michel VI, en 1057, par le patriarche Michel Cérulaire et ses amis, en
constitue le modèle le plus éclatant.
La tactique d’un empereur confronté à une puissante opposition, armée
ou non, consistait à isoler le prétendant en le privant de ses soutiens par
une surenchère en matière de dignités et de donations. À plusieurs reprises
les chroniqueurs rapportent qu’un espion de l’empereur s’introduit dans le
camp du rebelle, porteur secret de chrysobulles offrant des dignités à ses
principaux lieutenants. Cette méthode a révélé son efficacité contre de
nombreux généraux car, pour beaucoup de conjurés, tant que le préten-
dant n’était pas apparu comme le vainqueur probable, il valait mieux négo-
cier son ralliement avant qu’il ne fût trop tard plutôt que subir le châtiment
pour crime de lèse-majesté, l’aveuglement. On vit même des proches livrer
leur chef, lorsque sa position semblait compromise, pour échapper à toute
punition, voire augmenter leurs avantages. En revanche, une nette victoire
de l’insurgé faisait basculer dans le camp du vainqueur les indécis, soucieux
de vendre leur appui à celui qui apparaissait désormais comme le futur sou-
verain. C’est ainsi qu’Isaac Comnène, victorieux à Nicée des troupes impé-
riales de Michel VI, enregistra le ralliement de nombreux dignitaires, dont
196 Les institutions de l’Empire

le chef du Sénat, Constantin Leichoudès et Michel Psellos, ambassadeur de


Michel VI.
Pour réussir, un prétendant devait disposer d’un trésor de guerre abon-
dant, soit en puisant dans sa fortune personnelle et celle de ses proches,
mais en ce cas la somme réunie ne permettait pas de tenir longtemps, soit
en interceptant les percepteurs impériaux rapportant le produit des impôts
vers la capitale. Il devait également maîtriser un vaste réseau de parents et
d’alliés auxquels son succès laissait espérer le partage des dépouilles du pou-
voir, la plus belle réussite étant à mettre au compte des Comnènes. Il était
prudent de s’assurer la fidélité de ses complices par des serments irréfraga-
bles. Sauf dans les coups d’État palatins le prétendant devait jouir du sou-
tien d’une partie importante de l’armée, puisque les armées privées ne pou-
vaient affronter les régiments professionnels. Il lui fallait enfin disposer,
nous l’avons dit, de complicités à Constantinople. On comprend, à lire
toutes ces conditions, pourquoi si peu réussirent.
La conspiration palatine ne jouait que sur les réseaux, selon les mêmes
principes du partage des postes en cas de réussite. La difficulté majeure
était de garder le secret, car de nombreux espions faisaient leur rapport à
l’empereur ou au papias et à l’hétériarque [Karlyn-Hayter, 342], principaux
responsables de la sécurité du palais. Plus nombreux étaient les conjurés,
plus le risque augmentait que l’un d’eux ne dénonçât le complot contre
l’impunité, voire une récompense. En même temps, l’empereur devait dis-
tinguer entre un vrai danger et le jeu des intrigues par lesquelles ses proches
essayaient d’écarter leurs rivaux. Malgré toutes ces difficultés, plusieurs
usurpateurs réussirent leur coup, Nicéphore Ier contre Irène, Basile Ier qui fit
assassiner Michel III avec l’appui d’Eudocie Ingérina, à la fois maîtresse de
l’empereur et épouse de Basile, ou Jean Tzimiskès qui agit de même à
l’encontre de Nicéphore Phocas, avec la complicité de Théophanô, épouse
de Nicéphore, mais amante de Jean.

LES MOUVEMENTS SÉPARATISTES

Toutes les rébellions ne visèrent pas Constantinople et un nombre crois-


sant concerna des provinces de l’Empire, le plus souvent peuplées
d’allogènes, mais pas exclusivement. Pour qu’un révolté prît la tête d’un
mouvement local, il fallait associer plusieurs conditions, dont une certaine
conscience des habitants de la province de leur manque de solidarité vis-à-
vis du centre, et la disposition de moyens financiers et donc militaires.
D’autres facteurs, plus géographiques, l’éloignement de la capitale, un relief
rendant difficile l’approche des troupes impériales, s’y ajoutaient parfois.
Les classes dirigeantes de l’Empire 197

LE SÉPARATISME ETHNIQUE

Les populations allogènes n’étaient pas nécessairement moins attachées


à l’empereur que les Grecs, mais elles étaient presque toujours situées aux
frontières de l’Empire, zones par nature sensibles et, beaucoup n’étant sou-
mises que depuis peu de temps, elles étaient donc susceptibles d’avoir gardé
le souvenir de leur liberté ou de leur précédente allégeance. Cette dernière
raison explique les révoltes des sclavinies du Péloponnèse au Xe siècle,
celles, répétées, des Bulgares au cours du XIe siècle et la résurrection finale
de l’État bulgare au siècle suivant, aussi bien que l’impossibilité de mainte-
nir durablement les Serbes sous l’autorité impériale [Prinzig, 466 ; Malin-
goudis, 467 ; cf. chap. XVII, p. 470].
L’attitude des Arméniens, fort nombreux dans l’Empire, a été diverse-
ment jugée par les savants modernes. Certains, suivant à la lettre un chroni-
queur comme Matthieu d’Édesse, très hostile aux Grecs, ont considéré que
les populations arméniennes et leur encadrement nobiliaire ne furent jamais
vraiment loyaux et ne défendirent pas les frontières orientales face aux enva-
hisseurs turcs, voire se rallièrent parfois à eux [Garsoïan, 433]. Or des sceaux
attestent que les princes arméniens obtinrent de hautes dignités, revalorisées
tout au long de leur vie, ce qui suppose des relations suivies avec Constanti-
nople, et qu’ils purent occuper des fonctions de confiance, celle par exemple
de duc d’un thème frontalier en Orient. Comme les autres cadres de
l’Empire, l’allégeance des cadres arméniens dépendait de leur réseau de rela-
tions jusqu’à l’empereur. On ne peut pas opposer non plus les Arméniens
chalcédoniens, comme Philarète Brachamios ou Gabriel de Mélitène, qui
auraient été fidèles à l’Empire, aux Arméniens attachés à leur religion natio-
nale, car la famille de Grégoire Magistros, qui fournit un catholicos, servit
aussi les empereurs. L’ancien roi d’Ani, Gagik, fut un temps duc de Lykan-
dos, thème frontalier peuplé d’Arméniens, ce qui implique de la part de
l’empereur qui l’avait nommé une profonde confiance en sa loyauté.
En aucun cas, les Arméniens ne formèrent un groupe homogène. On le
vérifie encore au XIIe siècle. Les Arméniens de Cilicie qui obéissaient aux
Roupénides n’acceptèrent le joug byzantin qu’après leurs défaites militaires
et, dès que le pouvoir impérial s’affaiblit, ils reprirent leur indépendance.
La divergence confessionnelle ajoutait à leur indocilité, mais ne suffit pas à
l’expliquer, puisque l’autre grande famille arménienne, celle des Héthou-
mides, se montrait favorable à Byzance.
On pourrait multiplier les cas où les révoltes contre le pouvoir central
étaient liées aux rivalités internes du groupe concerné. Ainsi, en Italie,
198 Les institutions de l’Empire

lorsque les Normands assiégeaient Bari, les Lombards de la ville étaient


partagés entre ceux qui favorisaient les Normands et ceux qui tenaient à
garder leurs liens avec l’Empire. Tel qui s’était révolté contre Byzance,
comme le Lombard Argyros, pouvait ensuite se révéler le meilleur rempart
contre un nouvel ennemi, si l’empereur avait veillé à intégrer le chef local à
la haute aristocratie.

LA DISSIDENCE GRECQUE

On s’attendrait à ce que les sujets grecs du basileus lui aient obéi sans
réserve, mais des mécontentements, le plus souvent d’origine fiscale, provo-
quèrent des oppositions armées. Au début du IXe siècle en Sicile, un officier,
Euphèmios, fit appel aux Arabes d’Afrique pour renforcer son emprise sur
l’île, se proclama basileus, davantage pour augmenter son prestige à l’égard des
populations que par une véritable envie de conquérir La capitale de l’Empire.
Finalement il échoua, quoique son geste permît aux Arabes de prendre pied
durablement dans l’île. Nous retrouvons dans ce cas plusieurs des traits d’une
révolte locale : la distance depuis Constantinople, bien qu’une armée venant
d’Italie fût capable d’étouffer la rébellion ; les ressources que fournissait l’île,
alors l’une des provinces les plus florissantes de l’Empire.
Le poids de la fiscalité poussa la population de la Calabre au Xe siècle,
celle de Naupacte et celle d’Antioche de Syrie au siècle suivant à s’opposer
par les armes aux fonctionnaires du fisc envoyés par Constantinople. Tous
ces mouvements finirent réprimés dans le sang. Les premiers signes
d’affaiblissement des liens entre la capitale et ses provinces apparaissent
dans le cadre de la crise de la fin du XIe siècle, lorsque la Crète [Tsougara-
kis, 1088] et Chypre, protégées par leur insularité, firent dissidence un bref
moment. À la fin du XIIe siècle, plusieurs mouvements soulignent la gravité
de l’évolution. Chypre à nouveau fit sécession sous l’impulsion d’un
membre de la famille impériale, Isaac Comnène. Sans doute ce dernier se
proclama-t-il basileus dans l’île, faute d’avoir réussi à entraîner le reste de
l’Empire contre Andronic Ier. Cependant l’échec d’Isaac II Ange, qui ne
put chasser l’usurpateur soutenu par les autochtones et appuyé par une
flotte normande, suggère que la population acceptait d’être séparée de
Constantinople. En revanche, sa résistance aux Anglais de Richard Cœur
de Lion et plus encore aux Latins de Terre sainte indique son désir de res-
ter sous l’autorité d’un souverain grec et orthodoxe.
Le second exemple, celui de Théodore Mankaphas à Philadelphie, est
plus caractéristique de la nouvelle tendance. Philadelphie, capitale du
Les classes dirigeantes de l’Empire 199

thème des Thracésiens, avait participé à la lutte contre les Turcs. Or Théo-
dore réussit à soustraire la ville à l’autorité d’Isaac II Ange avec l’appui de
l’aristocratie locale et à étendre son autorité sur les villes voisines, ce qui le
rendit maître de la partie la plus riche de l’Asie Mineure. Il se proclama
basileus, frappa monnaie, mais sans chercher en aucune manière à marcher
vers Constantinople. Isaac II finit par le réduire, alors que Théodore
n’avait pas hésité demander secours aux Turcs, mais les proches de Théo-
dore, avant de le laisser capturer, avaient obtenu la promesse qu’il ne lui
serait fait aucun mal. De plus, appeler les Turcs n’avait pas contribué à le
rendre populaire à Philadelphie. Peu avant la première chute de Constanti-
nople, Théodore Mankaphas s’était de nouveau rendu maître de Phila-
delphie. Cette région, dont les habitants semblent avoir envisagé d’être gou-
vernés sans référence à Constantinople, forma le cœur de l’État nicéen
après la prise de Constantinople par les Latins en 1204. La révolte de Man-
kaphas annonce la possibilité de vivre une identité byzantine hors de Cons-
tantinople [Cheynet, 464].
En Occident également, Léon Sgouros, originaire de Nauplie, qui
s’attaqua avec succès à Corinthe, chercha à se tailler une principauté ; le
blocus de Constantinople en 1203 favorisa son avance, même si le métro-
polite d’Athènes, Michel Chôniatès, s’opposa à lui, du moins tant que la
capitale ne fut pas définitivement tombée aux mains des Latins. Ce person-
nage, dont le statut d’origine reste inconnu, mais dont des parents servirent
dans les bureaux de la capitale, trouva lui aussi des appuis dans la popula-
tion locale, même s’il fit aussi pression par la force. Sans atteindre le stade
de la révolte ouverte, d’autres villes de Grèce ne laissèrent plus entrer les
agents du fisc, s’abritant derrière leurs murailles ou leur position naturelle
favorable. Les élites locales, portées par la prospérité générale, contestaient
le paiement de l’impôt alors même que le gouvernement central se montrait
incapable de les protéger efficacement. Un sentiment d’hostilité, qu’il ne
faut pas généraliser, à l’égard des habitants privilégiés de Constantinople,
s’était répandu comme le rapporte Nicétas Chôniatès, réfugié en Thrace
à proximité de la capitale. Ces dissidences, moins spectaculaires que les
grandes rébellions et moins scrupuleusement notées par les chroniqueurs,
étaient plus dangereuses pour la cohésion de l’État ; elles préfigurent
l’éclatement de l’Empire après 1204 en plusieurs États irréductibles.
L’évolution des élites byzantines partage plus de traits communs avec le
reste de la chrétienté, notamment à l’époque carolingienne, que ne le sup-
poserait l’image traditionnelle, mais simplificatrice, qu’on se fait de l’Em-
pire, structure centralisée et puissante, qui est bien celle que les empereurs
voulaient donner, mais qui dissimule en partie la dépendance de Constanti-
nople à l’égard de ses relais en province qu’étaient les aristocrates locaux.
Le souverain devait ménager les plus puissantes familles d’officiers sous
200 Les institutions de l’Empire

peine de susciter des troubles graves. Sans doute, par rapport à ses collè-
gues occidentaux, le maître de Constantinople disposa longtemps d’atouts
supérieurs en matière de richesses à répartir en raison d’un système fiscal
mieux préservé et d’une meilleure capacité à répartir des faveurs viagères.
L’aristocratie constituait l’ossature de l’Empire, comme en témoigne
a contrario la politique d’Andronic Ier Comnène. Usurpateur soucieux de
protéger son pouvoir et de le transmettre à ses fils, il fit des coupes som-
bres dans les rangs de la plus haute aristocratie et, pour une génération,
affaiblit doublement l’État en le privant de ses meilleurs officiers et de
candidats de valeur au trône, ce qui permit d’une part aux puissances
étrangères d’empiéter plus ou moins largement sur le territoire impérial et
d’autre part de laisser régner des souverains médiocres. Ce n’est pas la
seule raison de la chute de Constantinople en 1204, mais c’en est un des
facteurs incontestables.
TRO IS IÈ M E PA R TIE

L e s fo n d em en ts
d e l a c i v i lis a tio n b y z a n tin e
C HA P I T R E I X

Population et démographie
PAR JACQUES LEFORT

En raison de la nature des sources et des préoccupations des historiens


au long du XXe siècle, l’étude des populations qui composaient l’Empire a
jusqu’ici plus souvent retenu l’attention que les questions démographiques.

LA POPULATION

LA DIVERSITÉ DU PEUPLEMENT

Comme à l’époque antérieure, la population était peu homogène, ne


serait-ce qu’en raison de l’étendue de l’Empire. Cette diversité n’est pas
facile à définir, ni à appréhender, bien qu’elle ait été beaucoup étudiée :
l’origine géographique d’une population, la langue qu’elle parlait, son genre
de vie et ses croyances sont des faits distincts, mais ils étaient souvent liés ;
le terme de « nation » (ethnos), qui avait des résonances bibliques, permettait
de les évoquer d’un mot. Il en résulte que les sources écrites, qui attachent
pourtant une grande importance aux divers particularismes de la popula-
tion, ne nous informent souvent que sommairement. Des noms de peuples
ou de populations qu’elles mentionnent, on infère souvent l’existence de
« groupes ethniques », expression commode mais dont le sens n’est pas
clair, sauf à entendre par là, le plus souvent, des groupes linguistiques.
De plus, un même nom de peuple ou de groupe religieux pouvait
s’appliquer à des populations diverses, et un même groupe, ou ce qui était
ressenti comme tel, pouvait être désigné de diverses façons. Par ailleurs, les
nombres d’hommes qui sont cités par les chroniqueurs sont difficiles à inter-
204 Les fondements de la civilisation byzantine

préter. Enfin, les aires géographiques recouvertes par un toponyme dési-


gnant la région où un groupe résidait étaient changeantes, et elles sont sou-
vent imprécises. Sur des points particuliers, l’archéologie et la linguistique
apportent sans doute des éclaircissements, mais il n’en reste pas moins que
notre information est limitée.
Le pourtour de la mer Égée et d’autres régions côtières étaient peuplés
de Grecs ou avaient été anciennement hellénisés. Il n’en était pas de même
à l’intérieur des terres, dans les Balkans en partie latinisés à l’époque
romaine et en Asie Mineure, où l’hellénisation avait elle aussi été superfi-
cielle. Par exemple, dans la partie occidentale du plateau anatolien, le phry-
gien et d’autres langues étaient encore parlées au VIe siècle et peut-être
au IXe [Charanis, 476, II, p. 26]. À l’époque considérée, l’usage de la
langue grecque a progressé, du moins dans certaines régions, et les locu-
teurs grecs constituaient le groupe le plus nombreux dans l’Empire, mais la
majorité de la population n’y était probablement pas pleinement helléno-
phone [Charanis, 476, I, p. 19].
Partout étaient installés depuis un temps mal déterminé des groupes
humains plus ou moins nombreux et structurés, que leurs particularités dis-
tinguaient à la fois d’autres groupes et de la population localement majori-
taire. Au Xe siècle, dans les œuvres de Constantin VII, en particulier dans
le De Thematibus, on dénombre plus de 200 noms de groupes particuliers qui
pour la plupart résidaient dans l’Empire [Koutaba-Délèboria, 490], mais
leur mention n’a parfois qu’une valeur rétrospective ou qu’un intérêt transi-
toire, certains d’entre eux ayant fini par se fondre dans le reste de la popu-
lation. Ainsi, les Goths installés en Bithynie aux IVe et Ve siècles pourraient
être les ancêtres des Gotthograikoi mentionnés dans la même province au
VIIIe siècle [Théophane, p. 385], cette dénomination signalant une helléni-
sation partielle ; mais celle-ci progressa sans doute au point que ce terme
n’est plus attesté par la suite. À propos d’un groupe mieux structuré, Benja-
min de Tudèle donne pour le XIIe siècle des informations numériques sur
les communautés juives installées dans certaines villes byzantines
[Starr, 518].

LES MOUVEMENTS MIGRATOIRES

Particulièrement au début de l’époque considérée, la diversité a été


accrue dans de nombreuses régions par des déplacements de population,
volontaires ou forcés, soit à l’intérieur de l’Empire, soit vers l’Empire. La
plupart de ces mouvements migratoires étaient, directement ou non, liés à
Population et démographie 205

la guerre et aux pratiques de la guerre. Souvent provoqués par la progres-


sion d’autres peuples hors de l’Empire, en Europe les Avars [Pohl, 511] et
les (proto)Bulgares [Beševliev, 470] venus d’Asie centrale, ou par des
conquêtes dirigées contre lui, en premier lieu celle des Arabes en Orient,
ces déplacements ont été favorisés, nous semble-t-il, par la moindre pression
démographique qui, pour diverses raisons, prévalait dans les régions où les
immigrés s’installaient.
On a récemment proposé un classement et établi un répertoire des
déplacements de population pour l’époque s’étendant de la fin du VIe siècle
à la seconde moitié du IXe [Ditten, 480] : certains d’entre eux peuvent être
dits « spontanés », bien qu’ils aient été effectués sous la menace, dans la
mesure où ils se distinguent des déportations décidées par l’empereur, qui
leur sont souvent liées. La fuite d’une partie au moins de la population
locale devant l’ennemi était un fait fréquent : par exemple, devant les raids
slaves commandités par les Avars [Charanis, 475, XIV, p. 82-84] à la fin
du VIe siècle dans les Balkans, puis au moment de la conquête arabe en
Égypte et en Syrie [Charanis, 475, II, p. 28]. En effet, particulièrement
lorsqu’il effectuait des raids, l’ennemi emmenait au loin les prisonniers qu’il
avait pu faire dans la population, car ils constituaient une richesse, éven-
tuellement échangeable ; ainsi firent les Avars au début du VIIe siècle
[Lemerle, 502, p. 139], puis les Arabes. D’autre part, des chrétiens ou des
non-chrétiens opprimés dans les États voisins se réfugiaient parfois dans
l’Empire ; par exemple, d’après une source orientale, les 3 000 Arabes chré-
tiens, des Ghassanides, qui se rallièrent à Byzance au début du VIIe siècle
[Ditten, 480, p. 58] ; ou, au IXe siècle, les 30 000 Churramites – le nombre
est exagéré –, des mazdéens, qui fuirent la Perse musulmane [Ditten, 480,
p. 93-110]. La reconquête byzantine a entraîné aux Xe-XIe siècles les mêmes
phénomènes, mais en sens inverse, dans les Balkans comme en Syrie du
Nord : dans cette région, une grande partie des musulmans s’enfuirent (cer-
tains revinrent ensuite, acceptant d’être baptisés) ; d’autres, faits prisonniers
par les armées byzantines, furent déportés dans les provinces [Dagron, 478,
p. 181-182].
L’importance numérique de ces déplacements était variable ; les nom-
bres cités par les sources à propos de tel ou tel fait particulier vont de quel-
ques milliers ou dizaines de milliers comme dans les exemples qui précè-
dent, à quelques centaines de milliers : on verra qu’au milieu du VIIIe siècle,
sous Constantin V, plus de 200 000 Slaves se seraient réfugiés dans
l’Empire. Ces nombres ne sont pas faciles à interpréter (on ne sait pas tou-
jours s’ils se rapportent aux seuls chefs de famille ou à l’ensemble de la
population) ; par ailleurs les sources ne comportent souvent aucune indica-
tion quantitative et elles ne signalent que certains des faits les plus notables.
Pour estimer l’importance de ces mouvements de population, on peut par-
206 Les fondements de la civilisation byzantine

fois se fonder sur des données indirectes, en particulier linguistiques, et sur


une hypothèse qui est plausible : c’est seulement si un groupe installé dans
une région y était en situation minoritaire qu’il finissait par abandonner sa
langue au profit d’une autre. S’il en est ainsi, on peut conclure de nos infor-
mations que souvent les immigrés, comme les Goths de Bithynie évoqués
plus haut, étaient localement moins nombreux que la population indigène.
Mais, en particulier dans les régions frontalières, souvent peu peuplées, des
contre-exemples existent, le mouvement des populations ayant pu y provo-
quer des changements suffisants pour avoir modifié durablement ou même
définitivement la carte linguistique (cf. ci-dessous sur l’hellénisation en Italie
du Sud et sur la slavisation de la partie nord des Balkans). Les brusques
déplacements notés dans les chroniques n’excluent pas de lents mouve-
ments migratoires sur lesquels nous sommes moins directement informés
mais qui ont pu être avec le temps d’égale importance. Leur existence rend
certaines interprétations plus difficiles.
Au lendemain de l’installation des Lombards en Italie, qui avait été pro-
voquée par l’expansion des Avars, le fait principal fut, au début de l’époque
considérée, la pénétration des Slaves dans les Balkans, bientôt suivie par la
conquête arabe en Orient et par la formation d’un État (proto)bulgare au
sud du Danube.
La rareté des sources écrites contemporaines des événements, la princi-
pale source étant Les plus anciens miracles de saint Démétrius [Lemerle, 91
et 502], fait que l’histoire de la migration slave, sujet étudié plus que tout
autre [cf. en dernier lieu, Avraméa, 468], reste dans le détail mal connue.
L’interprétation du matériel archéologique (céramique, fibules) est en effet
peu aisée, sauf pour ce qui est des trésors monétaires, qui datent précisé-
ment la fuite d’une population devant la menace. Les raids des Sclavènes
(des Slaves du Sud), qui avaient été marqués par le siège de Thessalonique
en 586, s’étendirent profondément dans l’Empire ; le séjour des envahis-
seurs fut parfois prolongé, voire dans certains cas définitif ; nombre d’entre
eux s’installèrent en Macédoine, en Grèce centrale, dans le Péloponnèse
occidental et jusque dans les îles. Au début du VIIe siècle, lorsque le système
défensif de Byzance sur le Danube s’effondra, les Slaves du Sud occupèrent
en nombre tout le territoire s’étendant de la Dalmatie à la Bulgarie ; toute-
fois, ils ne purent pas prendre Thessalonique et en Grèce le réseau urbain
résista, en partie du moins. Le mouvement migratoire n’était pas tari au
VIIIe siècle. Pour des raisons nationalistes, l’importance quantitative de la
migration slave a été souvent exagérée (on a laissé entendre que c’est
l’afflux des Slaves qui aurait régénéré l’Empire byzantin) et parfois sous-
estimée (on a prétendu qu’il n’y aurait jamais eu d’installation slave en
Grèce) ; en fait, cette migration fut sans doute partout nombreuse
[Lemerle, 502], mais elle a eu évidemment plus de relief dans le nord
Population et démographie 207

moins peuplé des Balkans qu’en Grèce, où l’occupation du sol était plus
dense. Les régions habitées principalement par des Slaves étaient nommées
par les Byzantins sklavinies, d’après le nom des Sclavènes ; dans le sud des
Balkans, leurs habitants passèrent, parfois dès la fin du VIIIe siècle, au ser-
vice de l’empereur.
De moindre importance fut, en contrecoup de la conquête des pro-
vinces arméniennes par les Arabes, l’installation pacifique d’Arméniens
dans l’Empire, en particulier au VIIIe siècle, peut-être surtout dans la moitié
orientale de l’Asie Mineure. Ainsi, selon une source arménienne, 12 000
d’entre eux, accompagnés de leur famille, cherchant à échapper à diverses
exactions, furent accueillis vers 790 [Charanis, 475, V, p. 197]. Christiani-
sés depuis le début du IVe siècle, le plus souvent en désaccord dogmatique
avec l’Église de Constantinople sauf par esprit de compromis, dotés d’une
liturgie ancienne et d’une structure sociale forte [cf. Garsoïan, 485 ; L’Ar-
ménie et Byzance, 469], souvent installés dans un milieu faiblement hellénisé,
les Arméniens furent moins facilement intégrés à la société byzantine que
les Slaves de Grèce, sauf bien sûr dans le cas de l’aristocratie [Brous-
selle, 473], dont la place dans l’histoire politique de Byzance est, on le sait,
importante. Dans l’ensemble pourtant, les Arméniens ne s’hellénisèrent pas,
d’autant moins que le mouvement migratoire s’amplifia lorsque les armées
impériales eurent reconquis les anciennes provinces arméniennes à la fin du
Xe siècle [Asolik, 69, p. 141], et surtout au milieu du XIe siècle à l’époque
des raids saldjûkides. L’aire d’accueil, dépassant l’Anatolie orientale, attei-
gnit la Cappadoce et la Syrie.
D’autres phénomènes migratoires doivent au moins être signalés : au
début de l’époque considérée, des Grecs fuyant l’invasion ou la persécution
ont pu s’installer en Italie du Sud et en Sicile [Charanis, 475, XIV], puis des
Grecs de Sicile et de Calabre près de Gallipoli, en nombre suffisant pour
avoir partiellement ré-hellénisé cette région latine [Martin, 503]. À la fin du
e e
X siècle et au début du XI , des Syriens monophysites repeuplèrent les
régions conquises sur les Arabes [Dagron, 478]. Au milieu du XIe siècle, un
peuple turc, les Petchénègues [Pritsak, 513], pressé par le déplacement
récent d’un autre peuple de même origine, les Ouzes, traversèrent le Danube
[Skylitzès, 58, p. 455, 458] ; ils furent christianisés et installés au sud de la
Serbie, dans une région alors peu peuplée. Les Petchénègues furent suivis de
peu par leurs alliés les Coumans, eux aussi turcophones [Savvidès, 516]. Bien
d’autres indications, liées ou non à des migrations, par exemple la présence
dans l’Empire de marchands occidentaux ou musulmans, étrangers dont le
statut juridique n’est pas tout à fait clair [Laiou, 492], permettraient de com-
pléter le catalogue des peuples de l’Empire. Selon une source occidentale,
20 000 Vénitiens y résidaient à la fin du XIIe siècle, la moitié d’entre eux à
Constantinople [Hendy, 651, p. 593].
208 Les fondements de la civilisation byzantine

Notons enfin que ces populations d’origines diverses cohabitaient sou-


vent, non seulement dans une même région, mais dans les mêmes villes ou
villages (dans des quartiers particuliers ou non, la question reste en général
à étudier), et que ce fait n’est pas spécifiquement frontalier. En Macédoine
orientale, les documents de l’Athos nous informent sur la population de
plusieurs agglomérations aux Xe-XIIe siècles : dans aucune d’entre elles, il
n’existait semble-t-il, d’après les anthroponymes et d’autres indices,
d’homogénéité linguistique [Lefort, 497] ; au début du Xe siècle, Caméniate
note déjà l’existence de villages gréco-slaves dans cette province. Sur la
frontière sud-est de l’Empire, la ville d’Édesse, à l’époque où elle cessa (à
nouveau) d’être byzantine, à la fin du XIe siècle, comportait d’après une
source arabe 57 % de Syriens, 23 % d’Arméniens, 17 % de Grecs et 3 %
de Latins [Vryonis, 203, p. 18]. La population était diverse, mais elle était
souvent mêlée.

LES LANGUES PARLÉES DANS L’EMPIRE

Les langues parlées dans l’Empire étaient donc nombreuses, au point


qu’un bilinguisme régional et spontané, dont témoigne par exemple le
terme mixobarbaroi [ODB s.v.], semble avoir été un phénomène répandu.
Certaines d’entre elles, en particulier parce que les locuteurs étaient minori-
taires dans un milieu linguistique différent, n’ont été utilisées que momenta-
nément, nous y avons déjà fait allusion. Ajoutons que pour la même raison
les (proto)Bulgares ont vers le IXe siècle abandonné leur langue, d’origine
turque [Pritsak, 512], au profit du slave. Dans les Balkans également,
d’autres langues, qui ont pourtant des origines anciennes et ont donc été
continûment parlées, ne sont que tardivement attestées, comme l’albanais,
dont le rapport avec l’ancien illyrien est plausible, et le valaque, qui est une
langue romane ; les peuples de pasteurs qui parlaient ces langues n’appa-
raissent dans les sources qu’à la fin de l’époque considérée [pour les Alba-
nais, Ducellier, 481 ; pour les Valaques, Nasturel, 507, Dvoichenko-
Markov, 483 ; cf. Pohl, 511], lorsque l’élevage en grand dans cette partie de
l’Empire acquit de l’importance. En Asie Mineure orientale, le cas de la
langue kurde, apparentée au persan, est à certains égards comparable [EI 2,
s.v. Kurdes et Kurdistan].
Le grec, qui était la principale langue de la culture, de la religion et de
la communication, devint aussi au VIIe siècle la langue de l’administration à
la place du latin. Dans une certaine mesure et dans certaines circonstances,
ces faits ont favorisé les progrès de l’hellénisation et l’assimilation des allo-
Population et démographie 209

gènes. Il en est ainsi pour les élites sociales venues se mettre au service de
l’empereur : par exemple les Arméniens déjà évoqués ou les Arabes qui
s’agrégèrent à l’aristocratie byzantine [Cheynet, 477] ; d’autres venaient
pour bénéficier des lumières de l’orthodoxie, c’est le cas des moines géor-
giens ou amalfitains du mont Athos à la fin du Xe siècle [cf. Iviron I, p. 36].
L’hellénisation a également affecté, dans le monde paysan, les allogènes
minoritaires en pays grec, bien que le bilinguisme déjà mentionné, dont
témoignent microtoponymes, anthroponymes et signatures sur les docu-
ments de l’Athos, ait joué, à cet égard, un rôle ambigu, puisqu’il contribuait
à maintenir l’usage de la langue d’origine. Mais, en Grèce, l’étude linguis-
tique de la forme grecque des toponymes slaves suggère, au moins partielle-
ment, l’hellénisation précoce de la population slave, avant le IXe siècle dans
le Péloponnèse [Vasmer, 522], avant le XIe siècle en Macédoine orientale
[Brunet, 474].
En revanche, là où les Grecs étaient minoritaires, on ne constate pas ou
peu de phénomènes d’hellénisation. Dans ces régions, le fait que d’autres
langues que le grec aient déjà été des langues liturgiques (en Occident le
latin, en Orient le syriaque, l’arménien et le géorgien), ou qu’elles le soient
devenues (dans les Balkans le slavon à la fin du IXe siècle) a contribué à
limiter plus qu’ailleurs les progrès de l’hellénisation. Quatre domaines géo-
graphiques linguistico-religieux tendirent ainsi à se former ou à se consoli-
der, dont deux étaient entièrement ou principalement « orthodoxes », grec
dans la partie centrale de l’Empire, slave au nord des Balkans, un troisième,
romain, et enfin un domaine arménien et monophysite en Asie Mineure
orientale. Ces domaines, dont les limites furent changeantes, n’étaient pas
homogènes : en Asie Mineure comme dans les Balkans, la faible hellénisa-
tion de certains peuples, leur christianisation superficielle et leur fidélité à
leurs croyances favorisaient, parmi d’autres raisons peut-être, l’apparition
de sectes souvent liées à un groupe linguistique particulier, qui étaient
considérées à Constantinople comme hérétiques : celles qui s’épanouirent
en Phrygie depuis le VIe siècle, les Pauliciens des régions arméniennes
aux VIIIe-IXe siècles [Lemerle, 500], ou les Bogomiles de Bulgarie au
Xe siècle [Obolensky, 508].

L’EMPIRE COMME FACTEUR D’UNITÉ

Il est tentant de penser que les particularismes jouaient contre la cohé-


sion de l’Empire mais c’est peut-être là une idée moderne (Machiavel savait
encore que la « désunion » civile avait contribué à renforcer les structures
210 Les fondements de la civilisation byzantine

politiques de l’Empire romain). Les groupes linguistiques ou religieux, y


compris les Grecs, et d’autres groupes que désignait au reste de la popula-
tion leur mode de vie, tels les pasteurs, n’étaient il est vrai pas toujours tolé-
rants entre eux ni soumis aux autorités, de nombreux textes en témoignent.
Le caractère religieux du pouvoir impérial conduisait parfois les empereurs
à exiger la conversion au moins formelle de leurs sujets, ce qui, en cas de
résistance, entraînait des persécutions. Les empereurs ont tenté de faire
baptiser les Juifs, dont la religion était pourtant légale, ils ont déporté des
hérétiques ou des schismatiques, parmi lesquels des Arméniens. Dans cer-
taines circonstances, les tensions, quelle que fût leur origine, suscitaient des
révoltes et près des frontières celles-ci pouvaient prendre un caractère sépa-
ratiste. Mais, à une époque où la notion de patrie s’appliquait à une localité
plus qu’à l’Empire, les populations avaient souvent des fidélités conformes à
leurs intérêts : changeantes dans les régions frontalières, plus constantes
dans les provinces centrales. C’est seulement au prix d’anachronismes
qu’on a pu interpréter comme un mouvement social ou national slave la
révolte de Thomas le Slave, qui se déroule au cœur de l’Empire au début
du IXe siècle ; l’étude des sources suggère au contraire que Thomas fut un
« bon défenseur de Byzance » contre les Arabes et les Bulgares [Lemerle,
132]. La pression fiscale exercée par l’État, ou en sens inverse sa faiblesse,
ont joué dans les révoltes, d’ailleurs souvent animées par des Grecs, un rôle
plus important que les particularismes linguistiques ou religieux [Chey-
net, 461].
Il convient en revanche de souligner que plusieurs faits facilitaient
l’intégration à l’Empire des groupes humains qui le composaient, celle-ci ne
requérant nullement leur hellénisation. Il est vrai que la prééminence de la
langue grecque et les progrès qu’elle fit, spontanément ou dans certains
milieux grâce à l’école, et par ailleurs l’orthodoxie de la majorité de la
population et la conversion en principe obligée au christianisme des
« païens » entrés dans l’Empire, ou encore un réseau plus dense et plus
étendu d’évêchés relevant du patriarche, furent des facteurs d’unification,
d’autant que l’Église sut parfois être accommodante. Mais c’est peut-être
surtout la forme impériale du pouvoir, l’existence d’un État et la politique
des empereurs qui ont durablement permis de constituer les populations de
l’Empire en un ensemble cohérent.
En particulier parce que le pouvoir impérial affirmait haut et fort qu’il
avait une vocation universelle, mais aussi parce qu’il était animé par une
religion universaliste et qu’il restait sur certains plans un Empire romain,
l’Empire byzantin n’avait pas de réticence à accueillir, en cas de besoin,
quelque population que ce fût, pour peu qu’elle se conformât aux lois, et
que, dans le cas général, elle reçût le baptême et priât pour l’empereur. À
ces seules conditions, chacun participait à la politeia (la société byzantine),
Population et démographie 211

l’empereur devant s’accommoder de particularismes qui souvent ne le


gênaient en rien, et qui perduraient. Les lettrés grecs, sensibles à la distance
qui les séparait des « barbares », ne se reconnaissaient bien sûr aucun parti-
cularisme et ils tiraient quelque fierté de leur antique culture ; mais
l’important est qu’ils se soient le plus souvent caractérisés eux-mêmes (du
moins avant la fin du XIIe siècle) non pas comme Grecs, mais politiquement
comme Rômaioi, citoyens romains sujets de l’empereur, et qu’ils aient
reconnu cette qualité aux autres habitants de l’Empire, quelle que fût leur
origine. On peut sans doute qualifier l’Empire, comme on le fait souvent,
de « multinational » (en anglais, multilingual est plus juste). Mais, à l’époque,
il apparaissait simplement que l’empereur des Romains avait comme sujets
des citoyens romains. Il semble que cette idéologie assimilatrice ait été lar-
gement partagée. En tout cas, on y a fait allusion, rien ne permet de suppo-
ser que les allogènes aient jamais en tant que tels contesté le cadre politique
impérial, du moins à distance des frontières. D’ailleurs, le prestige de la ville
capitale et de l’empereur qui y résidait s’étendaient bien au-delà de
l’Empire.
L’existence d’un État, le plus souvent fort, fut certainement un facteur
d’assimilation plus important que ces faits idéologiques ou juridiques. Dans
les provinces, l’administration appliquait des lois et des règles qui valaient
en principe partout et elle était présente sur le terrain ; l’armée avait depuis
longtemps l’habitude de recruter des soldats hors de l’Empire ou de les
enrôler parmi les populations qui s’y étaient récemment installées ; et l’État
choisissait ses serviteurs civils et militaires, y compris aux grades les plus éle-
vés, sans tenir compte de leur origine. Enfin, les empereurs avaient une
politique « démographique », qui eut parfois pour but et souvent pour effet
de diminuer l’hétérogénéité du peuplement.

LA P O LI T I Q U E D E S E M P E R E U R S

L’Empire byzantin, comme bien d’autres États avant l’époque contem-


poraine, considérait qu’une population nombreuse était une richesse, au
moins parce que les revenus fiscaux provenaient surtout des prélèvements
effectués sur les exploitations paysannes. Un peuplement dense facilitait
aussi la défense du territoire, qui s’est longtemps appuyée sur une armée de
paysans réservistes, puis sur des contingents militaires installés dans les pro-
vinces. On conçoit qu’aux époques les plus troublées, en particulier là où
les hommes étaient rares, ce qui fut longtemps le cas dans de nombreuses
212 Les fondements de la civilisation byzantine

régions, les empereurs se soient souciés de répartir au mieux la population


disponible et de l’augmenter en accueillant les immigrés ou en retenant
dans l’Empire les prisonniers de guerre, parmi lesquels ils pouvaient recru-
ter soldats et contribuables. Pour réaliser ces objectifs, l’Empire eut recours
à un moyen déjà utilisé à l’époque antérieure, les transferts de population.
Les déportations, considérées dans un contexte polémique comme inhu-
maines par Théophane [52, p. 486], étaient des opérations difficiles à orga-
niser ; menées par voie de terre ou par voie de mer, elles prenaient des
mois. Seul un pouvoir fort pouvait y procéder. Les effectifs mentionnés par
les chroniqueurs varient, comme dans le cas des mouvements spontanés de
population, de quelques milliers à quelques centaines de milliers. Dans cer-
tains cas ces nombres pourraient provenir de documents administratifs ;
dans d’autres, leur exagération probable vise à rendre compte du caractère
spectaculaire et dramatique des événements. L’analyse des sources (date,
groupes concernés, nombres cités, raisons parfois données, points de départ
et d’arrivée lorsqu’ils sont mentionnés) est importante dans la mesure où
elle révèle, à défaut d’informations plus précises, la situation locale à
laquelle les empereurs avaient tenté de remédier. Mais les textes sont sou-
vent allusifs et il n’est pas toujours facile de distinguer entre mouvement
spontané de population, déplacement d’un contingent militaire et déporta-
tion. Parfois, notre ignorance est grande : ainsi pour les « Vardariotes »,
turcs ou hongrois dont on sait seulement qu’ils étaient installés au Xe siècle,
avec leur évêque, à l’ouest de Thessalonique [ODB, s.v. Vardariotai].
Les transferts de population semblent avoir eu trois objectifs principaux,
qui se combinaient souvent : a) Les empereurs y eurent recours pour amé-
liorer la sécurité aux frontières, quitte à y créer un no man’s land, en dépla-
çant des régions frontalières vers la partie centrale de l’Empire des groupes
turbulents, hérétiques ou peu fidèles, et en les dispersant pour tenter de les
fondre dans le reste de la population. En sens inverse mais sans doute pour
la même raison, équilibrer la composition du peuplement, ils firent venir
des Grecs vers des régions peu sûres ; ainsi, sous Nicéphore Ier, en 809/810,
des chrétiens originaires de toutes les provinces durent s’installer dans les
sklavinies [Théophane, p. 486]. b) Dans certains cas, l’objectif semble direc-
tement démographique : faire venir des hommes dans une région ou dans
une ville parce qu’elles étaient insuffisamment peuplées ; ainsi, en 755/756
des Grecs de Grèce et des îles furent établis à Constantinople, dépeuplée
après la peste de 747 [Théophane, p. 422-423]. c) Mais, le plus souvent, le
but était principalement militaire : on installait une population (parfois peu
soumise) dans une région (par hypothèse peu peuplée) pour lever des
soldats parmi elle.
Sans doute en raison de la désorganisation de l’Empire alors attaqué de
toute part, il n’y eut semble-t-il pas de transfert de population dans la pre-
Population et démographie 213

mière moitié du VIIe siècle. Mais par la suite ils furent nombreux, jusqu’au
Xe siècle ; le plus souvent directement liés à la guerre contre les Arabes et
les Bulgares, ils consistaient surtout à déplacer des populations des Balkans
en Orient et vice versa, les provinces d’accueil étant principalement la
Bithynie et la Thrace, qui assuraient la défense rapprochée de la capitale.
Dans la seconde moitié du VIIe siècle, des Slaves faits prisonniers dans
les Balkans furent installés en Asie Mineure pour défendre le pays contre les
Arabes, sous Constant II, puis sous Justinien II ; dans le second cas, on sait
que les Slaves furent installés en Bithynie [Ditten, 480, p. 209-234]. À nou-
veau, au milieu du VIIIe siècle, sous Constantin V, des Slaves qui avaient fui
l’État bulgare, 208 000 selon le patriarche Nicéphore [53, p. 69], furent ins-
tallés au nord-est de la Bithynie [Théophane 52, p. 432]. En sens inverse,
d’Orient vers l’Occident, des chrétiens du Liban, des Mardaïtes, furent
transplantés en Pamphylie sous Justinien II, sans doute en raison de leur
compétence dans la marine de guerre ; par la suite, ils furent utilisés en
Grèce, avec la même spécialisation [Ahrweiler, 377, p. 399-400]. Des
Arméniens et des Syriens faits prisonniers pendant les campagnes de Cons-
tantin V contre les Arabes furent installés en Thrace [Théophane, p. 429].
De même sous Léon IV, dans les mêmes conditions, plus de
150 000 Syriens, selon une source arménienne, furent établis dans la même
province [Ditten, 480, p. 192]. Sous Constantin VI, des soldats du thème
des Arméniaques qui s’étaient révoltés furent envoyés en Sicile et dans
d’autres îles [Théophane, p. 469]. Au IXe siècle, sous Michel Ier, des héré-
tiques de Phrygie, les Athinganoi (ce terme a servi ensuite à désigner les
Tsiganes) furent déportés en Europe et dans les îles [Ditten, 480, p. 199-
203] ; mais le sort des Pauliciens après la prise de Téfrikè (878) n’est pas
clair : leur rapport avec les Bogomiles de Thrace au Xe siècle, qu’on a
évoqué en raison de la ressemblance supposée de leurs croyances respec-
tives, et qui impliquerait que certains Pauliciens aient été installés dans cette
province, reste hypothétique [Lemerle, 500, p. 108-110]. À la fin du
Xe siècle, des musulmans faits prisonniers dans la Syrie reconquise furent
déportés dans l’Empire : par exemple, 200 000 en 965 [Dagron, 478,
p. 183]. Ensuite, Basile II fit venir des Arméniens en Macédoine, « pour les
opposer aux Bulgares et faire prospérer cette contrée » [Asolik, 69, p. 74].
On pourrait citer des exemples plus tardifs : ainsi, au début du XIIe siècle,
Jean II déporta des prisonniers serbes en Bithynie ; il leur distribua des ter-
res et enrôla certains d’entre eux dans l’armée [Chôniatès, 64, p. 16].
Comme technique impériale aidant à résoudre des difficultés locales ou
circonstantielles, les transferts de population avaient un long avenir. À
l’époque considérée, il semble assuré qu’ils ont joué un rôle militaire impor-
tant aux VIIe-IXe siècles, lorsque l’Empire était à la fois menacé et peu peu-
plé ; par la suite, lorsqu’une sûreté plus grande permit un essor démogra-
214 Les fondements de la civilisation byzantine

phique et que l’État, plus riche, put plus souvent solder des mercenaires, ils
n’ont eu, à cet égard, qu’un rôle plus marginal. Pour les VIIe-IXe siècles, il
est difficile d’apprécier l’importance fiscale ou économique qu’ont pu avoir
les transferts de population ; elle fut sans doute grande, dans la mesure où
l’installation de populations dans des régions fertiles et dépeuplées contri-
buait à les mettre en valeur ; les prisonniers de guerre, parfois vendus
comme esclaves, furent utilisés dans l’économie rurale jusqu’au XIe siècle.
On a discuté, mais sur des bases fragiles, le bien-fondé politique de certains
transferts de populations hétérodoxes, qui auraient déplacé l’insécurité
d’une province à une autre plutôt qu’ils ne l’auraient diminuée [Charanis,
475, III, p. 151-154]. Il semble en tout cas que l’importance proprement
démographique des transferts de population ait été exagérée, comme l’a
été, à une autre échelle il est vrai, celle de la migration slave.

QUESTIONS DÉMOGRAPHIQUES

La documentation permet tout au plus de décrire des tendances dans


l’évolution démographique, sans que l’on puisse rien mesurer. Pour les épo-
ques antérieure et suivante, l’épigraphie funéraire et les archives de l’Athos
autorisent l’étude partielle du comportement démographique de certaines
parties de la population. Les conclusions qu’on peut en tirer, un taux de
mortalité infantile élevé [ODB, s.v. Demography], une espérance de vie assez
faible au VIe siècle [Durliat, 482, p. 109], et un nombre d’enfants survivants
compris entre 3 et 4 au début du XIVe siècle en milieu paysan [Laiou-
Thomadakis, 491, p. 72-107, 290] évoquent ce qu’on sait par ailleurs du
comportement démographique à l’époque préindustrielle : il permet, on le
sait, un accroissement naturel de la population en l’absence de catastrophes
répétées. Il est actuellement difficile d’appréhender une quelconque évolu-
tion du comportement démographique au cours de l’époque considérée ; les
données ostéologiques sont, à cet égard, encore peu exploitées.

LA RÉPARTITION DE LA POPULATION

L’archéologie permettra sans doute d’estimer localement des volumes


ou des densités de population, à partir de la superficie des habitats et de
leur proximité plus ou moins grande. En attendant, on ne peut que propo-
Population et démographie 215

ser des remarques. Dans l’ensemble, les régions proches de la mer, princi-
palement vouées à l’agriculture, étaient plus peuplées que l’intérieur des ter-
res, souvent consacré à l’élevage, qui nécessite moins de main-d’œuvre.
Cette répartition contrastée des formes de l’occupation du sol est attestée
sur le territoire de l’Empire avant comme après l’époque étudiée. Les diffé-
rences considérables dans la densité du peuplement qui en résultent sont
évoquées par de nombreuses sources, par exemple dans les récits laissés par
les croisés, qui opposent aux « déserts » d’autres régions bien peuplées et
cultivées rencontrées par eux en traversant les Balkans puis l’Asie Mineure
[Hendy, 651 p. 35-44].
Partout, la population était essentiellement rurale ; celle-ci était le plus
souvent groupée en villages de quelques dizaines de feux ou en plus petits
hameaux. L’existence de bourgades, dont le rôle social a été souligné pour
l’époque protobyzantine [Dagron, 479] et dont certaines sont devenues des
villes médiévales, n’empêche pas que l’opposition entre la ville et le village
ait été ordinairement tranchée, principalement parce que la première était
fortifiée et que ses fonctions étaient diversifiées, le second étant générale-
ment un habitat ouvert [Bouras, 472]. À la fin de l’époque étudiée, et en
dehors de notables exceptions (Thessalonique est la seule ville en dehors de
la capitale à avoir sans doute atteint 100 000 habitants [Charanis, 475, I,
p. 8]), et de particularités régionales (les villes de Cilicie et de Syrie du
Nord comptaient couramment plusieurs dizaines de milliers d’habitants
[Vryonis, 523, VIII, p. 220-221], la plupart des villes ne regroupaient tout
au plus que quelques milliers d’individus, si l’on en juge par les sources
écrites, rarement explicites ou faciles à interpréter, ou d’après la superficie
des enceintes urbaines, qui était souvent restreinte. Les régions dans les-
quelles le réseau des villes était le plus dense étaient proches de la mer,
aussi bien dans les Balkans qu’en Asie Mineure [Hendy, 651, p. 69-100] et
en Italie du Sud [Martin-Noyé, 1222]. Ce fait souligne les contrastes de
densité déjà signalés. Bien que le nombre des villes et la population de
beaucoup d’entre elles aient augmenté au cours de l’époque étudiée, la
population urbaine n’a sûrement jamais atteint 10 % de l’ensemble.

L’ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE

Dans un article publié en 1966, P. Charanis a exprimé sur l’évolution


démographique de l’Empire un point de vue qui paraît aujourd’hui justifié
[Charanis, 475, I]. Mais on avait auparavant considéré, dans les
années 1950, à partir d’arguments fragiles, souvent idéologiques (marxistes),
216 Les fondements de la civilisation byzantine

que l’Empire n’avait jamais été aussi densément peuplé qu’aux VIIe-VIIIe siè-
cles grâce aux invasions slaves, on y a fait allusion, puisqu’il avait été vic-
time d’un déclin démographique à partir du Xe ou du XIe siècle, en raison
du « féodalisme », et cette idée s’est durablement imposée [Lefort, 498] ;
elle est aujourd’hui abandonnée au profit d’une conception inverse, qui
rend mieux compte de l’histoire, en particulier économique, de Byzance :
un Empire peu peuplé aux VIIe et VIIIe siècles, puis un essor démographique
continu depuis le IXe siècle jusqu’au début du XIVe. Ce renversement des
perspectives est dû à la convergence d’indices fournis par des documents
nouvellement publiés et par des études indépendantes entre elles et menées
dans des domaines divers, archéologique, numismatique et paléo-
géographique en particulier.
On sait que l’Empire était bien peuplé au début du VIe siècle (NC 1,
p. 195-196). La capitale comptait alors peut-être 400 000 habitants
[Mango, 571, p. 51] et les cités qui organisaient l’espace rural dans les pro-
vinces étaient prospères. Les changements que l’on constate à partir du
VIIe siècle, le déclin des villes, ou plutôt le remplacement des vastes cités
antiques par des évêchés médiévaux souvent plus à l’étroit [Spieser, 517],
l’abandon d’habitats anciens au profit de sites mieux protégés et la diminu-
tion, voire l’interruption de la circulation monétaire [Morrisson, 506,
p. 302-303] témoignent avant tout de transformations sociales et de l’insé-
curité qui régnait. Mais d’autres faits attestent plus directement une raréfac-
tion de la population. La place accordée par un recueil juridique du
VIIIe siècle (l’Ecloga) au contrat d’emphytéose, qui est favorable à l’exploi-
tant, suggère qu’à cette époque la main-d’œuvre était peu nombreuse [Hal-
don, 126, p. 134]. L’installation de Slaves en Bithynie, d’Arméniens et de
Syriens en Thrace aux VIIe-VIIIe siècles, qui a été évoquée plus haut,
implique que ces provinces proches de la capitale aient été alors insuffisam-
ment peuplées aux yeux des autorités. Les plus anciens documents de
l’Athos montrent aussi que certains secteurs de la Chalcidique étaient
encore dépeuplés à la fin du IXe siècle [cf. Iviron I, p. 29], voire au milieu
du Xe. Enfin et surtout, des prospections archéologiques, des enquêtes paly-
nologiques [cf. Dunn, 534] et des recherches paléogéographiques [Geyer-
Dalongeville-Lefort, 486] suggèrent, en Argolide, en Macédoine, en
Bithynie ou en Lycie, une occupation du sol, cultures ou habitats, moins
importante aux VIIe-VIIIe siècles qu’elle ne l’avait été au VIe. C’est dans ce
contexte de dépopulation que les déportations évoquées ci-dessus trouvent
leur signification principale.
On s’accorde généralement à considérer que la peste de 541/542
[Allen, 467] et ses retours jusqu’en 747 ont été le principal facteur du
déclin démographique dans les villes comme dans les campagnes, bien que
celles-ci aient été moins souvent directement touchées, et même si l’épi-
Population et démographie 217

démie du VIe siècle n’a pas réduit, comme on l’a parfois admis, la popula-
tion de moitié. Une diminution dans l’ensemble comprise entre 20 et 30 %
est plus vraisemblable [Biraben, 471, p. 122-123] ; mais celle-ci fut peut-
être particulièrement forte à Constantinople, qui, pour des raisons sans
doute à la fois économiques et épidémiologiques, ne comptait peut-être que
40 000 habitants au milieu du VIIIe siècle [Mango, 571, p. 54 ; évaluation
moins pessimiste de Magdalino, 570, p. 18 : peut-être 70 000 habitants]. Il
semble en tout cas que les épidémies affectaient le volume de la population
plus gravement que les guerres, dont le rôle négatif est surtout lié aux épi-
démies qu’elles propageaient. Pour les mêmes raisons, le bénéfice démogra-
phique que constituaient les migrations vers l’Empire n’a pu être que
modeste.
L’extinction de la peste au milieu du VIIIe siècle a peut-être suffi à inver-
ser la tendance [Treadgold, 140, p. 36]. Aux siècles suivants, c’est la sécu-
rité croissante qui a permis l’essor démographique. Cet essor a été lent, en
raison de l’insécurité persistante dans certaines régions, en particulier du
fait de la piraterie le long des côtes, et de la fragilité économique de nom-
breuses exploitations paysannes, dont témoignent les famines ; elles étaient
dues à de multiples causes : par exemple à l’hiver froid de 927/928
[Lemerle, 553, p. 94] ; d’autres famines, au XIe siècle, s’accompagnèrent
d’épidémies et entraînèrent la fuite des populations locales [Svoronos, 520,
IX, p. 12-13]. L’essor démographique s’est peut-être accéléré au XIIe siècle,
surtout en raison d’une organisation croissante des activités économiques,
en particulier du commerce des grains ; on constate en tout cas qu’il n’y eut
pas de famine à cette époque [Magdalino, 192, p. 142].
Les indices de l’accroissement de la population sont nets dans le monde
urbain comme à la campagne, bien qu’ils soient tous indirects. Le nombre
des évêchés, tel qu’on peut l’estimer d’après les listes de signatures aux
conciles, a presque doublé entre la fin du VIIe siècle et la fin du IXe. Éphèse,
détruite par les Perses au début du VIIe siècle, redevint un centre actif
au IXe [Foss, 484]. En Grèce, l’essor d’Athènes et de Thèbes entre les Xe et
XIIe siècles est manifeste [Harvey, 488, p. 218-219]. Et la population de la
capitale ne cessa de croître : elle atteignit peut-être de nouveau 400 000 à la
fin du XIIe siècle, si l’on considère, comme on l’admet actuellement, que
l’estimation donnée par Villehardouin est vraisemblable [Magdalino, 570,
p. 55-57]. À la campagne, en Italie du Sud comme en Macédoine, la fon-
dation continue, à partir du Xe siècle, de hameaux situés aux confins des
territoires villageois suppose aussi une population plus nombreuse, dont
l’accroissement fut suffisant pour qu’apparaissent dès le XIIIe siècle des désé-
quilibres économiques (ils entraînèrent la désertion de certains hameaux),
ou écologiques (la destruction de quelques terroirs par l’érosion pourrait
dater de cette époque) [Lefort-Martin, 496]. Pour la même époque, vont
218 Les fondements de la civilisation byzantine

dans le même sens des faits qui attestent soit un recul de la forêt, soit une
extension des cultures, en Grèce, en Macédoine, en Thrace, en Bithynie et
en Lycie (cf. ci-dessous, p. 233). Enfin, en Macédoine orientale, les docu-
ments fiscaux qui permettent de comparer le nombre des feux dans neuf
villages ou hameaux entre le début du XIIe siècle et le début du XIVe siècle,
indiquent en moyenne une augmentation importante de la population
[Lefort, 499]. Certains indices suggèrent aussi qu’à la fin du XIIe siècle les
régions centrales de l’Empire étaient au moins aussi densément peuplées
qu’elles l’avaient été dans la première moitié du VIe siècle [Lefort, 494,
p. 215].

LE VOLUME DE LA POPULATION

On a cherché à plusieurs reprises à estimer la population de l’Empire,


question légitime, mais à laquelle on ne peut actuellement apporter aucune
réponse satisfaisante. Les estimations fournies, qui résultent d’extrapolations
faites à partir de données et de coefficients peu assurés, sont incertaines :
elles se fondent en général sur les informations, souvent indirectes, relatives
à la population de certaines villes et sur un pourcentage supposé connu et
constant de population urbaine. Pour imparfaites qu’elles soient, ces estima-
tions suggèrent cependant des ordres de grandeur qui ont quelque vraisem-
blance, à condition d’admettre il est vrai une grande imprécision. Elles ren-
dent compte avant tout des pertes et des gains territoriaux au long de
l’époque considérée : on estime par exemple que l’Égypte comptait plus
de 6 ou de 7 millions d’habitants lorsque l’Empire l’a perdue, au VIIe siècle
[Charanis, 475, I, p. 10].
La population de l’empire d’Orient ne peut être calculée à partir des
données conservées. Elle a fait l’objet d’estimations spéculatives qui ont tout
de même le mérite de souligner les fluctuations qui nous sont perceptibles.
Le nombre d’habitants aurait atteint 24 millions vers 350 [Russell, 514] et
30 millions sous Justinien [Stein, repris par Charanis, 475, I, p. 2-3] ; la
population serait tombée à la fin du VIIIe ou au début du IXe siècle à
11 millions (Russell) ou même à 7 millions, ce qui paraît plus vraisemblable
[Treadgold, 140, p. 360], puis elle aurait atteint à la fin du IXe siècle
10 millions selon Treadgold, ou plutôt, selon le même auteur, 8 millions
seulement [Treadgold, 521, p. 486]. Au milieu du XIe siècle, la population
aurait été de 15 millions (Russell) sinon de 20 (Stein) ; elle aurait décru à
l’époque des Comnènes, jusqu’à 12 ou 10 millions (Stein), et n’aurait été
que de 7 millions à la fin du XIIe siècle (Russell).
Population et démographie 219

Il n’est pas sûr que la courbe (par endroits floue), qui est suggérée par ces
estimations, rende suffisamment compte des phénomènes démographiques
mentionnés ci-dessus. Quant aux volumes évoqués, qui présentent parfois
des divergences importantes pour une même époque, une comparaison avec
l’Occident médiéval suggère seulement qu’ils sont tous, à défaut de mieux,
plausibles : selon P. Chaunu, l’ensemble de la chrétienté latine, à l’intérieur
de laquelle on admet des densités régionales contrastées, de 5-6 à 25-30 habi-
tants au kilomètre carré au milieu du XIIIe siècle, aurait compté à cette
époque de 40 à 45 millions d’âmes1. En Orient, des estimations faites pour la
Macédoine orientale et pour la Bithynie suggèrent une densité de 20 habi-
tants au kilomètre carré (Macédoine : Lefort, 549, p. 299, n. 59 ; Bithynie :
Geyer, 1021, p. 416), mais les disparités régionales sont considérables.
Les recherches sur la population de l’Empire, longtemps attentives à
l’étude des « nations » qui le composaient, pourraient utilement se dévelop-
per dans une direction quantitative, qui permettrait de cerner un peu
mieux une réalité dont l’importance est évidente. À ce sujet, rappelons que
les ordres de grandeur que l’on peut proposer lorsqu’on en a vérifié la
cohérence ont une vertu sinon informative du moins heuristique.

1. P. Chaunu, L’expansion européenne du XIIIe au XVe siècle, Paris, 1969 (« Nouvelle Clio », 26), p. 79.
C HA P I T R E X

Économie et société rurales1


PAR JACQUES LEFORT

Un réexamen des positions traditionnelles sur l’économie rurale byzan-


tine conduit à estimer que l’on a affaire, après une époque de récession
(VIIe-VIIIe siècles), à une longue phase d’expansion, qui s’étend depuis le
IXe siècle jusqu’au début du XIVe – là où on a longtemps vu stagnation ou
même déclin. Nous envisagerons les conditions de la production agricole,
puis les facteurs et les formes du développement.

LE S C O N D I T I O N S D E L A P R O D U C T I O N A G R I C O L E

LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES

Dans un espace méditerranéen divers [Geyer, 537], certaines régions


étaient plus ou moins aptes à certains types de culture, mais la pluviosité
était sans doute partout suffisante, sauf en bordure des steppes arides, pour
assurer le succès habituel d’une agriculture sèche, fondée sur les céréales, et,
en de nombreux endroits, sur les arbres fruitiers et sur la vigne. La diversité
des conditions naturelles explique en partie les caractères de l’agriculture
byzantine. Sur le plan local, cette diversité a favorisé une polyculture
associée à l’élevage, qui est dans maintes régions probable ou attestée, et
qui constituait une assurance contre les aléas météorologiques et un facteur
d’équilibre social. À l’échelle régionale, le fait qu’en fonction du relief et de
nuances climatiques certains secteurs aient été plus aptes que d’autres aux

1. Le présent texte est pour l’essentiel la version abrégée de Lefort [552].


222 Les fondements de la civilisation byzantine

cultures ou à l’élevage a facilité, lorsque les circonstances l’exigeaient ou le


permettaient, une relative spécialisation, dont de nombreuses sources
médiévales témoignent.
Les fluctuations climatiques n’ont joué qu’un rôle secondaire dans
l’histoire de l’occupation du sol, comparées aux effets de l’intervention
humaine. Ainsi, après le « petit optimum classique », le climat devint plus
frais et moins humide aux VIe et VIIe siècles ; suivit le « petit âge glaciaire du
Haut Moyen Âge », aux VIIIe-IXe siècles. Le climat fut ensuite plus chaud et
plus humide aux Xe-XIe siècles, ce qui laissa place à un « petit optimum cli-
matique médiéval » aux XIIe et XIIIe siècles [Geyer, 536]. Il est remarquable
que ces fluctuations climatiques accompagnent de façon cohérente les hauts
et les bas de l’économie rurale.

L’OUTILLAGE

L’outillage des paysans a été étudié en particulier par A. Bryer


[Bryer, 533], qui montre sa fixité à travers les âges et son caractère rudi-
mentaire. Cet outillage est en fait mal connu. Dans la mesure où la perma-
nence des techniques et des outils peut n’être que le signe d’une adaptation
au milieu, l’opposition qu’on a présentée entre les innovations parfois sures-
timées d’un Occident médiéval océanique et la stagnation byzantine doit
être nuancée, puisque, par exemple, les araires étaient seuls adaptés aux
sols en général peu profonds du monde méditerranéen. Il semble
qu’aux IXe-Xe siècles la place tenue par le fer dans les outils, lequel augmen-
tait évidemment l’efficacité du travail, ait été au moins aussi grande à
Byzance qu’en Occident, et rien n’indique que par la suite les outils en fer
n’y aient pas été de règle. L’usage des araires semble avoir été général pour
le travail des champs. Les moulins à eau, utilisés pour moudre le grain,
rares encore à l’époque protobyzantine, étaient devenus nombreux au
XIIe siècle, peut-être même dès le Xe siècle. L’eau dérivée pour actionner les
moulins, amenée par des canaux tantôt creusés dans la roche tantôt maçon-
nés, servait aussi à l’irrigation des jardins.

L’ORGANISATION SOCIALE DE LA PRODUCTION

Village et domaine, petits propriétaires et tenanciers. Tout au long de l’époque


étudiée, l’organisation sociale de la production s’est faite autour de deux
pôles, le domaine et le village. Il est vrai que l’équilibre entre ces deux pôles
Économie et société rurales 223

s’est modifié, puisque, à une économie villageoise et communale, prépondé-


rante au départ, s’est substituée une économie surtout domaniale. On souli-
gnera que la dualité village/domaine (chôrion/proasteion) d’une part, et la
prédominance de la petite exploitation paysanne d’autre part, ont été des
caractères permanents de l’économie rurale byzantine. Cette dualité – vil-
lage/domaine – permettait d’utiliser au mieux la main-d’œuvre, les travail-
leurs pouvant passer d’un cadre à l’autre. Au cours du temps, elle a égale-
ment joué un rôle dans le développement économique, la structure sociale
villageoise ayant été la forme d’organisation la mieux adaptée aux condi-
tions d’insécurité, et le cadre domanial ayant ensuite rempli ce rôle lorsque
la sécurité fut revenue. Mais, parallèlement, les fonctions du village et du
domaine ont changé : le premier, souvent coiffé par une organisation
domaniale, est devenu seulement une forme d’habitat, et le domaine essen-
tiellement un organisme de gestion.
Quel que fût le statut des terres ou celui des hommes, la condition des
agriculteurs était dans l’ensemble comparable dans les villages et sur les
domaines, nombre d’entre eux ayant acquis assez tôt la position enviable
d’exploitant. En principe, l’opposition est claire entre les locataires qui
étaient installés sur le domaine avec le statut stable de « parèque » (tenan-
cier) et qui devaient des redevances au maître des lieux, et les habitants du
village, dont beaucoup payaient, en tant que propriétaires, leurs impôts à
l’État. Cette opposition accentue cependant une réalité plus complexe :
parmi les cultivateurs du domaine, tous n’y résidaient pas et n’ont pas eu
un statut privilégié. De même, parmi les habitants du village, tous n’étaient
pas propriétaires, et tous ceux-ci n’étaient pas exploitants.
Les charges qui pesaient sur les locataires étaient peut-être en général
plus lourdes que celles qui étaient supportées par les propriétaires du vil-
lage ; en théorie du moins le loyer était le double de l’impôt foncier, mais
bien d’autres éléments interviennent, qu’il est difficile de prendre en
compte, les habitants du village ne bénéficiant pas des exemptions fiscales
dont pouvaient jouir les paysans du domaine.
Dans une perspective marxiste, on a longtemps vu dans le changement
de statut de nombreux paysans, qui de propriétaires devinrent parèques
aux Xe-XIe siècles, la preuve de l’asservissement de la paysannerie byzantine.
Il est clair aujourd’hui que cette vue était inexacte. On peut tout d’abord
souligner que le terme de parèque a été utilisé, dès le milieu du XIe siècle
pour désigner non seulement des paysans locataires, mais des propriétaires
contribuables qui payaient l’impôt non pas à l’État, mais à un tiers ; ce chan-
gement sémantique montre que le fait d’être propriétaire n’était pas un fac-
teur socialement discriminant. De plus, la condition des parèques locataires
s’est améliorée à cette époque. Bien que leur statut juridique n’ait jamais été
précisément défini, [Lemerle, 553, p. 166-187], les parèques ont été considé-
224 Les fondements de la civilisation byzantine

rés par les juristes byzantins comme les héritiers des colons de l’époque pro-
tobyzantine, qui pouvaient posséder des biens meubles, et après trente ans
obtenir un statut de locataire, mais restaient attachés à la terre qu’ils étaient
obligés de cultiver contre redevance. Au Xe siècle encore, un jugement sou-
ligne que les parèques n’ont aucun droit sur les biens qu’ils louent, qu’ils ne
peuvent donc ni les aliéner ni les transmettre [Weiss, 566], mais au XIe siècle
un autre jugement fait valoir qu’après trente ans les parèques ne peuvent
plus être chassés de leur terre ; ils en sont considérés « comme les maîtres »
(comme possessores, avec des droits analogues à ceux d’un propriétaire), à
condition bien sûr qu’ils s’acquittent du loyer [Peira, 15, 2 et 3].
La distinction entre propriétaire et locataire s’affaiblit à partir du
moment où les tenures de parèques furent considérées comme héréditaires,
et dès lors que certains parèques accédèrent à la propriété. Or, les docu-
ments suggèrent que dès le XIe siècle peut-être, et au XIIe siècle assurément,
les parèques étaient propriétaires de certaines des terres qu’ils exploitaient
[Oikonomidès, 555]. Par ailleurs, la distinction entre villageois et parèques
s’obscurcit à partir du XIe siècle, lorsque, progressivement, des villages entiers
furent transformés en domaines, sans que la condition économique des habi-
tants en fût apparemment détériorée, puisqu’on voit au contraire à cette
époque la société rurale s’affermir. C’est pourquoi, s’il s’agit d’examiner les
conditions de la production agricole, il semble légitime de considérer que,
sinon le monde paysan dans son ensemble, du moins celui des exploitants
formait une unité, quelle que fût la diversité du statut des agriculteurs. Or le
rôle de l’exploitation paysanne était prépondérant dans la production agri-
cole, même sur les domaines, comme l’a montré N. Svoronos [561].

Le mode de fair e-va l oi r des domai n es


Il semble que l’exploitation du domaine soit souvent devenue indirecte
dès le IXe siècle. Le propriétaire du domaine résidait souvent en ville. Il dis-
posait sur ses terres d’une maison de maître, où logeait son intendant ; elle
était souvent le centre d’une exploitation agricole gérée directement. La
maison de maître est assez bien connue grâce aux descriptions qui figurent
dans plusieurs documents de la fin du XIe siècle et du début du suivant
[Magdalino, 633 ; Giros, 539].
L’exploitation directe était effectuée par un personnel propre et, dès le
XIe siècle au moins, grâce aux services dus par les paysans installés sur le
domaine. Les mentions d’esclaves et de salariés sur le domaine suggèrent
l’existence d’une exploitation agricole directe importante aux époques les
plus hautes. Au Xe siècle ou plus tard, le Traité fiscal, p. 115, mentionne sur
le domaine la présence d’esclaves, de salariés « et d’autres », mais sans indi-
quer l’emploi de chacune de ces catégories de travailleurs. Cette mention et
Économie et société rurales 225

d’autres textes suggèrent le rôle important dans l’économie domaniale des


esclaves ruraux, qui a pu se maintenir depuis le VIIe siècle, et que la recon-
quête byzantine a sûrement accru ; mais on ne peut guère préciser leur
fonction. Les esclaves sont encore cités à l’occasion de leur affranchissement
au XIe siècle et ils disparaissent des sources après le XIIe. Par ailleurs, des
salariés sont mentionnés sur les domaines de façon continue depuis le
VIIe siècle et jusqu’à la fin de l’époque byzantine, mais ils ne semblent pas
avoir joué un rôle décisif dans la production agricole. Au total, on a
l’impression que la régie directe du domaine a requis de moins en moins de
bras. À partir du Xe siècle, les attestations de l’exploitation agricole directe
propre au domaine suggèrent en effet que celle-ci était modeste.

L’exploitation paysan n e
On peut estimer que la plus grande partie des terres arables, dans le
cadre du domaine ou dans celui du village, était mise en culture au sein
d’exploitations paysannes tenues par le chef de famille aidé de sa femme et
de ses enfants, qui formaient un feu. Les maisons paysannes (sur les maisons
byzantines, cf. Bouras, 532 ; Ellys, 535) ne sont systématiquement mention-
nées qu’au XIVe siècle par les rédacteurs de certains actes fiscaux. Aussi
bien dans le village que sur le domaine, ces maisons étaient parfois rudi-
mentaires, en particulier dans le cas des pasteurs.
L’exploitation paysanne, telle qu’on la connaît à travers les documents
fiscaux entre le XIe et le XIVe siècle, comportait en moyenne non pas un
attelage comme on l’a parfois admis [Kaplan, 545, p. 195, 500], mais plu-
tôt un seul bœuf. C’était par exemple le cas au début du XIIe siècle à Rado-
libos [Iviron II, no 51]. À ce bœuf du paysan moyen, il faut ajouter – du
moins au début du XIVe siècle dans la région de Thessalonique – six têtes
de bétail. Ces données suggèrent que les exploitations paysannes compor-
taient toutes un cheptel dont l’importance n’est pas négligeable, aussi bien
pour l’alimentation que pour les capacités de fumure. Les paysans n’avaient
pas le monopole de l’apiculture, mais il semble que cette activité, à coup
sûr source de profit puisque le miel était la seule source de sucre et la cire
la principale source d’éclairage, ait été plus répandue dans les petites
exploitations que dans les grandes.
La superficie des exploitations paysannes était proportionnée à la force
de travail ; dans les régions céréalières, elle a peut-être souvent oscillé autour
de 4 à 5 ha dans le cas des boïdatoi, qui ne disposaient que d’un bœuf, et de 8
à 10 ha dans celui des zeugaratoi, qui détenaient un attelage. Mais elle pouvait
être plus réduite, principalement pour deux raisons, qui ne s’excluent pas :
a) certaines exploitations, orientées davantage vers l’élevage, vers la viticul-
ture ou d’autres activités, n’accordaient à la céréaliculture qu’une superficie
226 Les fondements de la civilisation byzantine

minimum, qui permettait seulement d’assurer la subsistance du feu et de ver-


ser les redevances ; b) la pression démographique a également pu conduire à
une diminution de la taille de l’exploitation, comme A. Harvey l’a noté en
étudiant le Cadastre de Thèbes [Harvey, 488, p. 63].
Peut-être parce qu’elle constitue la plus petite unité économique possible
et que cette unité était solide en raison de son caractère familial,
l’exploitation paysanne s’est adaptée à des conditions qui n’ont cessé de
changer, mais aussi, quoi qu’on en ait dit, souvent de s’améliorer. Ce qui
importe ici, c’est que dans certaines régions aux XIe et XIIe siècles, les exploi-
tations paysannes aient été parfois exiguës. Car cela suggère des pratiques
agricoles plus diversifiées ou plus productives que celles qu’on a supposées.

LES FORMES DE LA MISE EN VALEUR

Les produits : les plantes cultivées et le bétail.


Les arbres fruitiers avaient une importance économique pour
l’alimentation et le bois qu’ils fournissaient, mais aussi parce que, près des
villes, le commerce des fruits était lucratif [Kaplan, 545, p. 36]. Dans les
régions où le climat était favorable, la diversité des arbres cultivés était
grande : en Macédoine au début du XIVe siècle, dix espèces sont mentionnées
sur les tenures. Les oliviers, dont la culture est attestée par exemple en Syrie
et en Palestine au VIIe siècle, étaient peu nombreux en Chalcidique à la fin
de l’époque étudiée ; ils étaient toujours situés près de la mer, en raison du
froid hivernal. Au XIIe siècle, l’oléiculture se développe en Pouille, en Capita-
nate, en Campanie [Lefort-Martin, 496, p. 18-19]. À partir du Xe siècle, des
informations souvent relatives à la consommation ou au commerce de l’huile
montrent que l’olivier était largement cultivé dans le Péloponnèse, dans les
îles de la mer Égée, sur les côtes de l’Asie Mineure et en Bithynie [Hendy,
651 ; Harvey, 488, p. 145-147]. Le châtaignier était cultivé dès le IXe siècle
en Italie du Sud, sur la façade tyrrhénienne. En Macédoine, les paysans
récoltaient des châtaignes dans la forêt au Xe siècle, et ils cultivaient des châ-
taigniers au début du XIVe [Lefort-Martin, 496, p. 19]. Le mûrier blanc, que
l’on plantait pour donner en pâture ses feuilles aux vers à soie, pouvait être
cultivé sur une grande partie du territoire de l’Empire. Le développement de
cette culture est vraisemblable dans le Péloponnèse depuis le IXe siècle
[Jacoby, 542, p. 454], attestée en Calabre au XIe [Guillou, 540], certaine en
Béotie aux XIe et XIIe siècles, en Thessalie au XIIe [Jacoby, 542, p. 470-472].
La vigne, omniprésente, était probablement la culture qui pouvait procu-
rer le plus de revenus monétaires [Hendy, 651, p. 139-141], mais la com-
mercialisation des raisins et du vin a dû connaître des hauts et des bas,
Économie et société rurales 227

puisque tous les noms de cépages antiques ont disparu au Moyen Âge, de
même sans doute que la notion de cépage. Des vins qualifiés par leur origine
géographique sont de nouveau attestés au Xe siècle ; au XIIe siècle, le Ptocho-
prodrome cite, parmi les vins consommés à Constantinople, ceux de Varna
en Bulgarie, du Ganos en Thrace, de Lesbos, de Chios, de Samos et de
Crète [Ptochoprodrome, IV, p. 139-175] ; et Michel Chôniatès, entre autres,
ceux d’Eubée, de Chios et de Rhodes [Michel Chôniatès, p. 83]. La vigne
était plus particulièrement cultivée dans certains secteurs de Bulgarie, en
Bithynie, dans les îles de l’Égée et sur les côtes de l’Anatolie [Hendy, 651].
Au Xe siècle, sans doute en raison de l’altitude (1 150 m), le blé ne
venait pas à Synada en Phrygie [Hendy, 651, p. 139-140], bien qu’il soit
aujourd’hui cultivé dans cette région, sans doute à la suite de la sélection
récente de variétés plus résistantes. Importante est pour l’économie rurale la
mention de blés de printemps, qui étaient souvent semés lorsque le blé
d’hiver n’avait rien ou peu donné, et qui pouvaient intervenir dans la rota-
tion des cultures : ils étaient semés en février ou en mars, là où le climat le
permettait. L’existence du blé de printemps est attestée au début du
XIIe siècle dans le Synodikon géorgien du monastère d’Iviron [Iviron II, p. 4].
Ce qu’on sait, en particulier par les allusions au commerce ou au transport
des grains, sur les régions plus particulièrement productrices de blé, ou de
céréales en général, montre qu’elles étaient souvent proches de la mer : la
Thessalie, la Macédoine, la Thrace, les côtes de l’Asie Mineure [Teall, 562,
p. 117-128 ; Hendy, 561, p. 46, 49-50]. L’orge, panifiable comme une
grande partie des blés, venait partout, parce qu’elle est plus rustique. Le
millet, lui aussi consommable, est une céréale de printemps ; il est men-
tionné dans divers textes aux XIe et XIIe siècles. On retiendra que la culture
de deux céréales s’est répandue au Moyen Âge, le seigle et l’avoine. Le
seigle, inconnu dans l’Antiquité grecque, absent des Géoponiques, a été cultivé
en Occident dès le début du Moyen Âge [Ruas, 558], et il l’était au
XIIIe siècle en Chalcidique [Xèropotamou, no 9] ; on en faisait du pain.
L’avoine, simple mauvaise herbe dans l’Antiquité grecque, mais déjà
consommée sous forme de fourrage par les moutons des Géoponiques, était
cultivée pour le grain au XIe siècle d’après les listes d’exemptions
[cf. Lavra I, no 48]. L’avoine était sans doute réservée aux animaux, notam-
ment pour nourrir les chevaux de l’armée.
Les légumineuses cultivées semblent être dans l’ensemble les mêmes que
dans les Géoponiques (lentilles, fèves, pois chiches, etc.). Elles étaient cultivées
dans les jardins, mais certaines d’entre elles au moins l’étaient en plein
champ, et elles contribuaient à la régénération des sols (cf. ci-dessous).
Les légumes étaient variés, du moins dans les banlieues maraîchères des
grandes villes. À partir du livre XII des Géoponiques, en particulier du cha-
pitre 1, qui expose ce qu’on semait « sous le climat de Constantinople »,
228 Les fondements de la civilisation byzantine

mais en puisant à bien d’autres sources, J. Koder énumère presque une


centaine de légumes qui ont été cultivés dans l’Empire byzantin
[Koder, 547].
Certaines plantes basses étaient cultivées pour un usage industriel, sur-
tout textile. Le lin, dont l’achat à prix imposé est mentionné au XIe siècle
dans les listes d’exemptions, était produit en Macédoine, peut-être en Bul-
garie, en Asie Mineure, en Pouille et en Calabre ; on en tirait aussi de
l’huile. La culture du chanvre était pratiquée en Campanie plus qu’en
Pouille, et elle l’était en Chalcidique au XIVe siècle. À l’époque considérée,
le coton était cultivé en Crète, et sans doute à Chypre.
Aux animaux auxquels on pense, il faut ajouter les chameaux, cités par
exemple dans une novelle de Nicéphore Phocas parmi les richesses exces-
sives acquises par certains monastères, sans doute en Asie Mineure [Svoro-
nos, 86, p. 157]. L’importance numérique de chaque espèce était variable
selon les régions, les ovins étant sans doute les plus nombreux.

Les techn iqu es agr air es et l a pr odu ct i on


Les cultures occupaient un espace restreint, localisé principalement sur
les terrasses fluviales, dans la zone des collines qui s’étendent entre les ver-
sants et les plaines alors mal drainées, du moins là où ce type de relief pré-
domine. Cet espace agricole fut longtemps suffisant ; il s’est accru lorsque
cela a été nécessaire, au prix d’efforts importants de défrichement. Ces
efforts furent faits, et l’Empire n’eut jamais à importer de denrées alimen-
taires. Au contraire, il en exportait au XIIe siècle [Kazhdan, 546, p. 120].
Bien que les jardins ne soient pas toujours mentionnés, même dans les
descriptions les plus précises de la propriété paysanne, on peut supposer
que la plupart des exploitations en comportaient un, les légumes étant
indispensables à l’alimentation de la famille. La superficie des jardins recen-
sés – 375 m2 en moyenne dans plusieurs villages de Macédoine d’après les
documents fiscaux du début du XIVe siècle – était suffisante. Le jardin était
souvent situé près de la maison pour des raisons évidentes : c’est la parcelle
qui requérait la plus grande quantité de travail et de fumure, et, les maisons
étant généralement situées à proximité d’un point d’eau, il pouvait être
arrosé. D’autres localisations, parfois éloignées de l’habitat, sont précisé-
ment liées aux possibilités d’irrigation, en particulier le long des canaux de
dérivation qui conduisaient l’eau des ruisseaux vers les moulins. Par ailleurs,
les grandes villes étaient entourées d’une banlieue maraîchère : c’est le cas
de Constantinople, mais aussi de Thessalonique. Les parcelles, qui apparte-
naient souvent à des puissants, étaient dans ce cas cultivées par des jardi-
niers locataires.
Économie et société rurales 229

Les prés étaient sans doute moins rares sur les domaines que dans les
exploitations paysannes. Parcelles de grande valeur, que le fisc classait
presque toujours en terre « de première qualité », ils pouvaient être assez
vastes.
Les parcelles cultivées en vigne étaient en général petites, de l’ordre de
1 000 m2. Elles étaient en majorité aux mains des petits exploitants. Au
début du XIVe siècle dans certains villages de Macédoine, les paysans possé-
daient en moyenne 0,25 ha de vigne. La viticulture jouait un rôle non
négligeable dans l’économie paysanne. La production est inconnue ; on a
émis l’hypothèse qu’elle pouvait atteindre 25 hl à l’hectare en Chalcidique
[Papaggélos, 557, p. 224], ce qui n’est peut-être pas invraisemblable, bien
que la seule donnée, indirecte, que nous ayons suggère dans la même
région un rendement deux fois moins élevé [Iviron II, no 42]. Quoi qu’il en
soit, un vigneron qui cultivait plus de 0,25 ha de vigne produisait plus de
vin que ce qui était nécessaire à la consommation du feu.
Les champs étaient en général constitués de parcelles rectangulaires, de
forme ramassée [Lefort, 494] et ils étaient souvent situés dans un paysage
ouvert ; mais leur superficie était très variable. Les données suggèrent
l’existence à certains endroits d’un parcellaire aux mailles d’autant plus
serrées que l’occupation du sol était ancienne, les partages successoraux
aboutissant à diviser certains champs ; ailleurs, là où le parcellaire était
beaucoup plus lâche, il faudrait pouvoir faire la part de conditions géogra-
phiques ou historiques qui le plus souvent nous échappent. Après la mois-
son et avant les labours, les champs étaient mis en pâture [Code rural,
§ 27 ; Iviron I, no 9], ce qui les fumait. Les rendements augmentaient lente-
ment du fait de la sélection des semences, qui est attestée chez les agrono-
mes latins et dans les Géoponiques, auxquels Psellos [527, p. 247] emprunte
les conseils qu’il donne à ce sujet. Il n’y a aucune raison de penser que les
paysans byzantins ne choisissaient pas eux aussi leurs semences et, de toute
façon, la sélection se fait pour une part automatiquement. Les rendements
obtenus pouvaient de plus se maintenir et même s’accroître lorsque la terre
laissée en jachère était cultivée en légumineuses, certaines d’entre elles aug-
mentant sa fertilité, ce que les auteurs anciens signalent déjà [Pline, HN,
XVIII, 50 ; Géoponiques, II, 12, 2]. Nous n’avons que peu d’informations sur
le mode de culture des céréales à Byzance. Il est vraisemblable qu’à la fin
de l’époque considérée, au nord de la mer Égée, en Macédoine en tout cas,
la jachère biennale était courante ; elle est certaine en Chalcidique au
XIIIe siècle [Lefort, 550, p. 368, 370]. La rotation des cultures : blé/légumi-
neuses ou blé/orge de printemps, le second ensemencement étant pris sur
la jachère, est d’ailleurs ancienne ; elle est mentionnée dans les Géoponiques
[II, 12, 2 ; III, 3, 12 ; III, 6-7]. Or les textes et l’archéologie laissent deviner
l’importance des légumineuses et leur rôle dans le système de culture. La
230 Les fondements de la civilisation byzantine

mention de l’achat à prix fixé de légumes secs dans les listes d’exemptions
du XIe siècle [par ex. Lavra I, no 48] suggère que ceux-ci n’étaient pas seule-
ment un produit du jardin réservé à l’alimentation de la famille comme on
l’a dit, mais qu’ils intervenaient dans le cycle de la céréaliculture. Il en était
ainsi dans le Latium au milieu du Xe siècle [Toubert, 565, p. 248]. Dans la
Pouille, l’introduction des légumineuses dans la rotation des cultures semble
dater seulement du début du XIIe siècle [Martin, 1215, p. 336]. Ces faits
révèlent l’existence de pratiques qui étaient connues depuis longtemps.
Dans l’ensemble, nous avons affaire à une agriculture certes tradition-
nelle, mais qui avait par elle-même, jusqu’à un certain point, la faculté de
s’améliorer. Le défrichement étant une tout autre affaire, il y a lieu de pen-
ser qu’on ne s’y décidait qu’après avoir épuisé les possibilités d’améliora-
tion, lorsque l’exploitation la plus intensive possible des champs disponibles
ne suffisait plus.
Nous n’avons pas d’informations directes sur le rendement en céréales ;
en aurions-nous qu’il faudrait rappeler leurs grandes variations interannuel-
les. En Grèce en 1921, le rendement du blé était en moyenne de 6,6 q à
l’hectare. Celui de l’orge était un peu plus élevé : 7,1 q à l’hectare [Jardé,
544, p. 203-205]. Tels sont les ordres de grandeur que l’agriculture byzan-
tine n’a sûrement pas dépassés, ni peut-être atteints sauf par exception. Au
XIIIe siècle, il semble qu’on puisse déduire d’un acte que le rendement de
l’orge était en Chalcidique d’environ 5,4 q à l’hectare [Lefort, 550, p. 369].
Pour Radolibos au début du XIIe siècle, des calculs suggèrent que le rende-
ment minimum des céréales était d’environ 5,3 q à l’hectare, ce qui repré-
sente, en gros, un rapport de quatre grains récoltés pour un semé [Lefort,
494, p. 222]. Le peu que l’on sait sur la céréaliculture byzantine, qui
s’effectuait, rappelons-le, dans le cadre de la petite exploitation – les
champs labourés à l’araire, l’existence vraisemblable d’une jachère biennale
et de cultures dérobées, l’introduction de plantes nouvelles –, suggère que
les pratiques agricoles médiévales n’étaient pas moins élaborées que celles
de l’époque protobyzantine. D’après ce qu’on vient de voir, il semble que,
dans les régions les plus fertiles, des rendements moyens un peu supérieurs
à 5 q à l’hectare soient plausibles au XIIe siècle.
L’image qu’on nous a présentée d’une céréaliculture extensive occupant
d’immenses espaces, routinière et peu productive, a joué un rôle important
dans les représentations qu’on s’est faites de l’économie byzantine ; on a
même suggéré que le sort de Byzance aurait dépendu des piètres perfor-
mances de ses agriculteurs [Kaplan, 545, p. 24, 56, 61, 66, 86, 87]. Cette
image mérite d’être revue. Le système de culture qu’on vient de décrire
avait en tout cas par lui-même la faculté de devenir plus productif et de
s’adapter à une demande plus forte.
Économie et société rurales 231

L’exploitation des z on es i n cu l t es

Les espaces incultes, souvent boisés sauf sur le plateau anatolien, étaient
partout immenses et ils constituaient une richesse potentielle. Des forma-
tions végétales intermédiaires entre la forêt et le pâturage de plaine ou
d’altitude, le maquis et la garrigue, occupaient déjà, dans certaines régions,
des étendues importantes ; elles aussi avaient une valeur économique.
Forêts et pâturages appartenaient à l’État, aux détenteurs de domaines, et,
au début du moins de l’époque considérée, aux villageois.
A. Dunn a consacré une étude à la forêt et à ses formes arbustives
dégradées, aux produits qu’on en tirait et à leur exploitation [Dunn, 534].
Parmi les arbres, on peut souligner le rôle prédominant des chênes, utilisés
principalement comme bois de charpente. La résine des conifères servait à
fabriquer la poix, indispensable à la construction des navires, à l’apprêt des
amphores et à la tonnellerie. Tout arbre pouvait sans doute procurer du
bois de chauffe, et les moins beaux servaient à la fabrication du charbon de
bois. Certaines régions, surtout maritimes, étaient davantage exploitées, en
particulier pour le bois de charpente : la Crète, Chypre, la Syrie levantine
et le Taurus, la Macédoine, peut-être le nord-est de l’Asie Mineure et la
côte albanaise [Dunn, 534, p. 258-261].
L’État ou les détenteurs de domaines qui avaient hérité de ses préroga-
tives fiscales prélevaient des droits en nature sur la chasse et sur la pêche.
G. Dagron a récemment décrit les techniques de la pêche, les aménage-
ments auxquels elle donnait lieu depuis longtemps, les prélèvements, impôt
et éventuellement loyer, qui lui étaient liés, et les modalités de sa commer-
cialisation à Constantinople [Dagron, 622].
Le bétail possédé par les petits exploitants ne suffisait évidemment pas :
les cavaliers et le train de l’armée, la boucherie, les produits laitiers, le par-
chemin, l’artisanat du cuir et de la laine représentaient une demande
importante. Seul l’élevage en grand sur les pâturages de l’État, des villages
puis des domaines a pu y répondre. On connaît mal l’organisation de
l’élevage en Asie Mineure, où pourtant il a joué un rôle déterminant. Il y
était souvent pratiqué sur de vastes domaines dont beaucoup, concédés par
l’empereur ou acquis d’une autre façon, appartenaient dès le IXe siècle aux
plus grandes familles. L’État lui-même élevait sur ses domaines anatoliens
chevaux et bêtes de somme pour l’armée. On connaît aussi le rôle de la
Bithynie dans l’élevage, en particulier pour l’alimentation de la capitale en
animaux de boucherie au Xe siècle [Livre du préfet, 15, 3]. Dans les Balkans
également, de nombreux secteurs incultes étaient consacrés à l’élevage, sur-
tout au nord, mais également dans le Péloponnèse. Après la perte du pla-
teau anatolien au XIe siècle, le rôle des Balkans dans l’élevage devint déter-
232 Les fondements de la civilisation byzantine

minant. Dans certains cas du moins, l’aspect spéculatif de l’élevage


aristocratique y est assez clair : il ne se limitait pas en effet à celui des che-
vaux de monte, et la quantité du cheptel outrepassait les besoins privés, si
grands puissent-ils avoir été [Harvey, 488, p. 153].
Nous avons peu d’informations sur le mode d’exploitation et sur le mode
de faire-valoir des pâturages. Estives d’une part, pâturages d’hiver au creux
des dépressions d’autre part, étaient depuis longtemps utilisés, mais on a
l’impression que c’est seulement au XIe siècle qu’ils commencèrent à former
un système d’exploitation, lié à la transhumance des troupeaux et souvent au
nomadisme des pasteurs [Harvey, 488, p. 156-157]. Dans les Balkans, dès le
e
XI siècle, la transhumance était en particulier liée au semi-nomadisme d’une
population spécialisée dans l’élevage et parfois peu soumise, les Valaques
[Gyoni, 541]. Ces derniers élevaient surtout des moutons.
Il est clair que l’économie rurale du VIIe siècle était, dans bien des
régions, différente, plus segmentée et moins prospère que celle du XIIe siècle.
Mais on a vu que la polyculture et d’une façon générale les techniques agrai-
res, qui étaient adaptées à la fois aux conditions locales et à la petite exploita-
tion, permettaient un développement de la production.

LES FACTEURS DU DÉVELOPPEMENT

L’ESSOR DÉMOGRAPHIQUE ET L’AUGMENTATION


DE LA DEMANDE

L’effet de l’au gmen tat i on de l a popu l at i on


à par tir du I X e siècl e

Sur l’évolution démographique de l’Empire, voir plus haut le cha-


pitre IX. On a souvent vu dans les désertions de terres ou d’habitats la
preuve d’un déclin, alors qu’elles s’expliquent souvent par la précarité de la
condition paysanne et qu’elles étaient parfois très provisoires. Les nombreu-
ses terres abandonnées recensées par le fisc ont été longtemps interprétées
comme des indices de la rareté permanente ou toujours accrue des hom-
mes, alors qu’ils ne traduisent, parfois du moins, que des pratiques visant à
gérer au mieux l’occupation des terres [Bartusis, 530]. Comme les terres en
déshérence redistribuées par la commune du Code rural [Lemerle, 553,
p. 42-45], les terres abandonnées témoignent avant tout des aléas de la vie :
il arrivait que des paysans meurent sans laisser d’héritier ou qu’ils s’en ail-
Économie et société rurales 233

lent, pour une raison quelconque. Ces situations, qui n’étaient pas rares,
exigeaient naturellement une législation, entraînaient des enregistrements,
nécessitaient des décisions pour réattribuer les terres. Ces faits tiennent une
grande place dans les documents juridiques et fiscaux, mais il paraît inap-
proprié d’en donner une interprétation démographique. Quant aux aban-
dons définitifs d’habitats avant le milieu du XIVe siècle, c’est sans doute seu-
lement une documentation insuffisante qui a permis d’en suspecter la
présence en Macédoine. En Chalcidique occidentale du moins, ils ont été
rares [Lefort, 495, p. 79]. L’essor démographique à partir du IXe siècle, qui
paraît certain, modifie profondément l’image qu’on peut se faire de
l’économie byzantine.
Une population qui s’accroît implique – une fois épuisées les ressources
supplémentaires que permettaient la mise en œuvre des meilleures techni-
ques agraires dans ce milieu géographique – l’augmentation de la superficie
cultivée, et l’extension des cultures peut à la longue rendre nécessaire un
déplacement des zones de pâtures et un recul de la forêt. Or en Macédoine
tous ces faits sont attestés et ils ont revêtu une ampleur suffisante pour être
lisibles dans la succession des documents entre le XIe siècle et le XIVe. La
multiplication du nombre des champs a entraîné à certains endroits, avant
le XIVe siècle, la formation de terroirs céréaliers qui franchirent la limite des
domaines, éliminant ce qui restait de la végétation naturelle [Bellier et al.,
531, p. 109-112]. En Chalcidique occidentale, les textes, la céramique
trouvée au sol et des données géographiques suggèrent aussi une plus
grande extension des cultures au XIVe siècle qu’au début du XIIe ou même
qu’à l’époque protobyzantine. L’augmentation de la superficie cultivée a
restreint l’espace occupé au bas des versants par la pâture et la forêt, et elle
semble avoir imposé dès le XIe siècle l’usage systématique des estives. Enfin,
en Macédoine, le recul de la forêt que l’exploitation des versants a entraîné
entre le XIe et le XIVe siècle est suggéré par les documents [Bellier et al., 531,
p. 110-111, 114]. Le témoignage des archives de l’Athos est confirmé par
les enquêtes palynologiques ou archéologiques recensées par Dunn, qui
indiquent un recul de la forêt en Macédoine occidentale à partir de 850, ou
vers l’an mil sur un autre site, en Thessalie vers 900, en Lycie avant l’an
mil, en Macédoine orientale, en Thrace et en Argolide à des dates anté-
rieures au XIVe siècle [Dunn, 534, p. 244-246].

L’accr oissemen t de la de man de à par t i r du Xe si ècl e


L’essor démographique a bien sûr été le principal facteur du développe-
ment de l’économie rurale, qui devait subvenir, bon an mal an, à la subsis-
tance des paysans. Mais l’effet mécanique de l’augmentation de la popula-
234 Les fondements de la civilisation byzantine

tion a été amplifié par la demande venue du nombre croissant de ceux qui
ne produisaient pas, ou qui produisaient peu. Les besoins accrus d’une
armée qui s’est révélée à la longue plus efficace en utilisant mieux la cava-
lerie, le développement des monastères, celui des villes et de l’adminis-
tration, l’émergence d’une aristocratie de plus en plus nombreuse, qui vivait
fastueusement à l’imitation de la Cour, elle-même plus nombreuse, enfin les
exportations, attestées dès le XIe siècle, impliquaient que la production agri-
cole assure aussi la consommation de tous ceux qui n’étaient pas paysans, et
dont une partie au moins avait des exigences bien supérieures pour se
loger, se nourrir et se vêtir [Harvey, 488, p. 163-197]. On doit souligner
l’importance que les changements évoqués ont revêtue pour l’économie
rurale.

L’exten sion des cu ltur es. Ses modal i t és


Les textes mentionnent rarement les défrichements de façon explicite.
Dans le cadre du village, ils sont, par exemple, évoqués dans le Code rural
[§ 17 et 20]. L’étude du cadastre de Radolibos montre aussi qu’avant le
début du XIIe siècle on avait commencé à défricher certains secteurs moins
favorables du territoire, qui étaient peut-être encore en partie boisés, en y
ouvrant des champs de petite dimension [Lefort, 494, p. 215]. En 1059,
Eustathe Boïlas indique dans son testament qu’il a fait défricher, en Ana-
tolie orientale, un domaine couvert de bois impénétrables, pour y faire des
prés, des vergers, des vignes et des jardins [Lemerle, 631, p. 22], le travail
ayant été effectué par ses esclaves ou par ses parèques.
L’extension des cultures s’est faite soit autour d’un habitat préexistant,
soit au contraire dans un endroit isolé ; elle s’accompagnait alors de la créa-
tion d’un hameau. Dans le premier cas, elle a laissé peu de traces dans les
sources. Lorsque les défrichements étaient liés à la fondation d’un hameau
ou d’une ferme isolée, ils apparaissent mieux dans les textes, souvent sous le
nom d’agridion, qui évoque un petit domaine. L’auteur du Traité fiscal, com-
mentant ce terme, expose certaines des raisons pour lesquelles l’habitat peut
essaimer, dans un contexte qui est visiblement celui d’un essor démogra-
phique ; il évoque à ce sujet la « mise en valeur » et les « améliorations »
qui en résultent, ce qui implique en particulier des défrichements [Traité fis-
cal, p. 115]. Dans ce texte, la mise en valeur des confins s’effectue dans le
cadre social du village groupé, qui apparaît comme l’habitat originel.
En Macédoine, grâce aux archives de l’Athos, nous sommes assez bien
informés sur la fondation de petits domaines situés aux marges des terri-
toires villageois. Fondés par des moines ou par des laïcs, ils sont attestés dès
le IXe siècle. Il est probable que la décision prise par l’État au début du
Économie et société rurales 235

Xe siècle de vendre dans certains cas la terre villageoise tombée en déshé-


rence a facilité la constitution de nouveaux domaines ; on sait que plusieurs
d’entre eux, qui furent évidemment mis en valeur, ont cette origine. Le plus
souvent, on ne peut qu’enregistrer la date d’apparition de ces nouveaux
habitats dans les documents. Une enquête, restée incomplète, dans les
archives de l’Athos permet d’en citer une douzaine créés avant l’an mil,
une quinzaine avant 1100, peu au XIIe siècle en raison de la rareté des
documents, mais une quinzaine encore au XIIIe siècle et plus d’une dizaine
entre 1300 et 1350. On a donc affaire à un phénomène continu, qui a
modifié considérablement l’occupation du sol. Ces domaines n’étaient pas
très étendus, peut-être faisaient-ils en général de 100 à 200 ha ; ils ne dispo-
saient en général d’aucune réserve de forêt ni même de pâture, et avaient
une vocation surtout céréalière. Ils comportaient, outre la maison de
maître, un hameau de parèques, en général modeste, de 10 à 20 feux au
début du XIVe siècle. En Bithynie, des travaux d’hydraulique probablement
antérieurs au XIe siècle ont été effectués pour abaisser le niveau du lac de
Nicée et augmenter ainsi la superficie cultivable [Geyer-Lefort, 1021]. L’ex-
tension des cultures paraît être un phénomène général en Méditerranée
orientale à cette époque.

LE RÔLE DE LA STRUCTURE VILLAGEOISE

Il semble que le village, comme habitat et comme structure sociale, ait


joué jusqu’au Xe siècle un rôle prédominant dans une économie rurale
caractérisée à la fois par une faible demande et une faible monétarisation,
sauf peut-être aux abords de Constantinople.

Le village comme habitat


Le Traité fiscal (p. 115) envisage l’existence d’un habitat rural dispersé. On
ne connaît que peu d’exemples d’une telle dispersion de l’habitat, que le
même texte oppose au chôrion, défini par le groupement. On suppose généra-
lement que l’habitat groupé et ouvert était de règle à la campagne ; c’était le
cas par exemple en Syrie du Nord au VIIe siècle, en Macédoine au Xe siècle et
dans la Pouille byzantine. Aux IXe-Xe siècles, il semble que le village comme
habitat groupé et son territoire aient en général constitué la forme d’habitat
et d’occupation du sol prédominante. En Bithynie, les vies de saints et
d’autres textes montrent que le village était la forme usuelle de l’habitat
rural. On devine la même structure dans le Taurus du Xe siècle, à travers le
236 Les fondements de la civilisation byzantine

Traité sur la guérilla de Nicéphore Phocas (p. 228). En Pouille, le réseau des vil-
lages était dense autour de Bari, et certains des loci étaient très peuplés au
début du XIe siècle déjà [Martin, 1215, p. 268-269]. Il en allait de même en
Macédoine, où les délimitations contenues dans les documents fiscaux per-
mettent de cartographier les territoires villageois. En Chalcidique occiden-
tale, on trouvait un village tous les 4 ou 5 km, leur territoire comptant sou-
vent 20 km2. Nous n’avons pas d’information sur la population de ces
villages, qui devait être très variable. Au XIVe siècle en Macédoine, ils com-
portaient peut-être 70 feux en moyenne, mais ils étaient auparavant moins
peuplés. Là où l’existence d’un réseau de villages est établie à l’époque proto-
byzantine, on peut sans doute supposer avec J. Haldon, malgré les troubles
des VIIe-VIIIe siècles, une continuité de l’habitat [Haldon, 126, p. 136].
Dans tout le monde méditerranéen, en Italie du Sud, en Grèce, dans la
mer Égée et au sud-est de l’Asie Mineure en particulier, les textes et
l’archéologie révèlent l’existence d’enceintes qui semblent souvent associées
à des villages. Au Xe siècle, le Traité sur la guérilla (p. 228-229) montre quelle
pouvait être la fonction de ces enceintes : en cas de menace arabe, l’armée
aidait les villageois à se replier sur un site naturellement défendu ou dans
un refuge fortifié avec leur famille, leur bétail, leurs biens meubles et quatre
mois de vivres. La dualité de l’habitat paysan qui est ainsi suggérée, en
temps de paix l’habitat permanent du village, groupé ou non, et le refuge
en temps de guerre, n’est sûrement pas générale, mais elle paraît avoir été
fréquente ; et elle n’a pu que renforcer la structure sociale que formait le
village. En Calabre et en Macédoine, les enceintes qui ont été repérées lors
de prospections sont vastes, toujours en position élevée, souvent invisibles
depuis la plaine, et elles dominent fréquemment les villages médiévaux.
La plupart de ces abris semblent avoir été édifiés ou du moins occupés
aux VIe-VIIe siècles. Ces refuges, qu’ils aient été ou non temporaires, ont dû
contribuer à renforcer ou à créer, à travers d’évidentes discontinuités
sociales, le réseau des villages byzantins.

Fon ction écon omiqu e du vi l l age,


con sidér é comme str uct u r e soci al e
Le village a été une institution adaptée à une époque où, en raison de
l’insécurité et de la faible pression démographique, la terre était peu
exploitée. Il a été un organisme d’autodéfense de la population rurale, sur
lequel l’État s’est appuyé pour reconquérir le territoire et prélever l’impôt,
autant qu’une structure orientée vers la production des biens ; mais, du VIIe
au Xe siècle, il a contribué à maintenir la continuité des exploitations et
celle de l’économie rurale.
Économie et société rurales 237

La commu n e villageoise

Bien que nos informations soient peu sûres, il est probable que, dès le
e
VII siècle, la plus grande part de la production agricole a été assurée dans les
villages, plus que dans les domaines, et que le village est le milieu dans lequel
l’économie rurale a lentement repris. Le village n’était pas seulement la
somme des exploitations qui le composaient. C’était aussi une communauté
ou une commune (koinotès tou chôriou), qui administrait un territoire souvent
très vaste. Le village était un milieu social dans lequel des intérêts communs
existaient. Les limites du territoire villageois étaient marquées sur le terrain
par des bornes, et elles étaient décrites dans des délimitations établies par les
services du fisc, comme à l’époque romaine ; la plus ancienne délimitation
conservée date du début du Xe siècle [Iviron I, no 9]. La partie inculte du terri-
toire qui n’était pas appropriée était le bien collectif des villageois ; des « ter-
rains communs » et l’usage commun de terrains incultes sont mentionnés
aussi bien dans le Code rural (§ 81) que dans certains documents [Iviron I, no 5].
La défense des droits du village contre les initiatives des voisins faisait de la
commune, en fait sinon en droit, une personne morale, et, par ailleurs, la
nécessité de gérer le territoire impliquait un minimum d’organisation. Il y
avait dans les villages de Galatie et de Paphlagonie aux VII-IXe siècles une
élite représentative, les « premiers » du village, que l’on retrouve au
e
XII siècle en Macédoine dans un cadre domanial. Le village, en tant que
commune, détenait des terres. Il s’agit souvent de parcelles en déshérence
destinées à être attribuées à nouveau à un villageois pour répondre aux exi-
gences fiscales ; cependant, la commune pouvait aussi vendre ou acquérir des
terres. Par ailleurs, elle intentait des procès. Il arrivait aussi, selon le Code rural
(§ 81) que la commune fût en charge de moulins ; et il y avait en effet sur le
territoire de Dobrobikeia vers le début du XIe siècle un moulin pour lequel
l’impôt était dû par la commune du village [Iviron I, no 30]. Ces faits suppo-
sent une concertation et une organisation, mais on ne peut guère préciser les
formes d’un pouvoir communal qui a cependant dû exister. Les pratiques
communales ont joué un rôle économique, qui était sans doute limité, mais
qui fut important à une époque où l’insécurité était grande. À cet égard, le
village, certes dans une moindre mesure que par la suite le domaine, a été un
organisme de gestion de l’économie rurale.

La commu n e et l’État
Du point de vue de l’État, la commune était avant tout un ressort fiscal,
sur lequel l’administration s’est appuyée pour prélever l’impôt lorsque le
238 Les fondements de la civilisation byzantine

cadre des cités fit défaut. De plus, l’État étant resté fidèle au principe, hérité
du Bas-Empire, de la responsabilité collective du village pour le paiement
de l’impôt, la commune se voyait peut-être reconnaître certains pouvoirs
dans le domaine fiscal. Dans le Traité fiscal (p. 119) comme dans les docu-
ments, on voit surtout les mesures prises par le fisc, dégrèvements et allége-
ments de l’impôt, pour éviter les effets pervers d’un système qui pouvait
conduire les paysans sur lesquels pesait une surcharge d’impôt à déguerpir
lorsque les percepteurs passaient. Dégrèvements et allégements confortaient
la commune.
Il est vrai que l’État prit à partir du début du Xe siècle des mesures
fiscales qui allaient en sens inverse, et qui ont permis, au XIe siècle, de subs-
tituer dans bien des cas l’organisation domaniale à l’organisation commu-
nale. Elles annoncent donc un tournant important dans l’histoire de l’éco-
nomie rurale, même si leur effet ne fut pas immédiat. La décision d’aliéner
au profit de l’État toute terre improductive d’impôt depuis trente ans
(klasma) aboutissait en effet à retrancher ces terres du territoire communal.
La première mention d’une terre klasmatique est de 908 [Prôtaton, no 2].
Cette politique fiscale a eu pour effet de détruire l’unité territoriale de la
commune. En effet, l’empereur pouvait, après trente ans en principe, déci-
der de vendre les biens du village devenus propriété du fisc, de les louer ou
de les donner, souvent à des puissants. Or les ventes de terre klasmatique
ont été nombreuses au Xe siècle [Oikonomidès, 555].
L’État, du VIIe au IXe siècle, avait soutenu la structure villageoise, pour
des raisons fiscales et militaires. Au Xe siècle, les empereurs ont tenté de la
maintenir face aux initiatives des puissants. Leur législation avait pour but
de défendre la petite propriété villageoise et l’institution communale
menacée par les progrès de la grande propriété, ecclésiastique ou laïque.
Mais finalement, celle-ci l’emporta.

Les domain es dan s l e t er r i t oi r e vi l l ageoi s


Au Xe siècle, le territoire villageois a été le théâtre des transformations
qui ont conduit à la prédominance du domaine comme cadre de la produc-
tion agricole et à un essor de l’économie rurale. La diminution possible de
la taille des exploitations paysannes, les mauvaises récoltes ou l’insécurité
fragilisaient parfois la situation des villageois et multipliaient les cas d’en-
dettement et de vente à de plus grands propriétaires. Par ailleurs, les
domaines constitués sur le territoire du village favorisaient une exploitation
plus complète du territoire ; les paysans y disposaient d’un soutien qu’ils ne
trouvaient pas auprès de la communauté villageoise ni du fisc, malgré les
dégrèvements et les allégements d’impôts. Enfin, à un autre point de vue
Économie et société rurales 239

encore, une gestion domaniale précise permettait des prélèvements souvent


plus importants que ceux qui pouvaient être effectués dans le cadre de la
fiscalité communale. Cet ensemble de faits permet peut-être de comprendre
ce qui s’est passé.
La société villageoise n’était pas égalitaire. Certains des propriétaires
avaient acquis de vastes exploitations qui constituaient en fait de petits
domaines. Dans une novelle de 996, Basile II donne un exemple de trans-
formation de la terre communale au profit de l’Église : dans presque toutes
les provinces, nous dit-on, un grand nombre de communes étaient lésées
par les progrès des monastères, au point parfois de disparaître ou presque ;
à l’origine de ces petits monastères, il y avait souvent un villageois qui fon-
dait une église sur son terrain et se faisait moine ; il était bientôt imité par
deux ou trois villageois qui le rejoignaient ; à leur mort, l’évêque du lieu
confisquait l’église, qu’il nommait pour les besoins de la cause monastère,
car les monastères étaient sous sa juridiction ; il s’en appropriait les biens ou
en faisait don, lésant dans tous les cas les villages [Svoronos, 86, p. 209 ;
Lemerle, 553, p. 112-114]. D’autres fois ce sont des puissants sans rapport
avec le village qui s’introduisaient sur ses terres.
Longtemps, les problèmes avaient été ceux de l’insécurité, de la défense
et de la subsistance, et le village avait pourvu aux besoins d’une économie
peu développée, s’accommodant d’une exploitation très partielle et parfois
extensive de l’espace. On vient de voir qu’il n’en était plus ainsi au Xe siècle.

LE RÔLE DU CADRE DOMANIAL

Les domaines étaient dotés d’un personnel qui était capable d’en assurer
la gestion, et dont la tâche était d’accroître les revenus que l’on pouvait tirer
de la terre. Ils ont joué à partir du Xe siècle le rôle que les villages avaient
tenu jusque-là, mais dans une économie désormais orientée par la demande,
et dans laquelle les échanges monétaires ont tenu une plus grande part,
comme Cécile Morrisson l’a montré [Morrisson, 506, p. 299-301].

La par t cr oissan te des domai n es dan s l ’ écon omi e r u r al e


L’existence de domaines au VIIe siècle est attestée, mais leur importance
semble avoir été réduite à cette époque, comparée du moins à ce qu’ils
avaient été et à ce qu’ils furent par la suite. Et cela semble également vrai
pour les domaines de l’État [Kaplan, 545, p. 324]. Pour les VIIIe-IXe siècles,
des exemples suggèrent un développement, encore modeste, de l’économie
240 Les fondements de la civilisation byzantine

domaniale. La fortune de l’Église séculière et celle des monastères


s’accroissait de donations, grâce à des fondations financées par le revenu de
propriétés laïques [Lemerle, 553, p. 54-56]. Avant même la fin du premier
iconoclasme, de nombreux monastères ont été fondés, parfois sur des biens
appartenant à des familles enrichies dans le service de l’État [Thomas, 564,
p. 123-124]. Parmi d’autres raisons, des exemptions fiscales en faveur de
l’Église, sans doute prises à l’époque de l’impératrice Irène, encouragèrent
les laïcs à transformer leurs propriétés en monastères et à les faire cultiver
par des parèques [Thomas, 564, p. 129]. L’importance des revenus de la
terre n’échappait pas à l’élite sociale, ni bien sûr à l’État, mais cela ne
signifie pas que l’économie domaniale ait déjà joué un rôle important. Sim-
plement, elle n’était plus négligeable.
Au IXe siècle, la correspondance d’Ignace le diacre fournit une évoca-
tion concrète de l’Église comme grand propriétaire. Elle suggère que les
revenus fonciers de la métropole de Nicée étaient importants, bien que le
poids des impôts ait été soi-disant insupportable. La métropole possédait
des oliviers, dont on tirait de l’huile, et des terres arables qui étaient exploi-
tées indirectement. Leur gestion était confiée par l’économe à un curateur ;
celui-ci répartissait les terres entre les parèques qu’il y avait installés ; ils
devaient à la métropole des redevances en nature, apparemment une part
fixe de la récolte. L’importance des réserves de blé, conservées dans l’éco-
nomat, est suggérée par celle des réclamations faites par les autorités de
l’Opsikion.
Par la suite, on devine le rôle croissant des domaines dans l’économie,
leur circulation, ou plutôt celle de leurs revenus, entre l’État et les laïcs qui
recevaient des dons de l’empereur, entre les laïcs et les monastères, les pre-
miers transformant leurs domaines en fondations pieuses pour garantir leur
statut, entre l’Église et l’État aussi, Basile Ier ayant tenté de récupérer la ges-
tion et les revenus de biens ecclésiastiques [Thomas, 564, p. 130-139]. Le
Xe siècle est bien, comme en témoignent les novelles des empereurs macé-
doniens, l’époque où l’accroissement de la grande propriété est devenu
décisif. Dès que la sécurité était rétablie dans une province protégée par
l’armée et administrée à partir du réseau reconstitué des petites villes,
l’espoir de revenus agricoles plus réguliers et plus élevés suscitait chez les
puissants des initiatives qui étaient prises à l’encontre des intérêts des mem-
bres des communautés villageoises, et ces initiatives aboutissaient souvent,
malgré les lois qui visaient à les empêcher. Les domaines laïcs ou monasti-
ques n’étaient pas les seuls à s’étendre, ni à se multiplier. Les métropolites,
archevêques et évêques, de même que les responsables des fondations
pieuses ou impériales font partie des puissants dénoncés dans la novelle de
Romain Ier, qui s’introduisaient dans les villages et accroissaient leurs pos-
sessions par achat, donation, testaments, ou de toute autre façon [Svoronos,
Économie et société rurales 241

86, p. 84]. L’État lui-même exploitait des domaines ; on le devine mieux à


partir du IXe siècle, grâce en particulier aux Listes de préséance, qui montrent
l’organigramme des services centraux chargés de la gestion de ces domai-
nes, et à de nombreux sceaux appartenant à leurs responsables locaux. Cer-
tains de ces domaines étaient voués à l’élevage pour les besoins de l’armée ;
le revenu d’autres domaines était consacré à la poste et à divers établisse-
ments publics à vocation charitable.
L’État a joué au XIe siècle un rôle déterminant dans l’accélération d’un
processus dont il n’avait pas été l’initiateur et qu’il avait tenté de freiner au
Xe siècle : sa politique eut pour effet de substituer presque partout le grand
domaine à la propriété villageoise, sans que la primauté de la petite exploi-
tation fût pour autant mise en cause. L’intérêt fiscal que représentait la
commune avait diminué, le revenu que l’État pouvait tirer de la terre des
domaines étant supérieur au montant des impôts. Oikonomidès a souligné
qu’à partir du début du XIe siècle le fisc ne chercha plus à vendre les terres
abandonnées, mais à les conserver, à les organiser en domaines cultivés par
des parèques [Oikonomidès, 345, p. 136-137]. De plus, l’État s’efforça au
XIe siècle d’accroître l’étendue des biens du fisc. On devine en effet des
abandons arrangés, qui permettaient de contourner la loi et de trans-
former plus rapidement toute une commune en domaine [Kaplan, 545,
p. 402-403].
L’impôt foncier était donc devenu pour l’État moins important que le
revenu de la terre mise en valeur par les parèques sur ses domaines. Nous
sommes informés sur la transformation de villages en domaines par des
textes réglementaires et par quelques documents fiscaux qui répondaient à
des préoccupations administratives ; mais la logique de cette transformation
était principalement économique. Dans les archives de l’Athos, les mentions
de domaines impériaux apparaissent au milieu du XIe siècle. Des villages
dont on sait qu’ils avaient le statut de commune au Xe siècle devinrent des
domaines du fisc, avant d’être éventuellement cédés à un monastère ou à
un laïc. Il semble que cette transformation des structures de la propriété ait
été générale. En Macédoine, la dernière mention d’une commune rurale
date du milieu du XIe siècle. Il est en tout cas certain qu’au début du
XIVe siècle les campagnes de Macédoine étaient constituées d’un réseau
presque continu de domaines, qui s’était substitué à l’ancien réseau des
communes. Il est vraisemblable que les domaines l’emportaient déjà sur la
petite propriété à la fin du XIIe siècle. P. Magdalino présente un impression-
nant tableau de la grande propriété à cette époque : presque tout le littoral
depuis Constantinople jusqu’à la Grèce centrale, et les îles, appartenaient
au XIIe siècle à de grands propriétaires souvent constantinopolitains, dont le
plus important était l’État [Magdalino, 192, p. 160-171]. À partir du
XIe siècle, ce qui frappe, c’est l’omniprésence de la structure domaniale.
242 Les fondements de la civilisation byzantine

Les gr an ds pr opr iétai r es

Les propriétaires et détenteurs de domaines formaient un monde radi-


calement différent de celui des paysans, mais qui était lui-même contrasté.
Nombre des grands propriétaires appartenaient aux couches inférieures de
l’aristocratie provinciale, et leurs possessions étaient modestes ; il en était de
même pour de nombreux monastères et évêchés. À l’autre extrémité, on
trouvait de très grands propriétaires, institutionnels ou privés, qui étaient à
la tête de nombreux domaines situés dans une même région ou dispersés à
travers l’Empire. Toutes les situations intermédiaires existaient. On ne
connaît que rarement la composition et l’étendue des fortunes foncières et
on est le plus souvent réduit à estimer l’importance d’une fortune au
nombre des domaines qui la composaient. Rien n’indique que la propen-
sion à investir, à réaliser des améliorations dans le but d’accroître les reve-
nus et à gérer au mieux les domaines, ait dépendu du statut des grands pro-
priétaires ou de l’étendue de leurs possessions.
On peut affirmer, après Oikonomidès [556, p. 321], que l’État a tou-
jours été le plus grand propriétaire. Il l’est devenu plus que jamais à partir
du XIe siècle. Si elle ne l’a pas toujours été, l’Église est devenue au cours de
l’époque étudiée le second propriétaire de l’Empire. Les biens du patriarcat
semblent avoir été, comme les biens impériaux, répartis dans tout l’Empire.
Les possessions des évêchés étaient naturellement plus modestes que celles
des métropoles. Quelle qu’ait été la fortune foncière de l’Église séculière, il
est certain que celle des monastères en vint à la dépasser ; elle s’accrut
d’une façon considérable à partir du IXe siècle. Le rôle des monastères dans
la gestion des terres devint déterminant au Xe siècle. De plus, les monastères
étaient parfois, en raison d’un privilège accordé par l’empereur, exemptés
de l’impôt foncier. Par ailleurs, les biens détenus par les laïcs ont été eux
aussi très étendus. À propos des fortunes aristocratiques, qui étaient de
niveaux très divers, J.-C. Cheynet [Cheynet, 450] a souligné qu’elles étaient
principalement constituées de biens fonciers, mais que les patrimoines, par-
fois donnés par l’empereur et souvent confisqués, étaient instables ; il rap-
pelle qu’en Asie Mineure Eustathe Maléïnos avait pu, vers l’an mil, recevoir
et nourrir sur ses terres l’empereur Basile II et une armée d’au moins
20 000 hommes partie combattre les Arabes. À la même époque dans
la même région, les biens des Phocas, des Sklèroi, des Comnènes n’étaient
pas moins considérables. Il semble cependant qu’à la fin du XIe siècle les
grandes fortunes privées dans les Balkans aient souvent été moins impor-
tantes qu’elles ne l’avaient été sur le plateau anatolien.
L’essentiel est que, dès le Xe siècle, l’État d’une part, les monastères
d’autre part, se sont partagés, non sans conflits, mais de façon durable, une
Économie et société rurales 243

grande partie des terres de l’Empire. Mais il faut rappeler que l’État ména-
geait depuis longtemps, comme l’écrit Magdalino [Magdalino 192, p. 168],
un « pool » de domaines constamment recyclables pour récompenser ses
serviteurs laïcs. En fonction des circonstances politiques, la part détenue par
l’aristocratie pouvait varier ; elle a également été très importante.

La gestion des domain es


Du point de vue de l’économie rurale, ce qui importe est que les domai-
nes aient été gérés par un personnel compétent. Il semble que les inten-
dants, laïcs ou ecclésiastiques, l’aient souvent été. La personne qui gérait le
domaine pouvait être le propriétaire lui-même, mais c’était plus souvent un
administrateur. Les épiskeptitai, pronoètai, économes, curateurs, chartulaires et
comptables formaient un monde plus ou moins hiérarchisé et nombreux
dans les grands domaines. On distinguait entre administrateurs généraux et
responsables locaux. Tous les administrateurs avaient reçu une solide édu-
cation et les postes les plus élevés étaient attribués aux membres de
l’aristocratie civile de la capitale. La principale qualité des intendants est
sans doute d’avoir été présents sur le domaine, c’est-à-dire proches de la
terre et de la population rurale. Bien que nous n’ayons pas d’information
précise, il est clair que c’est eux qui étaient chargés de réaliser ce que nous
appellerions des investissements productifs et d’édifier dans les plaines et les
collines les fortifications domaniales, qui, visibles de loin, tenaient lieu de
repère et de symbole « seigneurial » dans le paysage, et qui protégeaient en
cas de danger hommes et biens meubles ; dès le XIe siècle, ces fortifications
prirent le relais des enceintes refuges cachées dans la montagne. Par ail-
leurs, on peut penser qu’en cas de mauvaise récolte les intendants avan-
çaient les semences aux parèques. À certains égards, l’intendant du
domaine a joué le rôle qui avait été celui de la commune au temps des
troubles, mais avec plus de moyens et de pouvoir.

La comptabilité doman ia l e
Plusieurs textes suggèrent que les intendants étaient astreints à tenir des
comptes, périodiquement apurés par le propriétaire [cf. par exemple le Typi-
kon de la Kécharitôménè, p. 79]. Dans une lettre, Michel Italikos [109, p. 95]
évoque une comptabilité de trésorerie tenue au niveau du domaine, plus
qu’une véritable gestion. Pour les améliorations coûteuses, la décision appar-
tenait au maître du domaine ; on sait en tout cas que les fonds investis dans la
terre étaient pris sur les revenus nets résultant de l’exploitation de l’ensemble
244 Les fondements de la civilisation byzantine

des domaines d’un propriétaire. La comptabilité domaniale est évoquée


en 1073 dans l’acte établi pour le grand domestique Andronic Doucas, qui
avait reçu de l’empereur les biens d’une épiskepsis près de Milet. Ce document
mentionne, d’après le registre du comptable, les revenus en espèces de cha-
cun des domaines, ainsi que les frais d’exploitation [Patmos II, éd. Nystazo-
poulou-Pelenidou, no 50]. Le testament de Boïlas, la Diataxis d’Attaliate et le
Typikon de Pakourianos montrent que ces trois grands propriétaires du
e
XI siècle étaient parfaitement au fait du revenu financier de leur fortune
grâce aux comptes dont ils disposaient. En particulier, Boïlas établit un rap-
port direct entre la valeur d’un domaine considéré comme capital et le
revenu net qui était attendu, soit 3,7 % [Lemerle, 631, p. 60]. La terre était
devenue un capital qui devait produire un profit [Teall, 563, p. 56].

L’in tér êt des gr an ds pr opr i ét ai r es pou r l ’ agr on omi e


Les grands propriétaires lettrés s’intéressèrent, du IXe au XIIe siècle,
aux diverses façons de mettre mieux leurs terres en valeur, et, de ce fait
semble-t-il, aux traités d’agronomie [Teall, 563, p. 42-44]. Dans la pre-
mière moitié du IXe siècle, Photius consacre à la Collection de préceptes
sur l’agriculture de Vindanios Anatolios de Beyrouth (IVe siècle) une notice
de la Bibliothèque. Il signale l’utilité de cet ouvrage [Photius, 775, II,
no 163]. Quant aux Géoponiques, l’existence de plus 50 manuscrits suggère
quel fut leur succès au Moyen Âge. Dans un de ces manuscrits, une pré-
face dédiée à Constantin VII montre l’existence d’une édition de cette
œuvre au Xe siècle. Le Péri géôrgikôn de Psellos, mince opuscule qui
emprunte aux Géoponiques les conseils qu’il donne sur la céréaliculture,
témoigne également de l’intérêt porté par les lettrés aux traités d’agro-
nomie [Michel Psellos, 527].
Ce sont les intendants des domaines qui répondirent à cette demande.
À la fois comptables et agronomes par nécessité, prompts à réclamer les
redevances mais aussi sans doute enclins à fournir une aide aux paysans, les
intendants ont été les agents de l’expansion de l’économie rurale.

FORMES DU DÉVELOPPEMENT

Même si leur dynamisme semble parfois pris en défaut, les grands pro-
priétaires ont effectué de nombreuses améliorations (plantations, construc-
tions diverses, parmi lesquelles des fortifications et des moulins) ; ils dispo-
Économie et société rurales 245

saient d’une culture qui les incitait à entreprendre et ils en avaient la


possibilité. Il est probable que, de leur côté, les paysans, ou du moins les
plus aisés d’entre eux, ont également réalisé des améliorations, bien que
leurs moyens aient été individuellement limités. Mais ils pouvaient s’asso-
cier, entre eux ou avec un grand propriétaire.

LA RÉPARTITION DU REVENU DE LA TERRE

On a estimé que la capacité à investir des paysans était pratiquement


nulle, en montrant que le résultat de leur exploitation était tout juste en
équilibre. C’était certainement vrai pour les moins aisés d’entre eux, mais
pas pour tous. Certaines données, relatives à la céréaliculture, permettent
de deviner comment se répartissait le revenu de la terre entre le fisc, les
exploitants et les grands propriétaires.

Le r even u des paysan s


Le prélèvement possible sur la production brute de l’exploitation pay-
sanne dépendait des rendements que l’on pouvait escompter, c’est-à-dire
aux yeux du fisc, de la fertilité de la terre. Celui-ci distinguait trois quali-
tés de terre diversement imposées, dont deux de terre cultivable, la pre-
mière concernant les parcelles de haute valeur, la troisième correspondant
aux pâtures. Des calculs, dont le détail n’a pas à être reproduit ici
[cf. Lefort, 552], suggèrent que dans le cas d’un zeugaratos (un paysan
aisé, possédant un attelage), exploitant 10 ha en céréales, le taux du pré-
lèvement théorique, comparé à la production brute, était élevé : 23 %
dans le cas d’un propriétaire, 33 % dans le cas d’un locataire, mais que
le résultat de l’exploitation dégageait un surplus qui n’est pas négligeable,
4,6 nomismata pour le propriétaire, 2,8 pour le locataire, rien
n’interdisant donc de penser que les zeugaratoi aient pu procéder à des
améliorations.

Le r even u des gr an ds pr opr i ét ai r es

En général (hormis le cas du fisc et celui des domaines privilégiés), le


revenu des grands propriétaires était principalement constitué du montant
des redevances (en espèces ou en nature) fournies par les locataires, dimi-
nué de l’impôt foncier, des impôts annexes, ainsi que des frais d’admi-
246 Les fondements de la civilisation byzantine

nistration. D’autres calculs suggèrent que la rente théorique du grand pro-


priétaire (revenu après impôt / valeur de la terre) serait de l’ordre de 3 %.
La seule vraisemblance est celle d’un prélèvement théorique important, qui
n’était possible qu’avec des rendements plus élevés que ceux qu’on a géné-
ralement admis.

L’ARTISANAT RURAL

L’essor de l’artisanat a été un aspect important du développement de


l’économie rurale ; l’artisanat a introduit à la campagne de nouvelles res-
sources, il a modifié la nature même de certaines exploitations en favorisant
les échanges dans le village et au-delà. À haute époque, l’artisanat rural ne
semble pas avoir été très répandu [Paltlagean, 509, p. 268-271]. Une étude
sur les surnoms d’artisans portés par les paysans de Macédoine entre le Xe
et le XIVe siècle [Séminaire de l’EPHE, 489, II] suggère que l’artisanat rural
était encore peu développé aux Xe-XIe siècles. Jusqu’au début du XIIe siècle,
les surnoms d’artisan ne sont portés que par 4 % environ des paysans. Or
un changement important se produit en Macédoine au cours du XIIe siècle
et pendant la première moitié du XIIIe, époque à partir de laquelle 8 à
10 % des paysans portent des surnoms de métier. La moitié des villages
comportait au moins un artisan et on découvre dans certains gros villages
l’existence d’ateliers familiaux, comportant de deux à quatre artisans, tra-
vaillant visiblement pour un marché plus large que celui du village. On
peut donc supposer un essor de l’artisanat rural à la fin de l’époque consi-
dérée.
Au moins pour se procurer les pièces d’or nécessaires au paiement de
l’impôt, et parfois du loyer, les paysans avaient, sans doute depuis le
VIIIe siècle, dû vendre une partie de leur production agricole et, à la fin de
l’époque étudiée, les produits de leur artisanat. Qu’ils aient ou non recouru
à des négociants, ils pouvaient participer aux échanges à l’occasion des
foires locales, qui sont devenues plus nombreuses à partir du Xe siècle. De
leur côté, les grands propriétaires semblent avoir tenu une place importante
dans les échanges entre la campagne et la ville.
Le développement de l’économie rurale, qui a été lent et qui s’est peut-
être accéléré au XIIe siècle avec les progrès du grand commerce dans le
monde méditerranéen, n’est guère contestable. Sans doute l’essentiel a-t-il
été, sur le fond d’un essor démographique, l’émergence progressive d’une
organisation croissante de « la vie des campagnes », fondée, à bien des
endroits et à bien des égards, sur la complémentarité entre les villages, qui
Économie et société rurales 247

fournissaient l’essentiel de la production, et les domaines, qui ont assuré


une meilleure gestion. L’État, qui a contribué au développement en assu-
rant une plus grande sécurité, a joué un rôle important, par le biais de la
fiscalité, dans la mise en place de ces structures.
J’ai tenté de décrire pour Byzance certains des mécanismes et des
modalités d’une croissance qui, dans toute l’Europe, a sans doute atteint un
sommet au cours du XIIIe siècle.
C HA P I T R E X I

Constantinople et l’économie urbaine


PAR MICHEL KAPLAN

Au milieu du VIIe siècle, Constantinople garde l’aspect extérieur de la


ville de Justinien, mais elle a déjà perdu une grande partie de sa popula-
tion. Ce déclin est aggravé par les grands sièges menés par les Arabes.
Assurément, la croissance a repris dès le milieu du VIIIe siècle et ne cesse
plus jusqu’au XIIe siècle. Les croisés qui entraient dans la capitale pour la
piller avaient d’ailleurs conscience de cette richesse et des splendeurs que la
Reine des Villes abritait. Outre le redressement démographique, la cité a
profondément changé dans son cadre, mais surtout dans son économie et sa
société.

LE DÉVELOPPEMENT URBAIN

LA POPULATION

Les avis divergent, pour toutes les époques, sur la population de la capi-
tale byzantine. Certains la voient plus peuplée sous Justinien [jusqu’à
600 000 habitants : Durliat, 621 ; 700 000, Zuckerman, 330] qu’en 1204 ;
d’autres affirment le contraire ; la plupart des auteurs s’arrêtent, dans les
deux cas, autour de 400 000 [Madgalino, 570, p. 57], nombre donné par
Villehardouin [74, p. 54-55] et qui semble déjà une estimation haute. Le
principal désaccord porte sur le point bas. Le nombre d’habitants aurait été
divisé par un facteur dix, selon les plus pessimistes, par rapport à l’apogée
du VIe siècle [Mango, 571, p. 51-62, d’accord avec Durliat, 621, p. 602].
Un tel effondrement démographique expliquerait que la capitale n’ait pas
250
Constantinople médiévale
Constantinople et l’économie urbaine 251

souffert de la perte du blé d’Égypte, encore que, si elle a pu s’en passer


en 619, on se demande comment elle avait pu consommer l’année précé-
dente tant de grains. Paul Magdalino estime qu’on ne peut accepter un
nombre inférieur à 70 000 habitants, par comparaison avec la situation
en 1453. D’autres auteurs refusent de descendre aussi bas [Kaplan, 545,
p. 446, n. 5]. Admettons que les impressions laissées par certaines sources
et les raisonnements économiques suppléent ici l’absence totale de données
chiffrées. Néanmoins, toutes les recherches convergent en ce sens, les VIIe et
VIIIe siècles ont connu un affaissement démographique notable.
Pour assurer le repeuplement et la reconstruction de la capitale après la
dernière épidémie de peste de 747, Constantin V fait appel en 754 à des
habitants de la Grèce et des îles (Théophane, p. 429) ; une vingtaine
d’années plus tard, il fait venir d’Asie, du Pont, d’Hellade et de Thrace les
ouvriers chargés de restaurer l’aqueduc principal (Théophane, p. 440, pour
un total de 5 900). Les sources toutefois ne signalent pas de grands mouve-
ments de population.
La présence d’une communauté juive est attestée de longue date.
En 1044, une émeute entraîna son expulsion hors de la capitale. Sous les
Comnènes, son quartier est établi à Péra [Jacoby, 579]. Dès la fin du
e
VII siècle, les marchands musulmans sont regroupés dans un caravansérail
unique (mitaton) situé près du Néorion, et s’y trouvaient encore lors de
l’incendie de 1203. Si les Russes ne sont pas autorisés à demeurer dans la
capitale, les Italiens, les Amalfitains, puis les Vénitiens, suivis par les
Pisans et les Génois, obtiennent le droit de s’installer de façon perma-
nente dès le XIe siècle et au cours du suivant ; les Vénitiens, qui furent
provisoirement expulsés en 1171, sont donc épargnés lors du massacre des
autres Italiens en 1182. Dès le XIe siècle, les Latins sont suffisamment
nombreux pour avoir leurs églises dans la capitale : si l’affirmation, selon
laquelle Michel Cérulaire les aurait fait fermer et les légats de Léon IX
rouvrir en 1054, relève de la propagande du cardinal Humbert [Kaplan,
182, p. 149-150], l’existence de ces églises est incontestable. L’émeute
de 1044 avait conduit Monomaque à expulser, outre les juifs, les Arabes
et les Arméniens. La capitale, on le voit, est cosmopolite et les incidents
relatés ne doivent pas dissimuler que les « nations », dans l’ensemble,
vivent en bonne intelligence.
252 Les fondements de la civilisation byzantine

L’ O R G A N I S A T I O N D E L ’ E S P A C E E T L E P A Y S A G E U R B A I N

DU MILIEU DU VIe À LA FIN DU IXe SIÈCLE

Vue de l’extérieur des murailles, la ville ne change guère depuis


qu’Héraclius a fait modifier la muraille terrestre en son angle nord-ouest
pour y inclure le sanctuaire de la Théotokos des Blachernes et le quartier
qui l’entoure. Les murailles terrestres, et notamment les portes, sont l’objet
de constantes restaurations, là encore très nombreuses aux VIIIe et IXe siè-
cles, dont témoignent les inscriptions qui nous sont conservées. Une
homélie de Germanos a pu faire croire que la muraille maritime n’existait
pas à la haute époque, du moins lors du siège par les Avars de 626 ; un rac-
courci frappant a souvent fait attribuer la construction de celle-ci aux Isau-
riens. Elle remonte probablement, elle aussi, au Ve siècle, mais les premières
inscriptions attestant sa restauration datent de Théophile [Mango, 571,
p. 25, n. 2 ; Berger, 582, p. 170].
Plus de la moitié de la superficie urbaine comprise entre la muraille de
Constantin et celle de Théodose II n’avait de toute façon jamais été densé-
ment peuplée et avait conservé un caractère semi rural, propice à
l’installation de grands oikoi aristocratiques et de monastères. À l’intérieur
de la muraille de Constantin, qui contient maintenant des cimetières, le
peuplement se resserre autour du vieux centre civique constantinien ; parmi
les ports antiques, seul reste actif le port Julien, celui de la Corne d’Or
étant devenu un arsenal ; la zone séparant le port Julien de la Mésè a dû
rester occupée. Beaucoup de bâtiments publics, à l’abandon, servirent de
carrière lorsque les constructions recommencèrent. Le Stratègion, grande
place commerciale bordée d’arcades, mais située près de ports quasi aban-
donnés, est devenu un marché aux bestiaux, comme plusieurs des forums
des IVe et Ve siècles. De même, les grands bains ont laissé la place à des ins-
tallations plus petites ; l’amphithéâtre de l’Acropole n’est plus utilisé, les
spectacles se limitant désormais à l’Hippodrome ; les théâtres sont égale-
ment abandonnés. Pourtant, même si certaines d’entre elles menacent ruine
faute d’entretien, les grandes églises construites ou restaurées au VIe siècle
continuent pour la plupart à fonctionner. D’une façon générale, la zone
proche de la Corne d’Or est quelque peu désertée et l’aristocratie préfère
regarder vers le rivage sud, abrité des vents du nord ; les palais aristocrati-
ques de l’époque théodosienne sont de nouveau habités s’ils n’ont cessé de
Constantinople et l’économie urbaine 253

l’être, comme le palais ta Kônsta où naquit Étienne le Jeune [= 93 c. 3,


p. 91 et n. 14, p. 182], et l’on voit Irène construire le sien dans le quartier
d’Éleuthère, proche du port théodosien.
La zone centrale reste fort active, à commencer par ces points focaux
que sont Sainte-Sophie, l’Hippodrome et le Grand Palais. Justinien II
agrandit celui-ci, sans doute pour pourvoir aux besoins d’une administra-
tion centrale qui continuerait ou recommencerait à croître, avec la création
de bureaux comme le génikon ou le stratiôtikon [Oikonomidès, 28, p. 313-
314] ; il le fait entourer d’un mur, que ses successeurs vont sans cesse
repousser, qui marque à la fois la séparation croissante entre l’empereur et
la population et la place de plus en plus importante prise par le Palais dans
la vie de la cité. Théophile, puis Basile Ier avec la construction de la Néa et
d’autres aménagements, notamment des jardins, vont notablement accroître
la superficie du Palais [Maguire, 585]. Au Xe siècle, l’Hippodrome fait
l’objet d’imposants travaux : sa capacité est accrue, atteignant sans doute
40 000 places. Les gradins sont dès lors entièrement en pierre, surmontés
d’une circulation haute ; sous les gradins, certaines pièces sont réservées aux
dèmes.
Le nombre d’ouvrages destinés à amener ou à utiliser l’eau dépend
directement de la démographie. Si les principaux équipements sont en
place dès l’époque précédente, la baisse de la population a conduit à les
négliger ; Constantin V fait réparer l’aqueduc dit de Valens en 767, signe
de la reprise démographique. D’autres aménagements s’avèrent nécessaires
au début du XIe siècle [Mango, 576, p. 9-18]. Les grands bains publics ont
été remplacés par des constructions plus modestes, rattachées à des fon-
dations pieuses ou, dans le cas des lou(s)mata, à des confréries pieuses des-
servies par des diaconies. Ces installations, dont on connaît 25, sont situées
au-delà du forum de Théodose, à l’exception d’une seule, celle des porti-
ques de Domninos [Magdalino, 632 et 570, p. 31-34].

LES NOUVEAUX DÉVELOPPEMENTS

Au Xe siècle, les empereurs reprennent une active politique de fonda-


tion : plus encore qu’auparavant, les monastères ainsi créés ou recréés,
comme celui du Myrélaion (fondé par Romain Ier Lécapène), ou celui du
Pétrion, issu du monastère Sainte-Euphémie fondé par Basile Ier, consti-
tuent chacun un vaste complexe, un oikos [Magdalino, 633], intégrant aussi
des établissements de charité, doté de terres fiscales et étant rattaché à l’un
des bureaux des finances ; il s’agit donc de fondations pieuses [euageis oikoi :
254 Les fondements de la civilisation byzantine

Kaplan, 343, p. 339-347]. Le Myrélaion est relativement proche de la


Mésè. À l’époque de Constantin Porphyrogénète, le Pétrion voit s’agréger
au monastère d’origine un asile de vieillards et un xénodocheion ; c’est l’indice
d’un nouvel axe de développement, proche de la Corne d’Or en direction
des Blachernes.
Le développement urbain des XIe-XIIe siècles s’opère d’abord aux extré-
mités de la ville. Les constructions reprennent sur l’Acropole avec les vastes
établissements des Hodègôn et surtout de Saint-Georges de Manganes, où
l’ancienne « maison » impériale laisse place à un imposant complexe voulu
par Constantin Monomaque, autour d’un monastère, qui abrite l’École de
droit de Jean Xiphilin (Oikonomidès, 636). Alexis Comnène refonde
l’orphelinat, qui devient un gigantesque ensemble géré par un bureau parti-
culier des finances : il y ajoute, notamment, une école, une grande église,
un xénodocheion, un asile de vieillards qui regroupe plusieurs institutions de la
capitale (Anne Comnène, Alexiade, XV, 7, t. 3, p. 214-218 ; Magdalino,
570, p. 76-77).
Dans l’angle sud-ouest de la ville, l’opération la plus spectaculaire
touche le monastère Saint-Mamas, restauré à partir de 1147 par George
Kappadokès : l’église est richement reconstruite, ainsi que le réfectoire et un
bain, destiné aux moines, mais ouvert contre une redevance aux gens de
l’extérieur. Il est fortement lié au Stoudios, dont l’higoumène et cinq moi-
nes sont témoins lors de l’enregistrement du typikon en 1159. L’édification
du monastère de la Théotokos Péribléptos remonte à Romain III Argyre,
qui s’y fit ensevelir ; il est également proche du Stoudios, ce qui renforce le
développement de ce quartier aux XIe-XIIe siècles.
Mais l’évolution la plus importante provient de l’intérêt croissant porté
au quartier des Blachernes [Magdalino, 570, p. 70-76] et à son église de la
Théotokos. Même si l’installation d’Anne Dalassène aux Blachernes durant
sa régence s’avère décisive, l’intérêt des gouvernants pour ce quartier, et
plus généralement, pour le nord-ouest de la capitale est bien antérieur. Il
remonte à Théophile, qui rénove l’église et construit une première chapelle
dédiée à Sainte-Thècle. Basile Ier restaure plusieurs sanctuaires du Deutéron
et du Pétrion et y édifie le monastère féminin de Sainte-Euphémie. Luc le
Stylite restaure le monastère Saint-Bassianos (Vie de Luc le Stylite, éd.
H. Delehaye, c. 39, p. 233). Le Xe siècle a vu aussi édifier le monastère de
la Théotokos tôn Panagiou, très lié à Lavra.
Basile II et Romain III ont restauré la Théotokos des Blachernes et ses
annexes ; Zoé y avait adopté le futur Michel V ; la famille des Doucas avait
jeté son dévolu sur ce quartier et commencé à restaurer le monastère de
Chôra. L’endroit était particulièrement agréable, voisin des zones subur-
baines propices aux loisirs et notamment à la chasse ; la proximité de
l’aqueduc principal assurait un bon approvisionnement en eau et donc le
Constantinople et l’économie urbaine 255

fonctionnement de bains, à commencer par celui annexé à l’église de la


Théotokos. Déjà, Isaac Comnène y avait restauré le monastère de sainte
Thècle. Alexis donne au palais les dimensions convenables : il y construit
en 1094 une grande salle de réception ; Manuel Ier en ajouta une autre
entre 1143 et 1153. Les fonctionnaires s’installent petit à petit dans le quar-
tier, donnant à une partie de celui-ci le nom de ta Pittakia (les requêtes). Du
reste, la famille régnante possède d’autres biens à proximité, notamment le
terrain, relativement exigu, où voisinent le monastère masculin du Christ
Philanthrôpos et le monastère féminin le plus célèbre de tous, celui de la
Théotokos Kécharitôménè, l’un et l’autre édifiés par Irène Doukaina qui se
livre par ailleurs dans le quartier à ce qui ressemble fort à de la spéculation
foncière.
Les Comnènes ont donc développé deux pôles, l’Acropole et l’ensemble
constitué par les Blachernes et le Pétrion ; le chemin qui reliait les deux leur
importait et ce n’est pas par hasard si l’on trouve à peu près à mi-distance
la plus spectaculaire de leurs fondations, celle du Christ Pantokratôr, avec
son église triple, les monastères qui la desservent et un complexe d’assis-
tance comprenant le plus grand hôpital de la capitale [Gautier, 567 ;
Miller, 634, p. 12-29].

LES QUARTIERS PORTUAIRES

Aux XIe et XIIe siècles se développent de façon spectaculaire des zones


portuaires, avec une profonde modification. Les installations de la côte sud,
prépondérantes à l’époque protobyzantine, sont loin d’être abandonnées :
par exemple, le seul grenier à blé mentionné au Xe siècle est celui de
« Lamia », proche du port théodosien, l’horrea Alexandrina de la Notitia Urbis
Constantipolitanæ du Ve siècle. Mais l’essor le plus remarquable est celui des
bords de la Corne d’Or, où s’installent les marchands italiens [Magdalino,
614, p. 219-224]. De fait, entre le début du Xe siècle et le milieu du
XIe siècle, la zone proche de la Corne d’Or située entre le Néorion et
Pérama, encore peu occupée, attire la fondation ou la restauration d’insti-
tutions religieuses qui y installent et donnent en location nombre de bâti-
ments. Amalfitains et Vénitiens sont présents dès cette époque et l’activité
économique s’y développe à nouveau, sans doute dans le sillage des arse-
naux impériaux. D’ailleurs, on y trouve le mitaton des marchands musul-
mans, qui y font leur commerce ; c’est donc traditionnellement le quartier
des étrangers. En 1056, Michel VI propose de rénover le Sratègion, qui
n’est donc plus un simple marché aux bestiaux. De plus, de l’autre côté de
256 Les fondements de la civilisation byzantine

la Corne d’Or, Péra se développe également, rendant cette localisation plus


intéressante.
Les concessions faites par les Comnènes aux Italiens sont décisives pour
l’essor de cette zone. En 1084, les Vénitiens obtiennent à Pérama un appon-
tement, une église, un bloc de maisons, qui sont encore loin de constituer un
quartier continu. Pise, puis Gênes, arrivées plus tard, se voient dotées dans
un endroit moins estimé, plus à l’est. Au cours du XIIe siècle, ces enclaves
s’élargissent sans toutefois se rejoindre. Ces concessions se situent tant à
l’intérieur de la muraille que dans la zone basse située en dehors des murail-
les le long du bras de mer, où court une route publique. Si l’ensemble
accordé aux Vénitiens devient rapidement continu, il n’en va pas de même
pour les établissements pisans et génois. Les documents d’archives permet-
tent de mieux connaître le contenu de ces concessions. À l’intérieur de la
muraille, ce que l’on désigne par embolos consiste en un groupe de maisons,
les unes purement résidentielles, les autres abritant des ateliers ; certaines
sont relativement opulentes, avec salle à manger, solarium et chambres, mais
elles ne dépassent pas deux étages, disposent de peu de cours intérieures et
sont en bois ; peu de métiers y sont implantés et il s’agit là clairement
d’immeubles de rapport fournissant aux Italiens des revenus fonciers et fis-
caux. Les zones situées au-delà de la muraille sont plus actives : l’embolos, sec-
tion continue ouvrant sur la voie publique, comprend une skala, apponte-
ment de terre contenu par des murs de bois, un terrain enclos avec des
maisons, des ateliers et des boutiques de changeurs ; les transferts se font par
bloc de maisons (oikèma). C’est du moins la composition enregistrée au
moment de la cession ; les Italiens donnent à leurs quartiers un essor considé-
rable et les Pisans, par exemple, ont suffisamment développé leur quartier
de 1122 à 1192 pour y avoir construit deux grandes églises de pierre.
Si l’on ajoute que l’épine dorsale commerçante de la ville, la Mésè, s’est
régulièrement développée du moins jusqu’au forum de Théodose aussi bien
vers le nord que vers le sud de l’artère, on aura décrit les zones les plus
densément peuplées. Pour les autres, qui couvrent près de la moitié de la
superficie, elles sont pour une part occupées par des monastères et des
palais avec leurs jardins, mais aussi par des terrains encore consacrés à
l’agriculture. Même à l’intérieur du périmètre de l’ancienne muraille de
Constantin, il reste encore nombre de jardins en exploitation en 1204.
À quoi ressemble la ville, en dehors de cet aspect relativement aéré ? Ce
qui frappe le plus les visiteurs étrangers, c’est la magnificence des bâtiments
publics et des palais, en dehors même du Palais impérial. Il serait vain de
tenter d’estimer le nombre d’églises simultanément en service, elles se
comptent néanmoins par centaines ; leur taille varie depuis l’immense
Sainte-Sophie ou le vaste ensemble du Pantokratôr jusqu’à de minuscules
édifices. À cela s’ajoutent les principales rues, la Mésè, mais aussi les rues
Constantinople et l’économie urbaine 257

secondaires [Berger, 582] bordées de portiques : de chaque côté de la voie


centrale, une colonnade délimite deux espaces couverts, surmontés d’une
allée à l’air libre ; au fond des portiques, les boutiques (cf. infra) précédées
de bancs [Mundell-Mango, 587]. Bref, les édifices de marbre blanc, les toits
en plomb, les statues forment un cadre somptueux. Pourtant, l’essentiel des
bâtiments, habitations comme ateliers, sont en bois, ce qui favorise les
incendies, comme ceux des 17-18 juillet et 19-20 août 1203 [Madden, 583].
Si le réseau d’égouts, comme celui d’alimentation en eau et de stockage de
celle-ci sont en bon état, la ville est loin d’être partout pavée : rues et places
sont couvertes de boue, les cochons élevés dans les jardins y déambulent, les
chiens errants circulent, les miséreux recherchent l’abri des arcades que
l’empereur fait clore de planches pour protéger ces indigents durant les
hivers rigoureux dont Constantinople est familière. La capitale reflète donc
les contrastes monumentaux et humains.

LA V I L L E C A P I T A L E

LA CAPITALE DE L’EMPIRE

Le siège symboliqu e et réel du pou voi r pol i t i qu e


C’est évidemment l’aspect premier de Constantinople, puisque c’est la
raison même de sa fondation, et elle acquit rapidement un immense pres-
tige dans et hors de l’Empire. Les menaces planent sur elle depuis le siège
avar et perse de 626 et les sièges arabes de 674-678 et 717-718, mais la
façon dont elle parvient à y résister ne fait que renforcer ce prestige. Pour
les Arabes musulmans, en définitive repoussés, la prise de Constantinople
devient un mythe eschatologique, synonyme de triomphe définitif de l’Islam
et de fin des temps.
La défense de la ville, contre les ennemis extérieurs ou contre les révol-
tés, revêtait une importance particulière. La supériorité navale que donnè-
rent d’abord le feu grégeois, puis la double organisation d’une flotte cen-
trale et des flottes thématiques [Ahrweiler, 377, p. 71-99] dura jusqu’à la
fin du XIe siècle, où l’Empire dut faire appel à la flotte vénitienne ; elle ren-
dait d’autant plus difficile un siège maritime qu’une chaîne, qui ne fut
jamais forcée, barrait l’accès à la Corne d’Or. La défense terrestre reposait
en Thrace sur un réseau de forteresses et le Long Mur d’Anastase ; cette
ligne était parfois enfoncée, mais les murailles tenaient. Les contingents des
258 Les fondements de la civilisation byzantine

tagmata et des thèmes de Thrace et de l’Opsikion devaient en principe


empêcher les armées ennemies d’arriver jusqu’à la muraille.
Celle-ci n’est pas toujours défendue par un contingent permanent, qui
coûterait trop cher et se heurterait à la méfiance de la population à l’égard
de troupes stationnant dans les murs. Au départ, les troupes levées par les
dèmes (1 500 Verts et 900 Bleus : discussion sur le sens de dèmes et sur les
effectifs [Zuckermann, REB, 58, 2000]), formaient l’essentiel de la garde ; si
besoin était, l’on armait les membres des corps de métier. Il arrive même
que toute la population se rende sur les murailles, comme ce fut le cas lors
de la révolte de Tornikios en 1047 [Lefort, 822]. Les contingents des scho-
les et des excubites cessent d’être de pure parade pour devenir des défen-
seurs efficaces ; mais ils suivent l’empereur en campagne. La Veille, sous le
commandement de l’éparque, était chargée de la défense en plus de la
police ; lors de l’apparition du drongaire de la Veille à la fin du IXe siècle,
la protection de la ville se renforce. Du IXe au XIe siècle, le comte (ou
domestique) des murs semble chargé de coordonner ces efforts. De toute
façon, les effectifs nécessaires pour défendre la muraille ne sont pas très éle-
vés : en 1453, ils ne dépassaient pas 8 000 et c’est l’artillerie qui eut raison
de leur résistance [Haldon, 590].
L’admiration que la capitale provoque chez les visiteurs étrangers ne se
dément pas, qu’il s’agisse des prisonniers arabes ou des ambassadeurs venus
d’Occident comme, au Xe siècle, Liutprand de Crémone, des voyageurs du
XIIe siècle comme Benjamin de Tudèle ou Antoine de Novgorod. L’impres-
sion fut la même sur les croisés ; l’admiration mêlée d’envie, pour les riches-
ses matérielles et spirituelles (les reliques), explique, pour une part, la vio-
lence du sac perpétré en 1204.
Les élites byzantines ne peuvent s’éloigner de Constantinople. Psellos,
au XIe siècle, compare le sort d’un exilé loin de la capitale à celui d’Adam
privé du Paradis. Être proche de l’empereur est source de tout pouvoir et,
pour qui veut faire carrière, il faut demeurer dans la ville au moins de
temps à autre ; à cet égard, on aurait tort d’opposer aristocratie provinciale
et aristocratie constantinopolitaine. Les grandes familles, même puissam-
ment installées en province, se doivent d’entretenir un oikos à Constanti-
nople et d’y résider pour partie ; la plupart des carrières réussies font alter-
ner les commandements provinciaux et les fonctions exercées dans les
administrations centrales, comme le montrent l’exemple des Phocas ou
celui des Argyroi [Cheynet, 441 ; Cheynet-Vannier, 442]. Au reste, seule la
capitale offre les possibilités d’instruction nécessaires à ceux qui veulent
faire carrière sans être issus de la plus haute aristocratie ; seule, elle abrite
les outils nécessaires à ceux qui aspirent à une vie intellectuelle. D’ailleurs,
aucune ville de l’Empire et, jusqu’en 1204, aucune ville chrétienne ne peut
rivaliser avec elle.
Constantinople et l’économie urbaine 259

Le Palais

Le Palais abrite de multiples institutions du gouvernement impérial. La


plupart des sékréta s’y trouvent vers lesquels affluent presque chaque jour les
fonctionnaires de ces bureaux pour y accomplir leur travail ; c’est là aussi,
dans l’Hippodrome couvert à distinguer du grand Hippodrome, que se
tiennent le tribunal impérial et son corps de juges « de l’Hippodrome et du
velum ». C’est encore au Palais que se déroule l’essentiel des cérémonies
politiques, de la liturgie impériale. Si les ambassadeurs sont le plus souvent
reçus à la Magnaure, vaste basilique à trois nefs précédée d’un portique, au
milieu d’une impressionnante machinerie, une partie des décisions impéria-
les signifiées lors de silentia se déroulent au Triklinos des 19 lits, qui sert
aussi aux banquets d’apparat (De Cerimoniis, Listes de préséance). Il est pré-
cédé d’une cour entourée de luxueux portiques, le Tribunal des 19 lits ;
l’empereur assiste aux cérémonies qui s’y déroulent du haut d’une terrasse,
l’héliakon. La nomination des fonctionnaires et dignitaires, comme le paie-
ment de leur roga, s’effectue dans un bâtiment édifié par Justin II et embelli
par Constantin VII, plus proche de la partie privée (et sacrée) du Palais, le
Chrysotriklinos ( « Triklinos d’or » ) ; c’est un octogone surmonté d’une
coupole à 16 fenêtres, sur lequel s’ouvre une abside surélevée en forme de
conque où siège l’empereur assis sous une mosaïque représentant le Christ
trônant. Le bâtiment qui constitue la voie d’accès la plus officielle du Palais
– dont les entrées sont multiples –, la Chalcè [Mango, 595] est le siège à la
fois de la garde et de prisons ; elle donne à l’est sur l’Augustéon.
La partie ouest du Palais constitue le Palais Sacré, réservé à l’empereur et
à sa famille. Là se trouve la Porphyra, la salle dallée de marbre pourpre
réservée à l’accouchement des impératrices régnantes. Cette partie abrite
aussi la plupart des nombreuses églises du Palais, dont les plus célèbres
étaient la Théotokos du Pharos, qui date sans doute du VIIe siècle et qui fut
reconstruite par Michel III, et la Néa édifiée par son successeur Basile Ier. La
première, église palatine par excellence, située sur la terrasse juste au-dessus
de la seconde, servait notamment à abriter les nombreuses reliques conser-
vées par l’empereur, dont au premier chef, celles qui étaient liées à la Passion
du Christ : tunique, clous, couronne d’épines, lance. S’y ajoutaient d’autres
reliques encore insignes : sang, trace des pieds, vêtements divers, lettre à
Agbar, table de la Cène, bassin du Lavement des pieds, pierre de la déposi-
tion, et le mandylion transféré d’Édesse en 944 [Riant, 603, t. 2, p. 74, 78, 81,
223, 230-231, 233, 235-236, 284, 286 ; Magdalino, 600]. En conservant ces
reliques au Palais, et en organisant des processions pour les exposer dans la
ville, qu’il conduisait lui-même, l’empereur rendait plus manifeste encore la
force du lien qui l’unissait au Pantokratôr.
260 Les fondements de la civilisation byzantine

Ajoutons que, si depuis Justinien II, le Palais est ceint de murs dont le
périmètre s’agrandit sans cesse, il est également aéré par de nombreux jar-
dins installés sur les terrasses qui supportent les bâtiments et descendent de
31 m en 6 paliers du sommet de l’Acropole où le Palais jouxte l’Hippo-
drome vers le port du Boukoléon qui sert d’embarcadère lorsque l’empe-
reur quitte le Palais par mer, pour se rendre soit en Asie, soit à Saint-Jean-
Baptiste du Stoudios, soit à l’Hebdomon, soit encore en d’autres lieux plus
accessibles par mer. Le plus célèbre des jardins, connu sous le nom de
Mésokèpion, s’étendait de la Néa au tzykanistèrion (sorte de terrain de polo)
installé par Basile Ier qui avait fait édifier cette église sur le précédent [Lit-
tlewood, 593, p. 22 ; Maguire, 585, p. 258-259].
Enfin, le Palais abrite les ateliers où sont fabriqués les produits qui cons-
tituent des monopoles impériaux de nature politique : la monnaie, certaines
armes, dont le feu grégeois, et surtout les tissus et vêtements de soie. Ceux
de pourpre étaient réservés au seul usage impérial ; les autres, destinés à
habiller l’empereur et ses proches, constituaient aussi une partie du salaire
des fonctionnaires et dignitaires, et d’autres tissus de prix étaient utilisés à
des fins diplomatiques. Même si, dès le Xe siècle au plus tard, la partie la
moins noble de ces kékôluména est façonnée dans les ateliers des séricaires,
comme nous le verrons, les ateliers impériaux restent en activité. La pro-
duction était probablement assurée par des esclaves qui vivaient en perma-
nence au Palais, afin que les secrets de fabrication ne soient pas divulgués.
Cette présence massive d’esclaves pose toutefois des problèmes d’espace dis-
ponible et d’organisation délicats à résoudre ; au reste, il semble bien que
ces ateliers aient pu être déplacés vers des palais impériaux extérieurs,
comme l’oikos impérial de Marina, proche du monastère des Hodègoi
[Dagron, 605, p. 431].

Le peu ple
À l’exception des deux représentants officiels des factions, les démarques
des Bleus et des Verts, il n’est pas d’usage que le peuple pénètre au Palais ;
l’édification du mur de clôture manifeste clairement la limite entre le
peuple et son souverain. Pour autant, même quand celui-là n’intervient pas
dans la vie politique stricto sensu – le principal exemple pour la période
considérée demeure le renversement de Michel V en 1042 –, le peuple joue
un rôle au moins symbolique, car son acclamation est en théorie nécessaire
au nouvel empereur. Dans l’exemple cité, Michel V croit devoir faire lire
par le préfet de la Ville au peuple rassemblé au Forum de Constantin une
proclamation de déchéance de Zôé, la porphyrogénète qui l’avait fait
empereur ; mais le peuple, attaché à la dynastie macédonienne, refuse et
Constantinople et l’économie urbaine 261

l’émeute commence. Michel V, en vain, tente de calmer l’insurrection en


apparaissant au Kathisma de l’Hippodrome avec Zoé. Devant l’échec de
cette tentative, Michel décide de résister ; mais la foule attaque le Palais en
trois points différents – l’Hippodrome, donc le Kathisma, au nord, la porte
des Excubites à l’est et la zone du terrain de polo au sud – et le mur du
Palais est impuissant à le protéger. La foule, malgré des pertes importantes
que Skylitzès chiffre à 3 000 victimes, submerge en trente-six heures les
contingents fidèles à l’empereur, pille le Palais et ses bureaux, s’emparant
de l’or de l’atelier monétaire, de tissus de soie et déchirant les registres fis-
caux. Michel s’est réfugié au Stoudios, mais la foule l’en arrache, le traîne
au Sigma, situé à proximité, et l’y aveugle.
Le contact entre l’empereur et le peuple commence lors de l’entrée
triomphale qui suit assez souvent l’avènement, par la Porte d’Or. La
même procession prend place lors des triomphes des empereurs après
leurs victoires. Le cortège populaire qui acclame Nicéphore Phocas le
16 août 963 l’attend à sa descente du dromôn impérial qui l’a conduit à
proximité de la Porte d’Or : « Toute la ville vint à sa rencontre, petits et
grands, avec des lampes et ces encensoirs. » Lorsqu’il arrive à la Porte, les
deux factions, Bleus et Verts, l’acclament depuis l’intérieur. Il parcourt
ensuite la Mésè à cheval jusqu’au Forum de Constantin ; il finit le trajet
jusqu’à Sainte-Sophie à pied, en procession derrière la Vraie Croix, sortie
du Palais pour l’occasion (Constantin Porphyrogénète, De Cerimoniis, I, 96,
p. 438-439).
Mais le lieu essentiel du contact avec le peuple, c’est l’Hippodrome
[Dagron, 205]. Cet immense bâtiment mesure 450 m de long et 117,5 à
123,5 m de large ; la forte dénivellation a contraint d’édifier à l’ouest une
gigantesque maçonnerie semi-circulaire, la Sphendonè. La seule piste,
l’Euripe, divisée en deux par la spina portant des statues antiques dont la
signification est oubliée [Dagron, 572], la colonne serpentine et deux obélis-
ques, occupe 80 m de large ; elle est entourée de 9 ou 10 rangées de gra-
dins. La capacité de l’édifice, environ 40 000 spectateurs, suggère qu’elle a
été calculée pour accueillir la quasi-totalité des chefs de famille de la capi-
tale : il rassemble bien le peuple entier. Les courses s’y déroulent lors des
principales fêtes et notamment pour commémorer l’inauguration de la capi-
tale, le 11 mai. Ce jour-là se maintient la tradition de distributions de
vivres : à la fin de chaque demi-journée, des chars déversent sur la piste des
pains et des poissons. Mais l’empereur peut organiser d’autres courses en
dehors du calendrier habituel, ou même convoquer le peuple à l’Hippo-
drome en d’autres occasions pour y dialoguer avec lui.
L’empereur dispose en effet d’une loge, le Kathisma, vaste bâtiment de
trois étages. Le rez-de-chaussée, avec ses portiques et ses pièces de service,
communique directement avec le Palais. Au premier étage se trouvent une
262 Les fondements de la civilisation byzantine

chambre de repos, une antichambre, un grand triklinos de réception, un ves-


tibule et un passage vers l’étroit escalier à vis qui monte à la tribune et aux
loges des sénateurs. Au troisième étage, l’empereur prend place dans sa
loge ; avec les sénateurs qui l’entourent, il fait face au peuple ; en face de la
loge, sur la piste, une arche, le P ou stamma, où les cochers s’arrêtent pour
le saluer. Quand l’empereur entre dans sa loge, il salue d’abord les factions,
en commençant par celle dont il choisit d’épouser la cause, au moins spor-
tive, durant son règne : les Bleus (900) sont à droite du Kathisma et les
Verts (1 500) à gauche. Ensuite, l’empereur salue le reste du peuple, soit
quelque 37 000 personnes, qui lui répondent par des acclamations. Il reçoit
également la révérence des sénateurs. Ainsi est renouvelée l’approbation de
deux des corps constituant la légitimité impériale.
Constantin V fit un usage exemplaire de l’Hippodrome comme lieu de
propagande politique. Il y organisa ainsi une procession de moines et
moniales, principaux opposants à l’iconoclasme et soupçonnés de conspirer
contre l’empereur ; ceux-ci, privés de leur habit monastique au profit de
vêtements ordinaires, défilèrent sur la piste deux par deux, main dans la
main, un homme et une femme (Théophane, p. 437-438 ; Nicéphore [53],
c. 83, p. 156). L’opération symbolise le retour à la société par le port d’un
habit ordinaire et la constitution d’un couple. De même, cet empereur
organisa en ce lieu des cérémonies de dégradation d’opposants : il n’hésita
pas à rabaisser ainsi le patriarche, d’abord Anastase, en 743, promené sur
un âne dans l’Hippodrome avant d’être rétabli sur son trône, puis Constan-
tin, en 767, promené de la même façon, mais assis, tourné vers la queue,
avant d’être mis à mort [Auzépy, 691, p. 258-259]. Plus fameuse encore, la
cérémonie dont le héros fut l’un de ses fidèles, Georges « Sénatrice », ainsi
appelé par les sources iconodoules pour stigmatiser les prétendues tendan-
ces homosexuelles de l’empereur. Celui-ci s’était rendu auprès d’Étienne le
Jeune pour recevoir de lui l’habit monastique ; dans l’Hippodrome bondé,
il fut dépouillé de l’habit noir, mis à nu et lavé, puis revêtu de ses habits de
sénateur [Auzépy, 93, 38-40, p. 137-141 ; Auzépy, 691, p. 28-32].
Quant aux dèmes, si actifs durant l’époque protobyzantine, ils sont de
plus en plus cantonnés dans leur rôle de supporteurs. Si l’on compare par
exemple l’insurrection qui mit au pouvoir Phocas en 602 à celle de 1042,
celle de 602 est la dernière où les dèmes jouent un rôle majeur, agissant en
manière de délégués du peuple ; en 1042, le peuple intervient d’une façon
que Skylitzès présente comme décisive, mais les dèmes sont absents. Certes,
leur milice continue à défendre les murailles, mais le terme de démote qui
désignait les plus actifs de ces miliciens a quasi disparu des événements
décrits par les historiens. Les dèmes ont leur place dans les cérémonies
palatines où sont invités leurs démarques, qui figurent toujours sur la liste
des fonctionnaires dressée par Philothée en 899 et se trouvent à la tête d’un
Constantinople et l’économie urbaine 263

bureau relativement nombreux, au sein duquel on retrouve en bonne place


les démotes ; mais les dèmes sont comme momifiés dans leur rôle d’organi-
sateurs des courses [Dagron, 205].

LES INSTITUTIONS DE CONSTANTINOPLE

L’épar qu e

L’éparque de la Ville est la clé de voûte du système administratif de


la capitale. La fonction de préfet de Constantinople apparaît le
11 décembre 359 avec la nomination d’Honoratus ; la première loi le
concernant date de 361. La place qu’il occupe dans l’appareil administratif
de l’Empire se mesure à sa position dans différents traités de nature juri-
dique. Dans l’Eisagôgè de Basile, Léon et Alexandre, il figure au titre IV
juste derrière l’empereur et le patriarche. Dans le taktikon Uspenskij de 842-
843, qui mêle dignités et fonctions, comme dans le klètorologion de Philothée
de 899, il est le premier des fonctionnaires civils ; dans ce dernier cas, il est
inséré au milieu de la liste des stratèges. Surtout, son bureau tel qu’il est
décrit dans ce dernier traité, apparaît comme le plus nombreux, avec
14 subordonnés, soit deux de plus que le logothète du génikon [Oikonomi-
dès, 28, p. 319-321]. Au reste, ses pouvoirs ne se limitent pas à la ville,
mais s’étendent sur toute la région, en théorie cent miliaires autour de la
capitale.
Philothée classe l’éparque parmi les juges, comme le questeur et le pré-
posé aux pétitions. Le tribunal qu’il préside rend la justice civile et pénale à
Constantinople et dans sa région. L’éparque, aidé d’un symponos, siège au
Prétoire et il a sous ses ordres le logothète du prétoire, chargé des prisons.
Le centurion affecté à son bureau commande les troupes qui sont à sa dis-
position ; ce grade peu élevé suggère un effectif modeste et conduit à
s’interroger sur la capacité de la police à contrôler la ville. Pour exercer ses
fonctions judiciaires à l’intérieur de la ville, il dispose de juges des régions,
sans doute un pour chacune des 14 régions urbaines, mais peut-être aussi
pour le ressort du district de Constantinople. À chacune de ces régions est
par ailleurs attribué un geitoniarque (responsable de quartier), dont on ne
sait quelles étaient les fonctions réelles. L’éparque contrôle également
l’assiette de l’impôt : il commande à quatre réviseurs ou époptes, chargés du
cadastre et du calcul, ou au moins du contrôle du calcul de l’impôt dû pour
chaque propriété. Comme tout haut fonctionnaire byzantin, il bénéficie
pour le fonctionnement quotidien de son office de nombreux kankellarioi
264 Les fondements de la civilisation byzantine

dirigés par deux prôtokankellarioi. On ne sait pas de quel financement il dis-


posait ; mais, comme la plupart des responsables de sékréta, il avait sous ses
ordres des épiskeptitai.
Le reste de ses attributions concerne l’administration des métiers. L’un
des principaux corps de métier, celui des notaires, est même placé sous
l’autorité de l’éparque, tout comme les exarques ou prostatai des autres
métiers, qui sont à la fois les chefs des métiers et les intermédiaires entre
l’éparque et les métiers (cf. infra). Naturellement, les boullôtai, officiers munis
de la bulle qu’ils appliquent sur les marchandises, notamment les soieries
qui doivent recevoir une estampille officielle, relèvent de ce bureau.
D’ailleurs, les symponoi (adjoints) consacrent aux métiers de la capitale une
grande partie de leurs activités.
Dès le XIe siècle, l’éparque voit son autorité restreinte ; il perd ainsi une
partie de son rôle en matière de justice, notamment le pouvoir de recevoir
les appels introduits à Constantinople à l’encontre des décisions des tribu-
naux provinciaux pour jugement au tribunal impérial. Même s’agissant des
métiers de Constantinople, ses décisions peuvent désormais être cassées par
le drongaire de la Veille. Surtout, le contrôle du commerce maritime lui
échappe. En effet, au début du Xe siècle encore, il avait autorité sur le para-
thalassitès, classé au dernier rang de son bureau qui assurait le contrôle de la
marine marchande dans les ports de la capitale [Ahrweiler, 588, p. 246-
252 ; Oikonomidès, 345, p. 133] ; à la fin du XIIe siècle, il existe un sékréton
de la mer, dépendant du logothète des sékréta, mais placé sous l’autorité
d’un ou de deux parathalassitai. L’éparque est ainsi réduit à la police et à
l’administration de la capitale.

La r égion de Con stan t i n opl e


En Thrace, l’autorité de l’éparque ne dépasse pas les Longs Murs.
Quand il condamne un de ses administrés à l’exil, punition fréquente, il
doit le faire dans son ressort. Dans les faits, ses pouvoirs concernent surtout
les habitants de la capitale. La répartition des compétences territoriales est
complexe : par exemple, selon le Livre de l’Éparque, le questeur est respon-
sable de toutes personnes venant de l’extérieur dont il doit s’assurer qu’elles
pratiquent rapidement leurs affaires pour partir au plus vite. Les mendiants
de la capitale sont obligés de travailler sous peine d’expulsion, tandis que
ceux de l’extérieur sont théoriquement expulsés. Au reste, la législation des
Macédoniens protégeant la petite propriété n’est pas exécutoire à Constan-
tinople, puisque Basile II est obligé de disposer explicitement qu’elle le sera.
Les marchands constantinopolitains soumis à une juridiction spéciale dans
cette zone sont gênés, même si le contrôle économique est léger, mais
Constantinople et l’économie urbaine 265

l’organisation en corps de métiers est rigide. Cette situation s’est maintenue


jusqu’au XIe siècle, date à laquelle elle évolue, semble-t-il [Oikonomi-
dès, 619].

LA VILLE SAINTE

L’Église de Con stan tin opl e

Depuis les conquêtes arabes, le patriarcat de Constantinople est le seul


des patriarcats orientaux constamment placé sous la souveraineté byzantine.
L’importance politique du prélat en est renforcée au point que l’empereur
doit s’assurer de son entière collaboration et de son appui pour mener à
bien sa politique. Naturellement, l’empereur contrôle étroitement ce per-
sonnage : c’est en fait lui qui le choisit et il parvient toujours à se débarras-
ser d’un patriarche incommode (cf. chap. V, p. 97). De plus, le patriarche
est une puissance économique, grâce aux revenus que lui assurent une
importante dotation foncière tant à Constantinople même qu’en province et
les dévolutions d’impôts. Les revenus des 1 100 ateliers étaient destinés en
théorie à assurer la gratuité des funérailles [Dagron, 626, notamment
p. 162-164 et 171-175].
Le caractère pléthorique du clergé de Constantinople était déjà dénoncé
par la législation d’Héraclius. Il faut attendre Alexis Ier Comnène pour voir
l’empereur légiférer vraiment. Quant aux fidèles, qui peuvent également
suivre les offices de certains monastères, leur encadrement semble bien
assuré [Dagron, 598, p. 1084-1085].
Sainte-Sophie demeure le centre de la vie religieuse de la capitale, non
seulement à cause du patriarche et de son clergé, mais aussi de la place que
s’y attribue l’empereur. Si le bâtiment n’est pas substantiellement modifié
par rapport à la construction de Justinien, sauf à renforcer les contreforts
pour affronter les tremblements de terre, la décoration subit d’importantes
modifications après la crise iconoclaste. Outre la Théotokos de l’abside et
les remaniements successifs de la galerie des patriarches qui orne les murs
hauts de la nef, ce qui frappe, c’est la présence croissante des empereurs
dans cette décoration : Constantin et Justinien entourant la Théotokos et lui
offrant l’un la ville et l’autre la cathédrale au-dessus de la Belle Porte ;
Léon VI aux pieds du Christ au-dessus des portes impériales que Nicolas
Mystikos avait refusé de lui ouvrir ; de véritables portraits de famille dans
les galeries des tribunes, dont subsistent ceux de Zoè avec son dernier mari
Constantin Monomaque et de Jean II accompagné de son épouse Irène et
266 Les fondements de la civilisation byzantine

de son fils aîné Alexis. Cette présence impériale accrue sur les murs de la
cathédrale correspond à la place éminente de celle-ci dans le cérémonial
impérial : dans son Livre des Cérémonies, Constantin Porphyrogénète place en
tête celle qui conduit l’empereur du Palais à Sainte-Sophie et retour après
l’office, pour les fêtes de Pâques, de la Pentecôte, de la Transfiguration, de
la Nativité et de l’Épiphanie, souvent choisies pour le couronnement
[Dagron, 206]. Autant que celle du patriarche, Sainte-Sophie est l’église
publique de l’empereur, qui dispose d’églises privées dans son palais.

Mon astèr es, fon datio n s pi eu ses, con fr ér i es

Tenter de dénombrer les monastères simultanément en activité serait


voué à l’échec et la démarche serait aussi vaine pour les églises. Certains
monastères remontent à l’époque protobyzantine ; en dépit de l’icono-
clasme, peu semblent avoir disparu ; la plupart font l’objet de constantes
rénovations, par exemple le Stoudios ou Chôra. La plupart des empereurs
et impératrices s’empressent d’en fonder de nouveaux : il peut s’agir de très
grands établissements, comme celui de Manuel restauré par Romain Ier ; à
partir du XIe siècle, toutes les fondations ou refondations sont considérables,
comme la Péribléptos par Romain III, les Saints-Anargyres au Kosmidion
par Michel IV, Saint-Georges des Manganes par Constantin IX, la Théoto-
kos Kécharitôménè et le Christ Philanthrôpos par Irène Doukaina et enfin
le Pantokratôr par Jean II Comnène.
Ce dernier, avec son église triple dont une destinée à servir de sépulture
à Jean II et à sa famille, le vaste complexe d’assistance comprenant un
hôpital qui lui est annexé et sa formidable dotation foncière [Gautier, 567],
marque l’aboutissement d’une évolution de plusieurs siècles. À l’époque
protobyzantine, l’assistance publique, que les cités n’assuraient plus, était le
fait d’établissements ecclésiastiques autonomes. Puis l’empereur reprit en
main, sur la fortune de la Couronne organisée en maisons impériales, une
partie de cette assistance. Enfin, à partir du IXe siècle, ces pieuses maisons
impériales deviennent des monastères, tandis que les monastères nouvelle-
ment fondés comportent presque toujours un établissement de charité
[Kaplan, 343].
Il est évidemment plus difficile de suivre les petites fondations que mul-
tiplient les aristocrates plus modestes. L’une d’entre elles, hors les murs,
connaîtra un grand succès, car son typikon inspirera maintes chartes ulté-
rieures : c’est le Christ Évergétis [Gautier, 1982]. Plus modeste encore, le
monastère fondé par le juge et historien Michel Attaleiatès, toujours au
XIe siècle ; celui-ci entendait fonder un ensemble comprenant un établisse-
ment de charité à Rhaidestos et un monastère de sept moines dans la capi-
Constantinople et l’économie urbaine 267

tale ; à sa mort, seul le monastère existe [Gautier, 567 ; Lemerle, 631,


p. 99-112]. Le foisonnement est en tout cas considérable, même si la durée
de vie d’un monastère à faible effectif comme celui d’Attaleiatès, qui ne
semble pas être resté indépendant après la mort du fils du fondateur, reste
limitée.
Dès le VIe siècle, les grands bains publics gratuits sont remplacés par des
établissements plus modestes et payants, rattachés à des fondations pieuses.
Ces derniers sont assez proches des lou(s)mata, desservis par des confréries
pieuses, les diaconies, où servent de nombreux laïcs, et qui s’occupent de
laver et nourrir les pauvres. Il en existait au moins 25 dans la capitale
[Magdalino, 632 ; 570, p. 31-34 et 93-95]. Plusieurs de ces diaconies vivo-
taient et même menaçaient faillite, faute de dotation suffisante, ce qui
poussa parfois des empereurs à les transformer en grandes fondations,
comme ce fut le cas pour la Théotokos du Néorion, restaurée par Romain
Lécapène. Le louma de la Théotokos des Hodègôn était desservi au
XIe siècle par une confrérie qui assurait la vénération de l’icône de la Vierge
Hodèghètria (conductrice) [Magdalino, 570, p. 33].

LA CAPITALE DES RELIQUES

Dès l’origine, Constantinople est une nouvelle Rome. Avec la perte de


la Palestine, elle devient plus encore une nouvelle Jérusalem : les empereurs
ne cessent d’y amasser les reliques, notamment celles de la Passion conser-
vées à la Théotokos du Pharos. À cela s’ajoute la multitude des reliques
liées à la protectrice de la Ville, celle qui l’a empêchée de succomber aux
assauts des Avars, puis des Arabes, la Théotokos.
Le rassemblement des reliques christiques à Constantinople constitue
pour l’empereur un objectif majeur, qui lui permet d’animer à son profit les
manifestations de ferveur de la population. L’exemple le plus fameux est
sans doute celui du mandylion d’Édesse, linge sur lequel le Christ était réputé
avoir imprimé sa face. En 944, les habitants de la ville obtinrent que
l’armée byzantine conduite par Jean Kourkouas lève le siège en échange du
mandylion. Celui-ci est apporté à Constantinople et son entrée solennelle
dans la capitale pour rejoindre la Théotokos du Pharos, le 15 août de cette
année, est le dernier grand triomphe de Romain Lécapène. Cette insigne
relique n’est plus attestée à Constantinople après 1204.
Comme Rome et Jérusalem, Constantinople bénéficie d’une liturgie sta-
tionnale : les processions, où sont placées en tête des reliques et des icônes,
parcourent les grandes artères en direction de l’un des sanctuaires les plus
268 Les fondements de la civilisation byzantine

célèbres du personnage fêté ; quand il s’agit de la Vierge, il n’y a que


l’embarras du choix. Les églises stationnales sont situées dans les quartiers les
plus peuplés de la capitale et les cortèges n’hésitent pas à quitter les grandes
artères pour se rendre dans un sanctuaire plus à l’écart (Baldovin, 695). Les
processions conduites par le clergé en vêtements sacerdotaux, suivi des fidè-
les, au milieu des chants et de l’encens, partaient souvent de Sainte-Sophie,
puis se rendaient d’un sanctuaire à l’autre, parfois même en banlieue, avant
d’atteindre l’église qui en était la destination finale où se déroulait la synaxe.
L’empereur tire profit de cette forme de piété, prenant lui-même la tête
de processions où le clergé joue un rôle secondaire [Berger, 589, p. 77-83].
Ainsi, pour célébrer les victoires, comme la levée du siège de 678, le
25 juin. La plus spectaculaire de ces processions est celle qui suit la Croix
conservée au Palais : elle quitte la Théotokos du Pharos le 28 juillet ; elle
parcourt toute la ville et les murailles et enfin fait le tour du mur qui ceint
le Palais avant de retrouver sa place le 13 août.
Outre les reliques et icônes fameuses qui attirent les pèlerins, telle
l’icône de la Vierge des Blachernes redécouverte sous Romain III Argyre et
qui donne lieu tous les vendredis au miracle du soulèvement du voile qui la
recouvre [Grumel, 599], Constantinople et ses environs comptent d’innom-
brables sanctuaires où les malades se rendent pour incuber dans l’attente
d’une guérison. Citons, hors les murs, les saints Anargyres au Kosmidion et
de la Théotokos de Pègè ou, en ville, le sanctuaire du Prodrome de l’Oxeia,
proche des portiques de Domninos, auprès des reliques de saint Artémios.

L ’ É C O N O M I E [ Dagron, 2 0 0 2 ]

LES MÉTIERS

Le Livre de l’épar q u e
L’édition par Jules Nicole, en 1893, du Livre de l’éparque qu’il avait
découvert dans un manuscrit de Genève, a donné naissance à une abon-
dante littérature, reflet des débats historiographiques et surtout sociaux des
époques qui ont suivi. Byzance apparaissait comme « le paradis du mono-
pole et du privilège » ; son économie pouvait être considérée, pour l’ad-
mirer ou la décrier, comme une économie dirigée. Ces débats sont aujour-
d’hui dépassés et une étude rigoureuse a été relancée par la réédition du
principal document concernant les métiers [Koder, 84].
Constantinople et l’économie urbaine 269

Les corps de métier sont organisés depuis une loi de 391 qui figure dans
le Code Théodosien. Les principes renouvelés dans le Code Justinien sont
repris dans les Basiliques (C. Th. 1, 10, 4 = C. J. 1, 28, 4 = B. 6, 4, 13) :
Que tous les corps de métier (corporationes, sômateia) qui se trouvent à Constanti-
nople, les citoyens et tous ceux issus du peuple soient soumis à l’éparque de la
Ville.
Les corps de métier sont ensuite à peu près absents des sources jusqu’à la
promulgation du Livre de l’éparque par Léon VI au début de 912. Il est difficile
de savoir avec exactitude comment l’édit a été rédigé : les différents titres
présentent beaucoup de points communs dans la rédaction et le contenu,
mais aussi des différences apparemment inexplicables s’il s’agit d’une rédac-
tion effectuée par une seule personne ou une équipe très restreinte. Les
rédacteurs peuvent avoir consulté les archives de la préfecture, puis avoir
procédé à une harmonisation par des juristes avant d’y ajouter un proïmion
impérial qui en fait une loi ; ils peuvent aussi parallèlement s’être livrés à une
enquête auprès des métiers inscrits dans le Livre pour recueillir leurs pratiques
coutumières avant une certaine unification [Kaplan, 610, p. 321-322]. De
toute façon, le texte qui nous a été transmis par un très petit nombre de
manuscrits n’est pas le texte d’origine, car il contient des mentions d’espèces
monétaires apparues seulement sous Nicéphore Phocas et Basile II, et les
titres 21 sur les maquignons et 22 sur les métiers du bâtiment sont visible-
ment rajoutés par la suite, sans souci du plan ; cet aspect évolutif dénote un
texte effectivement appliqué au moins jusqu’à la fin du XIe siècle.
Le Livre se concentre au départ sur des métiers bien délimités : services
(notaires, orfèvres, changeurs) que l’État doit nécessairement contrôler puis-
qu’ils participent de l’exercice de la puissance publique ; métiers de la soie,
industrie éminemment politique ; métiers assurant le ravitaillement en pro-
duits de première nécessité, notamment alimentaires, dont le manque, le
surcoût ou la mauvaise qualité sont susceptibles de créer des troubles à
l’ordre public. En revanche, un nombre de métiers tout aussi essentiels
pour l’économie de la capitale, comme le travail des métaux qui a pourtant
donné son nom à l’un des quartiers de la capitale, les Chalkopratéia,
l’artisanat textile en dehors de la soie et du lin, la construction et l’équi-
pement des navires, la plupart des commerces non alimentaires, voire les
spécialistes de la mosaïque, ne figurent pas dans le Livre. Les métiers que
révèlent les autres sources sont en effet prodigieusement divers [Kaplan,
627, p. 250-251]. Le Livre ne poursuit donc pas d’objectif économique ni
même réglementaire global et n’offre pas nécessairement un modèle appli-
cable à tous les secteurs de l’économie.
270 Les fondements de la civilisation byzantine

L’or gan isation des cor ps de mét i er

Quoi qu’il en soit, nous en sommes réduits à raisonner à partir du Livre.


Les métiers constituent des communautés (le terme koinôtès est le même que
celui qui est en usage pour les villages). Même si peu de métiers organisent
explicitement l’apprentissage, l’admission est toujours soumise à vérification
des qualifications, à l’accord du métier et à la ratification par l’éparque ; il
peut y avoir cautionnement par plusieurs membres. L’impétrant verse une
somme à l’éparque et au métier ou au métier seulement, mais cela ne
figure pas pour tous et le montant est toujours modeste, dérisoire par rap-
port au prix ou simplement au loyer de l’atelier ou de la boutique. On ne
sait si les esclaves peuvent devenir membres d’un corps de métier ; quant
aux femmes, ce n’est explicitement exclu que pour les orfèvres. Seuls les
notaires affichent un numerus clausus de 24.
Si l’éparque a un représentant (exarque) auprès de certains corps de
métier, tous ont un ou plusieurs chefs (prostatai ou termes équivalents), qui,
répondant du métier auprès de l’éparque, sont nommés par lui sans doute
sur proposition du métier. Celui-ci a donc une vie collective ; il a d’ailleurs
des ressources au moins lorsqu’il y a paiement de droits d’entrée. Nous
n’avons de précision que pour les notaires : l’office religieux est suivi d’un
festin lors de l’intronisation et les autres notaires assistent solennellement
aux funérailles de l’un d’entre eux. Il est possible que les autres métiers
aient connu des pratiques similaires. Bref, les métiers jouent un rôle fonda-
mental dans la structuration de la société constantinopolitaine.

Sign ification écon omi qu e et pol i t i qu e


L’intervention de l’éparque, objet de multiples controverses historiogra-
phiques, répond d’abord à un souci d’ordre et de qualité. Le contrôle des
poids et mesures est un attribut élémentaire de la souveraineté, nécessaire
par ailleurs au bon fonctionnement des activités artisanales et commercia-
les. Le souci est constant d’assurer la qualité de fabrication. Par exemple,
en interdisant aux cérulaires de mélanger du suif à la cire, ce qui, en faible
quantité, est invisible, la réglementation veut assurer aux consommateurs de
Constantinople et aux acheteurs extérieurs la qualité du produit. De même,
en refusant à un artisan d’être membre de deux corps de métier à la fois, le
législateur interdit l’exercice d’une profession pour laquelle le postulant
n’est pas qualifié.
Cette intervention répond également à un souci politique : il s’agit
d’assurer à la masse de la population pour un petit nombre de produits de
Constantinople et l’économie urbaine 271

grande consommation le minimum vital à un prix décent et d’éviter la spé-


culation. Ainsi, les épiciers (LE 13) et les cérulaires (LE 11) se voient inter-
dire de faire des provisions pour les temps de disette ; les quantités de blé
achetées par les boulangers (LE 18) sont contrôlées par le biais des taxes et
l’administration préfectorale veille à ce que le prix du pain suive le prix
du blé.
Mise à part cette protection du consommateur, la réglementation vise
en fait à assurer le libre jeu des mécanismes économiques. La finalité des
articles contre la spéculation n’est pas de limiter la variation des prix
– même un produit aussi sensible que le pain suit le prix du blé –, mais
d’empêcher les abus de position dominante (LE 20). Il s’agit en fait d’assurer
la concurrence la plus libre et la plus loyale possible. Le Livre ne fixe pas
les loyers, mais empêche que l’on fasse subrepticement hausser celui d’un
concurrent ; cette dernière manœuvre aurait pour conséquence d’aug-
menter son prix de revient et donc de réduire sa marge ; il interdit de
débaucher l’ouvrier du voisin durant le contrat de travail ; en empêchant le
cérulaire d’user de suif, on lui interdit d’abaisser artificiellement ses coûts de
production. La séparation entre les métiers vise à éviter les concentrations
nuisibles au libre jeu de la concurrence ; au reste, s’agissant du cycle de la
soie, le Livre peine à y parvenir [Kaplan, 610, p. 322-326]. En revanche,
l’État n’intervient ni sur les quantités produites ni dans le mécanisme éco-
nomique de fixation des prix et fort peu dans la production. La réglementa-
tion témoigne de la volonté de maintenir les prérogatives de la souveraineté
et l’ordre public, non d’intervenir dans l’économie. Pour la majorité des
historiens, la controverse ouverte par la publication du Livre de l’éparque
aboutit à cette constatation : l’économie constantinopolitaine est une éco-
nomie réglementée, mais libérale.

STRUCTURES SOCIALES DE PRODUCTION

Les métier s à for te valeu r aj ou t ée

Certains métiers du luxe apparaissent dans le Livre de l’éparque, comme


les orfèvres et les métiers de la soie. Constantinople était aussi réputée pour
d’autres productions de luxe, notamment l’art de la mosaïque, qui s’offre
publiquement au regard : dès la fin de l’iconoclasme, les empereurs rivali-
sent dans la décoration de Sainte-Sophie. Au XIIe siècle, Jean II Comnène
dote sa fondation du Pantokratôr d’un important appareil de mosaïques,
tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, car la coupole de l’église principale était
272 Les fondements de la civilisation byzantine

ainsi revêtue à l’extérieur, brillant de mille facettes sous l’éclat du soleil.


Fortement liée au décor de mosaïques, l’utilisation de marbre précieux
demeure une pratique courante ; elle devient complexe au XIe siècle, lors-
qu’elle s’applique au sol des églises : la nef de Saint-Jean-Baptiste de Stou-
dios, comme celle du Pantokratôr reçoivent un pavement d’opus sectile ; plu-
sieurs décorations de ce type ont été trouvées en province, peut-être
fabriquées dans la capitale.
Plusieurs métiers du luxe, qui peuvent revêtir un aspect plus artisanal,
occupent une place éminente à Constantinople : ainsi la fabrication des
icônes, peut-être liée d’ailleurs à l’enluminure des manuscrits, si le Panto-
léon qui peignit une icône d’Athanase l’Athonite se confond avec
l’homonyme qui illustra le ménologe de Basile II. Eustathe Boïlas, exilé
dans la lointaine Cappadoce, possédait un évangéliaire à couverture
rehaussée d’émaux et au texte orné d’initiales peintes, de portraits des
évangélistes et d’une scène de la Nativité. Un tel ouvrage provient vrai-
semblablement des ateliers de la capitale, tout comme les précieux ivoires
sculptés : si certains étaient réservés à un usage religieux, bien d’autres
ornaient les demeures aristocratiques. Tous les livres n’étaient pas enlumi-
nés, mais leur copie occupaient nombre de spécialistes à Constantinople,
tant dans des scriptoria monastiques comme celui du Stoudios que dans des
demeures privées, comme celle du Professeur anonyme au Xe siècle [Lemerle,
823, p. 121-128 et 247-248].
Le travail du bronze ne se limite pas à la fabrication d’objets usuels : le
marchand amalfitain Mauro et son fils Pantaleone firent fabriquer dans la
capitale byzantine les monumentales portes de bronze qu’ils offrirent à la
cathédrale de leur ville (1060) ; d’autres portes, provenant également des
ateliers de la Ville, furent commanditées pour d’autres églises en Italie du
Sud, pour Saint-Paul-hors-les-Murs à Rome (1070), pour la basilique de
Monte Sant’Angelo au Gargano (1087), et l’église du Saint-Sauveur
d’Atrani, à proximité d’Amalfi (1087) [Balard, 604, p. 93]. Pressés par des
besoins de trésorerie, des empereurs firent d’ailleurs fondre certaines de ces
portes de la capitale pour battre monnaie. Ces ateliers employaient des arti-
sans venus de tout l’Empire et savaient adapter l’iconographie de l’objet
fabriqué aux goûts des acheteurs.

L’ar tisan at et le peti t commer ce : l a bou t i qu e


L’unité de base, c’est l’ergastèrion. Il a pour l’instant moins intéressé la
recherche que l’organisation des métiers. Pour la plupart des professions,
la même unité économique pratique à la fois la fabrication et la vente. La
boutique, dont la façade étroite sert de vitrine, ouvre sur la rue ; la fabri-
Constantinople et l’économie urbaine 273

cation, qui donne son nom à l’ergastèrion, se fait à l’arrière de la boutique ;


pour les métiers exclusivement commerçants, l’arrière-boutique sert
d’entrepôt. La boutique porte comme qualificatif le nom du métier :
vendu, l’ergastèrion est transféré avec ses activités ; mais la recherche n’a pas
permis de déterminer qui donne l’autorisation de pratiquer telle activité
dans tel endroit, ou de changer d’activité, ni même si une telle autorisa-
tion est nécessaire.
Les ergastèria sont, en règle générale, exploités par un maître de métier et
sa famille ; il y fait travailler sa femme, ses fils et ses gendres sur des machi-
nes qui lui appartiennent ; l’atelier se transmet de génération en génération.
Le maître peut, à titre de main-d’œuvre d’appoint, employer des salariés et
des apprentis. Un même maître peut exploiter plusieurs ergastèria du même
corps de métier ; les ateliers annexes doivent alors être dirigés par des
esclaves, car seule la responsabilité du maître peut être engagée ; dans ce
cadre-là, un maître peut employer un assez grand nombre de salariés.

Pr opr iétair es et locatair es

Peu de documents nous permettent d’identifier les propriétaires des ate-


liers. Les bâtiments dépendent en général des détenteurs du sol :
l’aristocratie sénatoriale et l’Église. Nous l’avons vu pour Sainte-Sophie. Les
écoles, pourtant tenues par des maîtres laïcs, se trouvent systématiquement
dans des bâtiments ecclésiastiques, où l’on devine que l’école payait un
loyer. On notera la place des boutiques dans la fortune d’Attaleiatès : une
boulangerie, louée 24 nomismata ; une parfumerie, louée 14 nomismata ; le
cabinet d’un médecin, loué 5 nomismata.
Le hasard nous a conservé un extrait de registre notarial recopié au
Xe siècle pour un acheteur de boutiques ([Oikonomidès, 618 ; Kaplan, 627,
p. 256-257] ; les deux auteurs divergent sur la nature du document) ; le
document donne le prix, le loyer, l’impôt et les noms et qualités de six pro-
priétaires, anciens et nouveaux, de cinq boutiques. Un seul est artisan, le
métaxoprate Élie qui d’ailleurs vend, et donc exploitait sa boutique. Quatre
sont de hauts dignitaires ou fonctionnaires, et le dernier un notaire (tabu-
laire, ou notaire d’un bureau). Quatre portent un nom de famille, signe
qu’ils appartiennent vraisemblablement à l’aristocratie. En somme, pour
autant que l’on puisse se fier à un document isolé et fragmentaire, il semble
bien que les ergastèria appartenaient avant tout à l’aristocratie. Au reste, leur
prix élevé – de 6 à 10 livres d’or – ne permettait pas à un artisan de revenu
moyen d’acheter son atelier, mais simplement de le louer.
Les locataires sont évidemment des artisans ou de petits commerçants ;
le Livre de l’éparque s’intéresse d’ailleurs aux loyers. Ceux que recense ce
274 Les fondements de la civilisation byzantine

registre notarial sont sensiblement plus élevés que les loyers cités dans la
Diataxis d’Attaleiatès et se situent entre 22 et 38 nomismata annuels. C’est
deux à trois fois le salaire d’un ouvrier qualifié et sans doute à peu près le
revenu d’un boulanger. La question n’est donc pas de savoir si l’artisan
pourra acheter sa boutique, ce qui restait sûrement exceptionnel, mais s’il
gagnera de quoi payer son loyer.
Si l’on compare le prix de la boutique au loyer, qui est net d’impôt,
puisque celui-ci est à la charge du locataire, le rendement dépasse légère-
ment les 3 % ; c’est plus que la terre et c’est un placement définitif dans
lequel il n’est point besoin d’investir chaque année, c’est donc un autour-
gion dont les Byzantins sont amateurs. Ce taux reste inférieur à celui des
prêts que les dignitaires sont autorisés à pratiquer, mais aussi à celui de la
roga augmentée (de 8,33 % à 9,76 %) qu’un dignitaire peut acquérir
auprès de l’empereur, revenu, il est vrai, viager. Un fonctionnaire avisé
comme Attaleiatès se crée un patrimoine diversifié : rogai, boutiques et ter-
res. La boutique est du reste un investissement coûteux, l’équivalent d’une
dizaine de tenures paysannes. La somme à débourser se compare aux
salaires des hauts fonctionnaires, qui dépassent rarement 20 à 40 livres
[Morrisson, Cheynet, 615, p. 859-864]. Toutefois ces questions de prix de
l’immobilier urbain, des loyers et même de l’impôt y afférent restent lar-
gement débattues.

L’État, les pu issan ts


Le rôle de l’État dans la production reste marginal, d’autant plus que
les moins luxueux des tissus de soie, jadis monopole impérial, sont mainte-
nant fabriqués par les artisans, et parfois les ateliers impériaux commandent
des tissus de soie aux séricaires (LE 8,2). Ils ne couvrent plus les besoins, soit
que ceux-ci aient trop augmenté, soit que les ateliers impériaux aient perdu
de leur importance. La question des rapports entre production publique et
privée de la soie mériterait d’ailleurs d’être reprise. L’empereur possède
également des ateliers d’orfèvrerie. Ceux-ci, consacrés aux besoins du
Palais, jouent sur le marché un rôle restreint. Quant à l’équipement de
l’armée, les mêmes remarques que pour la soie s’imposent : les selliers, qui
peuvent se voir imposer de travailler contre rémunération pour l’armée, du
moins pour les troupes d’apparat, passent alors sous les ordres du prôtostratôr
(LE 14,1).
Par ailleurs, les puissants développent dans leurs oikoi un artisanat
domestique destiné, en principe, à satisfaire les besoins de leur oikos. Dans
les faits, les archontes reçoivent l’autorisation de vendre leur production de
vêtements de soie aux vestioprates (LE 4 , 2) : le commerce de détail leur est
Constantinople et l’économie urbaine 275

interdit, mais ils concurrencent ici le monopole théorique des séricaires,


d’autant qu’ils peuvent également livrer au Palais (LE 8,2). De toute façon,
l’essentiel des boutiques et des appontements leur appartient, et ils n’ont
aucun mal à s’introduire subrepticement dans l’artisanat et le commerce
par l’intermédiaire d’un opérateur dûment inscrit dans un corps de métier.
Certains continuent à vivre « en autarcie », mais d’autres font commerciali-
ser leurs surplus sur les marchés urbains de la capitale.
Dans ce cadre, les oikoi ecclésiastiques ne constituent qu’un cas particu-
lier. Les interdits en matière de pratique du commerce sont appliqués de
façon laxiste, en raison d’une bonne intégration des marchands dans la
société et de l’accroissement des surplus à commercialiser. Les canonistes
du XIIe siècle doivent réitérer l’interdiction faite aux clercs, au-delà du
grade de lecteur, d’entrer dans un corps de métier ; l’application de ces
prescriptions aux moines, qui ne sont pas clercs, s’avère plus délicate.
D’ailleurs, Théodore Stoudite, dont les couvents constantinopolitains s’ins-
pirent souvent, avait organisé son monastère en un village productif qui
devait bien monnayer le produit de son travail. Au XIIe siècle, Tzétzès
montre les moines de Constantinople vendant leur poisson sous l’autorité
des agents de l’éparque. Les monastères et fondations pieuses dotés de skalai
ne se contentent pas d’y débarquer leurs marchandises, ils en tirent profit
[Dagron, 605, p. 429].

LE GRAND COMMERCE

Le fin an cemen t du gr an d commer ce


La présence d’armateurs (nauclères) à Constantinople est connue depuis
la haute époque, mais ils apparaissent peu dans les sources. Le déclin du
grand commerce méditerranéen est engagé dès le VIe siècle et s’accentue
ensuite, mais la conquête arabe n’a guère eu d’impact, contrairement à ce
qu’affirmait jadis H. Pirenne. L’économie s’est compartimentée avant leur
arrivée et leur présence dans les provinces orientales n’a modifié que pro-
gressivement les circuits économiques [Hodges, 607]. La guerre entre
Byzantins et Arabes n’a pas interrompu les échanges et les navires sillon-
nent encore la Méditerranée durant les siècles obscurs, mais en nombre très
limité [McCormick, 1212]. Une partie des échanges se fait par le biais des
missions diplomatiques durant les premiers siècles du Moyen Âge.
Au début du IXe siècle, à en croire Théophane, l’empereur Nicé-
phore Ier force les nauclères à accepter un prêt de l’État au taux de 16,66 %
276 Les fondements de la civilisation byzantine

[Théophane, p. 487 ; Laiou, 612, p. 711], soit le double du taux légal du


commerce de l’argent. On peut certes penser que cet ancien logothète du
génikon cherche ainsi à créer des ressources pour cette caisse. Néanmoins,
pour que l’opération ait un sens, il faut que les profits espérés du réinvestis-
sement soient supérieurs, ce qui pose la question du prêt à intérêt, hérité de
la législation de Justinien. Les objections de l’Église sur l’usure expliquent
que l’on ne trouve pas de reconnaissances de dettes dans les testaments,
mais elles se font discrètes dès qu’est pris en compte le risque inhérent au
commerce, d’autant que cette institution y participe ; Basile Ier a bien pré-
tendu un temps interdire le prêt à intérêt, mais son fils Léon VI est revenu
immédiatement sur cet interdit [Laiou, 612, p. 734-735].
Compte tenu des enjeux, il était nécessaire de mobiliser le capital en
faveur des marchands qui partaient naviguer pour le grand commerce, ce
qui était peut-être l’objectif de Nicéphore. C’est l’objet de la koinônia ou
chréokoinônia : le bailleur de fonds confie à un marchand une somme
d’argent, pour un seul voyage, dans une région donnée. L’un apporte le
capital et l’autre le travail : ils partagent les risques de mer. Le contrat est
limité dans le temps ; le prêteur court les risques du capital ; les profits sont
partagés selon les termes du contrat (Eklogè, 10,5) sans que l’on sache préci-
sément la clé de répartition. Le contrat écrit n’est pas nécessaire : le consen-
tement des parties sur les buts à atteindre, sur les moyens à mettre en
œuvre, sur les modalités de fonctionnement et sur la répartition des pertes
et profits constitue le contrat. Éventuellement, le marchand fournit une part
de capital ; le travail semble rémunéré à un quart du profit ou un peu plus.
Ce contrat est parfaitement adapté au commerce maritime : il est de même
origine que la commende, la societas maris ou la collegenza, pratiquées par les
marchands italiens [Maridaki-Karatza, EHB 3, p. 1103-1120].

Les mar chan ds


Même si les sources sont assez peu disertes sur les marchands propre-
ment constantinopolitains, ceux-ci ne sont pas absents, que ce soit dans le
commerce intérieur ou dans le commerce lointain ; ils sont nombreux,
notamment en Égypte, au Caire comme à Alexandrie, riches et bien infor-
més des procédures à respecter, mais également en Palestine [Laiou, 611].
Dans ces deux cas, le produit le plus recherché, ce sont les épices, mais les
bois précieux ou les teintures sont aussi appréciés. Lorsque, à la fin du
XIIe siècle, les agents du fisc veulent arrêter Kalomodios, à la fois banquier
et grand commerçant, ses collègues se révoltent et le font libérer. Constanti-
nople compte donc de riches marchands, mais leur situation reste d’autant
plus fragile qu’ils sont soumis à la concurrence des Italiens favorisés par la
Constantinople et l’économie urbaine 277

politique impériale d’exemption totale ou partielle du kommerkion [Laiou,


612, p. 751-753].
La présence de marchands étrangers à Constantinople est une tradition
ancienne ; très tôt, les musulmans y ont eu leur entrepôt ; les Syriens vien-
nent régulièrement proposer leurs produits, regroupés dans un mitaton ; cer-
tains sont implantés depuis plus de dix ans et ont acquis des droits proches
de ceux de leurs collègues grecs. Au Xe siècle, les Russes à leur tour se pré-
sentent dans la capitale. Pour tous ces commerçants, Constantinople est un
terminus : ils apportent leurs produits – textiles précieux ou non, fourrures,
denrées alimentaires, épices, esclaves –, les vendent et achètent les mar-
chandises disponibles sur le marché de la capitale, même si ces derniers
sont eux-mêmes le résultat d’importations, souvent du fait de commerçants
byzantins. Ceux-ci restent dans une position dominante.
L’arrivée au cours des Xe-XIe siècles des Amalfitains, puis des Véni-
tiens, modifie profondément cette situation. Pour eux, Constantinople
n’est qu’une étape dans un circuit marchand beaucoup plus complexe
entre l’Occident, le monde byzantin et l’Orient musulman. Leur présence
se renforce lorsque les croisés s’implantent en Syrie et en Palestine. Le
ravitaillement des nouveaux États devient alors un objectif commercial
complémentaire. Dès 1082, Venise avait obtenu un avantage décisif sous
la forme d’une exemption totale du kommerkion. Elle capte même une
partie du ravitaillement de la capitale. Certes, les Vénitiens, puis les
Pisans ou les Génois ont pu au départ s’associer à des marchands byzan-
tins ; mais le fait reste encore peu étudié et l’atout que donne aux Italiens
l’exemption ou la réduction de kommerkion, joint à celui que procure
l’expansion économique de l’Occident, finit par mettre les marchands
byzantins en mauvaise position. L’empereur ne les soutient pas et ne leur
accorde pas dans la société la place que les marchands occidentaux
détiennent dans leurs villes. Toutefois, l’étendue de ces désavantages reste
discutée, certains faisant remarquer que les marchands byzantins conser-
vent le monopole de la mer Noire ; de plus, la prodigieuse expansion du
e
XII siècle n’a pas manqué d’avoir des effets positifs sur les marchands
byzantins en général ; mais elle est sans doute plus notable dans les villes
de province comme Corinthe, Athènes ou Thèbes que dans la capitale,
où le poids des options politiques était plus sensible [Lilie, 613, p. 216-
243 ; Jacoby, 609, p. 362-367].
Le grand commerce s’est concentré de façon privilégiée à Constanti-
nople, mais la part des marchands provinciaux a sans doute été sous-
estimée aussi bien dans le commerce international qu’à l’intérieur de
l’Empire. Ces négociants ont aussi profité de l’essor économique qui se des-
sine à partir du IXe siècle. Lorsqu’un provincial se rend dans la capitale
pour faire du commerce, il y est traité comme tout étranger et soumis à la
278 Les fondements de la civilisation byzantine

stricte surveillance des subordonnés de l’éparque. Il participe au développe-


ment des foires locales et à la réanimation des villes, notamment portuaires
(cf. les chapitres sur les régions [XVI-XVIII]).

LE RAVITAILLEMENT DE LA CAPITALE

Ravitailler une ville de cette importance [Kaplan, 624] est un souci


constant de l’administration impériale, qui craint par-dessus tout les émeu-
tes de la faim. C’est une des réussites les plus marquantes de la période,
notamment pour le blé [Magdalino, 623]. Certes, la fin de l’heureux trans-
port en 619 correspond à une période où la population est en pleine
décroissance ; mais la capitale a trouvé, semble-t-il sans trop de difficultés,
des moyens de remplacement, tant en Thrace qu’en Asie Mineure proche.
Elle a pu compter en outre, selon toute apparence, sur des surplus venus
d’Occident, y compris des plaines du Nord-Ouest de l’Europe [Henning,
606, p. 275]. Lorsque l’expansion démographique reprend, le blé bulgare
représente un apport important ; de plus, les importations provenant des
zones contrôlées par les Arabes n’ont jamais complètement cessé. Cette
centralisation des denrées alimentaires vers la capitale est bien résumée au
XIIe siècle par le métropolite d’Athènes, Michel Chôniatès : « Les champs
de blé de Macédoine, de Thrace et de Thessalie ne sont-ils pas mis en
valeur à votre bénéfice ? N’est-ce pas pour vous faire du vin que les raisins
d’Eubée, de Ptéléos, de Chios et de Rhodes sont pressés ? » (Michel Chô-
niatès, 110, t. 2, p. 88).
Il est frappant de constater que les prix des céréales sont d’une remar-
quable stabilité tout au long de la période, autour de 12 modioi de 12,8 kg
pour un nomisma pour le blé ; certes, les aléas climatiques ou politiques pro-
voquent des crises ponctuelles qui entraînent l’intervention impériale,
l’administration disposant visiblement de réserves qu’elle met sur le marché
au moment opportun. Sans doute la tendance est-elle à la baisse au
XIIe siècle, comme dans l’ensemble du bassin méditerranéen [Morrisson,
Cheynet, 615, p. 822-831]. Les mesures de contrôle qui encadrent les bou-
langers (LE 18,1) sont significatives : il s’agit de s’assurer que le prix du pain
– en fait la taille du pain délivrée pour une unité monétaire – suit à la
hausse ou à la baisse celui du blé ; mais le but est d’éviter la spéculation,
non d’édicter un maximum.
Le célèbre épisode du monopôléion de Rhaidestos conté par Michel Atta-
leiatès, producteur de moyenne importance dans cette région, montre bien
le régime habituel des transactions sur le marché de cette ville où se four-
Constantinople et l’économie urbaine 279

nissent les marchands ravitaillant Constantinople. « On achetait le blé


comme on voulait par entente avec le vendeur, et, si le marché ne se faisait
pas avec l’un, on allait discuter avec un autre ou encore un autre ; la vente
se faisait directement aux chariots » (Attaliate, Histoire, p. 200-204). Le
logothète du drome Niképhoritzès, favori de Michel VII, fait construire un
entrepôt (phoundax) auquel il confère le monopole de l’achat et de la revente
du blé, tout en bénéficiant sans doute de la ferme de l’entrepôt. Dès 1077,
la foule profite d’une usurpation survenue à Raidestos pour ruiner le phoun-
dax : la liberté du commerce du blé, un temps interrompue, est rétablie. Or
ce phoundax est loin d’être isolé puisqu’on retrouve de tels équipements dans
la dotation des monastères dont le typikon de fondation nous est parvenu.
Pourtant, le statut et le fonctionnement de ces entrepôts mériteraient
d’autres recherches.
Le régime alimentaire de la population de Constantinople, sous l’impul-
sion de l’aristocratie qui y est particulièrement nombreuse, est plus diversi-
fié que celui du provincial, ce qui signifie une meilleure alimentation
carnée, un goût prononcé pour les légumes et surtout les fruits frais, qui fait
la fortune des jardiniers de la capitale et de la zone proche. De plus, Cons-
tantinople bénéficie de sa situation sur l’un des détroits les plus poissonneux
du monde et ses habitants, qui mangent aussi du poisson salé ou séché, sont
grands amateurs de poissons frais ; outre les poissons fins fournis par les lacs
voisins, comme ceux de Derkos ou de Nicée, et les nombreuses rivières voi-
sines, l’essentiel des prises vient du détroit. Le plus spectaculaire est
l’installation systématique de madragues le long des rivages ; Léon VI dut
en réglementer l’implantation, assurant une distance minimale de 700 m
entre deux équipements et prévoyant l’association (koinônia) de plusieurs
propriétaires. Les impôts sur la pêche sont particulièrement lourds et un
marché central, voûté pour maintenir une certaine fraîcheur, assure l’écou-
lement des produits ; le système de fixation des prix est assez proche de
celui qui s’applique au pain. En saison, le prix du poisson est particulière-
ment bas [Dagron, 622].

LA S O C I É T É D E C O N S T A N T I N O P L E

LA PLACE PRÉPONDÉRANTE DE L’ARISTOCRATIE

La tradition romaine de résidence en ville de l’aristocratie s’est main-


tenue et Constantinople se caractérise par une exceptionnelle concentration
280 Les fondements de la civilisation byzantine

de résidents à haut pouvoir d’achat, dont les dépenses contribuent large-


ment au développement de l’artisanat et du commerce. Certes, l’oikos aristo-
cratique [Magdalino, 633 ; 623, p. 37-38], qu’il soit familial ou ecclésias-
tique, se développe sans cesse par des acquisitions foncières en province et
l’aristocratie s’enrichit constamment de familles originaires de province,
notamment d’Asie Mineure jusqu’au XIe siècle. Mais celles-ci ne peuvent
longtemps éviter de résider au moins en partie dans la capitale. Le renfor-
cement de l’administration centrale, le développement de sékréta toujours
plus complexes et diversifiés entraînent un élargissement de cette aristo-
cratie qui cumule en général les revenus procurés par l’exercice des fonc-
tions publiques, laïques ou ecclésiastiques, accompagnées le plus souvent de
dignités donnant droit à une roga et les rentes foncières, en argent et en
nature, procurées par les biens-fonds détenus dans la capitale, dans sa
banlieue et surtout en province.
Cette aristocratie joue un rôle fondamental dans la vie de la capitale.
Elle fournit l’essentiel de l’administration. Elle tient une place déterminante
dans le cérémonial qui entoure l’empereur. Comme on l’a vu, elle ne
dédaigne pas tout à fait de prendre place dans l’économie, soit indirecte-
ment par le contrôle des ateliers, soit directement par sa production domes-
tique ou les marchandises issues de ses domaines ruraux.
Pourtant, elle n’est ni figée ni parfaitement homogène. La partie la
plus huppée constitue le Sénat, qui a quasi perdu tout rôle politique et
forme en fait une catégorie sociale où l’on entre, jusqu’au XIe siècle, à par-
tir de la dignité de protospathaire, qui accompagne les commandements
centraux ou provinciaux ainsi que les postes de juge, mais qui peut aussi
s’acheter. La famille des Phocas est issue d’un officier subalterne du
e
IX siècle que ses exploits ont conduit jusqu’au poste de stratège [Cheynet,
441, p. 290-291]. Quant à Michel Attaleiatès, originaire d’Attaléia en
Pamphylie, petit aristocrate de province, il dut laisser toute la fortune
familiale à ses sœurs (Attaliate, Diataxis, prologue), mais son talent lui per-
mit de faire une brillante carrière de fonctionnaire et d’accéder aux digni-
tés les plus élevées. Il utilise ses revenus à créer un modeste oikos : des
terres et des maisons dans la région de Rhaidestos, mais aussi une maison
à Constantinople où il fonde un monastère de moins de sept moines
[Lemerle, 631, p. 99-112]. Aux limites de cette aristocratie, l’on trouve la
foule innombrable des notaires et autres menus fonctionnaires des
bureaux.
Constantinople et l’économie urbaine 281

LA MONTÉE DE LA « BOURGEOISIE »

L’expansion économique continue depuis le IXe siècle et le développe-


ment du commerce constantinopolitain qu’elle provoque s’accompagnent
de l’ascension sociale d’une certaine « bourgeoisie » de la capitale, si l’on
s’autorise cet anachronisme : artisans d’un certain niveau, par exemple les
tabulaires, ceux des métiers du luxe et surtout les armateurs et commer-
çants. Le modèle aristocratique étant dominant, ils aspirent à intégrer cette
aristocratie et les besoins sans cesse croissants de l’administration leur en
fournissent l’occasion ; en effet, pour les grades inférieurs, les bureaux peu-
vent recruter sur la base de la compétence ; l’enseignement est certes
payant, mais ces bourgeois ont les moyens de l’offrir à leurs enfants. De
plus, les dignités se vendent jusqu’à celle de prôtospathaire ; moyennant 12
à 18 livres d’or, selon le tarif du De Cerimoniis, l’on peut donc acquérir une
dignité sénatoriale [Lemerle, 630, p. 80-83]. Psellos reproche d’ailleurs
vigoureusement aux empereurs du XIe siècle d’avoir peuplé les bureaux de
« gens de l’agora », en vertu de leurs compétences et non de leur naissance,
d’avoir favorisé la promotion interne et de leur avoir ouvert les rangs du
Sénat.
Alexis Comnène réagit avec vigueur, laissant ses troupes brimer ce type
de sénateurs, notamment en les forçant à aller à pied. Très caractéristique
de son état d’esprit est une décision qu’il prit en 1091 ou 1106 [Zépos, 89,
I, p. 645-646]. Un procès oppose Anne Paidianitè et ses oncles : ceux-ci
excipent de leur condition de sénateurs pour demander de prêter serment à
leur domicile ; Anne refuse, au motif qu’ils sont de fait commerçants, et
l’empereur tranche en sa faveur :
Il est requis que prêtent serment à domicile ceux des sénateurs qui ne sont nul-
lement inscrits dans un corps de métier (systèma) sous l’autorité de l’éparque,
mais qui sauvegardent la grandeur de leur dignité ; ceux qui veulent être inscrits
dans les systèmata et faire du commerce, ils ne jouiront pas de ce privilège. Mais,
attendu qu’ils prospèrent en tirant un gain de leur commerce et qu’ils préfèrent
être membres des systèmata, ils prêteront serment en public comme ceux qui ne
détiennent aucune dignité. Et cette loi n’est pas de circonstance : à l’avenir,
nous ordonnons qu’elle prévale auprès de tous les juges.
Il est difficile de savoir si Anne Paidianitè appartient à une famille
d’origine aristocratique dont certains membres s’adonnent au commerce
aux côtés de bourgeois ou bien, ce qui est plus probable, d’origine bour-
geoise récemment entrée au Sénat. Certes, Alexis estime que l’activité com-
merciale ne convient pas à un aristocrate et qu’un sénateur est un aristo-
282 Les fondements de la civilisation byzantine

crate, mais il ne l’interdit pas ; simplement, il agit, comme souvent les


empereurs byzantins, sur un symbole à haute valeur idéologique, les privi-
lèges juridictionnels [Papagianni, 620, p. 1091-1092].
Resterait à savoir quelle part de l’aristocratie s’est impliquée dans le
commerce dès cette époque et inversement quelle part des commerçants a
réellement réussi à s’infiltrer dans l’aristocratie que de toute façon les Com-
nènes tendent à limiter au cercle familial et allié, notamment en réorgani-
sant et concentrant drastiquement l’administration centrale. On mesurerait
ainsi le rapprochement, finalement limité, entre bourgeoisie et aristocratie.
Finalement, en 1204, la bourgeoisie reste à l’écart des cercles dirigeants ;
certes, depuis le XIe siècle, elle a pu occuper certains emplois dans les
bureaux et acquérir les dignités qui y sont liées, mais la réalité du pouvoir
ne se trouve plus là.

L’ARTISANAT ET SES EMPLOYÉS

Les ar tisan s : n iveau soci al


Selon Psellos, les « gens des ateliers » (ergastèriakoi) constituent un
groupe bien délimité, pour lequel il affiche son mépris, car ils travaillent
de leurs mains ; à lire la loi d’Alexis Ier évoquée ci-dessus, on constate
que, contrairement aux vrais aristocrates, qui dépendent de l’empereur, ils
sont soumis à l’autorité de l’éparque. Ce groupe n’est toutefois pas parfai-
tement homogène. Certains peuvent posséder une boutique, comme le
métaxoprate (marchand de soie grège) Élie de la notice du Xe siècle.
D’autres, sans atteindre ce niveau, sont à la tête de plusieurs ateliers,
puisqu’ils en font gérer certains par des esclaves. Dans les métiers de la
soie, l’on devine une concentration au profit des tisserands, les séricaires,
qui contrôlent tout le cycle de fabrication et n’hésitent pas, au mépris de
la réglementation, à se procurer directement de la soie grège et à vendre
les vêtements qu’ils fabriquent au lieu de les céder aux vestioprates
[Kaplan, 610, p. 322-326]. À l’inverse, certains artisans de la soie sont
marginalisés, comme les catartaires, qui ont cessé de constituer une étape
dans le processus de fabrication pour se spécialiser dans les productions
de qualité inférieure, encore que leur place exacte reste à déterminer. À
l’intérieur même d’un métier, les différences sont sensibles : certains
métaxoprates sont trop pauvres pour être enregistrés dans le métier et
donc participer à l’achat global de la soie grège par la communauté du
métier (LE 7,1).
Constantinople et l’économie urbaine 283

Les données contenues dans le Livre de l’éparque, confrontées à la relative


fixité du prix du grain, permettent d’estimer le bénéfice annuel net du bou-
langer, c’est-à-dire son revenu disponible. Même si les marges d’erreur sont
importantes, elles permettent d’établir avec une certaine certitude la four-
chette dans laquelle s’inscrivent ces revenus, entre 20 et 50 nomismata. C’est
nettement plus que le salaire d’un ouvrier qualifié, mais c’est relativement
modeste. Or, si on prend la hiérarchie des loyers des boutiques dans la Dia-
taxis d’Attaleiatès, celui payé par le boulanger est relativement élevé, ce qui
fait du boulanger un bon représentant de cette petite bourgeoisie des ergastè-
riakoi : des gens qui ont de quoi vivre dans une petite aisance, mais pas de
quoi s’élever dans la société, sauf peut-être par l’instruction. En cela, ils ne
sont pas très éloignés des moins fortunés de leurs employés.

Les employés libr es

Outre les membres de sa famille, le maître de métier emploie des


apprentis, puisque l’apprentissage se retrouve dans certains titres du Livre de
l’éparque (LE 11,2 ; 12,1). Seuls les notaires disposent d’une véritable école,
qui regroupe enseignement général et enseignement juridique, pour
apprendre leur métier avant de passer à la pratique [Wolska-Conus, 591].
Les salariés, qui n’ont pas encore fait l’objet d’une étude systématique,
sont plus fréquemment mentionnés (LE 6,2 ; 3 ; 8,7 ; 10 ; 12). La durée nor-
male du contrat de travail est de trente jours ; il est interdit de verser
d’avance un salaire représentant une rémunération supérieure à cette durée ;
réciproquement, il est interdit de débaucher l’ouvrier d’autrui tant qu’il n’a
pas achevé le travail pour lequel il a reçu un salaire. Si l’on admet que le
salaire d’un ouvrier qualifié est d’un kération (la moitié d’un miliarèsion, soit
12 pièces de bronze) par jour et s’il travaille à plein temps, en dehors des
dimanches et des (nombreux) jours fériés, cet ouvrier gagnera quelque
12 nomismata par an. Avec ses gains, il a de quoi faire vivre honorablement sa
famille, mais il ne dégage pas de surplus lui permettant d’investir suffisam-
ment pour ouvrir une boutique, c’est-à-dire en avancer le loyer et en acqué-
rir l’équipement, à moins, bien sûr, de s’endetter, encore moins d’en acheter
une. Il ne lui reste qu’une solution pour devenir maître : épouser la fille d’un
maître inscrit dans un systèma. La mobilité sociale reste donc assez faible.

Les femmes

Elles sont difficiles à repérer dans les activités économiques ; une épouse
respectable a reçu une dot en vertu de laquelle son mari doit l’entretenir.
284 Les fondements de la civilisation byzantine

Clairement, le père ou le mari qui laisse sa fille ou sa femme travailler en


dehors de la maison est un malheureux. En revanche, il est normal que la
femme travaille dans l’atelier de son mari ; en cas de veuvage, elle devient
chef d’atelier. Traitant des plus modestes des catartaires et de ceux des
métaxoprates qui sont trop pauvres pour être enregistrés dans le métier,
pour leur apporter une protection, le Livre de l’éparque explicite : « Soit hom-
mes, soit femmes » (LE 7,2). Cette limitation à des pauvres non inscrits dans
un corps de métier est d’interprétation délicate. Si les plus modestes de ces
femmes peuvent être à la tête d’un atelier, c’est que, s’agissant des plus
riches, cela va sans doute de soi.
Dans un court opuscule, Psellos, par ailleurs fort hostile à toute activité
de la femme hors de sa maison quand il parle de sa mère, décrit la fête
féminine de sainte Agathe. Celle-ci donne lieu, le 12 mai, à une procession
de travailleuses du textile, fileuses, tisserandes, cardeuses, conduite par les
plus âgées considérées comme les plus expertes ; la procession se termine
dans une église liée à leur métier où les femmes déposent une offrande
votive avant de danser au rythme entraînant d’une chanson. Il s’agit donc
bien de professionnelles du textile, non d’employées domestiques. La pro-
cession, la fête et son rituel ressemblent fort à ceux d’un corps de métier.
En somme, entre l’image officielle de l’épouse à la maison et la réalité d’un
artisanat qui ne peut se passer d’ouvrières qualifiées dans des métiers qui
sont pourtant par ailleurs également masculins, il y a tout l’écart entre
l’idéologie et la réalité (Laiou, 629). Et ces femmes ne sont ni des esclaves ni
des marginales de mauvaise vie.

Les esclaves
Ils apparaissent dans 6 titres, soit 10 capitula du Livre de l’éparque. C’est
dire leur importance, encore insuffisamment étudiée [Rotman, 637, p. 141-
150]. En fait, leur statut n’est pas d’une grande clarté. L’accès à certains
corps de métier est purement et simplement interdit aux esclaves. Si l’on
comprend bien qu’un maître libre peut se faire représenter à la tête d’un
atelier par son esclave, c’est rigoureusement impossible s’agissant des ban-
quiers, dont les esclaves se voient interdire les activités qui constituent le
cœur de leur métier. En revanche, pour certaines spécialités, aussi impor-
tantes que celle des séricaires par exemple, un esclave peut ouvrir un atelier
sous la garantie de son maître, dont rien n’indique qu’il doit être lui-même
du métier ; autrement dit, n’importe qui, pourvu qu’il ait un esclave muni
des qualifications nécessaires, peut lui faire ouvrir un atelier de soierie. Il en
va de même pour les vestioprates, qui vendent les vêtements de soie. Plus
surprenant, ce serait vrai, semble-t-il, aussi pour les orfèvres. La possession
Constantinople et l’économie urbaine 285

d’esclaves qualifiés offre donc un moyen simple pour quelqu’un de riche, et


peut-être de puissant, de s’introduire dans un métier qui lui est étranger.
Bref, si la plupart des esclaves représentent de la main-d’œuvre ouvrière,
quelques-uns sont en fait chefs d’atelier, mais cette activité ne leur en donne
assurément pas le statut social.
Certains ateliers comptent un nombre appréciable d’esclaves. La Vie de
Basile le Jeune au Xe siècle montre le saint soignant des esclaves, dont l’un est
le chef d’une troupe, envié par ses compagnons d’esclavage, car il a la
confiance de son maître, un chef d’atelier (ergastèriakos) riche et aveugle.
On trouvait d’ailleurs un véritable marché aux esclaves à Constanti-
nople. Nous possédons différentes indications de prix, presque un tarif, rap-
porté par Balsamon : un esclave de piètre valeur ou un enfant se vend
10 nomismata ; le prix de base pour l’esclave sans qualification est de
20 nomismata ; s’il est qualifié pour un métier artisanal, il en vaudra 30, pour
celui de notaire, 50, pour celui de médecin, 60. Les eunuques sont encore
plus chers : 50 nomismata sans qualification, une livre d’or pour un eunuque
qualifié [Dagron, 605, p. 420-421]. Compte tenu des dépenses d’entretien,
et en regard d’un ouvrier qualifié, le coût d’un esclave sera amorti en
quatre ans, mais le renouvellement est fréquent, notamment à cause des
affranchissements.
Si les esclaves ont presque disparu des campagnes, en ville, leur nombre
tend à s’accroître aux Xe-XIIe siècles [Köpstein, 628]. Ils constituent l’une
des importations majeures des Russes. Ils viennent également du monde
arabe, notamment par l’Égypte [Rotman, 637, p. 94-122], et les marchands
italiens participent de façon croissante à ce commerce ; 10 % des cas
recueillis dans la Peira les concernent. Zônaras confirme qu’un esclave peut
être placé à la tête d’un atelier et que son maître peut lui confier une
somme d’argent à faire fructifier.

EXCLUS ET MARGINAUX

Il s’en faut de beaucoup que toute la population de Constantinople fût


stable, possédant dans la ville un logement et un emploi ; qui se promène
dans les rues croise à tout bout de champ moines gyrovagues, mendiants,
personnes déplacées. Le nombre des miséreux peut grossir massivement et
l’empereur, nous l’avons vu, faisait clouer des planches sur les portiques de
la Mésè pour abriter ces malheureux par grand froid. Les établissements
d’assistance sont nombreux, dont certains de grande taille, avec une spécia-
lisation plus ou moins marquée (orphelinat, crèches, asiles de vieillards,
286 Les fondements de la civilisation byzantine

hôpitaux ; ou simplement hospice ou maison d’accueil pour les pauvres). À


Constantinople, les plus nombreux recensés sont les xénônes (une petite tren-
taine), qui accueillent les personnes déplacées, et les asiles de vieillards (une
trentaine également) ; certains de ces établissements sont polyvalents
[Kaplan, 343, p. 344-347].
Cela met au jour les deux problèmes majeurs. En premier lieu, l’afflux
dans la capitale de miséreux de toutes sortes et de toutes origines, attirés
d’abord par la tradition de distribution gratuite de vivres, puis par le
nombre même d’établissements d’assistance, mais aussi par la perspective
de trouver un travail intermittent, dans les transports ou le bâtiment, qui
soulage le miséreux au jour le jour ; et ce flux perdure même en dehors des
invasions ou des crises agraires, ces dernières peu nombreuses à notre
époque. Pour les membres de sa famille qui ont fui la Thrace devant les
Bulgares et qu’héberge le professeur anonyme du Xe siècle [106, no 26,
p. 19-20], combien de malheureux sans ressources ? Par ailleurs, on ne sait
que faire des vieillards, ceux qui n’ont jamais eu de quoi vivre aussi bien
que ceux qui avaient un métier régulier, mais ne peuvent plus l’exercer.
Dans les moments de crise, les marginaux auraient représenté plus du tiers
de la population ; la mendicité est omniprésente et le soulagement de celle-
ci l’un des topoi les mieux attestés de l’hagiographie.
Autre client habituel de l’hagiographe : la femme de mauvaise vie ; elle
n’est pas sans ressources, mais la société hésite entre deux attitudes, la tolé-
rer ou à la mettre au ban. Même si tel ou tel quartier était plus spécialisé,
le saint en quête d’âmes à sauver en rencontrait partout, donnant une
impression sans doute forcée de multitude. Toutefois, l’hagiographe ne
condamne pas irrémédiablement ce faire-valoir de son héros, qui imite ainsi
le Christ ; dans la Vie d’André Salos, écrite au Xe siècle, certaines veulent se
moquer du saint en lui offrant de succomber gratuitement à la tentation,
mais d’autres s’y opposent et convainquent sans mal leurs consœurs [Vie
d’André Salos, 97, c. 6, p. 32-36].
Au nombre de ces exclus plus ou moins volontaires, les moines gyrova-
gues, toujours présents à Constantinople. Le moine byzantin quitte son
monastère avec une déconcertante facilité en dépit des obligations canoni-
ques ; comme les monastères sont indépendants les uns des autres, qu’il n’y
a pas d’ordre religieux, tous ne trouvent pas dans la capitale des maisons
comme le monastère du Christ de Chôra, qui accueille les moines palesti-
niens. Toutefois, un moine désireux d’être hébergé à Constantinople y par-
venait, à condition de le vouloir ; beaucoup préfèrent au contraire baigner
dans une foule qui les accueille favorablement du seul fait de leur habit.
D’autres sont gyrovagues pour la bonne cause, même si la foule ne peut
faire la distinction, franchement impossible quand on est confronté à des
personnages comme le fou de Dieu, le salos ; certes, André est un person-
Constantinople et l’économie urbaine 287

nage imaginaire, mais la répétition du modèle par exemple au XIIe siècle


dans la Vie de Léontios de Jérusalem [101, c. 7-9, p. 38-44], qui est réputé avoir
été à la fois moine gyrovague et salos à Constantinople dans les
années 1127-1130, montre la persistance de ces personnages dans les rues
de la capitale.
Curieusement, les brigands et les criminels sont relativement peu pré-
sents dans les sources. Cela ne signifie pas que la police de l’éparque ait été
particulièrement efficace, mais simplement que, mis à part les lois, rares sur
le sujet en dehors de la répétition mécanique du droit justinien, voire théo-
dosien, les documents de la pratique, et, à la limite, certains récits hagiogra-
phiques, nos sources nous présentent seulement la « bonne société », qui n’a
pour le peuple, artisans et commerçants honorables compris, que le plus
profond mépris. Au XIIe siècle, malgré la présence de quelques écrivains
pamphlétaires, cette « bonne société » triomphe plus encore.
C HA P I T R E X I I

Monnaie, finances et échanges


PAR CÉCILE MORRISSON

La période étudiée dans ce volume s’ouvre sur deux siècles de grave


recul par rapport à l’époque protobyzantine : perte des provinces les plus
productives en ressources fiscales et économiques, déclin de la population
dans les limites d’un territoire réduit, baisse des échanges et de la monéta-
risation. L’Empire byzantin, ici aussi moins immobile qu’on le représente,
sait s’adapter à une situation médiocre (§ II) et préserver, tout en les
modifiant, les structures héritées de la tradition romaine tardive, atouts
d’un premier renouveau entre le milieu du IXe et le milieu du Xe siècle
(§ III) puis de l’expansion du XIe siècle et de l’apogée du siècle des Com-
nènes (§ IV) où Byzance retrouve sous Manuel Ier un niveau comparable,
suppose-t-on, à celui du début du règne de Justinien. En dépit de ces fluc-
tuations, la monnaie et les finances byzantines conservent tout au long de
la période une spécificité (§ I). La continuité de la tradition romaine leur
confère une supériorité par rapport à l’Occident dans la mesure où l’État
n’abandonne jamais le contrôle et les bénéfices de la fiscalité et de la
frappe et conserve un budget important, dans la mesure aussi où le sys-
tème plurimétallique (or, argent, cuivre) et hiérarchisé (trois dénominations
au moins, sinon plus, au lieu de l’unique denier d’argent carolingien) cor-
respond à un taux plus élevé de monétarisation et à des échanges plus
complexes.
290 Les fondements de la civilisation byzantine

L’ O R G A N I S A T I O N D E L A F R A P P E M O N É T A I R E

LES SOURCES DU MÉTAL : MINES ET STOCK MONÉTAIRE

La perte de la Syrie, de l’Égypte et, un demi-siècle plus tard, de l’Afrique


signifie pour l’Empire une diminution drastique du stock métallique puisque
ces riches provinces fournissaient sous Justinien sans doute les deux tiers d’un
budget de quelque 6 millions de solidi et accaparaient une part correspon-
dante du numéraire. L’or et le cuivre frappés sous Maurice, Phocas, Héra-
clius et même sous Constant II continuent d’ailleurs d’être utilisés dans le
califat umayyade jusqu’à la réforme d’‘Abd al-Malik (77H/697 après J.-C.)
avant d’être refrappés, « recyclés » en quelque sorte dans les dînârs et les fulus
aux légendes musulmanes, entièrement épigraphiques à partir de 697. L’or
byzantin pénètre dans ces provinces jusque sous Constantin IV. L’afflux du
cuivre byzantin s’arrête en 668 et un abondant monnayage arabo-byzantin
de fulus d’imitation puis de types dérivés bilingues est émis tout au long de la
période [Album-Goodwin, 638 ; Foss, 644]. À la fin du VIIe siècle et au-delà
l’Empire ne peut plus donc compter que sur le stock de monnaies anciennes
encore disponibles sur son territoire, stock fortement diminué en outre par
les enfouissements pratiqués en urgence dans les circonstances troublées de la
période (conquête perse, avance arabe, incursions avaro-slaves) de trésors
que leurs propriétaires n’ont pu récupérer par la suite.
De tout temps les mines ou l’orpaillage procuraient à l’Empire le métal
neuf qui palliait les pertes dues à l’usure des pièces dans la circulation (frai),
les disparitions occasionnelles ou voulues (épargne cachée ou enfouie et non
récupérée). Parfois de nouvelles découvertes minières ou une intensification
de l’exploitation permettaient même d’augmenter les disponibilités et les
frappes. Ce fut le cas dans la seconde moitié du IVe siècle grâce aux ressour-
ces de l’Illyricum et de la Thrace (NC 1, chap. 7 et chap. XI, p. 331-332).
Malgré la perte définitive ou provisoire de régions métallifères comme
l’Égypte ou l’axe Morava-Vardar et les vallées adjacentes, la monnaie d’or
mésobyzantine continua de se renouveler : la mesure des éléments traces
dans l’alliage des monnaies d’or des VIIe-XIe siècles et en particulier la baisse
du taux de platine permet d’estimer ce taux de renouvellement dans la
longue durée entre 1 % et 0,34 % par an [Morrisson, 659, fig. 35, p. 149]1.
Pour l’argent, les variations de l’alliage (Gordus-Metcalf, 646) peuvent indi-

1. Pour une modélisation corrigée : A. Guerreau, Histoire et mesure, 1, 1986, p. 258-259.


Monnaie, finances et échanges 291

quer des changements dans l’origine du métal : les miliarèsia à faibles traces
d’or émis sous Constantin VI (780-797) auraient été frappés à partir de
métal d’origine arabe (certains sont d’ailleurs surfrappés sur des dirhams,
tandis que les pièces fortes en traces d’or l’auraient été avec du métal pro-
venant des mines d’Arménie. La question de la provenance du métal est
une de celles auxquelles les méthodes modernes d’analyse n’ont commencé
que très récemment à s’intéresser et auxquelles elles ne répondent encore
que très imparfaitement en l’absence de données suffisantes sur la composi-
tion de minerais bien localisés. En Anatolie, les prospections récentes de
géologues turcs ont livré des éléments de datation plus ou moins précis
(Carbone 14 pour les éléments de bois ou les restes de charbon de bois ;
chronologie fondée sur la céramique ou les monnaies retrouvées in situ) qui
indiquent la continuité de l’exploitation minière sur de nombreux sites de la
période antique à la période ottomane [Pitarakis, 670]. Analyses et prospec-
tions amènent donc à modifier le cliché d’un Empire byzantin privé de res-
sources en métaux, précieux ou non, par la conquête arabe, révision que
proposait déjà Sp. Vryonis [672], sur la base de témoignages principale-
ment littéraires et assez lacunaires et tardifs, centrés sur l’Arménie, la
Géorgie ou l’Anatolie orientale. Les principales zones d’extraction d’argent
et de cuivre à notre époque sont situées en Bithynie et Anatolie occidentale,
dans les massifs au nord de la Phrygie (Paphlagonie), dans les chaînes Pon-
tiques et dans le Taurus, où le massif du Bolkardag fournissait argent,
plomb et même étain. Plusieurs sites ou régions minières étaient protégés
par des forteresses ce qui montre l’importance qui leur était attribuée. Lou-
lon (Lu’lua, antique Faustinoupolis), à cet égard, n’était pas seulement une
place stratégique pour les communications militaires, mais aussi pour le
contrôle de l’exploitation minière en Cappadoce. De telles considérations
ont joué aussi dans l’intérêt porté par Byzance à la reconquête du nord des
Balkans dont les zones montagneuses autour des vallées de la Morava, de
l’Ibar et du Timok étaient riches en métaux précieux ou non. L’accès à des
sources de métal blanc, s’ajoutant à la déthésaurisation du VIIe siècle (fonte
de la vaisselle liturgique et autre par Héraclius), explique le rôle essentiel de
l’argent dans le système mésobyzantin contrastant avec sa quasi-absence
dans la période antérieure.

TRAITS DU SYSTÈME MONÉTAIRE

Le solidus-nomisma, créé par Constantin en 312, reste encore à notre


époque le pivot du système monétaire byzantin. Monnaie réelle, sa valeur
292 Les fondements de la civilisation byzantine

nominale est égale à sa valeur intrinsèque (1/72 de livre d’or pur dit obry-
zum1, environ 4,55 g) et elle a cours « pourvu qu’elle soit d’une frappe
authentique, d’un titre non altéré et d’un poids exact » selon un texte
(Léon VI, novelle 52) qui réaffirme les dispositions des Basiliques (LIV, 18, 1
et 3) elles-mêmes reprises du Code Justinien (CJ XI, 11, 1 et 3). Sa pureté
(titre) et son poids, à quelques exceptions près (chronologiques ou régio-
nales) que nous verrons, restent remarquablement stables au long de la
période et en font avec le dînâr, la monnaie d’or musulmane, l’un des « dol-
lars » du Moyen Âge selon l’expression de R. Lopez, reprise et étendue par
C. Cipolla. Les utilisateurs (marchands et acheteurs) vérifiaient constam-
ment le poids de la monnaie à l’aide de balances et de poids de bronze
estampillés par l’éparque de la Ville au IXe siècle (Livre du Préfet, XIII, V)
(cf. chap. XI, p. 270), comme en témoigne le nombre de balances et de
poids mis au jour régulièrement dans les fouilles.
Le tableau qui suit résume l’évolution de ce système d’une grande flexi-
bilité et d’une surprenante variété si on le compare à celui de l’Occident
médiéval réduit quasiment à une seule espèce au cours de la même période
(le tremissis mérovingien dévalué, puis le denier carolingien et postcarolin-
gien, éventuellement complété par un demi-denier, l’obole). Sa complexité
plus ou moins grande reflète les variations du niveau des échanges. Son
caractère plurimétallique ne se dément pas puisque même dans sa forme la

TABLEAU 1. — Le système monétaire byzantin (641-1204)2


a / VIIe siècle (642-717)
OR ARGENT CUIVRE

Déka-
Solidus Hexa- Demi- noum-
Nomisma Semissis Tremissis gramme Follis follis mion*
(~ 4,50 g (~ 2,25 g (⬇ 1,50 g (⬇ 6,72 g (de ⬇ 14 g
98 % Au) 98 % Au) 98 % Au) 96 % Ag) à 3 g)
1 2 3 12 288 576 1 152
* Le déclin du poids du follis entraîne la disparition progressive du pentanoummion (derniers ex.
connus sous Constantin IV).

1. Appelé aussi holokottinos (terme hybride formé à partir de l’expression aurum coctum « or cuit »)
dans les documents protobyzantins et dans le langage courant jusqu’au XIe siècle, date à laquelle cet
adjectif commence à être remplacé par celui de sens équivalent, d’hyperpyron (« cuit/purifié au feu » et
non pas « hyperpur » comme on le dit parfois à tort).
2. Ces données concernent seulement les monnaies frappées dans l’atelier de Constantinople.
Pour une version plus détaillée de ces tableaux avec illustration des différents types de monnaies,
cf. EHB 3, p. 921-924.
Monnaie, finances et échanges 293

b / VIIIe-Xe siècle

OR ARGENT CUIVRE

Solidus Carat/
Nomisma (Semissis)* (Tremissis)* Miliarèsion kération Follis (a)
(~ 4,50 g (~ 2,25 g (~ 1,50 g (de 2,27 g (monnaie (de ⬇ 14 g
98 % Au) 98 % Au) 98 % Au) à 3,0 g de à 3 g)
98 % Ag) compte)
1 2 3 12 (24) 288
* Très rares à partir de 741. Derniers ex. connus sous Basile Ier (867-886).
(a) Le dékanoummion disparaît sous Constantin V et le demi-follis définitivement sous Théophile.

c / Xe-XIe siècles (963-1092)

OR ARGENT CUIVRE

Nomisma Nomisma
histaménon tétartèron
(24 carats- (22 carats- Milia- Carat/
poids) poids) rèsion 2/3 mil. 1/3 mil. kération Follis
(~ 4,50 g (⬇ 4,13 g (de 3,0 g (de 2 g (de 0,9 g (monnaie (de ⬇ 14 g
de 98 % de 98 % à 2,0 g à 1,4 g à 0,6 g) de à 3 g)
à à de 98 % de 98 % compte)
10 % Au) 10 % Au) à à
65 % Ag) 61 % Ag)
1 Valeur 12 16 36 (24) 288
inconnue

d / L’ère de l’hyperpère (1092-1204)

OR ELECTRUM BILLON CUIVRE

Nomisma
Hyperpère trachy Aspron
Nomisma aspron trachy Carat/ Demi-
hyperpyron (tricéphale) (staménon) kération Follis Tétartèron tétartèron
(~ 4,30 g (~ 4,30 g ; (~ 4,30 g ; (monnaie (monnaie (~ 4,0 g) (~ 2,0 g)
~ 87 % Au) de 30 à de 6 % de de
10 % Au à 2 % Ag) compte) compte)
et de 60 à
70 % Cu)
1 3 48 (24) (288) 864 ? 1 728 ?
294 Les fondements de la civilisation byzantine

plus simple (1 b), à partir de Basile Ier, il compte encore une espèce par type
d’alliage, cette structure étant à la fois adaptée et confortée par le mode de
perception de l’impôt qui consiste à exiger le paiement en monnaie d’or de
toute somme supérieure à 2/3 1/24 1/48 de nomisma (soit 35/48) et à
rendre la monnaie (l’antistrophè) au contribuable en monnaie divisionnaire
de cuivre comme le veut la Palaia Logarikè ( « antique comptabilité » ) [Mor-
risson, 663 avec les références]. C’est la persistance d’une perception en
espèces d’une partie de l’impôt qui explique la résistance de la monnaie à
Byzance au cœur des siècles obscurs.

L’ORGANISATION DE LA FRAPPE

La disparition des Largesses sacrées, que l’on peut dater de 610, et la


dévolution de ses anciennes attributions aux sékréta des différents logothètes
amenèrent la production monétaire sous l’autorité du vestiarion. C’est en
tout cas dans le personnel de cet offikion que l’on trouve mentionné dans le
Klètorologion de Philothée, en 899, un archôn tès kharagès ( « maître de la
Monnaie » ), attesté sous le nom de khrysoépsètès ( « affineur de l’or » ) déjà
par le taktikon Uspenskij en 842-843. La fonte du métal précieux était
probablement assurée dans l’atelier du Chrysocheion ( « fondeur de l’or » )
dont l’archonte dépendait en revanche du sekréton de l’eidikon (admi-
nistration du patrimoine impérial) (cf. chap. VII, p. 143). Enfin le zygosta-
tès, contrôleur du poids et de la qualité de la monnaie impériale, dépen-
dait du bureau du sakellion [Oikonomidès, 28, p. 315-317]. Au XIIe siècle
l’atelier de fonte est aussi celui où l’on frappe monnaie [Hendy, 651,
p. 412, 427].

LES ATELIERS

L’organisation des ateliers n’a plus la belle ordonnance de l’époque


précédente où la frappe de l’or était assurée dans chaque préfecture et
celle du cuivre dans la capitale de chaque diocèse selon le schéma hérité
de Dioclétien. L’invasion perse de l’Asie Mineure et l’avance slave avaient
entraîné sous Héraclius la fermeture provisoire des ateliers diocésains de
Thessalonique (Illyricum), Nicomédie (Pont), Cyzique (Asie) et Antioche
(Orient) ;
Monnaie, finances et échanges 295

TABLEAU 2. — Les ateliers byzantins (milieu VIIe - fin XIIe siècle)

Atelier
(en italiques
Circonscription atelier temporaire
administrative ou irrégulier) Métaux monnayés Date d’activité
ORIENT
CONSTANTINOPLE Or, argent, puis toute la période
électrum, cuivre
Cuivre
Macédoine Thessalonique Or, électrum, IXe (et XIe ?) s.
Thessalonique- Thessalonique billon, cuivre v. 1092 - v. 1190
Strymon-Boléron
Hellade-Péloponnèse Thèbes (?) Cuivre v. 1092 - v. 1190
Macédoine-Thrace Philippoupolis (?) Or, billon v. 1092 (?)
Cherson Cherson Cuivre (coulé) 842-989 (?)
Trébizonde Trébizonde Cuivre v. 1075 - 1106 ?
(Théodore,
puis Grégoire
Gabras)
Chypre Nicosie Argent, billon, 1183-1191
cuivre (Isaac
Comnène)
Philadelphie Philadelphie Billon, cuivre 1188-1189
(Théodore
Mankaphas)
OCCIDENT
Exarchat de Carthage Carthage (transféré Or, argent, cuivre jusqu’en 695
à Cagliari) Or, cuivre 695 - av. 741
Duché de Rome Rome Or, argent, cuivre jusqu’en 776
Exarchat de Ravenne Ravenne Or, argent, cuivre jusqu’en 751
Duché de Naples Naples Or v. 660-842
Thème de Sicile Syracuse (transféré Or, cuivre 642-879
à Reggio) Or, cuivre 879-912

les trois premiers reprirent leur activité en 625/626 mais cessèrent


en 627/628. À partir de 629 et jusqu’au XIIe siècle Constantinople alimente
donc seul, ou presque seul, tout l’est de l’Empire y compris les Balkans ;
Thessalonique ne frappe épisodiquement que sous Théophile, Basile Ier et
Léon VI et Cherson à l’usage exclusif de la circulation locale qu’à partir de
Michel III jusqu’à Jean Ier Tzimizkès. Dans les provinces occidentales
d’Afrique et d’Italie, la répartition des ateliers s’adapte pour répondre à la
296 Les fondements de la civilisation byzantine

fragmentation des possessions byzantines et aux circonstances militaires


[Hendy, 651, p. 414-423]. Ainsi la production de Carthage se poursuit-elle,
à une échelle beaucoup plus modeste, en Sardaigne cinquante ans après la
perte de l’Afrique et celle de Syracuse une trentaine d’années après la
conquête arabe, de l’autre côté du détroit de Messine à Reggio.
Au XIIe siècle la relative décentralisation de la frappe dans le sud des Bal-
kans contraste avec le maintien du monopole de Constantinople en Asie
Mineure, battu en brèche toutefois dans quelques cas d’autonomie ou d’usur-
pations (Gabrades de Trébizonde au tournant du XIe siècle, Isaac Comnène à
Chypre ou Théodore Mankaphas à Philadelphie à la fin du XIIe siècle).

CONTRACTION, RÉSISTANCE ET ADAPTATION :


LE S I È C L E O B S C U R ( F I N V I I e - M I L I E U I X e S I È C L E )

La « grande brèche » des siècles obscurs que l’on peut dater à Byzance
d’entre le milieu ou la fin du VIIe siècle et le milieu du IXe siècle [le « long
VIIIe siècle », v. Haldon, 386] se manifeste par la disparition de la ville
antique, le bouleversement du système fiscal et d’approvisionnement public
des grandes villes qui soutenait celles-ci, le déclin de la population, celui du
commerce en général et des échanges monétaires en particulier dans un
contexte d’insécurité, enfin la baisse des stocks de métaux précieux et des
ressources financières de l’Empire. La numismatique a depuis été long-
temps mise à contribution pour mettre en lumière et quantifier la ruine de
la vie urbaine à l’antique et la chute des échanges monétaires et a été
invoquée à l’appui de thèses contradictoires. On examinera ici son témoi-
gnage sous les deux angles complémentaires de la production (montant et
nature des monnaies émises) et de la circulation (usage et diffusion des espè-
ces monétaires) avant de souligner les indices d’une survivance relative des
échanges et de la fiscalité monétarisés.

CONTRACTION ET ADAPTATION

Un e pr odu ction r estr ei n t e et fr agmen t ée


L’absence quasi totale de monnaies de bronze de notre période dans les
grands sites antiques fouillés depuis l’entre-deux-guerres (Athènes, Corinthe,
Sardes ou Antioche) contrastant avec leur abondance aux IVe-VIe siècles a
Monnaie, finances et échanges 297

été soulignée depuis longtemps [Metcalf, 656 et 657]. Une chute compa-
rable s’observe dans les trouvailles de sites balkaniques purement médié-
vaux (Tirnovo, Preslav et Pernik) ou lorsqu’on agrège les trouvailles isolées
de régions entières comme l’Albanie, la Calabre, la Pouille ou la Sicile
(v. EHB 3, fig. 6 .1-15, face p. 912-913).
Par ailleurs les rares estimations du nombre originel de coins1 ayant
servi à frapper une émission donnée – beaucoup plus fiables que le simple
décompte des monnaies conservées, pratiqué autrefois par Kazhdan et
Ostrogorsky, qui donne toutefois déjà une indication grossière – fournissent
une information concordante sur l’importance relative des émissions et leur
chute à cette époque. On note par exemple sous toutes réserves que les
frappes annuelles de monnaies d’or sous les Isauriens n’auraient représenté
que le tiers de celles de la fin du règne d’Héraclius, elles-mêmes déjà infé-
rieures de moitié à celles nécessitées par l’effort de guerre contre les Perses
(EHB 3, p. 937).
Outre cette réduction générale, les émissions byzantines sont l’objet
d’autres formes d’adaptation. Le système se simplifie avec la disparition
progressive des fractions du solidus, le semissis étant extrêmement rare
après 741, tandis que le contenu du solidus de Constantinople diminue à
partir de 680 (le titre s’abaissant à 96,5 % au lieu de 98 % et le poids pas-
sant de 4,41 g pour la période 491-668 à 4,36 g en moyenne pour 668-717)
ce qui implique une faible économie de métal (2,7 %), néanmoins probable-
ment recherchée délibérément. Les fluctuations ultérieures des VIIIe-IXe siè-
cles sont encore mal étudiées [Morrisson, Barrandon et al., 666, p. 125-126,
fig. 25 et p. 248] mais révèlent une stabilisation sous les Isauriens et une
nouvelle diminution à partir de Michel II. Ces variations restent cependant
assez limitées et restent toujours au-dessus de 95 %.

Les spécificités r égion ales et l ’ au t on omi e cr oi ssan t e


des atelier s mon étair es pr ovi n ci au x

Les ateliers provinciaux qui subsistent en Occident (cf. Grierson, DOC 2,


1968, p. 43-53 et 3, 1973, p. 82-94) s’écartent de plus en plus des normes
de la capitale, aussi bien dans leurs types iconographiques que dans leur
métrologie. Carthage, encore très actif sous Constant II, émet depuis Héra-
clius des solidi beaucoup plus petits et épais (dits « globulaires ») qu’à Cons-
tantinople ; ils sont encore de bon poids mais leur forme spécifique semble
destinée à rendre leur frappe plus rapide et moins coûteuse. Jusqu’à la fin

1. Sur cette méthode qui repose sur l’examen individuel des empreintes d’un échantillon de
monnaies données, cf. Morrisson, « Que sais-je ? », p. 71-72.
298 Les fondements de la civilisation byzantine

du VIIe siècle, à Carthage (fermé en 695), comme en Italie ou en Sicile l’or


reste d’une pureté quasi comparable (97,7 % ou 97 % contre 98,2 % à
Constantinople). À Syracuse il tombe entre 695 et 705 à 80 % et même à
71 % avant de se stabiliser autour de 82 % jusqu’aux années 820 puis de
connaître une ultime altération beaucoup plus grave sous Théophile (de 80
à 60 %) puis Michel III (47-40 %). Ces fluctuations s’inscrivent dans
l’histoire administrative de l’île : la première chute coïncide avec la création
du thème de Sicile vers 695, la stabilisation avec la réforme fiscale de
Léon III et la confiscation des revenus du patrimoine de Saint-Pierre
(Théophane, 52, I, 410 ; cf. chap. XVIII, p. 477), la dernière chute avec la
pression des raids arabes qui aboutissent à la conquête. Moins bien connue
dans le détail l’altération de la monnaie d’or de Ravenne et de Rome
s’amorce à la même époque mais les autorités locales, aux ressources
amoindries, ne peuvent arrêter un processus qui affecte aussi le monnayage
lombard dans le Nord ou en Toscane comme à Bénévent [Rovelli, 671].
La fragmentation des possessions byzantines en Italie et le soutien de plus
en plus limité qu’elles reçoivent de la capitale expliquent l’autonomie crois-
sante des autorités régionales en matière monétaire : isolée, Ravenne n’a plus
qu’une production de plus en plus réduite et n’est plus la seule à frapper l’or.
À Naples les ducs se dotent d’un atelier à partir des années 660 qui frappe
épisodiquement solidi dévalués et rares monnaies de bronze au nom de
l’empereur. À Rome, les papes affirment progressivement leur autorité sur
des frappes très particulières dans les trois métaux ; malgré les conflits reli-
gieux liés à l’iconoclasme, ils respectent le monopole impérial en gardant
jusque sous Léon IV sur la monnaie d’or le nom du basileus mais signent de
leur nom, épisodiquement à partir de 687 puis continûment à partir de 740,
la plupart des petites pièces d’argent qui portaient jusque-là le monogramme
de l’empereur ou la marque RM (Roma). et qui subissent elles aussi la déva-
luation [Morrisson-Barrandon, 666]. La première monnaie à titulature entiè-
rement pontificale date d’Adrien Ier (772-795) mais reste d’inspiration byzan-
tine avant que les premiers deniers de type carolingien soient émis par le
même pontife (MEC, 1, p. 560) scellant, avec l’adoption de la datation par
l’an de règne du roi franc en 798, le passage de Rome dans l’orbite occiden-
tale (cf. chap. XVIII, p. 478).

R égion alisation et limi t at i on de l a ci r cu l at i on


La rétraction de l’usage de la monnaie est incontestable : sur la plupart
des sites d’Asie Mineure ou des Balkans, les folles postérieurs à 658-668 sont
de plus en plus rares et disparaissent presque totalement jusqu’au IXe, voire
au XIe siècle.
Monnaie, finances et échanges 299

À Pergame, après 176 exemplaires de Constant II et 11 seulement de Constan-


tin IV, on n’en rencontre plus que un ou deux pour quelques-uns des empe-
reurs de la période 685-715, et plus aucun avant Michel II ; à Éphèse entre
Constant II (668) et Léon VI (886) on a seulement une monnaie de bronze de
Constantin V ; à Priène, entre Constant II et la fin du Xe siècle on a découvert
seulement un miliarèsion de Léon III et un bronze de Léon V ; à Aphrodisias
aucune découverte entre Constant II et une seule pièce de Théophile ; à Ané-
mourion, il n’y a plus rien après quelques pièces de 668-705 et l’on pourrait
multiplier les exemples.
Cette chute a été mise en relation avec la transformation ou la réforme
du mode de recouvrement de l’impôt et du financement de l’armée percep-
tible à la même date avec l’accroissement du paiement en nature et le
recours dominant à la synonè pour assurer le ravitaillement de l’armée assuré
et contrôlé par les commerciaires [cf. chap. VI, p. 129 ; Brandes, 640
(v. c. r. par J. Haldon, BZ, 96, 2003, p. 717-728 et, plus brièvement, Bran-
des-Haldon, 641, 141-172)].
D’importantes nuances régionales doivent être apportées à ce tableau
dans la mesure où la rétraction est moins marquée sur des sites urbains
comme Constantinople (l’indice des trouvailles à Saraçhane au VIIIe siècle
représente encore la moitié environ de celui du VIe) ou à Rome, si l’on en
juge par exemple par le nombre de monnaies mises au jour dans les fouilles
de la Crypta Balbi et à d’autres emplacements [Rovelli, 671 ; Arslan-
Morrisson, 639]. Elle est également moins marquée dans des provinces plus
sûres, restées relativement prospères, toutes choses égales par ailleurs,
comme la Sicile. Dans d’autres îles ou certaines régions côtières la monnaie
des iconoclastes n’est pas non plus absente, notamment des sites fortifiés
[Penna, 669]. À l’intérieur des terres les résultats récents des fouilles
d’Amorion révèlent l’importance relative des monnaies de la période 715-
971 (15 %) qui contraste avec leur absence totale à Pergame et leur part
réduite à Sardes (2,2 %)1. Bien qu’encore isolé cet exemple n’en montre pas
moins le rôle de diffusion des espèces que pouvait jouer un centre militaire,
comme cette capitale du thème des Anatoliques, et sa contribution à la sur-
vivance de l’économie monétaire.

1. C. S. Lightfoot, The survival of cities in Byzantine Anatolia : The case of Amorium, Byz., 68
(1998), 56-71 et C. S. Lightfoot, E. A. Ivison, The Amorium Project : The 1995 Excavation Season,
DOP, 51, 1997, 291-300 ; C. S. Lightfoot, Byzantine Anatolia : Reassessing the Evidence, RN, 158,
2002, p. 229-239.
300 Les fondements de la civilisation byzantine

LA SURVIVANCE DE LA SPHÈRE MONÉTAIRE


ET SES LIMITES

La documentation numismatique et archéologique reste donc partielle


et même partiale dans la mesure où les fouilles concentrées sur les sites anti-
ques ont rarement couvert les sites médiévaux, habitats fortifiés ou kastra
isolés1 ou emplacements de marchés périodiques (panègyreis = foires), dans la
mesure aussi où les villes restées occupées à cette époque le sont encore de
nos jours et leur matériel mal connu (fouilles de sauvetage inédites de la
place Diokitiriou à Thessalonique, du métro d’Athènes, etc.). La poursuite
du développement de l’archéologie dans le monde byzantin apportera sans
doute un changement de perspective sur les « siècles obscurs » analogue à
celui entraîné en Occident par les fouilles des emporia [Hodges-Whitehouse,
607, p. 82-120] ou les prospections des détectoristes [Moesgaard, in Lefort,
549, p. 135-148]. Changement de perspective mais non-bouleversement,
car il paraît difficile de nier l’ampleur de la rétraction des échanges et de la
production monétaires. Pour autant, la chute des frappes que révèle la
rareté des pièces des années 680-820 n’implique pas une égale rareté du
numéraire disponible : les études stratigraphiques disponibles montrent en
effet que les vieilles espèces continuent à jouer un rôle non négligeable2.
Rétraction ne signifie pas passage généralisé à l’autarcie et à l’économie de
troc : l’archéologie a déjà mis en lumière des « pôles de résistance » et les
éléments d’une survivance de l’économie monétaire.
Aux exemples cités [Morrisson, 665] on peut ajouter celui de Gortyne où la cir-
culation persiste au VIIIe siècle [Garaffo, 645] et en Anatolie ceux de capitales
administratives et militaires comme Ancyre pour l’Opsikion ou Amorion pour
les Anatoliques [Lightfoot, 1044] où la présence de monnaies des années 770-
950 est loin d’être négligeable.

1. Le kastron de Rentina, au nord-est de Thessalonique est une exception. Mais on y observe


la même brèche des siècles obscurs que sur les grands sites : aucune monnaie entre Justin II et
Théophile (M. Galani-Krikou, E. Tsourtè, Excavation coins from Rendina (en grec), Obolos, 4,
2000, p. 347-354. En revanche, on peut se demander si des sites comme Euchaita où les textes
(cf. Zuckerman, REB, 46, 1988, 191-210) montrent la population se transférer en cas de besoin de
la basse ville à la ville haute ne révèleraient pas un schéma de circulation monétaire analogue à
celui d’Amorion.
2. Par exemple dans les fouilles américaines de Carthage ou celles, exemplaires, de la Crypta
Balbi à Rome (dans le niveau du début du VIIIe siècle elles comprennent encore 25 % de monnaies
des IIIe-Ve siècles qui ne peuvent être considérées comme résiduelles en l’absence de céramique
romaine contemporaine). Dans les fouilles de Pliska le grand nombre de monnaies des IVe-Ve siècles
pourrait indiquer leur réutilisation au IXe siècle et au-delà.
Monnaie, finances et échanges 301

Le rôle de l’État et de la fiscalité est essentiel dans cette résistance. En


effet la part du numéraire reste importante dans les rentrées comme dans
les dépenses. Malgré l’augmentation de la fiscalité perçue en nature et le
rôle probable, on l’a vu, des commerciaires en ce domaine jusque vers 740,
l’institution possible d’une capitation par Constant II1, la création du dikéra-
ton en 732 (Théophane, I, 412), les exigences de Constantin V ou les vexa-
tions de Nicéphore Ier, sont autant de témoignages de la persistance par-
tielle d’une imposition en espèces non négligeable. Bien que l’armée ait été
en grande partie entretenue en nature, la survivance de la roga implique des
versements en numéraire qui constituent un supplément de revenu2 et quel-
ques textes témoignent de paiements en espèces dans la sphère privée aux
siècles obscurs [Oikonomidès, 635, no X]. Toutefois à la fin de notre
période, même si le terme de synonè qui désignait la réquisition des denrées
destinées à l’armée, largement pratiquée au tournant du VIIe siècle, s’ap-
plique désormais à la taxe foncière elle-même, celle-ci est encore souvent
perçue en nature comme en témoigne la correspondance du métropolite de
Nicée (ca 820), Ignace le diacre [cit. et comm. par M. Kaplan, 653].
La situation est en fait très diverse et mal connue. La réforme fiscale de
Léon III en 739, bien qu’elle ait créé le dikératon, surtaxe perçue à raison de
deux miliarèsia par nomisma, et sans doute aussi confirmé la perception du
kapnikon (de kapnos, fumée, équivalent de notre fouage) un impôt personnel,
de 2 miliarèsia au IXe siècle et probablement deux fois plus lors de sa créa-
tion par Constant II à l’origine [Oikonomidès, 328, p. 30, 72 et n. 95 ;
Zuckerman, 376], n’a pas entraîné de retour immédiat et généralisé à une
imposition en espèces [Brandes, 640, p. 379, contra Oikonomidès, 328,
p. 34-35, qui penche pour une adération généralisée sous Constantin V].
Toutefois en 766/767 « en raison des impôts exigés les hommes furent
contraints de vendre à bas prix les dons de Dieu » (Théophane, I, 443). En effet
« Constantin [V] ce chrysophile ennemi du Christ et ce nouveau Midas avait
thésaurisé tout l’or... et les contribuables étaient si accablés par les impôts exigés
que les fruits de la terre et les récoltes se vendaient à vil prix, 60 modioi de blé
ou 70 d’orge au nomisma et la plupart encore moins. Les ignorants y virent
l’abondance de la terre et la prospérité, les plus sensés l’œuvre de la tyrannie et
de la cupidité (philochrèmatia) et un fléau d’inhumanité » (Nicéphore, 53,
LXXXV, 12-21).

1. Les diagrafa seu capita imposés aux habitants et aux propriétaires de Calabre, Sicile, Sardaigne
et Afrique selon le Liber Pontificalis (I, p. 344) sont interprétés ainsi par C. Zuckerman [376]. Cette
taxe personnelle aurait été étendue ensuite au reste de l’Empire.
2. La solde des Arméniaques s’élève en 811 à 1 300 livres (93 600 nom.) (Théophane, 489) celle
du thème de Strymon à 1 100 livres (79 200 nom.) (Id., 484). Les soldats d’Ôoryphas reçoivent sous
Théophile 40 nom. pour combattre les pillards musulmans en Crète (Skylitzès, 46 ; Théophane
Continué, 81.
302 Les fondements de la civilisation byzantine

Au travers du récit des chroniqueurs évidemment hostiles à l’empereur ico-


noclaste, on perçoit bien les effets déflationnistes catastrophiques (chute de moi-
tié du prix du blé) d’une mesure qui consistait soit en une augmentation de
l’impôt, soit plus probablement en l’exigence de son versement en espèces dans
un contexte de pénurie monétaire et de marché rigide.
Au début du IXe siècle, l’empereur Nicéphore Ier – ancien logothète du géni-
kon – « très intelligent, rusé et de conception rapide, surtout dans les affaires du
fisc, mais mesquin et aimant l’argent à l’excès » selon l’auteur, lui aussi icono-
doule, de la Chronique de l’an 811 (éd. Dujcev, TM, 1, p. 216-217) prit une série
de mesures fiscales que Théophane (I, p. 486-487 ; Mango-Scott, p. 668-670)
présente évidemment comme une série de « vexations » (kakôseis). Ses dix mesu-
res visaient à assainir les finances impériales : il annula d’une part les allège-
ments accordés peu auparavant par Irène à ses partisans et imposa le kapnikon
aux parèques des fondations pieuses et de l’Église et s’efforça d’autre part de
trouver de nouvelles ressources en relevant les taux et en exigeant le paiement
de 2 kératia (1/12 de nomisma) pour les frais, en procédant à de nombreuses
confiscations de fortunes sous prétexte qu’il s’agissait de trésors découverts reve-
nant au fisc par droit régalien, en contraignant les nauclères du littoral, spéciale-
ment en Asie Mineure, à acheter les domaines confisqués et en imposant un
emprunt forcé de 12 livres d’or au taux élevé de 16,7 aux grands armateurs de
Constantinople en plus des kommerkia habituels.
On a souvent invoqué à l’appui de la persistance de la monétarisation à
Byzance le kommerkion de la foire d’Éphèse qui rapportait encore 100 livres
d’or (7 200 nomismata) par an en 794/795 (Théophane, I, p. 469). Toutefois,
l’anecdote du paysan Métrios1 qui, de retour d’une foire dans le thème de
Paphlagonie, où il avait « vendu ou échangé » ses produits avait trouvé une
bourse de 1 500 nomismata perdue par un marchand illustre l’ambivalence
qui prévaut encore au milieu du IXe siècle où des transactions en espèces
importantes (le chiffre est sans doute ici symbolique) coexistent avec des for-
mes non monétarisées d’échanges. Le maintien d’une partie des exigences
fiscales de l’État en espèces a cependant de toute évidence contribué à la
survie d’une certaine économie d’échanges et au renouveau monétaire du
milieu du IXe siècle.

1. Synaxarium Ecclesiae Constantinopolitanae, H. Delehaye (éd.) (Bruxelles, 1902), col. 721-722, cité
et commenté dans des sens divers par H. Antoniadis-Bibicou, Recherches sur les douanes à Byzance (Paris,
1963), p. 247-248, M. Hendy, Studies, p. 568, n. 60 et, plus récemment par A. Laiou, Händler und
Kaufleute auf dem Jahrmarkt, Fest und Alltag in Byzanz, G. Prinzing u. D. Simon (éd.) (Munich, 1990),
p. 53-70 et 189-194, aux p. 58 et 68-69.
Monnaie, finances et échanges 303

UNE PREMIÈRE RENAISSANCE MONÉTAIRE :


DE THÉOPHILE À CONSTANTIN VII
(MILIEU IXe - Xe SIÈCLE)

UNE PRODUCTION ET UNE CIRCULATION PLUS INTENSES

Au milieu du IXe siècle le système monétaire mésobyzantin s’est large-


ment affranchi de la tradition de l’Antiquité tardive : il n’y a plus désormais
qu’une seule espèce par métal ; le nomisma respecte encore la norme cons-
tantinienne et conserve une légende en caractères latins mais ses fractions
ont disparu, leur rôle étant repris par le miliarèsion, une large et mince
monnaie d’argent, inspirée du dirham arabe mais qui affirme l’identité de
l’Empire en proclamant en grec – dans une curieuse écriture mixte gréco-
latine qui subsistera jusqu’au XIe siècle [Morrisson, 661, art. II] – sur la face
autour d’une croix monumentale « En Jésus-Christ sois vainqueur » et en
célébrant au revers les « fidèles empereurs des Romains, par la grâce de
Dieu ». Enfin la monnaie de bronze a abandonné la datation annuelle
introduite en 537 et la marque de valeur en noummia ; le follis n’a plus (ou
très rarement) de sous-multiples et adopte le style épigraphique de la
monnaie d’argent, la titulature impériale sur plusieurs lignes comme sur les
sceaux de plomb des fonctionnaires civils et des ecclésiastiques dont des
milliers sont parvenus jusqu’à nous [Cheynet, 38]. Le nomisma est frappé
sous Théophile en quantités deux fois plus importantes que précédemment
et la production de monnaies d’or semble véritablement « décoller » à par-
tir du milieu du Xe siècle à en juger par les estimations déduites de l’étude
des coins d’un corpus de 4 600 pièces1. La monnaie de bronze se trouve
durablement stabilisée à un poids analogue à celui de ses origines ; frappée
en quantités beaucoup plus importantes elle permet de renouveler et
d’augmenter le numéraire en circulation.
Dans le sud des Balkans désormais bien réintégré à l’Empire, la docu-
mentation numismatique témoigne en effet entre 820 et 969 d’un accroisse-
ment significatif des trouvailles de fouilles (taux de 1 % par an à Corinthe et
4 % environ à Athènes) [Metcalf, 658 ; Penna, 669]. Au nord la pénétration
du bronze, totalement absent entre la fin du VIIe siècle et le milieu du VIIIe,
est déjà plus soutenue entre 813 et 842 et retrouve sous Léon VI un niveau
qu’elle n’avait pas connu depuis le VIe siècle tandis que l’apparition de petits

1. F. Füeg, Vom Umgang mit Zufall und Wahrscheinlichkeit in der numismatischen For-
schung, Rev. suisse de Num., 76, 1997, p. 135-160.
304 Les fondements de la civilisation byzantine

trésors de folles au lieu de simples dépôts funéraires de pièces souvent percées


utilisées comme amulettes montre que la monnaie n’y a plus une simple
valeur rituelle mais y remplit bien sa fonction d’instrument des échanges et
de réserve de petites richesses (Oberländer, 668). En Asie Mineure, sous
réserve des biais de la documentation évoqués plus haut, la croissance des
trouvailles monétaires est moins notable et plus tardive mais s’esquisse timi-
dement sur certains sites, surtout dans les zones littorales, à partir de
Léon VI, comme paraissent l’indiquer les trouvailles monétaires d’Éphèse ou
de Nicée (Planet, in Geyer-Lefort, 1021, p. 499-505). D’autres témoignages
historiques amènent d’ailleurs à considérer Éphèse et Nicée – « ville depuis
longtemps riche et bien peuplée » selon Théophane Continué (p. 464) – aux
côtés d’Attaleia, Smyrne ou Trébizonde, comme des « villes avec continuité
relative » [Brandes, 989, p. 124-131].
Paradoxalement au moment où la sécurité en partie retrouvée et l’arrêt
des récurrences de la peste favorisent ce renouveau des échanges dans le
cœur de l’Empire, les dernières possessions occidentales ou insulaires,
noyaux de la résistance aux siècles obscurs échappent au contrôle byzantin
(Palerme, 831 ; Syracuse, 879 ; Crète vers 824). C’est l’arrêt des ateliers ita-
liens. La Calabre et la Pouille seront désormais approvisionnées par l’atelier
de Constantinople qui fournit la quasi-totalité du numéraire sur l’ensemble
du territoire, si l’on excepte l’épisode de Reggio (cf. p. 296) ou les frappes
thessaloniciennes de Michel II, Théophile, Basile Ier et Léon VI [Hendy,
651, p. 423-425] et, de Michel III à Basile II, le monnayage coulé si parti-
culier destiné au comptoir de Cherson et qui n’en franchit pas les limites.

LE CONTEXTE FISCAL ET BUDGÉTAIRE

La persistance d’un pouvoir relativement fort au regard des circonstan-


ces qui prévalaient en Occident à la même époque et d’un État unifié, le
maintien d’un prélèvement fiscal en partie monétarisé font la spécificité de
l’Empire mésobyzantin. Ces facteurs expliquent l’importance des ressources
financières, bien inférieures à celles des califes ‘abbâsides, mais probable-
ment très supérieures à celles des Carolingiens. Cette richesse relative est
illustrée dans la mise en scène des réceptions au Grand Palais sous Théo-
phile, comme plus tard dans les descriptions de la distribution des rogai le
dimanche des Rameaux :
L’empereur remit un paiement en or à ses vassaux et aux principaux détenteurs
d’offices de sa cour, chacun recevant une somme proportionnelle à son rang...
Une table de 15 pieds de long et 6 pieds de large fut dressée sur laquelle se
Monnaie, finances et échanges 305

trouvaient des paquets de pièces mises en sacs, selon les montants dus, inscrits à
l’extérieur de la bourse... Le premier à être appelé fut le recteur du palais qui
emporta son argent non pas dans ses mains mais sur ses épaules puis le domes-
tique des scholes et le drongaire de la flotte reçurent des sacs de monnaies et
des pièces d’étoffe (si lourds) qu’ils durent se faire aider pour les traîner à terre
et les emporter... [on sait que les rogai des stratèges et des cleisourarches allaient
de 5 à 10 livres d’or jusqu’à 40 livres soit env. 13 kilos] (Liutprand, 204, Antapo-
dosis, 6, 10).
Les estimations de cet « or de Byzance » n’ont pas manqué : la dernière
en date [Treadgold, 521, très contestée] combine pour estimer les dépenses
impériales les données d’une description de l’armée byzantine vers 840
conservée dans quatre sources arabes indiquant le nombre des hommes et
la progression de leur roga avec les informations de Constantin VII sur la
solde des officiers de l’armée des thèmes et le nombre de titulaires civils et
militaires connus dans les listes de préséance de l’époque (taktikon Uspenskij
et Clétorologe de Philothée). Les revenus impériaux, de l’ordre de 1,7 million
de nomismata autour de 800, se seraient élevés à quelque 3,3 millions
vers 842-856, un surplus constant de quelque 300 000 nomismata par an,
source du « trésor » de 1 090 kentènaria amassé par Théophile et Théodora
[réf. in Hendy, 651, p. 224-225]. Quelle que soit la marge d’erreur ou les
excès de ces estimations, elles n’en reflètent pas moins la relative puissance
financière en partie recouvrée par l’Empire, instrument de sa politique mili-
taire et de sa diplomatie et par voie de conséquence de l’expansion de la
période suivante. La conscience de cette force transparaît dans la déclara-
tion hautaine prêtée au patrice Christophe recevant l’évêque de Crémone,
Liutprand, ambassadeur de l’empereur Otton II à la cour de Nicéphore
Phocas en 968 : « Nous qui surpassons toutes les autres nations en richesse
– et en sagesse... Avec notre argent qui nous donne le pouvoir nous soulè-
verons le monde contre [votre empereur] et nous le briserons comme un
vase d’argile » (Legatio, chap. 54 et 53).

L’EXPANSION ET SES PROBLÈMES


(FIN Xe - FIN XIIe SIÈCLE)

On s’accorde désormais à considérer l’ensemble de la période sous un


jour plus favorable que dans l’historiographie des années 1950 et à y voir
une croissance progressive de l’économie et des finances byzantines. Les
conditions premières en sont le rétablissement d’une meilleure sécurité sur
terre et sur mer (chap. II et III) qui favorise la croissance démographique et
306 Les fondements de la civilisation byzantine

celle des échanges à l’intérieur de l’Empire comme avec ses voisins orien-
taux, slaves ou occidentaux. Nous l’examinons ici de part et d’autre de la
crise de la seconde moitié du XIe siècle, une parenthèse dramatique certes
mais surmontée au début du XIIe siècle qui connaît sous Manuel Ier un
apogée non encore entamé par l’essor italien.

« L’EXPANSION » DU XIe SIÈCLE

On assiste à un accroissement sans précédent des quantités de monnaies


frappées : les folles anonymes (le portrait et la titulature de l’empereur ayant
été remplacés à partir de Jean Tzimiskès jusque sous Constantin X par
l’image du Christ et la légende Jésus-Christ roi des régnants ou diverses formes
de croix) sont parmi les plus communes et les plus abondantes de toutes les
émissions byzantines. Dans toutes les provinces, non seulement dans les
grands centres comme Corinthe [Penna, in EHB 2, p. 655-658], Athènes,
mais aussi sur certains sites bulgares (Pernik, Preslav, Djadovo) sur ceux du
Bas-Danube comme dans les zones rurales adjacentes [Oberländer, in
Lefort et al., 549, p. 387-393] ; en Asie Mineure sur la côte mais aussi dans
les sites de l’intérieur (Lightfoot, EHB) à Antioche, comme dans les villages
de la région [Vorderstrasse, in Lefort et al., 549, p. 502-508] les trouvailles
augmentent de façon spectaculaire : elles triplent par exemple à Corinthe
entre 969 et 1092 par rapport à la période précédente. Dans certaines
régions comme la frontière danubienne, on ne peut nier le rôle moteur de
l’argent « injecté » par le pouvoir impérial pour financer les opérations mili-
taires, mais ces sites sont aussi des entrepôts, centres d’échanges avec les
peuples du Nord [Stephenson, 1101, p. 84-89]. Les progrès de la documen-
tation archéologique, notamment en milieu rural, attestent la diffusion des
échanges monétarisés dans des régions restées jusque-là à l’écart ; en
Dobroudja ou en Bulgarie du Nord-Est, l’association de monnaies avec des
outils agricoles confirme cette diffusion. De même la production d’imi-
tations coulées de folles du XIe siècle d’abord entre 980 et 1000 dans un ate-
lier contrôlé par les Comitopouloi et ensuite dans les années 1060-1100 par
un atelier local situé à Dorostolon, puis à Isaccea montre ce besoin crois-
sant de monnaie d’appoint1.

1. E. Oberländer-Târnoveanu, Un atelier monétaire byzantin inconnu de la deuxième moitié


du XIe siècle dans le thème de Paristrion, RESEE, 21, 1983, 3, p. 261-270 ; Gh. Mãnucu–Adameh-
teanu, Again on the Byzantine Cast Coins from the 11th Century found in Dobrudja (en roumain,
rés. angl.), Peuce 12, 1996, p. 321-376.
Monnaie, finances et échanges 307

La monnaie de métal précieux subit une évolution comparable bien que


plus difficilement mesurable. Pour la monnaie d’or l’étude de coins menée
par Füeg (cf. p. 307, n. 1) indique une nette augmentation des émissions à
partir de 950 par rapport aux niveaux antérieurs. La monnaie d’argent,
apparemment plus abondante, se diversifie en tout cas pour mieux
répondre aux besoins de transactions moyennes (au XIe siècle on crée deux
fractions d’un tiers et de deux tiers de miliarèsion, valant sans doute 8 et
16 pièces de cuivre). La baisse continue du poids de la monnaie de cuivre
au cours du XIe siècle, de même que l’altération du nomisma dont elle
découle, dénotent la nécessité de frapper une plus grande quantité de pièces
à partir d’un stock métallique insuffisant.

TABLEAU 3. — Les principales étapes de la dévaluation du nomisma (914-1092)*

Règne Dates Carats ‰ Au ‰ Ag ‰ Cu


Justinien II - Léon VI 695-912 23 1/3 973 199 7
Constantin VII 914-959 22 2/3 944 48 7
Michel IV 1034-1041 21 2/3 90 7 3
Constantin IX 1041-1055 20 5/6 87 109 21
Romain IV 1068-1071 17 70 248 52
Michel VII 1071-1078 14 581 371 48
Nicéphore III 1078-1081 8 1/2 358 566 76
Alexis Ier (préréforme) 1081-1092 2 1/2 106 725 169
* Taux moyens pour le nomisma histaménon et titre approché en carats.

Source : CEB 2.

À partir de Constantin VII le nomisma « décroche » de la norme de


quasi-pureté antérieure en passant en dessous de la limite des 23 carats.
Une altération lente souvent méconnue1 fait perdre jusqu’à Michel IV un
carat et aurait permis une hausse de la masse monétaire de 0,2 % par an.
C’est au cours de cette première phase que se place la création par Nicé-
phore Phocas d’un nomisma de poids réduit, le tétartèron, diminué d’1/12 (un
petit quart, « quarteron » par rapport au nomisma de plein poids, dit histamé-
non), phénomène complexe qui a suscité une abondante littérature confron-
tant le témoignage de la numismatique à celui des historiens de l’époque2.

1. Mais qui ne peut être l’effet du hasard compte tenu de la grande maîtrise des techniques de
purification par les Byzantins (CEB 2). Le rôle décisif attribué à Michel IV dans de nombreuses
études (Grierson, Hendy, Harvey, Kaplanis) n’est pas confirmé par les données analytiques.
2. Grierson, DOC III, 1, 31-33, 37-38 ; II, 708-710 ; Hendy [651], 507-509.
308 Les fondements de la civilisation byzantine

De même qu’au VIe siècle, il s’agissait, comme l’affirment d’ailleurs les


textes (Zônaras, CSHB III, p. 507 ; Skylitzès, 58, p. 275, trad. Flusin,
p. 231) de permettre à l’État de réduire ses dépenses en en payant une
partie en nomismata légers qui circulaient ensuite à parité avec les autres
mais que le public évitait naturellement de thésauriser.
Dans une deuxième phase qui va de Constantin IX au milieu du
règne de Romain IV l’altération s’accélère et le titre du nomisma perd
quelque 3 carats, ce qui pourrait correspondre à un accroissement annuel
du nombre de pièces en circulation de l’ordre de 1 % soit un tiers de
signes monétaires en plus en trente ans. La première phase de la
dévaluation du XIe siècle a donné lieu à des interprétations divergentes. La
plupart des auteurs ont mis cette altération en rapport avec la mauvaise
gestion, la dilapidation des excédents amassés par Basile II et les dépenses
somptuaires – tant reprochées à Constantin IX Monomaque dans le
souci d’exonérer Michel VII de ses responsabilités par Psellos qui y
voit « le commencement de la décadence des affaires [de l’État] et de
leur abaissement » [60, t. I, p. 119] – ou avec la dégradation
des finances impériales motivée par la lutte contre les Petchénègues
[Kaplanis, 654].
Sans exclure entièrement ce dernier aspect, on peut toutefois
considérer dans le cadre de l’équation comptable et des équilibres
macroéconomiques que cette augmentation du nombre d’espèces frappées
n’a pas entraîné d’augmentation de prix corrélée (même si ce
dernier argument manque de preuves et est plutôt a silentio). La dévalua-
tion de ces deux premières phases a pu répondre en fait [Morrisson, 662 ;
Morrisson et al., 659] à une augmentation du volume des transactions
monétaires liée à cette relative expansion de la population et de la pro-
duction dans l’Empire dont les sources documentaires (données athonites
sur l’extension des cultures et de l’habitat par ex.) ou archéologiques
[Lefort-Geyer, 1021 ; Lefort et al., 549] offrent des preuves de plus en plus
nombreuses.

LA CRISE DE LA FIN DU XIe SIÈCLE

Entre 1071 et 1092, le titre connaît une chute rapide de 17 à 2 carats


seulement sous Alexis Ier dont les premières monnaies d’ « or », bien
qu’elles contiennent encore un dixième de métal jaune ne sont plus en
apparence qu’une monnaie d’argent dont les documents soulignent parfois
Monnaie, finances et échanges 309

l’affaiblissement1. L’altération ne consiste plus à mêler à l’alliage de l’or


natif non purifié à forte teneur en argent comme précédemment, mais à
jeter au creuset de l’argent et du cuivre provenant précisément des mon-
naies d’argent des empereurs précédents. C’est pourquoi le miliarèsion et ses
fractions sont entraînés dans la spirale de la dévaluation, tombant de 90 %
sous Constantin X (1059-1067) à 71 % sous Romain IV Diogène (1068-
1071) et 45 % sous Nicéphore III (1078-1081) sans qu’il soit besoin d’y
voir l’effet de la « famine » de métal blanc dans l’Orient musulman à cette
époque2.
Ici, il n’y a plus aucun doute sur la cause du phénomène qui s’ac-
compagne cette fois d’une hausse des prix si marquée qu’elle vaut à
Michel VII le surnom de Parapinakès, celui sous lequel le nomisma n’a plus
acheté qu’un modios de blé moins un pinakion (1/4 de modios) (Skylitzès
Continué, éd. Tsolakès, p. 162 ; Zônaras, CSHB III, p. 712 ; cf. Cheynet
et al., in HR 2, p. 361-363). C’est bien la crise financière, qui accable
l’Empire pris en tenaille entre les Saldjûkides et les Petchénègues, qui
accule à la dévaluation après avoir forcé Romain IV l’année de Mantzi-
kert à payer les rogai uniquement en vêtements de soie, avant d’en arriver
à la banqueroute :
Sous Nicéphore Botaneiatès, « les dépenses atteignirent plusieurs fois le chiffre
des revenus, et, au bout de peu de temps, pour cette cause, le Trésor fut à sec,
le nomisma fut altéré et les rémunérations attachées par l’empereur aux dignités
et aux offices furent supprimées » (Nicéphore Bryennios IV, 1, p. 129).

LA RÉFORME D’ALEXIS Ier ET LE SYSTÈME DE L’HYPERPÈRE

Après une dizaine d’années où les finances de l’Empire semblent tou-


cher le fond – on se rappelle que l’empereur doit comme Héraclius faire
appel aux trésors de l’Église et livrer au creuset la vaisselle liturgique – la
réforme d’Alexis Ier Comnène, mise en œuvre après la victoire de Lébou-
nion sur les Petchénègues met fin à la crise en restaurant une monnaie d’or
de haut titre, l’hyperpère. Le nouveau système durera dans ses grandes
lignes à peu près deux siècles. L’éventail du système comnénien (1 à 864 ou

1. En 1097, une vigne de 3 modioi et 2 modioi de terre en friche sont vendus « pour 45 nomismata
d’or au type de saint Démétrius avec la croix de la plus médiocre qualité » (Lavra, I, no 53, I).
2. CEB 2, p. 137-139.
310 Les fondements de la civilisation byzantine

1 728 entre la plus forte valeur et la plus petite) est, après celui du VIe siècle
(1 à 2 400 ou 12 000 environ entre le solidus et les deux plus petites espèces
de cuivre), le plus large de ceux qu’ait connus Byzance. Le glissement vers
des valeurs inférieures à celles du XIe siècle (le tétartèron de cuivre ne vaut
plus que le tiers du follis précédent) révèle la volonté de procurer au public
une pièce à plus faible pouvoir d’achat. Le choix pour les deux espèces de
métal précieux des valeurs respectives de 21 carats environ pour
l’hyperpère, au lieu des 23 carats des IXe-Xe siècles ou des 22 carats du
début du XIe siècle, et de 7 carats pour la nouvelle monnaie d’or blanc, le
trachy ou tricéphale (voir tableau 1 d, p. 293) ainsi que la disparition corrélée
de tout monnayage d’argent plus ou moins pur sont dus à la nécessité de
remettre en circulation le stock existant de monnaies dévaluées avec le
moins de perte de métal possible. Les deux paliers de 21 et 7 carats
s’expliquent en effet par la refonte des monnaies retirées de la circulation
réparties en deux groupes, celles du début du XIe siècle (moyenne 21 carats)
et d’autre part, les émissions fortement altérées de la dernière période. Le
système reste assez stable pendant tout le XIIe siècle : l’hyperpère reste tou-
jours au-dessus de 19 carats, son glissement par rapport au taux initial de
86 % – 20 1/2 carats à partir d’Andronic Ier s’accentue sous Isaac II et
Alexis III mais demeure relativement limité. Le trachy en revanche est altéré
dès le règne de Manuel Ier, puis sous Isaac II, sa valeur intrinsèque tombant
au 1/4 puis au 1/6 de celle de l’hyperpère. Enfin la monnaie de cuivre
argenté, le staminum des sources latines, voit son contenu d’argent baisser
des 6-7 % originels sous Jean II (1118-1143) à 2-3 % sous Alexis III (1195-
1203) et sa valeur par rapport à l’hyperpère passer de 1/48 en 1136
à 1/120 en 1190 et 1/184 en 1199 [Hendy, 650 ; Morrisson et al., 659 ;
Hendy, DOC IV, 1999].

LA MONÉTARISATION DE L’ÉPOQUE DE MANUEL Ier


ET LES FINANCES DE L’EMPIRE

Il est difficile de déterminer dans quelle mesure le règne de Manuel Ier


est celui d’un étalage factice et d’une nouvelle dilapidation qui aurait épuisé
les ressources de l’Empire comme le veut Nicétas Chôniatès a posteriori ou
représente au contraire le dernier éclat de la prospérité de l’Empire. Il
n’existe pas de sources équivalentes pour cette époque à celles du IXe siècle.
Mais les historiens transmettent quelques chiffres significatifs :
Tout au long du règne, Manuel fut en mesure de distribuer des largesses consi-
dérables : à son avènement (1143), 1 kentènarion (7 200 hyperpères) à Sainte-
Sophie et la promesse d’un don annuel de 2 hyperpères à chaque feu (oikeion) de
Monnaie, finances et échanges 311

Constantinople, c’est-à-dire quelque 150 000 hyperpères si l’on estime le


nombre de familles à 75 000 environ (Kinnamos, p. 32-33 ; Chôniatès, II,
p. 49). En 1158 la dot et les frais du mariage fastueux de la nièce de l’empereur,
Théodora Comnène, avec Baudouin III de Jérusalem auraient absorbé à eux
seuls 150 000 hyperpères (Guillaume de Tyr, XVIII, 22, RHC, Occ. I, 2,
p. 857-858). D’après Chôniatès (I, p. 96-97) la malheureuse expédition de
Manuel Ier contre les Normands de Sicile de 1155 aurait coûté 300 kentènaria soit
2,16 millions d’hyperpères. Les auteurs occidentaux livrent quelques chiffres sur
les revenus de l’État : les impôts versés par Chypre se seraient élevés à 7 kentèna-
ria, plus de 50 000 hyperpères (Arnold de Lubeck, MGH, SS. XXI, p. 178) et
ceux de Constantinople selon Benjamin de Tudèle à 20 000 hyperpères par jour
(environ 7,3 millions par an) un chiffre impossible pour la seule capitale mais
qui pourrait être celui des revenus fiscaux de l’ensemble de l’Empire dans la
mesure où Raoul de Coggeshall parle d’un revenu total de l’Empire de
30 000 hyperpères par jour (10,95 millions) [Hendy, 651, p. 173].
Un tel ordre de grandeur ne paraît pas totalement impossible par rapport
aux autres évaluations proposées plus haut, compte tenu de l’évolution éco-
nomique, de l’urbanisation croissante et de l’influence encore en partie béné-
fique exercée par le développement des échanges [v. Laiou, EHB 3, p. 1150-
1155 et Urbs Capta, 202]. La vox populi de l’armée de la IVe Croisade ne
disait-elle pas en 1204 : « Les deux parts de l’avoir du monde étaient en
Constantinople et la tierce était éparse de par le monde » (Robert de Clari).

LE BESANT DANS LE COMMERCE MÉDITERRANÉEN

Pendant tout ce siècle d’or, l’hyperpère remplit bien comme le dînâr fâti-
mide ou ayyûbide les conditions d’un « dollar du Moyen Âge » (stabilité et
fort pouvoir d’achat) [Lopez, 655 ; Cipolla, 642, p. 22-25], et jouit d’une
réputation méritée dans les échanges grandissants de Byzance avec ses voi-
sins méditerranéens ou européens. Plus de huit cents ans après sa création
par Constantin, ce bisantius ou besant dont les Occidentaux font depuis le
Xe siècle le symbole de la richesse de l’Empire1, est en effet encore à quel-
ques carats près fidèle aux normes de ses origines ; les marchands vénitiens
ou d’autres cités italiennes l’utilisent pour toutes leurs transactions dans le
domaine égéen. En Occident les documents d’archives français ou anglais
du XIIe siècle – sous certaines réserves car le terme de bisantius désigne par-
fois toute sorte de monnaies d’or, même musulmanes – confirment la

1. Cf. les « bezanz » et « bezanz esmerez [brillants] » de la Chanson de Roland cités par M. Bloch
(1933, p. 15-16).
312 Les fondements de la civilisation byzantine

conclusion de Marc Bloch : « L’usage même de valeurs de compte emprun-


tées aux... hyperpères de Byzance nous assure que ces monnaies étaient
universellement connues »1. Le Liber censuum montre certes que les cens
récognitifs dus au Saint-Siège étaient le plus souvent versés en marabotins
mais indique aussi au sein d’une progression générale des paiements en or
par rapport aux paiements en argent au cours du XIIe siècle, la progression,
par rapport aux aurei non déterminés d’avant 1130, de « besants », corres-
pondant certainement à des monnaies réelles2. Le prestige de la monnaie
byzantine aux yeux des Occidentaux, qui sauf exceptions (en Sicile ou en
Espagne) ne frappent pas encore l’or, est tel que le « gold standard » byzan-
tin continue d’influencer d’autres monnayages méditerranéens. Le curieux
titre de 16 1/2 carats du tari normand pendant tout le XIIe siècle aligne
celui-ci sur le titre du michaèlaton parvenu en masse dans l’île après 1074 en
paiement de la rente de 14 400 besants promise à Guiscard par Michel VII
et contemporaine des premières émissions de la monnaie d’or normande.
Le besant sarracénat frappé à Acre au cours des 3e et 4e phases (entre 1180
et 1260) le fut aussi autour de 16 carats3. En 1231, Frédéric II choisit pour
son augustal le titre de 20 1/2 carats, pour retrouver celui des besants de
Manuel Comnène, tandis que les bisanti d’oro de Chypre des premiers Lusi-
gnans imitent non seulement l’iconographie des monnaies d’électrum de
Manuel (les manuelati des textes) mais aussi leur titre.

1. M. Bloch, Le problème de l’or au Moyen Age, Annales ESC, 4, 1933, p. 17.


2. A. Chèdeville, Recherches sur la circulation de l’or en Europe occidentale du Xe à la fin du
XII siècle, Le Moyen Âge, 83, 1977, p. 413-443.
e

3. M. Bompaire, J.-N. Barrandon, C. Morrisson, The crusader besant : Processes of debase-


ment, Metallurgy in Numismatics, 4, A. Oddy, M. Cowell (eds), Londres, 1998, p. 35-51.
C HA P I T R E X I I I

La vie religieuse
PAR BÉATRICE CASEAU
ET MARIE-HÉLÈNE CONGOURDEAU1

La vie des Byzantins est rythmée par les cérémonies religieuses, qu’il
s’agisse de rites majeurs comme le baptême, le mariage ou les funérailles ou
des célébrations quotidiennes ou hebdomadaires, ordinaires ou festives. Les
cérémonies religieuses ont aussi une dimension publique, par la présence de
l’empereur ou de ses représentants et des différents corps de la société aux
grandes fêtes de l’année liturgique. Les Byzantins se tournent vers Dieu et
ses saints lors des crises majeures, quand ils sont confrontés à des maladies
incurables, attaqués par des adversaires irrésistibles ou menacés par les élé-
ments naturels. Aux rêves universalistes d’un Empire destiné à s’étendre
avec l’aide de Dieu jusqu’aux confins de la terre et à convertir tous les peu-
ples à la foi chrétienne, s’oppose une réalité historique qui est celle d’un
Empire menacé par les invasions, réduit dans son territoire et inquiet sur sa
pérennité. Alors que l’Empire est attaqué et connaît une importante réorga-
nisation politique, il paraît important aux contemporains d’expliquer pour-
quoi Dieu a pu laisser les siens subir autant d’échecs et perdre les Lieux
saints. Cette réflexion sur les causes des malheurs de l’Empire, qui voit le
jour, sous les Isauriens, à la suite des premières victoires contre les Musul-
mans, donne naissance à un rejet des images religieuses, dont le culte est
jugé idolâtrique. Le rétablissement de l’Empire et la fin de l’iconoclasme
permettent l’élaboration d’une spiritualité et d’une identité religieuse pro-
prement byzantines et médiévales. Les images religieuses peuplent les égli-
ses à nouveau. Les icônes trouvent leur place dans les maisons et prennent
de plus en plus d’importance dans les dévotions des fidèles. De nombreux
monastères sont fondés où se pratiquent parfois la copie de manuscrit et la
créativité en matière de poésie liturgique. Aux XIe et XIIe siècles, la culture

1. Béatrice Caseau a rédigé les pages 313-321 et 325-333, Marie-Hélène Congourdeau, les
pages 322-324 et 334-340.
314 Les fondements de la civilisation byzantine

religieuse byzantine se raidit face à ce qu’elle considère comme des dévia-


tions ou des innovations des Latins. Elle y répond en renforçant ses propres
certitudes fondées sur son enracinement dans le passé, prenant conscience
de ses différences.

L’ E N C A D R E M E N T D E S F I D È L E S

Tout enfant qui naît dans une famille chrétienne a en principe un choix
de vies pour son futur. Il peut rester laïc, entrer au monastère ou devenir
clerc. Pour les filles, seules les deux premières options sont ouvertes. Il
existe des passerelles entre ces différents états. Tel laïc, qui a fondé une
famille et accompli une belle carrière, peut se faire moine. Veuves, les
femmes choisissent fréquemment le couvent. Des exemples de tels choix
sont attestés nombreux au sein de l’aristocratie : Michel Psellos, ou Anne
Dalassène, mère d’Alexis Comnène, pour ne citer que deux exemples. Une
vocation monastique précoce, dès l’adolescence, peut conduire à l’épiscopat
à un âge mûr. Les familles décident pour leurs jeunes enfants de l’état de
vie qui leur est destiné. Ainsi, les parents fiancent souvent leurs enfants à un
âge tendre par crainte de ne pouvoir organiser un bon mariage de leur
vivant. D’après les Vies de saints, les enfants doués d’un talent à l’école sont
repérés pour en faire des clercs ou des moines. Il arrive aussi que leur voca-
tion monastique contrarie le projet de leurs parents (Michel Maléïnos).
Dans d’autres cas, l’entrée au monastère se produit sur décision parentale.
Les Byzantins savaient clairement la valeur de ces choix dans l’échelle de la
sainteté, et nombreux sont ceux qui finirent leur vie, revêtus de l’habit
« angélique » des moines.

LES RYTHMES DE LA VIE

Le baptême
L’entrée dans l’Église en tant que fidèle s’opère par le baptême. Le
début du Moyen Âge voit une transformation importante des rites baptis-
maux, liée au baptême des bébés et des jeunes enfants. On assiste à un
remblaiement partiel des piscines baptismales et à la création des fonts bap-
tismaux, des vasques sur pied mieux adaptées au baptême des nourrissons.
La vie religieuse 315

L’Orient byzantin semble rester fidèle aux traditions antiques comme la


date pascale pour le baptême des enfants bien portants ou le baptême par
immersion. L’église Sainte-Sophie dispose désormais de deux sites de bap-
tême : l’un où se trouve une simple vasque, pour les jeunes enfants, l’autre,
le grand baptistère, servant aux baptêmes d’enfants plus grands et d’adultes
[Arranz, 689].
L’enfant bien portant est d’abord reçu aux portes de l’église huit jours
après sa naissance. Il reçoit un nom et devient catéchumène. Il est marqué
du signe de la croix, sur le front, la bouche et la poitrine. Une prière est
dite sur l’enfant, tenu par sa nourrice, car la mère est encore alitée et n’est
point admise à l’église avant sa purification au quarantième jour. Ce jour
précis, l’enfant est reçu dans le sanctuaire. Il est porté par sa mère en pré-
sence de son parrain, puis confié au prêtre qui lui fait faire le tour de l’autel
dans le sanctuaire avant de le déposer devant les portes du sanctuaire. La
durée de ce catéchuménat dépend de la santé de l’enfant et de la volonté
des parents. Le deuxième dimanche de Carême, d’après le Typikon de la
Grande Église [Mateos, 252], les fidèles étaient invités à mener leurs
enfants à la préparation au baptême, au terme de laquelle le baptême avait
lieu. Exorcismes et enseignements avaient lieu pendant les semaines du
Carême. Les enfants malades étaient baptisés sur le champ.
Le rituel du baptême se compose toujours d’une renonciation à Satan et
d’un rituel où l’eau purificatrice et l’huile fortifiante sont présentes. Il est de
plus en plus demandé comme un rite nécessaire au salut et dont l’absence a
de lourdes conséquences. Il devient une fête familiale privée. Seuls les bap-
têmes princiers sont l’occasion de véritables fêtes publiques à la signification
tant politique que religieuse. Ainsi, le baptême de Constantin Porphyrogé-
nète, fils issu du quatrième mariage de Léon VI, par le patriarche Nicolas
Mystikos le 6 janvier 906, marquait la reconnaissance du futur Constan-
tin VII comme héritier légitime.
Le baptême adulte est pratiqué sur les étrangers récemment convertis.
Les princes reçoivent une instruction religieuse soignée. Boris de Bulgarie et
Vladimir de Kiev ont, semble-t-il, été baptisés après un catéchuménat
sérieux. La chronique des temps passés rend Vladimir responsable d’un baptême
collectif dans le Dniepr pour sa druzina (garde personnelle du prince). Le
haut Moyen Âge connaît donc parfois des baptêmes de masse pour des
adultes auxquels aucune préparation religieuse n’est véritablement offerte.
Pour les peuples non encore christianisés, en effet, le baptême d’un prince
est un geste lourd de conséquence, puisque l’ensemble du peuple est invité
à suivre son souverain dans sa démarche de conversion qui s’opère donc à
partir du sommet.
Les rituels prévoient des cas différents selon la religion d’origine du futur
baptisé. Le baptême des juifs, des musulmans, des manichéens et des païens
316 Les fondements de la civilisation byzantine

est accompagné par une abjuration et une condamnation de leurs anciennes


croyances. Un ancien Euchologe de Constantinople a conservé le texte des
anathématismes requis pour ces futurs baptisés. Le baptême des hérétiques
est le plus souvent reconnu comme valable, en particulier s’il s’agit de mono-
physites ou de nestoriens. Alors qu’au VIIe siècle, le changement d’Église
pour les fidèles ordinaires s’opérait par une simple communion, on constate
un durcissement des conditions d’acceptation dans l’Église byzantine. Au
e
X siècle, une abjuration formelle de leurs hérésies est requise. Pour les
Latins, un nouveau baptême finit même par être exigé à partir du XIIe siècle.

Le mar iage
Les mariages sont pour les familles l’occasion de créer des liens, de ren-
forcer des solidarités et d’assurer la transmission du patrimoine et du nom
aux futures générations. Plutôt que de christianisation du mariage, il est plus
juste de parler de christianisation de la famille. L’enjeu, en effet, pour l’Église
est de faire entrer dans le cadre familial les valeurs chrétiennes. Les rapports
entre les conjoints, entre les générations, le type d’éducation à donner ainsi
qu’une christianisation de la vie quotidienne sont donc les centres d’attention
des Pères de l’Église, bien plus que les rites eux-mêmes de la cérémonie.
Au début du Moyen Âge les mariages échappent très largement au
contrôle de l’Église, car, chrétiens ou non, ils restent régis par le droit civil
et relèvent de la sphère privée. L’Église légifère toutefois pour interdire cer-
tains types d’union et cherche aussi à christianiser les mariages par
l’introduction d’une bénédiction cléricale. Cette évolution est lente à se
mettre en place, car les résistances sont nombreuses à accepter un droit de
regard ecclésiastique sur cet aspect de la vie sociale.
L’Église souhaite cependant faire admettre un certain nombre d’idées sur
le mariage : la monogamie et l’indissolubilité du mariage qui trouvent leur
source dans les Écritures. Dieu a béni l’union de l’homme et de la femme en
vue de la procréation. Les enfants sont la preuve visible de la bénédiction
divine. Il est admissible de proclamer la supériorité de la vie virginale sur la
vie, mais condamner le mariage est se mettre en marge de l’orthodoxie. Les
hérétiques comme les Bogomiles qui diffament le mariage sont très sévère-
ment condamnés. Le mariage demeure un bien voulu par Dieu, dès l’origine.
L’Église tente d’influencer le droit civil en introduisant ses propres
valeurs. Mais la substitution des principes canoniques à ceux de l’ancien
droit romain ne s’est pas faite de façon continue, comme en témoigne la
procédure de divorce par consentement mutuel, supprimée par Justinien,
rétablie sous Justin II avant que l’Ecloga n’y mette fin. Le droit romain
fonde l’union conjugale sur le consentement des époux, ce qui différencie le
La vie religieuse 317

mariage du concubinage. La femme doit être traitée comme épouse légi-


time et aura le même rang social que le mari. Le but du mariage est égale-
ment la procréation. Il suppose le respect de certaines règles : puberté des
époux, interdiction des mariages entre parents afin d’éviter l’endogamie et
l’inceste, interdiction des mariages entre certaines catégories de la popula-
tion, entre citoyens libres et esclaves ou entre Romains et Barbares.
Au VIIe siècle, il est encore possible de se marier civilement, sans inter-
vention ecclésiastique. Il suffit du consentement des époux et de leurs
parents, que peut attester le prêtre qui a donné la bénédiction, ou un con-
trat écrit, ou des amis. En droit byzantin, contrairement au droit romain
antique, la cohabitation qui donne naissance à des enfants est considérée
comme un mariage [Laiou, 733].
L’influence des valeurs de l’Église se manifeste dans l’Ecloga, le code de
droit civil promulgué en 741. Le divorce y est rendu plus difficile. Les
empêchements de mariage pour cause de consanguinité et d’affinité y sont
introduits en conformité avec les normes ecclésiastiques. La christianisation
se reconnaît aussi par l’interdiction des mariages entre parents spirituels :
les parrains et marraines des enfants ne peuvent pas se marier entre eux ni
avec leurs filleuls. Le droit civil reconnaît donc la formation d’un lien spiri-
tuel créé à l’occasion du baptême. Un mariage avec un hérétique ou un juif
est invalide. Dans son Tomos de 997, le patriarche Sisinnios étend les inter-
dits de mariage pour consanguinité en prohibant les unions de « deux frères
avec deux cousines, deux sœurs avec deux cousins, oncle et neveu avec
deux sœurs, deux frères avec tante et nièce ». La sévérité des peines montre
l’importance de ces empêchements aux yeux de l’empereur et de l’Église,
mais les unions de ce genre, dans l’aristocratie byzantine, ne sont cassées
que lorsqu’elles contrarient les intérêts des autorités.
Les fiançailles sont perçues comme engageant les deux fiancés devant
Dieu, non comme un simple contrat civil unissant deux familles et reçoivent
une bénédiction ecclésiastique. Leur caractère indissoluble est apprécié de
l’aristocratie, car elles permettent de sceller des alliances entre familles et
des partages de patrimoine très tôt du vivant des parents. La fiancée qui
épouse un autre homme que son fiancé, est considérée comme adultère. La
législation de Léon VI en la matière est conforme aux canons du concile in
Trullo [Joannou, 83 ; Noailles, 86].
La célébration du mariage comporte, une fois la messe finie, un rite de
couronnement des époux. Plusieurs images de mariage permettent de suivre
l’évolution du rite : alors qu’au VIIe siècle, on représente la jonction des
mains droites (plat en argent du mariage de David et Michal, Musée de
Chypre), au XIIe siècle, c’est le couronnement des époux qui est retenu
(manuscrit illustré de la Chronique de Jean Skylitzès : le patriarche cou-
ronne Théophobos et la sœur de l’empereur Théophile) [Kalavrezou, 725].
318 Les fondements de la civilisation byzantine

Au début du Moyen Âge, les mariages étaient fréquemment bénis par


un prêtre, mais la bénédiction religieuse ne devient légalement obligatoire
que sous Léon VI [Noailles, 86, novelle 89]. Cette novelle confère ainsi à
l’Église le contrôle des mariages. Les seuls valides désormais seront confor-
mes aux normes ecclésiastiques, l’Église refusant sa bénédiction à des allian-
ces qu’elle réprouve. Certes, la pratique montre qu’il se trouve toujours un
prêtre pour célébrer une union prohibée, quand il s’agit de membres de
l’aristocratie, mais le prêtre célébrant est déposé et le mariage risque d’être
déclaré illégitime [Laiou, 733].
L’Église byzantine recommande le mariage unique. Une seconde union,
après veuvage, est déconseillée aux laïcs et interdite aux clercs comme rap-
pelle le concile in Trullo. C’est un point de divergence avec l’Occident qui ne
limite pas le nombre des mariages pour les veufs. En Orient, un troisième
mariage est passible d’une longue pénitence, un quatrième est interdit.
Léon VI incorpora cet interdit canonique dans le droit civil, ce qu’il ne tarda
pas à regretter, car il perdit en effet sa troisième femme sans avoir obtenu
d’héritier mâle, mais il eut un fils de Zôé Karbonopsina. Soucieux de faire
reconnaître l’enfant comme son héritier légitime, l’empereur obtint du
patriarche Nicolas Mystikos une « économie », c’est-à-dire un compromis : le
baptême de l’enfant à Sainte-Sophie en présence de la cour en échange de la
séparation du couple illégitime. Dans un premier temps, Léon VI obéit au
patriarche, puis il fit revenir Zoé qu’il épousa malgré tout. Le basileus espérait
s’appuyer sur le siège de Rome, plus accommodant en la matière, pour faire
admettre ce quatrième mariage, contraire au droit canonique comme au
droit civil.
Cette « tétragamie » troubla profondément l’Église byzantine.
Nicolas Mystikos était prêt au compromis, mais les métropolites se mon-
trèrent intransigeants. Le patriarche ferma donc Sainte-Sophie à Léon VI,
lui imposa de faire pénitence et chercha à dissoudre le mariage avec Zôé.
Le souverain, faute d’accord, remplaça Nicolas par Euthyme qui accepta
de reconnaître le mariage, mais déposa le prêtre qui l’avait béni.
Et Léon VI fut contraint à une pénitence publique. Cette décision engen-
dra un schisme dans l’Église qui ne prit fin qu’avec le Tome d’Union
de 920.

La pén iten ce

La pénitence de Léon VI s’inscrit dans une très ancienne tradition chré-


tienne. Il s’agit d’une pénitence canonique réservée pour les péchés graves
pouvant entraîner la mort de l’âme, à distinguer de la pénitence ordinaire
pour les péchés courants. On dispose en effet au Moyen Âge de pénitentiels
La vie religieuse 319

qui établissent la liste des péchés et la pénitence appropriée, selon l’âge et le


statut religieux du pécheur. Par exemple, un moine est astreint à une péni-
tence plus sévère qu’un laïc pour un péché de gourmandise. Ce type de
pénitence est réitérable. Les pénitences incluaient des prières, des jours de
jeûne, des prosternations, des veilles et des aumônes.
La pénitence canonique est un héritage de l’époque où ce sacrement
était considéré comme un second baptême, une ultime chance de salut
offerte une seule fois au cours d’une vie. L’entrée en pénitence canonique
se faisait sur décision de l’évêque et pouvait durer plusieurs années. Une
cérémonie publique présidée par l’évêque transformait le pécheur en péni-
tent : imposition des mains accompagnée de prières, remise du cilice, expul-
sion de l’église, pour signifier qu’il est comme Adam chassé du Paradis.
Contrairement à l’excommunié, le pénitent reste un membre de la commu-
nauté chrétienne ; il est autorisé à fréquenter l’église (peut-être en arrière
des fidèles), mais est exclu de la communion. Il doit se mortifier par des
jeûnes, des veilles, et la pratique de la continence. Le pénitent doit montrer
son repentir par des aumônes. Jean Tzimiskès, qui avait assassiné son pré-
décesseur, Nicéphore Phocas, fut contraint par le patriarche Polyeucte de
reconnaître sa faute, qu’il paya partiellement en distribuant toute sa fortune
personnelle. Il reçut alors la couronne dûment bénie, Polyeucte annonçant
que l’onction divine efface les péchés antérieurs. Une mosaïque du narthex
de Sainte-Sophie représentant un empereur en proskynèse devant le Christ
immortalise la notion de soumission impériale et illustre peut-être la péni-
tence de Léon VI [Oikonomidès, 749]. Selon la Vie du patriarche Euthyme,
l’empereur aurait manifesté son repentir par les larmes, qui sont, particuliè-
rement en Orient, la marque de la pénitence [Vita Euthymii, 96]. Comme
l’eau du baptême auxquelles elles sont assimilées, les larmes lavent du
péché. Cette dimension quasi sacramentelle des larmes est soulignée dans
l’Échelle sainte de Jean Climaque, dans le Canon d’André de Crète (v. 660-
740), dans les écrits de Syméon le Nouveau Théologien comme dans les
homélies de Théophane Kérameus, archevêque de Rossano (1129-1154),
pour ne citer que quelques auteurs de cette période. Toute une spiritualité
de la repentance (métanoïa), du penthos (contrition, tristesse à propos du salut
perdu par le péché), et des larmes se développe. Parmi les signes de sain-
teté, il faut désormais compter aussi le « don des larmes », comme chez
Syméon le Nouveau Théologien, selon son biographe Nicétas Stétathos.
Ce souci de la pénitence et du repentir est intégré dans la liturgie même
qui implore la pitié pour le pécheur. Les métanies, de profondes inclinai-
sons du corps accompagnées d’un signe de croix, forment la gestuelle typi-
quement byzantine du repentir et associent le corps à cette requête. Se
reconnaître pécheur et faire pénitence font donc partie de la vie religieuse
ordinaire du byzantin, et l’exercice est particulièrement important en cas de
320 Les fondements de la civilisation byzantine

grave maladie, avant de recevoir l’onction des malades (dont la fonction est
d’aider à la guérison) ou au seuil de la mort, avant de recevoir l’ultime
communion.

L’au -delà et les fu nér ai l l es

Les Byzantins se souciaient de préparer le voyage de leur âme dans l’au-


delà. Ils s’attendaient, au terme de leur vie, à une forme de jugement indivi-
duel suivant immédiatement la mort, une étape difficile, conduisant les
pécheurs non repentis en Enfer et les saints au Paradis. Les Byzantins du haut
Moyen Âge voulaient des détails sur ce voyage de l’âme, sur les protections
dont on pouvait l’entourer et sur les dangers potentiels. Une riche littérature
répond à cette inquiétude. Les récits sur la mort des saints et des pécheurs
fournissent des clés pour l’interprétation des signes annonciateurs d’entrée au
Paradis ou bien en Enfer. Les visions de l’au-delà présentent le long et diffi-
cile voyage qui attend l’âme après la mort du corps et rassemblent les élé-
ments d’une aventure extraordinaire : luttes entre anges et démons, mysté-
rieux ponts à franchir et description d’espaces contrastés. À Byzance, certains
textes donnent de ce passage, une vision très administrative. Dans le récit de
mort temporaire que fait un soldat au VIIe siècle, des péages se dressent pour
empêcher les âmes de monter au ciel. Il faut payer à chaque péage en bonnes
actions pour contrebalancer l’effet négatif des péchés. Pour l’empêcher de
monter, les démons accusent le pécheur tandis que les anges le défendent. Le
culte des anges et des archanges s’est beaucoup développé au début du
Moyen Âge, en particulier en Asie Mineure, et leur rôle de psychopompe et
d’escorte de l’âme dans l’au-delà n’y est pas étranger.
Images et littérature coïncident pour montrer l’ascension vers le ciel
comme un chemin ardu. Une icône du XIIe siècle représentant l’Échelle
Sainte de Jean Climaque illustre la difficulté. Jusqu’aux derniers échelons, de
petits diables font tomber les pécheurs, qu’ils soient moines ou clercs. Les
moines vivants prient pour leurs frères pendant que les anges veillent sur la
montée des âmes [Evans, 888, p. 376 ; Belting, 863]. De l’Enfer ténébreux
et puant s’élèvent d’éternelles lamentations, d’afflictions inconsolables et de
gémissements incessants. À l’inverse, le Paradis est décrit comme un lieu de
délices, jardin ou ville magnifique. Au moment de la mort des saints, une
fenêtre s’ouvre parfois sur l’au-delà. Les textes hagiographiques rapportent
qu’on entend alors les chœurs angéliques dont la musique suave se rend un
moment perceptible aux oreilles humaines avant de s’évanouir avec la
montée de l’âme au ciel. La lumière céleste, les sublimes parfums du Para-
dis se font un instant percevoir comme autant de preuves de l’admission
privilégiée des saints au Paradis.
La vie religieuse 321

Pour le commun des mortels, ces signes sont absents. Il faut donc recou-
rir à la prière et au pouvoir salvifique de l’offrande eucharistique. On
demande le secours d’une ultime communion de son vivant, puis les testa-
ments prévoient une somme d’argent destinée à faire célébrer des messes
pour le salut de l’âme. Les fondateurs de monastères insistent dans les
Typika sur la prière des moines et des moniales pour le repos de leurs âmes.
Ces craintes sur le salut expliquent que dans les tombes, à côté des croix
protectrices, on retrouve parfois des pièces de monnaies qui semblent conti-
nuer la pratique de l’obole à Charon, des amulettes magiques ainsi que de
la nourriture et de la boisson en cas de besoin. Les anciennes traditions
païennes, le recours à la magie sont donc parfois superposés aux rituels et
objets chrétiens, en guise de précaution supplémentaire [Maguire, 741].
Les soins funéraires n’ont en fait guère changé depuis la fin de
l’Antiquité : fermer les yeux et la bouche du défunt, qui demeure la préro-
gative d’un proche, laver et disposer le corps avec la tête droite, jambes
allongées et parallèles, bras allongés, ou mieux, croisés sur la poitrine. Mais
fait nouveau, on place parfois une icône ou, pour les évêques, un pain
eucharistique, ou pour les moines, un psautier entre les mains croisées
[Kyriakakis, 731].
Le mort était placé sur une bière, entouré de lumières et d’encens.
Quand la dépouille était exposée plusieurs jours, dans le cas des empereurs,
des aristocrates et des personnages réputés saints, on procédait à un embau-
mement externe du corps avec des aromates. Pour les empereurs, une mise
en scène élaborée permettait de rendre un dernier hommage à l’empereur
défunt et d’asseoir l’autorité de son successeur [Karlin-Hayter, 728].
Une procession funéraire conduisait finalement le défunt jusqu’au tom-
beau, au son des chants de psaumes et d’hymnes [Abrahamse, 683]. Jus-
qu’au règne de Basile II, qui choisit de se faire enterrer à Saint-Jean de
l’Hebdomon, camp militaire hors de la capitale, les empereurs étaient enter-
rés dans de vastes sarcophages, le plus souvent dans le mausolée des Saints-
Apôtres qui a aussi accueilli la dépouille de plusieurs patriarches. Les fonda-
teurs de monastères se faisaient enterrer dans le cimetière ou dans l’église
monastique, pour bénéficier des prières des moines. Les autres morts étaient
inhumés dans des cimetières, soit dans les grandes nécropoles antiques sises
hors les murs, soit plus souvent dans de petits cimetières en ville. On a souli-
gné la proximité des morts et des vivants pour les siècles du Moyen Âge. Les
moines, par exemple, enterraient leurs morts sur leur propriété et avaient
recours aux réductions de corps et à l’utilisation d’ossuaires pour faire de la
place. La familiarité avec les morts se manifeste aussi dans l’habitude
d’ouvrir les tombeaux des saints pour en extraire des reliques. On a pu calcu-
ler qu’il y avait dans la seule cité de Constantinople 3 600 reliques provenant
de 476 saints [Byzantine court, 236, p. 53 ; Synaxarium, 680].
322 Les fondements de la civilisation byzantine

L’ÉGLISE ET LA SOCIÉTÉ

Con tr ôler la violen ce

S’il y a dans l’Ancien Testament des textes sur l’aide divine en cas de
guerre quand le peuple élu s’est montré obéissant à la Loi divine, il y a
aussi un interdit ferme : « Tu ne tueras pas. » Le Christ prescrit dans
l’Évangile selon saint Matthieu, à ses disciples de ne pas recourir au glaive
pour le défendre, au moment de son arrestation : « Remets ton épée à sa
place : tous ceux qui se serviront de l’épée, périront par l’épée »
(Mt 26, 52). Ce fondement scripturaire sert à définir un droit canonique
plus exigeant que le droit civil en matière d’homicide. Les canons de Basile
de Césarée prévoient une pénitence de onze ans pour homicide involon-
taire [Joannou, 83, canon 11], tandis qu’une peine plus légère de trois ans
est conseillée pour ceux qui tuent à la guerre [Joannou, 83, canon 13], mais
au Moyen Âge, ces canons ne sont pas strictement appliqués. Celui qui fait
couler le sang doit en principe faire pénitence et être exclu de la commu-
nion. Mais la durée effective de la pénitence peut être, le cas échéant,
négociée selon le « principe d’économie ».
À Byzance, le clerc impliqué dans un homicide ne peut plus célébrer la
liturgie, il est non seulement excommunié, mais encore déposé dès lors que
du sang a été versé. La violence militaire est interdite aux clercs et aux
moines qui ne doivent en aucun cas porter des armes. Les Byzantins sont
donc très hostiles au mélange des genres constitutif des ordres militaires des
Latins. Dans la polémique contre les Latins, ce thème de la violence des
clercs est souvent repris : « Les évêques latins font la guerre et souillent
leurs mains de sang, ils tuent et sont tués », s’indigne Michel Cérulaire dans
la Lettre à Pierre d’Antioche. Le clerc est par principe dispensé du service de
l’État (strateia), ce qui lui évite ainsi d’être impliqué directement dans la vio-
lence militaire, même s’il accompagne l’armée comme chapelain. Sans
encourager la désertion par principe, la sainteté passe par le renoncement à
la violence, comme le montre le cas de saint Iôannikios qui quitta l’armée
pour la vie monastique à la fin du VIIIe siècle.
Si celui qui tue doit faire pénitence, quel salut peut-il y avoir pour les
militaires ? Un débat se mit en place sur la validité du principe d’excom-
munication et de pénitence dès lors que l’armée était très majoritairement
constituée de soldats chrétiens qui défendaient non seulement l’Empire
mais aussi la religion chrétienne menacée par l’Islam ou par des peuples
païens. La contestation vint des empereurs comme Léon III qui ne souhai-
La vie religieuse 323

taient pas démoraliser les soldats mais au contraire les convaincre qu’ils
combattaient au nom du Christ (Ecloga, 82, § 18). Léon VI avait même
espéré obtenir que les soldats morts au combat soient déclarés bienheureux
et Nicéphore Phocas qu’ils reçoivent les honneurs des martyrs. Mais l’Église
byzantine, par fidélité au précepte néotestamentaire, est restée très hostile à
cette idée. Le patriarche Polyeucte refusa ainsi de proclamer martyrs des
gens qui, s’ils avaient survécu, auraient été écartés de la communion, un
interdit repris par les canonistes du XIIe siècle [Kolia-Dermitzakè, 1038].
Sur la pénitence à imposer aux soldats ayant tué à la guerre, les canonistes
byzantins étaient divisés. En 1155, une décision synodale précise que
l’exclusion de la communion pendant trois ans s’applique même à ceux qui
tuent alors qu’ils sont menacés par des brigands. Mais le canoniste Balsa-
mon explique que le canon 13 de Basile n’est plus en usage tandis que
Zonaras s’appuie sur Athanase pour dire que tuer à la guerre est « légal et
digne de louange ». La question de la pénitence à imposer aux soldats était
d’autant plus délicate que les Byzantins étaient confrontés à deux cultures
qui justifiaient la guerre sainte : l’Islam d’un côté avec le djihad et les Latins
avec la croisade de l’autre. S’il n’existe pas à proprement parler de guerre
sainte à Byzance, la notion de guerre juste pour se défendre est bien pré-
sente [Kolia-Dermitzakè, 1038].
Les canonistes comme Balsamon distinguent le droit pénal profane qui
punit un coupable, et le droit canonique dont les peines visent à guérir le
pécheur. La peine de mort, comme d’autres peines corporelles brutales,
existe dans le droit civil [Patlagean, 753]. L’Église n’y est pas favorable et
sollicite parfois la grâce des condamnés, pour faire commuer la peine de
mort en réclusion. Sa clémence est moindre quand il s’agit d’hérétiques.
Ainsi, vers 812, le patriarche Nicéphore, inquiet de la propagande des Pau-
liciens, demande à l’empereur de les condamner au châtiment suprême.
L’État byzantin est en effet chargé de faire appliquer les canons des conciles
qui prévoient pour les hérétiques et certaines catégories de non-chrétiens,
comme les manichéens, la confiscation des biens et même la peine capitale.
Mais, au sein de l’Église cette position ne fait pas l’unanimité : Théodore
Stoudite s’insurge et intervient auprès du patriarche et de l’empereur, si
bien que Michel Rhangabé renonce à appliquer la peine.
L’Église protège par principe ceux qui se réfugient dans les sanctuaires.
Le droit d’asile est reconnu aux églises depuis la fin du IVe siècle, avec des
restrictions pour certaines catégories de personnes, comme les juifs ou les
débiteurs du fisc. Les ecclésiastiques demandent le respect du lieu saint où
le sang ne doit pas être versé, ainsi que la commutation de la peine de
mort, quand celle-ci est prévisible, en peine d’exil accompagnée de confis-
cation des biens. Le droit d’asile n’est pas toujours respecté, comme en
témoignent les excommunications prononcées par les patriarches Taraise
324 Les fondements de la civilisation byzantine

(780-806) et Théodose Boradiotès (1179-1183) contre ceux qui le violent.


Ce droit irrite certains empereurs qui cherchent à en restreindre la portée,
comme Manuel Ier en 1166 [Macrides, 299].

Pr atiqu es in ter dites

L’usure. — « On ne peut servir Dieu et Mammon » (Matt. 6, 24) : ce


verset fut prétexte à condamner l’usure et le profit. Cependant à la diffé-
rence des Latins, les Byzantins, y compris les canonistes comme Balsamon,
acceptent le principe du prêt à intérêt, reconnu comme légitime par la loi
impériale. Seuls les clercs n’ont pas le droit de rechercher le profit, en pre-
nant part à des opérations commerciales ou en devenant banquiers, par
exemple. L’usure, en tant que prêt à un taux excessif, est condamnée pour
tous, car elle constitue une forme de violence faite aux faibles. La loi précise
le plafond des intérêts autorisés en fonction de la condition du prêteur et du
risque encouru. Ces principes ne semblent pas avoir été toujours respectés,
notamment au XIIe siècle, lorsque l’économie de l’Empire se développe.
Eustathe, métropolite de Thessalonique, critique des moines et des clercs de
sa ville occupés au commerce, dont celui de l’argent, et fréquentant donc
davantage les marchés que leur église [Laiou, 735].

La magie. — Les hagiographes veillaient à bien distinguer les miracles


accomplis par le saint, voulus par Dieu, des prodiges accomplis par les magi-
ciens ou les sorcières, inspirés du démon. Les amulettes protectrices contre le
mauvais œil, les maladies et les démons sont présentes en abondance. Beau-
coup visent à protéger de Gello, démone malfaisante qui s’attaque aux
enfants à naître et aux bébés [Sorlin, 761]. Les formules païennes de protec-
tion laissent la place à des invocations à la Vierge ou aux saints, voire à Salo-
mon, le roi juste de l’Ancien Testament. Les croix protectrices ou les enkolpia
remplacent une partie de ces objets magiques sans jamais les éliminer. Les
pratiques magiques concernent toutes les couches de la société.
L’astrologie, qui vise à connaître l’avenir, est condamnée par l’Église,
mais est largement acceptée par les élites comme une science parente de
l’astronomie. Il n’est pas illégitime de chercher à connaître le futur puisque
Dieu lui-même a laissé des indices qui permettent de le prévoir et a conféré
à certains saints le don de prophétie [Magdalino, 739]. La fabrication
d’horoscopes se développe à partir du Xe siècle, sous l’influence des prati-
ques venues du monde musulman. En revanche, s’adonner à la divination
par observation du foie des victimes, ou par nécromancie est sévèrement
condamné. De telles accusations furent portées contre le patriarche icono-
claste Jean le Grammairien pour le déconsidérer.
La vie religieuse 325

LES FORMES DE LA PIÉTÉ

LA VIE LITURGIQUE

Les célébrations liturgiques prennent la forme de réunions de prière


(synaxe) et de processions. La prière communautaire a ses rythmes propres :
quotidiens avec la prière des heures, hebdomadaires avec la sacralisation du
dimanche, et annuels avec le cycle des fêtes.
Largement fondée sur le chant et la méditation des psaumes, la prière
des heures scandait la journée dans les monastères et les églises. Alors que
dans l’office monastique, on récitait volontiers les psaumes en continu, dans
l’office cathédral, le choix des hymnes et des psaumes était lié au moment
de la journée et accompagné de gestes cérémoniels. Ainsi, aux vêpres, alors
que la lumière du jour déclinait, on allumait un cierge en chantant Joyeuse
lumière, on faisait brûler de l’encens, en récitant le psaume 140 évocateur de
la prière qui monte comme l’encens vers le ciel. Les jours de fête, on encen-
sait l’icône de la fête. Dans les monastères de Constantinople, les moines
acémètes se relayaient pour assurer une prière continuelle fondée sur les
psaumes. Après la première vague iconoclaste, et surtout sous l’influence de
Théodore Stoudite, on introduisit de la poésie religieuse, venue de Palestine
ou composée sur place, qui donna naissance à un office monastique appelé
à une large influence. Plus sobre, en effet, que l’office cathédral, il finit par
le supplanter après 1204.
Chaque dimanche, les fidèles étaient invités à participer à la divine
liturgie, divisée entre des chants, des lectures tirées des Écritures, une
homélie et la célébration de l’eucharistie. Mais les fidèles sont tenus à
l’écart des aspects les plus sacrés de la « divine liturgie ». Certaines des
paroles de l’anaphore prononcées à voix basse sont connues des seuls prê-
tres, leur conférant ainsi la fonction de médiateurs entre les fidèles et Dieu.
Contrairement à l’Occident, il n’y a pas de notion d’assistance obligatoire à
la messe. Toutefois la participation à la « divine liturgie » est un moment
important dans la vie religieuse des Byzantins, un temps d’enseignement à
travers la lecture des Écritures, la prédication et les commentaires sur le
sens des fêtes dans la poésie liturgique. L’accès à la communion au Corps
et au Sang du Christ est entouré de toute une série d’interdits, de
l’exclusion de catéchumènes, des pénitents, des hérétiques. La question se
pose pour les Latins. Une forme de pureté rituelle est requise (jeûne, absti-
nence sexuelle, tabou du sang). Ces exigences ont maintenu les fidèles ordi-
326 Les fondements de la civilisation byzantine

naires à l’écart d’une pratique régulière de la communion. L’importance du


sacrifice eucharistique dans leur vie religieuse peut se manifester autrement,
par l’offrande de pain ou de vin pour l’oblation, une offrande libre, contrai-
rement à la dîme occidentale, mais considérée comme un devoir, et par
une manifestation de dévotion lors de l’entrée des dons. Pour les plus
riches, elle peut aussi prendre la forme de dons de vaisselle liturgique.
Selon le Typikon de la Grande Église, le plus ancien recueil des liturgies
stationnales contenant les usages à Constantinople, l’eucharistie n’est
célébrée au Xe siècle que le samedi, le dimanche et les jours de fête sauf
durant une brève période après Pâques où elle est offerte tous les jours
[Mateos, 252]. Comme les prêtres sont mariés à Byzance, et qu’on leur
demande une abstinence sexuelle avant de célébrer l’eucharistie, il n’y a pas
de célébration quotidienne, mais une tendance à l’augmentation du nombre
de jours de célébration eucharistique se manifeste au Moyen Âge. Pour
Sainte-Sophie qui dispose d’un nombre important de prêtres pouvant se
relayer, l’empereur Constantin IX Monomaque aurait fait affecter des reve-
nus à l’église patriarcale pour qu’y fût célébrée une synaxe eucharistique
quotidienne. Dans les églises rurales, le rythme d’une ou deux célébrations
hebdomadaires est conservé. Les offrandes des fidèles permettent aux clercs
ruraux de compléter leurs revenus. Tous les pains offerts à l’église ne sont
pas consacrés sur l’autel, ils sont distribués pour la plupart aux membres du
clergé, aux pauvres ou parfois comme pains bénis, à la fin de la liturgie.
Les premiers siècles médiévaux sont une époque de créativité en
matière liturgique et de réflexion sur la liturgie, comme l’attestent les com-
mentaires de la liturgie [Bornert, 264]. Les liturgies évoluent et des prières
nouvelles sont composées. Les deux anaphores communément utilisées pour
la célébration de la « divine liturgie » dans le patriarcat de Constantinople,
l’anaphore de saint Basile et celle de saint Jean Chrysostome, sont réécrites
et fixées. La liturgie de saint Jean Chrysostome l’emporte clairement à
l’époque macédonienne. De nouveaux livres liturgiques apparaissent,
Euchologes pour consigner les prières ou Typika sur le déroulement des
cérémonies. Les usages liturgiques sont divers, aussi bien dans les églises
cathédrales que dans les monastères. On n’a pas deux Euchologes ou deux
Typika totalement identiques, si bien que R. Taft a pu parler de dialectes
portant la trace d’influences mutuelles, au sein d’un même groupe linguis-
tique [Taft, 762 ; 763].
Les commentaires sur la liturgie apparaissent au début du Moyen Âge.
La Mystagogie de Maxime le Confesseur reprend, au VIIe siècle, le symbo-
lisme de Denys l’Aréopagite. Pour ces auteurs, la divine liturgie est un écho
de la liturgie céleste. Les chœurs célestes participent invisiblement à la
liturgie comme le chante l’hymne des anges chérubins, le Chéroubikon. À
cette interprétation cosmique de la liturgie, qui voit une symbolique dans
La vie religieuse 327

les gestes et les paroles, se superpose une interprétation plus historique qui
analyse la liturgie comme un rappel de la vie et de la Passion du Christ. Le
pain qui est offert en sacrifice sur l’autel est à la fois nourriture mystique et
rappel du sacrifice du Christ sur la croix. Cette dernière interprétation, déjà
présente chez Germain de Constantinople, tend à s’imposer après
l’iconoclasme, en riposte à l’analyse symbolique de l’eucharistie dans la
théologie iconoclaste. Pour Constantin V et les évêques de Hiéreia,
l’eucharistie est la seule « véritable image du Christ » [Mansi, 15 ;
Gero, 716]. Les iconodoules ont souhaité privilégier cette interprétation
plus réaliste dans laquelle le pain est vraiment le corps du Christ, tandis que
la lancette liturgique représente la lance qui perça son côté [Brouard, 696].
L’interprétation symbolique ne disparaît pas pour autant des commentaires.
Lorsque les Typika monastiques évoquent le chant, ils expliquent volontiers
que le chant liturgique est une participation à la liturgie céleste des anges
[Dubowchik, 711]. Le symbolisme de la lumière et de l’encens est très
important dans l’esthétique byzantine, comme on peut le voir par leur pré-
sence accrue lors des fêtes.
Dans la Constantinople médiévale, un très grand nombre de fêtes reli-
gieuses réparties sur toute l’année, est célébré. Le calendrier n’est pas fixé
une fois pour toutes : des fêtes sont régulièrement ajoutées. On peut distin-
guer les fêtes liées à la Vie du Christ ou de la Théotokos, les fêtes des saints
et les fêtes commémoratives qui célèbrent des événements importants pour
la cité de Constantinople ou pour l’histoire de l’Empire. Le synaxaire per-
met de connaître les saints dont on célèbre l’entrée au Paradis. Les dates
retenues sont celles du jour de leur mort et de la translation de leurs reli-
ques. Au Xe siècle, le Typikon de la Grande Église contient 20 fêtes commé-
morant la protection divine et plus particulièrement l’intercession de la
Vierge, protectrice attitrée de la Ville. Outre l’anniversaire de la dédicace
de Constantinople le 11 mai, plusieurs fêtes permettaient aux habitants de
rendre grâces que la ville ait échappé à des incendies, des tremblements de
terre ou des envahisseurs. Les sièges de la capitale qui se sont achevés par
la déroute de l’ennemi ont donné lieu à la création d’une fête anniversaire.
Ainsi, le 16 août, on faisait mémoire de la philanthropie de Dieu qui au
temps de Léon l’Isaurien détruisit la foule des Agarènes assiégeant Constan-
tinople [Mateos, 252 p. 373]. En 626 comme en 860, la levée du siège fut
attribuée à la protection de la Vierge dont le manteau et les images furent
promenés en procession sur les remparts. Le culte de la Théotokos est par-
ticulièrement développé dans la cité qui possédait de nombreuses reliques
de la Vierge et qui s’estimait protégée par elles comme le rappelle la fête de
la Déposition de la Robe de la Vierge le 2 juillet [Vassilaki, 766]. Plusieurs
fêtes et de prestigieux sanctuaires comme celui des Blachernes lui étaient
consacrés [Grumel, 599].
328 Les fondements de la civilisation byzantine

Pour les épisodes de la vie du Christ, le calendrier comportait des fêtes


fixes et un cycle de fêtes mobiles. Parmi les fêtes fixes, on peut citer le
6 janvier, fête de l’Épiphanie ou fête des Lumières, célébration majeure à
Byzance centrée sur la manifestation de la Trinité lors du baptême du
Christ au Jourdain. La fête de l’Exaltation de la Croix, le 14 septembre,
permettait d’offrir à la vénération des fidèles la précieuse relique, habituel-
lement conservée au Palais. Exposée dans les tribunes de Sainte-Sophie, la
relique était offerte aux dévotions privées, puis emmenée en procession par
le clergé et le Sénat jusqu’au sanctuaire où, pendant la liturgie, elle était
exposée devant le crucifix. La relique était portée par le patriarche à
l’ambon et élevée par trois fois au son de très nombreux Kyrie eleison, ce qui
justifie le nom de cette fête [Flusin, 713].
La fête mobile la plus importante de l’année était celle de Pâques, mais
jusqu’au Xe siècle, le Triduum pascal était assez peu développé. Une synthèse
liturgique opérée entre la tradition sabaïte et celle de la Grande Église per-
mit de donner progressivement aux fêtes pascales plus de solennité. Cons-
tantinople avait tant importé de reliques de la Passion qu’il était possible de
donner à ces quelques jours un aspect très concret [Flusin, 712].
Les fêtes liturgiques commençaient par une prière, la veille au soir
(paramonie), parfois suivie par un office de vigile (pannychis). Le matin, la
fête continuait par une prière (orthros), une procession à travers la ville
depuis Sainte-Sophie jusqu’à l’un des autres sanctuaires. Baldovin a
compté 68 processions pendant l’année, d’après le Typikon du Xe siècle.
L’empereur et sa suite prenaient part à 26 de ces cortèges, dont certains
commençaient au Grand Palais. Le trajet comportait plusieurs arrêts
rituels (stations) pour des chants et des prières. Ces grandes fêtes liturgi-
ques étaient l’occasion de regrouper les fidèles pour une célébration qui
faisait participer la cité entière à la fête, par le biais de la liturgie station-
nale [Baldovin, 695].
Rappelons qu’il n’existe pas à Byzance d’organisation paroissiale et que
les fidèles peuvent participer à la vie liturgique dans l’église de leur choix.
On a noté l’importance des chapelles monastiques qui assurent un service
liturgique complet. Les Byzantins les plus riches souhaitaient avoir une cha-
pelle dans leur demeure et Léon VI accède à leur désir dans la novelle 4
qui permet la célébration de l’eucharistie dans les chapelles privées par des
prêtres salariés par le propriétaire [Thomas, 564]. Les églises de petites
dimensions se multiplient, où une liturgie adaptée au manque d’espace était
célébrée. Les grandes processions sont remplacées par des mouvements res-
treints, qui les symbolisent [Taft, 763]. À Sainte-Sophie, le recours aux
lumières, aux encens, aux chants et aux couleurs, celles du décor mural
comme celles des vêtements liturgiques, cherchaient à faire de ces cérémo-
nies une riche expérience sensorielle, digne d’impressionner les étrangers.
La vie religieuse 329

Quand les souverains participaient aux fêtes à Sainte-Sophie, le préfet de la


ville faisait nettoyer et décorer de fleurs parfumées les abords du palais et
toutes les avenues empruntées par la procession [Livre des cérémonies, 205].
Cet éclat des cérémonies rejaillissait sur le patriarche mais aussi sur les
empereurs qui firent coïncider les événements importants de leur vie avec
des fêtes liturgiques. Le baptême de Constantin VII eut lieu pour
l’Épiphanie. Il était important que le Sénat, l’armée et la cour fussent pré-
sents. Son couronnement eut lieu à la Pentecôte, ce qui permettait de mêler
la descente de l’Esprit saint et la notion d’onction spirituelle destinée à
l’empereur, « oint du Seigneur ». Son propre fils, Romain II, fut couronné
à Pâques 946, ses petits-fils Basile II et Constantin VIII, respectivement à
Pâques 960 et 962.

LES SAINTS ET LEUR CULTE

Des modèles de sainteté hérités de l’Antiquité, celui du martyr de la foi


tend à disparaître sauf dans les terres soumises à l’Islam où quelques néo-
martyrs sont exécutés. Mais les martyrs de l’époque romaine constituent la
majeure partie des saints commémorés ou représentés sur les fresques des
églises. La querelle iconoclaste a multiplié les confesseurs, ceux qui souffrent
pour leurs convictions sans trouver la mort à l’imitation, au siècle précé-
dent, de Maxime le Confesseur. C’est ainsi qu’Étienne le Jeune et Euthyme
de Sardes peuvent être comptés au nombre des martyrs.
Les saints du Moyen Âge sont le plus souvent des ascètes, qui suivent
l’exemple d’Antoine : ils se retirent au « désert », montagnes boisées de
l’Olympe de Bithynie et de l’Athos. Ils y luttent contre les démons, rempor-
tent sur eux une victoire par leur obéissance à Dieu et en retirent des pou-
voirs thaumaturgiques. On compte également des docteurs de la foi, qui
s’appuient sur les Pères de l’Église pour élaborer la théologie orthodoxe ou
éclairer les Écritures, comme Théodore Stoudite. Rares sont les cas de sain-
teté laïque et plus rares encore sont les saints ou saintes mariés.
Le saint byzantin occupe parfois de hautes fonctions avant de renoncer
au monde pour une carrière ecclésiastique ou pour la vie monastique. La
faculté de lire dans les pensées et de prophétiser le futur devient le charisme
le plus prisé. Issu du même milieu, le saint devient père spirituel de
l’aristocratie. Il conseille les empereurs (Lazare le Galésiote pour Constan-
tin IX, Cyrille le Philéote pour Alexis Ier), ou fonde un monastère protégé et
doté par eux (Michel Maléïnos, Athanase l’Athonite, Christodoulos de Pat-
mos). Il est ainsi intégré à l’élite de la société [Déroche, 710]. Au XIIe siècle,
330 Les fondements de la civilisation byzantine

celle-ci, y compris chez les clercs, porte un regard plus sceptique à l’égard
des formes les plus spectaculaires de l’ascèse, mais Manuel Ier porta sur le
trône de Jérusalem Léonce, un ancien salos (saint « fou »).
L’accès à la sainteté repose toujours sur une réputation acquise et sur la
capacité d’un monastère ou d’une famille – l’influence croissante de
l’aristocratie se fait sentir – à promouvoir l’un des siens par des écrits, Vie
de saint, récits de miracles. Au Xe siècle, un certain tri s’opère, lorsque sous
l’impulsion de Constantin VII, le synaxaire de Constantinople est rédigé et
lorsque Syméon Métaphraste compose son Ménologe qui connaît une diffu-
sion considérable (cf. chap. XIV, p. 360).
La sainteté est confirmée par les miracles qui ont lieu sur la tombe d’un
saint. Les saints fournissent parfois des preuves de leur présence au Paradis,
en faisant sourdre de leurs reliques de l’huile parfumée (myron de Démé-
trius, de Nicolas de Myres) ou une bonne odeur. Une fois les miracles du
saint diffusés à travers les recueils de miracles et les Vies, les pèlerinages
peuvent s’organiser dans le ou les sanctuaires conservant leurs reliques.
Certains saints attirent les pèlerins de loin, comme Démétrius de Thessalo-
nique, Nicolas de Myres, Théodore d’Euchaïtes, Syméon Stylite le Jeune au
Mont Admirable près d’Antioche. Certains sanctuaires de guérison attirent
des malades dont les médecins désespèrent ou qui n’ont pas les moyens de
se faire soigner, comme ceux des saints anargyres, Côme et Damien, ou de
saint Artémios à Constantinople. Ces sanctuaires de pèlerinages attirent les
dons des fidèles guéris, ce qui leur permet d’embellir leurs églises ou
d’accroître leurs hospices. Les Byzantins se rendaient également, de plus en
plus nombreux à partir du Xe siècle, à Jérusalem et vers les Lieux saints.

LA PLACE DES IMAGES

Au VIIe siècle, l’image religieuse s’est répandue, non seulement dans les
sanctuaires, mais aussi dans les espaces privés. Les scènes de la vie du
Christ, de la Vierge et des saints ornent de nombreuses églises. Ces images
narratives sont parfois juxtaposées avec des portraits du Christ et des saints,
et avec des images du monde végétal ou animal. Les mosaïques à décor
végétal ou animal ont peut-être pour but de rappeler que l’église annonce
le jardin du Paradis où le chrétien est appelé à résider en compagnie des
élus [Maguire, 740]. Tandis que les fidèles participent à la liturgie dans la
nef, au-dessus de leurs têtes, le cortège des saints et des saintes les accom-
pagne et, dans l’abside, la Vierge ou le Christ les attend, souvent entouré
des apôtres. Les Chrétiens ont sous les yeux des représentations qui leur
La vie religieuse 331

narrent les vérités de la foi : un Christ humain mais brillant d’un habit qui
manifeste sa puissance et sa divinité ; une Vierge accueillante et maternelle,
ou encore régnante ; des saints aux souffrances multiples, proches et acces-
sibles aux fidèles. Tout un décor est donc mis en place pour l’éducation des
foules.
À la fin de l’Antiquité et au haut Moyen Âge, les images chrétiennes
portables se multiplient : petites icônes, croix reliquaires et autres bijoux à
sujets chrétiens, objets de pèlerinage (ampoules de Terre sainte, eulogies des
saints). Les motifs chrétiens envahissent peu à peu les objets de la vie quoti-
dienne : objets de table, lampes, bijoux, vêtements, tandis que s’effacent les
motifs classiques souvent mythologiques.
L’art chrétien tend à privilégier le portrait, l’icône, une image frontale
déjà très codifiée, puisqu’elle doit montrer les qualités spirituelles du saint.
Les chrétiens apprécient d’adresser leurs prières à un saint par l’inter-
médiaire de son portrait, établissant avec lui un rapport personnel, ce qui
explique probablement le succès des icônes.
Dans le monde antique l’image peut se substituer à la personne. Le rap-
port des chrétiens aux images a été modelé par des siècles de gestes rituels
autour des statues divines ou impériales. L’attachement, l’allégeance poli-
tique ou religieuse avaient l’habitude de s’exprimer en manifestant du res-
pect et des dons aux images, notamment impériales.
On note durant le haut Moyen Âge, un souci de s’approprier l’image
pour contrôler le pouvoir qui repose en elle. La fusion de l’image d’autorité
et de la narration de la foi aboutit à la création de l’icône qui représente le
saint et narre sa vérité : son entrée triomphale au Paradis. De là découle
son pouvoir. Le saint étant identifié à son image, de la même façon que
l’empereur l’était à la sienne, l’image sert d’intermédiaire aux suppliques.
Peu à peu elle est investie par la présence du saint et sert alors de point de
médiation entre le fidèle et le saint. Autrefois fixé dans son sanctuaire et
attaché à ses reliques, le saint va pouvoir être appelé partout où son image
se trouve. Le développement des icônes trouve son point de départ dans les
grands sanctuaires de guérison, comme ceux de saint Ménas ou des saints
Syméon. Les pèlerins venus prier dans leurs sanctuaires emportent avec eux
la protection du saint en emmenant son image. Ils la placent chez eux et
l’invoquent en cas de maladie ou de catastrophe. Ces images commencent
donc à recevoir des signes de vénération ou de supplication qui s’adressent
aux saints, mais se font devant leur image. La multiplication des images du
saint rend sa protection et son ubiquité plus évidentes [Kislinger, 729 ;
Guillou-Durand, 886].
Cette transformation de l’image de décor en image de culte manifeste la
perte de neutralité de l’image religieuse qui est désormais investie de la
puissance du surnaturel. Ce phénomène s’explique bien par le besoin de se
332 Les fondements de la civilisation byzantine

sentir protégé et secouru dans les circonstances tragiques de cette période.


Mais ce changement ne pouvait pas passer inaperçu. Selon les Anciens en
effet, les représentations des dieux, en particulier leurs statues, pouvaient
être habitées par les divinités. La crainte inspirée par les statues païennes
était à la mesure des pouvoirs dont on les croyait investies. On comprend
que ces souvenirs encore récents, et ces craintes toujours présentes à l’égard
des statues et des images païennes aient pu faire froncer le sourcil à certains
chrétiens [Dagron, 572].
La nécessité de trier entre bonnes et mauvaises images conduit à vouloir
identifier les images sans ambiguïté. Le but est d’écarter toute possibilité
d’une confusion, étant entendu qu’une divinité païenne ne viendra pas
habiter une image ressemblante du Christ ou des saints, car la présence de
ceux-ci dans l’image l’en chasserait. Les légendes sur les images acheiro-
poïètes cherchent à résoudre cette ambiguïté, en affirmant leur ressem-
blance exacte avec le modèle : il existe une image de la mère de Dieu que
saint Luc est censé avoir peinte en la présence de la Vierge. Les saints
apparaissent en songe pour confirmer l’identité de leur image terrestre et de
leur visage céleste. La notion même de ressemblance et celle de la présence
du sujet représenté sont donc intimement mêlées. La question de
l’originalité d’un peintre d’icônes par rapport au sujet traité ne se pose donc
pas. Toute modification risque de rompre ce lien existentiel, quasi photo-
graphique, entre l’image et le prototype, pour reprendre le vocabulaire des
iconophiles, défenseurs des images religieuses. C’est pourquoi le concile de
Nicée II exige que le nom du saint ou de la scène soit indiqué sur l’image
elle-même.
Pour prouver leur présence dans l’image ou plus exactement leur sollici-
tude pour ceux qui s’adressent à eux à travers leur image, les saints font des
miracles. Pour manifester leur puissance, les images parlent, suintent du
myron ou des larmes et saignent si elles sont attaquées. D’une image du
crucifix que des Juifs maltraitent et percent, sort du sang et de l’eau comme
du côté du Christ. Elles protègent les fidèles, particulièrement celles de la
Théotokos. La Vierge remplace la Victoire sur les monnaies à partir du
règne de Maurice (582-602). Les icônes de la Vierge, on l’a vu, ont protégé
Constantinople lors des différents sièges de la cité.
Ces croyances en un pouvoir de l’image entraînent parfois un usage
médicinal de l’image qui devient un remède au lieu d’être un point de ren-
contre, un outil de communication. On trouve dans les Miracles de Côme et
Damien, le récit d’une femme qui gratte un peu de la peinture d’une icône
pour se soigner et qui guérit grâce à la potion ainsi concoctée.
Le rapport à l’image qui se construit dans le monde byzantin est donc
particulier. Il est possible d’adresser des prières aux nombreux saints qui
peuplent les églises byzantines, mais il existe de plus en plus des icônes pri-
La vie religieuse 333

vilégiées pour établir ce contact entre le fidèle et le monde des saints. Ces
icônes sont placées sur la barrière du chancel séparant la nef et le sanc-
tuaire et elles forment les premières étapes de l’iconostase. Elles focalisent le
regard du visiteur. Il s’agit donc bien d’un échange entre les membres de
l’Église terrestre et ceux de l’Église céleste. Toute une spiritualité de cet
échange s’élabore dans le monde byzantin, puis orthodoxe, au point de
devenir une caractéristique distinctive essentielle.

LA TRADITION CRITIQUE DE L’IMAGE

Les dévotions devant les images et les usages magiques de ces dernières
n’ont pas toujours fait l’unanimité. Le christianisme byzantin hérite des cri-
tiques vétéro-testamentaires contre la représentation de la divinité et des
êtres vivants. Cet héritage biblique explique pour une part l’aniconisme des
premiers temps du christianisme. Or le début du Moyen Âge est un temps
de relecture de l’Ancienne Loi. Là où c’est possible, on reprend les interdits
bibliques ou on les adapte. La justification donnée à l’existence d’espaces
séparés pour les clercs dans les églises se trouve dans une sorte
d’équivalence faite entre le Temple de Jérusalem et les églises. Le sanc-
tuaire chrétien est devenu le saint des saints. Il est donc assez naturel que
des voix s’élèvent pour rappeler que le péché le plus grave selon l’Ancien
Testament est celui d’idolâtrie : faire des images et leur offrir un culte. Les
protestations contre les risques idolâtriques en présence d’images, fussent-
elles des images chrétiennes, sont anciennes et les iconoclastes n’ont pas
manqué de les rappeler : Eusèbe de Césarée et Épiphane de Salamine ont
chacun manifesté des réticences ou une ferme opposition à l’image.
Outre le risque d’idolâtrie, des motivations théologiques justifient le
refus de l’image, quand celle-ci tente de représenter le Christ, les anges ou
même les saints. Selon une critique ancienne de l’image, cette dernière est
mensongère, car elle ne saurait représenter exactement le vivant et encore
moins la vérité de l’être. On ne saurait donc représenter le Christ de
manière adéquate, puisqu’on ne représente que son humanité en le pei-
gnant comme homme. Représenter sa divinité est impossible, puisque le
divin n’est pas circonscrit ; or une image l’est par nature, elle ne peut donc
en aucun cas exprimer la vérité de la divinité. Dans la même veine, des
reproches sont adressés aux images des anges, car elles ne sauraient rendre
compte de leur nature spirituelle. Ces critiques ont été suivies d’actions
d’abord ponctuelles contre les images, puis d’une action plus systématique
dans le cadre de l’iconoclasme impérial.
334 Les fondements de la civilisation byzantine

Il existe toutefois, encore après 843, des voix pour s’élever contre la
médiation des images. Il s’agit d’auteurs qui recommandent un contact
direct, mystique avec la divinité sans recourir aux médiations coutumières
que sont les sacrements ou les images.

LA TENDANCE MYSTIQUE :
SYMÉON LE NOUVEAU THÉOLOGIEN

Le mysticisme a des racines anciennes dans la spiritualité monastique du


désert. Cette tradition reste très vivante au Moyen Âge. En 976, Syméon le
Nouveau Théologien entre au monastère de Stoudios, où il revendique une
rencontre personnelle avec le Christ, l’expérience sensible de l’Esprit. Il a
une conscience de la grâce donnée hors des médiations sacramentelles ou
institutionnelles. Le point le plus polémique de sa doctrine concerne la
confession, puisque pour lui, le pouvoir de pardonner les péchés est donné
par le Christ aux apôtres à travers le don de l’Esprit (Jn 20). Négligé par les
évêques, il est passé aux moines qui, sans être prêtres, peuvent donc confes-
ser. Syméon ne conteste pas complètement la médiation cléricale. Il recon-
naît que l’eucharistie ne peut être consacrée que par un prêtre, mais il donne
la priorité au charisme et à l’expérience spirituelle sur la fonction et
l’ordination [Dagron, 206]. C’est ainsi qu’il conteste le monopole des clercs
sur la théologie. Attaqué sur un point de théologie, Syméon se défend en
liant droit de faire de la théologie et expérience mystique.
Cette controverse lui vaut d’être traduit devant le synode. On lui
reproche de rendre un culte à son père spirituel, mort en 986, bien que ce
dernier n’ait pas été reconnu comme saint. Exilé en 1009, il reconstitue un
cercle de disciples dans les environs de Chrysopolis, où il meurt onze ans
plus tard. Ses reliques sont ramenées au Stoudios trente ans après et son
disciple Nicétas Stéthatos rédige sa Vie, première étape vers la reconnais-
sance de sa sainteté. L’Église byzantine est capable à cette époque
d’intégrer des éléments contestataires.
Il n’en est plus de même quelques décennies plus tard, comme le mon-
trent les procès de Théodore des Blachernes (1094-1095) et de Constantin
Chrysomallos (1140), deux spirituels connus uniquement par les actes qui les
condamnent. Dans les deux cas, le synode a d’avance décrété que les accusés
étaient messaliens. Les hérésiologues rattachent toujours les doctrines nou-
velles aux hérésies antiques, ce qui ne nous permet pas d’avoir une claire
vision des différences théologiques [Gouillard, 719 ; Rigo, 283 et 311]. À cin-
quante ans de distance, tous deux revendiquent l’expérience sensible de
La vie religieuse 335

l’Esprit. Théodore insiste sur la vision de Dieu, Chrysomallos sur l’initiation


qui réveille la grâce assoupie du baptême. Ils placent le charisme spirituel
au.dessus de l’institution cléricale. Aucun des deux n’est moine : Théodore
est un clerc des Blachernes, Chrysomallos un laïc ; mais tous deux, comme
Syméon, sont à contre-courant de l’Église de leur temps [Gouillard, 287].
Leur condamnation est inscrite dans le Synodikon de l’Orthodoxie.

LE MONACHISME

Le Moyen Âge a conservé les formes antiques de la vie monastique,


centrée sur l’ascèse, la pénitence et la prière. Elle peut se mener soit de
manière solitaire, soit de manière collective. On parle d’érémitisme pour la
vie solitaire, de cénobitisme pour la vie en communauté. Il existe aussi des
laures qui combinent vie érémétique la semaine et rencontre communautaire
et liturgique en fin de semaine (cf. Flusin, NC 1, p. 248). Dans les commu-
nautés cénobitiques, la prière est organisée à des heures fixes (liturgie des
heures) et elle est parfois conçue comme une louange pérenne du Créateur.
Les moines vivent en principe dans l’humilité et la pauvreté personnelle,
travaillant de leurs mains et ne gardant aucun de leurs biens qui sont remis
à la communauté. Ils ont pour mission de combattre les démons et de prier
pour autrui. Dans l’Empire byzantin, ils prient pour l’empereur et pour le
salut du peuple chrétien.
L’empereur Justinien a toutefois imposé un noviciat pour tous dans une
communauté cénobitique. Les moines vivent désormais en majorité dans ces
communautés, et c’est presque systématique pour les femmes. L’anachorèse
reste toutefois considérée comme le stade le plus élevé de la vie monastique.
Il existe diverses formes de vie érémitique, comme le fait de vivre dans une
grotte, ou sur une colonne. Les stylites se rencontrent encore tardivement, y
compris dans les abords de la capitale. Le plus souvent, les ermites obtien-
nent de vivre à quelque distance du couvent dans une cellule.

FONDER UN MONASTÈRE

Il s’agit avant tout d’assurer le salut de son âme et de celles de ses


parents, dont des obituaires contiennent la liste nominale, en laissant une
somme destinée à entretenir des moines qui prieront pour les fondateurs,
336 Les fondements de la civilisation byzantine

ktitores. À l’égalité, se serait substituée une hiérarchie (moines du petit et du


grand habit, diaconies nobles et viles), au dénuement volontaire, la pro-
priété personnelle qui permet aux moines de faire des cadeaux dans le
cadre d’une stratégie de promotion [Krausmüller, 730]. Les aristocrates
retirés conservaient parfois auprès d’eux des serviteurs. La situation n’est
pas meilleure au mont Galésion : laxisme, propriété privée, distinctions
sociales, refus des repas en commun [Thomas, 764]. Sous Alexis Ier, Jean
l’Oxite critique également le monastère des Hodègoi à Constantinople
[Angold, 686]. Sans doute faut-il faire la part du topos littéraire et prendre
avec prudence ces récriminations. Des moines, conscients des déviations,
cherchent à revenir à la source de l’idéal monastique. La réforme de Théo-
dore Stoudite, au IXe siècle, prône un retour au cénobitisme basilien, avec
égalité des moines, renoncement à toute possession, soumission à
l’higoumène [ep. I, 10, Fatouros, 103]. Au XIe siècle, un second mouvement
de réforme part de la Théotokos Évergétis, dans la banlieue de Constantinople.
Dans son typikon [Byzantine monastic... 80, t. 2] il est rappelé que les moines
sont tous égaux, que la vie commune est stricte et que la pauvreté volon-
taire doit être respectée. Cette réforme fait des émules : typika de la Kécha-
ritoménè, de la Kosmosôtira, du Philanthrôpos...
Chaque couvent est donc régi par un typikon (règlement intérieur et
rituel liturgique) rédigé par son fondateur, s’inspirant des règles antiques de
Pacôme et de Basile. Certains typika deviennent des modèles, comme ceux
de Stoudios (IXe s.) ou de l’Évergétis (XIe s.). Cherchant à établir le sien,
Nikon de la Montagne Noire, au XIe siècle, se plaint de ne pas trouver deux
typika semblables [Galatariotou, 714].
L’Orient ne connut jamais de règle comparable à celle des grands
ordres monastiques occidentaux. Cependant la Sainte Montagne de l’Athos
fut dotée d’une organisation hiérarchique pour organiser les rapports entre
grands monastères et petites fondations et entre cénobites et anachorètes.
Alors que le typikon de Tzimiskès (972) prévoyait une représentation des soli-
taires au conseil du Prôtaton (assemblée des responsables des communautés
athonites), celui de Constantin Monomaque (1052) oblige les kelliotes ou
hésychastes à se rattacher à un koinobion. Les petites communautés tombent
sous la dépendance des grands monastères (Lavra, Iviron, Vatopédi), et le
prôtos voit sa suprématie supplantée par celle de leurs higoumènes. Les
monastères sont soigneusement encadrés par les canons, qui les mettent
sous l’autorité spirituelle et disciplinaire de l’évêque du lieu (can. 4 de Chal-
cédoine, can. 1 de 861). Les établissements les plus importants relèvent de
l’empereur et d’autres du patriarche en vertu du droit de stauropégie.
Après le XIe siècle, de nombreux monastères sont autonomes, ne relevant
que de leur higoumène ou de la famille de leur fondateur, même si l’évêque
garde un droit de regard.
La vie religieuse 337

UNE NOUVELLE GÉOGRAPHIE MONASTIQUE

Un pr emier essor en Bithyn i e

La conquête arabe a bouleversé la carte des monastères byzantins,


puisque les provinces où s’était d’abord développé le monachisme, l’Égypte,
la Syrie et la Palestine, passèrent sous le contrôle des musulmans. Quelques
centres restèrent actifs, comme le monastère du Buisson au Sinaï, qui passa
au IXe siècle sous le patronage de sainte Catherine, ou de Saint-Sabas en
Palestine, et maintinrent, avec des temps de rupture, des liens avec
l’Empire. La crise financière des VIIe et VIIIe siècles fut également défavo-
rable à la création de nouveaux établissements importants. On ignore le
sort des grands monastères de Constantinople et des provinces restées sous
domination impériale, mais certains, comme Stoudios, celui des Abramites
dans la capitale, ou Kathara en Bithynie, survécurent.
Dans la seconde moitié du VIIIe siècle, comme en témoigne la liste des
higoumènes présents au concile de Nicée, en 787, les fondations se multi-
plièrent dans une vaste région autour de l’Olympe de Bithynie, région
boisée et sauvage, mais qui se trouve à proximité de la capitale, par la mer.
Plusieurs raisons expliquent cette floraison : une certaine sécurité retrouvée,
la présence de vastes domaines possédés par les aristocrates constantinopoli-
tains et l’opposition de certains d’entre eux à la politique iconoclaste qui les
incita à s’éloigner de la capitale.
Parmi les fondations de ce temps, plusieurs sont liées à d’illustres
représentants de l’iconodoulie. Théophane le Confesseur, l’auteur de la
Chronique, édifia le monastère d’Agros sur un domaine familial de même
que Platon et son neveu Théodore, futur higoumène de Stoudios, s’instal-
lèrent à Sakkoudion sur une propriété qui leur appartenait. La fin de
l’iconoclasme ne mit pas un terme à cette expansion et au Xe siècle
Michel Maléïnos s’établit au mont Kyminas. Au XIe siècle, Michel Psellos,
devenu moine à la Belle-Source, suggère que la vie monastique est encore
active en Bithynie, même si le rythme des fondations s’est profondément
ralenti. Les invasions turques lui portèrent un coup, mais à la fin du
e
XII siècle, elle s’était en partie rétablie, comme le prouve le typikon de
refondation d’Éleïgmoi [Auzépy, 980].
Notre connaissance des monastères situés en Asie Mineure, hors de la
Bithynie, est fragmentaire. La persécution de Michel Lachanodrakôn, stra-
tège des Thracésiens, contre les moines iconodoules de sa province
implique que des couvents y ont existé. Le Latros ne prit son essor qu’au
338 Les fondements de la civilisation byzantine

Xe siècle sous l’impulsion de Paul et le Galésion, au siècle suivant, grâce à


Lazare. Dans le Pont, la région de Trébizonde attira certaines fondations,
dont le monastère de Saint-Eugène lié à une foire en l’honneur du saint.
Les monastères cappadociens, de taille souvent modeste, sont davantage
connus par les monuments qui subsistent aujourd’hui que par les sources
écrites. La conquête turque ne mit pas fin aux activités des monastères ana-
toliens, notamment en Cappadoce, mais provoqua la fuite de certains
moines à la fin du XIe siècle, tel Christodoulos qui quitta le mont Latros
pour aller à Patmos fonder le monastère Saint-Jean le Théologien avec
l’appui d’Alexis Ier.

La pr épon dér an ce n ou vel l e des B al kan s


Dans le dernier tiers du Xe siècle, les anachorètes, qui occupaient le mont
Athos, en Chalcidique, furent confrontés à la venue de moines disposant de
soutiens politiques et de vastes ressources, Athanase et Jean l’Ibère, fonda-
teurs respectivement de Lavra et d’Iviron. Leur succès, assez long à se dessi-
ner, encouragea de nouveaux venus et toute une série de grands établisse-
ments cénobitiques furent établis au XIe siècle dans la péninsule : ceux de
Vatopédi, de Docheiariou, pour ne citer que les principaux. La Sainte Mon-
tagne devint ainsi le principal centre de la vie monastique byzantine. Des
étrangers s’établirent au cours des XIe et XIIe siècles : les Latins au couvent
des Amalfitains, les Russes à Saint-Pantéléimôn, les Serbes à Chilandar.
D’autres couvents sont établis dès le Xe siècle en Grèce comme Hosios
Loukas en Béotie et dans les Balkans, reconquis par de riches aristocrates
comme le grand domestique Grégoire Pakourianos à Backovo en Bulgarie
(fin XIe s.), ou le sébastocrator Isaac qui construisit le vaste complexe de la
Kosmosoteira près de Bèra, en Thrace (milieu XIIe s.). La prospérité générale
de l’Empire a entraîné aussi la création de nombreux établissements de
taille moyenne, dont l’existence ne nous est connue que par leur typikon.
La capitale bénéficia aussi d’un bel élan créateur. Si quelques couvents
sont encore fondés par des moines comme la Théotokos de l’Évergétis, la
plupart l’ont été par des empereurs et des membres de la famille impériale
(cf. chap. XI, p. 266).

La for tu n e des mon a st èr es


La pauvreté étant source de désordres, l’encadrement des monastères
passe par la garantie de revenus suffisants. Le concile in Trullo, reprenant
Chalcédoine, fait des monastères des établissements de droit privé dont les
La vie religieuse 339

biens sont inaliénables. La loi renforce cette rigidité. Justinien a imposé à


tout monastère d’être pourvu des biens nécessaires à l’entretien des moines
qui doivent prier pour le salut de l’Empire (nov. 67).
Les monastères prirent une part de plus en plus large aux activités
d’assistance, en raison de leur capacité à attirer les dons des fidèles. Les
empereurs confièrent aux monastères orphelinats et hôpitaux, les pour-
voyant des fonds nécessaires, ce qui exige d’importants revenus. Les monas-
tères les plus importants, ceux de statut impérial, ceux dont les higoumènes
avaient de l’influence dans la capitale, obtinrent des avantages fiscaux et
des donations en terres ou en numéraire, parfois des rogai annuelles. Ces
établissements en vinrent à se comporter comme les autres grands proprié-
taires, cherchant à étendre leurs domaines, accumulant des biens mobiliers
sous forme de trésors ecclésiastiques. Dans les plus grands couvents, comme
Stoudios, la hiérarchie des moines reflétait largement celle de la société, à
commencer par le traitement privilégié des parents du fondateur.
Cet enrichissement considérable à partir de la fin du VIIIe siècle provo-
qua deux types de réactions, l’une morale, des esprits s’interrogeant sur la
compatibilité entre une telle abondance et l’idéal monastique – il est diffi-
cile de vouloir se retirer du monde lorsqu’on a la charge de lever des taxes
et des loyers sur ses parèques – l’autre, plus pragmatique, sur la qualité de
la gestion.

L’amélior ation de la gest i on


La situation des monastères est très diverse. Les plus petits disparaissent
en fait rapidement, car ils deviennent des métoques des plus grands. Les
plus importants sont plutôt dotés de terres que de moyens de les exploiter
en parèques, animaux et numéraire. Les empereurs par leur législation
s’efforcèrent d’enrayer l’extension des domaines monastiques aux dépens
des petits propriétaires et en même temps de contraindre les higoumènes à
mieux gérer les terres qu’ils possédaient. Une novelle de Romain Lécapène
(934/935), reprise par Constantin VII (947) refusa aux monastères le droit
d’acquérir les propriétés des paysans [Zepos, 89, I, p. 205-214]. En 964,
Nicéphore Phocas interdit de fonder de nouveaux monastères ou de leur
donner des biens fonciers ; mieux valait donner aux moines les moyens
d’exploiter ceux qu’ils possédaient déjà (nov. 19). En 996, Basile II décide
que ne sera considéré comme monastère qu’un établissement d’au moins
huit moines pourvu de moyens de subsistance ; un établissement plus petit
est un oratoire dépendant des villageois. En 1002, il établit que les moines
seront solidairement responsables, devant le fisc, avec les villageois.
En 1057, Isaac Comnène osa confisquer une partie des terres monastiques,
340 Les fondements de la civilisation byzantine

laissant aux moines ce qu’il estimait nécessaire à leur entretien. Il est vrai
que la fortune de certains établissements était considérable : vers 1050, Ivi-
ron possédait environ 4 500 ha de terres.
Beaucoup de ces fondations, insuffisamment dotées ou aux revenus
déclinants, sont menacées de disparition rapide. L’Église encourage les aris-
tocrates à restaurer un couvent ruiné plutôt que d’en fonder un nouveau,
devenant les seconds ktitôres de celui-ci où ils sont commémorés en tant que
tels. L’établissement en difficulté est donné à un administrateur laïc appelé
charisticaire, à titre viager, éventuellement transmissible à un descendant.
Le bénéficiaire perçoit les revenus d’un monastère, à charge pour lui de
subvenir aux besoins des moines. Il investit pour restaurer l’équilibre finan-
cier et, une fois celui-ci atteint, rend le monastère à son propriétaire ou à
son autonomie. Michel Psellos, charisticaire de plusieurs monastères, semble
avoir été réellement soucieux de leur prospérité, puisqu’il y investit.
Le charisticariat s’est particulièrement développé au XIe siècle, mais il
s’est dévoyé, car les aristocrates ont mis la main sur des monastères riches,
augmentant leurs revenus personnels aux dépens des moines, notamment
les proches de l’empereur qui ont assez d’influence pour attirer le patro-
nage de grands monastères [Ahrweiler, 448]. Mais ce système génère des
abus, car des charisticaires laissent péricliter les couvents en confisquant les
revenus à leur profit, ou des monastères prospères leur sont donnés
entraînant les protestations réitérées de l’Église [cf. Gautier, 674]. En 1097,
Alexis Comnène oblige les charisticaires à restaurer les monastères dans
l’état où ils les ont reçus ; désormais la gestion de ces derniers est confiée à
des éphores rétribués. De leur côté, les fondateurs spécifient que leur
monastère ne pourra pas être attribué à un laïc.
D’une manière plus générale la gestion des monastères s’améliore consi-
dérablement entre les Xe et XIIe siècles, la fonction d’économe s’étant généra-
lisée. Les fondateurs veillent, comme Pakourianos, à l’établissement d’un
« budget » et prévoient l’utilisation des surplus. Les grandes fondations impé-
riales ou euageis oikoi sont des sékréta dotés de tout le personnel nécessaire.
La vieille idée de décharger les moines de tout souci matériel n’est pas
abandonnée. Au XIIe siècle, époque où les moines font l’objet de violentes
attaques à propos de leur mode de vie (Théodore Prodrome, Eustathe de
Thessalonique), Manuel Comnène remet en vigueur la novelle de Nicé-
phore Phocas, tout en accroissant les exemptions fiscales des monastères ;
ainsi, les revenus des moines augmentent, mais non leur fortune foncière ;
le souverain crée le monastère de Katasképè sur les rives du Bosphore.
C HA P I T R E X I V

L’enseignement et la culture écrite


PAR BERNARD FLUSIN

Les cinq siècles et demi qui vont de la mort d’Héraclius à la prise de


Constantinople par les Croisés commencent, pour la culture écrite, par une
longue période de déclin, avant que n’émerge, à partir de la fin du
VIIIe siècle, une culture proprement byzantine dont l’essor se poursuit jus-
qu’à la fin du siècle des Comnènes. Même si elle doit être replacée dans
une histoire plus générale de la civilisation, la culture écrite dont il est ici
question mérite d’être étudiée pour elle-même. Les Byzantins, en effet, ont
vu dans la paideia (instruction, culture) un trait caractéristique de leur iden-
tité et lui ont accordé une importance particulière.
Dans une société dont le niveau d’alphabétisation, mal connu [Holmes-
Waring, 806 ; Oikonomidès, 836], est inférieur à ce qu’il était à l’époque
protobyzantine, cette culture, réservée à une mince élite, se concentre pour
l’essentiel à Constantinople. Acquise dans les écoles de la capitale, elle joue
un rôle de discriminant social et ouvre la voie à une carrière dans l’ad-
ministration impériale et dans l’Église qui, pour certains postes, aiment à
faire appel à des lettrés. Elle a deux composantes dissymétriques, le christia-
nisme et l’hellénisme, dont l’association est un résultat acquis à l’époque
précédente. Le rôle des Byzantins dans la transmission des textes anciens,
en particulier ceux de l’hellénisme païen, est si important qu’il a fait l’objet
d’études spéciales [Irigoin, 812 ; Reynolds-Wilson, 842 ; Wilson, 854] et
mérite un intérêt particulier. Mais il ne doit pas monopoliser l’attention et
ne peut faire perdre de vue que, dans cette société dominée par le christia-
nisme, la culture profane joue un rôle subordonné et instrumental. Pour les
Byzantins, les textes classiques sont d’abord des textes scolaires qui servent
de base à l’apprentissage de la langue, de la poésie et de la rhétorique.
Au.delà, seuls quelques lettrés ont accès à des œuvres plus rares, extérieures
au corpus restreint qu’on lit à l’école. Ils les étudient souvent pour leur
valeur littéraire, indépendamment de leur contenu spécifique. La rhéto-
342 Les fondements de la civilisation byzantine

rique, mais aussi la philosophie, souvent réduite à la logique et à la dialec-


tique, sont traitées comme une propédeutique à l’étude de la doctrine chré-
tienne, conçue comme une « maîtresse » dont la sagesse « du dehors »,
c’est-à-dire profane, est la « servante ». Il est rare que la pensée hellène ait
pu susciter des tensions avec un christianisme qui règne en maître.
Globalement, la culture écrite à Byzance suit la courbe que dessine
l’histoire générale de l’Empire. La crise de la deuxième moitié du VIe siècle,
puis les invasions du VIIe et la perte des provinces orientales, si importantes
culturellement, conduisent à la période des « siècles obscurs ». La réorgani-
sation d’un Empire centré sur l’Asie Mineure, où Constantinople est la
seule vraie ville, et la stabilisation de la situation militaire sous les empe-
reurs isauriens portent leurs fruits avec le renouveau culturel qui se dessine
dès la fin du VIIIe siècle et s’affirme au IXe. Une fois passée la seconde
époque iconoclaste, sous Michel III puis sous les Macédoniens, apparaît au
plein jour ce qui, dans les lettres comme dans les autres arts, a pu être
considéré comme une renaissance. Le mouvement ainsi amorcé se poursuit
sans interruption. Au XIe siècle et sous les Comnènes, à l’essor économique
et aux transformations de la société correspond une période particulière-
ment brillante pour la culture byzantine. À l’intérieur de ce grand cadre, il
reste encore de nombreuses zones d’ombre, que la recherche ne résorbe
que progressivement.

LE S S I È C L E S O B S C U R S

Depuis la fin du VIe siècle, l’Empire s’enfonce dans ce qu’on appelle


souvent les siècles « obscurs », à la fois parce qu’ils restent mal connus et
parce qu’ils sont marqués par un net déclin. Les limites précises de cette
période sont difficiles à définir. Dès la fin du VIe siècle, le tarissement de la
production littéraire profane est sensible et le phénomène s’accentue
ensuite. Le règne d’Héraclius, avec un poète comme Georges Pisidès ou un
historien comme Théophylacte Simocattès, est marqué par un léger regain,
mais n’inverse pas la tendance. Un bon indicateur, pour l’histoire de la lit-
térature, est fourni par le genre historique : entre Théophylacte, qui écrit
sous Héraclius une Histoire couvrant la période 582-602, et Nicéphore, le
futur patriarche de Constantinople, dont le Breviarium, composé avant 787,
est consacré aux années 602-769 [Mango, 53], nous n’avons conservé
aucune histoire profane, et même s’il faut compter avec des textes disparus,
ils n’ont pas dû être jugés satisfaisants par les Byzantins eux-mêmes,
L’enseignement et la culture écrite 343

puisque Nicéphore, qui les récrit, prend pour point de départ la date à
laquelle s’était arrêté Théophylacte. D’une façon générale, aux VIIe et
VIIIe siècles, la littérature profane disparaît et il faut noter aussi que très peu
de manuscrits ou de fragments de manuscrits datables de cette époque sont
parvenus jusqu’à nous. Ce tarissement de la production littéraire, symp-
tôme d’une crise culturelle, peut être rapporté à plusieurs facteurs [Hal-
don, 126]. Le déclin des cités, sensible dès la deuxième partie du VIe siècle,
va de pair avec l’affaiblissement de la classe sociale à laquelle était liée la
paideia traditionnelle. Les invasions, au VIIe siècle, aggravent le phénomène,
l’Empire se réduisant désormais à l’Asie Mineure, aux îles et à l’Italie du
Sud. L’Égypte, la Palestine et la Syrie, avec leurs centres culturels, sont per-
dues et si la culture grecque s’y maintient dans quelques foyers, il s’agit plu-
tôt de phénomènes de survivance. À Constantinople même, les circonstan-
ces politiques ne sont guère favorables à la vie culturelle. L’effort de guerre
mobilise les énergies. La population décline. La période d’anarchie qui pré-
cède le règne de Léon III semble contribuer à affaiblir ou à détruire ce qui
pouvait rester de culture. La légende de Léon III faisant brûler dans des
locaux situés près de la citerne Basilique un « didascale œcuménique » avec
ses disciples est à mettre au compte de la propagande iconophile, mais
témoigne sans doute du fait qu’au VIIIe siècle, il n’y avait plus, dans la capi-
tale, de lieu public d’enseignement supérieur.
S’il est indéniable que la fin du VIIe siècle et une grande partie du VIIIe
constituent la période la plus noire dans l’histoire de la culture écrite à
Byzance, il ne semble pourtant pas qu’il y ait jamais eu de rupture totale et
l’on peut discerner des lignes de continuité.
La littérature religieuse, tout d’abord, reste plus longtemps vivace que
les lettres profanes. Hors de l’Empire, en Palestine, l’œuvre d’Anastase le
Sinaïte est à dater de la fin du VIIe siècle et celle de Jean Damascène
[Louth, 827], actif dans la première moitié du VIIIe, est à la fois plus tardive
et plus importante. André de Crète, qui vit en Palestine, puis à Constanti-
nople et en Crète, est son contemporain. À Constantinople même, le
patriarche Germain écrit même après sa déposition (730) et si, après sa
mort ou celle de Jean Damascène vers le milieu du siècle, les écrivains
ecclésiastiques semblent disparaître, il peut y avoir là en partie une illusion.
Le premier iconoclasme, depuis le règne de Léon III jusqu’à la fin de celui
de Théophile, contribue à brouiller les cartes : les partisans des images,
dans l’Empire, peuvent difficilement s’exprimer, tandis que les œuvres ico-
noclastes ont par la suite été détruites. Seuls sont parvenus, du côté icono-
claste, quelques extraits d’une œuvre théologique de l’empereur Constan-
tin V, les Peuseis, et, des Actes du concile de Hiéreia en 754, nous n’avons
conservé que la définition de foi (horos). Quant à la défense des images, c’est
344 Les fondements de la civilisation byzantine

seulement durant le second iconoclasme qu’elle suscite des œuvres abon-


dantes et de qualité.
Pour établir un pont entre la culture de l’Antiquité tardive et Byzance
médiévale, il faut nous tourner vers le système scolaire, dont la survivance
est illustrée directement, pour la fin du VIIIe siècle et le début du IXe, par
certaines œuvres parvenues jusqu’à nous comme celles de Georges Choiro-
boskos [Wilson, 854].
Ce diacre, peut-être chartophylax, actif à Constantinople à une date inconnue
entre 750 et 825, porte dans certains manuscrits le titre de « didascale œcumé-
nique », dont la signification reste obscure mais n’implique pas, semble-t-il, de
lien particulier avec le patriarcat. Choiroboskos est un grammairien, qui a laissé
un très long commentaire des Canons de Théodose (un traité de morphologie
composé sans doute vers 400). Il connaît aussi Denys de Thrace et il a composé
également un commentaire du traité de métrique d’Héphestion. Une autre
œuvre de Choiroboskos, les Épimérismes du Psautier, est un commentaire
grammatical des psaumes qui vient rappeler que si, pour l’essentiel, l’éducation
restait fondée sur l’étude d’auteurs païens, certains textes chrétiens étaient
étudiés aussi à l’école : c’est le cas des psaumes, souvent utilisés pour l’appren-
tissage de la lecture, mais aussi, à un autre niveau, de discours de Grégoire de
Nazianze.
Choiroboskos n’est pas isolé. Un autre grammairien, Jean Charax, de
date incertaine, mais antérieur à Choiroboskos, a composé deux courts trai-
tés inspirés d’Hérodien (IIe s. apr. J.-C.), ainsi qu’un commentaire des
Canons de Théodose. Cette dernière œuvre ne nous est connue que par un
abrégé, effectué par Sophrone, qui sera patriarche d’Alexandrie de 848
à 860, et qui a réalisé ce travail alors qu’il était moine, à la demande d’un
évêque de Damiette. En Syrie et en Palestine, nous trouvons vers 800 un
autre grammairien, Michel le Syncelle, qui compose au début des
années 810 un court traité de syntaxe dont le titre nous informe qu’il fut
écrit à Édesse, en Mésopotamie.
D’après la vie composée en son honneur, Michel, lorsqu’il reçut la tonsure des
mains du patriarche de Jérusalem, fut invité à poursuivre ses études de gram-
maire, de rhétorique et de philosophie. Il maîtrisait aussi la métrique et connais-
sait l’astronomie. Au monastère de Saint-Sabas, il fit bénéficier de son enseigne-
ment au moins deux disciples : Théodore et Théophane, ceux que l’histoire
byzantine connaît comme les frères « Tatoués » (Graptoi), à la suite du supplice
que leur avait infligé l’empereur Théophile.
L’ensemble de ce dossier, auquel on pourrait joindre le témoignage de
textes hagiographiques, montre qu’au VIIIe siècle et au début du IXe a sur-
vécu un enseignement analogue à ce qu’avait été, à la période protobyzan-
tine, celui du grammatikos. Le but reste inchangé : il s’agit d’apprendre à lire
L’enseignement et la culture écrite 345

et à écrire un grec littéraire distinct d’une langue parlée qui s’est rap-
prochée du grec moderne [Browning, 791]. Les manuels – Théodose,
Denys, Héphestion – restent les mêmes et sans doute en grande partie les
auteurs de référence, en particulier les poètes, avec Homère et Hésiode,
mais aussi certains prosateurs, comme Démosthène. Plusieurs problèmes
demeurent. On ne sait en particulier si la distinction qui existait à l’époque
précédente entre trois degrés de l’enseignement – celui du grammatistès, du
grammatikos et du rhéteur – reste valable, l’existence du « rhéteur » et, d’une
façon générale, celle d’un enseignement supérieur à celui du grammatikos res-
tant mal documentées. La rhétorique, comme la grammaire, était
enseignée. Au début du IXe siècle, Jean de Sardes écrit un commentaire des
Progymnasmata d’Aphthonios qui montre que, dans ce domaine aussi, de part
et d’autre des siècles obscurs, le contenu de l’enseignement est resté stable
et les références inchangées. La philosophie et les disciplines du quadrivium
sont plus rarement attestées et leur enseignement, sporadique, n’a pas
d’existence autonome et dépend de la compétence personnelle d’un maître.
Les noms que nous avons cités permettent d’identifier, dans l’Empire et
dans les provinces perdues au VIIe siècle, quelques centres où l’enseigne-
ment a survécu. La Palestine a joué un rôle significatif [Mango, 830]. Cer-
tains grands monastères, surtout celui de Saint-Sabas, ont été des conserva-
toires d’une culture grecque générale. Jean Damascène est actif à Jérusalem
[Auzépy, 693] auprès du patriarche et les livres dont il a disposé pour com-
poser certaines de ses œuvres – comme le grand florilège des Sacra parallela
ou la somme théologique qu’est la Pègè gnôséôs – peuvent s’être trouvés soit
au patriarcat, soit, non loin de là, à Saint-Sabas. C’est dans ce monastère
en tout cas que, vers 800, Michel, qui sera syncelle de Méthode de Cons-
tantinople, dispense un enseignement aux futurs « Graptoi ».
Le cas de Michel le Syncelle est intéressant non seulement parce qu’il donne
une idée de la survie de l’hellénisme à Édesse et à Jérusalem, mais aussi parce
qu’il illustre les contacts entre ces foyers en Terre d’Islam et la capitale : Michel,
Théodore et Théophane arrivent en effet à Constantinople au début du règne
de Léon V. Ils s’illustrent dans la lutte en faveur des images, et, après le rétablis-
sement de l’Orthodoxie en 843, Michel devient syncelle du patriarche Méthode,
tandis que Théophane Graptos occupe le siège de Nicée et compose des poèmes
liturgiques.
Mais les monastères, en Terre d’Islam, n’ont pas été les seuls, ni même
les principaux foyers de l’hellénisme. Il est notable que Jean Damascène
appartienne à la puissante famille des Mansour et qu’il ait reçu son éduca-
tion, incluant une formation grammaticale, rhétorique et philosophique,
dans sa famille, à Damas. On voit ainsi comment, en Syrie, des familles pri-
vilégiées continuent à faire bénéficier leurs enfants d’une éducation ana-
346 Les fondements de la civilisation byzantine

logue à celle de l’époque antérieure. Outre la Palestine, il faut encore men-


tionner pour leur rôle culturel, Édesse en Mésopotamie, peut-être aussi
certains évêchés égyptiens comme Damiette, dont le rôle est plus effacé. Au
début du IXe siècle, un grammairien sicilien, Théognoste, dédie l’ouvrage
qu’il compose à l’empereur Léon V : l’Italie méridionale et Syracuse ne
doivent pas être oubliées.
Dans la capitale même, plusieurs exemples laissent voir dans quel milieu
la culture a pu se conserver. Le patriarche Germain, né dans une grande
famille, a visiblement bénéficié, à la fin du VIIe siècle, d’une bonne éduca-
tion littéraire. Au milieu du VIIIe siècle encore, d’une façon moins brillante,
un personnage comme Platon, l’oncle de Théodore Stoudite, qu’on prépare
à occuper une fonction dans l’administration impériale, reçoit une éduca-
tion littéraire élémentaire ainsi qu’une formation technique. Taraise,
patriarche de Constantinople de 784 à 806 après avoir été prôtoasècrètis, a
profité lui aussi, sous Constantin V, d’un enseignement de grammaire et de
rhétorique : il appartient par son père, magistre et questeur, à une famille
aristocratique connue depuis la fin du VIIe siècle et qu’illustrera encore
au IXe son représentant le plus célèbre, le patriarche Photius [Efthymia-
dès, 94]. Ces exemples, ou ceux de Théophane le Confesseur et de Théo-
dore Stoudite, montrent que, dans l’aristocratie civile de Constantinople ou
dans les milieux proches de l’administration impériale, certaines traditions
scolaires et culturelles se sont conservées tout au long du VIIIe siècle. D’une
façon générale, il semble que l’enseignement « secondaire », correspondant
à celui du grammatikos, ait été assez rare : au début du IXe siècle, Nicolas,
futur higoumène du Stoudios, peut apprendre à lire et à écrire en Crète
dans sa famille, mais il doit venir à Constantinople – au monastère de Stou-
dios – poursuivre sa scolarité.
La survivance, dans quelques centres, d’une enkyklios paideia semblable à
celle de l’Antiquité tardive, même si elle a pu se dessécher, est un facteur
important de continuité. Mais le VIIIe siècle n’est pas marqué simplement
par des survivances. Il faut parler aussi d’innovations, limitées et lentes,
mais importantes. Dans le domaine de la littérature religieuse, c’est à cette
époque qu’apparaît un genre nouveau de l’hymnographie, le « canon » :
composé de huit odes, chacune de plusieurs strophes, il s’agit d’une ample
composition poétique chantée lors de l’office monastique de l’orthros. Les
noms de Jean Damascène, de Cosmas de Maïouma et d’André de Crète
sont associés à sa naissance, qu’il faut localiser en Palestine, mais il se dif-
fuse ensuite à Constantinople et dans l’ensemble des monastères byzantins.
Deux innovations techniques concernent la production des livres. La
première est l’emploi du papier [Irigoin, 808, 809]. Durant l’Antiquité tar-
dive, on utilisait, pour les livres, deux sortes de matériau : le parchemin et
le papyrus. Aux VIII-IXe siècles, à la suite de la perte de l’Égypte, l’emploi
L’enseignement et la culture écrite 347

du papyrus se réduit et cesse de compter. Le parchemin continuera à être


employé durant tout le Moyen Âge. Mais les copistes médiévaux dispose-
ront aussi du papier, que les Arabes apprennent à fabriquer au contact des
Chinois et qui commence à être produit en Terre d’Islam au milieu du
VIIIe siècle. Cependant, dans l’Empire byzantin, le papier n’a été employé
pour la copie de livres grecs que lentement.
Hors de l’Empire, en Syrie ou en Palestine, quelques actes ou quelques manus-
crits sur papier ont été copiés au IXe siècle ou même à la fin du VIIIe (Vat.
gr. 2200, des environs de 800). Dans l’Empire, il faut attendre le milieu du
XIe siècle pour trouver les premiers exemples d’actes (chrysobulles de Constan-
tin IX Monomaque) ou de manuscrits copiés sur papier. Au début du
XIIIe siècle, la bibliothèque du monastère de Patmos (330 manuscrits) est cons-
tituée pour un cinquième de livres en papier, une matière dont la production
dans l’Empire n’est pas sûrement attestée.
L’autre innovation, très importante, concerne le type d’écriture. Jus-
qu’au VIIIe siècle, les manuscrits grecs sont copiés dans ce qu’on appelle
l’onciale. Il s’agit d’une majuscule peu économique : chaque lettre, tracée
séparément, est souvent d’assez grand module. Au VIIIe siècle apparaît une
autre écriture, la minuscule, qui ne naît pas d’une évolution de l’onciale
mais de l’adaptation à la copie des livres d’une forme de la cursive docu-
mentaire, utilisée pour les actes [De Gregorio, 798]. La minuscule conserve
certains traits de son origine : les lettres, d’une forme très différente de
l’onciale, et de petit module, sont liées entre elles [Irigoin, 811]. Il s’agit
d’une écriture plus économique, qui épargne le travail du copiste et la
matière à écrire, tout en restant très lisible.
Historiquement, la naissance de la minuscule est encore obscure même si, lors
des dernières décennies, d’importants progrès ont été réalisés. Le plus ancien
manuscrit daté en minuscule a été achevé le 7 mai 835 (« Tétraévangile
Uspenskij », un témoin des quatre évangiles, aujourd’hui à Saint-Pétersbourg).
Mais l’apparition de la minuscule est bien antérieure et c’est au VIIIe siècle que
plusieurs tentatives sont faites pour mettre au point une nouvelle écriture. L’une
d’elles a réussi et s’impose, concurrençant l’onciale à la fin du VIIIe et au
IXe siècle. L’ancienne écriture reste employée en particulier pour des livres pres-
tigieux : le manuscrit du Pseudo-Denys l’Aréopagite offert à Louis le Pieux
en 827 par les ambassadeurs byzantins est écrit en onciale. Au Xe siècle,
l’évolution est pratiquement achevée. La minuscule élimine l’onciale et la réduit
au rôle d’écriture distinctive. Le fait que certains des plus anciens manuscrits en
minuscule soient originaires du grand monastère constantinopolitain de Stou-
dios et qu’il soit probable par ailleurs que l’oncle de Théodore Studite,
l’higoumène de Sakkoudion Platon, au VIIIe siècle, copiait des manuscrits dans
une écriture spéciale a conduit à se demander si les moines studites n’avaient
pas joué un rôle particulier dans l’histoire de la minuscule. Nous savons qu’à
partir du moment où Théodore devient l’higoumène du monastère de Stoudios,
348 Les fondements de la civilisation byzantine

un scriptorium s’y développe. Il y a eu là, dès le IXe siècle, et sans doute à Sak-
koudion dès le VIIIe, un centre de copie pour les textes religieux. Mais il est dou-
teux que Platon, Théodore et leurs compagnons aient été à l’origine de la nou-
velle écriture. On a pu penser aussi à la Palestine, où il faut localiser sans doute
certains essais faits très tôt en ce sens. Mais le fait que la minuscule naisse de la
stylisation d’une cursive documentaire peut inviter aussi à chercher dans les
milieux proches de la chancellerie impériale.
L’apparition et la généralisation de la minuscule ont une grande impor-
tance culturelle. Désormais, les Byzantins copient plus facilement des livres,
même si ceux-ci, à toutes les époques, restent peu nombreux. D’autre part, la
minuscule, devenue assez vite la seule écriture vivante, joue un grand rôle
dans la transmission des textes anciens. Aux IXe et Xe siècles a lieu en effet un
phénomène qui marque l’histoire des textes grecs : la translittération, c’est-à-
dire la transposition des textes antiques – païens ou chrétiens – de l’onciale à
la minuscule. Les textes qui n’ont pas été translittérés, en général, ne nous
sont pas parvenus. On voit à quel point notre connaissance des textes de
l’Antiquité et de l’époque protobyzantine est tributaire de l’activité et des
choix des copistes des IXe-Xe siècles et de leurs commanditaires.

LE R E N O U V E A U ( F I N V I I I e - I X e S . )

Dans les dernières décennies du VIIIe siècle, la culture écrite à Constan-


tinople donne des signes de renouveau. Le mouvement, masqué à ses
débuts par divers facteurs, s’accélère dans la première partie du IXe siècle et
nous voyons apparaître de premières figures de savants.
La carrière de Taraise [Efthymiadès, 94], patriarche de 784 à 806, que
son biographe présente comme un expert en métrique, et, durant son
patriarcat, comme un orateur sacré dont il tachygraphiait, puis calligra-
phiait les homélies, a déjà été évoquée. Elle est importante pour la fin du
VIIIe siècle d’autant que, prélat cultivé, Taraise a été entouré d’hommes de
culture : c’est auprès de lui qu’est actif Georges le Syncelle, auquel nous
devons une importante Chronographie. Le cas de Nicéphore [Alexander, 783]
n’est sans doute guère différent de celui de Taraise. Né au milieu du
VIIIe siècle, il est le fils d’un asèkrètis, actif sous Constantin V. D’après son
biographe – il s’agit encore d’Ignace le Diacre –, il aurait bénéficié d’une
éducation générale (l’enkyklios paideia), incluant des études grammaticales et
rhétoriques, avant de se lancer dans l’étude de la tétrade mathématique
(musique, arithmétique, géométrie et astronomie) et d’insister particulière-
L’enseignement et la culture écrite 349

ment sur la philosophie aristotélicienne. À cet enseignement traditionnel,


Nicéphore, qui se préparait, comme son père, à faire carrière dans la chan-
cellerie impériale, aurait ajouté l’apprentissage de la tachygraphie. Sa pre-
mière œuvre, datable des environs de 780, est le Breviarium, qui, nous
l’avons dit, fait revivre à Byzance le genre historique après une longue
période de silence. Devenu patriarche en 806, il est déposé en 815. C’est
alors, et jusqu’à sa mort survenue en 828, qu’il compose toute une série
d’œuvres contre les iconoclastes qui font de lui l’un des plus importants
théologiens des images et laissent transparaître une solide formation aristo-
télicienne.
L’autre grand théologien des images, lors du second iconoclasme, est un
moine, Théodore Studite (759-826). Appartenant au même milieu que
Nicéphore, il a dû recevoir une éducation semblable, plus poussée sans
doute que celle de son oncle Platon de Sakkoudion. C’est ce que révèle sa
très abondante production littéraire, qu’il s’agisse d’œuvres monastiques, de
traités en faveur des images, ou encore de sa correspondance ainsi que de
son œuvre poétique, qui montrent qu’il avait assimilé lui aussi
l’enseignement de la grammaire et de la rhétorique. Copiste de manuscrits,
tout comme son oncle Platon, il prête une attention particulière, dans le
grand monastère de Stoudios à Constantinople, à l’organisation du scripto-
rium. Nous savons aussi que le monastère avait sa propre école pour les
enfants, même s’il est vraisemblable qu’on n’y formait guère que de futurs
moines. C’est l’un des très rares exemples, à Byzance, d’un monastère qui
ait joué dans l’histoire culturelle un rôle significatif, qu’il ne faut cependant
pas surévaluer.
Théophane, appelé « le Confesseur » pour son rôle, au début du règne
de Léon V, en faveur de la défense des images, est un autre auteur impor-
tant de l’époque. Aristocrate entré dans un monastère qu’il a fondé, ami de
Georges le Syncelle, à la demande de ce dernier, Théophane poursuit
l’œuvre que celui-ci, à sa mort, laissait inachevée [Mango, 832].
Les deux ouvrages historiques, cependant, ont une tonalité bien différente.
Georges le Syncelle, qui avait été en contact avec la Palestine, compose, au tout
début du IXe siècle, une Chronographie de type ancien, où les calculs chronologi-
ques occupent une place importante et qui dépend largement d’œuvres proto-
byzantines telles que celles d’Eusèbe de Césarée. Chez Théophane, qui utilise
cependant la documentation, en partie orientale, rassemblée par Georges, la
partie chronologique est plus réduite, et l’œuvre de cet auteur, très appréciée
des Byzantins, marque une nette évolution.
Avec Georges et Théophane, mais aussi, dès les années 780, avec le Bre-
viarium de Nicéphore, la chronographie et l’histoire retrouvent à Byzance
une place importante.
350 Les fondements de la civilisation byzantine

Les partisans des images, dont les œuvres, du fait de leur orthodoxie,
ont été conservées, n’ont eu à aucun moment l’apanage de la culture. Le
cas d’Ignace le Diacre [Mango, 102 ; Efthymiadès, 94], actif dans la pre-
mière moitié du IXe siècle, et auquel nous devons les vies de Taraise et de
Nicéphore, mais aussi quelques poèmes et une série de lettres, et qui,
comme Choiroboskos, a porté le titre mystérieux de « didascale œcumé-
nique », est instructif sur ce point.
Dans son apprentissage de la grammaire et de la rhétorique, il a bénéficié de
l’enseignement ou des conseils de Taraise et de Nicéphore et son œuvre
conservée permet de juger des résultats : il écrit un grec artificiel, souvent diffi-
cile, et n’hésite pas à faire référence à la culture profane, citant en particulier
des poètes, Homère et Hésiode bien sûr, mais aussi des tragiques, et quelques
prosateurs. Proche de deux patriarches iconophiles, Ignace a pourtant varié
dans ses opinions et s’est rallié un instant aux adversaires des images. C’est alors
qu’il compose certains poèmes. Revenu à l’orthodoxie iconophile, il écrit les vies
de Taraise et de Nicéphore, et regrette amèrement sa faute. Sa carrière montre
bien qu’il n’y a pas de frontière étanche entre partisans et adversaires des
images, et qu’ils partagent la même culture.
Jean le Grammairien, patriarche de Constantinople de 837 à 843, et
l’un des principaux adversaires des images, est sans doute lui aussi un
évêque cultivé, et il est possible qu’il ait manifesté de l’intérêt pour certaines
sciences [Lemerle, 823]. Mais aucune de ses œuvres n’est parvenue jusqu’à
nous et sa physionomie ne nous est accessible qu’à travers l’image déformée
qu’en donnent ses adversaires iconophiles. Il en va autrement de son
parent, Léon « le Mathématicien » ou « le Philosophe » qui, nommé métro-
polite de Thessalonique sous Théophile, doit avoir été, au moins un temps,
favorable à l’iconoclasme [Lemerle, 823 ; Wilson, 854].
D’après certaines sources, Léon aurait fait ses premières études à Constanti-
nople, dont il est originaire. Puis, n’ayant trouvé dans la capitale personne pour
lui apprendre les mathématiques, il se serait rendu dans l’île d’Andros auprès
d’un maître et, celui-ci s’étant révélé insuffisant, il aurait complété lui-même sa
formation en consultant les manuscrits conservés dans des monastères. Revenu
ensuite à Constantinople, il aurait enseigné à titre privé les sciences ainsi appri-
ses. L’un de ses élèves, fait prisonnier par les Arabes, aurait eu l’occasion d’être
présenté au calife al-Mamûn (813-833) ou al-Mutaçîm (833-842), auquel il
aurait pu montrer toute la supériorité des connaissances mathématiques acqui-
ses auprès de Léon. Le calife aurait alors pris contact avec celui-ci pour le faire
venir à sa cour, mais l’empereur Théophile, informé, aurait alors confié à Léon
un enseignement public à l’église des Quarante-Martyrs. Ce récit, qui contient
plusieurs difficultés chronologiques et qui semble destiné à démontrer la supé-
riorité de la science grecque sur la science arabe, est suspect à plus d’un titre.
L’épisode à Andros est peu vraisemblable ; quant aux manuscrits dans les
monastères, il faut imaginer au mieux de simples dépôts de livres, les bibliothè-
L’enseignement et la culture écrite 351

ques monastiques n’ayant rien de bibliothèques scientifiques [Cavallo, 796].


Peut-être retiendra-t-on l’idée que, dans la jeunesse de Léon – vers 800 ? –,
l’enseignement supérieur à Byzance avait disparu. Deux renseignements que
nous trouvons dans ce récit peuvent aussi mériter créance : Léon aurait ensei-
gné à Constantinople, en particulier les mathématiques, comme professeur
privé, avant d’être installé aux Quarante-Martyrs pour un enseignement cette
fois subventionné en partie par l’empereur. Sa carrière devient ensuite plus
claire. Le patriarche Jean le Grammairien, son parent, le nomme à un poste
important : en 840, il devient archevêque de Thessalonique. Il est déposé après
le rétablissement de l’Orthodoxie et la chute de Jean le Grammairien en 843.
Nous le voyons réapparaître ensuite à Constantinople, où le césar Bardas lui
confie, avec l’enseignement de la philosophie et des mathématiques, la direction
de l’école qu’il vient de fonder à la Magnaure, et sur laquelle nous reviendrons.
Léon est encore vivant lors du séisme de 869 ; on perd sa trace ensuite.
La bibliothèque de Léon, connue en partie par diverses sources (manus-
crits, épigrammes), donne un aperçu de sa culture. Elle comprenait, pour la
philosophie, Platon, dont un ancien manuscrit nous apprend qu’il avait cor-
rigé le texte des Lois, et Porphyre ; pour les mathématiques, un traité de
mécanique de Kyrinos et Markellos, le Traité des coniques d’Apollonios de
Pergé, Euclide et peut-être Archimède ; pour l’astronomie, indissociable de
l’astrologie, Théon, Paul d’Alexandrie, Ptolémée. Avec Léon nous voyons
pour la première fois avec précision, au milieu du IXe siècle, la figure d’un
savant byzantin, plus soucieux de philosophie et de science que de belles
lettres.
L’activité de Léon, après 843, est liée à une nouveauté importante : la
création d’une institution d’enseignement au palais même de Constanti-
nople. À une date inconnue, le frère de l’Augusta Théodora, le césar Bar-
das, au faîte de son pouvoir de 855 jusqu’à son assassinat en 866, organise
et subventionne une école dans une partie du Grand Palais, la Magnaure
[Lemerle, 823]. Quatre professeurs y sont actifs : Léon est chargé de la phi-
losophie, tandis que son disciple Théodore (Serge, d’après d’autres sources)
enseigne la géométrie, Théodègios l’arithmétique et l’astronomie, et Komè-
tas la grammaire. De Komètas, nous savons qu’il a travaillé sur les poèmes
homériques. Le programme de cette école, où nous retrouvons la trace du
trivium et du quadrivium mathématique, n’est guère surprenant. Les chro-
niqueurs byzantins soulignent l’importance de l’action de Bardas pour
l’histoire de la culture. Mais le statut de l’école de la Magnaure est peu
clair : Paul Lemerle [Lemerle, 823] y voit la création d’une école d’État ;
pour Paul Speck, plus critique, il s’agit de l’initiative privée d’un haut digni-
taire soucieux de son propre prestige [Speck, 847].
Le renouveau culturel qui marque le milieu du IXe siècle est illustré
directement par les manuscrits, en onciale ou en minuscule, qu’on peut
352 Les fondements de la civilisation byzantine

dater de cette époque [Irigoin, 811]. Les sciences y sont particulièrement


bien représentées, avec la médecine (Dioscoride, Paul d’Égine), l’astrono-
mie (Ptolémée, en particulier dans le Vat. gr. 1594), les mathématiques,
parfois d’un très haut niveau (Euclide du Vat. gr. 190, mais aussi traités du
Vat. gr. 204), ainsi que les œuvres scientifiques d’Aristote. Pour la philo-
sophie, il faut faire une place à part à une collection d’une quinzaine de
manuscrits, dont le noyau a été mis en évidence par T. W. Allen
dès 1893, et que des recherches ultérieures ont permis de compléter [Per-
ria, 839 ; Palau, 837].
Cette « collection philosophique », produite au milieu du IXe siècle sans doute
par un même scriptorium, peut-être pour un seul commanditaire dont l’identité
reste inconnue, constitue une véritable bibliothèque néo-platonicienne, avec des
œuvres de Platon (République, Timée, Critias, Lois, œuvres mineures), ou de com-
mentateurs de Platon (Proclus, Damascius, Olympiodore, Albinus, Maxime de
Tyr), ainsi que des œuvres de Simplicius (commentaires des Catégories et de la
Physique d’Aristote), d’Ammonios (commentaire du De interpretatione d’Aristote) et
d’Alexandre d’Aphrodisias. On y trouve aussi des textes chrétiens (Pseudo-
Denys, Théodoret), et, dans le ms. de Heidelberg, Palat. gr. 398, diverses œuvres
géographiques, paradoxographiques, ou des collections de lettres. Le Ptolémée
du Vatican (Vat. gr. 1594) est lié au même scriptorium.
Ce groupe de manuscrits témoigne d’un intérêt exceptionnel pour la
philosophie. On a cherché, sans succès, à le rattacher à l’activité de Léon,
ou, à cause de l’époque, et du fait qu’on y trouve une œuvre de Zacharie
de Chalcédoine, avec Photius, dont Zacharie était un ami.

PHOTIUS, ARÉTHAS ET LEUR ÉPOQUE

Le renouveau de la culture au IXe siècle est incarné par un homme qui


tient dans l’histoire des lettres à Byzance comme dans celle de l’Église une
place exceptionnelle : Photius [Lemerle, 823 ; Wilson, 854 ; Treadgold,
849 ; Schamp, 845].
Par deux fois patriarche de Constantinople, de 858 à 867, puis de 878 à 886, il
est né sans doute vers 810 et mort vers 893. Nous ne savons rien de sa forma-
tion. Il appartient à la plus haute aristocratie constantinopolitaine : par son
père, Serge, il est le neveu ou le petit-neveu du patriarche iconophile Taraise,
dont la famille, comme nous l’avons vu, est connue depuis la fin du VIIe siècle ;
sa mère, Irène, de la famille des Môrocharzanioi, est la sœur du patriarche ico-
noclaste Jean VII le Grammairien. Photius, comme son père, prend position en
faveur des images et semble avoir souffert de cet engagement sous Théophile.
L’enseignement et la culture écrite 353

Après le rétablissement de l’orthodoxie, il parcourt une brillante carrière civile,


et lors de son élection comme patriarche, il est prôtasèkrètis, c’est-à-dire chef de la
chancellerie impériale.
Bien qu’il n’ait jamais été à proprement parler un professeur, surtout
pas dans une « école patriarcale » dont l’existence est aujourd’hui unanime-
ment rejetée [Beck, 786 ; Lemerle, 823 ; Speck, 847 ; Criscuolo, 797], Pho-
tius a eu des disciples : d’après la Vie des saints Cyrille et Méthode, Constantin
(le futur Cyrille), venu à Constantinople pour ses études secondaires, aurait
suivi ses cours ainsi que ceux de Léon le Philosophe ; le métropolite Amphi-
loque de Cyzique, ou encore le protospathaire Thomas, auquel Photius
dédie son Lexique, sont appelés ses mathètai (élèves, disciples). Une lettre de
Photius au pape Nicolas montre quel était le cadre de cet enseignement.
Photius, peu après son élection, y décrit la vie qu’il doit maintenant aban-
donner et le cercle de disciples, anciens ou nouveaux, qui l’accueillait quoti-
diennement chez lui à son retour du palais. Sans doute s’agit-il de jeunes
gens dont il surveille l’éducation et auxquels il transmet lui-même son
savoir à l’occasion d’entretiens plus que de cours formels : un type
d’enseignement qui se pratiquait sans doute dans plusieurs familles aristo-
cratiques, autour de hauts dignitaires lettrés.
Les œuvres de Photius, qui forment un ensemble assez considérable,
permettent de connaître la culture de leur auteur. Photius, dans sa jeunesse
peut-être, a composé un Lexique, qu’il adresse à son disciple Thomas : il
s’agit d’un vocabulaire comprenant plusieurs milliers de termes dont il faut
connaître la signification pour lire les auteurs anciens, païens ou chrétiens,
et qu’on peut utiliser pour écrire un grec littéraire correct, atticisant.
De tels lexiques, à Byzance, jouent un rôle important et celui de Photius, loin
d’être le seul ou le premier, résulte d’une compilation d’ouvrages antérieurs.
Plus tard, alors qu’il est patriarche, Photius continue à s’intéresser aux œuvres
de ce genre et il enrichira de ses annotations un lexique particulièrement
important, à dater sans doute du deuxième quart du IXe siècle, l’Etymologicum
genuinum.
Mais Photius est surtout célèbre dans l’histoire des lettres pour avoir
composé ce que nous appelons la Bibliothèque ou le Myriobiblos [Ziegler, 856 ;
Treadgold, 849 ; Schamp, 845]. Les circonstances précises de la rédaction
de cette œuvre capitale, unique dans la littérature byzantine, restent dans
l’obscurité.
Dans l’épître préliminaire qu’il adresse à son frère Tarasios, Photius décrit les
circonstances dans lesquelles il a composé la Bibliothèque : alors qu’il avait été
coopté par les membres d’une ambassade pour aller avec eux chez les « Assy-
riens » et que ce choix avait été entériné par l’empereur, il avait eu à cœur de
satisfaire le désir de son frère, qui lui avait demandé de résumer pour lui les
354 Les fondements de la civilisation byzantine

livres lus en son absence. La date de cette ambassade a été discutée. Sans doute
faut-il la placer avant le premier patriarcat de Photius, mais plutôt sous le règne
de Michel III que sous celui de Théophile. Une date dans les années 850
conviendrait.
Photius, répondant à la demande de son frère Taraise, fait copier une
série de 280 notices – appelées habituellement codices –, de longueur très
variable (de deux lignes à 70 pages), consacrées à des œuvres qu’il a lues
sans son frère. On s’est souvent posé la question de savoir où Photius
avait eu accès aux livres qu’il analyse. Sans doute, comme le signale l’un
de ses adversaires, Nicétas le Paphlagonien, a-t-il pu, grâce à sa fortune,
réunir lui-même une riche bibliothèque. Pour le reste, rien n’indique qu’il
ait effectué ses lectures ailleurs qu’à Constantinople et l’accès qu’il a, pour
la littérature chrétienne, à des ouvrages hérétiques a fait penser que la
bibliothèque du patriarcat lui était largement ouverte.
Pour les œuvres qu’il analyse, Photius indique l’auteur et le contenu, qu’il
résume et dont il donne souvent des extraits. Dans certains cas, il porte un
jugement sur le contenu, plus souvent sur le style, et la Bibliothèque se trouve
de ce fait appartenir à la critique littéraire, un genre mal représenté à
Byzance, mais pour lequel le futur patriarche a pu suivre les exemples de
Denys d’Halicarnasse ou d’Hermogène. La Bibliothèque fait une large part à la
littérature chrétienne, à laquelle sont consacrée 158 notices. Certains auteurs
chrétiens, comme Basile de Césarée, reçoivent de grands éloges. On notera
aussi dans la Bibliothèque la présence d’actes des conciles qui montrent bien
que l’intérêt porté aux textes chrétiens n’est pas purement littéraire. Du côté
de la littérature profane, on trouve 122 codices correspondant à 99 auteurs. La
poésie est absente, mais, pour la prose, de nombreux genres sont représentés,
avec certaines dominantes : c’est ainsi que Photius mentionne 16 lexiques et
39 ouvrages historiques. L’exemple de l’histoire [Schamp, 845] permet aussi
de mieux voir que l’hellénisme de Photius n’est nullement restreint à la
période que nous appelons classique, ni même hellénistique : les 31 historiens
mentionnés appartiennent en effet tous sauf quatre aux périodes romaine et
byzantine. Beaucoup des ouvrages analysés par Photius ne sont pas parvenus
jusqu’à nous.
La Bibliothèque donne de la culture de Photius une image déformée. Il ne
faut pas oublier que n’y sont présents que les ouvrages lus en l’absence de
Taraise. Les auteurs du corpus scolaire sont trop connus pour être évo-
qués : c’est ainsi que les poètes sont presque entièrement absents. D’autres
œuvres de Photius – les Amphilochia, ou sa correspondance – viennent com-
pléter la Bibliothèque, témoignant en particulier de la culture philosophique
du patriarche. Sans doute, pour son époque, Photius a-t-il un accès aux
livres et une culture exceptionnels. Mais l’intérêt qu’il porte au style des
ouvrages plus qu’à leur contenu, sa façon de lire l’histoire – avec un goût
L’enseignement et la culture écrite 355

pour l’anecdote exotique ou surprenante –, la place des lexiques, sont, eux,


dans l’esprit de l’époque. Sa culture chrétienne témoigne du fait que, pour
les Byzantins, une formation théologique faisait partie de la culture à un
certain niveau. Mais elle reflète aussi l’intérêt particulier que Photius a
porté à ce domaine. L’alliance, chez Photius, d’une ample connaissance de
la littérature païenne, considérée sans hostilité, et d’une profonde culture
chrétienne est caractéristique de ce que nous rencontrons dans la culture
savante à Byzance et constitue ce que Paul Lemerle considère comme la
forme classique de l’humanisme byzantin.
Dans l’histoire culturelle de la deuxième partie du IXe siècle, l’action
personnelle de Photius est sensible. C’est lui sans doute qui rédige la pré-
face de l’Eisagôgè, un recueil de lois qu’on date du règne de Basile Ier, et
c’est de son second patriarcat que date la collection canonique qui servira
de référence pendant le Moyen Âge byzantin. Photius est aussi le précep-
teur du fils et successeur de Basile Ier, Léon VI, et, si celui-ci apparaît
comme un prince cultivé, auquel très vite les contemporains donnent le sur-
nom de « Sage », et qui nous a laissé en particulier un recueil d’homélies
[Antonopoulou, 261], nul doute qu’il ne le doive en grande partie à Pho-
tius, avec lequel cependant il se brouille et qu’il fait déposer dès le début de
son règne personnel.
C’est sous Léon VI qu’est publiée la grande collection juridique des
Basiliques, préparée sous Basile Ier, et qui marque un retour vers le droit de
l’époque justinienne. D’autre part, la production, pour la littérature
savante, sans être particulièrement brillante, s’épaissit. Le cas d’un person-
nage comme Aréthas de Césarée peut servir à illustrer l’atmosphère de
l’époque [Lemerle, 823 ; Wilson, 854]. Originaire de Patras où il naît sans
doute dans les années 850, formé sans doute à Constantinople, où il devient
diacre, puis, en 902, archevêque de Césarée de Cappadoce, Aréthas nous a
laissé une série d’œuvres mineures – quelques homélies, des lettres et des
opuscules en particulier sur l’affaire du quatrième mariage de Léon VI –,
d’un style souvent obscur. La notoriété d’Aréthas est due, plus qu’à ces
œuvres, à un hasard heureux : huit manuscrits de sa bibliothèque person-
nelle sont parvenus jusqu’à nous.
Copiés entre 888 et 932, ils contiennent des œuvres d’Euclide, de Platon,
d’Aristote, de Lucien, d’Aelius Aristide pour les auteurs païens ; un nomocanon,
des traités théologiques et toute une série, très importante, d’apologies (Athéna-
goras, Clément, Eusèbe, Tatien) du côté chrétien. Nous savons aussi qu’Aréthas
connaissait certains poètes (Homère, Hésiode, Pindare, Aristophane), qu’il lisait
Plutarque, Dion Chrysostome et Épictète, et qu’il a peut-être joué un rôle
important dans la transmission des Pensées de Marc-Aurèle. Pour les livres qu’il a
fait copier, nous avons aussi l’indication de certains prix [Kravari, 820] : c’est
ainsi que l’Euclide de 888 a coûté 14 nomismata (pour la copie ?), un Platon
356 Les fondements de la civilisation byzantine

copié en 895, 21, et le manuscrit des Apologistes, daté de 914, 26. Ces prix très
élevés montrent bien que les livres, à Constantinople vers 900, n’étaient accessi-
bles qu’à une petite élite fortunée.
La littérature religieuse, quant à elle, suit pour une part le mouvement
général que nous venons de décrire et profite du renouveau qui marque le
IXe siècle. Mais elle présente des aspects particuliers et un rythme propre,
son histoire, plus que celle des textes profanes, étant marquée par une
continuité. Cette littérature, qui peut être savante, s’adresse aussi à un
public plus large. Elle a recouru de ce fait à des niveaux de langue et de
style divers, parfois assez simples, comme le montre l’exemple du secteur le
plus vivant à l’époque, à savoir l’hagiographie. Dans ce domaine, qui
recouvre plusieurs genres, la production, variée, appartient à des niveaux
de culture aussi bien élevés que plus populaires. Certaines œuvres, très
vivantes, sont écrites dans une koinè assez simple. C’est le cas de plusieurs
vies monastiques ou, dans les années 920, de l’un des chefs-d’œuvre de
l’hagiographie narrative à Byzance : la Vie d’Euthyme le patriarche, consacrée
par son auteur, un moine anonyme, au patriarche de Constantinople
Euthyme, qui avait accepté le quatrième mariage de Léon VI. À côté de
ces textes substantiels, souvent savoureux et vivants, il existe d’autres
œuvres plus prétentieuses. Certains auteurs, enfin, tout en surveillant la cor-
rection de leur langue, cherchent à rester accessibles à un large public :
ainsi, Nicétas David Paphlagôn, un disciple d’Aréthas de Césarée auquel
nous devons, à la fin du IXe siècle, une intéressante Vie du patriarche Ignace.
En plus de l’hagiographie qu’on peut appeler d’actualité, consacrée à des
saints récents, il faut signaler aussi des textes honorant les saints du passé. Il
s’agit le plus souvent de textes savants et ici encore, outre certaines homé-
lies d’Aréthas ou de Léon VI, les œuvres de Nicétas Paphlagôn occupent
une place importante [Paschalidès, 838]. Sauf dans le domaine de
l’hagiographie, la littérature religieuse de l’époque, une fois passée la que-
relle des images, paraît assez peu créative. Les Byzantins tournent leurs
regards vers les grands auteurs de l’âge patristique, qui sont pour eux à la
fois les critères de l’orthodoxie et les modèles qu’ils veulent imiter. Il faut
signaler en particulier le rôle des œuvres de Jean Chrysostome et surtout de
Grégoire de Nazianze, le « Théologien » par excellence. En ce sens, le
magnifique manuscrit enluminé des homélies de Grégoire exécuté à la com-
mande de Basile Ier (Parisinus graecus 510) est symptomatique de la culture de
l’époque.
L’enseignement et la culture écrite 357

LE R È G N E D E C O N S T A N T I N P O R P H Y R O G É N È T E

Au Xe siècle, le mouvement engagé au siècle précédent s’amplifie et


l’époque est marquée en particulier par la personnalité de Constantin VII
Porphyrogénète, qui, plus encore que son père Léon VI le Sage, apparaît
comme un prince cultivé. Liutprand de Crémone le représente plongé dans
les livres, et les chroniqueurs, même défavorables, portent à son crédit le
fait d’avoir revivifié la culture.
Pour les écoles du Xe siècle, nous sommes tributaires d’un très petit
nombre de sources. Le Livre de l’éparque, qui date pour l’essentiel du règne
de Léon VI, renseigne sur la formation des futurs « notaires ».
Elle inclut une formation générale (enkyklios paideia), confiée à un didaskalos, puis
un apprentissage du droit (Procheiros nomos et Basiliques), dont la responsabilité
incombe à un paidodidaskalos nomikos. Le cas d’enfants quittant d’autres écoles pour
venir dans cet établissement spécialisé est prévu. Les enseignants sont élus à la
fois par les autres enseignants et par les « notaires » avec leur primicier, l’élection
devant être confirmée par l’éparque de la Ville. Le Livre de l’éparque atteste ainsi,
pour les professions juridiques, d’un système d’enseignement déjà évolué.
C’est à la même époque sans doute qu’il faut situer l’école de la Néa,
où est actif Constantin Képhalas, dont la collection d’épigrammes est à
l’origine de la précieuse Anthologie palatine [Lauxtermann, 821 ; Came-
ron, 795] : cet exemple montre que, dès le règne de Léon VI sans doute,
des écoles sont installées dans certaines églises, en l’occurrence ici une église
du palais fondée par Basile Ier.
L’enseignement général dans la première partie du Xe siècle à Constan-
tinople est éclairé par un texte important, mais obscur. Il s’agit des lettres
d’un professeur anonyme [Markopoulos, 106] dont l’activité se situe sous le
règne de Romain Lécapène, dans les années 920 et 930, à un moment où
Constantin VII ne joue qu’un rôle effacé. Le professeur, seul enseignant de
l’école qu’il dirige – c’est le cas le plus répandu –, suit lui-même les enfants
les plus avancés, mais confie les débutants à quelques élèves qui lui servent
d’assistants et dont il contrôle le travail. Son enseignement est fondé sur la
grammaire, avec en particulier l’utilisation des Épimérismes du psautier de
Choiroboscos, la place de la rhétorique étant moins claire. La liste des cor-
respondants du professeur anonyme dessine le cercle social limité où se
recrutent ses élèves : les fonctionnaires impériaux, parfois de rang élevé, et
le haut clergé. Plusieurs lettres montrent que le professeur est en relation
avec le patriarcat qui lui verse chaque année une rente s’ajoutant aux paie-
358 Les fondements de la civilisation byzantine

ments des parents d’élèves. Cependant, l’anonyme proclame en même


temps son indépendance et ce dossier ne permet pas de conclure à une
intervention systématique de l’Église dans l’enseignement pour l’époque
considérée. Plusieurs lettres font état de litiges avec d’autres écoles dont les
maïstores attirent ses élèves dans leur propre établissement.
Enfin, nous sommes renseignés sur les écoles de Constantinople par un
texte hagiographique, la Vie de saint Athanase l’Athonite, écrite peu après l’an
Mil, et dont l’auteur prétend retracer les études de son héros telles qu’elles
se sont déroulées une soixantaine d’années auparavant.
Athanase, originaire de Trébizonde, vient suivre des études « secondaires » à
Constantinople, sans doute parce qu’il ne trouve pas d’école dans sa ville natale.
L’école où il entre paraît plus importante que celle du professeur anonyme et
son maïstôr porte le titre, inconnu par ailleurs, de « président » (prokathèménos) des
écoles. Athanase fait de rapides progrès et bientôt il est élu par les professeurs et
par ses condisciples pour assister le maïstôr dans son enseignement. Peu après, à
la suite d’un nouveau vote, et avec l’approbation impériale, il obtient d’occuper
une chaire professorale. Il quitte alors son école et en ouvre une autre, qui ne
tarde pas à entrer en concurrence avec la précédente : l’empereur intervient
pour tenter d’éviter un conflit et déplace l’école où enseigne Athanase.
Pour Paul Lemerle [Lemerle, 823] cette vie montre que, dans les
années 940, la situation diffère sensiblement de celle qui prévalait peu avant,
à l’époque du professeur anonyme. Les écoles secondaires, à Constantinople,
semblent maintenant dotées d’une organisation d’ensemble, avec un « prési-
dent ». L’intervention de l’empereur est sensible, qu’il s’agisse de ratifier
l’élection d’un professeur ou de régler un conflit entre deux établissements.
Peut-être de telles modifications, qui semblent témoigner d’un développe-
ment des institutions scolaires, doivent-elles être rapportées à l’action person-
nelle de Constantin VII. Pour Paul Speck [Speck, 847], le témoignage de la
Vie d’Athanase fait supposer que les professeurs de Constantinople étaient
organisés en une corporation, dont il retrouve la trace dès le IXe siècle.
Pour l’enseignement « supérieur », les sources rapportent une initiative
de Constantin VII, qui, faisant revivre la culture négligée par ses prédéces-
seurs, avait nommé quatre professeurs : pour l’enseignement de la philo-
sophie, le protospathaire Constantin ; pour la rhétorique, le métropolite de
Nicée Alexandre ; pour la géométrie, le patrice Nicéphore et pour
l’astronomie, l’asèkrètis Grégoire. Ce corps de quatre professeurs rappelle ce
qui avait été dit de l’école de la Magnaure fondée par le césar Bardas et
cette analogie a fait supposer [Lemerle, 823] une continuité qui est loin
d’être assurée. Constantin VII, d’après la Continuation de Théophane, portait
un intérêt tout personnel à l’établissement qu’il avait ainsi fondé et qui, très
rapidement, aurait formé des élèves capables d’occuper de hauts postes
dans l’administration et dans l’Église.
L’enseignement et la culture écrite 359

Le rôle du Porphyrogénète dans le domaine de la culture ne se limite


pas à ses interventions dans l’enseignement. Nous voyons se développer
autour de lui tout un mouvement, auquel il prend une part active
[Lemerle, 823]. Tout, dans ce mouvement, n’est pas relié directement à
l’activité impériale, et rien n’indique que l’Anthologie palatine [Cameron, 795 ;
Lauxtermann, 821], par exemple, lui doive quelque chose. Par ailleurs, le
grand dictionnaire appelé la Souda est postérieur à Constantin VII
[Adler, 781]. Mais le bilan qu’on peut dresser de l’activité de cet empereur
reste important. Il compose lui-même plusieurs traités concernant le gou-
vernement de l’Empire : le Livre des cérémonies, sur le rituel aulique ; le De the-
matibus, une compilation érudite sur les provinces ; le De administrando imperio,
sur les peuples étrangers et leurs rapports avec l’Empire des Romains. Il
faut ajouter à cela, pour l’art militaire, une collection de stratégistes. Dans
le domaine de l’histoire, c’est à l’initiative de Constantin que Génésios écrit
son Histoire des règnes et c’est toujours à l’initiative impériale que nous devons
la Continuation de Théophane, où Constantin a composé lui-même la Vie de
Basile, qui en forme le cinquième livre. Parallèlement, le même empereur a
fait compiler le très important recueil des Excerpta constantiniens où sont
recueillis et classés en 53 sections thématiques les extraits de tous les histo-
riens aux œuvres desquelles les excerpteurs ont pu avoir accès.
De cette grande collection, dont l’esprit est si étranger à notre conception de
l’histoire [Flusin, 800], seuls quatre recueils sont parvenus jusqu’à nous. Ils per-
mettent de juger à la fois de l’ampleur de l’entreprise et de ses limites. Le pre-
mier volume de l’une des cinq sections conservées, le De virtutibus et vitiis, occupe
tout un manuscrit de 400 folios, et même si toutes les sections n’avaient sans
doute pas cette dimension, on peut imaginer une collection très vaste. En même
temps, les historiens dépouillés ne sont pas très nombreux : la bibliothèque
impériale ne devait guère en comprendre plus d’une trentaine, et certains
n’étaient représentés que par un manuscrit lacunaire.
L’intérêt de Constantin VII ne s’est nullement limité à l’Empire et à son
histoire. Il a porté un intérêt aussi à la religion et, s’il faut renoncer à lui
attribuer un rôle dans la constitution du ménologe métaphrastique, qui lui
est postérieur, c’est à son initiative que le diacre Évariste a composé ce
qu’on appelle le Synaxaire de Constantinople, où sont réunis dans l’ordre du
calendrier des abrégés des vies des saints. Constantin, par ailleurs, a com-
posé lui-même ou fait composer quelques œuvres hagiographiques, et c’est
à lui que l’archevêque de Césarée Basile le Minime dédie son grand com-
mentaire des Discours de Grégoire de Nazianze. Les Continuateurs de
Théophane, dans les pages qu’ils consacrent, après sa mort, à Constan-
tin VII, relèvent que l’activité de cet empereur s’est exercée aussi dans le
domaine des arts et des sciences. C’est ce dont témoignent plusieurs compi-
lations, comme les Géoponiques, sur l’agriculture, ou bien encore les œuvres
360 Les fondements de la civilisation byzantine

médicales de Théophane Nonnos et la collection de traités d’hippiatrie


conservée dans un beau manuscrit illustré. L’ensemble de ce dossier
n’atteste pas seulement de l’intérêt que Constantin VII a porté à la culture
et aux sciences. Il montre aussi plusieurs caractéristiques de la culture
byzantine au Xe siècle : l’importance du patronage impérial, mais aussi la
volonté de réunir et de rendre accessible, sous une forme jugée commode,
l’héritage ancien et la science léguée par le passé, donnant ainsi naissance à
ce que Paul Lemerle a pu appeler « l’encyclopédisme du Xe siècle ».

L’ A P O G É E : X I e E T X I I e S I È C L E S

Passé le règne de Constantin VII, les renseignements se font plus rares


et, sous les grands empereurs militaires, jusqu’à la fin du règne de
Basile II, la culture paraît avoir été moins favorisée. Mais la vitalité dont
témoigne la vie intellectuelle à Byzance à partir du milieu du XIe siècle
montre bien que, dans ce domaine aussi, l’essor qu’a connu l’Empire et
les transformations de la société ont fait sentir leur effet bénéfique
[Lemerle, 823 ; Kazhdan-Wharton Epstein, 816 ; Magdalino, 192]. Le
nombre d’écoles connues s’accroît. Les lettrés tiennent dans le gouverne-
ment de l’Empire une place importante, tandis que la production littéraire
s’assouplit et se diversifie. Sous les Comnènes, le mouvement se poursuit,
avec des données nouvelles : le contrôle exercé par l’Église se renforce et
le clergé de Sainte-Sophie joue un rôle majeur dans une vie intellectuelle
qui, toutefois, loin de se limiter à des manifestations officielles, se répand
dans la société.
Le long règne de Basile II (963-1025), si important militairement, ne
marque pas un temps fort dans l’histoire culturelle de Byzance. La Souda, le
plus important dictionnaire encyclopédique de Byzance, qu’on peut dater
du début de ce règne, se rattache intellectuellement à l’époque précédente
[Adler, 781]. Il en est de même pour le Ménologe métaphrastique, où le
logothète du drome Syméon réunit, dans l’ordre du calendrier, des vies de
saints remises au goût du jour, et qui intéresse en particulier l’histoire de la
langue et du goût littéraire : les vies anciennes, bien souvent écrites dans un
grec trop bas pour le public cultivé de l’époque, devaient être « métaphra-
sées », c’est-à-dire réécrites dans une langue plus correcte. Le Ménologe
métaphrastique, à partir du XIe siècle, connaîtra un grand succès [Høgel,
805]. On peut enfin signaler, en marge des milieux officiels, l’œuvre d’un
grand mystique contemporain de Basile II, Syméon le Nouveau Théologien
L’enseignement et la culture écrite 361

(949-1022), dont les écrits, qui susciteront l’inquiétude des autorités de


l’Église, édités par son disciple Nicétas Stéthatos (env. 1005-1090), influent
sur la spiritualité monastique à Byzance. Mais il ne semble pas, contraire-
ment à ce qui avait marqué l’époque précédente, que les empereurs, à par-
tir de Romain II, aient joué un rôle actif dans l’éducation ou la vie intellec-
tuelle. La situation change au XIe siècle lorsque l’effort de guerre se fait
moins pesant [Lemerle, 631].
Par rapport au siècle précédent, le monde byzantin paraît plus riche,
plus ouvert et plus divers. Sa culture rayonne vers les pays voisins et
l’activité par exemple des traducteurs géorgiens à l’Athos ou à Antioche en
est un bon témoignage. Mais on note aussi les symptômes d’une ouverture,
certes limitée, vers d’autres cultures. Si, pour que les contacts avec l’Occi-
dent commencent à être féconds, surtout dans le domaine de la théologie, il
faut attendre le XIIe siècle, dès la fin du XIe, on peut noter quelques traces
d’une influence orientale. Le savant Syméon Seth, dont la famille est sans
doute originaire d’Antioche, traduit de l’arabe des traités médicaux et, au
début du règne d’Alexis Ier, il fait aussi passer en grec, sous le titre de Sté-
phanitès et Ichnélatès, le roman oriental de Kalila wa Dimna. Dans la région
d’Édesse, à la fin du XIe siècle, Michel Andréopoulos traduit lui aussi un
recueil de contes orientaux, L’histoire du philosophe Syntipas. Les villes des pro-
vinces orientales récemment intégrées à l’Empire, comme Antioche, ont
leur vie culturelle propre, mais ailleurs aussi on note les signes d’un éveil. Il
semble qu’à la faveur du renouveau urbain, l’enseignement secondaire s’est
implanté en province, à Trébizonde par exemple, ou à Thessalonique. La
vie intellectuelle, cependant, reste presque exclusivement l’apanage de
Constantinople. Elle est alors dominée par la personne de Michel Psellos
dont l’œuvre et la carrière – même s’il exagère sa propre importance –
fournissent les meilleurs témoignages sur l’histoire culturelle de l’époque.
Michel (Constantin de son nom de baptême) Psellos, né à Constantinople
en 1018 dans une famille modeste, reçoit sa première instruction dans l’école du
monastère constantinopolitain de Ta Narsou. En une seule année, nous dit-il, il
apprend par cœur l’orthographe et l’Iliade : c’est dire qu’il suit – toujours à Ta
Narsou ? – l’enseignement traditionnel du grammatikos. À 16 ans, délaissant les
poèmes, il se tourne vers la rhétorique, mais doit quitter Constantinople pour
gagner sa vie comme secrétaire d’un juge de thème. Il revient peu après dans la
capitale et reprend ses études. C’est alors sans doute qu’il suit l’enseignement de
Jean Mauropous, futur métropolite des Euchaïtes, qui lui-même avait acquis,
sous Basile II, une bonne formation rhétorique et philosophique. En 1042
encore, Psellos est étudiant, mais sans doute a-t-il commencé déjà depuis quel-
ques années à enseigner. Il est actif en particulier comme professeur de philo-
sophie à l’école Saint-Pierre, dont le maïstôr, son ancien condisciple Nicétas, est
chargé de l’enseignement de la grammaire. Appelé ensuite au palais sous Cons-
tantin IX Monomaque, il fait carrière dans la chancellerie impériale et devient
362 Les fondements de la civilisation byzantine

influent, sans cesser pourtant d’enseigner. L’empereur crée pour lui le titre de
« consul des philosophes » (hypatos tôn philosophôn), dont le contenu exact est
incertain, mais qui semble consacrer sa prééminence parmi les professeurs de
philosophie de Constantinople. Disgracié en même temps que son ami Jean
Xiphilin, il prend l’habit dans un monastère de l’Olympe de Bithynie. Il revient
au palais dès le règne de Théodora et jouera à plusieurs reprises un rôle impor-
tant. Il est en particulier le précepteur de l’empereur Michel VII Doucas. La
date de sa mort, inconnue, est à situer après 1081.
L’œuvre de Psellos permet de connaître le contenu de son enseigne-
ment. Elle est celle d’un polymathe, qui a touché à toutes les disciplines
correspondant au trivium et au quadrivium. C’est à son rôle dans l’étude de
la philosophie que Psellos semble attacher le plus d’importance et, même si
l’on peut soupçonner que cette discipline, à son époque, était tombée moins
bas qu’il ne le dit, il semble en effet qu’il a contribué à la redécouverte du
néo-platonisme. Ses œuvres témoignent de sa connaissance non seulement
d’Aristote et de Platon, mais aussi de Proclus et des Oracles chaldaïques, et cet
intérêt pour le platonisme lui a été reproché par les gardiens vigilants de
l’Orthodoxie. À l’enseignement philosophique, Psellos joint celui de la rhé-
torique, deux disciplines indissociables à ses yeux, et d’une façon plus origi-
nale mais caractéristique des intérêts de l’époque, celui du droit. Son ensei-
gnement semble avoir connu un grand rayonnement et Psellos fait état
d’élèves étrangers. Ses œuvres oratoires, par exemple en l’honneur de sa
mère, de sa fille, morte jeune, ou de ses amis Xiphilin, Leichoudès, Mauro-
pous, ses nombreuses lettres aussi, sont d’un grand intérêt, et sa Chrono-
graphie, pour les années 976-1078, au caractère prononcé de mémoires, est
une œuvre originale qui confirme que Psellos, loin d’être un simple poly-
graphe, est un authentique écrivain.
La carrière de Psellos s’infléchit de façon décisive quand il est appelé au
palais où il rejoint ses protecteurs ou amis Constantin Leichoudès, Jean
Xiphilin et surtout Jean Mauropous, le plus ancien et le plus important des
trois. L’empereur Constantin Monomaque, qui s’entoure ainsi de lettrés,
témoigne d’un intérêt personnel pour la culture et intervient dans
l’organisation de l’enseignement. C’est lui qui crée le titre de « consul des
philosophes », lui encore peut-être qui institue un « maître des rhéteurs »
(maïstôr tôn rhétorôn), attesté pour la première fois dans les années 1050. Sur-
tout, par une novelle à dater sans doute de 1047, et rédigée par Mauro-
pous, il organise l’enseignement du droit :
Constatant qu’alors que les autres sciences et les autres arts disposent de locaux
et de chaires avec des professeurs rétribués, le droit est défavorisé, il décide
d’instituer nomophylax (gardien des lois) Jean Xiphilin et d’affecter à l’école de
droit (didaskaleion nomôn) des locaux dans le monastère Saint-Georges des Man-
ganes, qu’il vient de construire. Le nomophylax, outre sa charge d’enseignement,
L’enseignement et la culture écrite 363

aura aussi la garde des livres de droit dans la bibliothèque ; sa rétribution


annuelle (quatre livres d’or) est fixée, ainsi que son rang, élevé, dans la hié-
rarchie du palais. L’enseignement dispensé aux élèves est gratuit.
L’intérêt pour le droit, sans être une absolue nouveauté, est particulière-
ment marqué au XIe siècle. Un curieux petit texte [Treu, 850], à dater sans
doute de la fin de ce siècle, le montre bien, en détaillant quelles étaient les
connaissances que devait avoir acquises un étudiant bien formé : la gramma-
tikè, avec les traités de Denys, de Théodose et les commentaires d’Oros et
d’Hérodien ; la rhétorique, fondée sur le corpus hermogénien ; la philo-
sophie, avec l’essentiel des œuvres d’Aristote, puis un quadrivium régulier
(arithmétique, géométrie, musique, astronomie), et enfin avec Platon et les
néo-platoniciens. Le trait spécifique de l’époque est la place faite au droit,
avec, entre autres, les Basiliques, le Code Justinien, certains traités de Garidas
(un professeur de droit du XIe s.) et la Peira d’Eustathe Rômaios (juge au
début du XIe s).
L’action de Monomaque en faveur de l’enseignement ne doit pas être
surévaluée, et l’école de droit qu’il fonde ne semble guère avoir duré
[Weiss, 340, p. 387-420]. Mais, tout comme la personnalité de Psellos et de
ses amis, elle montre la place nouvelle qu’a prise la vie culturelle à Byzance.
Les témoignages sur les écoles se font plus nombreux. À Constantinople
même, cinq établissements d’un niveau au moins secondaire sont attestés.
Leur localisation à la Théotokos des Chalkoprateia, à Saint-Théodore de
Sphorakios, aux Quarante-Martyrs, à la Diakonissa, à Saint-Pierre, semble
témoigner qu’elles entretiennent avec l’Église des relations plus étroites, en
tout cas plus évidentes, qu’aux époques précédentes. Certains maïstores sont
nommés par le patriarcat. Mais il ne s’agit pas d’un monopole et tout laisse
penser qu’on pouvait suivre ailleurs l’enseignement traditionnel dispensé
par les grammatikoi. L’intervention de l’Église, non plus que celle de
l’empereur, n’exclut pas l’enseignement privé et, plutôt qu’à une opposition
anachronique entre ce qui est « public » ou ce qui est religieux et ce qui ne
l’est pas, il faut envisager une situation souple et fluctuante où divers types
d’institutions se combinent.
L’intervention de l’Église, à la fin du XIe siècle, se manifeste en particu-
lier par une plus grande vigilance à l’égard de l’enseignement de la philo-
sophie. Un disciple de Michel Psellos, Jean Italos [Gouillard, 804], nommé
à son tour consul des philosophes, ayant méconnu les limites qu’il convenait
d’imposer à la raison naturelle et le juste rapport entre la philosophie et la
théologie, voit son enseignement condamné tout d’abord de façon anonyme
en 1076-1077. Le synode prononce une série d’anathèmes qui définissent
au mieux quelle est, aux yeux de l’Église, la place de la philosophie et de la
culture profane.
364 Les fondements de la civilisation byzantine

Le synode condamne ceux qui tentent d’expliquer par le raisonnement l’Incar-


nation et l’union hypostatique, ceux qui ressuscitent les erreurs des philosophes
païens sur l’âme et sur le monde ; ceux qui considèrent les lettres profanes, non
comme de simples éléments de formation, mais comme les dépositaires de la
vérité [Reg., 51, no 907].
Cette condamnation, qui est reprise dans le Synodikon de l’Orthodoxie
[Gouillard, 250], et où l’on reconnaît à la fois des éléments proprement pla-
toniciens et une tendance plus générale à accroître l’autonomie de la philo-
sophie, est complétée en 1082 par un second procès où Jean Italos, est
condamné, cette fois nommément, par l’empereur Alexis Ier et par le
synode patriarcal, tandis que les disciples de Jean, souscrivant aux anathé-
matismes, sont acquittés. Le procès d’Italos, sous Michel VII puis Alexis Ier,
témoignerait ainsi d’un durcissement de l’Église que Robert Browning
oppose au développement des « lumières » qui se manifeste à l’époque, ces
deux phénomènes, liés, marquant pour lui le XIe et le XIIe siècle [Brow-
ning, 788].
Le rôle de l’Église dans l’enseignement au XIIe siècle est marqué aussi par
l’existence d’un corps de « didascales » intégrés au clergé de la Grande
Église, dont les trois principaux, enseignant à Sainte-Sophie, sont chargés de
l’exégèse du Psautier, de l’Apôtre, et enfin, pour le « didascale œcumé-
nique », de l’Évangile et font partie des archontes patriarcaux. La structure
de ce corps est désormais mieux connue [Katsaros, 815 ; Loukaki, 825] mais
il reste des obscurités, en particulier sur la nature exacte de leurs fonctions.
Un décret d’Alexis Ier, daté de 1107, pose un problème dans la mesure où,
s’il légifère sur les « didascales » de la Grande Église, il considère ceux-ci
comme des prédicateurs, investis par le patriarche d’une charge purement
pastorale, qu’ils exercent dans les quartiers de Constantinople.
Le dernier éditeur du décret, Paul Gautier [Gautier, 248], considère de ce fait
que le décret d’Alexis n’a rien à voir ni avec les trois didascales du Psautier, de
l’Apôtre et de l’Évangile, ni avec les didascales enseignants. Rien en effet, dans
les termes mêmes du décret, ne laisse entendre que ces personnages soient
impliqués, et Balsamon, se référant au décret, considère lui aussi les didascales
dont il est question comme de simples prédicateurs.
Paul Magdalino, pour sa part, pense que les mesures prises par Alexis
en 1107 et concernant le recrutement, la carrière et la rétribution des
didascales-prédicateurs s’appliquent bien aux douze didascales dont il est
question par ailleurs, même si ce collège a pu évoluer par la suite pour
prendre la forme sous laquelle il nous est connu [Magdalino, 828]. Le
même auteur rappelle le témoignage d’Anselme de Havenberg qui, rappor-
tant les entretiens qu’il eut en 1136 à Constantinople avec Nicétas de Nico-
médie, signale que celui-ci était « le chef des douze maîtres qui, selon
L’enseignement et la culture écrite 365

l’usage des Grecs, dirigent les études aussi bien des arts libéraux que des
Saintes Écritures ». La carrière de certains didascales montre bien à quel
point les institutions de l’Église et celles de l’enseignement peuvent être
imbriquées, tandis que les œuvres conservées attestent de la place que ces
clercs de la Grande Église ont tenue dans l’histoire des lettres au XIIe siècle.
Michel Italikos, né dans la dernière décennie du XIe siècle, enseigne la rhéto-
rique et la philosophie et parmi ses élèves figure en particulier un auteur
important, très caractéristique de l’époque, Théodore Prodrome. Célébré par
ses contemporains comme un « nouveau Platon », Italikos fait partie du cercle
érudit dont s’entoure Irène Doukaina. Ses œuvres conservées, des lettres et des
éloges pour l’essentiel, appartiennent au domaine de la rhétorique. Sans doute
est-il déjà diacre et, à une date inconnue, intégré au corps des didascales. À
Noël 1142, il parvient au sommet de ce corps et devient didascale de
l’Évangile. L’année suivante, il est nommé métropolite de Philippoupolis en
Thrace, un siège qu’il occupe jusqu’à sa mort avant 1157. Nicéphore Basilakès
(1115-1182 env.), l’un des rhéteurs les plus importants et les plus originaux de
l’époque [Garzya, 803], intègre lui aussi le corps des didascales : vers 1140, il
est nommé didascale de l’Apôtre. Impliqué dans une querelle théologique, il
doit toutefois s’exiler en 1156-1157, et sa carrière ecclésiastique se trouve ainsi
entravée.
Un autre personnage joue un rôle important dans le monde intellectuel
de Constantinople. Nommé par l’empereur, le maître des rhéteurs, que
nous voyons souvent entouré de ses élèves, fait figure d’orateur officiel,
chargé chaque année de prononcer l’éloge de l’empereur et celui du
patriarche. Il s’agit fréquemment d’un diacre de la Grande Église, mais rien
n’indique qu’il appartienne au corps des didascales. Le plus célèbre de ces
maïstores est sans doute Eustathe de Thessalonique (1115-1195 env.)
[Wirth, 855].
Professeur « public » (dèmosios didaskalos) et diacre de la Grande Église, où il est
maître des requêtes (épi tôn déèséôn), Eustathe est nommé maître des rhéteurs
en 1168 sans doute et finira sa carrière comme métropolite de Thessalonique,
un siège qu’il occupe de 1174 ou 1177 jusqu’à sa mort vers 1196. Eustathe est
l’un des plus grands érudits de Byzance, et nous lui devons en particulier de très
importants commentaires de l’Iliade et de l’Odyssée, où il thésaurise l’apport
des commentateurs précédents, parfois perdus pour nous. D’autres commen-
taires – sur Pindare, Denys le Périégète, ou sur un canon de Jean Damascène –
se rattachent, comme ceux sur Homère, à son activité de grammatikos. Ses dis-
cours en l’honneur de l’empereur, du patriarche ou de hauts personnages attes-
tent de son activité de rhéteur et certains peuvent être rapportés à l’époque où il
exerce sa charge de maïstôr tôn rhétorôn. À Thessalonique, Eustathe continue à
être actif et productif. Certains de ses écrits, à l’époque, sont liés à ses activités
pastorales. Mais il compose aussi une très intéressante Histoire de la prise de Thes-
salonique par les Normands (1185).
366 Les fondements de la civilisation byzantine

L’exemple d’Italikos ou celui d’Eustathe montre quel est, pour un didas-


cale ou un maître des rhéteurs, le terme habituel d’une carrière réussie :
l’obtention d’un grand siège métropolitain. On s’attendrait à ce que de tel-
les nominations soient, pour ces lettrés, l’occasion d’entrer en contact avec
la province et d’y répandre la culture. Les résultats paraissent médiocres. Si
l’on excepte le cas d’Eustathe à Thessalonique, l’impression d’ensemble qui
se dégage est celle d’un fossé culturel séparant la capitale des villes de pro-
vince. Théophylacte d’Ochrida [Mullett, 835], dans sa ville épiscopale, ou
Michel Chôniatès à Athènes, regrettant Constantinople, se plaignent de la
barbarie et du désert culturel qui les entourent et rien ne montre qu’ils
aient su, là où ils étaient, promouvoir l’enseignement ou la culture.
À Constantinople, la vie culturelle, plus intense que par le passé,
implique des cercles plus larges. Les renseignements dont nous disposons
sur les manuscrits sont d’interprétation difficile. Le patriarche Jean Agapè-
tos (1111-1134) semble avoir veillé à les rendre plus accessibles et plus nom-
breux. Ils restent coûteux, mais leur nombre peut avoir accéléré la circula-
tion des textes. Il ne faut pas oublier non plus que la littérature reste
largement liée à l’oralité et que la lecture à haute voix devant un public
cœxiste avec la lecture silencieuse et privée. Les acteurs de la vie culturelle
se multiplient et le public auquel s’adressent les auteurs s’accroît. L’époque
voit apparaître, à côté des orateurs institutionnels, de véritables hommes de
lettres, vivant de leur activité d’écrivain. C’est le cas de Théodore Pro-
drome [Hörandner, 773], professeur, auteur de poèmes, d’un roman,
d’œuvres rhétoriques et philosophiques, qui n’occupera aucun poste officiel,
mais obtient de son patron impérial un adelphaton à l’Orphanotropheion
fondé par Alexis Ier, celui encore de Jean Tzetzès, accueilli semblablement
au Pantocrator. Si l’empereur ou le patriarche restent les patrons par excel-
lence, capables d’attribuer aux lettrés les postes les plus enviables, d’autres
personnages se font les protecteurs des lettres. Le cas le plus célèbre est
celui d’Anne Comnène, fille d’Alexis Ier, princesse d’une haute culture qui
s’entoure d’un cercle de lettrés [Gouma-Peterson, 181], mais aussi de son
frère Isaac, ou bien encore d’Irène Doukaina, belle-sœur de Manuel Ier,
d’Adrien Comnène, cousin de Jean II, et de puissants personnages comme
Jean Axouch. Le thème du lettré qui, pour survivre, hante les maisons des
puissants, apparaît dans la littérature et l’on a pu parler, pour la Constanti-
nople de cette époque, de l’existence de « salons littéraires ».
Dans la littérature, la rhétorique occupe la première place. C’est elle,
malgré les hommages rendus à la philosophie, qui domine l’enseignement,
et c’est l’éloquence d’apparat qui l’emporte dans la production littéraire. La
masse des textes conservés, encore mal exploitée, est considérable : ceux qui
sont transmis dans le plus célèbre manuscrit de rhétorique byzantine, le Sco-
rialensis Y-II-10, restent encore partiellement inédits. La rhétorique apparaît
L’enseignement et la culture écrite 367

tout d’abord comme un art officiel et le maître des rhéteurs, avec ses élèves,
avait pour devoir, chaque année, de prononcer au palais des éloges en
l’honneur de l’empereur à l’occasion de l’Épiphanie et en l’honneur du
patriarche dans le sékréton du patriarcat à Sainte-Sophie le samedi précédant
les Rameaux [Loukaki, 826]. L’éloquence épidictique, au XIIe siècle beau-
coup plus qu’avant, donne naissance à des textes savants, difficiles, d’une
esthétique baroque, qui désorientent le lecteur moderne et semblent n’avoir
pu dépasser le cénacle très restreint des lettrés qui l’a produite. Pourtant, il
semble que les discours des rhéteurs, liés à l’actualité, aient participé aussi à
la diffusion de l’information sur les grands événements marquant la vie de
l’Empire. Plusieurs textes témoignent d’un engouement du public constanti-
nopolitain pour cet art raffiné, et la rhétorique, art officiel, doit être consi-
dérée aussi, au XIIe siècle, comme l’art à la mode. Mais si importante soit-
elle, elle n’est pas seule. C’est l’ensemble de la vie intellectuelle qui frappe
par sa vitalité. Dans le domaine des sciences, la médecine ou l’astronomie,
très liées à l’astrologie, donnent des signes de renouveau, avec par exemple
l’œuvre de Syméon Seth, déjà mentionnée. Le droit, nous l’avons vu, a
connu un regain d’intérêt au XIe siècle, et c’est à cette époque que nous
devons la Peira, précieux recueil de jugements rendus en particulier par le
juge Eustathe Rômaios. Au XIIe siècle, c’est le droit canon qui est productif
avec les grands recueils de Zonaras et de Balsamon. La théologie est peut-
être moins brillante, mais on peut signaler les œuvres exégétiques de Théo-
phylacte d’Ochrida [Mullett, 835], ou des sommes polémiques comme la
Panoplie dogmatique d’Euthyme Zigabène, tandis que les Difficultés de la sainte
Écriture de Michel Glykas montrent des tendances plus originales. Surtout,
les discussions théologiques de l’époque témoignent de contacts sérieux avec
les Latins. L’étude de la philosophie, qui semblait menacée par la condam-
nation d’Italos, ne s’interrompt pas. La charge de « consul des philoso-
phes », exercée après Italos par Nicétas Kyprianos, puis Théodore Smyr-
naios, disparaît ensuite pour ne reparaître que dans les années 1160 avec
Michel Anchialos, qui sera chargé de lutter contre le renouveau du néo-
platonisme. Mais l’intérêt pour Aristote est attesté par des personnages
comme Théodore Smyrnaios ou bien par le cercle philosophique qui se
réunit, après la mort d’Alexis Ier, autour d’Anne Comnène retirée au
monastère de la Kécharitôménè, et qui comprend Michel d’Éphèse, Eus-
trate de Nicée et peut-être Étienne Skylitzès. Théodore Prodrome, ami de
ce dernier, a appris, pour sa part, de son maître Italikos à vénérer Platon.
Considérée comme le sommet de la science, la philosophie englobe toute
une série de disciplines, celles du quadrivium mathématique, mais aussi les
sciences naturelles.
Du côté de la littérature, le renouveau est sensible et la production est
marquée par une diversité accrue. Dès le XIe siècle, le poids de l’héritage
368 Les fondements de la civilisation byzantine

antique paraît mieux assumé et la création littéraire se déploie plus libre-


ment. Une satire comme le Timarion, au XIIe siècle [Romano, 1091], montre
à quelle perfection a pu mener la mimèsis, en l’occurrence ici l’imitation de
Lucien. À la même époque, la virtuosité des rhéteurs se concilie avec des
créations originales, qui jouent curieusement sur des mélanges de tons et de
genres. Dans la littérature savante, l’histoire suscite une production abon-
dante, souvent d’une grande qualité. Pour ne citer que les exemples les plus
notables, au XIe siècle, la Chronographie de Michel Psellos, qui s’écarte auda-
cieusement des règles observées par les historiens byzantins, est un chef-
d’œuvre d’observation et de finesse ; au siècle suivant, Anne Comnène,
dont les contemporains célèbrent la science, consacre à son père une œuvre
savante et bien documentée, l’Alexiade [Gouma-Peterson, 181] ; Nicétas
Chôniatès, avec sa Chronikè diègèsis, consacrée aux années 1118-1206, écrit,
dans le grec savant caractéristique de l’époque, l’une des œuvres les plus
profondes et les plus marquantes de l’historiographie byzantine [Kazh-
dan, 817]. On voit se développer, fait relativement nouveau, une littérature
d’agrément, dont témoignent, dès le XIe siècle, la satire [Romano, 844], ou
bien encore la réapparition du roman érotique, imité de ses prédécesseurs
d’époque romaine [Roilos, 843]. C’est l’époque aussi où est fixé par écrit
l’un des chefs-d’œuvre de la littérature byzantine, combinant épopée et
roman : Digénis Akritas, dont le héros à la double origine, grecque et arabe,
vit et combat aux frontières de l’Empire, dans l’atmosphère des guerres
incessantes de la fin du IXe et du Xe siècle [Jouanno, 770 ; Odorico, 770].
Le XIIe siècle, avec les poèmes de Glykas et surtout du « Ptochoprodrome »
– sans doute identique à Théodore Prodrome, que son œuvre aux multiples
facettes fait apparaître comme l’un des hommes de lettres les plus caracté-
ristiques de l’époque [Hörandner, 773] – est également marqué par
l’apparition des premières œuvres où le grec quotidien tend à accéder au
statut de langue littéraire.
Le XIe siècle, et plus encore le siècle suivant, apparaissent ainsi, pour
l’histoire de la culture écrite, comme l’époque d’une floraison brillante, en
harmonie avec l’essor économique et les transformations sociales que
connaît l’Empire. Les troubles de la fin du XIIe siècle et surtout la prise de
Constantinople par les Croisés marquent un brutal coup d’arrêt. Mais par-
delà l’Empire de Nicée, le siècle des Comnènes trouvera, dans des circons-
tances nouvelles, un héritier et un continuateur avec la renaissance cultu-
relle qui marque l’époque des Paléologues.
C HA P I T R E X V

L’art
PAR JEAN-MICHEL SPIESER

La période qui fait l’objet de ce volume est, du point de vue de la pro-


duction artistique, riche et contrastée et, à première vue, elle épouse de
près, comme les historiens aiment bien le constater, les vicissitudes de la vie
politique. On part d’une période difficile dans la vie de l’Empire de
laquelle, précisément, survivent peu de monuments, peu de manuscrits, en
général peu de témoignages de la vie culturelle. Puis, après la disparition de
l’iconoclasme, qui empêche une vision bien nette de l’évolution, le nouvel
essor politique de l’Empire se reflète dans un essor de l’activité artistique,
que l’on qualifie encore souvent de Renaissance macédonienne. Les choses
deviennent moins claires par la suite et, par exemple, les moments difficiles
que traverse l’Empire après le milieu du XIe siècle ne se lisent guère dans
un déclin de la production artistique et les XIe et XIIe siècles sont parmi les
plus brillants de l’art byzantin. Pour la simplicité de l’exposé, on s’en tien-
dra à une division chronologique qui est à peu près la même que celle qui
structure l’ensemble de ce volume. Mais, dans la mesure où il est clair que
tous les secteurs n’évoluent pas strictement d’un même pas, on ne
s’étonnera pas que quelques ajustements soient nécessaires. Une première
époque correspond à l’intervalle 650-886, s’achevant à la mort de Basile Ier
et à l’avènement de Léon VI pour regrouper ainsi la période antérieure à
l’iconoclasme, la période iconoclaste et, pour des raisons qui seront justi-
fiées, les premières décennies qui ont suivi le rétablissement des images
en 843. La seconde période englobe donc essentiellement le Xe siècle. On
peut considérer qu’elle s’arrête avec la disparition de Basile II, en 1025. La
troisième va du règne de Constantin VIII à la prise de Constantinople par
les Latins en 1204. Il va de soi que les dates impériales qui articulent cette
subdivision n’ont qu’une valeur approximative et que 886 et 1025 ne sont
qu’une traduction de ce que l’on désigne aussi par des expressions comme
environs de l’an 900 et environs de l’an 1000.
370 Les fondements de la civilisation byzantine

On rappellera d’abord brièvement, période par période, les caractéristi-


ques et les grandes lignes de l’évolution artistique ; puis on examinera, sur
l’ensemble de l’époque étudiée, les grands domaines de l’activité artistique,
ce qui permettra de mettre davantage en valeur certaines continuités
au.delà de quelques grandes ruptures bien connues.

GÉNÉRALITÉS

650- 886

C’est une période qui elle-même peut être facilement subdivisée.


L’historiographie n’a guère pu s’empêcher de donner à l’iconoclasme une
place privilégiée : on a, plus ou moins consciemment, recherché par priorité
dans le siècle précédant les mesures de Léon III ce qui a conduit à
l’émergence de l’hostilité aux images et, symétriquement, dans la période
suivante, on tend à privilégier la rupture avec l’iconoclasme et à mettre en
valeur la nouveauté d’un art qui renaît après un temps de latence.
Les dernières années du VIIe siècle et les premières du VIIIe n’ont pas
permis, à cause de la situation d’ensemble de l’Empire, de dégager les sur-
plus économiques qui auraient permis une importante production artis-
tique. C’est alors pourtant que, dans des textes, on trouve l’expression
d’une manière différente de considérer le Christ, mettant davantage
l’accent sur son humanité, sur les souffrances qui lui étaient liées, que sur le
Christ triomphal si caractéristique de l’époque antérieure [Kartsonis, 903].
Cette nouvelle conception du Christ, qui se prête moins au jeu de
l’homologie avec l’empereur, n’était peut-être pas étrangère aux prises de
position iconoclastes des empereurs, de Léon III en particulier, dont
l’iconoclasme, à la différence de celui de son fils et successeur, Constan-
tin V, ne paraît pas relever d’une théologie très élaborée. Il est inutile de
faire ici un long exposé sur les causes de l’iconoclasme, d’autant plus que la
question reste encore très discutée [Grabar, 895 ; Cutler-Spieser, 879, pour
les sources, Brubaker-Haldon, 868]. Il faut comprendre que l’image a servi
de catalyseur et de nœud à une série de conflits liés à la situation interne et
externe de l’Empire. Le conflit, finalement résolu dans le sens de la tradi-
tion dominante, s’est éteint presque de lui-même lorsqu’il n’avait plus de
raison d’être. Les circonstances dans lesquelles il s’est développé, la violence
des partisans des images après 843, la place que l’iconoclasme a pris dans
l’imaginaire byzantin – ce qui permettait de condamner sans appel qui
L’art 371

pouvait en être accusé – ne permettent de s’en faire qu’une idée très


approximative sur le plan artistique. Il faut rappeler le luxe dont s’entourait
Théophile et ces fameux automates qui, encore au Xe siècle, vont émerveil-
ler les visiteurs de la cour byzantine. Cette période était plus riche et plus
brillante que les rares vestiges conservés ne l’ont fait penser aux historiens
qui, prenant le parti des iconodoules, ont vu dans l’iconoclasme, la menace
d’une victoire de l’Orient barbare sur la tradition hellénique.
La rupture avec la période iconoclaste des premières manifestations artis-
tiques dans les décennies suivantes, les psautiers à illustration marginale
[Corrigan, 875] ou, dans un contexte très différent, le manuscrit des homé-
lies de Grégoire de Nazianze, probablement offert à Basile Ier (Paris. gr. 510 :
Brubaker, 867) n’a sans doute pas la netteté qui lui est traditionnellement
reconnue par les historiens de l’art. La floraison du Xe siècle, la renaissance
macédonienne, comme on dit parfois encore, était au moins bien préparée
par un art impérial très actif sous les empereurs iconoclastes, comme
quelques textes permettent de le deviner.

886- 1025

D’après le nom donné à la dynastie issue de Basile Ier après sa prise de


pouvoir en 867, et qui se prolonge encore un temps dans des conditions dif-
ficiles après la mort en 1025 de Basile II, cette période est traditionnelle-
ment qualifiée de Renaissance macédonienne. On ne refera pas ici
l’historiographie de cette notion : cela obligerait à poser le problème impor-
tant, mais trop long pour être débattu ici, de la perception de l’art byzantin
dans l’Europe des XIXe et XXe siècles [Spieser, 948]. Mais on s’accorde
aujourd’hui à dire que le terme de Renaissance est impropre pour com-
prendre la production artistique du Xe siècle byzantin, même si on ne lui
donne que le sens très général de renouveau (« Renascence » et non
« Renaissance » pour reprendre une expression célèbre d’E. Panofsky).
Même vue sous cet angle, la « renaissance » n’est pas aussi radicale qu’on
ne l’a cru.
Ce n’est déjà pas une période d’extraordinaire floraison architecturale,
même si le type de l’église en croix grecque se développe alors grâce à son
utilisation pour la construction de petites églises privées ou de katholika de
monastères, eux-mêmes le plus souvent privés. La véritable caractéristique
de la production artistique de cette période est la prééminence des objets de
luxe : manuscrits, ivoires, émaux. Ils témoignent d’abord de la volonté de se
rattacher à la tradition du passé de l’Empire. C’est la même démarche qui
372 Les fondements de la civilisation byzantine

a conduit Constantin VII Porphyrogénète a faire composer de véritables


encyclopédies qui recueillent les traditions impériales et un certain nombre
de savoirs. Le luxe de ces objets témoigne aussi d’une volonté d’ostentation
de la richesse qui se manifeste tant par la possession que par l’offrande.
Mais nous ne savons pratiquement rien des conditions de la production
artistique à Byzance. Les objets, comme d’ailleurs les autres œuvres, ne sont
presque jamais signés, en tout cas pas au Xe siècle ; aussi bien les rares ins-
criptions conservées que les sources les plus diverses font connaître qui est
le commanditaire à qui revient non seulement le monument, mais la gloire
de l’avoir fait exister. On a bien identifié toute une série d’attitudes menta-
les liées à la possibilité de disposer de tels objets : il convient de ne pas
oublier un plaisir qui, lui-même, n’est pas de simple nature esthétique, mais
intimement lié à l’idée très présente chez les Byzantins, que les couleurs
vives, l’or étaient un moyen d’accéder à la divinité, une image de
l’illumination (phôtismos) que l’on attendait d’elle [Cutler, 878].

1025- 1204

Pendant presque deux siècles, malgré les difficultés et les drames des
dernières décennies de cette période, des œuvres extrêmement variées et
diversifiées sont produites en abondance. Les notions utilisées par P. Mag-
dalino pour caractériser de manière plus générale l’évolution culturelle et
intellectuelle sous la dynastie des Comnènes permettent aussi d’éclairer ces
manifestations de l’art byzantin. On parlera donc d’une lente évolution qui
n’est pas sans lien avec celle qui est en œuvre en Occident, où l’individu, la
sensibilité personnelle, y compris sous la forme de la dévotion privée, com-
mencent à prendre plus de place et à acquérir une certaine légitimité [Mag-
dalino, 192]. Mais à Byzance, la situation évolue moins vite : l’État byzan-
tin est centralisé, avec un pouvoir dans l’ensemble encore fort, où, malgré
des conflits ponctuels, la solidarité est grande entre l’empereur et le
patriarche. Les innovations n’y ont aucune légitimité et sont facilement
jugées dangereuses. Le procès de Jean Italos est pour le moins symbolique à
ce point de vue et, si l’on a essayé de montrer qu’il n’a pas arrêté l’activité
philosophique, par exemple dans le cercle d’Anne Comnène, il n’en a pas
moins servi d’avertissement et a conduit à empêcher que soient abordées
des questions théologiques à partir de la philosophie. Dans le domaine de
l’art, cette situation entraîne des évolutions en apparence contradictoires
qui vont se côtoyer, parfois se mélanger, de manière à former une synthèse
dont les composantes ne se lisent pas toujours clairement. Une nouvelle
L’art 373

importance est donnée à la subjectivité, mais la liturgie aussi est davantage


à prendre en compte. Dans le programme décoratif des églises apparais-
sent, au XIIe siècle, de nouvelles scènes représentatives de cet état de faits :
le thrène, qui peut et doit s’interpréter à la fois comme le signe d’une atten-
tion particulière portée à la sensibilité [Maguire, 911] mais qui est aussi
porteur d’une signification théologique, l’importance donnée à l’humanité
du Sauveur ; le mélismos [Babiç, 857], scène éminemment liturgique, puis-
qu’elle montre le Christ sous la forme d’un enfant à la place du pain de
l’Eucharistie, fait aussi comprendre, par son emplacement qui en fait une
« image secrète » la légitime distinction entre le clergé et les laïcs.
De manière homologue, en même temps que se répand l’usage des
icônes, signe du développement d’une dévotion privée, l’importance donnée
au calendrier liturgique et aux images qui le rappellent, peut être consi-
dérée comme une tentative de contrôle de cette dévotion. C’est sans doute
ainsi que ceux que P. Magdalino a appelés les gardiens de l’orthodoxie
[Magdalino, 192] ont essayé de garder le contrôle d’une évolution que les
événements qui conduisent à la prise de la Ville en 1204 et la prise elle-
même empêcheront définitivement d’aboutir. Cette situation contribue cer-
tainement, même après le rétablissement de l’Empire à Constantinople, à
accroître en profondeur l’isolement culturel du monde byzantin.

LE S G R A N D S D O M A I N E S A R T I S T I Q U E S

Bien qu’il soit artificiel du point de vue du déroulement de l’histoire de


séparer les différents aspects d’une culture artistique en fonction des techni-
ques et des matériaux et de ne pas présenter une série de tableaux synchro-
niques cohérents, ce mode d’exposition permettra ici de mettre en valeur
d’autres continuités et d’autres évolutions.

L’ARCHITECTURE

Les quelques informations plus précises que nous avons sur la fin
du VIIe et le début du VIIIe siècle concernent l’architecture civile et mili-
taire : réparations aux remparts de Constantinople, réfection, toujours à
Constantinople, de l’aqueduc dit de Valens dont C. Mango a montré qu’il
fallait sans doute l’attribuer à l’empereur Hadrien [Mango, 571]. Cet
374 Les fondements de la civilisation byzantine

aspect essentiellement utilitaire de l’architecture se laisse suivre tout au long


de la période traitée. Il n’est pas possible de l’exposer en détail, d’autant
plus que de véritables synthèses sur ce sujet manquent. Ce qui est le mieux
ou le moins mal connu, ce sont encore les fortifications. Les remparts des
grandes villes continuent bien évidemment à être entretenus ; on le sait
essentiellement par celles dont les remparts paléochrétiens ont été étudiés,
par exemple Constantinople, Nicée, Thessalonique. Parfois, des change-
ments considérables dans l’extension de la ville ont entraîné une et même
plusieurs campagnes de construction importante. Pergame en fournit un
exemple caractéristique [Klinkott, 906]. Les nombreuses fortifications qui
s’élèvent à travers tout le territoire – les fluctuations de la frontière, mais
aussi le système défensif de l’Empire, sont responsables de cet état de fait –
commencent seulement à être très partiellement connues à travers le résul-
tat de prospections et de quelques études régionales [Foss, 404].
Les techniques n’ont pas fondamentalement changé depuis l’époque
paléochrétienne, reposant toujours, pour l’essentiel, sur l’usage de la brique,
du moellon, parfois de la pierre de taille et du mortier. Des variations dans
les parements donnent dans certains cas des indications pour une datation.
Les mêmes techniques, sous une forme plus modeste, plus simple, avec
aussi une plus grande utilisation du bois et de l’argile comme mortier, se
retrouvent dans les rares maisons byzantines qui ont été fouillées, maisons
villageoises ou de petite ville comme Pergame, qui ne présentent guère de
différence avec des maisons villageoises [Rheidt, 940]. Mais nos connaissan-
ces restent encore très fragmentaires. Les sources documentaires, en parti-
culier les archives de l’Athos, donnent quelques indications supplémentaires
ponctuelles sur les maisons de Thessalonique [Giros, 539], mais il n’est pas
téméraire de supposer que l’évolution dans ce domaine n’a pas dû être très
importante.
Nous en savons encore moins sur les demeures des grands magnats, que
ce soit dans les villes ou sur leurs terres [Magdalino, 633]. Elles sont
connues davantage par des descriptions littéraires dont certaines nous
entraînent au-delà des limites du réel, comme celles du palais habité par le
héros du Digénis Akritas. Des renseignements plus ou moins disparates se
trouvent dans la littérature hagiographique, mais celle-ci ne se préoccupe
guère des détails les plus concrets qui pourraient intéresser un historien de
l’architecture, et, le plus souvent, dans les sources écrites, un décor peint
retient davantage l’attention que la structure de la demeure elle-même.
L’architecture des palais impériaux ne fait pas exception. Seules les sources
écrites nous parlent des transformations que le Grand Palais a subies sous
les Macédoniens, sous Basile Ier en particulier. Nous ne connaissons pas
mieux le Palais des Blachernes, dont les Comnènes font peu à peu leur rési-
dence familiale, tout en laissant son rôle officiel au Grand Palais.
L’art 375

Il est donc bien difficile dans le domaine de l’architecture profane de


mettre en évidence une évolution et il n’est pas surprenant que les histoires
de l’architecture byzantine fassent une place plus importante à l’histoire de
l’architecture religieuse pour laquelle des témoins bien plus nombreux nous
sont parvenus.
Pour les églises et les monastères aussi, le VIIe siècle reste un siècle où
l’on construit peu ; la situation économique difficile, les incertitudes d’une
époque troublée par les guerres, suffisent à expliquer ce ralentissement. On
n’oubliera pas non plus au nombre de ces causes, le déclin démographique
dû à ces mêmes guerres, mais aussi à la peste récurrente depuis l’époque de
Justinien. C’est pourtant la période où s’achève une évolution qui a com-
mencé au VIe siècle, l’utilisation quasi systématique de la coupole dans
l’architecture byzantine. La basilique paléochrétienne traditionnelle, celle
que l’on appelait encore il y a quelques décennies « basilique hellénis-
tique », avec ses colonnades qui aboutissaient à une grande abside, disparaît
de l’architecture byzantine, du moins sous sa forme la plus monumentale.
Les historiens de l’architecture ou les archéologues continuent à utiliser le
terme de basilique pour de petites églises de campagne, le plus souvent à
une seule nef, parfois, mais pas toujours, couvertes d’une voûte en berceau.
Cet usage ne doit pas masquer le fait qu’il s’agit désormais d’édifices très
différents des monumentales basiliques paléochrétiennes : ce sont des édifi-
ces modestes, petites églises de villages ou simples chapelles privées. Il existe
pourtant quelques exceptions où l’on peut parler de petites basiliques à trois
nefs postérieures à la période paléochrétienne (M. Altripp, Die Basilika in
Byzanz, thèse d’habilitation, Université Ernst-Moritz-Arndt de Greifswald,
2003).
Les seuls édifices véritablement monumentaux dont on peut supposer la
construction entre le VIIe et le milieu du IXe siècle sont quelques basiliques à
coupole, pour lesquelles Sainte-Sophie de Constantinople n’est qu’un
modèle approximatif. Mais ni Sainte-Sophie de Thessalonique [Theohari-
dou, 953], ni la Dormition de Nicée, ni Sainte-Sophie de Vize [Ötüken,
Ousterhout, 929] ne sont datées avec précision, tout comme quelques
autres édifices qui en sont relativement proches par le plan et l’élévation.
Sainte-Irène de Constantinople, dans son état du milieu du VIe siècle, est la
plus ancienne de la série, un peu à part des autres, à la fois par son plan et
par la bonne connaissance que l’on a maintenant de son histoire [Pes-
chlow, 937]. Ces églises ont en commun d’avoir encore une véritable nef,
dominée par une coupole, elle-même soutenue de tous les côtés par de
puissantes voûtes en berceau. Elles sont encore très monumentales et
contrastent à ce point de vue avec les églises de moindre dimension cons-
truites postérieurement. Ce n’est pas un hasard si une partie d’entre elles
sont des églises épiscopales, remplaçant dans bien des cas, par exemple à
376 Les fondements de la civilisation byzantine

Sainte-Sophie de Thessalonique, une basilique paléochrétienne qui avait


déjà la même fonction.
Les indications certaines de la reprise d’une activité architecturale sur
une plus grande échelle n’apparaissent que dans la seconde moitié du
IXe siècle : l’église de Skripou de 876 en est l’exemple le plus ancien daté de
manière sûre et conservé. Par sa fonction et par les circonstances de sa fon-
dation plus que par sa forme, qui restera exceptionnelle, l’église de Skripou
dédiée à la Dormition de la Théotokos, à saint Pierre et à saint Paul,
annonce plusieurs caractéristiques importantes de l’architecture byzantine
médiévale. Église privée construite sur ses terres par un haut dignitaire
occupant un poste à Constantinople, elle était destinée à augmenter son
prestige dans ses domaines et, sans doute, à donner une plus grande légiti-
mité à ses possessions [Oikonomidès, 928]. Désormais, les nouvelles fonda-
tions sont, pour l’essentiel, le fait d’initiatives privées ou monastiques, les
deux d’ailleurs étant souvent confondues. Il est inutile de rappeler ici les
conséquences de cette situation sur les conflits ainsi provoqués sur la nomi-
nation et le contrôle du clergé qui desservait ces églises (Thomas, 764). La
multiplication des fondations privées explique la floraison de petits sanctuai-
res, destinés à accueillir des liturgies privées ou, tout au plus, les moines
d’un monastère. Deux exemples constantinopolitains du début du Xe siècle
subsistent, l’église de Constantin Lips (Fenar Isa Camii), et l’église du Myré-
laion (Bodrum Camii). La deuxième est devenue un exemple souvent cité
par les manuels pour montrer un plan type d’église en croix grecque ins-
crite dans un carré [Striker, 951], c’est-à-dire un plan organisé autour
d’une coupole centrale soutenue par quatre bras de longueur égale, précédé
à l’ouest d’un narthex et débouchant sur un sanctuaire, le plus souvent à
trois compartiments. La première fut transformée, lorsque vers 1300, Théo-
dora Paléologina, veuve de Michel VIII, restaura le monastère en adjoi-
gnant une nouvelle église au sud de celle du Xe siècle ; mais son étude a
néanmoins permis de montrer l’importance des chapelles multiples, corres-
pondant en principe à plusieurs dédicataires dont chacun bénéficiait d’un
autel [Curci8, 876]. L’église un peu plus ancienne, liée au Palais impérial,
appelée la Néa et construite par Basile Ier, qu’on ne connaît plus que par
des sources littéraires, était dédiée au Christ, à la Théotokos, à l’archange
Michel, au prophète Élie et à saint Nicolas. Elle devait elle aussi com-
prendre plusieurs chapelles : on peut restituer un plan où, dans les angles,
entre les bras de la croix, à l’est comme à l’ouest, des chapelles ont été
isolées. Une telle disposition est confirmée par des monuments conservés,
par exemple, au XIe siècle, par les chapelles occidentales du katholikon de
Hosios Loukas en Phocide.
Mais le Xe siècle ne semble pas connaître un essor architectural notable :
il n’y a pas de vestiges témoignant d’une politique impériale d’envergure.
L’art 377

A Constantinople, dans la ville même, les souverains ont surtout restauré des
églises plus anciennes ; il n’y eut, du moins selon les sources, de constructions
neuves qu’en relation avec le Palais : outre la Néa déjà citée, l’église de la
Theotokos du Pharos mérite de retenir l’attention, car elle devint une véri-
table chapelle palatine abritant les reliques les plus précieuses réunies autour
de l’empereur.
L’architecture se renouvelle davantage au XIe siècle. La diversité des
plans redevient plus grande. Même si la structure fondamentale reste celle
de la croix grecque, elle apparaît sous un certain nombre de variantes. On
trouve ainsi à nouveau des églises tétraconques, où tous les bras de la croix
se terminent par une abside. L’exemple le mieux connu est celui de la
petite église des Saints-Apôtres, élevée aux environs de l’an 1000 sur
l’ancienne agora d’Athènes [Frantz, 889].
L’innovation la plus spectaculaire et qui a provoqué de nombreuses dis-
cussions sur ses origines, est constituée par les églises à trompe d’angle, plan
attesté deux fois en Grèce, entre le début et la fin du XIe siècle pour
d’importantes églises monastiques (il sera exceptionnellement réutilisé plus
tard, aux XIIIe et XIVe siècles, toujours en Grèce, sans aucun doute à cause
du prestige des exemples les plus anciens qui servaient de modèle). Dans ces
églises, les pendentifs qui, au moins depuis Sainte-Sophie de Constanti-
nople, étaient utilisés dans l’architecture byzantine pour passer du carré,
formé par les piliers, au cercle de la coupole, sont remplacés par des trom-
pes d’angles, que l’on pourrait définir comme des niches en cul-de-four,
placés sur l’angle de piliers en G. L’élargissement du diamètre de la coupole
est permis moins par le remplacement des pendentifs par les trompes
d’angles que par l’utilisation de piliers à la place de colonnes pour porter le
poids de la coupole. Il est aussi difficile de préciser l’origine de cette tech-
nique (l’Arménie, où des trompes sont utilisées couramment, mais construi-
tes sur un principe différent, a souvent été citée) que de comprendre pour-
quoi elle a été aussi peu employée. Le katholikon du monastère de Hosios
Loukas en Phocide est construit, sous sa forme actuelle, vraisemblablement
dans la première moitié du XIe siècle, mais ni les circonstances ni la date
précise de sa construction ne sont claires. On a proposé de voir, dans la
construction ou le décor du katholikon, une intervention de Constantin IX
Monomaque [Mylonas, 924 ; Oikonomidès, 927]. Le monastère de Daphni
est daté, essentiellement d’après les mosaïques de son katholikon, des envi-
rons de 1100, mais il n’existe aucune autre indication ni sur sa date ni sur
son fondateur. Ces deux monuments, qui sont assez exceptionnels, sont
ainsi les témoins d’une monumentalité nouvelle, encore soulignée par la
richesse du décor pictural sur lequel nous reviendrons.
Un élargissement de l’espace intérieur semble dès lors une priorité pour
les églises d’un certain niveau. Un exemple original en est la Néa Moni de
378 Les fondements de la civilisation byzantine

Chios, fondation de Constantin IX Monomaque, dont la coupole s’appuie


directement sur les murs extérieurs, grâce à des trompes dont la conception
est proche de celle de Hosios Loukas ou de Daphni. Elle a peut-être un
modèle constantinopolitain, Saint-Georges des Manganes, autre fondation
du même empereur. Sous des formes variées, la même tendance apparaît
tout au long du XIIe siècle, par exemple, en dehors de Constantinople, dans
l’église d’Enez, en Thrace, qu’on ne sait pas autrement identifier [Ouster-
hout, 930]. À Constantinople même, les édifices les plus remarquables sont
les églises du monastère du Christ Pantocrator, la grande fondation des
Comnènes où la dimension d’une coupole portée par de simples colonnes
est poussée à une limite extrême. L’église, longtemps désignée uniquement
sous son nom turc de Kalenderhane Camii, mais identifiée maintenant avec
le monastère de la Kyriotissa, est une des plus imposantes de son époque et
fut longtemps prise pour une basilique à coupole, bien plus ancienne. C’est
également du milieu du XIIe siècle que date la reconstruction du monastère
de Chôra par Isaac Comnène, fils d’Alexis Ier, auquel on doit aussi le
monastère de la Kosmosôteira à Pherrai (Vira), en Thrace, dont le katholi-
kon est conservé [Ousterhout, 931 ; Sinos, 945].
À travers cette énumération, on perçoit l’importance des fondations
impériales qui sont désormais essentiellement de grands monastères riche-
ment dotés de terres. Aux exemples déjà cités, il faut encore ajouter le
monastère de la Théotokos Péribleptos, fondé par Romain III Argyre
(1028-1034) [Mango, 917]. Ces fondations impériales ne sont qu’un cas
particulier des nombreuses fondations faites, comme celle de Skripou men-
tionnée ci-dessus, par des personnages plus ou moins importants, et
l’ampleur de leurs constructions était bien sûr proportionnée au niveau de
leur fortune [Mango, 915]. Elles avaient des motivations complexes qui
nous apparaissent à travers les typika conservés [Galatariotou, 714 ; Thier-
meyer, 954 ; Thomas - Constantinides-Hero, 80]. Ce choix du monastère
pour des fondations de prestige, en dehors des motivations économiques
dont il sera question ailleurs dans ce livre, est lié au rayonnement du mona-
chisme, qui l’emporte largement sur celui des évêques. Les grands monas-
tères athonites, fondés à partir de la fin du Xe siècle, relèvent du même
mouvement [Steppan, 950].

LA PEINTURE MONUMENTALE RELIGIEUSE ET LES ICÔNES

L’évolution de la peinture est rythmée par des césures plus marquées


que celle de l’architecture. Peinture monumentale et icônes doivent ici être
associées, car elles sont toutes les deux concernées de près par le débat sur
L’art 379

l’image lié à l’iconoclasme (les miniatures dans leur ensemble seront traitées
plus loin avec les arts somptuaires, même si certains manuscrits devront
être mentionnés dans cette partie).
Les dernières décennies du VIIe siècle et les premières du VIIIe
n’apportent pas d’innovation marquante par rapport à celles qui ont été
décrites pour la fin de la période précédente. De plus, le petit nombre de
monuments construits explique l’absence de décor peint attesté pour cette
période et c’est bien l’iconoclasme qui domine ce que l’on peut dire sur
l’évolution de la peinture byzantine jusqu’en 843. On ne peut guère faire
autrement, même si l’évolution est plus fine qu’un tel découpage ne le laisse
entendre, que de donner une place à part à la période des empereurs ico-
noclastes, mais de subtiles continuités existent avec la fin du IXe siècle où,
par ailleurs, on retrouve des évolutions qui avaient commencé avant 730.
Le Xe siècle constituera une autre période qui présente une réelle unité du
point de vue de la peinture ; une troisième partie enfin sera consacrée à la
lente, mais profonde évolution des XIe et XIIe siècles.

L’icon oclasme
Il paraît inutile de refaire ici une chronologie des différents moments de
l’iconoclasme. Mais avant d’aborder les questions fondamentales qui sont
alors soulevées sur la légitimité des images religieuses, il convient de rappe-
ler que, malgré ce que des interprétations modernes ont parfois laissé
croire, la période dite iconoclaste – au sens strict du mot, de 730 à 787,
puis de 814 à 843 – n’est pas une sorte de période barbare où toute culture
aurait été méprisée. En ne se plaçant qu’au seul point de vue de l’histoire
de l’art, les diatribes même des partisans des images montrent l’existence
d’un art dont les empereurs eux-mêmes étaient les commanditaires. Il s’agit
d’un art profane, mal connu, comme pour les époques postérieures, mais
qui s’inscrivait nécessairement dans une continuité, d’autant plus que les
empereurs iconoclastes tenaient fondamentalement à se situer dans le pro-
longement de l’Empire des siècles passés et à se rattacher à sa gloire. Leurs
adversaires insistent sur le fait que de tels décors, d’allure profane, mon-
trant des scènes de chasse, des animaux, étaient aussi utilisés dans les égli-
ses, ce qui devait, dans l’esprit des iconodoules, prouver l’impiété des empe-
reurs iconoclastes. Aucun de ces décors n’est évidemment conservé, mais il
n’est pas sûr qu’ils aient été sensiblement différents d’ensembles d’images
tels qu’on les connaît pour des pavements de basiliques paléochrétiennes.
Déjà pour ces exemples anciens, la fonction et l’interprétation posent pro-
blème : on a montré récemment quels critères permettaient de supposer
une signification symbolique ou au contraire une fonction plus ou purement
380 Les fondements de la civilisation byzantine

décorative [Maguire, 740] ; pour les décors d’époque iconoclaste mention-


nés dans ce contexte, la question doit se poser dans les mêmes termes : une
interprétation symbolique doit au moins avoir été possible dans certains cas
[Spieser, 946] ; dans les autres cas, il pouvait s’agir d’images « neutres »,
c’est-à-dire purement décoratives, mais elles n’étaient d’aucune manière
l’expression de l’impiété supposée des empereurs iconoclastes, comme leurs
adversaires faisaient semblant de le croire, même si Constantin V a vrai-
ment, comme des sources iconodoules le disent, remplacé dans le Milion
des représentations de conciles par des images de courses de chars. Il
retrouvait, là aussi, une ancienne symbolique impériale. Mais il ne reste
rien de tout cela ; seuls quelques objets de luxe sont parfois mis en rapport
avec cette période, sans d’ailleurs que ces attributions soient vraiment sûres.
On a suffisamment dit qu’il était difficile de comprendre la doctrine des
iconoclastes dans la mesure où celle-ci ne nous était parvenue que mutilée
et déguisée, peut-être caricaturée par leurs adversaires. La situation paraît
pourtant moins désespérée si l’on veut bien admettre que décisions et
débats politiques s’appuient sur des systèmes d’idées, pour ne pas dire
d’idéologies, mais n’en sont en général pas le simple reflet. À défaut donc
de savoir exactement ce que les empereurs iconoclastes pensaient des ima-
ges, on peut au moins saisir où ils voulaient en venir. Le combat mis en
avant, en l’occurrence le débat sur les images, malgré l’importance qu’il
revêtait, n’était pas nécessairement la seule fin visée, même si l’on a mis en
évidence l’existence d’un réel débat sur les images signifié par le canon 82
du concile Quinisexte, encore appelé in Trullo [Barber, 860].
Un des soucis de Léon III et de Constantin V était de rétablir l’autorité
impériale et de se rattacher à la tradition romaine. On devine assez bien
comment une assimilation a pu se faire, dans l’esprit de Léon III, entre une
sincère réticence devant les images du Christ et une inquiétude devant des
images religieuses qui se multipliaient, de plus en plus manipulées par des
moines qui avaient une certaine indépendance de parole vis-à-vis du pou-
voir séculier. On comprend comment Léon III a pu ressentir la popularité
des images religieuses comme un phénomène qui faisait de l’ombre à
l’image de l’empereur qui, dans le passé, était le support de la reconnais-
sance du pouvoir impérial. C’est à partir de telles réflexions que l’empereur
a dû construire sa décision d’intervenir dans le domaine des images ; Cons-
tantin V a, plus tard, construit une doctrine beaucoup plus élaborée théolo-
giquement. L’iconoclasme s’est construit par réaction au développement du
culte des images, mais, paradoxalement, en mettant au premier plan des
discussions le pouvoir de l’image, qui faisait de toute image une idole en
puissance. Le caractère sacré de l’image en reçoit comme une nouvelle légi-
timité qui finira par triompher. De ce point de vue, le développement de
l’iconoclasme, loin d’être une tentative, qui aurait échoué, d’entraîner le
L’art 381

monde byzantin dans une nouvelle voie éloignée de la tradition gréco-


romaine, serait plutôt une sorte de crise provoquée par une évolution mal
acceptée, mais qui, à travers cette crise et malgré une volonté de retour en
arrière, finit par arriver à son terme.

Le Xe siècle

Après l’iconoclasme, de nouvelles images n’apparaissent que très pro-


gressivement dans les églises. La première qui est conservée et que l’on
connaît aussi par les textes, est la Théotokos de l’abside de Sainte-Sophie à
Constantinople, inaugurée en 867. On mentionnera ensuite deux églises
décorées de mosaïques et connues par des sermons de Léon VI [Fro-
low, 891]. Mais notre connaissance de la peinture monumentale du
Xe siècle est très fragmentaire. Elle repose essentiellement sur les fresques
des églises rupestres de Cappadoce [Jolivet-Lévy, 900 ; 901 ; Thierry, 956]
– on trouvera, dans ces ouvrages les références antérieures essentielles sur
les peintures de Cappadoce. Cela ne va pas sans poser problème dans la
mesure où ce que nous connaissons des églises de Cappadoce ne corres-
pond pas très bien aux décors suggérés par les sermons de Léon VI, qui
eux, annoncent, pour un exemple au moins, des décors qui vont se déve-
lopper plutôt au XIe siècle. La plupart des églises, connues traditionnelle-
ment sous l’appellation d’églises archaïques, se différencient sur plusieurs
points de ce que l’on appelle souvent le décor « classique » des églises
byzantines. L’élément le plus important est le décor de l’abside, où l’on
retrouve le plus souvent un Christ en Majesté, entouré des Quatre Vivants
de la Vision d’Ézéchiel et de Puissances célestes [Jolivet-Lévy, 900]. Ce
décor prolonge ainsi les absides paléochrétiennes où le Christ était repré-
senté en tant qu’image de Dieu. La Théotokos et le Prodrome sont parfois
présents dans cette scène. Ils sont représentés tous les deux en tant que
témoins privilégiés de la divinité du Christ. C’est bien là la signification pri-
mitive du groupe formé par le Christ, la Théotokos et saint Jean, auquel les
historiens d’art à la fin du XIXe siècle ont donné le nom de Déisis [Wal-
ter, 964]. Le décor de l’abside se réduit parfois à ces trois personnages,
mais les exemples antérieurs au XIe siècle paraissent rares. La scène va peu
à peu changer de signification et finira, à une date plus tardive, par signifier
l’intercession de la Vierge et du Prodrome auprès du Christ.
Dans les églises les plus caractéristiques, comme l’église ancienne de
Tokali, les Saints-Apôtres de Sinasos, Saint-Jean de Gülü Dere, les cycles
de la vie du Christ sont assez détaillés, mais, avec quelques exceptions, ils
accordent une place importante à l’Enfance et à la Passion et, souvent, un
petit cycle du Baptême s’y trouve développé. Les miracles en revanche ne
382 Les fondements de la civilisation byzantine

sont que très exceptionnellement représentés. Ces cycles ne coïncident pas


vraiment avec des cycles plus anciens et il ne paraît pas nécessaire de cher-
cher leur origine dans un Orient ou dans un art provincial opposés à Cons-
tantinople. En particulier, dans ces églises apparaît une mise en place des
scènes radicalement différente de ce qu’elle était à l’époque paléochré-
tienne : elles sont disposées circulairement autour de l’édifice et non plus,
parallèlement, de part et d’autre de l’espace principal. Cela s’observe aussi
bien dans les églises à une seule nef que dans des églises en plan à croix
grecque. Il est difficile de dire, en raison du manque de décors conservés
dans la période antérieure, à quand précisément remonte cette évolution,
mais elle s’observe déjà dans le décor dû à Jean VII (705-708) du sanctuaire
de Santa Maria Antica à Rome [Nordhagen, 925] : la très grande majorité
des églises byzantines postérieures sera décorée sur ce modèle, même
lorsque le choix des scènes sera différent. Le lien avec le passé se lit bien
dans le décor des absides à travers la présence des images du Christ déri-
vant des visions prophétiques qui prolongent des images paléochrétiennes.
On pourrait même supposer que si, à une date un peu postérieure, les
représentations de Déisis sont assez fréquemment attestées en Cappadoce,
elles dérivent des représentations des visions prophétiques enrichies par la
présence de la Théotokos et du Prodrome et que ces deux dernières figures
vont suffire pour signifier la divinité du Christ. La présence de cette scène
sur des triptyques d’ivoire du Xe siècle fabriqués à Constantinople devrait,
là aussi, rendre méfiant vis-à-vis de l’idée que la présence de cette image
dans les absides cappadociennes est un phénomène purement provincial.
Mais cette évolution est d’autant moins aisée à suivre que, assez
rapidement, la Déisis signifiera l’intercession, comme indiqué ci-dessus, si
bien qu’elle sera fréquemment employée dans les absides de chapelles
funéraires.
Lorsque le Christ est représenté dans la coupole, c’est la Théotokos qui
occupe la conque de l’abside. La forme sous laquelle le Christ est représenté
dans son nouvel emplacement varie encore et il faut, là aussi, voir la trace
d’un lien avec le passé. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’utilisation de
l’Ascension comme décor de la coupole à Sainte-Sophie de Thessalonique,
sans doute en 885, en tout cas dans le dernier quart du IXe siècle. Ce thème
cherche sa place, pourrait-on dire, entre l’abside et la coupole, comme
d’ailleurs les images du Christ elles-mêmes. On est renvoyé à la signification
ambiguë des images de l’Ascension qui tendent à montrer au moins autant
un Christ dans sa gloire divine que l’Ascension dans son processus historique.
Cela a été bien montré pour une époque antérieure à propos des absides de
Baouît, mais cette signification ne doit pas être complètement écartée ou
oubliée lorsque l’Ascension est utilisée dans des absides comme dans la Pana-
gia Drosianè de Naxos [Drandakès, 884] ou dans la Rotonde de Thessalo-
L’art 383

nique. Là encore, il ne peut pas être question de parler de phénomène pure-


ment provincial, dans la mesure où nous savons, par l’Anthologie Palatine, que
l’Ascension figurait aussi dans la coupole de l’église de la Théotokos tès Pègès
à Constantinople. Un autre exemple de ces hésitations se lit dans la coupole
de l’église de la Transfiguration à Koropi (Attique), que l’on s’accorde à
dater des environs de l’an mil, où le Christ est représenté dans la coupole
sous la forme habituelle du Pantocrator, mais entouré des Puissances célestes
et des Vivants qui l’accompagnaient dans les absides.
Le tableau est donc bien décousu sinon contradictoire, entre des monu-
ments conservés qui présentent des particularités difficiles à interpréter et
des textes d’origine constantinopolitaine montrant au contraire une image
familière et donnant l’impression que le décor majoritaire à partir du
XIe siècle l’est déjà au Xe. Le tableau rapide que j’ai essayé de donner veut
suggérer que nous observons les traces d’une évolution qui, dans le détail,
nous échappe. Des observations analogues pourraient être faites du point
de vue stylistique : trop peu subsiste des mosaïques ou, plus généralement,
de la peinture pariétale constantinopolitaine pour en tirer des conclusions
sûres. La Théotokos de l’abside de Sainte-Sophie de Constantinople était
tellement exceptionnelle qu’on ne peut pas l’utiliser comme terme de com-
paraison. Les seuls vestiges utilisables sont donc essentiellement les quelques
figures, un peu postérieures, de patriarches de Constantinople conservés sur
le mur Nord de la même église. Un autre élément de réflexion intéressant
est donné par la ressemblance entre des figures de l’Ascension de Thessalo-
nique et certaines représentations dans le groupe des églises « archaïques »
de Cappadoce. Un style simple et ne montrant pas les personnages dans
des attitudes souples et vraisemblables n’est pas nécessairement caractéris-
tique d’une province reculée.

Les XIe-XIIe siècles


Ce n’est qu’au XIe siècle que ce que l’on a appelé le décor byzantin
classique se déploie vraiment. On manque encore d’un corpus systématique
qui permettrait de rendre compte de toutes les variations, mais on peut par-
tir de la Panagia tôn Chalkeôn de Thessalonique, datée de 1028, qui four-
nit ainsi un bon repère chronologique ; les monuments les plus prestigieux
de la Grèce du XIe siècle, Hosios Loukas en Phocide, la Néa Moni de
Chios, Daphni près d’Athènes, sont à considérer ensuite puisque, de nou-
veau, les monuments constantinopolitains font défaut. Un certain nombre
de caractères, qui permettent une vue d’ensemble sur la question de
l’évolution des décors, apparaissent alors mais ils laissent en suspens une
compréhension claire de l’évolution du style. Pourtant, sur l’ensemble de la
384 Les fondements de la civilisation byzantine

période considérée, on dispose de quelques indications sûres, comme


l’évolution, à partir du milieu du XIIe siècle, vers le style très linéaire dit
tardo-comnène, dont l’exemple le plus caractéristique est donné par Saint-
Georges de Kurbinovo [Hadermann-Misguich, 898]. L’aspect spectaculaire
de ce style a d’ailleurs longtemps caché l’existence, dès la fin du XIIe siècle,
d’un style beaucoup plus calme et pictural [Mouriki, 921].
Il paraît admis maintenant que le décor des églises byzantines était
conçu comme une sorte de complément de la liturgie : par ses qualités
esthétiques, il doit créer le cadre adéquat à la réception de la liturgie [Spie-
ser, 947 ; Walter, 963]. Pour cela, il doit être apte à donner au fidèle
l’impression qu’il est transporté dans un monde céleste qui l’entoure et où
sont représentés les moments éternellement vrais de l’histoire du Salut. Son
foyer se confond avec le foyer de la liturgie, c’est-à-dire le sanctuaire [Sin-
ding-Larsen, 943]. Partie la plus sacrée, c’est aussi celle dont le décor va, à
cause de ce caractère sacré, le moins évoluer, mais dont, pour cette raison
même, les transformations sont nécessairement significatives. Rappelons-en
les principaux éléments. La Théotokos est représentée dans la conque de
l’abside : c’est à elle que s’adressent les prières pour lesquelles elle sert
d’intercesseur, elle qui est le premier être humain à avoir réalisé l’économie
du Salut et être montée auprès de Dieu. Elle surmonte la Communion des
Apôtres qui va se généraliser : distinguée dans l’iconographie byzantine de
la scène du Dernier Repas du Christ, elle est le modèle de la célébration
eucharistique qui se déroule dans le même espace du sanctuaire. À cette
célébration est associée l’Église depuis ses origines par les représentations
des saints évêques, les Pères de l’Église qui avaient rempli cette fonction,
autour de Basile et de Jean Chrysostome, les auteurs de la liturgie byzan-
tine. Le prêtre célébrant est ainsi inclus de manière visible dans la tradition
de l’Église. Cette proximité sera encore davantage affirmée lorsque, à la fin
du XIIe siècle, apparaît la scène du mélismos, montrant les évêques officiant.
L’autel est surmonté par l’Ascension de manière à rappeler que, par le
sacrifice célébré dans l’Eucharistie, c’est la nature humaine qui est sauvée,
puisque dans l’Ascension, le Christ monte au Ciel avec sa nature humaine.
À l’autre extrémité de l’église, le narthex, aux fonctions plus diverses,
moins chargé de sacré, reçoit des décors plus variés. Le rapport avec les
actes liturgiques qui y sont célébrés se laisse entrevoir : la fonction funéraire
du narthex des églises monastiques en particulier a des échos dans le
décor ; la présence fréquente du Lavement des Pieds est à mettre en rela-
tion avec le rite pratiqué par l’higoumène le jeudi saint ; les représentations
du Baptême s’expliquent de même manière par la célébration de baptêmes
dans le narthex ou par le rite de la bénédiction des eaux.
L’espace central, le naos, est dominé par une coupole, qui, de manière
quasi constante, est occupée par une image du Christ Pantocrator, mon-
L’art 385

trant ainsi Dieu qui veille sur ce qui se passe dans le monde. Une série, plus
ou moins importante, de scènes de la vie du Christ, également évoquées
dans les différents moments de la liturgie, constitue l’essentiel du décor sur
la partie haute des murs et sur les voûtes. Ce cycle est encore souvent dési-
gné par l’appellation cycle des Douze Fêtes, malgré les fréquentes variations
dans les scènes qui le composent [Spieser, 947 ; 949]. Ce qui paraît de
manière prioritaire recherché par les commanditaires est l’organisation en
cycle de ces images, la présence des quelques moments essentiels où, dans
la vie du Christ, l’articulation de sa nature divine et de sa nature humaine
se manifeste le plus clairement : Annonciation, Nativité, Baptême, Cruci-
fixion, Résurrection. La comparaison, qu’il n’est pas possible de détailler
ici, entre les grands monuments évoqués ci-dessus, montre comment les
préférences des commanditaires, l’architecture de l’église, sa dédicace et
divers aspects liés aux circonstances de sa fondation, entraînent une grande
variété dans le choix et la disposition des images.
Ce système, annoncé au Xe siècle, se met vraiment en place au XIe siècle,
mais, au courant du siècle suivant, on note, au-delà des variations tradition-
nelles, des changements auxquels il faut attribuer une signification et qui sont
la marque d’une véritable évolution. Celle-ci est complexe dans la mesure où
elle se joue sur un double registre. Un intérêt croissant pour l’expression des
sentiments, de la douleur, se développe. C’est ainsi qu’on interprète
l’apparition, parmi ces images, du thrène, nom donné à la scène qui repré-
sente les lamentations de la Théotokos sur le corps du Christ, dont le premier
exemple monumental sûrement daté apparaît dans l’église de Saint-
Pantéléimon à Nérézi (1164). Il faut y associer la douleur de la Théotokos, en
particulier sur certaines icônes à double face de la fin du XIIe siècle. Sur
l’autre face est souvent représenté le Christ de Pitié. Mais une partie au
moins de ces innovations est, en même temps, à mettre en rapport avec la
liturgie : on a montré que l’apparition du Christ de Pitié était due à la
volonté d’avoir une icône du Christ pouvant servir au temps de la Passion
sans être explicitement liée à un moment précis de celle-ci [Belting, 862].
Une même insistance sur la liturgie et sur son caractère sacré explique
l’apparition, dans le sanctuaire, de nouvelles images qui lui sont étroitement
liées. L’exemple le plus net en est l’apparition du mélismos auquel il a déjà
été fait allusion : entre les Pères de l’Église est représenté sur le mur du
sanctuaire un autel sur lequel sont posés patène et calice. Dans la patène se
trouve couché le Christ, montré sous la forme d’un enfant pour indiquer
sans ambiguïté la réalité du sacrifice eucharistique. Le développement du
templon, la clôture qui séparait le sanctuaire de l’espace réservé aux fidèles,
est un phénomène analogue. Quelques textes montrent qu’on insistait,
davantage encore que dans le passé, sur la nécessité d’empêcher les fidèles
de voir et même d’entendre ce qui se passait dans le sanctuaire. Le templon
386 Les fondements de la civilisation byzantine

commence alors à se couvrir d’icônes : elles vont peu à peu être systémati-
quement placées sur l’épistyle, de plus en plus souvent sous la forme d’un
véritable cycle de Douze Fêtes, ainsi nommé par des poètes contemporains
qui le décrivent, et entourant la Déisis. Ces images, dont le développement
est lié à l’importance prise par le calendrier liturgique [Spieser, 949], sont
un écho du décor de l’église et rappellent la liturgie qui est célébrée der-
rière le templon. C’est aussi vers la fin du XIIe siècle, que commencent à
apparaître, même si la question reste encore controversée, les grandes
icônes qui prennent place entre les colonnettes du templon.
Ces icônes vont devenir le support privilégié d’une dévotion person-
nelle. Mais il faut aussi mentionner, dans ce contexte, des icônes qui étaient
placées sur une sorte de lutrin, appelé proskynètarion, placé en avant de la
clôture du templon : on exposait ainsi l’icône en relation avec la fête du jour.
Elle était souvent éclairée de manière particulière et offerte à la vénération
des fidèles. Plus généralement, cette période voit un développement impor-
tant des icônes portatives. Encore une fois, on remarque, de manière paral-
lèle, le renforcement, voulu par le clergé, de l’aspect liturgique et une
ouverture vers la dévotion personnelle, qui est un phénomène profond et ne
relève pas d’un contrôle ecclésiastique. Il est impossible de ne pas mettre
cette évolution en rapport avec l’apparition de quelques signatures dans des
œuvres artistiques [Bacci, 858]. Nicolas Mésaritès, dans sa description des
mosaïques des Saints-Apôtres dans leur état du XIIe siècle, dit même que le
peintre s’est représenté lui-même dans une scène. C’est bien une lente évo-
lution vers un nouvel esprit où l’individu avait plus de place que nous
observons dans les mutations artistiques du XIIe siècle, mais elle fut arrêtée
par les événements de 1204 [Magdalino, 192].

DE LA COUR À LA VILLE ET À LA CAMPAGNE :


ART PROFANE, ARTS SOMPTUAIRES, OBJETS QUOTIDIENS

Un ar t de cou r
Cette évolution, sous-tendue par une valorisation de l’individu, qui a été
également notée dans le domaine littéraire [Magdalino, 192], permet de
reposer la question de l’art profane. On a déjà évoqué ci-dessus, à propos
de l’iconoclasme, un art profane qui était reproché aux empereurs parce
que prouvant, soi-disant, leur impiété. Il faut rappeler l’exemple déjà cité
des images de cocher que Constantin V aurait fait représenter sur le
Milion, à la place de représentations des conciles œcuméniques, reprise de
thèmes d’un art triomphal bien compris à des périodes plus anciennes, mais
L’art 387

qui était tombé en désuétude. On pourrait avoir l’impression, d’après les


monuments conservés, qu’après l’iconoclasme, un art impérial triomphal et
ostensiblement public n’existe plus. Les images impériales qui nous viennent
à l’esprit sont celles de Sainte-Sophie où la subordination de l’empereur au
Christ est mise en évidence, que ce soit sous une forme extrême dans la
mosaïque du narthex, qui montre un empereur, sans doute Léon VI, se
prosternant aux pieds du Christ, ou, plus simplement, lui faisant des offran-
des, comme dans les panneaux de la tribune sud de Sainte-Sophie avec la
représentation des deux couples impériaux, Constantin IX Monomaque et
Zôè, Jean II Comnène et Irène (dans ce dernier panneau, la Théotokos
remplace le Christ sans changer fondamentalement le sens de l’image).
La situation est en réalité plus compliquée dans la mesure où la plus
grande partie des représentations impériales n’ont pas été conservées,
comme le montrent des sources écrites [Magdalino-Nelson, 219]. La large
présence d’images impériales est attestée a contrario par la destruction des
images d’Andronic Ier : Nicétas Chôniatès nous apprend que ses représen-
tations, sur les murs et sur des panneaux, ont été détruites par la foule au
moment de sa chute. On peut encore se faire une idée de ces images où
l’empereur était représenté de face, avec tous ses regalia, par deux tondi
conservés l’un à Washington, l’autre à Venise [Vikan, 960]. Mais les ima-
ges, à l’évidence nombreuses, d’empereurs représentés victorieux à la
guerre ou en train de chasser nous restent inconnues. Les seuls vestiges
qui donnent une indication indirecte sont les fresques du XIe siècle repré-
sentant des scènes qui se déroulent à l’hippodrome, conservées dans un
escalier de Sainte-Sophie de Kiev et que l’on peut considérer comme un
emprunt à l’art constantinopolitain. Exceptionnel aussi est un manuscrit
où un texte historique, la chronique de Skylitzès en l’occurrence, est illus-
tré, montrant de nombreux épisodes où l’empereur est impliqué [Tsa-
makda, 957]. Mais, si l’on se fie au silence des textes, il n’y a plus
d’images de l’empereur dans l’hippodrome au XIIe siècle. Les scènes de
guerre et de chasse trouvaient leur place dans les palais impériaux ; elles
étaient particulièrement à l’honneur dans le palais des Blachernes, la rési-
dence favorite des Comnènes. Comme ces scènes, des images dans les
manuscrits sont, d’une manière qu’il faudrait nuancer pour chaque
exemple, une occasion pour rendre hommage à l’empereur à travers un
manuscrit qui lui est offert, ou, au contraire, de se glorifier lui-même ou
de montrer sa piété, comme dans les frontispices des Panoplies Dogmatiques
d’Euthymios Zigabènos, où est représenté Alexis Ier, qui avait commandé
le manuscrit. L’époque des Comnènes, mais plus précisément encore le
règne de Manuel Ier, a connu un art impérial florissant.
Ces scènes devaient avoir un écho dans des images, encore bien moins
connues, présentes dans de riches demeures privées où elles étaient considé-
388 Les fondements de la civilisation byzantine

rées comme un hommage rendu à l’empereur. Jean Kinnamos en parle à


propos d’Alexis Axouch, un général de Manuel Ier, qui avait fait représenter
chez lui les faits d’armes du sultan, ce qui fut perçu comme un signe de son
manque de loyauté. Dans une maison de Thessalonique, on avait, en guise
d’hommage, mis en parallèle les victoires de Josué et celles de Manuel Ier.
Les descriptions du palais imaginaire de Digénis Akritas, où étaient suppo-
sés se trouver sous forme de peintures de nombreux thèmes mythologiques,
montrent un autre aspect de ces décors.

Les ar ts somptu air es


Cet art de cour, commandité par l’empereur ou des puissants, devient
plus concret pour nous à travers quelques objets. Ceux qui sont le plus
sûrement mis en relation avec l’empereur sont des étoffes luxueuses, en par-
ticulier des soies, qui étaient un élément important de la diplomatie byzan-
tine. Quelques-unes sont célèbres. Il convient d’en citer au moins deux, le
suaire de saint Germain, sans doute du XIe siècle, et la grande soie trouvée
dans la tombe de Gunther, évêque de Bamberg, mort en 1065, en revenant
de Terre sainte et de Constantinople. On peut considérer celle-ci comme
un cadeau de l’empereur Constantin X (1059-1067) à l’évêque. La scène de
glorification impériale qui y est représentée n’a nul besoin d’être rattachée
à un événement historique précis, même si l’on en revient sans cesse à de
telles hypothèses [Baumstark, 861, p. 206-210].
Moins précieux sont les fameux coffrets à rosette qui sont ornés de scènes
profanes, empruntées à la mythologie. La plupart d’entre eux sont en os et
non en ivoire, à l’exception du plus fameux d’entre eux, le coffret Veroli. Ils
permettent d’appréhender un autre aspect de l’art profane de cette période,
devenu une sorte de leitmotiv pour l’appréciation par les historiens de l’art
byzantin du Xe siècle. La présence de motifs antiques ou antiquisants sur cer-
tains ivoires ou d’autres objets, comme un vase à décor mythologique
conservé dans le Trésor de Saint-Marc de Venise, a servi de support à l’idée
que le retour à des sources antiques était une composante importante de l’art
byzantin à partir de la fin du IXe siècle. Dans l’historiographie, la notion
d’une Renaissance macédonienne, qui aurait succédé à l’âge obscur de
l’iconoclasme, a pendant longtemps dominé les réflexions sur l’histoire de
l’art byzantin, faute d’avoir remarqué que les thèmes antiques sur des objets
byzantins étaient toujours purement décoratifs et souvent utilisés de manière
parodique, sans prétendre aucunement retrouver l’esprit ou les valeurs de
l’art antique. La démonstration a été faite pour le coffret Veroli.
Le retour à la tradition était certes une composante importante de
l’activité artistique au Xe siècle, mais on recherchait d’abord un retour aux
valeurs et au temps qui avaient fait la grandeur de l’Empire. Les temps
L’art 389

anciens célébrés et imités étaient ceux de notre Antiquité tardive et non de


notre Antiquité classique. C’est dans cette perspective que l’on peut expli-
quer l’aspect des manuscrits et des miniatures qui comptent parmi les plus
célèbres productions de l’art byzantin. On ne citera ici que quelques-uns
des plus remarquables, le recueil d’homélies de Grégoire de Nazianze, sans
doute un cadeau de Photius à l’empereur Basile Ier [Brubaker, 867] – Paris
BnF, ms gr. 510 ; le psautier de Paris (Paris BnF, ms gr. 139), peut-être
commandité par Constantin VII pour son fils, le futur Romain II, le Rou-
leau de Josué (Bibl. Apost. Vat., ms Palatinus gr. 431), qui doit se placer
dans cette période ; le ménologe de Basile II enfin (Bibl. Apost. Vat.,
ms 1613), qu’il convient de citer ici même si, stylistiquement, il est au seuil
d’une autre période. La plupart des ivoires, ceux qui témoignent des plus
grandes qualités esthétiques et de la plus grande habileté, se situent dans le
même contexte. Leur production semble s’arrêter rapidement après le
début du XIe siècle, sans qu’il y ait d’explication évidente à cette interrup-
tion. Mais on peut admettre qu’un artisanat qui demandait un grand
savoir-faire et qui n’a sans doute produit qu’un nombre relativement faible
d’objets était fragile et a pu être victime de changements de goût, de rup-
ture d’un approvisionnement qui, de toute manière, était quantitativement
peu important [Cutler, 877]. Des objets moins précieux, comme la stéatite,
ou plus colorés, comme les émaux ont pu remplacer cette production.
Malgré les variations de modes, de techniques et de styles, certaines
caractéristiques de ces productions ne changeront pas durant les siècles
concernés : les objets les plus luxueux et de la plus grande qualité sont tou-
jours le fait de l’empereur ou lui sont destinés. Ils aident à lui conférer un
caractère sacré par le merveilleux qui l’entoure, par l’éclat de l’or, par
l’ancienneté revendiquée des objets de luxe conservés au palais. Les auto-
mates contribuent à cela au même titre que les vêtements somptueux et les
reliquaires rassemblés dans l’église du Pharos. La notion de sacré est ici
importante et dépasse l’opposition traditionnelle entre religieux et profane
qui perd tout son sens autour de l’empereur byzantin.
Les commandes impériales servent de modèle et les productions artisti-
ques de la cour participent des mêmes qualités et visent les mêmes fins. Au
niveau social le plus élevé, les productions ne le cèdent guère à celles qui
sont commanditées par l’empereur et Photius a les moyens de faire exécu-
ter pour l’empereur un manuscrit digne de lui (Paris BnF gr. 510). Un autre
très haut dignitaire, le parakoimomène Basile, est connu pour avoir com-
mandité une série d’objets de luxe, dont la fameuse staurothèque de Lim-
bourg, qui est l’un des plus précieux reliquaires de la Croix conservés. Les
objets liturgiques, les croix processionnelles, les icônes de mosaïque
[Demus, 882] participent du même état d’esprit et leur éclat doit autant
montrer la gloire du donateur qu’exalter celle de Dieu.
390 Les fondements de la civilisation byzantine

Même si cette attitude reste une composante fondamentale de la pro-


duction artistique byzantine, l’évolution à laquelle il a été fait allusion
ci.dessus et dont les échos ont déjà été mis en évidence à propos de la pein-
ture monumentale, apparaît encore plus clairement dans ces objets. Le trait
véritablement nouveau est une présence du « moi », inconnue dans le
passé. Comme Psellos le fait dans un sermon prononcé sur la Crucifixion,
avec, sans doute, en mémoire une image bien précise ou même en présence
de celle-ci, la réaction émotionnelle du spectateur devant l’image et devant
ce qu’elle représente est privilégiée. Dans les miniatures aussi, l’association
entre les saints personnages représentés et les donateurs devient plus
intime : dès le dernier tiers du XIe siècle, le Christ, représenté dans un
cadre, pose sa main sur la tête de Théodore Gabras, le donateur du manus-
crit, tandis que, sur la page opposée, la Théotokos prend la main de son
épouse [Patterson Ševcenko, 935]. Ce développement de la sensibilité va de
pair avec l’accentuation d’un sens décoratif très éloigné de la tradition clas-
sique : le chatoiement des vêtements de Jean II et d’Irène sur la mosaïque
de la tribune sud de Sainte-Sophie rejoint l’ornementation d’un manuscrit
de l’Apocalypse du XIe siècle (Paris BnF, ms gr. 224) ou l’éclat des couleurs
et la fantaisie architecturale de deux manuscrits des Homélies de Jacques de
Kokkinobaphos de la première moitié du XIIe siècle (Paris BnF, ms gr. 1208
et Bibl. Apost. Vat., ms gr. 1162). D’autres indices montrent l’importance
des valeurs esthétiques : la multiplication de lettrines zoomorphes dans les
manuscrits de luxe, les lignes de Psellos à propos des icônes qu’il possède, la
mention du nom du peintre responsable des nouvelles mosaïques des
Saints-Apôtres de Constantinople, Eulalios, dans la description de Nicolas
Mésaritès, des noms d’artistes qui apparaissent sur certaines œuvres.
Le dénominateur commun à cette lente évolution est bien cette impor-
tance croissante de la subjectivité, déjà plusieurs fois évoquée ci-dessus. Les
indications données par les objets de luxe rejoignent ainsi les remarques
suggérées par l’apparition de scènes nouvelles dans la peinture murale ou
sur les icônes. Elles expriment ces nouvelles valeurs en train d’apparaître de
manière peut-être plus claire dans la mesure où ces objets permettent, de
par leur nature même, une relation plus directe, plus personnelle avec leur
possesseur.

Au -delà de la cou r et de l a vi l l e

Ces monuments et ces objets donnent certes de l’art byzantin une


image différente de celle qui lui est encore parfois attachée, d’art immobile
et ne laissant aucune place à la subjectivité. Mais on reste quand même sur
la constatation d’un art produit dans un milieu social restreint, jouissant à
L’art 391

la fois d’un capital social et d’un capital économique larges. Mais cette pro-
duction artistique n’est pas seulement à usage privé et personnel. Ce sont
bien les mêmes qui commanditent ces objets et qui assurent la construction
et le décor des églises. Mais, même si, comme on l’a rappelé, la plupart de
ces églises sont des églises privées, il ne s’agit pas seulement de chapelles
auxquelles les commanditaires seuls et leurs familles auraient accès. Les
moines qui assurent l’office et la liturgie dans les monastères privés sont,
dans leur grande majorité, issus du monde qui ne produit pas les églises ni
leurs peintures. Ils jouent nécessairement un rôle important dans la diffu-
sion du prestige des fondateurs. Mais, davantage, la plupart de ces églises
sont ouvertes à des fidèles plus nombreux. Un bon exemple en est donné
dans le typikon de la Théotokos Kosmosôteira, ce monastère déjà mentionné
et fondé par Isaac Comnène, un des fils d’Alexis Ier. Isaac y déclare qu’il
construit une deuxième église, en dehors du monastère, à laquelle les pay-
sans devront se rendre pour assister aux offices, mais qu’ils auront le droit
de participer à la liturgie du dimanche et des fêtes dans le katholikon même
(les hommes seuls à vrai dire, les femmes n’étant admises à l’intérieur qu’à
l’occasion de la fête de la Dormition). Le décor de ces églises privées fait
donc partie des moyens par lesquels prestige et autorité se diffusent dans
tous les milieux sociaux.
Dans cette fonction, plusieurs niveaux coexistent : le fondateur de la
Kosmosôteira est un personnage de premier plan ; son église est de grande
qualité, par l’architecture, car elle est construite sur un plan relativement
complexe, qui ne le cède en rien à des églises constantinopolitaines contem-
poraines, mais aussi par le décor peint. Si les mosaïques que mentionne
Isaac Comnène ne sont pas conservées, les quelques fresques du XIIe siècle
qui subsistent montrent la haute qualité de la peinture. Mais on trouve des
donateurs bien plus modestes, notables de province qui, eux aussi, ont tenu
à fonder leur église dont architecture et peinture pouvaient être de qualités
très variables. On ne saisit pas clairement non plus jusqu’à quel niveau
social on possédait des icônes, qui, en fait, pouvaient être très simples.
Quelques indications montrent qu’elles n’étaient pas très onéreuses, sauf
évidemment celles qui recevaient un revêtement d’or et d’argent [Oikono-
midès, 926].
Si l’on passe à un niveau encore plus modeste pour essayer d’avoir
quelques indications sur l’habitat, les vêtements, les ustensiles des gens les
plus simples, nos connaissances sont relativement réduites. Sur l’habitat
proprement dit, les fouilles n’ont encore donné que peu de résultats ; il
serait plus juste de dire que peu de fouilles ont été faites dans des conditions
qui permettent leur exploitation du point de vue de l’architecture
[Rheidt, 940]. Pour la même raison, nous avons peu de témoignages sur les
objets modestes dont disposaient les habitants de l’Empire, objets qui,
392 Les fondements de la civilisation byzantine

au.delà d’un simple aspect utilitaire, contribuaient certainement, comme


dans toutes les civilisations, à forger une identité et étaient des éléments
inséparables de la conscience qu’ils pouvaient avoir de leur vie quotidienne.
En fait, il n’y a que deux séries d’éléments de ce genre qu’on com-
mence à connaître. Ce sont d’abord les innombrables et modestes croix-
enkolpia en bronze trouvées partout où des habitats sont repérés et qui sont
maintenant bien étudiés [Pitarakis, 938]. Elles sont particulièrement fré-
quentes dans les complexes monastiques et les forteresses, ce qui semble
montrer que leur usage était largement répandu chez les moines et les sol-
dats. Mais les textes nous apprennent qu’elles étaient universellement por-
tées par tous pour leur protection tant dans la vie que dans l’au-delà. Ces
enkolpia sont le produit d’un artisanat disséminé à travers tout l’Empire. En
très large majorité en bronze (mais il existe quand même des exemplaires
en or et en argent), ces croix nous instruisent à la fois sur les schémas de
production artisanale et sur l’évolution de la piété privée : nées au IXe siècle,
elles associent traditionnellement le Crucifié à la Vierge orante, mais, à par-
tir du XIe siècle, on introduit des représentations de saints en prière, choisis
pour l’efficacité de leur intercession, en pendant à l’image de la Mère de
Dieu.
Mieux connue depuis quelques années, la céramique nous introduit
encore davantage dans la vie quotidienne. La céramique de table, par ses
couleurs vives et ses décors variés, devait constituer un élément non négli-
geable du décor familier. Malgré son aspect plaisant, elle est dans l’en-
semble assez médiocre du point de vue de la qualité de sa fabrication. Il
s’agit bien, comme les fouilles nous l’indiquent, d’une céramique commune,
destinée à l’usage quotidien, dans les villages, dans les petites villes comme
Pergame, mais tout aussi bien dans les cités importantes, jusque dans la
capitale. Ce matériau n’a jamais connu la vogue et l’engouement qui était
le sien dans le monde islamique, à plus forte raison chinois. Le seul
moment où un développement de ce genre s’est amorcé est la fin du
IXe siècle et le Xe où, dans l’Empire byzantin, a été produite une céramique
à pâte blanche qui recevait un décor peint. Mais même alors, on remar-
quera que la vaisselle proprement dite est assez peu représentée dans les
découvertes faites [Zalesskaya, 971]. Ce sont surtout des revêtements archi-
tecturaux, en particulier de templa, qui sont fabriqués selon cette technique
ainsi que des icônes en céramique. Les exemples les mieux connus ont été
produits en Bulgarie, à Preslav et dans ses environs. Bien qu’on ait essayé
de montrer le contraire, les origines de cette production se situent dans
l’Empire byzantin, où elle est sûrement attestée à Nicée alors qu’elle est
possible à Constantinople.
Sinon, pour l’essentiel et sans entrer dans des détails que l’on trouvera
ailleurs [François-Spieser, 890], la grande majorité de la vaisselle de table
L’art 393

utilisée dans le monde byzantin repose, surtout à partir du début du


XIe siècle, sur l’utilisation d’une glaçure plombifère, connue déjà dans le
monde hellénistique et romain, combinée avec une technique de décor,
appelée sgraffito, qui permettait de simples, mais heureux effets décoratifs.
Elle a sans doute été empruntée au monde islamique, en particulier iranien,
où elle est attestée dès le IXe siècle. Ce n’est que tout à la fin de la période
envisagée ici que l’on retrouve une production de plus grande qualité, à la
fois d’un point de vue technologique et de celui du décor. Les exemplaires
les plus réussis ont été trouvés dans les fouilles de Cherson et sont conservés
au Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. On la connaît sous le nom de
Zeuxippos Ware ; elle a été largement diffusée, quoique, semble-t-il, sou-
vent en petite quantité, et encore plus largement imitée. Mais le centre de
production originel, responsable de ses formes les plus achevées, n’a pas
encore été déterminé, même si les connaissances sur la Zeuxippos Ware et
ses imitations ont été renouvelées récemment grâce à une approche archéo-
logique et archéométrique de qualité [Waksman-François, 962].
Ce rapide tableau voulait montrer le très large éventail de ce que l’on
peut appeler la production artistique byzantine, en allant jusqu’au domaine
que l’on appellerait aujourd’hui artisanal. Mais on sait bien que, malgré
l’écart entre une luxueuse staurothèque et une humble vaisselle de table, il
n’y avait pas de limite claire correspondant à cette distinction qui nous
paraît aller de soi aujourd’hui. On a aussi voulu rendre justice à cette
longue et lente évolution qui traverse ces siècles centraux dans l’histoire
byzantine et qui a été trop longtemps méconnue.
Q UAT R IÈ M E PA R TIE

L e s r é g io n s d e l’Em p ire
C HA P I T R E X V I

L’Anatolie et l’Orient byzantin


PAR BERNADETTE MARTIN-HISARD

Le mot Orient (en grec Anatolè) a plusieurs acceptions dans les sources
byzantines.
Depuis la fin de l’Antiquité, Orient désigne dans un sens administratif
restreint le diocèse civil dépendant d’Antioche où réside le comes Orientis ; son
territoire, à l’est de la chaîne taurique, couvre la Cilicie, la Mésopotamie et
l’Euphratèse, la Syrie et la Palestine [carte NC 1, p. 9] et il se distingue de
trois autres diocèses, Égypte, Asie et Pont, ces deux derniers couvrant l’Asie
Mineure ; ce sens explique l’appellation de « thème anatolique » donnée au
e
VII siècle aux troupes rapatriées d’Orient et installées au cœur de l’Asie
Mineure, puis à la circonscription où ils furent établis ; il se retrouve encore à
la fin du XIe siècle dans le titre de certains patriarches d’Antioche et sur leurs
sceaux. Dans une tradition administrative plus large, Orient renvoie à la pré-
fecture du prétoire per Orientem, fixée à Constantinople, dont le territoire
s’étendait de la Thrace à l’Égypte ; ainsi les thèmes terrestres de Thrace, de
Macédoine et d’Asie Mineure étaient-ils désignés à la fin du IXe siècle comme
des « thèmes orientaux » (anatolika themata). En un troisième sens, plus géo-
graphique, Orient renvoie aux territoires de l’Empire situés à l’est de Cons-
tantinople et des détroits ; ainsi, au milieu du Xe siècle, le domestique des
scholes d’Orient (Anatolè) avait autorité sur ce qui appartenait à Constanti-
nople en Asie Mineure, Syrie, Mésopotamie et Arménie tandis que la Thrace
et la Macédoine étaient rattachées au domestique d’Occident. Il existe enfin,
attestée au Xe siècle, une équivalence Anatolè / Asie Mineure, qui se retrouve
de nos jours dans le nom d’Anatolie qui désigne l’Asie Mineure. Dans ce
chapitre Orient s’entend en son troisième sens.
Durant la période considérée, la partie essentielle et parfois unique de
l’Orient byzantin fut formée par l’Anatolie qui constitua le support fonda-
mental de l’Empire, du moins jusqu’au XIe siècle où ce rôle passa aux Bal-
kans. Le poids de l’Anatolie dans l’histoire de l’Empire est donc indéniable ;
398
Carte de l’Orient
L’Anatolie et l’Orient byzantin 399

il en va de même de son poids dans certains courants historiographiques


qui ont érigé la dualité géographique et administrative Orient / Occident
de l’Empire en une prétendue opposition de civilisation et de culture
Asie/Europe. Des travaux récents [TIB ; Geyer-Lefort, 1021], des colloques
[Vlyssidou, 1081 ; Lampakis, 1053], un matériel documentaire renouvelé
par la sigillographie et la numismatique, une meilleure prise en compte des
confins de l’Asie Mineure sont venus souligner, au-delà de traits généraux
partagés avec le reste de l’Empire, l’originalité et la complexité de l’Orient
byzantin au cours des siècles ici étudiés.
L’Asie Mineure est la seule partie de l’Orient byzantin qui échappa à
l’Empire arabo-musulman. Durant la haute époque, son histoire s’était ins-
crite dans celle d’un Empire dont la frontière orientale, le long de
l’Euphrate supérieur et à travers le désert, avait relativement peu varié. Elle
y avait bénéficié d’une paix et d’une prospérité qui avaient favorisé
l’intégration de ses provinces dans l’empire de Constantinople, sans gom-
mer complètement une hétérogénéité venue d’une histoire antique qui la
différenciait de la Syrie, de la Mésopotamie et des régions caucasiennes qui
l’entouraient [Sodini, NC 1]. Exposée en tous lieux aux raids des ennemis,
l’Anatolie cessa au VIIe siècle d’être au cœur protégé de l’Empire pour
devenir une profonde zone de guerre ; dès lors son histoire fut d’abord celle
des fluctuations de ses frontières et des évolutions administratives concomi-
tantes. Entre elle et le monde arabe, une première frontière se fixa à la fin
du VIIIe siècle dans l’épaisse zone montagneuse du Taurus cilicien et de
l’Anti-Taurus où se forma un « no man’s land » entre Empire byzantin et
Empire arabo-musulman ; la défense fut assurée par la constitution d’un
système de grands thèmes et de cleisouries et l’Anatolie commença à
renouer au IXe siècle avec la prospérité. Une aristocratie militaire enracinée
sur son sol put au Xe siècle conquérir cette région-frontière et, relayée par le
pouvoir impérial, faire avancer le territoire de l’Empire, à l’est de
l’Anatolie, en Arménie, Mésopotamie, Cilicie et Syrie du Nord ;
l’organisation de thèmes d’un genre nouveau et de duchés correspondit à
cette seconde frontière, nette en 1025 et retouchée jusqu’en 1064. Une troi-
sième frontière, intérieure cette fois, résulta au XIIe siècle de la longue péné-
tration des Turcs et de leur progressive stabilisation sur le plateau anato-
lien ; leur domination ne laissa à Constantinople que les régions les plus
basses de l’Asie Mineure dont certaines entrèrent finalement en dissidence.
Du VIIe au XIIe siècle, l’Anatolie, seule rescapée de l’Orient byzantin, a
donc d’abord réussi à s’agrandir de nouveaux confins provisoires avant de
connaître une durable partition.
Fruit de l’histoire, la variation des frontières de l’Anatolie a contribué à
donner à ses régions une diversité économique et humaine à laquelle la
géographie n’est pas étrangère [Birot-Dresch, 985 ; Mitchell, 1055]. Le
400 Les régions de l’Empire

déséquilibre entre plaine et plateau est certain, le plateau couvrant près de


90 % du territoire au-dessus de 500 m. L’opposition est moins radicale si
l’on tient compte de la ligne des 1 000 m ; elle est nette au sud où le sys-
tème du Taurus la souligne visiblement, elle l’est déjà moins au nord où le
réseau hydrographique se joue des chaînes pontiques qui contribuent à
l’ouest au caractère tourmenté de la Bithynie et de l’Hellespont ; quant aux
régions occidentales aux montagnes broussailleuses qui ménagent de bons
mouillages, elles connaissent une progressive élévation depuis la mer Égée
et les vallées fluviales font pénétrer le monde méditerranéen en profondeur
en sorte que les provinces égéennes de Mysie, Lydie et Carie occupent des
zones de transition entre la côte et les hauteurs de Phrygie. Le plateau lui-
même, identifiable à son absence totale de couverture forestière, n’a rien
d’uniformément plat ; bordée par la Galatie, la Lycaonie forme un bassin
au centre de la péninsule, parfois plus bas que la Phrygie, puis le pays
recommence à s’élever à partir de l’Halys dans la Cappadoce jusqu’au
cours supérieur de l’Euphrate dont on ne saurait parler comme d’une ligne
tant il subit les effets de la rencontre entre les branches de l’Anti-Taurus et
les chaînes pontiques. La carte de la répartition des cités souligne la diver-
sité du rapport entre les plaines et le plateau [Hendy, 651, p. 27 et 93].

D E L’ O R I E N T À L ’ A N A T O L I E ( V I I e - F I N I X e S . )

Du VIIe au IXe siècle l’Anatolie fut à la fois le théâtre et le but de guer-


res ; attaquée durement, elle resta dans l’Empire, mais les guerres marquè-
rent son évolution générale, guidèrent sa réorganisation, et suscitèrent une
diversification régionale qui donna à la Cappadoce une place nouvelle à
côté de l’Anatolie occidentale [TAVO, 1072].

L’ANATOLIE EN GUERRE

Les attaques des Arabes ont été une constante de l’histoire de l’Anatolie
du VIIe au IXe siècle (cf. chap. I, p. 3-16) ; elles frappèrent et désorganisèrent
des régions que leur situation au cœur de l’Empire avait laissées désarmées
et dans lesquelles, non sans une certaine obscurité, des armées s’installèrent,
une administration prit le relais d’une autre, des hommes encore anonymes
résistèrent et sauvèrent une Anatolie contractée à l’intérieur de nouvelles
frontières.
L’Anatolie et l’Orient byzantin 401

L’An atolie attaqu ée ( V I I e - V I I I e s. )

Tout en disputant la Grande Arménie aux Byzantins, les Arabes lancè-


rent en Asie Mineure à partir de 643, le plus souvent depuis la Syrie et à
travers la Cilicie évacuée par Héraclius, une série d’attaques en pratique
ininterrompues jusqu’en 680. Elles visaient à l’annexion des provinces ana-
toliennes, prélude à la réalisation du but ultime, la prise de Constanti-
nople et l’anéantissement de l’Empire. Elles s’accompagnèrent d’opérations
qui, outre un fructueux pillage, tendaient à éparpiller et user les forces
byzantines et à les pousser à un affrontement direct qui s’était montré
bénéfique aux Arabes sur d’autres fronts. Aucune région anatolienne ne
resta à l’écart de ces actions dont l’intensité fut localement variable. La
Cilicie et le plateau central furent les régions les plus régulièrement tou-
chées ; Isaurie, Phrygie et côtes égéennes furent fréquemment atteintes et
la Bithynie, sur la route de la capitale, ne fut pas épargnée. Les armées
arabes firent aussi leur apparition dans les provinces d’Arménie et du
Pont.
À la stratégie des Arabes qui leur permit de frapper presque partout
s’opposa la stratégie des Byzantins qui en limita les effets immédiats. Cons-
cients de leurs moyens qui reposaient sur des armées de campagne repliées
et en cours de réorganisation, ils évitèrent soigneusement toute bataille
rangée, se contentant de réoccuper et de réparer ce qui pouvait l’être après
le passage de l’ennemi ; les chaînes du Taurus et de l’Anti-Taurus, infran-
chissables en hiver, rendaient en effet illusoire et en pratique impossible un
établissement permanent sur le sol anatolien pour les armées arabes qui
auraient été coupées de leurs bases syriennes : jamais les Arabes, lorsqu’ils
hivernèrent, ne le firent deux ans de suite dans la même région ; des villes
purent être prises, elles ne furent ni occupées, ni détruites. Durant le même
temps Constantinople résista aux attaques maritimes.
L’apaisement relatif, acquis par des trêves successives à partir des
années 680, permit à Byzance de renforcer en Bithynie la protection de la
capitale et même de mener quelques actions contre l’ennemi. À la fin du
VIIe siècle Constantinople possédait encore les basses plaines de Cilicie, le
sort de Mélitène et de Théodosioupolis n’était pas encore scellé et la
Grande Arménie n’était pas totalement perdue. Cependant, après une
lourde défaite byzantine en 692, les incursions reprirent, chaque année, au
printemps, dans les régions proches de la frontière et au-delà : Mélitène et
ses environs, la Cilicie, la Cappadoce avec la Galatie et la Pisidie furent
ravagées, sans progrès décisif de la domination arabe. De là la grande ten-
tative de 716 contre Constantinople dont la conquête aurait pu entraîner, à
terme plus ou moins long, celle de l’Anatolie.
402 Les régions de l’Empire

L’échec subi en 718 allait balayer la certitude d’un anéantissement pos-


sible de l’Empire, et modifia les perspectives de guerre en Anatolie. Tandis
que l’émergence de l’ennemi khazar détournait les Arabes vers un nouveau
front de guerre dans les régions caucasiennes qu’ils allaient bientôt assujet-
tir, l’Anatolie devint le théâtre d’une guerre dans laquelle, à côté de loin-
taines expéditions, les califes commencèrent à privilégier les petites opéra-
tions de pillage destinées à ruiner et démoraliser les Byzantins ; la pratique
s’établit de faire chaque année des attaques systématiques et simultanées au
nord, au centre et au sud des provinces byzantines avec le but recherché de
converger ensuite en un lieu précis du centre. Phrygie, Pisidie, Asie égéenne
furent fréquemment ravagées et l’insécurité régna sur le plateau central.
Toutefois, les armées byzantines, sous l’impulsion d’empereurs issus d’Ana-
tolie qui dotèrent leur capitale de corps d’armée nouveaux, se montrèrent
alors plus fortes et plus agressives, infligeant en 740 un sérieux revers aux
Arabes, intervenant encore en 746 à Germanicée, en 751 jusqu’à Mélitène
et Théodosioupolis.
Installés en 762 loin de la Syrie, les Abbasides organisèrent encore,
après 775, quelques grandes entreprises dévastatrices qui leur garantirent la
maîtrise de la Cilicie. Ponctué par de grandes expéditions terrestres et des
raids maritimes, le califat d’Hârûn al-Rashîd (786-809) marqua cependant
le moment de la stabilisation acceptée ; renonçant à de nouvelles conquêtes
au-delà du Taurus, le calife s’employa à consolider ses marches. À l’aube
du IXe siècle un équilibre des forces était ainsi en train de s’établir.
Défendue par des armées qui avaient fini par s’enraciner sur son sol, l’Ana-
tolie, à la différence du reste de l’Orient byzantin, restait territoire de l’Em-
pire et, étant donné la réduction de celui-ci dans les Balkans, elle en devint
le principal fondement.
Or, si l’on tient compte des guerres perses de l’époque d’Héraclius aux
effets discutés [Haldon 1023 ; Shahid 1023 ; Reinink et Stolte, 1061], les
deux siècles écoulés avaient laissé leur marque. Sans en prendre possession
durablement, l’ennemi avait durement éprouvé les villes, ravageant leur
plat pays régulièrement, fréquemment ou ponctuellement, détruisant récol-
tes et habitats, enlevant des hommes et du bétail, perturbant les routes ;
on peut dresser la longue liste de 45 villes au moins qui furent prises, par-
fois plusieurs fois, entre 643 et la fin du VIIIe siècle. L’administration cen-
trale, notamment fiscale, qui reposait sur les villes et les services munici-
paux s’était peu à peu désagrégée, compromettant le paiement des armées
dont la mobilisation restait nécessaire partout. Enfin, même s’il est difficile
de l’apprécier, il y eut très certainement un mouvement de fuite et de
repli vers la capitale des aristocraties locales traditionnelles et de cadres
ecclésiastiques.
L’Anatolie et l’Orient byzantin 403

Évolu tion s admin istr ativ es ( V I I e - débu t IXe s. )

La durée de la guerre et l’omniprésence des raids conduisirent par de


progressives évolutions à des transformations administratives qui procé-
daient d’une triple mutation : militaire, avec le repli de quatre armées en
Anatolie et leur stationnement territorial permanent ; administrative, avec
la progressive acquisition par ces circonscriptions militaires de fonctions
civiles qui firent d’elles dans la première moitié du IXe siècle les seules
régions administratives de référence ; politique, avec la réduction en taille
de ces circonscriptions.
Deux groupes différents d’armée se retrouvèrent en Anatolie, à l’ouest
du Taurus. D’une part, au nord-ouest, l’opsikion, ramené par Héraclius de
ses guerres perses ; d’autre part trois armées de campagne, Anatoliques,
Thracésiens, Arméniaques (cf. chap. VII, p. 151-154). Les territoires des
armées constituaient deux ensembles. Les deux premiers, Anatoliques et
Arméniaques, regardaient vers l’est, là où la frontière avait disparu sous le
harcèlement et la poussée de l’ennemi, et ils amortissaient en profondeur les
dangers qui pouvaient se propager vers l’ouest par le réseau routier. De la
Lycaonie à la mer Égée, le territoire des Anatoliques, au sud-est, couvrait la
Cilicie orientale et garantissait les routes qui traversaient le plateau inté-
rieur, par Tyane, Ikonion, Antioche de Pisidie, Amorion. Le territoire des
Arméniaques, au nord-est, veillait sur les routes terrestres venant de Théo-
dosioupolis et de Grande Arménie, de Mélitène et de Mésopotamie et
s’ouvrait sur la mer Noire par un long littoral.
Mieux circonscrites, les zones d’implantation des deux autres armées,
Opsikion et Thracésiens, prolongeaient vers l’ouest la couverture protec-
trice des deux précédentes et formaient le dernier rempart terrestre pour les
détroits et Constantinople. Commandé par un comte, le territoire de
l’Opsikion vit se stabiliser la suite armée d’Héraclius, la meilleure troupe du
temps, dont faisaient partie bucellaires et optimates. Son territoire recouvrait
la Bithynie et la Mysie, mais s’enfonçait aussi, comme un coin, vers Dorylée
et Ancyre, sur le plateau dont il surveillait les débouchés. Les Thracésiens,
dont on a discuté longtemps la date et les circonstances de l’apparition,
veillaient sur la région la plus riche et la plus peuplée de l’Empire, depuis la
perte de la Syrie, de l’Égypte et les difficultés de la Thrace, et que pouvait
menacer la nouvelle flotte arabe des Umayyades.
Cette dernière menace explique l’apparition, au cours de la première
moitié du VIIIe siècle, en Anatolie d’une cinquième division militaire, à fina-
lité maritime celle-là, le thème des Cibyrrhéotes, qui avait pour base territo-
riale le littoral de la mer Égée, depuis Milet jusqu’à la Cilicie, y compris
son arrière-pays montagneux et forestier de Carie, Lycie et Pamphylie et
404 Les régions de l’Empire

dont la fonction militaire était liée à la mer : le thème qui avait pour capi-
tale Attaleia équipait et armait une flotte importante, que devaient illustrer
les fameux marins Mardaïtes, chargée de défendre le littoral et de s’opposer
à la marine arabe.
On peut ainsi comprendre la puissance des stratèges anatoliens et de
leurs armées, qui se manifesta dès la fin du VIIe siècle et à l’époque icono-
claste. La révolte d’un stratège tournant ses armes contre Constantinople
mettait en danger le pouvoir impérial, tout en dégarnissant les régions qu’il
était censé surveiller. Le rôle du comte de l’Opsikion et des trois autres stra-
tèges, parfois divisés entre eux, dépassa ainsi largement dans cette période
le sol anatolien. C’est pourquoi, après la crise de 742, deux circonscriptions
nouvelles furent créées aux dépens de l’Opsikion jugé trop dangereux : les
Bucellaires et, plus près du détroit, les Optimates qui furent désarmés, mais
où continuèrent à stationner les scholes.
Par une lente évolution le territoire des thèmes militaires se fixa et se
transforma en circonscription administrative. Le stratège dont les fonctions
étaient militaires reçut bientôt le contrôle des fonctionnaires civils qui
représentaient dans son territoire les nouveaux bureaux de la capitale qui se
mettaient en place. On ne peut dire à quel rythme chemina cette évolution,
si elle se fit partout au même moment et comment elle accompagna la
résolution du problème de l’entretien des armées thématiques, mais elle
était réalisée dans la première moitié du IXe siècle, non sans adaptation à
des circonstances locales. Les indications géographiques figurant sur les
sceaux des nouveaux commerciaires qui apparaissent au VIIe siècle [Bran-
des, 640, p. 601-610 ; cf. chap. VI, p. 129] permettent de mesurer la survie
administrative des provinces et des villes et l’émergence décisive des thèmes
administratifs.
À terme le stratège détint alors un pouvoir sur les hommes, non seule-
ment en temps de guerre, mais à toutes les étapes de leur vie civile ; tel est le
contexte dans lequel commença à se mettre en place une aristocratie anato-
lienne dont la stabilisation est cependant difficile à suivre faute de noms
transmissibles [cf. chap. VIII, p. 176-178]. Seul échappa au stratège le con-
trôle de l’administration ecclésiastique qui continuait à reposer sur le cadre
des anciennes provinces. Or la taille des thèmes primitifs, qui procédaient
d’une situation militaire particulière et regroupaient généralement
d’anciennes provinces centrées sur les villes, n’était pas forcément adaptée à
l’exercice de fonctions civiles nouvelles, dans des régions où la vie des hom-
mes était maintenant liée à la campagne plus qu’à la ville ; un morcellement
réaliste des thèmes était prévisible et allait être le fait du IXe siècle. De nou-
veaux choix politiques se manifestèrent également ; ainsi, dès les années 820
la création des thèmes de Paphlagonie et de Chaldie aux dépens des Armé-
niaques manifestait un intérêt nouveau pour l’espace pontique.
L’Anatolie et l’Orient byzantin 405

L’An atolie stabilisée ( I X e s. )

La guerre resta continue de 809 à 843, ponctuée de négociations et de


trêves, marquée d’interventions dans les guerres civiles (Thomas le Slave,
820-825) et de succès arabes emblématiques (Amorion, 838), intensifiée sur
le plan maritime, mais sans résultats notables. Les ripostes byzantines ne
firent pas défaut. Les Arabes avaient entre-temps déjà tendu au début du
IXe siècle, dans l’aire qu’ils contrôlaient, une double ligne de forteresses, de
la Cilicie à l’Arménie : une ligne avancée, qui articulait la zone des tughûr
de Syrie, de Mésopotamie et d’Arménie et offrait des bases pour les raids,
et une ceinture intérieure protectrice, les awâsîm, correspondant à peu près
aux anciennes provinces romaines [Bonner, 986 ; Bosworth, 988]. La ligne
extérieure sur laquelle reposait le djihâd était jalonnée en Cilicie par Tarse,
Adana, Germanicée et Adata, vers la Djazîra par Mélitène et, plus au nord,
vers l’Armîniya, par Théodosioupolis [Honigmann, 1030].
Pendant plus d’un siècle, l’Empire byzantin avait eu comme seule fron-
tière orientale celle qu’acquéraient ses armes et que l’ennemi qui pénétrait
en profondeur son territoire remettait aussitôt en question. Les aménage-
ments arabes et l’équilibre des forces finirent par faire de l’épaisse barrière
montagneuse du Taurus cilicien et de l’Anti-Taurus plus qu’une frontière,
une zone frontière dans laquelle les endroits vulnérables pour les uns et les
autres étaient les défilés (kleisoura en grec, darb en arabe) qui trouaient les
montagnes en avant des tughûr, notamment le défilé septentrional qui
conduisait de Mélitène à Sébastè, la passe d’Adata vers Arabissos et Tza-
mandos, la passe plus méridionale d’Adana et de Tarse dite Portes cilicien-
nes vers Tyane, la vallée du Lamos qui marquait la frontière entre la Cilicie
Trachée byzantine et la Cilicie arabe avec Tarse [Honigmann, 1030]. En
avant des chaînes s’étendaient des zones de terre brûlée, laissée sans forte-
resse et sans hommes [Mansouri, 1048].
Aux tughûr arabes qui tendaient au contrôle du « pays des défilés » (bilâd
al-durûb), les Byzantins répondirent dans la première moitié du IXe siècle par
la création de trois circonscriptions militaires nouvelles, appelées cleisouries,
détachées des thèmes et organisées pour surveiller les passes. La passe de
Mélitène fut couverte par la cleisourie de Charsianon dont le territoire allait
de Sébastè à l’est à la vallée supérieure de l’Halys au sud et à l’ouest. Les
défilés d’Adata et d’Adana furent surveillés par la cleisourie de Cappadoce,
tandis que la cleisourie de Séleucie contrôla la vallée du Lamos et Tarse.
Plus au nord, la surveillance de Théodosioupolis incomba au stratège de
Chaldie et à la famille ibère des Bagratides, récemment installés à ses
abords. Colonée devint aussi une cleisourie couvrant la Chaldie et surveil-
lant l’accès à l’Euphrate supérieur.
406 Les régions de l’Empire

Sans que les grands axes routiers, tributaires du relief, soient modifiés,
on note que, à côté de la route traditionnelle, dite des pèlerins, qui, par
Chalcédoine, Nicomédie, Nicée, Ancyre, et, à l’est du lac Tatta, Tyane,
menait vers la Cilicie, la Syrie et Jérusalem, un nouvel axe se développa :
depuis Nicée, il gagnait Dorylée et Amorion, traversait la Lycaonie par Iko-
nion, et longeait en Cappadoce le Taurus vers Césarée et Sébastè pour
gagner Théodosioupolis, l’Arménie ou la vallée de l’Euphrate. Les aplèkta
qui jalonnent cet itinéraire soulignent la valeur militaire d’une route dont
les divers embranchements permettaient d’atteindre les passes du Taurus.
Entre tughûr et cleisouries, la nouvelle frontière avait de l’épaisseur et
engendra des formes de vie particulières. Toute une société s’y constitua,
avec ses ghâzî et ses akritai, vivant de raids et d’exploits, mais partageant
aussi les plaisirs plus quotidiens de la vie. Là naquit dans l’oralité le person-
nage épique de Digénis Akritas. À l’abri de cette zone frontière se retrou-
vaient transfuges et bannis, tels les Pauliciens auxquels l’émir de Mélitène
accorda asile au début du IXe siècle et qui fondèrent un redoutable État
militaire à Téphrikè [Haldon-Kennedy, 1025]. La frontière devint aussi le
lieu de formes diplomatiques nouvelles dont témoignent la pratique et le
cérémonial d’échanges de prisonniers, attestés depuis le début du IXe siècle
et jusqu’au milieu du Xe, sur le cours du Lamos [Kennedy, 1036 ; Haldon,
1024 ; Campagnolo-Pothitou, 993 ; Beihammer, 984].
L’affaiblissement du califat au milieu du IXe siècle laissa le plus souvent
la guerre aux initiatives personnelles des émirs de Tarse, de Mélitène et de
Théodosioupolis ; leurs attaques ne mirent pas en danger l’Empire, qui
répondit sur tous les fronts. Depuis la frontière un système de relais opti-
ques informait Constantinople des raids arabes. La prise de Téphrikè
en 872 entraîna celle d’une série de places entre celle-ci et Samosate, mais
pas la chute de Mélitène. D’autres victoires suivirent aux abords des passes,
où s’illustra Nicéphore Phocas l’Ancien. Raids, trêves et échanges de pri-
sonniers se poursuivirent avec les émirs de Tarse.
Sans grande avancée territoriale, la période 863-873 fut pourtant déci-
sive comme le montre la transformation assez rapide de cleisouries en thè-
mes qui gagnaient peu à peu sur l’ancien « no man’s land », ce qui suppose
un élargissement et une consolidation du pouvoir sur la région : en 830 la
Cappadoce était déjà un thème ; entre 863 et 873 Colonée et Charsianon
le devinrent. C’est dans ce contexte que le pouvoir central commença à se
préoccuper du repeuplement des régions qui venaient d’être reprises à l’est
de Césarée.
L’importance de ces changements apparaît mieux si on les met en rap-
port avec le contexte nouveau du IXe siècle qui vit la réaffirmation adminis-
trative de l’État sur son territoire. Certes le stratège était devenu et resta
puissant en son thème ; mais, au terme d’un long processsus, des structures
L’Anatolie et l’Orient byzantin 407

économiques et fiscales nouvelles avaient pris le relais de la préfecture du


prétoire d’Orient [cf. chap. VI] et créé les rouages qui donnaient maintenant
à l’État, dont les bases monétaires s’étaient renouvelées, sa capacité sinon à
diriger l’économie, du moins à la retenir [Oikonomidès, EHB, p. 973-1058] ;
il était désormais à même d’intervenir plus efficacement dans la vie de ses
territoires, et singulièrement dans celle de l’Anatolie, toujours prédominante
au sein de l’Empire, mais sous des traits nouveaux.

LA NOUVELLE ANATOLIE

Pendant trois siècles, la guerre avait été la caractéristique commune de


l’ensemble de l’Anatolie ; ses liens avec la capitale, jamais interrompus,
furent cependant renforcés. Derrière la complexité du vocabulaire qui
accompagna son progressif et nouveau découpage territorial se pose la
question de l’égale diffusion sur son sol de traits originaux nouveaux appa-
rus dans la vie des hommes.

Un n ou veau vocabu lair e


Du VIIe au IXe siècle la géographie ancienne se brouilla. Le passage du
monde antique au monde proto-byzantin avait vu l’insertion des ethnies
anatoliennes dans le tissu des provinces constantinopolitaines et la réussite
plus ou moins grande de leur intégration [Métivier, 1051]. L’impact de la
reconstruction née des guerres arabes sur cette évolution est difficile à
mesurer en raison des modifications du vocabulaire géographique.
La géographie ecclésiastique garda dans l’ensemble la terminologie des
provinces, héritée du passé romain et évocatrice d’une hétérogénéité désor-
mais dépassée ; elle connut peu de modifications. En revanche le dévelop-
pement des thèmes entraîna celui du vocabulaire de la description régionale
de l’Anatolie.
Les cinq premiers thèmes regroupaient globalement d’anciennes provin-
ces ; leur fractionnement avait fait naître des territoires qui correspondaient
parfois nommément à une ancienne province (Paphlagonie), mais qui pou-
vaient aussi associer différents éléments territoriaux (Bucellaires). Les sceaux
montrent que les dénominations provinciales disparurent progressivement
de l’usage administratif ou ne désignèrent plus que des fractions de plus
vastes unités (Bithynie, Galatie, Lycaonie, Pamphylie) ; d’autres noms
étaient chargés de plusieurs sens qui les rendaient équivoques (Cappadoce,
Pont) ; des termes nouveaux se substituèrent à de plus anciens pour couvrir
408 Les régions de l’Empire

des régions en pratique identiques, comme les Thracésiens qui correspon-


dent à peu près à l’antique province d’Asie ; certains s’employaient au plu-
riel ou au singulier (Arméniaques ou Arméniaque). Les nouvelles appella-
tions pouvaient renvoyer à des spécificités militaires (Opsikion, Bucellaires,
Optimates) ou à des réalités urbaines (Colonée, Charsianon, Cibyrrhéotes,
Séleucie) ; d’autres enrichirent le vocabulaire géographique (Chaldie).
D’autres correspondirent à des réalités qui évoluèrent au fil du temps (Ana-
toliques, Arméniaques) sans que se soit perdu pour autant le souvenir de
leur genèse ; ainsi les Byzantins n’hésitaient-ils pas à la fin du IXe siècle à
parler des « thèmes arméniaques » pour désigner les thèmes issus des Armé-
niaques primitifs [Haldon, 372 ; Seibt, 350]. Le caractère réel, progressive-
ment acquis par l’encadrement thématique du VIIe au IXe siècle, s’est
imposé au-delà des frontières de l’Empire comme le montre la littérature
géographique arabe du IXe siècle [Miquel, 1054 et carte p. 393] : celle-ci
ignore les noms des anciennes provinces, antérieures à la naissance du
monde arabo-musulman, et elle évoque pour le milieu du IXe siècle, sous les
noms de ‘amal, band ou bilâd, onze thèmes et leurs forteresses en Anatolie ; il
n’y manque que les Cibyrrhéotes ; même Séleucie est présente avec un
« préfet des défilés ».
L’étude du passage du vocabulaire provincial au vocabulaire théma-
tique dans les sources littéraires permettrait peut-être de suivre concrète-
ment le passage ou non dans la vie des hommes des références territoriales
nouvelles, passage qui se concrétisa plus tard dans une acception nouvelle
du mot thème, non plus circonscription mais région. Au milieu du Xe siècle
en tout cas, au-delà de l’évident souci archéologique de son auteur, le De
thematibus reflétait encore parfaitement le désir, la difficulté et sans doute la
nécessité de rendre compte de la réalité nouvelle des thèmes dans leur rap-
port avec les réalités provinciales anciennes.
L’évolution de ce vocabulaire n’est pas sans poser de problèmes à
l’historien de ces trois siècles. La très précieuse Tabula imperii byzantini est
basée, non sans fondement, sur un découpage globalement provincial de
l’Empire pour couvrir toute son histoire. Lorsqu’il s’agit de rendre compte
de l’évolution des régions anatoliennes du VIIe au IXe siècle, ce principe
s’avère efficace et clair pour des zones bien circonscrites comme la Lycie ou
la Pamphylie [TIB 8] ; son application devient plus complexe lorsqu’il s’agit
de la Cappadoce [TIB 2], des régions occidentales du littoral pontique
[TIB 9] ou du plateau qui se retrouve morcelé [TIB 4 et 7] ; elle s’avère
parfois d’un maniement difficile [TIB 5]. Des études régionales, sur la
longue durée, concernant le Pont [Bryer-Winfield, 991] ou la Bithynie
[Geyer-Lefort, 1021] font apparaître la difficulté de rendre compte de la
période de construction des thèmes à partir des provinces anciennes. Inver-
sement, une approche de l’Anatolie à partir de ses thèmes s’avère malaisée ;
L’Anatolie et l’Orient byzantin 409

elle pourrait être fructueuse pour apprécier le cadre des transformations qui
s’y firent jour durant ces siècles et qui ne furent pas seulement administra-
tives [Vlyssidou, 1081].
En effet la formulation des traits nouveaux qui caractérisent l’Empire
du VIIe au IXe siècle dans les domaines économique, social et religieux
repose souvent sur la généralisation de situations anatoliennes dont la
valeur exemplaire pour l’ensemble de l’Anatolie elle-même mériterait des
nuances régionales.

R u r alisation et ar istocr at i e
L’Anatolie participa au mouvement général de diminution démogra-
phique qui caractérisa le VIIe et le VIIIe siècle et qui ne fut pas compensé
par les implantations forcées de population, notamment en Bithynie [Dit-
ten, 480] ; la tendance s’inversa au milieu du VIIIe siècle et le développe-
ment démographique allait être continu à partir du IXe siècle, favorisant la
reprise économique [cf. chap. IX, p. 217-218]. En Anatolie, ce mouvement
démographique affecta des territoires dans lesquels les cadres de la vie des
hommes avaient subi de grands changements. C’est là notamment que la
mutation de la vie urbaine qui s’amorçait depuis le VIe siècle, sinon plus tôt,
connut la plus grande accélération, encore que ses incidences aient dû
varier avec l’inégale densité du réseau urbain [Brandes, 989].
Des monographies ont précisé ce phénomène à Éphèse [Foss, 484], Sar-
des [Foss, 1013 ; Foss et Ayer Scott, 1020], Pergame [Klinkott, 1037 ;
Rheidt, 940], Smyrne [Cheynet, 1003], en Lycie [Foss, 1017], en Pam-
phylie [Foss, 1018], en Asie égéenne [Foss, 1014], plus récemment en
Paphlagonie [Crow-Hill, 1006] et en Bithynie [Geyer-Lefort, 1021], c’est-à-
dire en général dans des régions particulièrement urbanisées et hellénisées.
On connaît beaucoup moins bien le reste de l’Anatolie, en particulier le
plateau, sauf peut-être Ancyre [Foss, 1015] ou Amorion [Lightfoot, 1044 et
1045 ; Brandes-Haldon, 641].
De rares villes, comme Nicée, Smyrne, Attaleia et Trébizonde, semblent
avoir moins souffert que d’autres, mais la plupart s’étiolèrent, plus ou moins
lentement, se réduisirent en taille, purent changer de nom ; le site parfois se
déplaça, les habitants se dissocièrent dans certains cas en communautés dis-
tinctes [Haldon, 1024].
Le plus frappant réside dans la transformation de leur aspect et dans le
changement de leurs fonctions [Brandes, 990 ; Brandes et Haldon, 641 ;
Bouras, 472 ; Dagron, 605]. Les villes, dont personne ne se souciait plus de
maintenir ou restaurer le décor monumental antique et dans lesquelles le
statut des curiales s’effaça, se définissaient maintenant par la fortification
410 Les régions de l’Empire

qui leur permettait d’assurer la sécurité et le refuge de ses habitants et de


ceux de la proche campagne ; incidemment elles restèrent sièges épisco-
paux. Les Byzantins en parlaient maintenant comme de kastra, sans que
polis disparaisse complètement du vocabulaire ou de la conscience de cer-
tains habitants. Le passage de la polis au kastron n’est pas sans importance
pour la compréhension du passage ultérieur à l’oikos aristocratique, ainsi en
Paphlagonie [Crow, 1005].
D’autre part, quoi qu’on ait pu en penser, les villes restèrent le lieu
d’une certaine économie d’échanges dont témoignèrent l’apparition de
foires (Éphèse, fin VIIIe s.) et l’existence aux VIIe et VIIIe siècles de mar-
chands provinciaux ; certains furent modestes, d’autres étaient de vrais
hommes d’affaires, doublés pendant quelque temps de fonctionnaires, mais
dont le rayon d’activité resta restreint, du moins jusqu’au IXe siècle [Oiko-
nomidès, 617 et 548 ; Laiou, 548]. Les marchands continuèrent ainsi à
maintenir un lien entre la ville et la campagne et notamment, même si
l’usage de la monnaie s’était réduit, un lien monétaire qui s’affirma au
IXe siècle quand s’opéra en ce domaine un redressement, qui reste à préci-
ser en Asie Mineure.
Le fait majeur resta cependant l’éclipse de la ville au profit de la cam-
pagne. Les villages, de taille souvent modeste, devinrent durant ces siècles,
en Anatolie, les sites prédominants d’un habitat groupé, parfois entouré de
murs, tandis que les communautés villageoises concentraient l’attention
nouvelle d’une administration fiscale réorganisée [Haldon, 386 ; Bran-
des, 640]. La précocité du phénomène thématique en Anatolie en fit le lieu
par excellence du débat historiographique sur le progressif enracinement
rural des soldats thématiques que les sources montrent, au début du
Xe siècle, disposant de terres particulières, les terres stratiotiques [Brandes-
Haldon, 641]. Dans le concret cependant, hormis le cas de Philarète en
Paphlagonie qui appelle une interprétation prudente, il est difficile d’ap-
précier concrètement les réalités de la vie d’un village et de l’exploitation
du sol. Dès cette époque la partie cappadocienne du plateau et la région
des Thracésiens devaient posséder de grands domaines [cf. chap. X, p. 238-
239].
Une reprise urbaine s’amorça au IXe siècle, dans le cadre d’une Anatolie
entre-temps ruralisée et militarisée. Se substituant aux curiales et à la vieille
aristocratie de la capitale, un personnel dirigeant nouveau, qualifié par son
talent militaire et appuyé sur des soldats en prise sur le milieu rural, était
apparu dans les thèmes, et notamment sur le plateau. On découvre ainsi,
dans le courant du IXe siècle, les ancêtres militaires des trois futures grandes
familles cappadociennes, Maléïnos, Argyros et Phocas ; mais il y a aussi un
Sklèros dans la région de Mélitène, les premiers Doucas en Paphlagonie,
des Mélissènos dans la région de Dorylée. Cette aristocratie militaire qui
L’Anatolie et l’Orient byzantin 411

s’enorgueillit de titres impériaux nouveaux est cependant peut-être moins


nouvelle qu’on ne l’a dit ; elle pourrait être une aristocratie au service du
palais, distinguée et dominée par lui, en dehors des vieilles familles de la
capitale, au sein de lignages provinciaux anciens plus modestes [Nichanian,
429 ; Winkelmann, 430].

Vitalité r eligieu se

L’Anatolie n’échappa certainement pas aux inquiétudes exprimées par


le concile In Trullo face à la fuite des clercs, au développement du paga-
nisme, aux dangers pesant sur l’orthodoxie. Cependant les cadres épisco-
paux semblent au total avoir bien résisté, si l’on en juge par les participa-
tions aux synodes et par la liste épiscopale de Nicolas le Mystique qui fait
état de 442 évêchés micrasiatiques. Il y eut toutefois des modifications :
création de provinces (ainsi la Lazique autour de Trébizonde), érection de
métropoles (ainsi Euchaïta, Syllaion), d’archevêchés (Chônes)... Mais la vie
de ces évêchés, qui pourrait être parfois éclairée par la correspondance de
Photius, reste mal connue. Il est possible d’autre part que le VIIe siècle ait
fait disparaître certaines hérésies anciennes, mais des groupes se maintin-
rent et continuèrent à faire parler d’eux en Phrygie, Galatie ou Lycaonie,
ainsi les Montanistes [Baumeister, 981] ou les Quatuordécimains, tandis
que d’autres apparaissaient, comme la secte judaïsante des Athinganes.
L’Anatolie occupa une large place dans l’histoire de l’iconoclasme.
L’existence d’un mouvement iconoclaste dans l’Église peu avant 730 est
attestée en Asie Mineure, mais le problème historiographique du rôle de ce
territoire dans la décision des empereurs isauriens d’imposer à l’Empire un
christianisme aniconique est maintenant dépassé. Des études hagiographi-
ques permettent de mieux connaître l’importance de l’Asie Mineure occi-
dentale dans la politique impériale et dans la défense de ce qui devint
l’orthodoxie. Cependant un inventaire précis des régions et Églises locales
d’Anatolie, acquises aux icônes ou à l’aniconisme de manière constante ou
conjoncturelle reste souhaitable.
Un second mouvement, propre à l’Anatolie, caractérisa ses régions
nord-orientales ; l’hérésie manichéenne des Pauliciens naquit à la fin du VIIe
et au VIIIe siècle dans le thème des Arméniaques ; ils se développèrent tout
au long du VIIIe siècle en s’organisant en Église avant d’aller se mettre sous
la protection de l’émir de Mélitène au début du IXe siècle et de constituer
autour de Téphrikè un véritable État militaire qui ne fut défait qu’en 878 ;
le paulicianisme ne disparut pas pour autant et alla alimenter d’autres mou-
vements, comme les Thondrakites en Arménie ; on le retrouve plus tard en
Bulgarie et en Asie Mineure.
412 Les régions de l’Empire

Globalement cependant, et sans exclure le maintien de minorités reli-


gieuses, comme les juifs [Prinzing, 1058], le christianisme orthodoxe resta
dominant en Asie Mineure. La progression de l’islam sur ses confins orien-
taux passés dans le califat ne semble pas l’avoir troublée, même si elle a
entraîné à la fin du VIIIe siècle et dans la première moitié du IXe une inter-
rogation sur l’islam ; le sang des néomartyrs, même ceux dits d’Amorion,
n’a pas coulé sur son sol. De conséquence plus durable est en revanche, à
la même époque, le renforcement des Églises non chalcédoniennes sur ces
mêmes confins, plus tard reconquis. Ce fut le cas en Syrie où le patriarcat
melkite d’Antioche, désorganisé et décapité par la conquête, puis recom-
posé au milieu du VIIIe siècle, ne put empêcher la formation de l’Église
maronite et vécut des heures difficiles ; ou encore en Mésopotamie où
l’Église jacobite d’Antioche confirma sa forte implantation et ses fonde-
ments monastiques. Les changements furent plus importants encore en
Arménie dont l’antichalcédonisme, affirmé au début du VIIe siècle, se
confirma sous la domination arabe, sans faire disparaître cependant de forts
courants chalcédoniens [Garsoïan, 433] ; en dépit de tentatives de rappro-
chements au IXe siècle avec Constantinople, son Église s’affirma comme
une Église-nation, appuyée sur une liturgie et un droit canon normalisés
[Mahé, 1047] ; elle prit des distances de plus en plus nettes avec l’Église de
Géorgie, la seule des Églises voisines du territoire impérial qui fût ouverte-
ment chalcédonienne depuis le début du VIIe siècle [Martin-Hisard, 1049].
Le trait le plus marquant de la vie religieuse en Anatolie durant cette
période fut le développement d’un monachisme qui trouva son terrain de
prédilection dans les zones montagneuses, non loin toutefois de villes
importantes, ainsi en Paphlagonie à Chrysè Pétra [Kountoura-Galakè,
1039], et plus que tout en Anatolie égéenne. C’est là que sur l’Olympe de
Bithynie naquit au VIIIe siècle le phénomène des « saintes montagnes »
[Talbot, 1071], qui allait se développer encore au IXe siècle et au Xe au
mont Kyminas avec la laure de Michel Maleïnos [Auzépy, 979, 980 ; Hut-
ter, 1039] et dans le massif du Latros, près de Milet [chap. XIII, p. 337] ;
une série de monastères marquait aussi le littoral ainsi que la plaine
d’Atrôa. Ce milieu monastique, duquel émergent les noms de Théophane le
Confesseur, de Platon ou de Théodore Stoudite, alimenta en saints
l’hagiographie anatolienne à partir du IXe siècle [Efthymiadis, 1011].
Hagiographie des fondateurs et hagiographie des héros de l’iconodoulie,
tous concentrés en Asie Mineure occidentale, relayèrent les Vies des saints
hommes, plus proches de la vie quotidienne [Rosenqvist, 1063] et dont on
trouvait encore la trace à la fin du VIIIe siècle chez Philarète [Ryden, 92 ;
1065] ; après Georges d’Amastris, le saint évêque tendit à disparaître.
C’est peut-être cette relative concentration géographique de la sainteté
qui permet d’expliquer le développement de lieux de culte dispersés, autour
L’Anatolie et l’Orient byzantin 413

de saints anciens, plus familiers et plus proches, à Chônes et Éphèse, Myre,


Euchaïta et à Euchaïna, Trébizonde [Rosenqvist, 1064], mais encore
Césarée, Ikonion, Amasée, Sébastè... [Foss, 1019].

Diver sification r égion ale

La période qui va du début des guerres arabes à la fin du IXe siècle a vu


les débuts d’une diversification régionale, encore un peu floue et mal
connue, dont les bases relèvent de la géographie et de l’économie, mais
aussi de l’histoire et du politique ; elle devait se préciser par la suite et gui-
der l’évolution différenciée du territoire anatolien.
Ouverte sur la mer par ses trois façades maritimes qu’illustraient
Smyrne et son arsenal, l’Anatolie occidentale, répartie entre Opsikion,
Thracésiens et Optimates, toujours fortement urbanisée et précieuse pour
sa fructueuse production agricole, devint l’hinterland plus ou moins proche
de Constantinople dont elle contribuait à garantir le ravitaillement, la sécu-
rité, et même la vie spirituelle et l’orthodoxie, malgré l’ébranlement icono-
claste [Mango et Dagron, 576]. Les domaines qu’y possédait l’aristocratie
de la capitale renforçaient ces liens. Le redressement du IXe siècle est attesté
par les nombreux sceaux de commerciaires, par l’animation des foires de
Nicomédie et d’Éphèse, comme par le dense réseau des emporia et il
entraîna des réaménagements ecclésiastiques.
Bien différent était le plateau intérieur, essentiellement rural, sans arbres
et sans vignes, dont la valeur en ces temps de guerre s’était accrue grâce à
ses grands domaines consacrés aux pâturages et à l’élevage, moins vulnéra-
bles à la guerre et déjà aux mains de grandes familles, grâce aussi à ses
grandes artères routières indispensables au drome. Mais il était lui-même
divers. Support permanent des Anatoliques, sa partie occidentale, plus rude
et qui n’ignorait pas l’hérésie, put, malgré sa richesse en minerais, sembler
défavorisée par le caractère aride et le médiocre tissu urbain de la Lycaonie
[TIB 1, 2] ; pourtant elle connut, elle aussi, au IXe siècle un certain renou-
veau visible dans la région de Binbirkilise. Bien vide de villes, la vaste
région de Cappadoce [TIB 1, 2 ; RBK, 1060, t. 3], dont l’originalité artis-
tique commençait à se tempérer sous l’effet des influences de la capitale,
amorçait son passage à la domination aristocratique ; sa division en plu-
sieurs thèmes ne cache pas l’unité fondamentale que lui conférait la pra-
tique de la guerre aux frontières.
Le littoral méridional accentua une vocation maritime soulignée par la
création du thème des Cibyrrhéotes, qui donna une unité fictive à des pro-
vinces qui gardaient leur réalité et leur spécificité [TIB 8, 1077]. La Lycie,
rocheuse et accidentée, fameuse par ses marins et ses forêts, sans grandes
414 Les régions de l’Empire

cités mais aux petits habitats qui surent se reconstruire, connut une renais-
sance partielle, visible à Myre à la fin du VIIIe siècle [Borchhardt, 987 ;
Kountoura-Galakè, 1040] illustrée encore à Dereazi ; la plaine de Pamphylie
ne garda qu’une seule de ses grandes cités antiques, Attaleia, qui ne cessa de
prospérer et s’affirma comme un centre majeur du commerce byzantin
[Foss, 404]. Plus loin, la massive zone de l’ancienne Cilicie Trachée réunie
avec l’Isaurie dans la cleisourie, puis dans le thème de Séleucie fut surtout
absorbée par l’effort de guerre sur le front cilicien [TIB 5, 1075].
Le Pont désigne selon les cas l’ensemble ou seulement la partie orientale
du littoral de la mer Noire, à l’arrière-pays de montagnes couvertes de
forêts ; il se différencia au début du IXe siècle avec la formation, au-delà des
Bucellaires, de la Paphlagonie et de la Chaldie. Quelques rares informa-
tions confèrent une certaine individualité, rurale et hagiographique, à la
première, tournée au nord vers la Crimée et liée au sud à la Galatie qui
était entrée avec sa nombreuse population rurale dans les Bucellaires avec
Ancyre. En Chaldie, encore étouffée par la guerre, Trébizonde qui fut un
bel exemple de continuité urbaine commençait lentement à construire son
rayonnement en direction de la Lazique et du monde ibère. Entre Paphla-
gonie et Chaldie, les Arméniaques, berceau premier des Pauliciens, ne dis-
posaient plus que d’une plaine littorale, relativement restreinte, avec
Sinope, mais ils se rattachaient par paliers vers le sud à la Cappadoce, à
travers des régions à forte tradition hagiographique [Hutter, 1033 ; Walter,
1083] et ils contrôlaient les routes vers l’Orient.

L’ A N A T O LI E E T S E S N O U V E A U X C O N F I N S
(FIN IXe - MILIEU XIe S.)

L’action des combattants thématiques et le développement de grandes


campagnes au Xe siècle portèrent la guerre à l’extérieur de l’Anatolie. Elles
lui rendirent une sécurité et une paix qui parurent durablement renforcées
grâce à de nouvelles zones de confins restituées à l’Empire par des lignées
de généraux issus de l’aristocratie qui avait émergé au siècle précédent. Plus
que de la guerre, l’Anatolie porta alors la marque de l’aristocratie militaire
dont les biens accrus profitèrent peu à peu de l’éloignement de la guerre
qu’elle mena au bénéfice de ses hommes et du fisc. Cependant l’histoire de
l’Anatolie se déroulait maintenant dans le cadre d’un Empire qui commen-
çait à recouvrer et à élargir son assise occidentale et aux marges d’un
Orient qui se diversifiait.
415
Confins orientaux (frontières)
416 Les régions de l’Empire

L’EXPANSION DE L’ANATOLIE

Le Xe siècle et la première moitié du XIe siècle furent marqués en


Orient par une expansion territoriale sur l’ensemble de la frontière. Ce fut
principalement l’œuvre au Xe siècle d’une aristocratie, puissamment enra-
cinée sur les confins, qui contribua par ses initiatives à modeler une nou-
velle organisation administrative dans des régions reprises aux Arabes.
L’initiative passa à la fin du siècle au pouvoir central qui allait pousser
l’expansion plus au nord, principalement aux dépens de ses alliés chrétiens
ibères et arméniens.

Gu ér illa et campagnes an at ol i en n es du Xe si ècl e


Au cours des premières décennies du Xe siècle, les guerres frontalières
grignotèrent le « no man’s land » aux marges de la Cappadoce et du Char-
sianon, en direction de la Cilicie [Dagron, 1007, 1008] et de l’Euphrate
[Cheynet, 397], comme le montre la création vers 908 de nouvelles cleisou-
ries : Sébastè, Lykandos, Léontokomè/Téphrikè. La transformation en thè-
mes des cleisouries de Sébastè avant 911, du Likandos vers 916, de Séleucie
entre 927 et 934 entérina l’avance de la frontière, encore accrue d’une part
par l’acquisition à l’est de l’Euphrate de ce qui fut peut-être d’abord une
cleisourie, avec un prince arménien, avant son annexion officielle comme
thème sous le nom de Mésopotamie, au plus tard en 911, d’autre part par
le Taron au statut un peu particulier avec ses princes arméniens qui portè-
rent le titre de stratège bien avant la création du thème, antérieurement
à 966.
La guerre frontalière qui s’exerçait au bénéfice ou au désavantage des
populations locales relevait des stratèges et des thèmes aux effectifs variables
[chap. VI] ; les soldats akritiques, stationnés au contact direct du « no
man’s land », agissaient promptement et efficacement ; les autres contin-
gents thématiques, plus éloignés du front et formés à la fois de troupes
d’élite quasi professionnelles attachées au stratège et de soldats moins
experts, mais très liés aux populations locales, intervenaient pour des opéra-
tions qui prirent une ampleur croissante au fil du temps au point de néces-
siter le recours à des tagmata et à leurs tourmarques qui pouvaient stationner
dans les provinces, comme les Fédérés dans les Anatoliques. Mais les guer-
res du Xe siècle en Orient comportèrent aussi de vraies campagnes associant
différents themata et tagmata ; ils étaient alors placés sous le commandement
du nouveau domestique des scholes d’Orient. Les opérations militaires pri-
L’Anatolie et l’Orient byzantin 417

rent en compte deux changements intervenus depuis la fin du IXe siècle au-
delà des frontières ; il y eut d’abord l’éclatement de la province arabe
d’Arménie en principautés arméniennes indépendantes, dont certaines se
dotèrent peu à peu de rois, et en émirats arabes qui s’allongeaient de Théo-
dosioupolis à Mantzikert et autour du lac de Van et couvraient l’émirat de
Dvin ; il y eut ensuite la consolidation des Bagratides ibères à l’est de Trébi-
zonde. La guerre enfin vit un large recours à la diplomatie [Koutrakou,
223 ; Shepard, 1067].
L’action de Constantinople se porta au début surtout contre Mélitène et
Théodosioupolis. Cette période fut celle des Kourkouas, Théophile qui fut
stratège de Chaldie et de Mésopotamie et son frère Jean, domestique des
scholes de 922 à 944. La reprise de Mélitène en 934 augura bien du harcè-
lement contre les tughur. Mais un nouvel ennemi était apparu dans les
années 930 entre Tarse et Adata au sud-ouest, Théodosioupolis au nord-
est, avec l’établissement à Mossoul de l’émirat des Hamdanides dont
l’emprise s’étendit sur toute la Mésopotamie arabe (ou Djâzira), gardée au
nord par Sayf al-Dawla. Cependant ses efforts pour reprendre Mélitène
en 939-940 d’abord, puis en 944, restèrent vains.
À cette date, en l’espace d’une trentaine d’années, le territoire impérial
s’était agrandi, parfois sans bruit, dans la partie orientale de la Cappadoce
et jusqu’en Chaldie, comme le montre l’apparition de petites circonscrip-
tions nouvelles dénommées thèmes. Les armées byzantines qui agirent
en 944 en Djazîra manifestèrent la capacité de l’Empire à agir bien au-delà
de la zone des tughûr.
En 944 Sayf al-Dawla s’installa à Alep et établit son contrôle jusqu’à sa
mort, en 967, sur l’ensemble de la frontière syro-mésopotamienne où il fit
revivre l’esprit du djihâd. Les perspectives de guerre s’en trouvèrent modi-
fiées. L’heure de Sayf fut celle des Phocas : Bardas Phocas, domestique des
scholes jusqu’en 955, et ses trois fils, stratèges de Séleucie, Anatoliques et
Cappadoce, Léon, Constantin et surtout l’aîné Nicéphore, d’abord stratège,
puis domestique des scholes en 955, empereur en 963, qui eut à ses côtés
son neveu Jean Tzimiskès, stratège de Mésopotamie, puis domestique des
scholes en 963, empereur à son tour en 969.
Jusqu’en 955, la guerre, toujours entrecoupée de trêves, combina mou-
vements autour des passes d’Adana et d’Adata et actions maritimes ; mais il
y eut aussi de brillantes et profondes campagnes de l’émir, en 950 et 953,
jusque dans le Charsianon et les Arméniaques ; cependant, sur la frontière
nord, l’appui des Ibères permit la prise de Théodosioupolis en 949. Dès
lors, de 955 à 962, l’offensive byzantine se fit générale en Djazîra et en
Cilicie où les attaques se concentrèrent contre les forteresses et allèrent par-
fois jusqu’à Alep. L’Empire recouvra bientôt la Cilicie avec Adana, Mop-
sueste et surtout Tarse en 965, puis Antioche en 969 tandis qu’Alep signait
418 Les régions de l’Empire

un traité qui laissait à l’Empire la Syrie du Nord, à l’ouest et au nord d’une


ligne allant de Tripoli à l’Euphrate [Farag, 1012]. Ces guerres s’étaient
accompagnées de destructions systématiques et de déportations massives
[cf. chap. II].
Un nouvel Orient byzantin semblait naître au-delà du Taurus, prolon-
geant le territoire impérial en Arménie, en Djâzira et en Syrie où venait
toutefois d’apparaître la nouvelle puissance des Fâtimides. Les actions sou-
vent glorieuses des dernières décennies du siècle en Djazîra et en Syrie ne
modifièrent pas la frontière.
L’incessante confrontation avec les Arabes aux frontières de l’Anatolie
fit d’elle comme le terreau d’un mouvement intellectuel qui s’exprima dans
la capitale, mais elle fut elle-même le lieu d’une culture spécifique, plus
attachée au sang de la guerre qu’à l’encre de la diplomatie [Haldon, 1022 ;
Jouanno, 770]. La guerre contre les Arabes suscita des questionnements sur
l’ennemi et les causes de ses victoires et sur la guerre elle-même [Dagron,
1008] ; elle inspira dès la fin du IXe et tout au long du Xe siècle des ouvra-
ges techniques enregistrant ou exploitant l’expérience acquise sur le terrain,
celle des Phocas notamment [Dagron-Mihàescu, 357 ; McGeer, 365 ; Den-
nis, 1010] et réactualisant des problèmes anciens [Sullivan, 410 et 1070] ;
elle entretint un mouvement d’exaltation [McCormick, 233], particulière-
ment à l’époque où l’affrontement avec l’émir hamdanide d’Alep tendait à
se muer en un affrontement entre Empire chrétien et Empire musulman
[McGeer, 974]. L’historiographie contemporaine porte le reflet de ce mou-
vement culturel avec ses études sur la guerre [Miller et Nesbitt, 366 ; Empo-
lemo Buzantio, 368] et ses nombreuses controverses sur la notion de guerre
sainte [Kolia-Dermitzakè, 414 et 1038 ; Laiou, 1042 ; Oikonomides, 1056 ;
Kolbaba, 413].

L’ar istocr atie an atol i en n e


Le désenclavement de l’Anatolie et la formation d’un nouvel Orient
byzantin sont à mettre au crédit de certaines familles de l’aristocratie mili-
taire qui était apparue au IXe siècle. Enracinées par leurs bases foncières
dans les thèmes frontaliers où elles avaient réussi à exercer leurs comman-
dements militaires, ces familles furent les grandes bénéficiaires de la recon-
quête et de la paix retrouvée sur le plateau. Mieux qu’un cas particulier de
l’aristocratie byzantine provinciale de ce siècle, elles en sont l’incarnation
même ; les fonctions qu’elles occupèrent mirent entre leurs mains toute la
politique byzantine en Asie Mineure et même dans la capitale puisqu’elles
se relayèrent dans la fonction de domestique des scholes d’Orient et accédè-
rent pour certaines au trône impérial ; les empereurs macédoniens pour
L’Anatolie et l’Orient byzantin 419

leur part renoncèrent, après Basile Ier, à toute présence militaire en Anatolie
[cf. chap. II, p. 27].
Des familles d’importance inégale se repéraient un peu partout au
Xe siècle en Anatolie. Les unes, de rang modeste, étaient présentes en
Bithynie, un peu moins dans les Thracésiens ; on en trouve d’autres dans
les Anatoliques et les Arméniaques, ainsi que, à la fin du siècle, dans la
région d’Antioche. Mais le domaine par excellence des grandes familles, de
celles qui accéderont directement ou par clan interposé au pouvoir impé-
rial, fut celui des frontières orientales où se jouait la reconquête, la Cappa-
doce, le Charsianon, la Mésopotamie, la Chaldie. C’est là qu’étaient les
bases foncières des Phocas et des Maléïnos, des Kourkouas-Tzimiskès, des
Lékapènos, Argyros et Sklèros [Cheynet, 461, carte p. 246 ; stemmata].
Ces familles ne constituèrent pas un seul bloc uni par des intérêts com-
muns. Grâce à une clientèle fidélisée par les victoires, bénéficiant d’un épa-
nouissement familial propice à la concentration des fonctions et à
l’extension de leur réseau d’alliances, les Phocas formaient le groupe domi-
nant, intéressé à la progression du territoire au-delà de la Cappadoce, au
sud-est, où ils dirigèrent actions de guérilla et campagnes, non sans entrete-
nir leur gloire religieuse [Laiou, 1043 ; Walter, 1083] ; leurs liens avec les
Bagratides ibères leur assuraient des bases dans la région pontique orien-
tale. Les autres familles qui s’appuyaient volontiers sur les Arméniens
étaient davantage préoccupées par Mélitène, la Djâzira et Théodosioupolis,
et s’accordaient sur une volonté commune de freiner les Phocas.
Jusqu’à la fin des années 960 il y eut comme une alternance de ces
deux clans dont les heurts furent toutefois atténués par des alliances matri-
moniales qui empêchèrent les rivalités de se muer en guerres civiles, ce qui
est peut-être à mettre au crédit des Phocas. Mais le complot qui élimina
Nicéphore Phocas en 969 et porta Jean Tzimiskès au pouvoir fit rejouer les
lignes de fracture entre les clans dont chacun prétendit au pouvoir impérial.
Les deux grandes rébellions du dernier quart du siècle qui se déroulèrent en
Asie Mineure et dont les Phocas et les Sklèros furent les animateurs mirent
en évidence les rivalités et les méfiances entre ces clans et soulignèrent les
divisions géographiques de l’Anatolie. Les régions occidentales entrèrent
tard, quand elles y entrèrent, dans des mouvements qui étaient nés dans les
milieux militaires autour de Mélitène ou de Césarée et qui se propagèrent
inégalement vers l’ouest à travers le plateau ; les zones côtières de la mer
Noire bougèrent peu. Ces mouvements en revanche rencontrèrent un écho
favorable dans la région d’Antioche et trouvèrent des appuis hors de
l’Empire, chez les Ibères ou chez les Arméniens et parfois auprès des émirs
arabes.
Ces rébellions marquèrent le dernier éclat de la grande aristocratie ana-
tolienne du Xe siècle ; cette aristocratie était apparue pour le service de
420 Les régions de l’Empire

l’Empire et de ses intérêts propres dans la défense de l’Asie Mineure, elle


s’affermit sur les frontières et se divisa avec l’offensive, non seulement parce
qu’il y eut plusieurs fronts, mais aussi parce que l’heure des themata com-
mençait à passer. En assumant la direction des armées, en recourant aux
mercenaires et aux tagmata, en portant l’offensive dans les Balkans, Basile II
modifia la place de l’Asie Mineure et de son aristocratie dans l’Empire. Les
familles frontalières perdirent l’initiative militaire qui revint au centre tandis
que les profits de la guerre se ralentissaient avec elle. Des traitements diffé-
rents leur furent réservés. Les Phocas et Maleïnos disparurent ou perdirent
toute importance, laissant pour un temps la Cappadoce déstabilisée ; les
Sklèros, affaiblis, furent ménagés ; le devant de la scène fut occupé par les
Argyros, par les Doucas et par des lignées plus récentes et moins presti-
gieuses qui fournirent les cadres militaires indispensables et qui n’avaient
plus que rarement des liens avec la Cappadoce [Cheynet, 999]. La
méfiance à l’égard des Ibères accompagna l’échec des Phocas ; les Armé-
niens en revanche connurent les faveurs impériales.

Les n ou veau x ter r ito i r es or i en t au x


À la fin du siècle, le territoire de l’Empire avait progressé de 100 à
150 km vers l’est, aux dépens de l’ancien « no man’s land » cappadocien et
taurique, de la région des tughûr et des terres arméniennes. Les nouvelles
frontières orientales ne correspondaient plus à des limites naturelles et pla-
çaient l’Empire devant une carte politique complexe : Ibères bagratides
jugés peu sûrs, émirats du lac de Van et de Mantzikert séparant le royaume
bagratide d’Ani et le royaume artsruni de Vaspurakan, émirats marwânides
qui avaient remplacé les Hamdânides en Djazîra ; l’émirat d’Alep était un
allié, mais il dut attendre 1001 pour bénéficier d’une longue trêve avec les
Fâtimides. Deux traits distinguaient les nouveaux territoires frontaliers : leur
peuplement et leur organisation.
On a souvent affirmé que, du fait de la guerre, les terres reconquises
étaient peu peuplées et se trouvèrent même parfois vidées de leur popula-
tion musulmane par exode ou par déportation, ce qui aurait facilité
l’arrivée, sollicitée ou spontanée, de nouveaux éléments ethniques, notam-
ment arméniens et syriens. Ce ne fut certainement pas un cas général ;
quant à un repeuplement allogène, sa géographie et ses modalités sont mal
connues pour le Xe siècle et la venue d’Arméniens, Syriens et autres
n’exclut nullement l’établissement de Grecs.
Le rôle des Arméniens qui fut particulièrement important appelle une
analyse nuancée en raison de leur hétérogénéité [Garsoïan, 433] ; prolon-
geant une tradition ancienne d’émigration militaire, des aristocrates armé-
L’Anatolie et l’Orient byzantin 421

niens qui se convertirent à l’orthodoxie chalcédonienne continuèrent à


s’intégrer au plus haut niveau dans l’aristocratie byzantine et de nombreux
Arméniens sont mentionnés jusque dans les Thracésiens parmi les forces de
cavalerie des expéditions de la première moitié du Xe siècle ; mais le fait
original qui s’amplifia à la fin du Xe siècle semble avoir été l’installation de
nouveaux venus arméniens le long de la frontière orientale, dans la zone
libérée par les Pauliciens, autour de Mélitène, dans les terres reconquises du
Lykandos, en Cilicie et en Syrie, ainsi que dans de plus anciennes régions
du Charsianon et de Sébastè. Ce phénomène, insuffisamment documenté,
toucha les régions de l’ancienne Arménie byzantine, à l’ouest de
l’Euphrate ; l’ampleur qu’on lui prête conduit à s’interroger sur l’origine
d’un tel courant et à se demander si cette immigration ne fut pas surtout
celle d’individus ou de groupes d’individus, surtout des militaires auxquels
furent confiées des forteresses, notamment dans le Taurus ; elle fut en tout
cas spontanée et non structurée. Des conflits entre clercs arméniens et
clergé grec local, attestés à la fin du Xe siècle à Mélitène, à Sébastè et pro-
bablement à Antioche, montrent que l’insertion régionale des Arméniens ne
fut pas toujours aisée, mais qu’ils finirent par constituer des poches de peu-
plement à l’est d’une ligne Sebastè-Césarée-Podandos-Tarse et qu’ils furent
protégés par le pouvoir impérial.
Dans la région de Mélitène et en Mésopotamie du Nord où, comme en
Syrie sans doute, l’expansion ne fut pas toujours bien accueillie par les mel-
kites [Micheau, 1052], la venue de Syriens jacobites semble avoir résulté,
dans les toutes dernières décennies du Xe siècle, d’une politique d’accueil
concertée avec le patriarche jacobite. L’implantation de nouveaux évêchés
jacobites et la multiplication de monastères dans les régions de Germanicée,
Édesse et surtout Mélitène en furent les principaux signes ; mais les exem-
ples concernent surtout la seconde moitié du XIe siècle [Dagron, 478].
Les régions conquises furent intégrées progressivement à l’Empire selon
un double système de thèmes et de duchés [Seibt, 350 ; cf. chap. VI ;
carte 2 de Kühn, 364].
Dès 949, des circonscriptions de petite taille étaient apparues dans les
régions annexées, en cours de repeuplement ; dénommées thèmes, elles se
restreignaient généralement à une forteresse, souvent confiée à un officier
arménien ; dans le premier thème ainsi formé, Charpézikion [TIB 2, 1073],
les stratèges, assistés de nombreux officiers payés par l’État, disposaient de
faibles effectifs dont le caractère arménien a été affirmé, essentiellement une
infanterie pour tenir la forteresse et les défilés. Ces caractéristiques seraient
valables pour les autres thèmes qui apparurent progressivement après 949 ;
une quarantaine sont ainsi attestés dans les années 970 en une longue
bande qui recouvrait l’ancienne région frontière du IXe siècle et la débor-
dait en Cilicie, Syrie, Djazîra et Arménie ; elle formait ainsi, sur la nouvelle
422 Les régions de l’Empire

frontière orientale, une sorte de bouclier qui couvrait les anciens thèmes,
parfois appelés maintenant grands thèmes ou thèmes romains. Des autorités
civiles, kritai et kouratores, agissant au nom de la capitale et indépendantes du
stratège, étaient présentes dans ces thèmes que la hiérarchie du Palais pla-
çait bien après les thèmes anciens.
Jean Tzimiskès compléta l’aménagement de la frontière par la création
de trois duchés, Mésopotamie, Chaldie, Antioche, vastes circonscriptions
frontalières dont les deux premières englobaient les nombreux petits thèmes
récemment formés tandis que la troisième correspondait à des terres en
cours d’annexion ; leurs capitales ne se trouvaient pas sur la frontière et
pouvaient servir de forteresses de repli et de réserve. Dans la dépendance
du domestique des scholes d’Orient, ces ducs, assistés de topotérètes, étaient
de puissants personnages dont la fonction était purement militaire ; ils com-
mandaient des corps d’armée composés de cavaliers de tagmata, mais aussi
des fantassins et ils avaient autorité sur les stratèges. L’institution des ducs
permettait de pallier l’émiettement des forces des petits et nombreux stra-
tèges en cas d’agression ou d’offensive. Des hommes sûrs qui avaient fait
leurs preuves militaires furent mis à la tête des duchés. Le duché
d’Antioche qui couvrait la Cilicie et la Syrie est de tous le mieux connu tant
pour son personnel administratif et le patriarcat melkite qui fut reconstitué
[Todt, 1079 et 1080 ; Cheynet, 1000] que pour la diplomatie régionale ori-
ginale qui y fut mise en œuvre [Kennedy, 1036]. Sans que soient contestées
ces transformations aux frontières, l’apport de la sigillographie a pu
conduire à formuler des nuances quant à la réalité concrète et permanente
de ce système [Holmes, 1029].
Plus tard, vraisemblablement sous Basile II, émergea une vaste unité
administrative civile, attestée par les sceaux jusqu’en 1071, et dite armenika
themata, appellation collective qui avait été utilisée au Xe siècle sans valeur
administrative pour les nouveaux petits thèmes et qui devint alors un terme
technique pour désigner une circonscription civile regroupant les petits
thèmes d’un territoire situé entre la vallée de l’Halys et l’Euphrate, entre
Colonée et le Lykandos, sans Mélitène, et dans laquelle étaient établis des
juges, curateurs ou protonotaires [Seibt, 350].
Dans la nouvelle région créée par l’avancée de la frontière, Constanti-
nople s’efforça de garder le contrôle des terres reconquises pour éviter le
développement d’une nouvelle aristocratie et de nouveaux réseaux d’in-
fluence, surtout après l’écrasement des révoltes aristocratiques dans lesquelles
la Chaldie et la Mésopotamie avaient été impliquées ; les terres enlevées aux
révoltés facilitèrent l’implantation de populations plus fidèles [Howard-
Johnston, 1031]. La vie sur ces frontières ne fut donc pas celle du IXe siècle.
Dans un cadre émietté, aucune solidarité régionale ne liait plus un chef puis-
sant et des soldats, le contact trop direct avec les nouveaux voisins arabes
L’Anatolie et l’Orient byzantin 423

rendait aléatoire la razzia, les profits de la guerre disparurent et avec eux son
intérêt et son goût ; la responsabilité se dilua, laissée à des ducs de lignée
moins prestigieuse et envoyés par la capitale, qui appliquaient sans trop
d’initiative propre les directives du centre, tant qu’il put y en avoir.

La secon de expan sion


Une nouvelle expansion des territoires orientaux de l’Empire, inspirée
par le pouvoir central eut lieu dans la première moitié du XIe siècle ; elle se
fit principalement au nord-est, par la guerre et des pressions exercées aux
dépens de princes chrétiens, qui passaient pour des alliés de Constanti-
nople. Les terres annexées formèrent une seconde série de duchés ou caté-
panats, souvent improprement appelés thèmes [Kühn, 364].
La formation du duché d’Ibérie est liée à l’histoire des rapports entre
l’Empire et la famille bagratide ibère qui avait constitué au IXe siècle une
principauté, à l’est de la Chaldie byzantine et de l’émirat arabe de Théodo-
sioupolis ; les Bagratides ibères faisaient allégeance à Constantinople qui
leur avait confié la défense et la promotion de ses intérêts dans la région à
travers l’octroi régulier à l’un de ses membres de la dignité de curopalate
[Martin-Hisard, 1050]. La principauté s’était étendue et diversifiée. Dans la
seconde moitié du Xe siècle sa partie nord-orientale formait le patrimoine
du chef de la famille qui avait adopté, à usage interne, le titre de roi des
Ibères : la partie plus proche de Trébizonde et de Théodosioupolis relevait
d’un autre Bagratide, David, dont le patrimoine dans le Tao ibère avait été
augmenté en 964 de terres arméniennes [Arutiunova-Fidanjan, 978] ;
depuis 976-979 David avait, à titre viager, autorité sur des territoires, en
partie à conquérir, depuis Théodosioupolis jusqu’au lac de Van, y compris
Mantzikert [Honigmann, 1030] ; frondeur, il se soumit cependant en 990-
991 à Basile qui lui remit, sans doute à ce moment-là seulement et contre
promesse de son héritage, le titre de curopalate. À la mort de David
en 1001, Basile dut se battre pour récupérer ses terres non patrimoniales et
il transféra la dignité de curopalate au fils du roi des Ibères, Bagrat’, héri-
tier par adoption du patrimoine bagratide de David, devenu par un jeu
d’héritage roi des Apkhazes en tant que Bagrat’ III et futur roi des Ibères
en 1008 en tant que Bagrat’ Ier. Le respect du territoire gagné par l’Empire
fut imposé en 1021-1022 par la guerre menée contre le roi des Ibères et des
Apkhazes, Georges Ier [cf. chap. II, p. 38].
Dès 1001 ou peut-être seulement en 1025/1027, un duché dit d’Ibérie,
d’abord centré sur Oltisi, regroupa les terres héritées de David ; Théodo-
sioupolis, restaurée en 1018-1019, en devint le principal point fort. Le nou-
veau duché fut parfois uni à celui de Chaldie. La dissolution dans des cir-
424 Les régions de l’Empire

constances mal connues, de l’armée dite d’Ibérie n’entraîna cependant pas


la disparition de forces militaires au service des ducs. La création du duché
d’Ibérie divisa l’aristocratie locale ibère dont une partie se mit au service
des Byzantins, mais il n’y eut pas de déplacement massif de population.
Depuis sa fondation à l’époque du curopalate David, l’histoire d’Iviron, le
monastère des Ibères sur l’Athos, illustre bien les relations complexes entre
Constantinople et les Ibères [Iviron I, 77 ; Martin-Hisard, 972].
Le catépanat du Vaspurakan procède du royaume artsruni de Vaspura-
kan, que son importance stratégique et économique avait fait entrer dans la
sphère des intérêts byzantins dans les années 930 ; en 1022 son roi Sena-
chérim le légua à l’Empire. Constitué en un duché qui formait un avant-
poste oriental de l’Empire, l’Asprakania avait autorité sur l’ancien émirat de
Mantzikert et disputa aux Marwânides de Djazîra le contrôle des émirats
du lac de Van. En 1051-1054 le Vaspurakan, qui avait souffert dès 1029
des premiers raids turcomans, fut réuni au Taron.
Le duché d’Ani résulte de la décision prise en 1021 par le roi bagratide
d’Ani de léguer son royaume à l’Empire ; ce fut réalisé, non sans opérations
militaires, seulement en 1045, sous un autre roi, Gagik II. La région d’Ani,
qu’entouraient les petits royaumes bagratides de Kars et de Lori et l’émirat
de Dvin, devint un duché, également appelé duché de Grande Arménie,
parfois rattaché au duché d’Ibérie. En 1064, le territoire du royaume de
Kars devait être donné à l’Empire par son roi, Gagik-Abas, menacé par les
Turcs, et il fut rattaché administrativement au duché d’Ibérie.
Constantinople transféra les familles royales arméniennes et leurs
suites privées dans les régions de Sébastè, de Cappadoce et de Tzamandos,
c’est-à-dire dans la région civile des armenika themata [Seibt, 350] ; ils reçu-
rent des domaines du fisc et des titres, avec parfois des commandements
militaires et des postes de responsabilité. La présence et le prestige des rois
nationaux maintinrent la cohésion des Arméniens qui restèrent attachés à
leur langue et à leur orthodoxie nationale et, à la différence des Arméniens
du Xe siècle, ne cherchèrent ni à pousser plus à l’ouest ni à s’intégrer à
l’aristocratie byzantine ; ils bénéficièrent aussi de la présence de leur catho-
licos, qui résida d’abord à Sébastè, puis, après une longue vacance à Tza-
mandos [Garsoïan, 433].
La constitution du duché d’Édesse en 1031 marqua la seule avancée de
la frontière au sud-est, en terre syriaque [Ripper, 1062].
Les nouvelles annexions intégrèrent à l’Empire des populations, souvent
dites de néo-byzantins, dont l’antichalcédonisme s’était antérieurement
confirmé et affirmé ; elles firent avancer son territoire en un triangle vers
lequel convergeaient les routes orientales de la vallée de l’Araxe et de
l’Azerbaïdjan dans lequel la turcisation, accentuée dans les années 1040,
s’organisa avec l’arrivée des premiers Saldjûkides : dès 1048-1049, traver-
L’Anatolie et l’Orient byzantin 425

sant l’Arménie démunie par le départ des rois et de leur aristocratie, leurs
armées affrontaient les nouveaux ducs ; en 1054 elles arrivaient jusqu’à
Mantzikert. Le duché d’Édesse était une poche fragile entre l’émirat mar-
wânide du haut Tigre et l’émirat mirdâside d’Alep, rapidement menacé par
l’expansion des Saldjûkides, entrés à Bagdad en 1055.

L’ANATOLIE ET L’ILLUSION DE LA PAIX

Loin de la gu er r e
Dès le milieu du Xe siècle l’intégration de nouveaux confins mit
l’Anatolie à l’abri de la guerre ; le rôle militaire des stratèges y perdit de son
importance et les armées thématiques, utiles aux premiers temps de
l’expansion et dans lesquelles le statut des stratiotes et de leurs biens s’était
précisé, cessèrent au fil du temps d’être les éléments fondamentaux de la vie
des hommes. Le retour à la prospérité, qui intéressait directement les finan-
ces de l’État, donna aux fonctionnaires civils une place accrue. Le Xe et le
XIe siècle virent donc les stratèges supplantés bientôt par les juges dans
l’administration provinciale, les problèmes fiscaux prirent le pas sur les
questions militaires et le rapport entre puissants et faibles s’aiguisa. Le mot
même de thème devint souvent un simple synonyme de région. La progres-
sive disparition du passé militaire de ce terme accompagna ainsi le retour à
la paix que d’autres signes soulignèrent encore comme la fiscalisation de la
strateia. L’Anatolie continua à fournir des hommes pour les armées, mais
même si des contingents portaient encore la référence à leur province de
recrutement, ils formèrent désormais des tagmata, placés sous l’ordre de
ducs, et souvent affectés au loin, comme en Italie. Le besoin de profession-
nels répondant mieux à la politique du pouvoir central avait fait en effet
des tagmata l’élément primordial des armées ; le recrutement de mercenaires
étrangers alla s’intensifiant ; ce qui restait de troupes thématiques échappa
bientôt aux stratèges, prélude de la transformation qui allait voir leur rem-
placement par des ducs à la tête des thèmes [cf. chap. VI, p. 148].
Ainsi, hormis les troupes des petits thèmes et les tagmata des duchés ou
encore les mercenaires étrangers cantonnés en hiver sur son sol, l’Anatolie
se démilitarisa. Le rôle militaire qu’elle avait assumé depuis le VIIe siècle, à
l’heure du danger et pour le salut de tout l’Empire, s’effaça peu à peu ; la
sécurité, retrouvée et aménagée au sein d’une administration stabilisée, per-
mit à ses potentialités économiques de s’épanouir, engendrant une prospé-
rité, qui ne fut pas sans heureuses incidences sur les finances de l’État.
426 Les régions de l’Empire

L’expan sion écon omiqu e

L’Asie Mineure participa de l’expansion économique, mesurée mais


réelle, qui marqua l’Empire au Xe et au XIe siècle, même si on ne peut en
parler que par quelques traits illustrant des généralités.
La croissance démographique qui s’était amorcée à la fin du IXe siècle et
que perturbèrent de rares catastrophes climatiques, comme l’hiver 927-928,
fut ici comme ailleurs un des supports de l’expansion [cf. chap. X]. La carte
des productions, variables avec les conditions locales, ne semble pas avoir
connu de changements ; céréales, vignobles et oliviers des basses plaines et
des vallées tranchaient toujours avec les forêts des chaînes tauriques et ponti-
ques, avec l’élevage toujours dominant sur le plateau, en Phrygie et en
Paphlagonie [carte Lefort, 552, p. 235]. Le développement des espaces
cultivés se remarquait, ponctuellement, par des défrichements, en Paphla-
gonie au début du Xe siècle, en Anatolie orientale au milieu du XIe, mais aussi
autour du lac de Nicée. La région des Cibyrrhéotes était réputée fertile tout
comme l’Anatolie occidentale où les nombreux sceaux d’hôrreiaroi évoquent
une production au moins régionalement excédentaire. On ne parla plus de
famines. Si l’on ignore l’évolution de la productivité, du moins sait-on que le
fisc tenait compte de la fertilité du sol pour taxer le modios plus fortement en
Asie Mineure occidentale et méridionale.
L’économie agraire se développait entre les mains de petits paysans
organisés en villages, forme dominante de l’occupation du sol, en Bithynie
comme dans les régions tauriques [Dagron, 1007]. L’augmentation de la
production et des revenus tirés de l’exploitation du sol faisait maintenant de
la terre un capital dont l’aristocratie escomptait un profit ; aussi l’intérêt
bien compris des grandes familles, celles de la capitale comme celles des
provinces, allait-il dans le sens du développement de la grande propriété
que l’on trouve au Xe siècle, toujours plus importante dans les régions occi-
dentales [Oikonomidès, 393] et sur le plateau. L’Anatolie et, singulière-
ment, la Cappadoce, où bien des paysans libres allaient se muer en parè-
ques se profilent clairement, et parfois explicitement, derrière la législation
des empereurs macédoniens sur la grande propriété.
La richesse de l’aristocratie anatolienne ne faisait aucun doute au Xe et
au XIe siècle. Sa puissance foncière en était la base principale comme le
montre la fortune d’un Eustathe Maléïnos [Cheynet, 450, 449] ou
d’Eustathe Boïlas. Mais cette richesse était renforcée par le service de
l’empereur ; tout au long du Xe siècle, les familles anatoliennes avaient
réussi à l’assurer à travers des fonctions d’autorité exercées non loin des
oikoi où elles avaient leur résidence et qui bénéficièrent des profits de la
guerre.
L’Anatolie et l’Orient byzantin 427

Les monastères et les églises comptaient encore parmi les grands pro-
priétaires, de même que l’empereur et l’État dont les biens, nombreux en
Asie Mineure, étaient gérés par les curateurs et episkeptitai qui en affectaient
les revenus à des services précis [Holmes, 388 ; Cheynet, 998].
La croissance démographique et l’augmentation de la production agri-
cole appuyèrent la renaissance des villes, amorcée déjà au IXe siècle ; il est
toutefois difficile de l’illustrer en Anatolie [Dagron, 605 ; Bouras, 548]. Des
phénomènes de différenciation s’observent dans les Thracésiens où, devan-
çant Éphèse et Chônes, Smyrne connaissait une animation économique qui
allait faire d’elle, au XIe siècle, la ville la plus importante de la région.
Seule cette renaissance permet de comprendre l’existence de marchés
permanents à Nicomédie et à Nicée, de petits marchés ruraux en Bithynie
et sur le littoral, ainsi que la multiplication des foires, à Éphèse, Sinope,
Trébizonde, en Paphlagonie, dans les Bucellaires ou les Anatoliques. Les
villes les plus fréquemment citées sont celles qui avaient déjà traversé la
crise du VIIe siècle sans trop de dommages, Nicée, Smyrne, Attaleia, Trébi-
zonde. Les trois dernières connurent notamment un essor qui s’inscrit dans
le remarquable développement du commerce que des marchands provin-
ciaux, assez forts pour résister aux puissants et s’organiser en associations,
animaient en toute liberté dans des conditions différentes de celles qui
régnaient à Constantinople [Laiou, 1041 ; Oikonomidès, 617].
Grâce à une diplomatie nouvelle au sein d’un monde qui avait changé,
l’Anatolie bénéficia de l’ouverture des marchés musulmans d’Iraq, de Syrie,
d’Asie centrale, d’Égypte et des possibilités offertes par le monde des step-
pes ; l’ancienne Lazique, devenue royaume des Apkhazes, le Caucase et
l’Alanie offraient de nouvelles perspectives. Le volume des échanges qui
transitaient par l’Anatolie ou exploitaient les qualités de son littoral ne cessa
d’augmenter. Amisos comme Amastris bénéficièrent à travers la mer Noire
du trafic de Cherson avec les steppes [Alekséenko, 976]. Trébizonde devint
la porte de l’Orient ; son commerce était si actif que le stratège tirait la
moitié de son salaire des revenus du kommerkion. Attaleia, mais aussi Séleucie
commerçaient avec la Syrie et l’Égypte ; un traité de commerce fut conclu
avec Alep en 970. Dès la fin du Xe siècle la valeur économique de l’Anatolie
n’échappait plus aux Vénitiens qui avaient fait ouvrir certains de ses ports à
leur commerce et les premières dévaluations monétaires du XIe siècle le
stimulèrent.
Par sa législation, par la fiscalité, par le contrôle et l’usage de la
monnaie, par les biens qu’il y possédait, l’État exerça en Anatolie une
influence économique indéniable tout au long du Xe siècle. Les révoltes aris-
tocratiques et leur répression, la défaveur et les confiscations, le développe-
ment des curatories, l’installation des Arméniens ont certainement boule-
versé la vie de l’Anatolie ; en revanche la constitution du nouvel Orient
428 Les régions de l’Empire

byzantin a favorisé la relance du grand commerce. À terme enfin, la nou-


velle politique impériale d’attribution des fonctions produisit aussi des effets
non négligeables pour l’Anatolie quand les familles aristocratiques, estimant
que leurs revenus dépendaient d’abord de la bienveillance du Palais, préfé-
rèrent Constantinople à leurs assises régionales.

Per man en ces r eligieuses


L’Anatolie partagea avec le reste de l’Empire des traits religieux, hérités
souvent de la période précédente, mais accentués dans le contexte de la
paix et de la prospérité. Les saintes montagnes s’épanouirent en Anatolie
occidentale, comme le mont Kyminas, le Latros-Latmos près de Milet, le
Galésion près d’Éphèse. Mais son rôle moteur disparut à la fin du Xe siècle
avec le développement de la Sainte Montagne de l’Athos [chap. XIII].
La fréquentation des centres de pèlerinage traditionnels s’intensifia avec
la paix tandis que l’Anatolie voyait davantage de pèlerins emprunter en
toute sécurité ses routes pour se rendre à Jérusalem ou en revenir. C’est
d’Anatolie que vinrent un certain nombre de personnalités religieuses de
premier plan, depuis Athanase l’Athonite né à Trébizonde jusqu’à l’original
prédicateur que fut le Paphlagonien Nikôn le Métanoiète. Dans cette
période où le mouvement de retour aux saints paléochrétiens s’affirmait
dans l’hagiographie [Høgel, 805], c’est encore l’Anatolie qui fournit un
grand nombre de saints dont elle entretenait depuis longtemps le culte,
depuis Michel et Georges qui se disputèrent les faveurs de l’aristocratie de
la capitale [Cheynet, 996] jusqu’à tout un ensemble de saints militaires, nés
ou morts le plus souvent dans ses territoires orientaux [Walter, 1083].
Après l’éclairage fourni par la correspondance de Nicolas Mystikos, peu
de sources permettent de pénétrer dans la vie des églises d’Anatolie, dont le
réseau a peu varié [carte des églises vers 1050 : Jedin (5), carte 30]. On
connaît toutefois la part prise par des métropolitains comme Euthyme de
Sardes ou Nicétas d’Amasée dans les problèmes ecclésiologiques du
Xe siècle [Darrouzès, 244], ou le rôle d’Étienne évêque de Nicomédie et
syncelle dans l’histoire de Syméon le Nouveau Théologien. Sans redevenir
une grande région spirituelle comme à l’époque paléochrétienne et sans
offrir de grand sanctuaire, la Cappadoce manifesta pour sa part une vitalité
attestée par les églises et les monastères dont elle se couvrait et dont le
décor est un témoignage précieux sur la foi des populations rurales [Jolivet-
Levy, 901 ; 1035].
L’hérésie resta présente, comme le montrent le déplacement en
Lycaonie du culte d’Éleuthère de Paphlagonie ou la vitalité des Phounda-
giagites de l’Opsikion [Angold, 260]. Plus originale fut l’attitude qui se
L’Anatolie et l’Orient byzantin 429

développa à l’encontre des hérétiques, jacobites syriens ou Arméniens non


chalcédoniens nouvellement implantés aux frontières ; à la condamnation
de leurs choix théologiques s’ajoutèrent la suspicion inspirée par leur langue
et le doute sur leur fidélité politique ; les inquiétudes du métropolite de
Mélitène Jean à l’égard des premiers furent longuement relayés à Constan-
tinople sous le patriarche Alexis Stoudite ; les pressions exercées pour rame-
ner les Arméniens à l’orthodoxie se renforcèrent plus tard sous Constan-
tin X (1059-1068) ; la diversité des communautés du duché d’Antioche
accrut la surveillance de son patriarcat par Constantinople.

Aspects r égion au x
Sans pouvoir entrer dans une étude régionale de l’Anatolie, on peut
faire trois observations. D’une part le dynamisme des régions littorales
s’affirma incontestablement au Xe et au XIe siècle. Deux villes dont la conti-
nuité a déjà été notée l’incarnent : Attaleia et Trébizonde. Cependant alors
qu’Attaleia, mal reliée à l’intérieur de l’Anatolie, était relativement isolée
sur la côte égéenne, Amastris, Sinope et Amisos donnaient à la côte pon-
tique une plus large vitalité qui rejaillissait sur leur arrière-pays, en Paphla-
gonie et dans les Arméniaques, et sur des villes comme Gangres, Euchaïta,
Amasée, Néocésarée, Colonée. Trébizonde surtout animait maintenant une
vaste région, soulignée par la création de la nouvelle province ecclésiastique
de Lazique et la formation du duché de Chaldie. L’élargissement des fron-
tières orientales lui permettait d’associer activité maritime et commerce ter-
restre et Trébizonde étendait ainsi son rayonnement vers l’Ibérie,
l’Apkhazie et l’Alanie ; le contrôle de la route de Païpert et de Théodosiou-
polis lui ouvrait l’accès d’une part à la vallée de l’Euphrate, Mélitène et la
Djazîra, d’autre part à la vallée de l’Araxe, Dvin et l’Azerbaïdjan. Cette
animation nouvelle de la côte pontique et de son arrière-pays explique
peut-être l’émergence en Paphlagonie, dans les Arméniaques et en Chaldie
de familles d’importance sans doute moyenne, mais dont le rôle à l’heure
des invasions turques fut déterminant, comme les Gabras [Bryer-
Winfield, 991].
D’autre part les traits qui caractérisaient l’Anatolie occidentale se confir-
mèrent au Xe siècle. Loin du front, la Bithynie et les Thracésiens avaient joui
d’une période de paix particulièrement longue. Leur aristocratie locale,
restée faible, se tint en dehors des grands mouvements du Xe siècle et rien ne
vint rompre leurs liens humains et économiques avec Constantinople ;
l’aristocratie de la capitale et le pouvoir impérial y continuèrent leurs inves-
tissements et la reconquête de la Crête contribua au développement du com-
merce sur la côte égéenne au grand bénéfice de Smyrne.
430 Les régions de l’Empire

Le destin du plateau anatolien fut le plus contrasté ; sa population porta


l’effort principal de la guerre et connut en retour une prospérité, encadrée
par de grandes familles ; mais c’est lui aussi qui fut le plus marqué par les
révoltes et la répression de la fin du siècle. Son histoire est à écrire.

LA PARTITION DE L’ANATOLIE (MILIEU XIe - 1204)

Dans la seconde moitié du XIe siècle, l’incapacité de la capitale et des


aristocraties anatoliennes à comprendre l’avance turque et à y répondre
conduisit à la progressive partition de l’Anatolie, également privée de ses
prolongements orientaux ; elle perdit alors la place prédominante qui avait
été la sienne dans l’Empire depuis le VIIe siècle.

LES REPLIS DE LA SECONDE MOITIÉ DU XIe SIÈCLE

L’histoire de l’Orient byzantin dans la seconde moitié du XIe siècle fut


d’abord celle de l’avancée des Turcs qui entraîna la perte des territoires
orientaux récemment annexés et la disparition de l’autorité byzantine sur
une grande partie de l’Anatolie au bénéfice de pouvoirs dispersés, turcs et
turcomans. Cette avancée fut favorisée par l’attitude des familles anato-
liennes, essentiellement intéressées par Constantinople où l’ampleur du dan-
ger resta longtemps méconnue.

La pr ogr ession tu r qu e
À l’inverse des invasions arabes, globalement coordonnées et centrali-
sées par une puissance étatique unique ou déléguée et tendues vers des buts
précis, les attaques turques juxtaposèrent sans projet concerté les actions
d’hommes et de groupes aux finalités parfois communes et souvent particu-
lières et elles concernèrent au XIe siècle l’Anatolie elle-même autant que ses
confins [cf. chap. III ; Balivet, 981].
Le principal souci des sultans, notamment Alp Arslân (1163-1172) et
Malik Shâh (1172-1192), fut d’assurer et de conforter leur pouvoir sur le
califat abbaside et de contrer les Fâtimides. L’Anatolie elle-même ne fut
jamais pour eux un territoire à conquérir ; elle ne les intéressa d’abord que
L’Anatolie et l’Orient byzantin 431

pour ses confins d’Armîniya, de Djazîra et de Syrie, récemment arrachés


aux Abbasides et qu’ils voulaient pour cette raison récupérer ; elle devait
encore leur servir à éloigner de la région de Bagdad l’incessant flux migra-
toire des Turcomans et à détourner l’ambition politique de membres colla-
téraux de la famille saldjûkide. Les Turcomans furent utilisés au début dans
des opérations militaires menées par des chefs qui cherchaient des terri-
toires et des villes à piller, comme ce fut le cas dès les années 1050 au-delà
de l’Euphrate et plus profondément encore dans les années 1060. Certains
chefs devaient s’arrêter dans les régions frontières et se tailler des principau-
tés dans la haute vallée de l’Euphrate et sur les nœuds routiers. D’autres ne
demandèrent pas mieux que de continuer à se battre en qualité de merce-
naires, au service de telle ou telle faction aristocratique byzantine, ce qui
conduisit, à la fin du XIe siècle, à la constitution d’émirats en Anatolie
égéenne et sur le plateau. Lorsqu’ils étaient laissés à eux-mêmes, les Turco-
mans qui ne cessaient d’arriver s’insinuaient à travers le système de défense
de la frontière et se comportaient en pasteurs nomades, heureux avant tout
de trouver sur le plateau anatolien des conditions d’élevage adaptées aux
spécificités de leurs troupeaux et de se procurer dans les plaines et vallées
de l’Anatolie occidentale ou sur les côtes les compléments économiques
nécessaires à leur genre de vie.
La progression des Turcs dans l’Anatolie byzantine n’eut donc rien de
foudroyant ni d’inéluctable, même après la victoire du sultan à Mantzikert
en 1071. Le recul de la domination byzantine qui en résulta contraste avec
les permanences de l’époque arabe. Il s’explique, non pas par une quel-
conque désaffection ou trahison des populations allogènes des frontières,
comme on l’a parfois dit, ni par l’absence de réactions locales, mais plutôt
par le comportement des principales familles anatoliennes et par leur inca-
pacité à relayer dans la capitale la gravité du péril turc [Cheynet, 994].

L’ar istocr atie en tr e Con st an t i n opl e et l ’ A n at ol i e

Au milieu du XIe siècle l’Anatolie n’était pas dénuée d’une aristocratie à


traditions militaires. Mais depuis la répression de la fin du Xe siècle et à
l’exception des Diogénès, les principales familles (Doucas, Botaneiatès,
Mélissénos) avaient leurs attaches dans les régions les plus occidentales,
depuis longtemps en paix, et elles n’y exerçaient même plus les fonctions
qu’elles pouvaient détenir. Le plus souvent ce n’est pas là non plus qu’elles
résidaient, mais dans la capitale. En effet l’importance croissante du pou-
voir impérial dans le système politique byzantin avait conféré aux dignités
et fonctions qui se délivraient au Palais un attrait financier qui éclipsait
maintenant les revenus procurés par la terre. La richesse se gagnait ou
432 Les régions de l’Empire

s’augmentait à Constantinople où l’on pouvait en outre freiner les ambi-


tions concurrentes des familles nouvellement apparues dans l’Occident de
l’Empire [cf. chap. VIII]. Les choix iconographiques des sceaux aristocrati-
ques confirment cette orientation [Cheynet, 1002]. Un cas exemplaire est
celui des Comnènes qui eurent une assise paphlagonienne jusqu’au milieu
du XIe siècle, mais résidèrent ensuite exclusivement à Constantinople en
n’exerçant que de brèves fonctions en Anatolie.
En privilégiant la fréquentation rapprochée ou l’usurpation du pouvoir
impérial, l’aristocratie anatolienne perdit de vue son horizon régional que
ne pouvaient même plus éclairer les soldats thématiques maintenant dispa-
rus. L’Anatolie fut au mieux pour elle un tremplin pour le pouvoir. Mal
renseignée sur la situation qui se développait en Orient, non seulement
l’aristocratie anatolienne ne contribua pas à informer les milieux dirigeants
de la capitale sur les problèmes et situations dramatiques engendrés par la
progression des Turcs, mais elle les aggrava en utilisant les nouveaux venus
dans sa stratégie constantinopolitaine et en leur ouvrant des villes au cours
des guerres civiles : c’est elle qui fut, après 1071, à l’origine du pouvoir d’un
Sulayman ou d’un Tzachas. Les chroniques écrites à Constantinople ne
disent rien des raids turcs et de l’Orient où se jouait le sort de l’Empire et le
témoignage de Psellos dans le troisième quart du XIe siècle montre une
incompréhension de la situation réelle des provinces et le seul souci des
régions égéennes et bithyniennes d’où provenaient ses revenus [Chey-
net, 995].
L’attraction de la capitale contribua, surtout après 1071, à dégarnir
l’Anatolie de ses forces vives. Un peu partout se vérifia un mouvement de
fuite vers la capitale, ainsi pour de nombreux notables qui s’attachaient
aux empereurs aptes, non à les aider à retrouver leurs biens et positions
perdus, mais à leur octroyer de nouvelles terres en Macédoine, en Épire
ou dans les îles, ou à les nantir de fonctions rémunératrices, civiles ou
ecclésiastiques. Le repli d’un certain nombre d’évêques qui s’en allèrent
gonfler le synode permanent de Constantinople relève du même mouve-
ment [Angold, 260].

Le r ecu l byz an tin en A n at ol i e


La variété des motivations des nouveaux venus, difficiles à démêler sur
le moment, leur dispersion et une mauvaise information permettent de
comprendre la lenteur, l’incohérence et l’insuffisance de la réaction de
Constantinople qui oscilla entre offensive et défensive dans une Anatolie
largement démilitarisée. Le recrutement de soldats en Anatolie devint lui-
même problématique avec la progression des Turcs. Parmi les seules nou-
L’Anatolie et l’Orient byzantin 433

veautés administratives et en dehors de la restauration de quelques forte-


resses abandonnées, on comptera le remplacement des stratèges par des
ducs dont l’action a laissé peu de traces.
Les mercenaires étrangers furent davantage engagés dans la seconde
moitié du XIe siècle. Les Francs sont parmi eux le cas le mieux connu [She-
pard, 390]. En dehors de leur rôle militaire assumé dans la région de
Sébastè et de Colonée, dans le thème des Arméniaques et à Édesse, il faut
souligner leur implantation territoriale, notamment dans le thème des
Arméniaques où les chefs les plus célèbres, Hervé, Crispin et Roussel, qui
vinrent avec leur famille, possédaient des propriétés conditionnelles [Mag-
dalino, 391] et contrebalançaient l’aristocratie locale [Cheynet, 421 ; 997].
Rien de tout cela ne contint la progression des Turcs, qui, dans les
années qui précèdent l’arrivée des premiers croisés, n’avait cependant pas
débouché sur un système politique cohérent nouveau en Anatolie où les
Byzantins avaient encore leur place.
Les confins orientaux de l’Anatolie étaient sortis de l’Empire. La défaite
de Diogène avait isolé les régions de l’Euphrate, de la Cilicie et de la Syrie
et elle avait aussi accentué un fort mouvement d’émigration de populations
arméniennes fuyant l’installation des Turcs dans leur pays après la prise
d’Ani (1064) et de Kars (1066). Beaucoup étaient allés grossir les foyers
arméniens déjà anciens de Germanicée et de Tarse, de Mélitène et
d’Édesse, d’Antioche ; ils avaient été rejoints, après la mort de leurs rois,
par des Arméniens de Cappadoce, raidis dans leur identité nationale. Ainsi
s’étaient retrouvés en Cilicie, en Syrie et dans l’Euphratèse des Arméniens
de tradition militaire, le plus souvent passés par la mouvance byzantine,
mais partagés sur la loyauté due à Constantinople et divisés par leurs
options religieuses. Des chefs, souvent établis par l’autorité byzantine, cons-
tituèrent des ilôts d’indépendance face aux Turcs auxquels ils résistaient.
Telle fut la base de la principauté de Philarète Brachamios, qui couvrit, à
son apogée entre 1078 et 1085, les régions d’Antioche, Édesse, Mélitène et
Germanicée et qui céda ensuite la place à d’éphémères pouvoirs arméniens
[Dédéyan, 178]. Antioche en 1084 et Édesse en 1087 étaient aux mains des
Turcs. En Cilicie, menacée sur deux fronts par les Turcomans et les Saldjû-
kides, les Arméniens tenaient en apparence une place moindre [Dédéyan,
1009], mais les Héthoumides et les Roupénides, ancêtres des deux grandes
familles de ce qui allait être un siècle plus tard le royaume de Petite
Arménie, étaient déjà implantés à la fin du XIe siècle autour des passes du
Taurus.
La situation était contrastée sur le plateau : Césarée, Sébastè, Colonée
avaient été pillées dès les années 1050 et les pillages avaient atteint Néocé-
sarée, Amorion, Ikonion et Chônes dans les années 1060. Beaucoup avaient
mis leurs espoirs dans l’empereur cappadocien Romain Diogène, qui aurait
434 Les régions de l’Empire

volontiers fait renaître la politique nationale et offensive des Phocas ; mais


son échec les laissa désabusés, ce qui rendit sans lendemain les réactions
ponctuelles qui se produisirent vers 1081 autour de personnages appelés
toparques dont l’autorité rayonnait sur un territoire variable à partir d’une
forteresse ; en fait Dabatènos en Paphlagonie et autour d’Héraclée du Pont,
Bourtzès dans les Anatoliques et en Cappadoce, Mandalès en Cappadoce
n’étaient pas des fonctionnaires officiels, mais détenaient une autorité
rendue autonome par les circonstances. Il y eut de nombreux réfugiés cap-
padociens dans la capitale. Ainsi le plateau passa-t-il de manière désor-
donnée sous l’autorité de chefs turcs incrustés surtout sur les voies de circu-
lation et qui se disputaient les carrefours routiers, notamment Mélitène.
Après le saldjûkide Sulayman († 1086), assez puissant pour que les Byzan-
tins le traitent de sultan, son fils Kilidj Arslân contrôlait depuis Nicée la
route qui traversait les Anatoliques et menait par Ikonion au Taurus et à la
Syrie. Plus à l’est, un chef turcoman connu par son titre de Dânishmend
(† 1104) fit bientôt parler de lui en Cappadoce, dans les Arméniaques et en
Paphlagonie ; il s’imposa à Sébastè, Césarée, Amasée, puis à Ancyre et
Gangres tandis que Néocésarée devenait sa résidence ; il tendait vers la mer
Noire où Sinope avait été prise. Au sud de Trébizonde, Saltuk contrôlait
Théodosioupolis et Mengüchek n’allait pas tarder à s’imposer à Erzindjan.
En revanche la région du Pont restait largement byzantine grâce au duc de
Trébizonde, Théodore Gabras, qui contrôlait la Chaldie jusqu’à Païpert et
anima depuis Trébizonde, jusqu’à sa mort en 1098, la résistance aux
Dânishmendides.
L’Anatolie occidentale avait été plus tardivement touchée, mais sa situa-
tion était en passe de devenir dramatique. Les incursions des Turcomans
désorganisaient les relations économiques habituelles. Des villes avaient été
données aux Turcs, comme Nicée, capitale d’un émir saldjûkide qui se
consacrait heureusement plutôt à la maîtrise du plateau. Beaucoup plus
dangereux était depuis 1081 l’émirat maritime de Tzachas, qui contrôlait
Smyrne, Phocée, les îles de Samos, Chios, Mitylène et menaçait la capitale.
La Bithynie et les Thracésiens étaient en grand risque d’être perdus. Le lit-
toral méridional égéen gardait toutefois des positions fortes et Attaleia
promue métropole grossissait avec l’afflux des réfugiés.
Ainsi, alors que l’Empire connaissait au même moment de graves diffi-
cultés sur ses frontières occidentales, le bilan n’était pas brillant en Orient,
mais il n’était pas celui d’un effondrement total ; les Turcs et Turcomans ne
formaient pas une menace homogène, des villes et des hommes résistaient
encore, enfin l’aggravation de la situation dans la toute proche Anatolie
occidentale commençait à préoccuper la capitale où les réfugiés plus nom-
breux entretenaient maintenant une certaine inquiétude et ranimaient, lors-
qu’ils venaient du plateau, le souvenir des traditions akritiques et des Pho-
L’Anatolie et l’Orient byzantin 435

cas [Beaton, 983]. Déjà en 1077 et 1081 les révoltes de Botaneiatès et de


Mélissènos s’étaient appuyées sur ce nouvel état d’esprit [Cheynet, 994].
Les fils de soldats qui composaient les tagmata des Immortels et des Archonto-
pouloi récemment formés ne laissaient plus ignorer les conséquences des
défaites subies ; certaines familles, établies dans la capitale, comme les Dio-
génès et les Kékauménos, ne se résignaient pas à voir définitivement dispa-
raître leurs possessions orientales et poussaient le pouvoir à une politique
anatolienne décidément plus active.
En éliminant Tzachas, malheureux allié des Petchénègues en 1091, en
reprenant Sinope, Alexis Comnène para au plus pressé. En 1097 il mit à
profit le passage des croisés pour récupérer Nicée et la Bithynie, ainsi que
Smyrne, Éphèse et Philadelphie. Mais il rappela vainement les droits de
l’Empire sur la Cilicie, où les Arméniens avaient fait bon accueil aux croi-
sés, et sur la région d’Antioche où la ville enlevée en 1098 devint le centre
d’une principauté tenue par les Normands [cf. chap. III].

LA PARTITION DU XIIe SIÈCLE

La première croisade marqua le point de départ d’une présence active


des empereurs au-delà des détroits. Pour la première fois, Constantinople
avait fait reculer les Turcs et elle avait jeté les bases d’une nouvelle et petite
Anatolie byzantine. Mais son histoire dut tenir compte de deux autres
conséquences de cette même croisade.
La fondation à Antioche d’une principauté normande immédiatement
hostile à l’Empire donna au problème normand déjà aigu en Occident une
dimension nouvelle ; elle entraîna Constantinople dans une politique orien-
tale de revendications, d’interventions et de guerres qui compliquèrent sa
politique anatolienne et dans une diplomatie dont le versant religieux des-
tiné aux Arméniens et aux jacobites de Cilicie et de Syrie n’eut pas les
résultats escomptés [Augé, 690]. Un des grands résultats de la défaite de
Manuel Comnène à Myrioképhalon en 1176 fut de rompre les liens que
Constantinople imposait encore à la Cilicie et de préparer ainsi la fonda-
tion, en 1198, du royaume de Petite Arménie au bénéfice des Roupénides
et sous la houlette de Rome.
D’autre part la fondation des États latins en Syrie du Nord et en Méso-
potamie contribua à différencier le destin des Grands Saldjûkides de Bag-
dad de celui des Turcs d’Anatolie, qui s’étaient longtemps disputés les terri-
toires finalement enlevés par les Latins. Leurs relations ne furent pas
interrompues ; mais les Turcs, cantonnés en Asie Mineure, durent s’ac-
436 Les régions de l’Empire

commoder de ces régions encore récemment byzantines et qu’ils avaient


pris l’habitude pour cette raison de dénommer Pays de Rûm ; l’Anatolie
qui avait été pour eux une terre d’expansion devint leur patrie. Ajuste-
ments, frictions et guerres internes conduisirent au développement du sulta-
nat saldjûkide de Rûm qui adopta Ikonion, devenue Konya, comme capi-
tale. Les Turcomans dont l’afflux s’était trouvé ralenti commencèrent à
plier devant les nouvelles autorités. La nouvelle Anatolie byzantine eut
donc bientôt sur ses frontières non plus une pluralité de pouvoirs, mais un
État dont la politique extérieure combina la guerre et la diplomatie et sut
tirer parti du contrôle qu’il exerçait sur la route des pèlerins.

La fr on tièr e in tér ieur e de l ’ A n at ol i e


La confusion qui avait caractérisé l’Anatolie dans la seconde moitié du
XIe siècle se résorba au XIIe et céda la place à une répartition de fait des ter-
ritoires qui laissait en gros le plateau aux Turcs et les parties basses aux
Byzantins. Les villes des régions intermédiaires du haut Sangarios, du haut
Méandre, des hauteurs paphlagoniennes et pontiques restèrent longtemps
disputées dans les guerres de frontières que les Comnènes en personne
menèrent ou soutinrent contre les Saldjûkides, les Dânishmendides et les
Turcomans et qui interféraient avec les règlements de comptes internes des
Turcs. C’est seulement après 1155 que la prééminence des Saldjûkides de
Kilidj Arslân II sur les Dânishmendides s’imposa, ce qui contribua à faire
du sultan de Rûm un partenaire reconnu de Constantinople et à Constanti-
nople. Sans négliger ses intérêts vers l’ouest et le nord, mais sans pression
excessive, le sultan se voua surtout à la construction d’un État dont il tenait
à préserver la dimension et les origines orientales tout en garantissant ses
intérêts du côté d’un Proche-Orient en pleine transformation à ses confins
méridionaux, avec les réalisations des Zengîdes et bientôt l’expansion du
sultanat des Ayyûbides jusqu’aux abords de l’Anatolie et avec le développe-
ment de la puissance arménienne en Cilicie et bientôt la création du
royaume de Petite Arménie.
Ainsi, en n’exploitant pas sa victoire à Myrioképhalon en 1176, le sultan
montrait donc qu’il reconnaissait l’existence durable d’une Anatolie byzan-
tine, de l’autre côté d’une frontière qu’il fallut cependant ajuster en perma-
nence ; les Byzantins s’efforcèrent de la garantir en la fortifiant, mais elle
n’avait aucun sens pour les Turcomans. De leur côté, les empereurs de
Constantinople n’ont jamais vraiment envisagé de reconquérir le plateau ;
en dehors du désir de mettre à l’abri le domaine qui leur était plus ou
moins tacitement reconnu, ils se souciaient seulement de garder ouvertes
par la négociation ou la force les routes qui leur permettaient de mener une
L’Anatolie et l’Orient byzantin 437

politique active en Cilicie et à Antioche où ils entrèrent en 1139 et 1159.


Seul Manuel crut possible, jusqu’en 1176, de faire entrer le sultan saldjû-
kide dans sa souveraineté dans le cadre d’une large politique orientale qui
ne survécut pas à sa défaite [cf. chap. III ; Cheynet, 1101].
La frontière qui se mit en place au XIIe siècle ne fut imperméable ni
pour certaines familles, comme les Gabras, ni pour les transfuges comme
Isaac Comnène et son fils ou Andronic ; certains n’hésitèrent pas à s’y ins-
taller durablement et à épouser des princesses turques ; le même fait se pro-
duisit en sens inverse. Mais surtout cette frontière n’évolua pas, comme à
l’époque arabe, en une zone répulsive et désertée séparant, malgré des affi-
nités, deux camps bien délimités. La fracture politique fut même si réduite
que les Byzantins d’Anatolie n’hésitaient pas le cas échéant à recourir au
sultan d’Ikonion contre les raids des Turcomans et que des villes comme
Amasée ou Néocésarée, arrachées aux Dânishmendides, préférèrent le
camp des Saldjûkides à celui de l’empereur Jean II. De fructueux échanges
commerciaux s’y développaient et on ne peut exclure que les régions qui
s’adaptèrent le mieux à l’occupation du plateau en aient été les plus pro-
ches : c’est ce que tend à montrer le développement de la foire de Chônes
et l’enkomion que Michel Chôniatès consacra à l’évêque Nicétas qui en
occupa le siège pendant trente ans [Magdalino, 192].

L’An atolie per du e : le p ays de R û m


La création et le développement du sultanat de Rûm que l’on n’a pas à
étudier ici n’ont pas signifié une simple substitution d’une domination poli-
tique à une autre. D’une part, à la différence de la conquête rapide et peu
destructrice de la Syrie byzantine ou de l’Égypte par les Arabes, le pays de
Rûm résultait de décennies de pillages, de guerres et de destructions qui
n’avaient pas pu ne pas laisser leurs marques sur le plateau. D’autre part,
l’arrivée de vagues de Turcomans, impossibles à chiffrer, jusqu’au début du
XIIe siècle, avait conduit à l’installation d’un peuple nouveau original, étran-
ger aux traditions grecques, dans ce qui avait été la Lycaonie et la Galatie,
dans les régions hautes de Paphlagonie, des Arméniaques et du Pont, en
Cappadoce et dans les anciens thèmes arméniens. Leur établissement, que
les Saldjûkides s’efforcèrent longuement d’encadrer, n’a pas conduit à un
repli massif des Grecs. Sans doute y eut-il au XIIe siècle des mouvements de
fuite, dirigés vers l’Anatolie byzantine, plutôt que vers Constantinople,
comme au XIe siècle. Mais beaucoup de notables restèrent sur place ainsi
que la paysannerie. Dans le prolongement peut-être de la désaffection du
siècle précédent, les Grecs restés en pays de Rûm firent preuve d’un certain
détachement envers l’Empire ; on ne les vit guère soutenir les opérations
438 Les régions de l’Empire

impériales ; la nature même de la nouvelle frontière allait dans ce sens.


Manifestement il semblait possible de cohabiter avec les Turcs, sans danger,
notamment sur le plan religieux ; en ce dernier domaine, les Grecs eurent
peut-être plus à pâtir de la mauvaise volonté mise par les évêques nommés
à Constantinople à aller prendre leurs fonctions en Anatolie turque
[Angold, 260]. Quant aux Saldjûkides et aux Dânishmendides, ils eurent à
leur service de nombreux fonctionnaires grecs [Vryonis, 203 ; 1082].

L’An atolie pr éser vée et écl at ée

L’Anatolie byzantine du XIIe siècle était formée par les régions recon-
quises par Alexis, confirmées et agrandies par Jean et Manuel. Dans sa plus
grande expansion elle comprit la Bithynie, c’est-à-dire les anciens Opti-
mates avec Nicomédie et l’Opsikion avec Nicée, Brousse, Abydos, attei-
gnant parfois seulement le rebord du plateau à Dorylée et Cotyaion ; les
Thracésiens en faisaient partie avec Adramyttion, Pergame, Sardes,
Smyrne, Philadelphie, Éphèse, Milet, Antioche, et, vers le haut Méandre,
Laodicée et Chônes ; le territoire débordait au-delà dans les Anatoliques,
du moins en Phrygie, jusqu’à Sôzopolis, Amorion et Philomélion n’étant
restés que très brièvement dans les mains byzantines. À cet ensemble assez
compact s’ajoutaient de larges parties des Bucellaires, avec Héraclée du
Pont et Claudiopolis, de la Paphlagonie avec Amastris, et temporairement
sous Jean II Kastamôn et Gangres, mais sans atteindre la vallée moyenne
de l’Halys ; la domination byzantine s’étendait encore sur le littoral des
Arméniaques et de la Chaldie avec Sinope et Trébizonde. Au sud l’Empire
contrôlait partiellement la Lycie et la Pamphylie jusqu’à Attaleia, et parfois
plus loin, jusqu’en Isaurie et en Cilicie.
L’administration, désorganisée par les incursions turques du XIe siècle,
fut reconstituée dès le règne d’Alexis Comnène avec la création de duchés
autour de villes fortifiées à Abydos (1086), Nicée, Éphèse et Smyrne (1097),
Trébizonde (1098), Kourikos et Séleucie (1103). Ses successeurs rétablirent
des thèmes plus vastes, dirigés par des ducs, dans les Thracésiens,
l’Opsikion, les Optimates, la Paphlagonie, les Bucellaires, la Cilicie. Il y eut
aussi des innovations, comme la création du thème de Mylasa et Mélanou-
dion qui rassembla autour de Milet quelques éléments des Cibyrrhéotes.
Manuel à son tour renforça la vallée du Caïque et son littoral en créant le
thème de Néakastra dans une région restée déserte, autour de Chliara,
Adramyttion et Pergame [Klinkott, 906].
Sous les trois premiers Comnènes, un réseau hiérarchisé de places fortes
réparties en profondeur et appuyées sur le rebord du plateau anatolien fut
mis en place en Anatolie occidentale. Des enceintes furent restaurées à
L’Anatolie et l’Orient byzantin 439

Nicée et à Nicomédie, des fortifications érigées ou reconstruites sur la côte


ou pour assurer le contrôle de l’intérieur et la surveillance de la frontière :
ainsi sous Alexis, Kibôtion sur le golfe de Nicomédie et Sidèra dans
l’intérieur ; Adramyttion, Hiéron, Kourikos et Séleucie. Smyrne reconquise
et Éphèse furent munies de garnisons. La modeste bourgade de Phila-
delphie, puissamment renforcée, devint le principal point d’appui de la
défense byzantine en Anatolie occidentale et le centre du thème des Thra-
césiens. Jean s’attacha au contrôle des routes militaires, créant le camp de
Lopadion, Achyraous et Laodicée. L’œuvre de Manuel fut considérable en
ce domaine et d’abord en Bithynie où il reconstruisit Malagina/Melangeia
et semble avoir voulu créer une véritable ligne fortifiée face aux Turcs
[Whittow, 1084 ; Geyer-Lefort, 1021]. Dorylée fut refortifiée en 1176 avant
d’être abandonnée à nouveau [Stone, 1069] ainsi que Soublaion, plus tard
rasée et remplacée sous Isaac II Ange par Angélokastron.
La Lycie, depuis longtemps éprouvée par la pénétration des Turcomans
[Armstrong, 977] fut protégée par une chaîne de forteresses côtières à Xan-
thos, Patara et Myres. En Pamphylie, Attaleia fut refortifiée en 1158. Sur la
côte pontique, après la mort de Théodore Gabras en 1098, Trébizonde
resta un point fort, tenu par une série de ducs envoyés par Constantinople
et tentés par l’indépendance, comme le duc Constantin Gabras, neveu de
Théodore, qui gouverna de façon autonome de 1126 à 1140, sans nuire à
Constantinople.
Un afflux de réfugiés et le transfert de prisonniers serbes et hongrois
confortèrent une croissance démographique qui valut à l’Anatolie occiden-
tale une nouvelle prospérité agricole dans les basses vallées et les plaines ;
elle s’affirma particulièrement sous Manuel qui s’employa à régulariser les
relations avec les Turcomans [Magdalino, 192]. Des villes se développèrent
et parfois se spécialisèrent : ainsi Philadelphie et Pergame, centres de thè-
mes, ou Éphèse dont la dimension religieuse s’accrut et surtout Smyrne, la
principale place de commerce des Thracésiens dont l’essor se reflète dans
son développement ecclésiastique [Angold, 260]. L’animation d’un port
comme Attaleia se mesure aux privilèges que les Vénitiens s’y faisaient
renouveler. Quelques aperçus de la vie de l’Anatolie byzantine sont fournis
par la correspondance de Georges Tornikès, métropolite d’Éphèse au
milieu du XIIe siècle [Darrouzès, 108] et par l’enkomion consacré à l’évêque
de Chônes, Nicétas [Magdalino, 193 ; Angold, 260]. Une aristocratie locale
dont l’influence peut se voir dans la fondation de monastères comme celui
de la Théotokos Skoteinè près de Philadelphie [Angold, 260] se développa.
Ce tableau appelle cependant des nuances.
Comme à l’époque antérieure et plus encore, l’Anatolie occidentale qui
était devenue une région frontière dépendait de la capitale. Non seulement
la grande aristocratie, toujours absente sur le terrain, se faisait représenter
440 Les régions de l’Empire

par ses régisseurs, mais même dans l’administration les responsables se


contentaient souvent de déléguer des gens pour faire exécuter les ordres des
bureaux de la capitale. La prospérité constatée dépendait en partie de la
constante attention que le pouvoir central comnène portait à ces régions,
rentables sur le plan fiscal et utiles sur le chemin de l’Orient. Cependant la
configuration de la nouvelle Anatolie avec sa large partie centrale et deux
minces appendices littoraux n’était pas une garantie de cohésion : depuis
Constantinople on gagnait plus facilement par mer Attaleia ou Trébizonde
et aucune route ne reliait les deux côtes entre elles.
L’instabilité et l’affaiblissement du pouvoir impérial après la mort de
Manuel firent apparaître des réalités, jusqu’alors masquées, mais que
l’attitude des Grecs de Rûm aide à comprendre. L’Anatolie byzantine, à
commencer par les Thracésiens, vit en effet des régions choisir de sortir de
la houlette de Constantinople. Les premiers mouvements correspondent à
de simples appuis apportés à de classiques révoltes, comme le soutien
trouvé en Bithynie par Jean Comnène en 1182 à Lopadion, Brousse et
Nicée ou l’écho rencontré par différents pseudo-Alexis parmi les popula-
tions rurales, après la mort du fils de Manuel dont le prestige était grand,
l’élite locale étant alors nettement hostile à la victoire de l’aristocratie occi-
dentale que représentait l’avènement des Anges. En revanche, en 1188-
1189, Théodore Mankaphas à Philadelphie chercha surtout à faire vivre, en
marge de Constantinople, une région dont l’autonomie pouvait être
garantie par la prospérité et les ressources fiscales (cf. chap. VIII, p. 198-
199). Même si on en connaît mal les cheminements, ces formes de dissi-
dence s’accrurent à la fin du XIIe siècle, sous l’œil intéressé des sultans : elles
ne touchaient plus seulement les Thracésiens, avec Philadelphie mais aussi
Smyrne ; lorsque la quatrième croisade se présenta devant Constantinople,
elles affectaient plus largement tout le territoire de Nicée à Abydos le long
de la Propontide, la région d’Attaleia et celle de Trébizonde.
L’évolution de l’Anatolie au XIIe siècle est riche d’avenir. Sa partition
s’accompagna d’une interpénétration des mondes byzantin et turc assez
profonde pour expliquer la sympathie que l’Orient turc suscita chez cer-
tains face à l’Occident latin. La prospérité rétablie dans l’Anatolie byzan-
tine y créa la possibilité pour les Grecs d’y vivre et de s’organiser sans
Constantinople. Avec la création sur le plateau d’un sultanat défini par sa
référence aux Rûm commence à se poser le problème historiographique,
depuis longtemps formulé, mais toujours renouvelé, du destin de
l’hellénisme en Anatolie.
L’Anatolie et l’Orient byzantin 441

LES ÎLES

La prospérité dont jouissait le monde insulaire jusqu’aux premières atta-


ques arabes, fut progressivement menacée, voire anéantie, depuis le
moment où Mu’âwiya décida la création d’une flotte de guerre. Il attaqua
les îles et y établit parfois des bases en vue d’une future conquête de Cons-
tantinople. Il trouvait aussi dans les îles des ressources et du bois d’œuvre.
Selon une inscription de Chypre, 120 000 prisonniers auraient été transfé-
rés en Syrie après les premiers raids. Le nombre paraît fort élevé, même si
l’île abritait à cette date de nombreux réfugiés du continent. Rhodes fut
ravagée en 654 et le fameux colosse vendu au poids du métal. Finalement,
le répit pour Chypre vint lorsque par un accord, Byzantins et Arabes la
démilitarisèrent, en se partageant par moitié les revenus fiscaux. Justinien II
rompit brièvement cet équilibre lorsqu’il transféra en Bithynie, près de
Cyzique, une partie de la population, avec à sa tête l’archevêque, pour
repeupler cette région vitale pour la sécurité de la capitale et dépeuplée lors
du siège de 674-678. Ce fut un échec et les habitants revinrent dans leur île
quelques années plus tard. La découverte de sceaux des fonctionnaires du
fisc datables des VIIIe et IXe siècles suggère que le condominium s’est main-
tenu jusqu’à la reconquête de Chypre en 965, n’était une brève interrup-
tion sous Basile Ier qui y établit pour peu de temps un stratège.
La conquête arabe de la Crète, fort lente, puisqu’elle prit sans doute
plusieurs décennies avant d’être achevée, marqua un tournant dans
l’histoire de l’Égée. Les raids des corsaires arabes perturbèrent le com-
merce maritime et provoquèrent le dépeuplement de nombreuses îles et la
fuite des populations côtières vers l’intérieur. Après plusieurs tentatives
avortées, Nicéphore Phocas réussit à reprendre l’île en 961. Elle fut
repeuplée et des missionnaires, dont le plus célèbre fut Nikon le Méta-
noïte, convertirent les musulmans survivants. Les biens des émirs de Crète
passèrent aux empereurs, qui en usèrent pour leurs libéralités. Manuel
Comnène offrit ainsi aux moines de Patmos du blé provenant des domai-
nes impériaux crétois.
Chypre et la Crète devinrent des thèmes dotés de modestes effectifs et
une relative sécurité fut rendue à la navigation marchande. Le monde
insulaire profita de la paix, à peine troublée par quelques pirates, arabes
et plus souvent latins, à partir du XIIe siècle. Les marchands occidentaux
commencèrent à s’établir dans les îles, sans toutefois y tenir une grande
place. La richesse agricole de Chypre fut régulièrement sollicitée pour
ravitailler les Croisés. En dépit du témoignage de Manassès, au XIIe siècle,
442 Les régions de l’Empire

qui décrit une campagne misérable, l’expulsion par les conquérants latins
de riches chypriotes implique leur enrichissement antérieur. Autre indice,
le monastère de Machairas, fondé au milieu du XIIe siècle par un moine
palestinien, disposait au début du siècle suivant d’un revenu supérieur à
1 000 pièces d’or. Les Crétois exportaient du blé et surtout de grandes
quantités de fromage.
C HA P I T R E X V I I

Les Balkans
PAR JEAN-CLAUDE CHEYNET

Dans le précédent volume de la « Nouvelle Clio », Bernard Bavant a


rappelé combien le compartimentage du relief dans la péninsule rend diffi-
ciles les communications, en dépit de l’utilisation des fleuves plus étendue
que de nos jours : le Vardar, le Strymon et la Maritsa sont considérés
comme des voies navigables suppléant partiellement l’insuffisance des axes
terrestres nord-sud. Au milieu du VIIe siècle, plus aucune voie antique n’est
utilisable, notamment la Via Egnatia, qui toutefois resta tout au long du
Moyen Âge l’axe principal de circulation est-ouest, quand les conditions
politiques le permettaient. Les liaisons avec l’Italie ne se font plus que par
voie maritime et sont exposées aux risques de la navigation accrus par la
présence de pirates, slaves puis arabes. Lorsque Byzantins et Bulgares con-
trôlèrent solidement les Balkans, un second axe reprit son importance, celui
qui partant de Constantinople passe par Andrinople, Philippoupolis (Plov-
div), Sardica (Sofia), Nish avant de rejoindre le Danube par Branicevo, en
empruntant la vallée de la Morava. À partir de Nish, une route conduisait
vers Thessalonique par Skopje.
Le Danube, formidable barrière, avait cessé d’être la frontière de
l’Empire depuis l’époque de Maurice. Pour protéger Constantinople et
Thessalonique, il fallait s’accrocher aux autres obstacles naturels qui bar-
raient la péninsule d’est en ouest, soit la chaîne des Balkans, appelée par les
Grecs l’Haimos, soit en dernier recours, celle du Rhodope. Bien des armées
s’affrontèrent dans les passes qui permettaient de franchir ces montagnes,
tel le défilé de la Porte Trajane où Basile II faillit perdre la vie en 986, ou
celui de Sidéra qui barrait la route d’invasion vers Andrinople.
Les Byzantins appelaient Occident (Dysis) la partie de l’Empire située
en Europe, qui correspondait à l’ancienne préfecture de l’Illyricum, dont la
dernière institution, le préfet ou éparque, disparut au début du IXe siècle.
Le cas de la Thrace est ambigu puisque cette province, ainsi que Constanti-
444

Les Balkans
Les Balkans 445

nople, relevait de la préfecture d’Orient. Cependant les fonctionnaires qui


avaient compétence sur tout l’Occident, tels le domestique des scholes, le
répartiteur des impôts (exisôtès), avaient sans doute autorité sur toutes les
terres à l’ouest du Bosphore, en tout cas sur la Thrace.

LE S N O U V E L L E S S T R U C T U R E S

DÉPEUPLEMENT ET ARRIVÉE DES SLAVES ET DES BULGARES

Au milieu du VIIe siècle, en dépit de la défaite subie par les Avars


en 626 devant Constantinople, les Balkans sont largement perdus pour
l’Empire. L’importance de l’avancée des Slaves a fait l’objet d’une polé-
mique qui a opposé les savants, notamment grecs, qui minimisaient la part
du peuplement slave dans l’espace géographique de la Grèce actuelle et
ceux qui considéraient que la population grecque avait quasi disparu par
émigration. Aujourd’hui, notre vision est plus précise grâce à l’archéologie
et à l’interprétation parfois nouvelle des objets trouvés. La Chronique dite de
Monemvasie, texte du IXe siècle, selon lequel la côte orientale, de Corinthe
au cap Malée, est restée sous autorité byzantine, se voit largement
confirmée sur ce point. Les fouilles de Corinthe, d’Athènes et d’autres sites
ont fourni de nombreuses boucles de ceintures d’origine militaire. Elles
furent d’abord considérées comme avares, mais elles sont aujourd’hui attri-
buées à des soldats byzantins, quoique cette hypothèse ne soit pas unanime-
ment acceptée [Avraméa, 468]. Cette découverte n’est pas anodine car elle
implique que Corinthe ait gardé, durant tout le VIIe siècle, son rôle de
centre du pouvoir byzantin appuyé sur une garnison. Cette théorie est
confirmée par l’existence de sceaux de fonctionnaires dans les îles
d’Argolide, notamment de stratèges, d’un drongaire, mais aussi d’un évêque
d’Orobè. Ils sont, dans leur majeure partie, datés du VIIIe siècle. Ils prou-
vent le maintien d’une administration, notamment militaire, régulièrement
envoyée dans cette partie de l’Hellade, ce qui pourrait expliquer que cette
région, qui fournit avant tout, semble-t-il, des marins, fut érigée en stratégie
dès la fin du VIIe siècle.
Il n’en reste pas moins vrai que l’immense majorité de l’espace balka-
nique a été occupée par des groupes de Slaves, hormis une partie de la
Thrace, certains secteurs de la côte égéenne et de la côte adriatique, cette
dernière étant peuplée de réfugiés de langue latine. Ceux-ci, qui s’établirent
de préférence dans les zones boisées ou à l’écart des villes, n’ont pas systé-
446 Les régions de l’Empire

matiquement éliminé la population autochtone. La vie urbaine connut un


déclin constant. Thessalonique restait la seule agglomération importante,
car sa population s’accrut – sans doute temporairement, au cours du
VIIe siècle, de plusieurs vagues de réfugiés. Le faible nombre d’évêques de la
péninsule présents aux conciles de 680-681 et 691-692 atteste ce recul,
même s’il ne faut pas nécessairement déduire de l’absence d’un titulaire la
disparition de son siège. Quelques cités ont pu survivre à une échelle
modeste, non seulement en Thrace ou en Grèce orientale, maintenues sous
l’autorité impériale, mais même au cœur des Balkans, si l’on tient compte
de la continuité toponymique, comme pour Sofia/Sardique ou Philippou-
polis. Bon nombre de villes ont hérité de l’Antiquité des murailles entrete-
nues tant bien que mal au Moyen Âge et renforcées par une acropole bien
défendue hors les murs, ou au sein de la ville : Thessalonique, Corinthe,
Argos, Nauplie, Larissa, Iôannina, Philippes pour ne citer que quelques
exemples.
Le bilan démographique de cette installation massive de Slaves a donné
lieu à des hypothèses très contrastées, car, faute de sources écrites, si l’on
excepte les Miracula Demetrii [Lemerle, 91 et 1108] dont les informations
concernent seulement la région de Thessalonique, on ne peut compter que
sur les rapports de fouilles dont l’interprétation n’est pas aisée et a souvent
été biaisée par le nationalisme des archéologues locaux. De plus, les villes
ont été davantage étudiées en raison des restes plus repérables que les vil-
lages, construits en matériaux fort périssables. Actuellement, on considère
que l’apport slave n’a pas compensé numériquement les pertes dues aux
invasions et plus encore aux épidémies, mais qu’il a tout de même renforcé
le peuplement des Balkans [cf. chap. IX, p. 206-207]. Les Slaves, agricul-
teurs, vendaient leur production pour acquérir par le troc les objets manu-
facturés qui leur manquaient.
Les Bulgares, qui venaient du Caucase par la route traditionnelle des
steppes de l’Ukraine, commencèrent à négocier séparément avec l’Empire.
Kouvrat, chef des Bulgares Ounougours, qui avait chassé les Avars des rives
septentrionales de la mer Noire, loin de la mer d’Azov notamment, traita
avec Héraclius. Les Serbes et les Croates, peut-être un temps passés sous
l’autorité du khagan avar, s’émancipèrent avec l’accord du même Héraclius
qui les laissa s’installer au sud de la Save. Vers 680, un autre chef bulgare,
Kouber, conduisant son peuple, les Sermèsianes, qui avaient absorbé de
nombreux Grecs, s’établit non loin de Thessalonique et tenta vainement de
s’en emparer par ruse, mais la ville fut sauvée par l’intervention de la flotte
des Caravisiens, Byzance gardant, grâce à la supériorité maritime, la possi-
bilité de débarquer des troupes où il était nécessaire [Lemerle, 91]. Au
même moment, des Bulgares passaient au service de l’empereur, tel ce
Mauros, ancien allié de Kouber, dont le fils fut titré patrice.
Les Balkans 447

L’affaiblissement du khaganat avar rendit leur autonomie à nombre de


tribus slaves. Elles obéissaient à des chefs, nommés archontes dans les sour-
ces byzantines, qui gouvernaient ce que celles-ci appelaient une sklavinie,
un territoire contrôlé par une tribu. Ces enclaves ne constituaient pas une
menace sérieuse pour l’Empire car elles ne s’organisèrent pas en État, ni ne
coordonnèrent leur action. Tandis qu’une tribu attaquait Thessalonique,
une autre ravitaillait la cité. Il suffisait que les Byzantins maintinssent les
points d’appui pour disposer de futures bases de reconquête. La politique
impériale s’est montrée très souple, évitant le plus souvent les confronta-
tions, laissant une large autonomie aux autorités locales pour traiter des
relations avec les Slaves, mais l’objectif restait identique : faire reconnaître
l’autorité du basileus, soumettre à l’impôt, fournir des soldats, et christiani-
ser. Cependant, la mise en application dépendait du front oriental, qui
demeura prioritaire jusqu’à la fin de la reconquête byzantine.

LES RELATIONS AVEC LES BULGARES

Vers 670, poussés par les Khazars qui s’établissaient à leur tour dans
les steppes de la Russie méridionale et conduits par Asparouch, sans doute
un frère de Kouber, des Bulgares obtinrent de Constantin IV, dont
l’armée fut battue en 680/681, de s’établir dans les plaines au sud du
Danube qui convenaient bien à ces nomades de la steppe. Les principes
étaient saufs car l’empereur, selon les termes du traité, accordait, appa-
remment de son plein gré, le territoire conquis et le versement d’un tribut
passait pour le paiement de la protection de la frontière par les nouveaux
venus. L’échec eut de graves conséquences puisque les Bulgares allaient, à
terme, comme leurs prédécesseurs avars, mais avec plus de succès, fédérer
des tribus slaves et former progressivement un État. Ce danger nouveau
est sans doute le motif pour lequel, antérieurement à 687, un premier
thème balkanique fut créé, celui de la Thrace, destiné à protéger les
abords terrestres de la capitale.
Les débuts de l’État bulgare sont obscurs, car ils ne sont connus que par
l’archéologie et les inscriptions protobulgares. Les premiers khagans
s’établirent à Pliska, où coexistaient un habitat en dur, des huttes de bois et
un vaste enclos où étaient dressées les tentes. Les Bulgares, depuis longtemps
en contact avec Byzance, occupèrent un territoire où la présence byzantine
s’était sans doute mieux maintenue que dans le reste des Balkans. Leur État
bénéficia donc du double héritage, nomade turc et romain. Les Byzantins
cherchèrent rapidement à utiliser les Bulgares à leur profit. En 705, Justi-
448 Les régions de l’Empire

nien II reprit le pouvoir avec l’aide de leur khagan, Tervel, qu’il fit acclamer
césar dans le palais, ce qui suppose une adhésion du khagan à l’idéologie
byzantine. Le sceau conservé de Tervel est frappé selon le modèle byzantin,
portant même une invocation à la Vierge, ce qui n’implique pas le baptême
du khagan, mais au moins un esprit syncrétique. Quelques années plus tard,
durant l’hiver 717/718, une force bulgare attaquait les arrières de l’armée
arabe assiégeant Constantinople [Yannopoulos, 1127].
Pour les Byzantins cependant, l’existence d’un État rival dans les Bal-
kans constituait un souci, d’autant plus qu’il y avait compétition pour attirer
les tribus slaves, y compris celles établies en Thrace. Dès que la situation
face aux Arabes le permettait, les empereurs s’efforcèrent de mettre fin à
cette anomalie. Constantin V fut près de réussir, car des guerres intestines
affaiblirent le khaganat mais, en dépit de plusieurs victoires importantes, il
ne put empêcher la survie de l’armée bulgare, encore très mobile et bien
protégée par la chaîne de l’Haimos. La frontière danubienne constituait
leur seule faiblesse potentielle, par où les Bulgares pouvaient être pris à
revers par un autre peuple nomade qui bénéficierait de l’appui d’une flotte
byzantine. Constantin VI reprit le projet de son grand-père, mais il subit un
désastre à Marcellai en 792. Lorsque Nicéphore Ier, usurpateur soucieux de
consolider son pouvoir par un succès militaire, prit l’offensive, il réussit
dans un premier temps à ravager et piller Pliska, la capitale, mais cet échec
ne réduisit pas les capacités militaires du khagan Kroum, et l’empereur,
surpris au retour dans une passe de l’Haimos, fut tué, avec une grande
partie de ses officiers, en 811. Après une impressionnante série de victoires,
le khagan proposa aux Byzantins le retour aux frontières antérieures, assorti
d’un tribut et d’un accord autorisant les marchands à circuler entre les
deux États. Le désordre au sommet de l’État interdit aux Byzantins de
répondre favorablement et il fallut attendre la mort de Kroum en 814, la
venue au pouvoir de Léon V, ancien stratège des Anatoliques, et un succès
byzantin pour établir une paix durable en 816. Mais le khaganat bulgare,
qui avait absorbé de nombreuses sklavinies, s’étendait désormais jusqu’au
nord de Thessalonique.

LA REPRISE EN MAIN DE LA THRACE


ET DES BALKANS DU SUD

Dès qu’ils en eurent la possibilité, les basileis entreprirent de restaurer


leur autorité sur les territoires désormais peuplés en majorité de Slaves. Ils
usèrent, comme toujours, de leurs deux armes, la pression de leurs armées
Les Balkans 449

et la force d’attraction de l’Empire. Les premières tentatives de Constan-


tin IV et de Justinien II, en dépit de leur supériorité militaire, ne dégagè-
rent pas durablement la Via Egnatia, de Constantinople à Thessalonique.
Les premières avancées datent de Constantin V. Comme Justinien II avant
lui, mais avec plus de réussite, il transféra de nombreux Slaves en Asie
Mineure, notamment en Bithynie, allégeant ainsi la pression sur la Thrace,
qu’il dégagea, construisant de nouveaux kastra. Il les repeupla partiellement
de Syriens et d’Arméniens transférés d’Orient après ses campagnes victo-
rieuses et il érigea en évêchés plusieurs de ces forteresses, peut-être pour
disposer en Thrace d’un clergé iconoclaste [Kountoura-Galakè, 1106].
Irène suivit son exemple, en libérant sans difficulté la Thrace occidentale et
rebâtit Berrhoia qu’elle renomma Irénopolis. Mais les Bulgares, lésés par
ces avancées qui leur ôtaient une partie de leurs sujets slaves, reprirent ces
territoires après les victoires de Kroum.
Plus au sud, à l’abri de tout adversaire et notamment des Bulgares, les
Byzantins s’appuyèrent sur les forteresses qu’ils avaient conservées. Le pro-
gramme impérial est admirablement résumé par Léon VI qui l’attribue à
son père Basile : imposer des chefs byzantins, baptiser et helléniser. Les
archontes slaves furent intégrés dans la hiérarchie byzantine par l’octroi de
titres auliques [Seibt, 1112], puis les souverains substituèrent lentement aux
archontes d’origine slave des fonctionnaires byzantins, comme l’anthropo-
nymie permet de le constater. Aux Slaves, on demanda prudemment
d’obéir aux stratèges que l’Empire mettait en place au même moment, en
leur fournissant un contingent de soldats et de verser, non pas l’impôt fon-
cier régulier, mais une somme forfaitaire négociée.
Simultanément, la rechristianisation se traduisait par l’établissement
d’un nouveau réseau d’évêchés, dont les différentes étapes nous échappent
car, mise à part la révolte des Slaves donnés comme esclaves à la métropole
de Patras, aucun événement spectaculaire n’a attiré l’attention des chroni-
queurs, mais on constate que le nombre des évêchés balkaniques augmente
dans les listes épiscopales en avançant dans le temps.

LA MISE EN PLACE DES THÈMES

Un premier thème, celui des Helladikoi, fut créé avant 695, puisque
son stratège participa au renversement de Justinien II. C’est probablement
la conséquence de l’expédition conduite par ce même empereur qui,
en 688, atteignit Thessalonique, sans tenir le pays, mais en emmenant de
nombreux prisonniers. Les savants ont cherché, sans trouver d’accord,
450 Les régions de l’Empire

quel était le ressort de ce thème. C’est sans doute une fausse question, car
le thème n’est encore, à cette date, qu’un corps d’armée, qui aura été
recruté en Grèce continentale (principalement Thessalonique et la Thes-
salie) et insulaire sous contrôle byzantin. Ultérieurement, lorsque le thème
circonscription de l’Hellade fut établi, il comprit la Grèce centrale, dont
Athènes.
Il faut attendre un siècle pour que l’eunuque Staurakios, fidèle de
l’impératrice Irène, accomplisse, en 782/783, une nouvelle marche victo-
rieuse en pays slave, atteignant le Péloponnèse et faisant des prisonniers
[Oikonomidès, 1111]. Avant 802, le thème de Macédoine avec Andrinople
pour capitale fut créé, qui renforçait donc celui de Thrace pour la défense
de Constantinople. Les premières décennies du IXe siècle marquent une
avance décisive des Byzantins en Grèce. Sous le règne de Nicéphore, Patras
et sa région furent soumises, mais les Slaves se soulevèrent peu après et
furent réduits, comme en témoigne, entre autres sources, la Chronique de
Monemvasie. Une double réorganisation s’ensuivit, car un stratège du Pélo-
ponnèse est attesté en 812, tandis que Patras est érigée en nouvelle métro-
pole, l’Église obtenant, par un chrysobulle de Nicéphore Ier, des droits sur
ses voisins slaves, vaincus [Oikonomidès, 1110 ; Turlej, 1113]. Nicéphore
renforça l’élément hellénique par une déportation de Grecs des îles et de
l’Asie Mineure. À l’intérieur du thème toutefois, les autorités, faisant preuve
de leur habituel pragmatisme, maintinrent des sklavinies, celles des Ézérites
et des Mélingues. L’avance byzantine, favorisée par l’appui de la flotte,
atteint les rivages de l’Adriatique, base indispensable pour la sauvegarde des
territoires italiens. Successivement furent créés les thèmes de Céphalonie,
de Dyrrachion – cités pour la première fois en 843 dans le taktikon
Uspenskij –, puis dans la seconde moitié du siècle, ceux de Nikopolis et de
Dalmatie. Ce dernier regroupait les cités de Zadar, Split, et Raguse-
Dubrovnik où une flotte provinciale fut stationnée pour mieux défendre
l’Adriatique contre les Arabes qui vinrent assiéger la ville en 886. La
conversion des Narentinoi, Slaves païens et pirates notoires, facilita les rela-
tions entre Venise et Constantinople. La création des thèmes de Thessalo-
nique (avant 836) et de Dyrrachion marquait l’ambition de refaire de la Via
Egnatia un axe de circulation byzantin. Le dispositif fut complété par la
création du thème du Strymon (avant 900), qui contrôlait les passes du
Rhodope par où les Bulgares pouvaient attaquer [Oikonomidès, 28].
Même après la disparition des sklavinies, leur souvenir ne s’effaça pas
complètement. On parlait encore des dialectes slaves dans les environs de
Thessalonique aux XIe et XIIe siècles [Brunet, 474]. Un thème, créé dans la
région au Xe siècle, prit le nom d’une des tribus slaves installées depuis le
VIe siècle à proximité de la métropole, celui des Drougoubites, dont on
connaît antérieurement des archontes.
Les Balkans 451

Le renforcement de la présence byzantine encouragea les peuples serbe


et croate à se convertir au même moment au christianisme. Les Serbes
furent soumis à la double influence de Rome et de Constantinople et,
vers 923, le conflit de juridiction fut tranché : les territoires maritimes relè-
veraient de Rome, ceux de l’intérieur, de Constantinople [HC 4, p. 937-
939]. L’influence des Byzantins sur les Serbes restait indirecte, mais ils
intervenaient souvent en imposant un prétendant qui avait leur faveur.
L’abandon du paganisme par les Slaves de Grèce n’a pas reçu la publi-
cité de la conversion des Bulgares ou des Russes, même si Constantin VII
fait trop exclusivement gloire à son grand-père Basile Ier de les avoir tous
convertis [Peri, 1116].

LA Q U E S T I O N B U L G A R E

LA CONVERSION DE LA BULGARIE ET SES ENJEUX

Vers le milieu du IXe siècle, la situation en Europe centrale a changé.


La puissance de la Moravie slave inquiétait aussi bien l’empereur carolin-
gien, Louis le Germanique, que Boris, le khagan des Bulgares, et ils négo-
cièrent un plan d’attaque conjointe. En 862, les Moraves adressèrent à
Constantinople une ambassade, qui fut bien accueillie et se traduisit par
l’envoi d’une mission conduite par Cyrille et Méthode, deux frères nés
dans la région de Thessalonique et fins connaisseurs de la langue slave.
Cyrille revenait d’un voyage en Crimée et en Khazarie, où il avait
échoué à convaincre les Khazars de se convertir, car ces derniers choisi-
rent le judaïsme [Zuckerman, 141]. Les deux missionnaires obtinrent l’ap-
pui de la papauté, si bien que Méthode, après bien des tribulations et
notamment un emprisonnement à Ratisbonne en raison de l’hostilité du
clergé franc, finit sa longue carrière en tant qu’archevêque de Pannonie
par choix du pape Hadrien II. Cyrille, philologue d’exception, mit au
point l’alphabet qui permit de traduire en slavon les Évangiles et des
livres liturgiques, le Nomocanon, l’Ecloga et de former un clergé capable de
s’adresser aux fidèles dans leur langue [Dagron, HC 4, p. 221-224]. Il
mourut prématurément en 869 à Rome où il avait reçu le meilleur
accueil du pape Hadrien, auquel il avait rapporté de Cherson une pré-
cieuse relique du pape Clément.
La chronologie de la conversion de Boris est complexe, car elle est
connue seulement par les sources byzantines, qui sont contradictoires. Cette
452 Les régions de l’Empire

conversion ne doit probablement rien à une prétendue pression militaire


des Byzantins sur Boris, contrairement à ce que rapportent Léon le Gram-
mairien, Théophane Continué ou Génésios [Zuckerman, 167]. Le khagan
devait prendre en compte le fait qu’une partie de ses sujets, Grecs des pro-
vinces conquises ou Slaves hellénisés, étaient déjà christianisés. De plus, le
christianisme apportait sans doute des armes à un souverain qui rencontrait
une vive opposition parmi l’aristocratie des boyards attachés aux traditions
païennes. À l’extérieur de la Bulgarie, les souverains avec lesquels Boris
négociait étaient, pour les plus importants d’entre eux, déjà chrétiens : les
deux empereurs, le prince de Moravie. Enfin, on ne peut exclure les
convictions personnelles de Boris qui abdiqua volontairement pour finir sa
vie au monastère.
Boris, en 864, décida de devenir catéchumène et fut sans doute baptisé
peu après par un prélat grec, envoyé par le patriarche Photius ; il prit le
nom de Michel, en l’honneur de Michel III. Cette conversion de leur
prince, qui reconnaissait en principe la souveraineté du basileus, inquiéta
une partie des boyards, qui y virent – à tort – une soumission à l’Empire et
qui craignaient aussi l’incompatibilité des valeurs chrétiennes avec les tradi-
tions d’une aristocratie guerrière. Ils se soulevèrent, mais furent vaincus et
leurs chefs exécutés par dizaines avec leurs enfants. Boris devait organiser
l’Église de Bulgarie, sans tomber dans une dépendance trop étroite de
Byzance. Le territoire bulgare, du fait de sa situation géographique, relevait
juridiquement du patriarcat de Constantinople et c’est vers Photius que
Boris s’était tourné lorsqu’il avait souhaité certains éclaircissements sur sa
nouvelle foi et souhaité que la Bulgarie dispose de son propre patriarche.
Photius lui répondit par une longue lettre, véritable « miroir des princes » à
l’usage d’un souverain chrétien, mais refusa l’autonomie de l’Église bulgare.
Boris envoya alors deux ambassades, respectivement au pape Nicolas Ier et
à Louis le Germanique. Le pape répondit également par une missive
détaillée aux questions de Boris sur les usages chrétiens et promit l’envoi
d’un évêque, mais sans donner l’autocéphalie. Les négociations se compli-
quèrent en raison du schisme entre Rome et Constantinople et de la divi-
sion au sein de l’Église grecque entre partisans d’Ignace et de Photius. Fina-
lement, en 869, Boris accepta que l’archevêque de Bulgarie fût nommé par
le patriarche de Constantinople, puisque le prélat jouissait ensuite de son
autonomie, ce qui désarmorçait une cause de tension potentielle avec
l’Empire. Boris fit construire à Pliska une vaste cathédrale, et de nombreu-
ses églises sur tout le territoire, puis dota son pays d’un code légal [HC 4,
924-931].
Des prêtres grecs, mais aussi latins, avaient entrepris la conversion du
peuple, mais celle-ci était entravée par l’emploi d’une langue étrangère.
Lorsque Clément et Naum, des prêtres slaves de l’entourage de Méthode,
Les Balkans 453

furent, à sa mort en 885, chassés de Moravie, Boris les accueillit, mais il les
éloigna rapidement de Pliska vers la Macédoine occidentale, dans la région
d’Ochrida, pour éviter une rivalité trop franche avec les Grecs.
En 889, Boris quitta le pouvoir en faveur de son fils aîné Vladimir, et se
retira dans un monastère, l’un des premiers sans doute qui aient été fondés
en Bulgarie, mais le nouveau souverain s’allia aux boyards de Pliska, laissa
détruire les églises et martyriser des prêtres, dont l’archevêque. En 893,
Boris sortit de sa retraite, fit déposer et aveugler Vladimir et proclamer son
fils cadet, Syméon, avant de revenir dans son monastère. Syméon déve-
loppa une nouvelle capitale, Preslav, après avoir abandonné Pliska, le
centre traditionnel, trop lié à son frère Vladimir, qu’il avait chassé du pou-
voir, et au paganisme, bien que des églises y aient été bâties après la
conversion de Boris. Preslav se développa rapidement : y furent construites
des églises, des maisons de pierre pour les boyards et y fut fondé un palais
admirablement décoré, connu par la description qu’en a laissée un contem-
porain, Jean l’exarque.

LES AMBITIONS DE SYMÉON DE BULGARIE

Le souverain, qui monta sur le trône en 893, était pétri de culture


grecque puisqu’il avait passé sa jeunesse à Constantinople, attendant de
prendre la tête de la jeune Église bulgare. Tel était le plan conçu par son
père Boris, qui l’avait appelé auprès de lui dans son monastère. Syméon
commença par promouvoir à Ochrida le premier évêque slave, Clément,
puis le clergé tout entier fut progressivement slavisé et les clercs grecs quit-
tèrent la Bulgarie, désormais soumise au rite slavon. L’emploi de la langue
slave dans les prières, contestée par des théologiens, latins notamment,
trouva un défenseur en la personne du moine Hrabr dans un traité daté du
début du Xe siècle. À Preslav, des clercs s’activaient à traduire les œuvres
des Pères de l’Église grecque.
La première guerre avec les Byzantins éclata pour des motifs économi-
ques, lorsque Léon VI, cédant à ses protégés et voulant peut-être favoriser
le sanctuaire de saint Démétrius, à la protection duquel il attribuait d’avoir
échappé à l’aveuglement, fit transférer à Thessalonique une partie des
échanges commerciaux avec les Bulgares. De son côté, Syméon se libérait
auprès de son peuple de sa réputation d’admirer à l’excès les Grecs. Les
hostilités cessèrent lorsque la décision de l’empereur fut abandonnée et
lorsque le tribut annuel fut à nouveau payé, ce qui donnait à Syméon le
moyen de satisfaire ses boyards.
454 Les régions de l’Empire

Face au danger bulgare, Byzance rechercha des alliés pour prendre à


revers ses ennemis et fit appel aux Serbes et aux Croates, qu’elle prétendait
leur être toujours soumis [Malamut, 1122], par l’intermédiaire, entre
autres, du stratège de Dalmatie, et à des nomades nouveaux venus, les
Hongrois, appelés Turcs dans les sources de l’époque, en raison de leur ori-
gine, ainsi que les Petchénègues, établis dans les steppes du sud de la
Russie. Bulgares et Byzantins rivalisèrent pour mettre à la tête des Serbes
un prince qui leur fût favorable. Les résultats de cette stratégie furent miti-
gés. Les Hongrois battirent au moins deux fois les Bulgares, mais ultérieure-
ment, en 934 et en 943, ils pillèrent les provinces byzantines jusqu’en
Thrace. À deux reprises, Constantin VII invita des chefs hongrois à Cons-
tantinople, les fit baptiser en les parrainant, et leur offrit des titres. L’em-
pereur envoya un évêque, qui convertit une partie des Hongrois, fondant
l’évêché de Turquie, puisque les Hongrois sont désignés sous le nom de
Turcs dans les sources contemporaines. Cependant la majorité d’entre eux
fut influencée par des prêtres latins, notamment Adalbert de Prague. Fina-
lement leur Église se tourna vers Rome, qui envoya, en 1001, une cou-
ronne au premier roi de Hongrie, Étienne. Le nouveau royaume entra dans
la sphère d’influence de l’Empire germanique, mais plusieurs évêchés de
rite grec subsistaient au cours du XIe siècle [HC 4, p. 889-892].
Quels étaient les objectifs de Syméon lorsqu’il vint devant les murs de
Constantinople, restent un sujet disputé. La première fois, en 913, il se
satisfit du rétablissement du tribut, de l’octroi, par le patriarche Nicolas, du
titre d’empereur des Bulgares et de la perspective de devenir le beau-père
du jeune empereur Constantin VII. En 924, il se fit confirmer son titre
impérial, qui le plaçait sur un pied d’égalité avec l’empereur byzantin, et
reconnaître ses conquêtes territoriales. Il est finalement douteux qu’il ait
jamais voulu s’emparer vraiment de la capitale et régner comme empereur
des Romains et des Bulgares. L’absence d’une flotte lui interdisait de fait
une telle ambition [Shepard, 1124]. À sa mort en 927, son fils Pierre fit une
démonstration de force en Thrace – signe que la Bulgarie était moins
épuisée par les guerres de Syméon qu’on ne l’a parfois soutenu – et il obtint
la main de Marie, une petite-fille de Romain Lécapène. S’ensuivirent
quatre décennies de paix, qui profitèrent à la Bulgarie, comme le montre
l’extension de la capitale, Preslav. De cette époque date la céramique déco-
rative produite dans des monastères proches de la capitale et la plupart des
bijoux et autres objets de luxe importés de Constantinople, indice d’un
accroissement des échanges.
L’acculturation bulgare à l’orthodoxie provoqua le rejet d’une partie
de la population, sensible à la prédication d’un prêtre, Bogomil, d’où le
nom de l’hérésie qui critiquait vigoureusement le clergé officiel. Leurs
adversaires orthodoxes assimilent les Bogomiles à des hérétiques dualistes ;
Les Balkans 455

il est possible qu’ils aient été influencés par des Pauliciens, transférés en
grand nombre vers la Thrace, après la chute de Téphriké, leur capitale.
Le traité de Cosmas, prêtre orthodoxe, daté par les uns de 972, mais à
placer selon d’autres au XIIIe siècle, décrit bien la croyance en une créa-
tion du monde sensible par le diable, fait l’éloge de l’ascétisme le plus
rigoureux pour ceux qui veulent s’en échapper et rejette les sacrements
[Vaillant-Puech, 765]. Ce courant religieux fut populaire en Bulgarie et
s’étendit même durablement dans l’Empire puisque Alexis Comnène, à
Constantinople, sévit contre le chef des Bogomiles, qu’il fit publiquement
brûler.

LA CONQUÊTE DE LA BULGARIE

Elle se fit en deux temps, sous Jean Tzimiskès, puis sous Basile II. La pre-
mière soumission de la Bulgarie fut consécutive à la décision de Nicéphore
Phocas de refuser le tribut réclamé par les Bulgares. L’empereur obtint
en 968 la déposition de Pierre, remplacé par son fils Boris, ancien otage à
Constantinople, grâce aux raids sanglants conduits par les Russes de Svjatos-
lav, sollicités par le souverain. Svjatoslav, attiré par les richesses bulgares,
revint pour son compte à l’automne 969, prit Preslav où il captura Boris,
puis Dristra et Philippoupolis. Le successeur de Phocas dut résoudre la crise
que ce dernier avait créée en installant le prince russe au sud du Danube. La
difficile victoire de Tzimiskès en 971 le laissa maître de la Bulgarie. Boris fut
dépouillé de ses insignes impériaux et, titré magistre, devint un simple sujet
du basileus. La Bulgarie fut occupée militairement avec un commandement à
Preslav – rebaptisée Iôannoupolis en l’honneur de l’empereur, et des garni-
sons à Dristra. Les bouches du Danube furent confiées à un stratège de la
Mésopotamie de l’Occident. Les préoccupations économiques n’étaient pas
absentes, car le traité avec Svjatoslav reprenait les clauses des accords passés
avec les Russes, leur garantissant l’accès au marché de Constantinople. Svja-
toslav avait déjà noté l’intérêt économique de la conquête du Bas-Danube,
quand il avait affirmé que lui importait au plus haut point la possession de
Preslavitsa (Perejaslaveç), l’actuel Nufàrul [Stephenson, 1101, p. 56-57], qui
contrôlait l’embouchure du Danube et où furent établis une garnison sous les
ordres d’un stratège et un poste douanier, très actif au XIe siècle [Oikonomi-
dès, 1150]. Pour une meilleure sécurité, Tzimiskès, comme Basile Ier avant
lui, avait installé en Thrace des Manichéens venus de l’Anatolie orientale,
une population hérétique, mais à tradition guerrière, qui fournit à l’armée un
tagma encore efficace sous Alexis Comnène. L’établissement d’Arméniens
456 Les régions de l’Empire

compléta le dispositif destiné à protéger Constantinople contre toute menace


venant de l’ouest ou du nord.
Le régime d’occupation militaire mis en place par Tzimiskès ne résista
pas aux guerres civiles du début du règne de Basile II, en dépit d’une brève
et malheureuse réaction impériale en 986. Les Bulgares s’étaient trouvé un
chef, non pas parmi les fils de Pierre échappés de Constantinople, mais
chez le fils d’un comte bulgare, peut-être d’origine arménienne, Samuel.
Basile II, ayant finalement maté l’aristocratie anatolienne en 989, se devait
de reprendre le terrain perdu. Le centre de l’État de Samuel était situé
beaucoup plus à l’ouest que l’ancien Empire bulgare, dans la région
d’Ochrida et de Prespa. L’ambition du chef bulgare était une nouvelle fois
en partie d’ordre économique, car il voulait contrôler la Via Egnatia en
tenant Dyrrachion à l’ouest et Thessalonique à l’est, la capitale économique
de la région. Il réussit à prendre la première des cités, mais non la seconde
en dépit d’assauts répétés. En 997, Samuel se fit couronner empereur,
reprenant le programme de Syméon dont il avait reconstitué l’Empire.
Basile II, contraint de réagir, réussit à s’emparer de Sofia et à reprendre
rapidement le Paristrion où l’emprise de Samuel était restée plus fragile. Il
conforta ce succès en attaquant Vidin, sur le Danube, et en tenant Sir-
mium, pour prendre à revers Samuel, si nécessaire. L’empereur n’usait pas
seulement de son armée, où se distinguaient les Varanges russes, il ralliait
aussi des notables bulgares en leur offrant des titres élevés et donc de beaux
revenus. En 1005, il reprit ainsi Dyrrachion en faisant changer d’allégeance
Chrysèlios, le notable le plus en vue, auquel il offrit la dignité de patrice.
En dépit de ce qu’affirme Jean Skylitzès, le seul historien byzantin de
Basile II, qui donne de ce règne un récit très lacunaire, les combats avaient
cessé, semble-t-il, après la reprise de Dyrrachion, l’empereur laissant à
Samuel un territoire bien délimité. En 1014, les combats reprirent, peut-
être après l’expiration d’un traité conclu pour dix ans, comme le suggère
Paul Stephenson [1101, p. 68-69]. L’empereur remporta un succès remar-
quable dans les passes du Kleidion, même si l’on peut douter de
l’importance du nombre prétendu des prisonniers (14 000) et surtout de
leur aveuglement systématique. Samuel mourut le 6 octobre 1014, mais la
résistance continua et il fallut encore quatre ans d’efforts pour abattre le
royaume bulgare, en mêlant la pression militaire et l’attrait des dignités
impériales. En 1018, Basile II, enfin victorieux, entreprit un long périple en
Grèce, sans doute pour réaffirmer l’autorité impériale auprès des habitants
qui avaient longtemps vécu dans la crainte de Samuel, et célébra un
triomphe à Constantinople.
Les Balkans 457

LES BALKANS BYZANTINS

L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE DES BALKANS


DE 1018 À 1204

La victoire de Basile II assurait la sécurité des Balkans et favorisait l’ex-


pansion économique qui caractérisa les deux siècles suivants. L’empereur
organisa le pays conquis avec prudence, s’efforçant de rallier les élites par
l’octroi de dignités et il réussit à intégrer l’ancienne famille régnante à
l’aristocratie byzantine, donnant aux jeunes princes des conjoints issus des
familles d’Asie Mineure. Ainsi, Isaac Comnène, le futur empereur, fut
marié à Catherine de Bulgarie. Les princes servirent dans l’armée, égale-
ment en Orient, pour éviter que la population bulgare ne fasse appel à eux,
en cas de mécontentement. Aarôn, beau-frère d’Isaac, fut ainsi catépan du
Vaspourakan, duc de Mésopotamie, puis duc d’Ani et d’Ibérie. La noblesse
bulgare, à laquelle Basile avait aussi généreusement concédé des titres, se
montra plus indocile et participa aux révoltes qui soulevèrent un temps les
anciennes provinces bulgares, notamment en 1040. Les Bulgares fournirent
également des contingents à l’armée. Le pays fut finalement divisé en deux
grands commandements, les duchés du Paristrion et de Bulgarie. Le Paris-
trion recouvrait les provinces bulgares annexées par Tzimiskès et incluait
les bouches du Danube, protégées par la forteresse de Dristra et celle
établie sur l’emplacement de Pàcuiul lui Soare, grosse base navale cons-
truite au Xe siècle [Madgearu, 1138]. Le duché de Bulgarie occupait le
cœur des États de Samuel, avec Ochrida, capitale religieuse, et Skopje,
principal point d’appui militaire. Depuis cette province, l’empereur surveil-
lait les Serbes qui avaient prudemment fait leur soumission [Ferluga, 1134 ;
Holmes, 152].
Basile II s’efforça de respecter les institutions en place. Il conserva le
mode d’imposition des paysans bulgares qui, semble-t-il, livraient encore
leur dû en nature. Il maintint aussi le statut autocéphale de l’Église de Bul-
garie, alors que Tzimiskès avait supprimé le patriarcat bulgare et placé le
métropolite de Iôannoupolis/Preslav sous l’autorité directe du patriarche de
Constantinople. Basile précisa dans le sigillion de 1020 les biens détenus par
l’archevêché d’Ochrida et donna la liste des sièges qui lui étaient rattachés,
augmentée ultérieurement en fonction de l’avance byzantine : la Serbie fut
ainsi ajoutée. L’empereur gardait le droit de nommer le chef de l’Église
bulgare, mais Basile II maintint en place le titulaire Jean.
458 Les régions de l’Empire

Les successeurs de Basile renforcèrent la présence byzantine dans les


Balkans, tout en évitant une administration directe des pays serbes et ils
évacuèrent, sans doute temporairement, certains points avancés comme Sir-
mium et Belgrade. Romain III accueillit Dobronas, le maître de Zadar et
Split, qu’il promut protospathaire et stratège de Dalmatie, mais Michel IV
s’empara ensuite de ses terres. Le même empereur fit de Ljutovid, archonte
de Zachloumie, un protospathaire et le stratège de Serbie et Zachloumie.
Les élites locales étaient toujours invitées à s’intégrer à la clientèle, ou
mieux, à la hiérarchie impériale [von Falkenhausen, 1133].
Cette politique expansionniste se double d’une reprise en main de la Bul-
garie, bénéficiaire de la paix et d’un meilleur approvisionnement en numé-
raire de la part de Constantinople et Thessalonique. Jean l’Orphanotrophe,
frère de Michel IV, l’aligne sur le régime fiscal général, ce qui suppose un
paiement de l’impôt en numéraire. Autre signe de l’emprise byzantine, le suc-
cesseur de Jean sur le siège de Bulgarie fut un Grec, Léon, issu du clergé de
Sainte-Sophie. En 1040, éclatèrent simultanément une révolte dirigée par
Deljean, soi-disant descendant de Samuel, et une autre fomentée par Vojislav
de Dioclée, territoire qui correspond, en gros, à l’actuel Monténégro.
Michel IV agit activement et rétablit la situation, mais Vojislav sauvegarda
son indépendance en battant le stratège de Dyrrachion. Les princes de
Dioclée constituèrent désormais une menace pour Dyrrachion, d’autant plus
que le recul byzantin en Italie après 1071 plaçait cette ville en première ligne.
Sur le plan religieux, l’archevêché d’Ochrida fut confié à un prélat grec à
partir du règne de Michel IV. L’effort pour helléniser l’ancienne Église bul-
gare s’intensifia sous Alexis Ier lorsque Théophylacte, nommé à Ochrida, fit
traduire du slavon en grec des ouvrages comme la Vie de Clément. Une des-
truction programmée de manuscrits slavons aurait accéléré l’usage du grec.
L’influence byzantine dans les Balkans occidentaux dépendait des sub-
sides envoyés aux chefs locaux et de la forte présence militaire byzantine
dans les garnisons de Skopje, Nish, Ochrida et Dyrrachion. Après 1071,
elle vacilla sous les coups des Serbes de Dioclée qui soutinrent une nouvelle
révolte bulgare, au cours de laquelle le fils de Michel de Dioclée, Constan-
tin Bodin, fut proclamé empereur. Bodin échoua, car il ne rallia pas toutes
les troupes bulgares et pilla les terres de ses propres sujets. Le risque cepen-
dant subsistait d’une alliance entre les Serbes et les Normands solidement
établis en Italie, qui se matérialisa lorsque Bodin eut pris pour épouse la
fille du gouverneur de Bari. L’armée byzantine avait été renforcée sous les
ordres successifs de Nicéphore Bryennios et de Nicéphore Basilakios, mais
ces deux généraux avaient tenté de s’emparer du pouvoir. L’assaut nor-
mand contre Dyrrachion en 1081 survenait donc dans un contexte difficile.
Après la mort de Robert Guiscard, Jean Doucas, beau-frère de l’empereur,
contint les ambitions serbes, sans chercher à soumettre Bodin.
Les Balkans 459

LA QUESTION DES NOMADES

Les steppes de la Russie virent se succéder les peuples nomades, qui


cédèrent la place sous le coup d’envahisseurs venus de l’Orient et la plu-
part, ainsi chassés, s’établirent le long du Danube, qu’ils franchirent à
l’occasion. Byzance n’était pas immédiatement concernée puisque l’État
bulgare servait de protection, certes imparfaite, comme en témoignent les
raids hongrois du Xe siècle. L’Empire disposait d’une sentinelle en Crimée,
Cherson, jadis occupée par les Khazars au VIIIe siècle, puis érigée en thème
depuis 840, dont les frontières ne s’étendaient guère au-delà du port. Les
fonctionnaires en poste informaient le gouvernement central des change-
ments intervenus : avance des Hongrois vers l’ouest, recul progressif des
Khazars devant les Petchénègues et les Russes, essor de la principauté de
Kiev [Zuckerman, 1128]. Entre le VIIIe et le Xe siècle, Cherson, dont
l’atelier monétaire frappait le bronze, a bénéficié de l’essor du commerce
avec les Khazars.
Les Petchénègues avaient profité de la défaite des Russes de Svjiatoslav
pour s’établir à la fin du Xe siècle au nord du Danube. L’Empire, dont la
prospérité s’accroissait, constituait une cible attractive et des raids massifs
furent lancés à partir de 1032, qui mirent à mal, comme les fouilles archéo-
logiques l’ont prouvé, un certain nombre d’établissements du Bas-Danube
reconstruits du temps de Tzimiskès. En 1047, une masse de Petchénègues
pénétra dans l’Empire et Constantin Monomaque s’efforça de les rallier en
leur distribuant des terres désertées entre Nish et Sofia, en faisant baptiser
leurs chefs, Tyrach et Kégénès, et en leur accordant des dignités. Les dis-
sensions entre les chefs et le refus des guerriers petchénègues d’aller com-
battre les Turcs en Orient conduisirent à une série de batailles souvent mal-
heureuses pour les Byzantins, en dépit de l’énergie déployée par
Monomaque. L’empereur dut reconnaître l’établissement des nomades
entre le Danube et l’Haimos [Malamut, 1130]. Un nouveau peuple
nomade, les Ouzes, menacèrent cet équilibre précaire, mais la maladie les
décima sous Constantin X.
Les Byzantins tentèrent d’intégrer les nouveaux venus en offrant des
subsides et en favorisant le commerce dans les ports du Bas-Danube où l’on
note une abondance de monnaies de fouilles [Stephenson, 1101, p. 83-89].
Les échanges étaient actifs avec les populations locales, Bulgares, Valaques
et Slaves, que les sources désignent sous le nom de mixobarbaroi, dans les
villes bien défendues où la présence byzantine se maintenait, Dristra,
Noviodunum, Dinogetia, Preslavitza. Sous Michel VII cependant, tout le
460 Les régions de l’Empire

Paristrion fit défection et, pendant près de vingt ans, les Petchénègues
furent en mesure de lancer des raids jusqu’en Thrace. Il fallut attendre la
victoire du Lébounion le 29 avril 1091, pour qu’Alexis Comnène libère les
Balkans de leur présence. Tout indique que les villes du Paristrion conti-
nuèrent à bénéficier des échanges commerciaux avec les peuples du nord,
dont les Coumans et les Russes. Pendant un siècle, seuls des raids coumans
troublèrent parfois la tranquillité du Paristrion, mais, en 1122, Jean II
Comnène remporta une victoire notable sur une forte bande nomade.

LES BALKANS, CŒUR DE L’EMPIRE AU XIIe SIÈCLE

Au XIIe siècle, l’Empire améliora considérablement sa position dans les


Balkans dans les domaines militaire et économique. Le rétablissement
byzantin sous Alexis se traduisit clairement lorsque Bohémond, comme son
père Robert Guiscard, lança une attaque massive contre Dyrrachion
en 1107. Il fut incapable de prendre la ville et d’avancer le long de la Via
Egnatia. Byzance allait cependant se heurter à un nouvel adversaire, les
Hongrois, qui s’étaient déjà emparés de Sirmium. Ils entretenaient des rela-
tions commerciales, qui n’étaient pas intenses, car on n’a pas découvert une
production grecque importante en Hongrie, sauf des pièces et des bijoux.
Le contrôle des ports dalmates, Dubrovnik/Raguse, Split, Sibenik, très
actifs et dans lesquels une abondante poterie, sans doute d’origine balka-
nique, a été retrouvée, constituait l’enjeu du conflit potentiel. Un troisième
partenaire, Venise, ne pouvait rester indifférent. Au début du XIIe siècle, les
Hongrois prirent l’initiative en conquérant la Dalmatie, par des conventions
avec les villes, qui leur accordaient des privilèges.
Les Byzantins réagirent seulement sous Jean II, dont l’épouse était hon-
groise. L’empereur riposta à un raid qui avait atteint Sofia et, en 1127,
avec l’aide d’une flotte remontant le Danube, infligea une sévère leçon au
roi Étienne. Cependant les priorités de Jean II étaient en Orient, alors que
son fils Manuel comprit que la fortune de l’Empire reposait désormais
davantage sur sa partie européenne, plus riche, et qui faisait la jonction
avec les puissances occidentales, partenaires majeurs du jeu diplomatique et
des échanges commerciaux. Manuel estimait nécessaire une meilleure
emprise byzantine sur les Balkans et sur la côte adriatique, plus encore
quand ses projets italiens avortèrent. Il se heurta donc constamment aux
Serbes et aux Hongrois. Il ne pouvait traiter ces deux royaumes d’une
façon identique. Du premier, de taille modeste, encore pauvre, il pouvait
faire un État vassalisé, alors qu’il pouvait seulement espérer se faire du
Les Balkans 461

second un allié en plaçant sur le trône un souverain qui lui fût dévoué, en
mettant à profit les divisions au sein des Árpáds [Makk, 1137].
Après un premier épisode d’accrochages plus ou moins violents
entre 1150 et 1155, Manuel, avant de retourner dans sa capitale, arbitra un
conflit entre le joupan serbe Uroš et son frère Désa, en faveur de ce der-
nier, mais Uroš, qui s’était jeté aux pieds de l’empereur devant toute la
cour, recouvra son titre et ses terres. À la mort du roi de Hongrie Géza II,
en 1162, Manuel fit pression avec succès en faveur d’un prince fiancé à une
Comnène, mais celui-ci fut chassé sur une intervention de Frédéric Barbe-
rousse, qui ne voulait pas voir la Hongrie passer sous l’influence byzantine.
Le nouveau roi de Hongrie, Étienne III, soucieux d’éviter une guerre avec
Byzance, accepta les fiançailles de son frère Béla avec Marie la Porphyrogé-
nète, fille aînée de Manuel. Cependant, les troubles à l’intérieur de la
Hongrie provoquèrent, entre 1165 et 1167, de grandes expéditions pour
défendre Sirmium et s’achevèrent par un succès byzantin, donnant aussi à
l’Empire la Dalmatie, où un duc fut établi jusqu’à la fin du règne de
Manuel. Tenir la Dalmatie permettait également de secourir Ancône, base
de l’influence byzantine en Italie. C’est ainsi que le duc de Dalmatie, Cons-
tantin Doucas, réunit en 1174 une armée de secours pour libérer Ancône
assiégée par les hommes de Frédéric Barberousse. Enfin, à la mort
d’Étienne III, en 1172, son frère Béla monta sur le trône avec l’appui de
Manuel, assurant la paix durable avec la Hongrie.
Du côté des Serbes, le centre du pouvoir changea au cours du
XIIe siècle. Jusqu’au règne d’Alexis Comnène, le prince serbe le plus
influent gouvernait la Dioclée qui maintenait son emprise sur les territoires
voisins. Mais Constantin Bodin, finalement vaincu par les Byzantins, avait
été réduit à un rôle de client de l’Empire. À sa mort, la guerre de succes-
sion affaiblit encore la Dioclée, et la Rascie en profita pour prendre son
autonomie, puis le grand joupan serbe Uroš II s’efforça, avec l’aide des
Hongrois, de chasser l’allié des Byzantins placé sur le trône de Dioclée, ce
qui provoqua une vive réaction de l’empereur. Manuel Comnène choisit
Tichomir, puis son frère Étienne Némanja comme grand joupan des
Serbes, avant 1168, mais ce dernier se montra particulièrement rétif au
joug byzantin. Cependant, incapable de se mesurer à l’armée impériale,
en 1172, il fit sa soumission, fournissant un contingent pour l’armée byzan-
tine, et garda sa fidélité à l’Empire jusqu’à la mort du souverain. Manuel
avait reconquis tous les Balkans, à l’exception de la Slovénie et de la
Croatie, mais cette dernière province était toutefois dominée par une
Hongrie désormais amie.
462 Les régions de l’Empire

L’EXPANSION ÉCONOMIQUE

Les signes du renouveau économique sont perceptibles dans les régions


depuis longtemps pacifiées. Ainsi, en Hellade centrale, dès la fin du
IXe siècle, des inscriptions témoignent de fondations d’églises, l’une à Skri-
pou, en Béotie, l’autre à Thèbes et une troisième aux environs d’Athènes.
Une fois passés les derniers raids de Samuel, qui terrorisèrent davantage la
population qu’ils ne mirent en péril le renouveau économique, ces pro-
vinces connurent près de deux siècles de paix, à la brève exception du raid
de Roger de Sicile. Nous avons peu d’informations spécifiques concernant
le plat pays ou ses villages, sinon que les empereurs du XIIe siècle y possé-
daient d’immenses domaines ; en revanche, grâce à l’archéologie, la vie
urbaine commence d’être mieux connue. Nous ne sommes pas non plus en
mesure d’apprécier l’importance des activités minières, soumises à l’époque
protobyzantine à un comes metallorum per Illyricum. Elles semblent avoir com-
plètement cessé après les invasions slaves et sont à nouveau bien attestées à
l’époque des Paléologues. Entre-temps, il est certain que les mines de Grèce
du Nord (fer), d’autres lieux dans les Balkans ou encore du Pangée (argent)
furent actives, mais l’intensité de leur exploitation reste sujet de débat
[Vryonis, 672].

L’HELLADE ET LE PÉLOPONNÈSE

Le développement urbain est incontestable et s’appuie sur des campa-


gnes où les paysans jouissent également d’une plus grande aisance si l’on en
croit le résultat des fouilles du village de Nichoria dans le Péloponnèse
[McDonald, 1147]. En effet, l’agriculture de cette région fournit de longue
date de la soie brute et se spécialise, en particulier au XIIe siècle, dans la
production d’huile d’olive, recherchée aussi par les marchands italiens.
La partie médiévale de Corinthe, capitale du thème du Péloponnèse,
n’a été que très partiellement fouillée, mais les résultats sont déjà instructifs
[Sanders, 1152]. Si l’on en croit l’augmentation spectaculaire des trouvailles
monétaires depuis la fin du Xe siècle, l’économie de la ville s’est considéra-
blement développée durant les XIe et XIIe siècles. La cité bénéficiait de son
emplacement sur la route entre Constantinople et l’Italie et de son statut,
puisque y résidaient, outre l’archevêque, le stratège et sa suite, dont les
Les Balkans 463

dépenses alimentaient un marché local. La ville abritait au Xe siècle un


groupe de pêcheurs de murex qui fournissait la pourpre. La céramique
découverte suggère que les habitants bénéficièrent de la prospérité, car la
qualité s’améliore sensiblement au XIe siècle. Avec Corinthe, Thèbes devint
au XIIe siècle l’un des centres de l’artisanat textile, position qui ne semble
pas avoir été durablement compromise par le raid de Roger II de Sicile
en 1147, car le géographe arabe Idrisi et le voyageur juif espagnol Benja-
min de Tudèle la décrivent encore comme une cité florissante [Louvi-Kizi,
1146]. D’une façon générale, l’industrie textile de luxe par excellence, celle
de la soie, s’est largement déplacée en Hellade au XIIe siècle, au point que
les marchands italiens insistent pour obtenir le droit de commercer à Thè-
bes, qui semble la ville la plus active où, toujours selon Benjamin de
Tudèle, une communauté de 2 000 juifs se consacrait principalement à la
fabrication des étoffes pourpres, dont Constantinople n’avait plus le mono-
pole [Jacoby, 543]. Lorsque le sultan saldjûkide de Konya demanda à
Alexis III Ange des tissus de soie, il exigea des soieries thébaines.
Athènes n’a jamais abrité d’activités artisanales de même ampleur qu’à
Corinthe ou Thèbes, mais la ville qui, dans les siècles obscurs, avait main-
tenu un modeste espace habité, autour de l’Acropole et du Parthénon, amé-
nagé en cathédrale dédiée à la Vierge, s’est également développée entre
les Xe et XIIe siècles. Cet essor lui valut, au Xe siècle, d’être élevée au rang
de métropole. L’aristocratie locale construisit de nouvelles églises dont plu-
sieurs subsistent, telle la Petite Métropole. La richesse provenait en majeure
partie des productions agricoles, blé et olives, mais aussi de tanneries, de
poteries et d’ateliers de pourpre. Michel Chôniatès, qui fut métropolite à la
fin du XIIe siècle, suggère dans ses lettres un déclin de la cité, mais si celui-ci
n’est pas seulement l’effet de la nostalgie du prélat pour l’Athènes classique,
il fut de courte durée, car Athènes prospéra sous le régime franc postérieur
[Setton, 1153]. Athènes fut sans doute un modèle pour les villes des Bal-
kans d’importance secondaire qui tirèrent leur richesse accrue des produc-
tions agricoles, d’un essor artisanal au rayonnement régional et souvent
d’un rôle administratif, laïc ou religieux.
Le réseau des villes se modifia, notamment en raison du commerce avec
les Latins : Halmyros en Thessalie, par où s’écoulent les surplus des domai-
nes impériaux bien attestés dans cette province, se développe alors que
Dèmètrias semble décliner. Coron et Modon dans le Péloponnèse renfor-
cent leur rôle d’escale des navires vénitiens. Les marins de Monemvasie,
port qui ne figure pas dans la liste des villes ouvertes aux commerçants
latins, rivalisent sans doute avec ces derniers pour le commerce égéen [Kal-
ligas, 1145].
464 Les régions de l’Empire

THESSALONIQUE ET SON ARRIÈRE-PAYS

Thessalonique, située à proximité de la Via Egnatia et au débouché de


la route de Nish et Skopje, n’a cessé de commercer avec son vaste et fertile
hinterland slave et dans la riche plaine thessalienne où elle trouvait son
ravitaillement. Aux pires moments du VIIe siècle, la ville est encore peuplée,
même si une partie de la population est constituée de paysans qui travail-
lent le jour hors les murs. Il lui est nécessaire de se procurer du ravitaille-
ment au-delà des plaines avoisinantes. À partir du IXe siècle, elle servit de
débouché partiel au commerce avec les Bulgares par l’axe du Vardar. Un
fonctionnaire particulier, l’abydikos, y levait les taxes commerciales pour
l’État. Le pillage de 904 par les Arabes et les guerres bulgares freinèrent
l’expansion de la ville, qui reprit à partir du XIe siècle. Cependant, en 904,
elle comptait déjà de nombreux commerçants qui furent parmi les captifs.
Elle fut un temps la principale base militaire d’où partirent, sous Basile II
ou Michel IV, les armées envoyées contre les Bulgares, puis Alexis Ier diri-
gea de cette ville les opérations contre les Normands, activités qui ne pou-
vaient manquer d’attirer de nombreux marchands pour ravitailler les sol-
dats [Malamut, 1148].
Sous les Comnènes, les informations se multiplient, attestant l’importance
désormais majeure de la ville. Aucune estimation de population n’est dispo-
nible avant l’époque des Paléologues, mais Thessalonique est à cette date la
seconde ville de l’Empire, comptant plusieurs dizaines de milliers d’habitants.
Sans doute les documents latins font-ils défaut, car la ville n’est guère fré-
quentée par les Occidentaux, quoiqu’ils soient attestés au moment du siège
par les Normands en 1185. Les empereurs, dont Manuel Comnène, accordè-
rent des privilèges aux habitants de la ville [Patlagean, 1151]. Ils y installèrent
un atelier monétaire qui frappa même des monnaies d’or [cf. chap. XII,
p. 295]. Les ressources fiscales de la ville et de son thème étaient assez impor-
tantes pour être accordées à titre viager à Nicéphore Mélissènos, beau-frère
d’Alexis Ier et à Rénier de Montferrat, gendre de Manuel Ier.
La grande foire de la Saint-Démétrius attirait des marchands de tout le
bassin méditerranéen :
La fête de saint Démétrius a la même signification que les Panathénées à Athè-
nes ou les Panionies à Milet. C’est la panégyrie (fête et foire) la plus importante
de Macédoine. Non seulement affluent la foule des autochtones et des indigè-
nes, mais aussi des gens de tous lieux et de tout statut : des Grecs arrivent de
partout, ainsi que les tribus voisines de Mysie (les Bulgares), qui vivent sur le
territoire qui s’étend jusqu’au Danube et la terre des Scythes, également les
Les Balkans 465

habitants de la Campanie, les Italiens, les Ibères (Espagnols), les Lusitaniens


(Portugais), et les Celtes d’au-delà des Alpes. Pour parler clair, les rives de
l’Océan envoient des fidèles prier le saint, tant sa gloire est grande dans toute
l’Europe... On y voit toutes sortes d’objets, en matière de vêtements pour les
hommes et les femmes et tout ce que produit la Béotie et le Péloponnèse, tout
ce qu’apportent depuis l’Italie les navires qui viennent en Grèce... Mais la Phé-
nicie contribue beaucoup, l’Égypte, l’Hispanie, les Colonnes d’Hercule tissent le
plus beau linge de maison... [Timarion, 1091, p. 53-55].
La ville vivait sans doute davantage du commerce des denrées agricoles,
dont la production était en expansion que des marchandises de luxe, même
si des activités textiles sont mentionnées. La communauté juive de
500 familles, qui s’adonnaient à l’industrie de la soie, n’était pas l’une des
plus nombreuses de Grèce. Eustathe, métropolite de Thessalonique dans la
seconde moitié du XIIe siècle, se désolait de l’esprit de lucre qui saisissait ses
fidèles, y compris les moines (Eustathe I, p. 245). Par-delà l’exagération du
moraliste, il faut y voir l’indice d’activités commerciales fructueuses. Les
tortures infligées par les Latins, en 1185, aux habitants les plus aisés pour
leur faire avouer où se trouvaient leurs trésors, indiquent l’idée que se fai-
saient les conquérants de leurs bénéfices potentiels. En 1037 déjà,
l’archevêque de Thessalonique, Théophane, avait pu thésauriser la somme
colossale de 3 300 livres d’or (Skylitzès, p. 333). La ville disposait de corps
de métiers, puisque y sont attestés le primicier des notaires et le prôtos des
chapeliers, mais nous en ignorons l’organisation.
Les monastères de l’Athos, gros propriétaires fonciers, obtinrent des
exemptions fiscales pour une partie de leurs bateaux qui vendaient les sur-
plus, non seulement sur les marchés voisins de Thessalonique, mais jusqu’à
Constantinople [Smyrlis, 560]. Les moines exerçaient divers métiers : tisse-
rands, cordonniers, pêcheurs...

LE NORD DES BALKANS

Au nord des Balkans, aucun centre n’atteignit l’importance de la métro-


pole de la Thessalie. Sur la côte adriatique, Dyrrachion, où s’étaient préco-
cement installés des Amalfitains et des Vénitiens qui participèrent, aux
côtés de l’élite locale, à la résistance de la ville face à Guiscard, apparaissait
comme une belle cité aux yeux d’Idrisi. Son rôle majeur consistait toutefois
à interdire les invasions normandes, abritant en permanence une forte gar-
nison derrière de puissantes murailles. Les autres ports de la côte n’avaient
pas encore atteint un développement notable, notamment Raguse, disputée
466 Les régions de l’Empire

entre Byzantins, Normands et Vénitiens, qui s’en emparèrent finalement


en 1205. L’arrière-pays, encore immune de la malaria, était apprécié par
les membres de la famille impériale des Anges puisque, à la veille de la
quatrième croisade, ils y avaient obtenu les revenus de plusieurs épiskepseis
(groupes de domaines du fisc).
Les villes sont moins étendues à l’intérieur des Balkans qu’au sud du
pays, en raison d’échanges moins intenses. Ochrida s’est développée au
temps du tsar Samuel, mais lorsque Théophylacte y est envoyé comme
archevêque de Bulgarie vers 1089, il se sent exilé loin du raffinement de la
capitale. Tirnovo, forteresse du thème du Paristrion, ne se développe grâce
à l’artisanat local qu’au XIIe siècle, après la levée définitive de l’hypothèque
petchénègue. Preslav de même, l’ancienne capitale bulgare, qui a souffert
des invasions nomades, ne se relève que dans la seconde moitié du
XIIe siècle. Mais les Allemands de la troisième croisade, une fois franchie
l’immense forêt maintenue comme no man’s land pour protéger le territoire
impérial, traversèrent des plaines fertiles et des villes qui semblaient alors
opulentes, Sofia et Philippoupolis, où les autorités pouvaient constituer des
marchés d’approvisionnement satisfaisants. Les ports de la mer Noire,
Mésemvria, Anchialos, sont rarement cités dans les sources car ils ne sont
pas ouverts aux Latins. La présence de commerciaires à Anchialos et à
Débeltos témoigne du rôle de ces places, notamment au IXe siècle lors-
qu’elles se trouvaient à la frontière de la Bulgarie. Les constructions
d’églises se poursuivent jusque sous les Comnènes. Les Bulgares, selon le
Livre du préfet, apportaient à Constantinople des produits bruts, miel et lin.
Les bouches du Danube continuent d’être attractives pour le commerce.
Si Pàcuiul lui Soare ne semble pas s’être relevée de l’invasion coumane
de 1094, Dinogétia et Isaccea sont toujours occupées au XIIe siècle, comme
en témoignent les abondantes trouvailles de monnaies et de divers objets de
luxe.
Une grande partie du territoire est occupée par des forêts et des prairies
d’altitude, propices à l’élevage transhumant, activité principale des Vala-
ques, peuple présent de longue date dans la péninsule balkanique, mais qui
n’apparaît dans les sources qu’à partir du Xe siècle.

LA THRACE

La Thrace, qui constituait avec la Bithynie l’un des deux greniers à blé
de Constantinople, accompagna la croissance de la ville sous les Macédo-
niens et les Comnènes, à peu d’exception près, comme sous Michel IV où il
Les Balkans 467

fallut, lors d’une disette, faire venir du grain du Péloponnèse. Sous


Michel VII, nous voyons les paysans conduire leurs charrettes chargées de
céréales dans les ports de Thrace. La tentative de Nicéphoritzès, à la
recherche de revenus pour l’État, d’établir un monopole sur les transactions
dans la ville de Rhaidestos, provoqua le mécontentement de l’aristocratie
foncière et précipita la chute du ministre. Au XIIe siècle, les surplus étaient
suffisants pour que les marchands italiens viennent charger du grain, dont
ils appréciaient l’excellente qualité. La capitale, Andrinople, constituait une
place forte, qui défendait la route de Constantinople face aux nomades du
nord, et finit par abriter, à la différence de Thessalonique, un groupe aris-
tocratique puissant, qui participa aux luttes politiques à partir du XIe siècle.
En revanche, l’économie de la ville nous échappe. Son importance com-
merciale, certaine, vient de sa position sur l’axe partant de Constantinople
passant par Philippoupolis et Sofia pour rejoindre le Danube qui croise
l’Euros (Maritsa), navigable jusqu’à la mer. Un commerciaire y était établi
au IXe siècle, qui est encore attesté au XIIe ; à la même époque, les pèlerins
latins ont un monastère de leur rite où résider ; les Italiens ont le droit de
commercer et sont assez nombreux pour armer plusieurs galées en 1187
[Lilie, 253]. Autre indice du développement de la région, le nombre de suf-
fragants de la métropole d’Andrinople est passé de cinq au VIIe siècle à
onze au XIe siècle.
Bien qu’on ne puisse procéder que par touches incomplètes, le bilan
global des XIe et XIIe siècles est clair pour les Balkans. La péninsule a joui
d’une croissance générale, à nuancer selon les régions et les époques, le sud,
épargné par les conflits, n’a pas connu les interruptions provoquées par les
guerres normandes et petchénègues. Cependant, il faut noter que cette
prospérité, indéniable, n’a pas entraîné la construction de bâtiments
d’importance comparable à ce que pouvait être, par exemple, les églises des
villes dans l’Italie contemporaine. Les causes de ce goût pour les lieux de
culte de taille modeste peut s’expliquer en partie pour des raisons sociales,
l’absence de vraies institutions municipales, le poids des sanctuaires privés,
mais on doit aussi se demander si les ressources matérielles n’étaient pas
insuffisantes pour de vastes édifices, indiquant que cet essor des XIe et
XIIe siècles serait moins intense que dans l’Occident contemporain ? Dans
l’état actuel de nos connaissances, il est difficile de donner une réponse
fiable.
L’expansion économique a redonné aux agglomérations repeuplées une
plus grande diversité sociale. Dès le Xe siècle, saint Nikon le Métanoïte
affrontait les notables de Sparte, dont certains s’opposaient à son idée
d’expulser de la ville les juifs, tisserands soyeux, utiles au bien-être des habi-
tants de la cité. Deux siècles plus tard, Michel Chôniatès se heurtait à ce
qu’il jugeait l’égoïsme des gens de la citadelle d’Athènes. Les villes étaient
468 Les régions de l’Empire

occupées par les gens des métiers, preuve d’un enrichissement général, y
compris des campagnes. Les monastères de l’Athos employaient eux aussi
une riche palette d’artisans.
L’Empire des Comnènes a pu s’appuyer sur ses provinces européennes
dont la richesse croissante a compensé, en grande partie sinon en totalité, la
perte du plateau anatolien. On comprend que les membres de la famille
impériale, que ce fût sous les Comnènes ou sous les Anges, se soient fait
concéder – à titre viager – de vastes domaines publics en Épire, en Thes-
salie ou dans le Péloponnèse, dont la Partitio imperii Romanie de 1204, fondée
sur des documents fiscaux, porte témoignage. L’aristocratie de service a
également investi dans les Balkans. Les sceaux découverts, notamment en
Bulgarie, portent les noms des grandes familles, Comnène, Paléologue,
Botaneiatès, Synadènos [Jordanov, 40]. Sans doute certains d’entre eux
étaient-ils des fonctionnaires en poste dans les Balkans, mais d’autres y
étaient devenus propriétaires fonciers. Les archives de l’Athos permettent
de suivre l’installation de plusieurs parents d’Alexis Comnène dans la
région de Thessalonique, dont son frère, le sébastokratôr Isaac, et son beau-
frère, le césar Nicéphore Mélissènos.
Le développement des monastères en Occident apporte un autre indice
du basculement vers l’ouest du centre de gravité de l’Empire. L’essor des
monastères athonites n’a pas attendu la débâcle anatolienne. Dès la fin du
Xe siècle, plusieurs grandes fondations, celles de Lavra et d’Iviron, rendues
possibles par l’abondance de l’or impérial ou aristocratique, devinrent en
peu d’années propriétaires de plusieurs milliers d’hectares de terres arables.
Tout au long du XIe siècle, les nouveaux établissements se multiplient. La
Sainte-Montagne ne fut pas seule à prospérer. Grégoire Pakourianos, grand
domestique d’Alexis Comnène, reçut de nombreuses donations impériales
dans la région de Philippoupolis et érigea à Backovo, près de Sténimachos,
un monastère qui produisait dix livres d’or de surplus annuels. Cet établis-
sement était destiné à accueillir les compagnons du vieux soldat et à com-
mémorer son fondateur, non sans succès puisque, aujourd’hui, on dit
encore des messes pour le salut de son âme. Au siècle suivant, Isaac Com-
nène, frère de Jean II, établit le couvent de la Kosmosôtira en Thrace occi-
dentale, dont les revenus dépendaient non seulement d’un vaste domaine
foncier, mais des droits d’une foire annuelle et de l’utilisation de douze
bateaux dispensés de payer les taxes. Ces grands établissements, de plus en
plus nombreux dans les Balkans, étaient des centres d’exploitation écono-
mique, solidement protégés puisque Pakourianos, par exemple, y avait édi-
fié deux kastra. Lorsque Jean II fonda le monastère du Pantokratôr à Cons-
tantinople, il le dota de nombreux biens fonciers sis en Thrace et en
Macédoine.
Les Balkans 469

LE RENOUVEAU « NATIONAL »

La mort de Manuel Comnène, en 1180, marqua un tournant dans


l’histoire des Balkans. Immédiatement, Béla de Hongrie reprit, sans doute
sans combat et avec l’accord tacite des Byzantins, Sirmium et la Dalmatie ;
puis, lorsque Marie d’Antioche fit appel à lui contre l’usurpateur Andronic
Comnène, Béla marcha sur Belgrade, Branicevo et Nish. Il rendit cependant
ces deux dernières villes, lorsqu’il conclut un traité avec Isaac II Ange auquel
il donna en mariage sa fille Marguerite. La prise de Dyrrachion, puis de
Thessalonique en 1185 par les Normands, eut de plus graves conséquences,
révélant les faiblesses de la défense byzantine. L’année suivante, deux frères,
Pierre et Asen, se révoltèrent à la tête d’un groupe de Bulgares et de Vala-
ques, peuple de pasteurs, sur lesquels les historiens bulgares et roumains
s’opposent quant à son origine ethnique. Ils tirèrent profit du climat
d’insécurité dans les montagnes inaccessibles des Balkans, de la mobilisation
des garnisons locales pour lutter contre les Normands et enfin de la chute de
Thessalonique en 1185 pour prétendre que saint Démétrius avait déserté le
camp impérial. En 1188, Isaac II fut contraint de reconnaître les conquêtes
faites au nord des Balkans. Tirnovo, détachée d’Ochrida encore byzantine,
fut érigée en archevêché et Basile couronna Pierre tsar des Bulgares.
Jouant de malchance, Isaac II Ange dut négocier avec Frédéric Barbe-
rousse et sa grosse armée de croisés qui traversèrent les Balkans, non sans
combats avec l’armée byzantine. L’empereur allemand occupa un temps
Andrinople avant de passer en Asie Mineure. Il reçut Pierre de Bulgarie et
Némanja de Serbie dans son camp, ce qui inquiéta Isaac II. Les troupes
byzantines furent incapables de maîtriser les Bulgares de Pierre et Asen,
bientôt conduits par un troisième frère encore plus redoutable, Kalojean.
Elles subirent un grave revers en 1194, qui ouvrit aux ennemis les routes de
Thrace. Les ports de Varna et Constantia tombèrent et les villes de Thrace
furent à plusieurs reprises ravagées par les Bulgares, qui trouvèrent des
alliés chez les Coumans établis au nord du Danube. Lorsque ces derniers
furent engagés dans des guerres en Russie, Kalojean, affaibli, accepta de
traiter en 1202. Autre sujet d’inquiétude pour l’Empire, le souverain bul-
gare se tourna vers le pape Innocent III pour légitimer son pouvoir et
demander que le siège de Tirnovo fût érigé en patriarcat indépendant.
En 1204, le pape accéda à ses demandes : il lui envoya une couronne, auto-
risant l’archevêque de Tirnovo à oindre et bénir les futurs rois de Bulgarie.
Plusieurs chefs slaves, Ivanko et Dobromir, passèrent au service de
l’Empire, avant de se tailler des principautés autonomes. Les Byzantins
470 Les régions de l’Empire

craignaient d’affronter l’ennemi et un des généraux, Manuel Kamytzès,


subit une mutinerie, puis une défaite et préféra tenter de s’emparer du
trône, ajoutant à la confusion. Tout le système d’alliances mis en place par
Manuel Comnène était ruiné.
Les Serbes de Némanja retrouvèrent leur indépendance, en dépit d’une
réaction victorieuse d’Isaac II en 1191. Le grand joupan abdiqua en 1196
en faveur de son fils Étienne et se fit moine. Dans sa jeunesse, il avait été
baptisé selon le rite catholique, mais à l’âge adulte, il reçut un second bap-
tême par des prêtres orthodoxes, bien qu’il eût été un adversaire de
l’Empire. Après un court séjour dans le monastère de Studénica qu’il avait
fondé et où, ultérieurement, il fut enterré, Némanja rejoignit à l’Athos un
autre de ses fils, devenu moine sous le nom de Sava et ensemble, avec
l’accord d’Alexis III, ils fondèrent le monastère serbe de Chilandar.
Némanja laissa le pouvoir à son second fils, Étienne. Vukan, l’aîné, qui
tenait la Zéta, l’ancienne Dioclée, attaqua son frère et le chassa provisoire-
ment jusqu’en 1203.
Ainsi, au moment où la Serbie est en conflit avec l’Empire, et alors
qu’elle reste ouverte à l’influence occidentale en assimilant la Zéta ouverte
sur le monde latin, elle adopte le modèle byzantin : c’est de Rome
qu’en 1217 Étienne reçut finalement les insignes royaux, mais c’est le
patriarche de Nicée qui, en 1219, consacra Sava, frère du roi, archevêque
de l’Église autocéphale de Serbie. Sur le plan culturel, la façade maritime
reste latinisée, mais l’alphabet serbe est calqué sur le grec, par
l’intermédiaire du glagolithique.
Tous ces événements n’affectèrent pas directement le sud de la pénin-
sule et seules les régions voisines des Bulgares souffrirent durablement,
mais les exigences fiscales, peut-être croissantes, pour financer des armées
qui échouaient à protéger les populations, furent mal perçues et beaucoup
cherchèrent à éluder le fardeau fiscal. Plus grave, un notable grec local,
Léon Sgouros, constatant l’affaiblissement de l’administration byzantine, se
rendit plus au moins indépendant autour de Nauplie et d’Argos et, exploi-
tant la paralysie du gouvernement central, aux prises avec la flotte de la
quatrième croisade, poussa l’audace jusqu’à attaquer Corinthe, dont il
s’empara, et Athènes, où le métropolite Michel Chôniatès, lettré formé à
Constantinople et soucieux de l’unité de l’État, s’opposa avec succès à son
entreprise. Du côté de Sparte, un autre notable, Léon Chamarétos, se ren-
dit indépendant vers 1203. Enfin, les Albanais du thème de Dyrrachion,
depuis longtemps précieux auxiliaires de l’armée byzantine, prenaient leur
autonomie, appuyés sur leurs repaires dans les montagnes, sans créer de
véritable conflit.
Ces troubles n’eurent pas de lourdes conséquences économiques, car le
Péloponnèse ou l’Attique furent florissants sous l’occupation franque, mais
Les Balkans 471

des suites politiques beaucoup plus graves, car les populations s’habituaient
à ne plus obéir à l’autorité centrale et s’interrogeaient sur le bien-fondé des
exigences de la métropole, comme en témoigne la célèbre diatribe de
Michel Chôniatès à l’égard des habitants de Constantinople, qu’il accusait
de piller économiquement et fiscalement les provinces des Balkans, sans
s’inquiéter du sort des populations (cf. chap. XI, p. 278). La vitalité des vil-
les de Grèce leur donnait en effet les moyens d’un tel comportement. Les
Balkans étaient désormais en voie de fragmentation, avec deux jeunes États,
la Bulgarie et la Serbie, fort ambitieux et expansionnistes tandis que
l’Empire cessait d’être le centre d’attraction autour duquel s’était organisée
la péninsule, même au pire moment de l’expansion slave et bulgare.
C HA P I T R E X V I I I

L’Italie byzantine (641-1071)


PAR JEAN-MARIE MARTIN

L’Italie byzantine est constituée au VIIe siècle d’un ensemble de terri-


toires dispersés, de la Vénétie à la Calabre (sans compter la Sicile et la
Sardaigne) ; l’Empire finit par en perdre la majeure partie au milieu du
VIIIe siècle, avant que la Sicile passe sous domination musulmane au IXe ;
mais, à la fin de ce siècle, les autorités impériales chassent les Arabes de la
Calabre, et aussi de la Pouille lombarde (émirat de Bari) : jusqu’à la
conquête normande du XIe siècle, les régions qui constituent aujourd’hui la
Pouille, la Basilicate et la Calabre sont gouvernées par Constantinople.
Les limites territoriales de l’Italie byzantine sont donc extrêmement
fluctuantes : seule la Calabre méridionale reste au sein de l’Empire prati-
quement sans interruption du VIe au XIe siècle ; mais les marques laissées
par l’administration impériale, variables selon les époques, durent parfois
très longtemps.
En outre, la période considérée ne présente guère d’unité, on l’a vu dans
les domaines politique et administratif : en Italie, les institutions exarchales
du VIIe siècle sont très différentes des institutions thématiques du Xe (et ne
s’appliquent en outre pas aux mêmes territoires). En ce qui concerne les
mouvements de fond – démographie et production agricole – l’Italie byzan-
tine suit une courbe qui est celle de tous les pays qui bordent au nord la
Méditerranée : d’abord une crise profonde, ayant sans doute comme cause
principale la peste, mais aggravée par les conséquences de la conquête lom-
barde ; elle se manifeste aux VIe-VIIe siècles dans les régions conquises par les
Lombards, un peu plus tard (VIIe-VIIIe siècles) à Rome et en Calabre ;
ensuite, à partir du IXe siècle s’amorce une reprise qui se poursuivra jusqu’au
milieu du XIVe siècle, bien après la fin de la présence byzantine en Italie.
Tout cela conduit à établir une césure majeure au dernier quart du IXe siècle.
L’évolution apparaît d’autant mieux que la documentation italienne
– très inégale selon les temps et les lieux – est globalement très supérieure à
474

Italie, IXe-XIe siècle


L’Italie byzantine (641-1071) 475

celle du reste de l’Empire, car aux sources communes à l’Empire s’ajoutent


des documents de la pratique, généralement des actes notariés : papyrus de
Ravenne des Ve-VIIe siècles, correspondance de Grégoire le Grand, docu-
ments sur parchemin des Xe-XIe siècles. Aussi, en ce qui concerne l’histoire
économique, sociale, administrative, l’Italie est-elle (avec l’Athos) la région
la mieux documentée de l’Empire.

LE S T E R R I T O I R E S D E L ’ E X A R C H A T
DE RAVENNE (641-751)
ET LA SICILE BYZANTINE (641-902)

L’invasion lombarde (569) de l’Italie du Nord et la création presque


concomitante, par des auxiliaires lombards de l’armée impériale, des duchés
de Spolète dans le centre et de Bénévent dans le sud n’ont laissé dans le
cadre byzantin que des territoires dispersés, situés surtout dans les régions
côtières, et administrés depuis Ravenne par un exarque. En Vénétie, après la
prise d’Oderzo par le roi lombard Rothari, vers 640, l’Empire ne garde que
la zone lagunaire, où vont naître de petites agglomérations-refuges (dont
Rialto, qui deviendra Venise). La Ligurie est entièrement conquise par
Rothari vers 640 ; à la même époque le duché de Naples est amputé de
Salerne ; dans les années 660, le duc de Bénévent s’empare d’une bonne
partie de la Pouille méridionale (Tarente). Au second quart du VIIIe siècle, les
rois Liutprand et Astolf grignotent l’exarchat : Ravenne tombe définitive-
ment en 751, privant pratiquement les autres régions byzantines de la pénin-
sule de tout contact avec Constantinople ; à Rome, le pape se tourne vers les
Francs. La Sicile au contraire reste dans l’Empire, dont elle constitue une
province particulièrement importante, jusqu’à sa conquête par les Arabes
d’Ifrîqiya opérée entre 827 et 902 ; différente par son histoire et par son sta-
tut de l’Italie, elle doit être traitée à part.

L’EXARCHAT DE RAVENNE

L’histoire de l’exarchat de Ravenne est d’abord celle de profonds chan-


gements institutionnels imposés par la guerre contre les Lombards ; ensuite,
de l’autonomie croissante de régions géographiquement séparées ; enfin, de
la disparition du centre institutionnel et de la survie autonome de quelques
476 Les régions de l’Empire

territoires non conquis par les Lombards, dont on peut se demander en


quoi ils sont encore byzantins [Diehl, 1195 ; Brown, 1188].
Dès la fin du VIe siècle, Constantinople a placé sous l’autorité d’un com-
mandant militaire suprême résidant à Ravenne, l’exarque, les lambeaux de
territoires restés impériaux, qui constituent des sortes d’enclaves, plus ou
moins étendues, dans l’Italie lombarde. La plus vaste est constituée par
l’Exarchat proprement dit et la Pentapole qui le prolonge au sud-est (la
Romagne et les Marches actuelles). Vient ensuite la région romaine (Tuscie
romaine au nord-ouest, Campagne romaine au sud-est) ; entre Ravenne et
Rome, les autorités impériales maintiennent un corridor passant par
Pérouse, qui sépare le royaume lombard du duché de Spolète ; cet
ensemble, d’un seul tenant ou presque, constitue, à partir de la seconde
moitié du VIIIe siècle, l’embryon du futur État pontifical. Les petits duchés
de Vénétie et de Naples sont, au contraire, isolés [Diehl, 1195, p. 42-78] ;
l’Église romaine possède de nombreux patrimoines autour de Naples, dont
elle concède un certain nombre au duc de Naples au début du VIIIe siècle.
Au sud enfin, les extrémités des deux péninsules (Calabria, sud de l’actuelle
Pouille, et Bruttium, actuelle Calabre) sont au milieu du VIIe siècle réunies en
un duché de Calabre (c’est alors que le Bruttium prend son nom actuel),
ensuite rattaché au thème de Sicile, qui conserve aussi des liens épisodiques
avec Naples après la chute de Ravenne.
Peu à peu, ces différentes unités territoriales sont dotées d’un duc ou
magister militum subordonné à l’exarque, mais à des dates très variables : à
Naples, le premier magister militum est nommé dans l’urgence par Grégoire
le Grand à la fin du VIe siècle [Martin, 1220, p. 25-26] ; un duc de Pérouse
est attesté dans la première moitié du VIIIe siècle [Diehl, 1195, p. 71] ; la
date de l’apparition du duc de Rome n’est pas claire [Bavant, 1185, p. 67 ;
Brown, 1188, p. 55]. Mais, à terme, les ducs semblent renforcer
l’autonomie de chaque territoire plutôt que la cohésion autour de Ravenne.
Les fonctionnaires civils provinciaux et l’aristocratie sénatoriale, encore
attestés à la fin du VIe siècle, disparaissent au VIIe [Brown, 1188, p. 21-37].
La société se militarise ; les troupes semblent de plus en plus vivre sur le
pays, leurs chefs s’intègrent au milieu des notables locaux ; à Ravenne,
Rome, Naples, l’organisation militaire encadre l’ensemble de la population
[Brown, 1188, p. 98-99 ; Martin, 1220, p. 32-33]. L’exarque est en général
fidèle à l’empereur (les seules révoltes sont celles d’Éleuthère dans les
années 610 et d’Olympios en 651 ; en revanche quatre exarques sont tués à
leur poste), mais il a du mal à contrôler ses subordonnés locaux : en 642, le
chartulaire Maurice se soulève à Rome ; dès les années 720, les ducs sont
en fait autonomes [Diehl, 1195, p. 339-347 ; Brown, 1188, p. 159-163].
En outre, l’exarque a sous son autorité deux prélats latins particulière-
ment difficiles à contrôler, le pape et l’archevêque de Ravenne. Certes, les
L’Italie byzantine (641-1071) 477

évêques (pape compris) sont de fidèles sujets de l’Empire ; mais le pape, qui
est considéré comme le premier théologien orthodoxe et qui doit en outre
tenir compte du schisme d’Aquilée, provoqué par l’attitude jugée pro-
monophysite de Justinien, est hostile à tout compromis avec le monophy-
sisme, puis avec l’iconoclasme condamné par Grégoire II [Diehl, 1195,
p. 319-337]. Cette attitude est confortée par le milieu monastique grec de
Rome, résolument orthodoxe (de nombreux papes de la fin du VIIe et du
début du VIIIe siècle sont eux-mêmes d’origine grecque) [Sansterre, 1231].
Mais, alors que l’empereur peut faire déporter en 653 le pape Martin Ier
(qui a en outre été compromis dans la révolte d’Olympios), les tentatives
faites contre Serge Ier (pape d’origine grecque qui réussit à résorber le
schisme d’Aquilée et refuse les canons du concile in Trullo) en 693 et Gré-
goire II en 726/727 échouent, la première à cause des troupes de Ravenne,
la seconde du fait des Romains [Brown, 1188, p. 179-180]. Quant à
l’archevêque de Ravenne [Brown, 1188, p. 184-189], il profite de la proxi-
mité de l’exarque : Constant II lui accorde l’autocéphalie (vis-à-vis de
Rome) et son Église reçoit de nombreux privilèges ; mais l’archevêque Félix
(708-724), qui a soutenu l’aristocratie locale contre l’empereur, est déposé
et aveuglé. Forte de ses propriétés foncières, l’Église de Ravenne accapare
en fait le gouvernement local après la conquête de la ville par les Lom-
bards. Il va de soi que cette Église, comme celle de Rome, est latine. Un
des rares emprunts faits à Constantinople dans le domaine ecclésiastique est
la création de diaconies, institutions charitables d’origine monastique qui
prennent à la fin du VIIe siècle une grande importance à Rome, mais aussi
à Naples [Jacob-Martin, HC 4, p. 351, 354].
Au total la crise économique et sociale profonde, ainsi que la guerre
quasi permanente contre les Lombards, éloignent de Constantinople les
débris restés byzantins du territoire italien, en dépit de l’organisation mili-
taire hiérarchisée du territoire et de l’intérêt porté à l’Italie par certains
empereurs : Constant II tente en 663, sans succès, de reconquérir la princi-
pauté de Bénévent avant de s’installer à Syracuse, où il est assassiné en 668.
Mais, au VIIIe siècle, les empereurs s’intéressent à la Sicile plus directement
qu’à l’Italie. L’iconoclasme n’est pas suivi en milieu latin. L’exarque
Eutychios, arrivé en 727, saisit des propriétés ecclésiastiques. Vers 730, ou un
peu plus tôt, l’empereur décide de faire verser directement au fisc les impôts
levés sur les immenses patrimoines siciliens de l’Église romaine [Prigent,
1227], jusqu’alors utilisés à Rome (qui avait bénéficié d’une mesure favo-
rable de Constant II) puis confisque ces patrimoines ; vers la même époque,
ou peu après, l’empereur détache du patriarcat romain, avec l’Illyricum
oriental, la Sicile et la Calabre. On comprend que, au moment de la chute
de Ravenne, le pape se soit tourné vers les Francs, faisant passer dans
l’Occident politique la partie la plus importante de l’Italie byzantine.
478 Les régions de l’Empire

Autre signe du détachement progressif de l’Empire : la monnaie


(cf. chap. XII) [Rovelli, 671]. Au moment de la reconquête, Justinien avait
institué deux ateliers monétaires en Italie : le principal, à Ravenne, frappait
l’or et l’argent pour toute l’Italie, le cuivre pour l’Italie annonaire (Nord) ;
l’atelier de Rome ne frappait que le cuivre pour l’Italie suburbicaire (Sud).
En fait, Ravenne frappe proportionnellement plus d’argent et moins d’or
que Constantinople ; sa production décline, en quantité et en valeur, à par-
tir du milieu du VIIe siècle, la dévaluation devenant dramatique au VIIIe ; en
outre, à partir de la seconde moitié du VIIe siècle, les rois lombards et les
ducs de Bénévent frappent des imitations de monnaies byzantines. Un ate-
lier impérial naît à Naples vers 660 ; il semble fonctionner jusqu’au
IXe siècle, frappant l’or et le cuivre. Vers la même époque, l’atelier romain
frappe de son côté l’or et l’argent, que celui de Ravenne n’est plus en
mesure de distribuer dans le reste de l’Italie byzantine ; comme celle de
Ravenne, la monnaie d’or romaine se dévalue. Surtout, à partir du pontifi-
cat de Serge Ier (687-701) apparaissent des monnaies d’argent (1/8 de
silique) portant le monogramme pontifical : l’État n’a plus le monopole de
la frappe. Enfin, de 690 à 720 ou 740, une autorité locale ou privée émet
de curieuses monnaies de bronze (30 nummi) de forme rectangulaire ; dans
la seconde moitié du VIIIe siècle, le pape aligne la monnaie romaine sur le
denier d’argent carolingien.
Ces changements, progressifs mais radicaux, interviennent dans un cli-
mat de crise profonde. Celle-ci n’atteint Rome et la Calabre qu’au
VIIIe siècle : au VIIe siècle, l’archéologie montre que Rome continue à s’ap-
provisionner en Calabre, comme aussi en Orient [Martin-Noyé, 549]. Les
désertions de cités, nombreuses dans l’Italie méridionale lombarde, le sont
moins dans les régions byzantines. Mais les villes subsistantes, qui ont déjà
perdu au IVe siècle leur caractère monumental, sont devenues de tout petits
établissements fortifiés. Rome a probablement perdu près de 95 % de sa
population entre le IVe et les VIIe-VIIIe siècles ; Naples, cité moyenne dans
l’Antiquité, mais qui a conservé sa superficie, est sans doute l’une des pre-
mières villes occidentales du haut Moyen Âge. Non seulement des villes,
mais aussi des agglomérations rurales de la basse Antiquité disparaissent en
Calabre ; en revanche la région voit naître quelques nouveaux villages
situés sur des hauteurs de l’intérieur ; ils sont reliés à de grandes enceintes
perchées qui assurent la protection de la population et abritent militaires et
fonctionnaires [Martin-Noyé, 549]. Il ne s’agit toutefois pas encore d’une
véritable reprise. De même dans l’Exarchat, près de la frontière lombarde,
naissent de petits castra, établissements fortifiés (Comacchio) [Brown, 1188,
p. 42].
Toutefois les régions byzantines de l’Italie conservent une originalité : à
peu près partout, par exemple, on continue d’y appliquer, notamment dans
L’Italie byzantine (641-1071) 479

le droit privé, un « droit romain » dont l’origine précise n’est pas évidente,
mais qui se distingue nettement du droit lombard ; le vocabulaire de la
terre et de la propriété foncière reste antique (massa, fundus) [Montanari,
1223]. L’ancien duché de Rome, dont les Francs délèguent au pape
l’administration, conserve des particularités ; le palais pontifical est organisé
selon des normes byzantines. Dans la région de Ravenne, qui passe officiel-
lement dans le royaume lombard, puis franc tout en étant en principe sous
administration pontificale, les documents de l’Église de Ravenne montrent
la prééminence de celle-ci ; le régime domanial « classique » s’y impose dif-
ficilement, les contrats agraires imposent des redevances moins lourdes
qu’en pays lombard [Montanari, 1223]. La Vénétie et Naples, enfin, n’ont
pas été conquises (Naples ne le sera que par les Normands en 1139). Dans
ces deux petits territoires, c’est l’aristocratie locale qui prend le relais pour
faire vivre les institutions d’origine exarchale ; le duc local (« doge » en
Vénétie) devient un quasi-souverain [Martin, 1218, p. 624-631]. En
Vénétie, c’est au IXe siècle que l’actuelle Venise devient le centre politique
du duché et que commencent des relations commerciales qui permettent de
maintenir un contact avec Constantinople. À Naples, les ducs, qui conti-
nuent de reconnaître l’autorité théorique de l’empereur, exaltent en milieu
latin la culture religieuse grecque (traductions hagiographiques des IXe et
Xe siècles) et la militia d’origine exarchale protège la ville [Martin, 1220,
p. 34-43]. Amalfi – et aussi Gaète – qui se détachent de Naples au
IXe siècle, deviennent des puissances maritimes qui entretiennent des rela-
tions avec Byzance et le monde arabe.
Ajoutons à cette liste la Sardaigne : l’île, rattachée à l’exarchat de Car-
thage, s’est trouvée isolée à la fin du VIIe siècle ; il semble qu’elle ait conti-
nué d’appartenir à l’Empire jusqu’à la fin du VIIIe ; après la chute de Car-
thage, on y frappe l’or et le cuivre jusque vers 720 (cf. chap. XII)
[Rovelli, 671]. C’est sans doute au IXe siècle que la Sardaigne, isolée du
monde extérieur par la piraterie arabe, s’est partagée en quatre territoires
dont les chefs continuaient de porter le titre de iudex (gouverneur de pro-
vince). L’île semble avoir repris des contacts épisodiques avec Byzance au
Xe siècle, avant de passer sous le contrôle des villes maritimes tyrrhéniennes
[Martin, 1218, p. 631-637].

LA SICILE

L’histoire de la Sicile est bien différente, pour deux raisons principales


[Guillou, 1204 ; Cracco Ruggini, 1194]. En premier lieu, la crise semble
avoir frappé l’île moins durement que le continent. Certes la peste y est
480 Les régions de l’Empire

attestée (tardivement, en 745/746) [Cracco Ruggini, 1194, p. 45] ; mais la


Sicile n’a pas connu l’invasion lombarde, et le réseau de ses cités est parti-
culièrement stable de la basse Antiquité au Moyen Âge. L’habitat rural est
mal connu, et on ne peut affirmer qu’il ait tendu à se fortifier au VIIIe siècle
pour résister aux Arabes [A. Molinari, 1190, p. 323-353]. D’autre part, Jus-
tinien avait donné à l’île un statut particulier : elle n’était rattachée à
aucune préfecture du prétoire, mais était directement soumise à deux offi-
ciers palatins. Il semble que les domaines impériaux, les patrimoines de
l’Église romaine et ceux d’autres Églises italiennes y aient été particulière-
ment nombreux et importants ; ceux de l’Église romaine sont très bien
documentés, autour de 600, par le registre des lettres de Grégoire le Grand,
qui en décrit l’administration, complexe et évolutive. Aussi l’île intéresse-
t.elle vivement les empereurs : on sait que Constant II s’établit à Syracuse,
peut-être pour mener la lutte à la fois contre les Lombards et les Arabes. À
la fin du VIIe siècle, au moment de la chute de Carthage, Justinien II fait de
la Sicile un thème (le premier stratège connu est Théophylacte, devenu
exarque de Ravenne en 701-705) [Cracco Ruggini, 1194, p. 42-43], auquel
on rattache le duché de Calabre [Falkenhausen, 1200, p. 6-8] ; la flotte sici-
lienne est active dans la Tyrrhénienne [E. Kislinger, 1190, p. 663-668]. La
Sicile est beaucoup mieux intégrée à l’Empire que les territoires dispersés
de l’exarchat. Comme partout, les villes se rétrécissent, mais conservent
leurs évêchés ; les deux principales sont Catane et Syracuse, tournées vers
la Méditerranée orientale ; mais, à l’ouest, Palerme et Lilybée (Marsala)
sont des centres importants [Cracco Ruggini, 1194, p. 30].
La Sicile participe normalement à la vie politique de l’Empire. Seules
des circonstances particulières entraînent des révoltes et des tentatives
d’usurpation, qui ne traduisent donc pas une volonté autonomiste : celles de
Serge, qui se réfugie chez les Lombards, en 717/718, d’Elpidios, difficile-
ment matée par l’envoi d’une flotte importante, en 781-782, d’Euphèmios,
qui fait appel aux Arabes d’Ifrîqiya en 827 [Cracco Ruggini, 1195, p. 43-
47 ; Prigent, 1206]. Autre signe à la fois de l’intégration à l’Empire et d’une
certaine autonomie due à sa richesse : la Sicile frappe des monnaies impé-
riales [Morrisson, 664 ; Prigent, 1228], d’abord à Catane (le cuivre à la fin
du VIe siècle, l’or sous le règne d’Héraclius) ; l’atelier est transféré à Syra-
cuse sous le premier règne de Justinien II. Aux VIIIe et IXe siècles (surtout à
partir de 750), l’atelier de Syracuse est le premier de l’Empire après celui
de la capitale ; ses productions circulent du Proche-Orient au monde caro-
lingien. Les pièces d’or siciliennes ont, dès la fin du VIIe siècle, un titre infé-
rieur à celles de Constantinople, et leur poids baisse aussi ; mais leur valeur
se stabilise vers 730, sans doute en liaison avec l’affectation directe à l’État
des impôts prélevés sur les patrimoines de l’Église romaine (1 sou de Cons-
tantinople vaut 1 sou 1/3 de Syracuse), puis baisse de nouveau dans les
L’Italie byzantine (641-1071) 481

années 810-820. Après la chute de Syracuse, on continue à frapper un peu


de cuivre, et même d’or, en Calabre. L’importance du monnayage sicilien,
de la fin du VIIe au IXe siècle, atteste le bon niveau économique de l’île dans
le cadre impérial, et son particularisme occidental.
Les sources éclairant cette riche province sont malheureusement rares.
Un problème, notamment, demeure : celui de l’hellénisation de la Sicile. À
l’époque de Grégoire le Grand, l’île semble latine ; mais on sait par des ins-
criptions qu’un îlot hellénophone, d’origine antique, subsistait dans la
région de Syracuse [Jacob-Martin, HC 4, p. 356-357]. Au VIIe siècle on
commence à rencontrer, en Calabre et en Sicile, des évêques portant des
noms grecs : il peut s’agir de clercs orientaux réfugiés en Italie auxquels le
pape fait confiance en raison de leur stricte orthodoxie. D’autre part les
contacts avec Constantinople favorisent sans doute l’hellénisme. Il semble
enfin que la population grecque résiduelle de la Sicile orientale commence
à prendre une nouvelle importance. L’hellénisation aboutit à la décision
impériale de détacher du patriarcat romain la Sicile et la Calabre, désor-
mais rattachées au patriarcat de Constantinople. Alors que de très nom-
breux évêques siciliens avaient assisté au concile du Latran en 649, les pré-
lats de l’île participent à celui de Nicée en 787. Les évêques de Syracuse et
de Catane deviennent métropolites [Jacob-Martin, HC 4, p. 360]. Le
monachisme grec se développe ; son principal centre est le monastère de
Saint-Philippe d’Agira, dans la région d’Enna [Cracco Ruggini, 1194,
p. 50-52 ; Jacob-Martin, HC 4, p. 365]. La Sicile donne à l’Église grecque
le patriarche Méthode (milieu du IXe siècle), l’hymnographe Joseph. L’île est
assez hellénisée pour recevoir le second iconoclasme, dont l’archevêque de
Syracuse Théodore Krithinos est l’un des derniers partisans (l’iconoclasme
est également attesté à Otrante à la même époque) [Jacob-Martin, HC 4,
p. 360]. Sous la domination arabe, ce qui reste de l’Église sicilienne
est grec ; le nord-est montagneux de l’île constitue un réduit chrétien et
hellénophone.
On suppose que c’est cette population qui, après la conquête arabe, a
peu à peu réhellénisé la Calabre méridionale, puis la Sila (nord-est de la
Calabre) et le sud de la Pouille [Martin, 503]. Les hagiographies monasti-
ques des Xe et XIe siècles présentent de nombreux moines siciliens qui pas-
sent en Calabre et s’établissent souvent dans la zone déserte des confins
calabro-lucaniens (Élie le Jeune, Sabas, Christophe et Macaire, Léon-Luc
de Corleone, Vital de Castronuovo) [Jacob-Martin, HC 4, p. 360, 365 ; Fol-
lieri, 1202].
Mais la plus grande partie de la Sicile échappe, au IXe siècle, à la fois à
la culture grecque et au christianisme. Dès le milieu du VIIe siècle l’île subit
un raid lancé par les Arabes. Après la conquête de Carthage, les raids
reprennent en 703. En 782, le rebelle Elpidios fuit en Afrique. En 826 enfin
482 Les régions de l’Empire

Euphèmios, accusé devant Michel II, part pour l’Afrique et en revient


l’année suivante avec le qâdî Asad ibn al-Furât, qui débarque à Mazara ;
Euphèmios se proclame empereur, mais est tué devant Enna et les Aghlâbi-
des opèrent seuls la conquête. Palerme tombe en 831 et devient la capitale
d’une Sicile musulmane désormais tournée vers le sud-ouest. Syracuse,
capitale du thème, est prise en 878, Taormine en 902, Rametta finalement
en 965 : la conquête n’a pas été facile, surtout dans la partie orientale de
l’île. C’est là que Georges Maniakès remportera quelques succès dans sa
tentative de reconquête, en 1040 [Gay, 1203, p. 450-468].

LE S T H È M E S D E L A N G O B A R D I E / I T A L I E
E T D E C AL A B R E ( F I N D U I X e S . - 1 0 7 1 )

LES DEUX THÈMES

Après l’invasion lombarde du VIe siècle, la fin du IXe siècle marque le


second grand tournant de l’histoire de l’Italie byzantine. L’Empire perd la
Sicile, mais, au prix de plusieurs expéditions navales menées dans les
années 880, il réussit à chasser de Calabre les musulmans, qui y étaient
assez solidement établis (émirat d’Amantea) et qui continueront d’y mener
des raids sévères pendant tout le Xe siècle [Gay, 1203, p. 201 sq., 324 sq.,
366 sq.]. L’administration du thème de Sicile se replie en Calabre (le thème
de Calabre proprement dit n’apparaît pas avant le milieu du Xe siècle), où
on organise l’Église grecque autour des deux métropoles de Reggio et de
Santa Severina [HC 4, p. 361 ; Martin, 1217 ; Prigent, 1226]. D’autre part,
en 871, alliées à celles de l’empereur carolingien Louis II, les forces byzan-
tines avaient mis fin à l’existence de l’émirat qui s’était créé un quart de
siècle plus tôt à Bari, dans la Pouille jusqu’alors lombarde ; elles avaient
même en 891 conquis Bénévent, mais en furent chassées dès 895. Ainsi,
en 891/892 est né un thème de Langobardie, qui avait pour vocation pre-
mière d’intégrer à l’Empire les principautés lombardes de Bénévent et de
Salerne (héritières du duché de Bénévent), mais qui dut se contenter des
actuelles régions de Pouille et Basilicate, avec Bari pour capitale [Falken-
hausen, 1199, p. 23-27 et 31-40] ; à la fin du IXe et au début du Xe siècle,
en outre, les princes lombards reçoivent des titres impériaux (patrice, anthy-
patos) et admettent même une certaine soumission à l’empereur ; dans les
années 920 le prince de Bénévent cherche à devenir stratège de Lango-
bardie [Falkenhausen, 1199, p. 33-36 ; Martin, 1218, p. 621-623] ; mais ces
L’Italie byzantine (641-1071) 483

relations de subordination cessent rapidement et, après la restauration


impériale d’Otton Ier, les princes se tournent vers l’Occident.
Le thème de Langobardie ne recouvre donc qu’une partie du Midi lom-
bard ; sa population, de langue latine et de rite occidental, se considère
comme lombarde puisqu’elle a adopté le droit des anciens conquérants
[Martin, 1216, p. 169-170]. La région a connu une crise plus profonde et
plus précoce que celle qui a frappé la Calabre : la plaine du nord de la
Pouille (Capitanate) a perdu une bonne partie de ses cités antiques et est
retournée à l’état sauvage : elle ne sera remise en valeur qu’après la fin de
la domination byzantine ; le nombre d’évêchés de la région a baissé de moi-
tié au VIIe siècle [Martin, 1216, p. 148-154]. Les rares grands propriétaires
(prince, monastères) sont extérieurs à la région. La seule zone assez densé-
ment peuplée est constituée par les bas plateaux qui entourent Bari.
Comme, en Calabre, l’unique région bien occupée est celle de Reggio, au
sud, on comprend que les parties vivantes des deux thèmes aient peu de
rapports l’une avec l’autre et disposent d’administrations différentes (Reggio
est située, à vol d’oiseau, à 350 km de Bari). L’administration impériale
impose aux deux régions un régime semblable, mais elle ne supprime pas
les différences fondamentales qui les séparent.
S’ils sont épisodiquement soumis à un même stratège, les deux thèmes
de Langobardie et de Calabre sont distincts, à la fois dans la réalité et dans
la vision qu’en a Constantinople [Martin, 1206, p. 517-558]. Dans le De
administrando imperio (27), Constantin VII expose qu’il y a en Italie deux
patrices (stratèges) ; l’un a autorité sur la Sicile, la Calabre, Naples et
Amalfi ; le pouvoir de l’autre, qui réside à Bénévent, s’étend sur Capoue et
Pavie. Dans cette vision (dont les aspects irréalistes sautent aux yeux), les
deux stratèges gouvernent l’un les territoires longtemps restés impériaux,
l’autre les régions lombardes ; en réalité les premiers se réduisent à la
Calabre, les secondes à la Pouille et à la Basilicate ; mais le stratège de Lan-
gobardie a vocation à gouverner tout le royaume lombard. La situation ne
change pas avec la transformation, sous le règne de Nicéphore II Phocas,
du thème de Langobardie en catépanat d’Italie [Falkenhausen, 1199, p. 46-
51] ; certes, la réforme a des conséquences dont on parlera ; mais
l’ « Italie » du catépan se borne à prendre le nouveau nom donné par les
Carolingiens et les Ottoniens à l’ancien royaume lombard.
Les deux thèmes n’ont ni le même environnement (les raids arabes tou-
chent la Calabre beaucoup plus que la Pouille), ni la même population
(grecque en Calabre, lombarde en Pouille), ni la même structure sociale. Le
petit thème de Lucanie, attesté par un seul document de 1042 [Falkenhau-
sen, 1199, p. 65-72] et qui a disparu avant 1051, avait aussi un stratège,
dont rien n’indique qu’il fût soumis au catépan.
484 Les régions de l’Empire

L’HABITAT : DÉBUT DE RECONSTITUTION D’UN RÉSEAU

Des deux côtés, toutefois, des problèmes communs se posaient. Les


deux régions étaient sorties considérablement affaiblies de la crise du haut
Moyen Âge, puis de la période d’occupation arabe : population rare, sauf
autour des deux capitales, réseau urbain désorganisé, administration à
reconstituer. Pour administrer un territoire, il faut qu’il soit à la fois peuplé
et encadré. Or la période de domination byzantine coïncide avec la pre-
mière phase de reprise démographique et économique. Elle est contempo-
raine aussi de transformations structurelles dans les régions voisines restées
sous domination occidentale : constitution de seigneuries à la fois foncières
et banales, qui canalisent le début de croissance démographique en favori-
sant l’ « incastellamento » qui regroupe les paysans dans des villages fixes et
protégés. Ces nouveautés ont des conséquences indirectes pour l’Italie
byzantine ; mais l’évolution institutionnelle de l’Empire est différente et ses
réalisations dans le domaine de l’habitat le sont aussi.
À l’époque où les seigneurs occidentaux créent des villages fortifiés,
l’Empire ne fortifie, en principe, que les villes, appelées kastron ou astu ; les vil-
lages (chôrion), qui n’abritent pas d’agents de l’État, n’ont pas besoin d’une
protection propre si ce n’est, en cas de réel besoin, sous la forme d’une simple
tour (pyrgos). Toutefois, dans les régions les plus menacées et les moins peu-
plées (comme l’actuelle Basilicate), l’État bâtit de toutes petites aggloméra-
tions murées (kastellion), qui ont sans doute vocation à devenir de vraies villes
et servent déjà de petits centres administratifs [Martin-Noyé, 1222, p. 565-
575 ; Martin, 1216, p. 258-272]. En revanche, on ne sait presque rien des
modalités de fondation des nouveaux villages ; certains peuvent être dus à des
initiatives privées et appartenir à des particuliers : en 1045, le catépan Eus-
tathe Palatinos concède, pour le remercier, à un juge de Bari un petit village
pratiquement en pleine propriété ; il en possédait déjà un autre [Lefort-
Martin, 1209]. En Calabre, des chôria sont attestés dès la seconde moitié du
IXe siècle ; certains donnent naissance à des kastra (Rossano, Santa Severina) ;
ils se multiplient ensuite, surtout au IXe siècle [J.-M. Martin, G. Noyé, 549].
En Pouille le mouvement commence vraiment au Xe siècle ; la concentration
de la population rurale n’est pas achevée au XIe ; toutefois, dans la zone cen-
trale de la région, cette concentration atteint un degré particulier, les habitats
se rassemblant dans les zones où des placages retiennent de petites nappes
phréatiques sur le plateau calcaire ; certains de ces gros villages deviennent
des villes à l’époque normande. Mais l’habitat rural, qui adopte autant que
possible (surtout en Calabre) des positions naturellement défendues, laisse
L’Italie byzantine (641-1071) 485

encore de côté (jusqu’à l’époque normande) les plaines marécageuses (basse


vallée du Crati, littoral bas du golfe de Tarente, Capitanate).
Même si on aperçoit de rares fortifications rurales (tour dans certains
villages, une enceinte refuge dans le nord de la Calabre), le droit de bâtir
des fortifications est en principe réservé à l’État, qui construit les murailles
urbaines ; la kastroktisia, corvée publique d’entretien des murailles, est
attestée deux fois en Pouille, en 999 (soit très peu après sa première appari-
tion dans l’Empire) et en 1054 [Martin, 1216, p. 713-714]. On a conservé
l’acte de la fondation de la cité de Troia, en Capitanate, en 1019 : les auto-
rités ont édifié la muraille, appelé des habitants et délimitent le périmètre
(synora) du territoire de la cité, qui reçoit des avantages fiscaux [Martin,
1215] ; de même, en 1001/1002, le catépan Grégoire Tarchaneiotès avait
défini les confins de la cité, récente, de Tricarico en Basilicate [Guillou-
Holtzmann, 1205]. Or, en Italie, la construction de cités est d’autant plus
nécessaire que beaucoup ont disparu pendant le haut Moyen Âge et que,
au moment où l’habitat des régions « occidentales » se renforce, le seul
moyen d’occuper le territoire est d’y créer de nouveaux centres administra-
tifs, religieux et militaires. On connaît, certes, quelques fondations lom-
bardes des VIIIe-IXe siècles, mais elles sont rares et peu importantes.
Les autorités impériales ont mené, dans les deux thèmes, trois campa-
gnes systématiques de fondation de cités [Martin-Noyé, 1222, p. 33-37 ;
Martin, 1206, p. 517-558]. La première est entreprise à la fin du IXe siècle,
au lendemain de la reconquête. Elle crée sur la côte de Pouille de nouveaux
ports qui facilitent les relations avec l’Orient (Monopoli, Polignano, Giovi-
nazzo, Molfetta), dans la Sila qui se peuple de Grecs de nouvelles cités épis-
copales (Umbriatico, Cerenzia, Isola Capo Rizzuto, ainsi que Nicastro plus
à l’ouest) ; dans le sud de la Pouille, Gallipoli et Tarente sont restaurées.
La seconde campagne est menée au moment où le thème de Lango-
bardie devient catépanat d’Italie et contribue à donner un sens à cette
réforme : elle vise en effet à fournir une armature administrative à des
zones encore très peu peuplées, notamment dans l’actuelle Basilicate.
En 968, l’archevêché d’Otrante (dans le sud-est de la Pouille) devient
métropole ecclésiastique ; on lui soumet de nouveaux sièges créés (ou à
créer) dans des zones où progresse la population grecque ; apparaissent
ainsi les villes de Gravina, Tricarico, Tursi ; dans des régions voisines res-
tées latines sont attestées au même moment Montemilone, Minervino,
Rapolla ; plus à l’ouest sont fondés de petits kastellia (San Chirico Raparo,
Noepoli). Tarente, pratiquement abandonnée pendant plusieurs décennies à
la suite d’un raid arabe, reçoit une nouvelle enceinte [Jacob, 1208] ; les
bordures de la plaine de Capitanate accueillent alors sans doute Ripalta et
Vaccarizza. On mesure l’importance de l’effort accompli, notamment dans
la zone semi déserte qui sépare les régions vivantes de l’un et l’autre thème.
486 Les régions de l’Empire

La troisième campagne, conduite dans les années 1010-1020 par le


catépan Basile Boiôannès en Pouille, a un but différent : il s’agit d’établir
une frontière bien défendue entre le catépanat et les principautés lombardes
(qu’on ne cherche plus à soumettre) tout en préparant les conditions de la
réoccupation de la plaine du Tavoliere. Ainsi est établie la double ligne des
cités de Capitanate, sur les collines subapennines, qui ajoute à quelques éta-
blissements antérieurs les villes neuves de Troia, Civitate, Dragonara, Mon-
tecorvino, Fiorentino, Tertiveri, Biccari, Cisterna, Melfi. Si ces établisse-
ments ont bien, à terme, aidé à la colonisation de la plaine, ils n’ont pas
rempli le rôle défensif qui leur avait été assigné : c’est en effet à Melfi
qu’en 1041 les autorités ont stationné les mercenaires normands ayant par-
ticipé à l’expédition sicilienne de Maniakès, qui ont rapidement pris le con-
trôle de toute la zone. Les villes neuves de Calabre visaient sans doute à
protéger le littoral contre les Arabes de Sicile : sont alors fondées Catanzaro
à l’est, Oppido au sud-ouest, peut-être Stilo au sud-est ; près de Tarente,
Mottola est fortifiée.
L’œuvre considérable accomplie par les autorités impériales a durable-
ment marqué la géographie humaine des régions considérées de deux
façons. En premier lieu, le réseau urbain y est en grande partie constitué de
fondations byzantines, villes en général placées sur des sites protégés (épe-
rons d’interfluve en Capitanate, sommets escarpés en Calabre), de petite
taille, mais nettement plus grandes que les castra occidentaux contempo-
rains. On a repéré dans les villes de Capitanate un plan orthogonal de pro-
bable origine antique : les villes, au plan souvent allongé et étroit comme
l’éperon qui les porte, sont parcourues sur toute leur longueur par une
grande rue, sur laquelle s’ouvrent des ruelles perpendiculaires ; l’urbanisme
semble particulièrement serré [Martin-Noyé, 1222, p. 44-50]. En second
lieu, le développement d’un habitat urbain contrôlé par le pouvoir souve-
rain distingue les régions byzantines de leurs voisines occidentales de l’Italie
péninsulaire, où dominent les petits castra ruraux de fondation seigneuriale.

L’ADMINISTRATION

Les deux thèmes italiens comptent parmi les rares régions de l’Empire
dont on peut entrevoir le système administratif – et son évolution – à tra-
vers des actes de la pratique ; leurs enseignements s’éloignent passablement
de ceux des taktika qui présentent une vision normalisée, idéalisée des
moyens d’action et des buts de l’État [Falkenhausen, 1199 ; Martin, 1217,
p. 695-715 ; Martin, 1206, p. 517-558]. Aussi est-il difficile d’évaluer
L’Italie byzantine (641-1071) 487

l’originalité des thèmes italiens par rapport au reste de l’Empire ; mais on


peut décrire des mécanismes réels avec une précision rarement atteinte ail-
leurs. Du moins pour la Langobardie, terre récemment conquise et dont
certains particularismes apparaissent clairement : la Calabre n’a conservé
une documentation d’archives que pour l’extrême fin de la période de
domination byzantine.
Dans les deux thèmes, un seul type de circonscription est attesté : le dis-
trict (diakratèsis) de la cité, parfois appelé en Calabre éparchie : la division
du thème en tourmai est un fait du IXe siècle, non des Xe-XIe. Seul, au terri-
toire d’Oppido, un droungos est documenté au milieu du XIe siècle : il peut
s’agir d’une survivance d’institutions anciennes ; il en est de même pour une
unique topothèsia (topotèrèsia ?). Ajoutons que quelques rares actes officiels
sont établis dans de simples villages ; mais il s’agit d’exceptions : l’admi-
nistration est exercée en ville.
En Langobardie, les autorités laissent à la population l’usage de son
droit personnel lombard et restaurent une administration de type lombard :
de la fin du IXe au début du XIe siècle, les agents locaux de l’État portent le
titre de gastald : en 998, à Lucera, les quatre gastalds de la cité ont été
nommés par Théodore, excubite de Langobardie, qui assurait l’intérim de
l’administration provinciale entre deux catépans [Falkenhausen, 1198]. Au
tournant des Xe et XIe siècles, les gastalds sont progressivement remplacés
par des tourmarques ; ce sont encore des notables locaux, qui semblent
avoir les mêmes fonctions générales que les gastalds ; au XIe siècle, ils
paraissent être de plus en plus cantonnés dans des fonctions judiciaires ;
apparaît alors, dans certaines cités, un ek prosôpou qui assure une partie de
l’administration locale [Martin, 1216, p. 705-706]. Les tourmarques et
ek prosôpou attestés en Calabre au XIe siècle ne semblent pas avoir des fonc-
tions différentes de celles de leurs homologues apuliens ; mais, plus souvent
qu’en Pouille, il arrive que les villes jouissent d’une grande autonomie de
fait : elles traitent directement avec les Arabes au Xe siècle, avec les Nor-
mands au XIe ; des factions s’y disputent le pouvoir [Martin-Noyé, 1222,
p. 57-58].
À l’échelon central du thème, le stratège (puis le catépan) est entouré de
chefs de services (komès tès kortès, domestique du thème). Il réside dans un
praitôrion ; celui de Bari, reconstruit au début du XIe siècle, est décrit dans
une inscription : il comprenait une enceinte avec une porte et une cour
dans laquelle se trouvaient plusieurs églises ; il occupait l’emplacement de
l’actuelle basilique S. Nicola [Martin-Noyé, 1222, p. 49-50].
De l’armée thématique, nous ne savons pratiquement rien : la strateia,
mentionnée par plusieurs documents entre 980 et 1034, était déjà devenue
une charge fiscale pesant sur certains biens [Martin, 1216, p. 702-703] ;
d’autres charges ayant trait à l’armée sont attestées au XIe siècle : mètaton
488 Les régions de l’Empire

(droit de gîte), droungaraton. On sait encore qu’on recrutait en Pouille des


auxiliaires légers (conterati), qui se révoltent en 1040 et qu’à la même époque
on y envoyait des mercenaires étrangers (dont des Normands) et des
troupes des thèmes orientaux [Falkenhausen, 1199, p. 129-135 ; Martin,
1216, p. 712-713].
Mais, à partir de la fin du Xe siècle (et selon un schéma connu) ce sont
aussi les tagmata qui font irruption en Italie : en 992 un topotérète des
scholes se trouve à Polignano ; des officiers des scholes, des hikanatoi, des
excubites y séjournent, un officier supérieur des excubites y réside en per-
manence ; à Bari en 1032 on rencontre un prôtomandatôr tôn basilikôn arma-
mentôn [Falkenhausen, 1199, p. 133-135 ; Martin, 1216, p. 702 ; Martin,
1206]. Dans les zones les plus menacées sont présents des commandants
locaux (cleisourarques, komètes, tel le komès du kastron de Tarente) [Martin,
1216, p. 700]. L’Empire entretient aussi des flotilles : on connaît un impôt
destiné aux kontourai (bateaux légers) ; en 965-966, les habitants de Rossano
se soulèvent contre un prélèvement destiné à la construction de chélandia
[Falkenhausen, 1199, p. 135-139 ; Martin, 1206].
On voit que les thèmes italiens bénéficient d’une administration qui,
en dépit d’inévitables particularismes locaux, correspond en gros à ce
qu’on connaît dans le reste de l’Empire. Mais l’évolution de cette adminis-
tration à la fin du Xe et au début du XIe siècle n’est pas aussi linéaire
qu’on peut le penser. Le catépan d’Italie prend la place du stratège de
Langobardie : il n’a pas (sauf exceptions) autorité sur la Calabre. L’arrivée
massive des tagmata, qui suit de peu la création du catépanat, ne modifie
guère les pouvoirs du catépan d’Italie et du stratège de Calabre ; les men-
tions de strateia sont contemporaines de l’arrivée des tagmata. Le juge (kritès)
du thème, qui apparaît vers la même époque, ne semble pas jouir de pou-
voirs d’administration générale [Falkenhausen, 1199, p. 124-125 ; Martin,
1216, p. 703-704]. Il faut encore souligner la souplesse dont fait preuve
l’administration impériale : en Langobardie, elle a commencé par intégrer
des gastalds lombards, bien avant de leur donner le titre, moins barbare,
de tourmarques.
La même souplesse prévaut dans le domaine fiscal [Falkenhausen, 1199,
p. 142-143 ; Martin, 1216, p. 711-714]. Comme tout l’Occident, la princi-
pauté lombarde de Bénévent, dont la Pouille avait fait partie, a abandonné
la levée d’impôts directs. Dans les privilèges accordés aux abbayes du
Mont-Cassin et de S. Vincenzo al Volturno en 892, au lendemain de la
conquête, pour leurs possessions situées en territoire impérial, les autorités
byzantines n’évoquent que des taxes indirectes lombardes. Il faut
attendre 999 pour voir apparaître, dans un sigillion d’exemption, des élé-
ments du système fiscal byzantin ; mais celui-ci ne s’impose que dans les
zones bien peuplées du thème de Langobardie, de Trani à Tarente ; en
L’Italie byzantine (641-1071) 489

Capitanate, encore au XIe siècle, on ne connaît que les taxes indirectes lom-
bardes et la corvée (angaria). Une semblable disparité peut être notée dans
un autre domaine : dans le centre de la Pouille (à Bari notamment) un
grand nombre de notables locaux ont reçu des dignités impériales ; on se
demande si elles n’ont pas été systématiquement (et gratuitement) distri-
buées peu après la conquête ; en Capitanate au contraire les titulaires de
dignités sont rarissimes [Martin, 1216, p. 699-700]. C’est encore dans le
centre du catépanat qu’on connaît, au XIe siècle, quelques commerciaires.
Enfin, les autorités laissent aux Lombards de Pouille leur droit personnel et
l’ensemble de leur organisation juridique [Martin, 1216, p. 709-711].

DEUX SOCIÉTÉS DIFFÉRENTES

L’histoire du thème de Calabre est plus obscure que celle de la Lango-


bardie, même si l’archéologie a récemment apporté des éléments nouveaux
[G. Noyé, 1232, p. 579-655]. Elle dispose toutefois d’une documentation
écrite du XIe siècle (byzantin et normand) qui permet de comparer, à la fin
de l’époque de domination impériale, les deux provinces italiennes et de
mesurer les différences persistantes qui les séparent.
La première est d’ordre ethnique, au sens que donnent à cette notion
les Occidentaux du haut Moyen Âge : un peuple se définit par sa loi, sa
langue, sa pratique religieuse. La Langobardie est peuplée d’hommes vivant
selon le droit lombard, parlant latin (ou un dialecte roman), pratiquant le
christianisme selon le rite romain. La Calabre méridionale et orientale
(comme aussi une partie de la Basilicate et l’extrême sud de la Pouille) est à
présent hellénisée : les documents y sont établis en grec, selon les normes en
vigueur en Orient, par des taboullarioi [Falkenhausen-Amellotti, 1201]. Sa
population suit le droit byzantin classique : on le sait par la documentation
d’époque normande, qui montre que le droit familial y obéit aux normes
édictées par les Macédoniens [Martin, 1216, p. 536-538]. Enfin, elle pra-
tique le christianisme selon le rite byzantin. Il faut donc se garder de
confondre Italie grecque et Italie byzantine : la Pouille lombarde est aussi
byzantine que la Calabre, dont l’hellénisation est sans doute due à
l’occupation arabe de la Sicile plus qu’à une volonté officielle, qui ne se
manifeste pas en Pouille ; l’Empire se contente de donner à la population
grecque son droit et son rite. C’est sans doute par son dynamisme propre,
dû à l’émigration sicilienne, que la communauté italo-grecque étend son
territoire, d’autant plus facilement que la Calabre confine à des zones sous-
peuplées.
490 Les régions de l’Empire

Ainsi des populations hellénophones s’installent dans les régions vides de


Basilicate, autour de l’évêché de Tursi [Peters-Custot, 1225] ; mais d’autres
s’en vont sur le territoire de la principauté lombarde de Salerne. En outre,
sous l’influence des moines grecs réfugiés en Calabre, se développe en
Calabre et dans le sud de la Basilicate un monachisme qui retrouve, dans
ces régions quasi désertes en proie aux raids musulmans, des traits de
l’anachorétisme primitif avec, par exemple, saint Élie le Spéléote, ou saint
Nil de Rossano, le plus célèbre des moines grecs de Calabre. Ces ermites
attirent des disciples, fondent des monastères, puis repartent dans la soli-
tude [Martin, 1219]. Ainsi se créent les « éparchies » monastiques du Mer-
kourion (vallée du Lao, dans le nord-ouest de la Calabre) et du Latinianon
(vallées du Sinni et de l’Agri, dans le sud de la Basilicate, avec le monastère
de Carbone) [Borsari, 1187 ; Burgarella, 1189]. Certains quittent même les
zones hellénisées pour aller plus au nord : Nil de Rossano s’installe près du
mont Cassin, puis dans la région de Gaète et ses disciples fondent l’abbaye
de Grottaferrata, au sud-est de Rome (Lucà,1211). L’hellénisme calabrais
nous a laissé des hagiographies, des livres liturgiques (euchologe Barberini)
[Jacob-Martin, HC 4, p. 365-368 ; Follieri, 1202]. La production de manus-
crits grecs se poursuit en Calabre à l’époque normande [Lucà, 1210] ; elle
est ensuite relayée par celle du Salento (sud de la Pouille). Les monuments
typiquement byzantins sont rares (Cattolica de Stilo, S. Pietro d’Otrante)
[Safran, 1230].
Les populations latino-lombarde et grecque n’ont entre elles que peu de
rapports : elles vivent dans des régions différentes et les points de contact, et
donc de possible friction, sont rares : à Tarente, une importante minorité
grecque coexiste avec la majorité lombarde ; l’évêché est resté latin, en
dépit d’une tentative avortée d’hellénisation en 887/888. L’Église grecque a
sans doute tenté quelques empiétements dans le nord de la Calabre.
Si l’Église grecque est soumise à la fois à l’empereur et au patriarche de
Constantinople, l’Église latine de Langobardie est également contrôlée par
les autorités impériales, d’autant plus facilement que la réforme de l’Église
romaine ne fait que commencer à la fin de la période de domination
byzantine : elles déposent parfois des évêques, donnent à certains le titre
d’archevêque (contribuant ainsi à compliquer une organisation ecclésias-
tique qui commence à reprendre vigueur) [Martin, 1216, p. 567-572]. La
politique religieuse de l’Empire n’a toutefois rien d’antiromain : les évêchés
des villes nouvelles de Capitanate sont soumis à la métropole latine de
Bénévent, située hors du territoire impérial [Holtzmann, 1207]. Ce n’est
qu’après le milieu du XIe siècle qu’apparaissent les premières manifestations
de la réforme romaine : quelques évêques latins sont déposés pour simonie
(Jean de Trani) [Martin, 1216, p. 594] ; mais c’est en empiétant sur les pré-
tentions des empereurs germaniques que le pape finit, à la fin des
L’Italie byzantine (641-1071) 491

années 1050, par soutenir les Normands en Italie méridionale. Ajoutons


que le schisme de 1054 n’a pas eu la moindre conséquence pratique, ici
comme ailleurs [Lucà, 1211].
En dépit du début de mise en valeur et d’organisation administrative et
ecclésiastique du territoire, les deux provinces byzantines d’Italie restent
profondément différentes l’une de l’autre, non seulement par leur popula-
tion, mais aussi par leur environnement et par leur structure sociale.
La Pouille lombarde est proche des Balkans, la Calabre, plus éloignée
du centre de l’Empire, est voisine de la Sicile musulmane dont elle subit les
raids pendant tout le Xe siècle. Mais elle n’a pas avec l’île que des rapports
belliqueux : elle fait partie de l’aire monétaire de l’Ifrîqiya et de la Sicile.
En Pouille circule normalement la monnaie frappée à Constantinople (la
seule de l’Empire à cette époque) : sou d’or (dont les chartes permettent de
suivre la dévaluation au XIe siècle), follis de cuivre et, en petites quantités,
miliarèsion d’argent. En Calabre, on trouve des folleis constantinopolitains,
mais la seule monnaie d’or attestée par les actes de la pratique est le tarin,
nom donné en Italie au rubâ‘î, quart de dînâr frappé en Ifrîqiya et en Sicile,
qui circule également à Amalfi et à Naples et pénètre même en Capitanate
dans les années 1030. L’afflux de tarins cesse brutalement au milieu du
XIe siècle, peut-être du fait de l’invasion hilâlienne en Ifrîqiya, et les ateliers
de Salerne et d’Amalfi se mettent à frapper des imitations, vite dévaluées,
de la pièce [Martin, 1213, p. 190-202]. On voit que la Calabre, peuplée de
Grecs, est économiquement moins bien intégrée à l’Empire que la Pouille
latine, qui entretient des relations commerciales régulières avec l’autre rive
de l’Adriatique.
En revanche la Calabre, qui n’a pratiquement jamais quitté le cadre
impérial depuis le VIe siècle, abrite une société beaucoup plus conforme au
modèle général de l’Empire que la Pouille arrachée à la principauté de
Bénévent.
Dans le thème de Langobardie, de nombreux évêchés ont disparu au
VIIe siècle [Martin, 1216, p. 293-301]. Ceux qui subsistent ont d’autant
moins de ressources que, dans les principautés lombardes, domine le régime
de l’église privée (dépendant notamment du prince). En outre, la Pouille
lombarde des VIIIe et IXe siècles ne semble pas avoir abrité une importante
aristocratie ; les grands propriétaires connus sont le prince de Bénévent et
les grandes abbayes de l’ouest de la principauté : le Mont-Cassin, S. Vin-
cenzo al Volturno, S. Sofia de Bénévent. Au moment de la conquête, les
autorités impériales confirment à ces abbayes leurs possessions apuliennes ;
mais celles-ci ne peuvent en profiter : S. Vincenzo est détruite par les Ara-
bes en 881, le Mont-Cassin (duquel dépendait S. Sofia) l’est en 883. Aussi
doivent-elles abandonner temporairement nombre de leurs possessions péri-
phériques. Les abbayes sont restaurées au Xe siècle (le Mont-Cassin seule-
492 Les régions de l’Empire

ment vers 950) ; mais leur environnement n’est plus le même : le pouvoir
politique se désagrège dans les principautés, et elles se dotent de seigneuries
compactes, sur lesquelles elles exercent des droits publics. Aussi leur restau-
ration est-elle accompagnée de nouveaux abandons – en fait définitifs – en
Pouille. Cette évolution fait que la Langobardie byzantine ignore pratique-
ment la grande propriété. Les exemples de grandes fortunes y sont très
rares, et dus à des concessions faites par l’État : en 999, un certain Chris-
tophe Bochomachè reçoit en charistikè l’important monastère grec de S. Pie-
tro Imperiale de Tarente [Martin, 1216, p. 662] ; au milieu du XIe siècle, le
juge de Bari Byzantios possède deux petits villages, dont l’un lui est donné
par le catépan. En 1010, d’après un sigillion grec tardivement traduit en
latin, la cathédrale d’Oria (siège qui remplace alors celui de Brindisi) a des
vaxalli, c’est-à-dire des parèques. La Pouille réalise ainsi, par hasard, l’idéal
anachronique exprimé dans leur législation par les empereurs macédoniens.
D’ailleurs, à l’époque normande, la seigneurie occidentale aura du mal à s’y
implanter et devra adopter une forme originale.
Sur la Calabre, les données sont rares, mais explicites. Les principales
viennent du brébion de la métropole de Reggio, compilé au milieu du
XIe siècle. Cette Église, qui n’a jamais cessé d’exister et qui en outre, selon
le droit canon byzantin, contrôle de nombreux monastères, dispose d’une
fortune foncière énorme : 281 domaines (proasteia), 7 communes exemptes,
de nombreux autres biens (sur lesquels on cultive notamment le mûrier
pour alimenter les vers à soie). À la même époque la cathédrale, toute
récente, d’Oppido possède déjà des terres dans plusieurs communes rurales,
de même que quelques propriétaires laïcs. Le tableau présenté par les docu-
ments calabrais du milieu du XIe siècle correspond bien à la situation
dénoncée par les novelles impériales de l’époque [Lemerle, 553]. Sous la
domination normande, la seigneurie de type occidental n’a aucun mal à
prendre la place de la grande propriété byzantine : les seigneurs disposent
de vastes réserves qu’ils font cultiver par des paysans dépendants, appelés
en grec anthrôpoi, bellanoi (vilains), parfois même paroikoi, énumérés dans des
listes officielles [Martin, 1232, p. 487-522 : p. 507-509]. Il nous semble évi-
dent que ces hommes sont les successeurs de parèques, qui tenaient une
place semblable auprès des grands propriétaires byzantins.
On voit que les deux stratèges présentés dans le De administrando imperio
administraient deux régions non seulement distinctes, mais fort différentes
et dont les liens à l’Empire n’étaient pas exactement les mêmes : la Calabre
grecque était proche de Constantinople par le droit, le rite et l’évolution
sociale ; mais elle utilisait des monnaies arabes, et son éloignement du
centre de l’Empire la rendait plus autonome. La Pouille lombarde, dont les
particularismes juridique et religieux étaient pleinement reconnus, était, en
dépit – mais aussi à cause – de sa structure sociale moins différenciée,
L’Italie byzantine (641-1071) 493

mieux tenue en main par le pouvoir central et mieux intégrée économique-


ment au reste de l’Empire.
Les autorités n’ont jamais favorisé une population grecque, qui s’était
implantée d’elle-même, au détriment de la population latine qui, en dépit
de révoltes sporadiques (comme celle de Mel de Bari en 1009) [Gay, 1203,
p. 399-413] acceptait généralement bien d’appartenir à l’Empire : les évê-
ques latins de Troia et d’Acerenza se font tuer dans l’armée impériale en
lutte contre les Normands en 1041 [Martin, 1217, p. 625]. Argyros, fils de
Mel, lui-même un temps rebelle, a finalement été chargé dans les
années 1050, avec le titre de « duc d’Italie, de Calabre, de Sicile et de
Paphlagonie » (région dans laquelle il avait peut-être été primitivement
nommé) de sauver ce qui pouvait l’être alors que la conquête normande
progressait [Falkenhausen, 1199, p. 59-62 ; Martin, 1216, p. 704] ; il est
l’un des très rares Lombards de Pouille à avoir servi à un haut niveau dans
l’administration impériale. Finalement, c’est dans la Calabre grecque que la
féodalité normande s’est le plus facilement implantée. Mais c’est aussi cette
région qui a fourni au comte, puis au roi de Sicile quelques traits institu-
tionnels empruntés à Byzance. Toutefois, l’essentiel de l’héritage impérial
est commun aux deux régions et les distingue du reste de l’Italie : il s’agit
du mode d’occupation du sol et de la forme de l’habitat ; l’implantation de
nouveaux habitats continue à l’époque normande – notamment dans les
zones de plaines – sous des formes évidemment différentes, mais l’essentiel
du réseau est byzantin.

CONCLUSION

La présence byzantine a touché diverses régions de l’Italie à divers


moments, du VIe au XIe siècle. Les traces qu’elle a laissées sont donc varia-
bles. Venise, Naples, Amalfi se réclament longtemps de l’Empire ; mais les
institutions que celui-ci leur a léguées (comme à Rome et à Ravenne) sont
celles du début du VIIIe siècle. La Pouille et la Calabre ont subi une
empreinte bien différente, puisqu’elles ont appartenu à l’Empire à l’époque
où la reprise démographique permettait la création d’un nouveau réseau
d’habitats : l’influence impériale est durable dans la géographie humaine de
ces régions. Quant à la Sicile, les deux siècles qu’elle a passés au sein du dâr
al-Islâm lui ont donné une physionomie originale.
L’un des legs les plus importants de l’époque exarchale est le maintien
d’un droit romain, qui distingue les régions byzantines de l’Italie lombarde.
494 Les régions de l’Empire

Au bas Moyen Âge encore, dans le Midi, Naples et Amalfi lui restent fidè-
les, alors que les zones hellénophones de la Calabre et du Salento ont
adopté le droit byzantin du Xe siècle, qui les distingue aussi des pays de tra-
dition lombarde. Or, en droit romain comme en droit byzantin, le statut de
la femme est beaucoup moins dévalorisé qu’en droit lombard, la solidarité
familiale est mieux affirmée. La Langobardie/Italie, au contraire, a
conservé un usage particulièrement rigide du droit lombard. Les territoires
ayant dépendu de l’exarchat se distinguent encore par une pratique ono-
mastique originale : les noms chrétiens y dominent largement ; la même
réflexion vaut pour la Calabre grecque et, même dans la Langobardie, les
noms chrétiens concurrencent les noms lombards et romans. Autre chose
est la culture grecque : si les populations hellénophones ont bénéficié de la
domination impériale dans les domaines ecclésiastique et juridique, leur
présence et leur expansion ne sont pas dues à l’administration impériale ;
leur influence culturelle est d’ailleurs très faible sur les populations latines.
Enfin, globalement, l’Italie est la seule région de l’Occident qui n’ait pas
été entièrement soumise à l’autorité d’un royaume « barbare » ; les institu-
tions impériales ont eu une influence indirecte, mais certaine, sur celles du
royaume lombard comme, plus tard, sur celles du royaume normand de
Sicile.
Conclusion générale

La chute de Constantinople en 1204 ouvrit une crise sans précédent.


Sans doute, déjà, à la mort d’Héraclius en février 641, l’Empire avait subi
des revers immenses face aux Arabes dont rien ne semblait arrêter la pro-
gression. Cependant au prix d’amputations territoriales majeures et d’une
militarisation de la société, les empereurs finirent par rétablir l’équilibre des
forces et retrouver des ressources financières. Ils recentrèrent l’Empire sur
l’Asie Mineure, tout en sauvant la capitale. En 1204, les conquérants
étaient chrétiens, ce qui ouvrait la possibilité de créer un État combinant la
richesse des Grecs et les capacités guerrières des Francs. La perte de leur
capitale menaçait l’existence même de la civilisation byzantine, tant cette
ville concentrait les sources réelles et symboliques du pouvoir.
Rien ne serait plus faux que de considérer ces cinq siècles et demi qui
séparent ces deux temps de crise comme une longue décadence, comme le
suggéraient les historiens des Lumières, Voltaire, Montesquieu ou Gibbon.
L’historien doit, en effet, être « attentif à discerner la faculté de changement
sous l’apparente immobilité, la faculté d’adaptation sous l’apparente conti-
nuité » selon les mots de P. Lemerle [631, p. 312]. De fait, si les discours
officiels, ne semblant guère évoluer, célèbrent toujours le pouvoir universel
des empereurs de la Nouvelle Rome, l’Empire byzantin fit preuve d’une
étonnante capacité de survie et d’une grande adaptabilité tant dans
l’organisation de ses armées qu’en matière fiscale ou dans les rapports avec
ses voisins. Ainsi des actions très pragmatiques furent partiellement mas-
quées par la rhétorique impériale qui mettait en relief les continuités.
L’Empire, en se transformant au cours des VIe-VIIIe siècles, puis en
retrouvant, à partir de la seconde moitié du VIIIe siècle, une dynamique
nouvelle et durable suivit, avec un temps de retard, l’évolution du reste de
l’Europe chrétienne, tout en maintenant certaines spécificités. Le maintien
d’une capitale, certes peu peuplée, mais riche des symboles du pouvoir, et
496 Les régions de l’Empire

la capacité à lever l’impôt sur de vastes territoires ont donné un net avan-
tage aux empereurs byzantins sur leurs homologues carolingiens et même
ottoniens. En revanche, ils furent, pendant deux siècles, handicapés par
rapport aux califes de Damas puis de Bagdad, bénéficiaires de ressources
fiscales bien supérieures, mais l’Empire musulman souffrit rapidement des
fortes autonomies provinciales (Afrique, Égypte ou Iran pour ne prendre
que les exemples les plus significatifs). L’État byzantin fut atteint comme le
reste de l’Europe d’une profonde crise démographique, qui s’acheva
vers 750, avant de connaître une lente croissance, faible, mais régulière,
qui, au XIIe siècle, offrit aux campagnes byzantines les plus fertiles une pros-
périté, qui ne le cédait en rien à celles des plaines d’Occident. De même si
la disparition des cités fut un peu plus tardive en Orient, elle fut très specta-
culaire. La renaissance urbaine dont le rythme varia selon les régions – les
plus proches de la capitale étant les premières à voir leurs villes se repeu-
pler – est à peu près contemporaine du renouveau urbain du monde médi-
terranéen latin, notamment en Italie.
Les structures politiques et sociales, en apparence fort différentes,
puisque tous, sans conteste, devaient obéissance au basileus représentant de
Dieu sur terre, alors que chez les Latins des seigneurs locaux venaient, le
plus souvent, s’interposer entre le souverain et ses sujets, n’étaient pas dans
les faits si contrastées. L’empereur ne tenait les provinces de son Empire
qu’en négociant avec les élites locales, peu importait du reste qu’elles fus-
sent grecques ou allogènes. Il n’y avait certes aucun contrat formel qui liait
le souverain et les principales familles, mais l’empereur avait soin de leur
distribuer les dignités avec leurs rogai afférentes, entretenant financièrement
leur fidélité. Ce n’est pas un hasard si les distributions de dignités furent si
généreuses parmi les provinciaux proches de la frontière (Italie, Caucase)
dont l’allégeance pouvait facilement basculer vers les ennemis. Sans doute
l’abondance des ressources fiscales – encore que leur niveau durant les siè-
cles dits obscurs restent objet de débat – donna longtemps aux basileis les
moyens d’une politique libérale.
En matière de culture, les divergences entre les deux parties de la chré-
tienté furent plus marquées, car le latin n’était plus guère connu dans
l’Empire après la perte de l’Afrique et de l’exarchat, tandis que le grec était
largement oublié en Occident. Plus peut-être que les stéréotypes récipro-
ques du Grec efféminé et roublard opposé au Latin avide et brutal, c’est
l’incompréhension de leurs cultures respectives qui a élargi le fossé entre
Byzance et les Latins. Le désaccord apparaît dans le domaine religieux, tant
dans le droit canon fixé au concile in Trullo que dans les pratiques et de
rares points de dogme après la fin de l’iconoclasme. Les Grecs plus fidèles à
la tradition et donc plus conservateurs n’ont pas complètement perçu les
changements profonds de la chrétienté latine entre les VIIIe et XIIe siècles.
Conclusion générale 497

Au XIIe siècle, sous Manuel Comnène, l’Empire byzantin, quoique affai-


bli par la perte du plateau anatolien où s’étaient recrutés ses meilleurs sol-
dats face aux Arabes, tient parfaitement sa place dans le concert européen,
mais au prix d’un effort militaire et diplomatique considérable. Manuel est
en relation avec tous les grands souverains de son temps, le Plantagenêt, le
Capétien, l’empereur allemand ; il est proche d’obtenir une alliance avec le
pontife romain ; par ses agents et son or, il recrute des partisans dans
nombre de villes italiennes ; il domine les Balkans et s’intéresse au sort des
princes russes ; enfin il devient l’espoir des Latins de Terre sainte menacés
d’être submergés par la réaction des États musulmans. Ajoutons que les
marchands italiens prospèrent avec l’appui d’une partie de l’aristocratie
trop heureuse de s’enrichir en exportant des surplus agricoles. Des éléments
de faiblesse se font jour, dont la tentation autonomiste des provinces enri-
chies est une des plus dangereuses à terme. Les relations avec les Latins
connaissent des périodes de tensions qui sapent quelque peu la confiance
entre les communautés, notamment à Constantinople. Les basileis qui succé-
dèrent à Manuel, moins doués que lui, ne surmontèrent pas ces difficultés,
mais c’est trop s’avancer que de considérer que l’effondrement de 1204
était inéluctable.
Glossaire

acheiropoïète image « non faite de main d’homme », c’est-à-dire sup-


posée avoir une origine miraculeuse
allélengyon impôt foncier qui pesait sur les riches propriétaires, soli-
daires de leurs voisins pauvres défaillants, sans bénéficier
du droit de préemption
anaphore texte de la prière eucharistique
annone distribution de vivres, principalement du blé, limitée aux
seuls fonctionnaires civils et militaires, dont l’annone
constituait une part de la rémunération
apostasie abandon de sa religion d’origine pour une autre ; l’apo-
stasie était considérée comme un crime puni de mort
aussi bien chez les chrétiens que chez les musulmans
archonte des archontes titre que reçurent certains princes arméniens pour indi-
quer la prééminence que leur reconnaissait l’Empire
ascète personnage qui aspire, par des exercices spirituels et des
mortifications, à affranchir l’âme du corps pour se
consacrer totalement à Dieu. En Orient, l’ascèse a par-
fois pris des formes spectaculaires, ainsi le séjour sur une
colonne (stylite) ou dans un arbre (dendrite)
autocéphale se dit d’une métropole ou d’un archevêché autonome
qui ne relève plus d’un patriarcat
autokratôr se dit de l’empereur qui exerce le pouvoir effectif, lors-
qu’il y a plusieurs basileis
autourgeion catégorie de biens qui rapportent sans qu’il y ait à inves-
tir, comme par exemple la prairie de fauche
basileus (pluriel : basileis). Titre en principe réservé à l’empereur
des Romains, mais parfois partagé avec des souverains
latins ou bulgares
bèma partie de l’église où se trouve l’autel, délimitée par une
barrière de chancel, puis ultérieurement par l’iconostase.
Seuls les clercs des ordres majeurs y ont accès, ainsi que
l’empereur à des moments spécifiques de la messe
calife successeur de Mahomet, à la fois chef religieux et poli-
tique de la communauté musulmane
500 Le monde byzantin

canon règle fondée sur les décisions des conciles


catépan officier, équivalent du duc
catholicos titre ecclésiastique pris par le chef de certaines minorités
religieuses chrétiennes, les nestoriens, les Arméniens...
chancel barrière qui limite le sanctuaire, réservé aux prêtres et
interdit aux laïcs (sauf l’empereur). Elle s’est progressive-
ment élevée jusqu’à fermer complètement le sanctuaire
et fut revêtue d’icônes, d’où le nom actuel d’iconostase
charisticariat donation conditionnelle d’un monastère cf. p. 340
chôrion à l’époque médiévale, village, qui constitue aussi un res-
sort fiscal
chrisme les deux lettres X et R (initiales du Christ) liées ensemble
au centre du X, portées sur le labarum
chrysobulle document le plus solennel émis par la chancellerie impé-
riale. Daté et signé de la main de l’empereur à l’encre
rouge, il est scellé d’une bulle d’or (d’où son nom)
commerciaires personnes privées ou fonctionnaires, selon les époques,
chargés de lever l’impôt sur les transactions marchandes
cubiculum chambre impériale dont l’accès était réservé aux
eunuques
curateur gestionnaire d’un domaine privé ou public. Certains eurent
autorité sur le domaine public d’une province entière
curiales membres des conseils des cités à l’époque protobyzantine
dèmes divisions (ou factions) du peuple, réuni à l’hippodrome
pour assister aux courses de char officielles, et qui com-
prenaient à l’origine quatre couleurs – Bleus, Verts,
Blancs et Rouges –, mais dont les deux premières seules
importaient. Après le VIIe siècle, les dèmes furent confi-
nés et jouèrent un rôle dans le cérémonial de Constanti-
nople seule
despote qualifie d’abord l’empereur, puis désigne, au XIIe siècle
jusqu’en 1204, la plus haute dignité de la hiérarchie
aulique
dhimmi ou « protégés ». « Gens du Livre » (juifs, chrétiens,
zoroastriens) qui partageaient une partie de la Révéla-
tion et qui, en échange d’un impôt spécifique, conser-
vaient la liberté de culte, leur liberté personnelle et la
jouissance de leurs biens
diocèse vaste subdivision territoriale regroupant plusieurs provin-
ces, dirigée par un vicaire, qui disparaît au VIIe siècle.
Plus tard, désigne le ressort d’un évêché en Occident
diptyque dans la liturgie chrétienne, document où étaient inscrits
les noms des évêques, des martyrs et de toute personne
dont on faisait mémoire à la synaxe
djihâd effort que le fidèle musulman fait sur lui-même pour vivre
conformément aux précepte de l’islam. Entre autres obli-
Glossaire 501

gations, le djihâd implique l’expansion de l’islam, y com-


pris par la force, d’où son sens de guerre sainte
domestique commande certains tagmata de Constantinople, comme
les scholes, les excubites ou les hicanates
doulos (en latin, servus). Littéralement : esclave, mais est en fait
chargé d’une connotation honorable de serviteur dévoué :
l’empereur est le doulos du Christ ; un haut fonctionnaire
est le doulos de l’empereur
drongaire officier commandant une circonscription maritime
dualiste conception religieuse selon laquelle s’opposent dans le
monde les deux principes du bien et du mal. Les Mani-
chéens, les Pauliciens et les Bogomiles relèvent de cette
catégorie
duc officier commandant une unité militaire ou une circons-
cription territoriale
dynatos « puissant », c’est-à-dire capable d’exercer une dynasteia,
aptitude à mobiliser les réseaux d’amitié pour obtenir un
avantage
économie transgression ponctuelle d’une règle en raison des cir-
constances, permise s’il en résulte un bien pour le peuple
chrétien
émir chef militaire chez les musulmans
enkolpion objet contenant une relique, porté en sautoir autour du
cou
éparque préfet de constantinople, cf. p. 263-264
épiskeptitès fonctionnaires chargés de la gestion et de la perception
des revenus générés par les épisképseis
eunuque l’emploi des eunuques apparaît dans l’Antiquité tardive
et culmine jusqu’au XIe siècle. Ils servirent d’abord dans
le cubiculum dirigé par le préposite et obtinrent une place
remarquable à la cour en raison de leur familiarité avec
le souverain
exarchat circonscription, en Afrique et en Italie (Ravenne) dirigée
par un exarque, qui cumule les pouvoirs civils et militaires
excubites un des régiments de la garde impériale recréé au
VIIIe siècle
exkousseia exemption fiscale, cf. p. 131-132
fédérés auxiliaires barbares, qui n’appartiennent pas à l’armée
romaine, mais combattent à ses côtés en vertu d’un
traité (fœdus) conclu avec leur peuple
filioque en Occident, certains théologiens ont considéré que le
Saint Esprit procède du Père et du Fils, formule acceptée
tardivement (XIe s.) par la papauté. Les Grecs, qui consi-
dèrent que le Saint Esprit procède du Père par le Fils,
ont refusé cet ajout au concile œcuménique de Constan-
tinople I (381)
502 Le monde byzantin

ghâzî musulman combattant au nom de la guerre sainte, mais


plus souvent animé par le simple désir de butin
gyrovague moine qui circule d’un monastère à l’autre, sans être rat-
taché à aucun d’entre eux
higoumène le chef d’un monastère (qui « guide » les moines)
horos définition dogmatique issue d’un concile
hyperpère monnaie d’or byzantine créée par Alexis Ier Comnène
pour remplacer le nomisma dévalué, pesant 4,45 g, mais à
20,4 carats (au lieu de 24)
iconoclaste qui brise les images, cf. p. 379-381
iconodoule qui vénère les images
kastron du latin castrum, s’emploie pour désigner toute agglomé-
ration fortifiée, le camp militaire étant plutôt appelé fos-
saton ou charax
kékôluména produits de luxe (soieries de pourpre en particulier) inter-
dits de vente, dont la fabrication était exclusivement
réservée aux ateliers impériaux
khagan nom traditionnellement donné au chef des peuples
nomades : khagan des Avars, des Khazars, des Bulgares,
des Russes...
klasma terre désertée qui ne supporte plus l’impôt depuis plus
de trente ans et est donc détachée de la commune fis-
cale. Peut-être revendue par le fisc ou exploité directe-
ment par lui
kritès juge de thème ou de l’administration centrale
jacobite nom donné aux monophysites de Syrie
labarum étendard romain sur lequel depuis Constantin fut porté
le chrisme
logariaste littéralement « comptable »
logothète chef d’un des grands bureaux de Constantinople
magistre dignité très élevée jusqu’au début du XIe siècle et donc
portée par des proches – parfois des parents – des empe-
reurs
manichéisme religion dualiste fort populaire au IVe siècle au point de
rivaliser avec le christianisme
mégaduc chef de la flotte centrale
melkites chrétiens chalcédoniens vivant sous domination musul-
mane
métoque dépendance d’un monastère
métropole chef-lieu d’une province. Son évêque eut la primauté sur
les évêques des autres cités de la province et fut, de ce
fait, appelé métropolite
miliarèsion pièce d’argent valant en principe 1/12 de nomisma
mitaton caravansérail où logeaient les marchands étrangers ;
charge imposée aux propriétaires qui devaient loger les
soldats ou les fonctionnaires
Glossaire 503

modios mesure de superficie de la terre (0,9 ha) et aussi de


volume (17 l)
monothélisme doctrine qui reconnaît dans le Christ une seule
« volonté » par-delà la dualité des natures. Le moéner-
gisme reconnaît une seule « énergie »
monophysisme doctrine qui insiste sur l’unité du Christ au point de mal
distinguer les deux natures
nestorianisme doctrine qui insiste sur les deux natures du Christ au
point de mal admettre l’unité sa personne
nomisma (pl. nomismata) ou solidus, cf. p. 291-292
novelle loi « nouvelle » émise par l’empereur
oikos maison aristocratique, mais aussi centre de gestion d’un
domaine rural ou urbain, cf. p. 191-192
onction l’empereur, nouveau David, est l’oint (en grec christos) du
Seigneur
pakton redevance du parèque qui comprend, sans les distinguer,
l’impôt dû au fisc et le loyer prélevé par le propriétaire
parakoimomène gardien de la chambre impériale, en principe un
eunuque jusqu’aux Comnènes
parèque paysan dépendant cultivant les terres d’un grand pro-
priétaire
patrice haute dignité réservée à l’entourage de l’empereur ou
aux plus hauts fonctionnaires jusqu’au Xe siècle. Se
dévalue ensuite pour disparaître vers 1100
pénètès faible, c’est-à-dire dépourvu de tout moyen d’influence
pentarchie gouvernement collégial de l’Église par les cinq patriarches
(Rome, Constantinople, Antioche, Alexandrie, Jérusalem)
porphyrogénète enfant « né dans la pourpre », c’est-à-dire alors que son
père est empereur
pourpre couleur rouge sombre, réservée aux empereurs. La meil-
leure qualité s’obtenait à partir d’un coquillage, le
murex, qu’on trouvait près de Tyr ou au large du Pélo-
ponnèse. Il fallait 12 000 coquillages pour teindre un
seul manteau
praktikon document fiscal qui décrit les biens d’un contribuable en
vue d’établir son impôt
préfecture circonscription ou bureau placé sous les ordres d’un pré-
fet : préfecture d’Orient, préfet de Constantinople (ou
éparque)
proasteion domaine foncier hors du chôrion
pronoia dévolution d’un revenu fiscal, cf. p. 170-171
proskynèse prosternation devant l’empereur
prôtostratôr littéralement premier écuyer ; devint sous les Comnènes
le chef de la cavalerie
protovestiaire le plus souvent un eunuque, responsable du vestiaire
impérial et proche de l’empereur
504 Le monde byzantin

psychika biens donnés par testament à une église pour que des
prières assurent le salut de l’âme du donateur
roga traitement annuel accordé aux titulaires d’une dignité ou
d’une charge, cf. p. 83
Romanie nom donné à l’Empire par les Byzantins eux-mêmes et
repris par les autres peuples, en Orient comme en Occi-
dent. Ainsi, le sultanat turc établi en Anatolie a pris le
nom de sultanat de Rûm
scholes régiment d’élite qui gardait le palais impérial. Son chef
fut, à partir du VIIIe siècle, le chef de l’armée en
l’absence de l’empereur
sébaste dignité créée au XIe siècle, réservée aux membres de la
famille impériale sous les Comnènes et accordée à quel-
ques princes étrangers
sékréton bureau de l’administration centrale où travaillent notam-
ment des asèkrètis
silention cérémonie solennelle au Grand Palais, pendant laquelle
l’empereur fait connaître ses décisions pendant que les
silentiaires imposent le silence
stavropégie droit de fixer une croix là où une nouvelle église sera
bâtie. Ce droit implique l’autorité sur le clergé de
cette fondation et le droit d’y percevoir les redevances
canoniques
strateia (en latin militia). Désigne tout service accompli pour
l’État, et pas seulement le service militaire
stratège général qui dirige un corps de troupe, puis le
thème (cf. p. 146-147). Celui des Anatoliques était l’un des
plus puissantspersonnagesdel’Étatentrele VIIe etle XIe siècle
sultan détenteur du pouvoir d’État chez les musulmans
synaxe réunion eucharistique
synode assemblée d’évêques
tagma (pl. tagmata). Contingent de l’armée centrale, y compris
ceux de la garde impériale
taktikon document officiel qui décrit l’ordre des préséances à la
cour byzantine. Désigne également un traité militaire
taxis ordre immuable du monde, qui se décrit dans le monde
terrestre par un taktikon
thème corps de troupe, puis circonscription administrative, cf.
p. 146-149
trachy pièce de monnaie concave et « rugueuse » émise aux XIe
et XIIe siècles
typikon charte de fondation d’un monastère
Varanges corps de la garde palatine créé par Basile II. Composé à
l’origine de Russes, il fut ensuite formé d’Anglais et de
Danois. Passait pour être toujours fidèle à l’empereur en
place
LISTE DES EMPEREURS DE CONSTANTINOPLE

Constantin III Héraclius 641 Nicéphore II Phocas,


Héraclonas (Héraclius) coempereur 963-969
Constantin 641 Jean Ier Tzimiskès,
Constance II (Constantin) coempereur 969-976
Héraclius 641-668 Constantin VIII Por-
Constantin IV 668-685 phyrogénète 1025-1028
Justinien II 685-695 Romain III Argyre 1028-1034
Léonce 695-698 Michel IV, le Paphlago-
Tibère III Apsimar 698-705 nien 1034-1041
Justinien II (second règne) 705-711 Michel V, le Calfat 1041-1042
Philippikos Bardanès 711-713 Zôé Porphyrogénète 1042
Anastase II Artémios 713-715 Constantin IX Mono-
Théodose III 715-717 maque 1042-1055
Léon III l’Isaurien 717-741 Théodora, Porphyro-
Constantin V 741-775 génète 1055-1056
Léon IV le Khazar 775-780 Michel VI Bringas 1056-1057
Constantin VI 780-797 Isaac Ier Comnène 1057-1059
Irène 797-802 Constantin X Doukas 1059-1067
Nicéphore Ier 802-811 Michel VII Doukas 1067-1078
Staurakios 811 Romain IV Diogène,
Michel Ier Rhangabé 811-813 coempereur 1068-1071
Léon V l’Arménien 813-820 Nicéphore III Bota-
Michel II l’Amorien 820-829 neiatès 1078-1081
Théophile 829-842 Alexis Ier Comnène 1081-1118
Michel III 842-867 Jean II Comnène 1118-1143
Basile Ier le Macédonien 867-886 Manuel Ier Comnène 1143-1180
Léon VI le Sage 886-912 Alexis II Comnène 1180-1183
Alexandre 912-913 Andronic Ier Comnène 1183-1185
Constantin VII Porphy- Isaac II Ange 1185-1195
rogénète 913-959 Alexis III Ange 1195-1203
Romain Ier Lécapène, Isaac II Ange (second
coempereur 920-944 règne) 1203-1204
Romain II Porphyro- Alexis IV Ange,
génète 959-963 coempereur 1203-1204
Basile II 963-1025 Alexis V Mourtzouphlos 1204
LISTE DES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE

Jean IV le Jeûneur 582-595 Photius (1) 858-867


Kyriakos 595-606 Ignace Ier (2) 867-877
Thomas Ier 607-610 Photius (2) 877-886
Serge Ier 610-638 Étienne Ier 886-893
Pyrrhos (1) 638-641 Antoine II Kauléas 893-901
Paul II 641-653 Nicolas Ier Mystikos (1) 901-907
Pyrrhos (2nd patriarcat) 654 Euthyme Ier 907-912
Pierre 654-666 Nicolas Ier Mystikos (2) 912-925
Thomas II 667-669 Étienne II 925-927
Jean V 669-675 Tryphnô 927-931
Constantin Ier 675-677 Théophylacte 933-956
Théodore Ier (1) 677-679 Polyeucte 956-970
Georges Ier 679-686 Basile Ier Skamandrènos 970-974
Théodore Ier (2) 686-687 Antoine III Studite 974-979
Paul III 688-694 Nicolas II Chrysobergès 980-992
Kallinikos Ier 694-706 Sisinnios II 996-998
Kyrrhos 706-712 Serge II 1011-1019
Jean VI 712-715 Eustathe 1019-1025
Germain Ier 715-730 Alexis Stoudite 1025-1043
Anastase 730-754 Michel Ier Cérulaire 1043-1059
Constantin II 754-766 Constantin III Leichoudès 1059-1063
Nicétas Ier 766-780 Jean VIII Xiphilin 1064-1075
Paul IV 780-784 Cosmas Ier 1075-1081
Taraise 784-806 Eustrate Garidas 1081-1084
Nicéphore Ier 806-815 Nicolas III Grammatikos 1084-1111
Théodote Mélissène Jean IX Agapètos 1111-1134
Kassitéras 815-821 Léon Stypès 1134-1143
Antoine Ier Kassimatas 821-837 Michel II Kourkouas 1143-1146
Jean VII Grammatikos 837-843 Cosmas II Attikos 1146-1147
Méthode Ier 843-847 Nicolas IV Mouzalôn 1147-1151
Ignace Ier (1) 847-858 Théodote II (1) 1151-1152
508 Le monde byzantin

Néophyte 1153-1154 Nicétas II Mountanès 1186-1189


Théodote II (2) 1153-1154 Dosithée de Jéru-
Constantin IV Chliarènos 1154-1157 salem (1) 1189
Luc Chrysobergès 1157-1170 Léonce le Théotokite 1189
Michel III d’Anchialos 1170-1178 Dosithée de Jéru-
Charitôn Eugéniôtès 1178-1179 salem (2) 1189-1191
Théodose Boradiôtès 1179-1183 Georges II Xiphilin 1191-1198
Basile II Kamatèros 1183-1186 Jean X Kamatèros 1198-1206
Index1

Aarôn, 457. Alep, 31-34, 36-37, 39, 51, 77, 135,


Abasges, 159. 417, 420, 425, 427.
bAbbâsides, 15-16. Alexandre (empereur), 28.
bAbd al-Malik (calife), 8-9, 12, 290. Alexandre de Nicée, 358.
Abramites (couvent des), 237. Alexandrie, 3, 19, 89, 110, 152, 276.
Abu Qurra, 123. Alexis Ier Comnène (empereur), 46,
Abydos, 36, 438, 440. 49-56, 58, 71, 73-75, 77-79, 81, 84,
Acerenza, 492. 92, 98, 100, 101, 104, 108, 118,
Achyraos, 439. 120, 128, 130, 134, 139-140, 145,
Adana, 405, 417. 148, 159-160, 165, 173, 174, 181,
Adata, 25, 405, 417. 184, 195, 255, 265, 281, 309, 340,
adelphaton, 366. 435, 438, 455, 460.
Alexis II Comnène (empereur), 61-62,
administrateurs des domaines, 243.
72, 73.
Adramyttion, 59, 438-439.
Alexis III Ange (empereur), 62-64,
Adriatique, 18, 50, 450.
161, 187, 470.
Afrique, 5, 7, 10-13, 19, 32, 146, 152- Alexis IV Ange (empereur), 64.
153, 198, 481. Alexis Doucas V Mourtzouphlos (em-
Agarènes, cf. musulmans. pereur), 65.
Aghlâbides, 482. Alexis Stoudite (patriarche), 429.
Agnès, fille de Louis VII, 73. Âlî (calife), 7.
Agros, 337. Alousianos, 39-40.
Ahima’atz d’Oria, 122. Alp Arslân, 48, 430.
Akroïnos, 14. Amalfi/Amalfitains, 251, 255, 272,
Akropole, 252, 254-255, 260. 277, 338, 465, 479, 483, 491, 493-
al-Djarmî, 164. 494.
al-Hakîm, 37, 123. Amantea, 482.
Al Mubtasim (calife), 19. Amasée, 413, 423, 429, 434, 437.
Alanie/Alains, 92-93, 159, 297, 427, Amastris, 92, 412, 427, 429, 438.
429. Amida, 30, 39.
Albanie/Albanais, 208, 470. Amisos, 429.

1. Les pages où l’entrée de l’index est spécifiquement développée sont en caractères gras.
510 Le monde byzantin

Amorion, 19, 70, 123, 299, 403, 406, Arabes, 5-6, 8, 10, 12, 13 passim, 183,
409, 412, 433, 438. 251.
Amphiloque de Cyzique, 353. Arabissos, 405.
bAmr, 3. Araxe, 429.
Anastase (empereur), 12-13. archontes, 274, 449.
Anastase (patriarche), 262. archontes patriarcaux, 100-102.
Anastase le Sinaïte, 6, 123, 343. archôn tès kharagès, 294.
Anatolie / Asie Mineure, 5, 7-8, 10, Archontopouloi, 159, 165, 435.
12, 19, 30, 45-50, 53, 62-63, 72, Aréthas de Césarée, 355-356.
103, 153, 163, 176-178, 227, 233, Argolide, 216, 233, 445.
278, 291, 397-440. Argos, 446, 470.
Anatoliques, 10, 12, 14, 16, 18, 19, Argyros (cf. Romain III), 178, 258,
31, 74, 146, 152-153, 156, 158, 410, 419, 420.
172, 178, 194, 403, 413, 419, 427, Marianos, 33.
434, 438. Argyros, fils de Mél(ès), 41, 198, 493.
Anchialos, 29, 466. Aristènos Jean, 107.
Ancône, 59, 461. Arithmos ou Veille, 157, 159, 258,
Ancyre, 19, 166, 403, 406, 409, 414, 264.
434. Arméniaques, 12, 17, 19, 49, 146,
André de Crète, 319, 343, 346. 152, 157, 162, 172 (roga), 176, 194,
Andréopoulos Michel, 361. 213, 403-404, 408, 411, 414, 417,
Andrinople, 37, 40, 45-46, 181, 443, 419, 429, 433-434, 437-438.
450, 467, 469. Arménie, 5-7, 9, 12, 21, 29-31, 38, 40,
41, 49, 84, 92, 119, 152, 207, 291,
Andronic Ier Comnène, 62, 72, 130,
377, 399, 401, 405-406, 412, 417,
141, 198, 200, 387, 437.
425, 431, 436.
Anémas, 184.
Arménie (Grande), 424.
Angélokastron, 439. Arménie (Petite), 119, 435-436.
Anges, 179, 468, cf. Alexis III, Arméniens, 23, 27, 55, 57, 85, 108,
Alexis IV, Isaac II. 118-119, 148, 161, 176, 183-184,
Anglais, 159. 191, 197, 207, 208-209, 210, 213,
Ani, 35, 38, 40, 48, 84, 183, 420, 424, 216, 251, 416, 419-421, 427, 429,
433. 433, 435, 449, 455.
Anne la Porphyrogénète, 36, 73. arménika thémata, 148, 422.
Anselme de Havenberg, 364. Arpáds, 59, 461.
Antioche, 5, 33, 37, 49, 51, 55-57, 60, Arzn, 48.
89, 105, 110-111, 119, 174, 198, Artavasde, 12, 14, 157.
330, 361, 397, 412, 419, 421-422, Artouch, 49.
429, 433, 435, 437. Artsruni, 420, 424.
Antioche de Pisidie, 403, 438. Asen, 62, 469.
antistrophè, 294. Asie, 90, 167, 251, 397, 402.
Anti-Taurus, 400-401, 405. asile, 323-324.
Antoine de Novgorod, 258. Asot II, 29.
Apkhazie/Apkhazes, 423, 427, 429. Asot III, 35.
aplèkton, 167, 406. Asparuch (khan bulgare), 9, 447.
Apokapès Basile, 41. Astolf (roi lombard), 475.
Index 511

Aténolf II, 30. Basile II (empereur), 33, 36-39, 71, 73,


Athanase (de Lavra), 32, 329, 338, 78, 86, 133, 138-139, 147-148, 150,
358, 428. 157, 179, 180-181, 186, 213, 264,
Athanatoi, 158-159. 269, 337, 422-423, 455-457.
Athènes, 7, 37, 149, 199, 217, 277, Basile (canon de saint B.), 173.
296, 300, 306, 366, 450, 462, 463, Basile le Bogomile, 52, 120.
467. Basile Lécapène (parakoimomène), 32-
Athinganes, 119-120, 411. 33, 35-36, 87, 188-189, 192, 389.
Athos, 132, 134, 208-209, 214-215, Basile le Minime, 359.
233-235, 241, 329, 336, 338, 361, Basile de Tirnovo, 469.
427, 465, 468. basileus, 69-.
Atrôa, 412. Basilicate, 473, 483-485, 490.
Attaleia, 57-58, 92, 280, 409, 414, Basiliques, 26, 97, 107, 121, 137-138,
427, 429, 438-440. 269, 292, 357, 363.
Attaleiatès Michel, 140, 179, 183, 244, Batatzès, 180.
266-267, 273-274, 278-280, 283, Bathyryax, 23.
427. Baudouin de Boulogne, 55.
Avars, 8, 205-206, 252, 447. Béla de Hongrie, 59, 62, 73, 461, 469.
Axouch. Belgrade, 458, 469.
Alexis, 189, 388. Belle-Source (couvent), 337.
Jean, 56, 184, 366. Bénévent, 30, 34, 90, 475, 477, 482-
Ayyûbides, 436. 483, 488, 490-491.
Azerbaïdjan, 41, 424, 429. Benjamin de Tudèle, 121, 204, 258,
463.
Backovo, 162, 338, 468. Béotie, 226, 338.
Bagdad, 15, 28, 36, 76, 121. Bèra, 338.
Bagrat’ d’Ibérie, 423. Berrhoia, 449.
Bagratides, 176, 405, 417, 419, 423. Berthe de Sulzbach, 58.
Baléares, 12. besant, 311-312.
Balkans, 40, 50, 52, 57, 59, 63, 73, 89, Biccari, 486.
90-91, 146, 204, 209, 213-214, 231- Bithynie, 9, 13-14, 17, 30, 49, 53-54,
232, 242, 397, 443-. 56, 57, 59, 152, 167, 177, 204, 205,
Balsamôn Théodore, 94, 98, 107, 285, 213, 216, 219, 226, 231, 235, 237,
323, 367. 400, 403, 407-409, 419, 426-427,
Banû Habîb, 161. 429, 434-435, 438, 441, 449.
Bardanios le Turc, 184, 195. Bitlis, 30.
Bardas, frère de Théodora, 20-22, Blachernes, 254-255 ; palais 79, 374 ;
138, 351, 358. église, 99, 268, 327 ; murailles,
Bari, 25, 47, 59, 198, 236, 458, 473, 252. MM
482-484, 487-488, 492-493. Bohémond de Tarente, 50, 54-55, 77.
Basilakès Nicéphore (1), 46. Bogomiles, 52, 120-121, 209, 316,
Nicéphore (2), 365, 458. 454-455.
Basile Ier (empereur), 21-23, 25, 71- Bohémond, 460.
72, 74, 78, 122, 137, 144, 186, 189, boïdatos, 225.
191-192, 194-196, 240, 253, 259- Boïlas Eustathe, 191, 233, 244, 272,
260, 276, 356, 371, 449. 426.
512 Le monde byzantin

Basile Boiôannès, 486. 382-383, 401, 405-407, 410, 413-


Boris (khan bulgare), 21-22, 27, 451, 414, 416-417, 419, 420, 424, 426,
452,-453. 428, 433-434, 437.
Boris II de Bulgarie, 34, 455. Caravisiens, 13, 152, 155, 446.
Botaneiatès, 431, 468, cf. Nicé- Carbone, 490.
phore III. Carie, 400, 403.
Boukoléon, 260. Carthage, 11, 296-297, 479-480.
Bourtzès Caspienne, 30.
N., 434. Catane, 480.
Michel, 33-34. Catanzaro, 486.
Brachamios Philarète, 49-51, 197, Catherine de Bulgarie, 457.
433. Caucase, 76, 87, 427.
Branicevo, 443, 469. Céphalonie, 450.
Brindisi, 8, 59, 492. Céréaliculture, 4, 227, 230, 442, 463,
Bringas Joseph (parakoimomène), 33, 466.
87, cf. Michel VI. Cerenzia, 485.
Brousse, 62, 438, 440. Césarée, 13, 25, 33, 36, 48, 168
Bryennios, 181. (fabrique d’arme), 190, 355, 406,
Nicéphore (a), 45-46, 181, 458. 413, 419, 433-434.
Nicéphore (b), 52, 56, 181. Chalcè, 13, 259.
Bucellaires, 404, 407-408, 414, 427, Chalcédoine, 406.
438. Chalcidique, 216, 226-227, 229-230,
Bulgares, 9, 12-13, 16-18, 27-28, 33, 233, 236, 338.
36, 37, 39, 62, 70, 71, 77, 91, 156, Chaldie, 51-52, 178, 404-405, 408,
159, 161-162, 183, 197, 205, 208, 414, 417, 419, 422, 423, 429, 434.
213, 286, 445, 446-448, 451, 464, Chamarètos Léon, 470.
469. chancellerie impériale, 141 ; patriar-
Bulgarie, 21-22, 29, 34-35, 37, 93, cale, 103.
120, 135, 162, 206, 209, 213, 228, Chalkopratéia, 269.
306, 452 (archevêque), 455-457, Chandax, 32, 165.
458. charisticariat/charisticaire, 188, 340,
Byzacène, 11. 492.
Byzantios, 492. charité, 253, 266, 285-286, 339.
Charlemagne, 18, 76.
Caïque, 438. Charpézikion, 421.
Calabre, 25, 47, 90-91, 93, 198, 207, Charsianon, 32, 178, 405, 406, 408,
226, 228, 236, 297, 304, 473, 476- 416, 419, 421.
477, 478, 480-494. Cherson, 12, 21, 36, 295, 304, 393,
Campanie, 226. 427, 451, 459.
Cantacuzène, 179. Chilandar, 338, 470.
Cap Malée, 445. Chios, 8, 227, 278, 377-378, 383 (Nea
Capitanate, 226, 485-486, 489-490, Moni), 434.
491. Chliara, 438.
Capoue, 34, 483. Choirosphaktès Léon, 144.
Cappadoce/Cappadociens, 24, 31, 33, Chônes, 48, 92, 411, 413, 427, 433,
34, 45, 55, 178, 193, 207, 338, 381, 437-439.
Index 513

Chôniatès Colonée, 92, 405-406, 408, 422, 429,


Michel, 140, 149, 199, 278, 366, 433.
463, 467, 470-471. Comnène, cf. Alexis Ier, Alexis II,
Nicétas, 61, 140, 149, 162, 171, Andronic Ier, Isaac Ier, Jean II,
199, 368. 126, 178-179, 181, 242, 251, 432,
Chôra, 254, 266, 286, 378. 468.
chôrion, 223, 235, 237, 484. Adrien (frère d’Alexis Ier), 134.
Chrysè Pétra, 412. Adrien, 366.
Christ (représentation), 13, 30, 74, Alexis (fils de Jean II), 266.
259, 265, 267, 305, 319, 330, 333, Alexis, protovestiaire, 139.
370, 373, 380, 382-385. Anne (fille d’Alexis Ier), 49, 51-52,
Christ Évergétis, 266. 54, 56, 75, 181, 183, 188, 366,
Christ Pantokratôr, 255-256, 266, 368.
271- 272, 366, 378, 468. Eudocie (fille d’Alexis Ier), 187.
Christ Philanthrôpos, 255, 266, 336. Isaac (frère d’Alexis Ier), 46, 49, 134,
Christodoulos de Patmos, 329, 338. 468.
Christophe (dom. des scholes), 23. Isaac (frère de Jean II), 56, 338,
Chronique dite de Monemvasie, 445, 391, 437, 468.
450. Isaac (de Chypre), 62-63, 161, 198,
Chrysèlios, 456. 296.
chrysobulle, 132, 139, 195, 347, 450. Jean (frère d’Isaac Ier), 180.
Chrysocheir (paulicien), 20, 25. Jean (dom. des scholes), 62, 440.
Chrysocheir (Russe), 161. Manuel (a), 180.
Chrysobergès, 179. Manuel (b), 45.
chrysoépsètès, 294. Marie (fille de Manuel Ier), 59-60,
Chrysomallos Constantin, 334-335. 62, 461.
Chrysotriklinos, 259. Conciles (Chalcédoine, 451) 6, 9, 103-
Churramites, 205. 104, 112, 336, 338 ; (Latran), 481 ;
Chypre, 5, 33, 55, 62-63, 155, 161, (Constantinople, 680-681), 9, 105 ;
198, 228, 231, 296, 311, 441. (In Trullo, 691-692), 10, 94, 98,
Cibyrrhéotes, 14-15, 155, 403, 408, 105, 107, 116-117, 317-318, 338,
413, 426, 438. 380 ; (Hiéreia, 754), 15-16, 18, 106,
Cilicie, 5, 8, 12, 33, 55, 57, 63, 119, 110, 327, 343 ; (Nicée II, 787), 17,
148, 167, 197, 215, 397, 399, 401- 20, 94, 106-107, 116, 332, 337 ;
403, 405-406, 414, 416-417, 421- (861), 106-107, 113 ; (869-870), 95,
422, 433, 435, 437-438. 106, 113.
Civetot, 54. Conrad III (empereur), 58-59.
Civitate, 47, 486. Constant II (empereur), 3, 6-7, 72, 77,
Claudiopolis, 438. 98, 152, 155, 171, 213, 290, 477,
cleisourie/cleisourarque, 27, 147-148, 480.
153, 305, 399, 405-406, 416, 488. Constantia, 469.
Clément, 452. Constantin III (empereur), 3.
clercs, 96, 98-100, 265 (Sainte- Constantin IV (empereur), 7-9, 72,
Sophie), 275, 318, 322, 324, 326, 166, 290, 447.
333-334, 365, 421, 453. Constantin V (empereur), 14-17, 73,
Code rural, 229, 232, 234, 237, 239. 75, 98, 147, 157, 164, 205, 251,
514 Le monde byzantin

253, 262, 301, 343, 346, 380, 386, Cyclades, 155-156.


448-449. Cyrille (Constantin), 21, 93, 112, 353,
Constantin VI (empereur), 17, 72, 86, 451.
213, 291, 448. Cyrille le Philéote, 329.
Constantin VII (empereur), 26, 29, 31- Cyzique, 7-8, 95, 441.
33, 71, 73-74, 77-78, 149, 151, 244,
266, 305, 307, 315, 329, 330, 339, Dacie, 90-91.
357-359, 454. Dabatènos, 434.
Constantin VIII (empereur), 33, 39, Dalassène Anne, 45-46, 50, 140, 181,
71, 111, 329. 254, 314.
Constantin IX Monomaque (empe- Dalmatie, 59, 91, 206, 450, 454, 460,
reur), 40-42, 52, 71, 81, 99, 138, 469.
144, 170, 173, 192, 251, 254, 265- Damas, 15, 60, 123-124, 345.
266, 306, 308, 326, 336, 362-363, Damien, 28.
377, 387, 459. Damiette, 343, 346.
Constantin X Doucas (empereur), 42- Danilès, 189.
43, 45, 47-48, 70, 73-74, 81, 429. Dânismend, Dânismendides, 51-52,
Constantin (forum de), 260. 54-55, 57, 60, 434, 436-438.
Constantin (fils de Basile Ier), 25. Daphni, 377.
Constantin (patriarche), 262. Danube, 9, 29, 37, 40, 43, 48, 50,
Constantin, protospathaire, 358. 162, 206-207, 443, 447, 459-460,
Constantin Bodin, 458, 461. 467.
Constantin Képhalas, 357. David du Tao, 37, 423-424.
Constantin Leichoudès (patriarche), Dazimôn, 19, 70.
133, 188, 196, 362. Déabolis, 56.
Constantin Lips (église de), 376. Débeltos, 466.
Constantinople, 217, 249-287, passim. défrichements, 228, 230, 234, 426.
Corfou, 47, 58. Deljean, 458.
Corinthe, 58, 199, 277, 296, 443, 445, dèmes, 74, 253, 258, 260-262.
446, 462-463, 470. Dèmètrias, 463.
Corne d’or, 252, 254-257. dèmosion, 128.
Coron, 463. Denys l’Aréopagite, 326.
Corse, 12. Derkos, 279.
Cosmas (prêtre), 455. Désa, 461.
Cosmas de Maïouma, 346. Deutéron, 254.
Cotyaion, 438. diaconies, 267.
Coumans, 50, 162, 207, 460. Diakonissa, 363.
Crati, 485. didascale, 350, 357 (anonyme), 364-
Crète, 19, 21, 28, 31-32, 79, 146, 153, 365.
160, 165, 167, 184, 198, 227, 231, Digénis Akritas, 368, 374, 388, 406.
343, 346, 429, 441. dignités, 80-82 (tableau).
Crimée, 21, 91, 414, 451, 459. Dinogetia, 459, 466.
Crispin, 159, 433. dikératon, 301.
Croates/Croatie, 29, 446, 451, 454, Dioclée, 458, 461, 470.
461. Diogène 150, 181, 193, 431, 435 cf.
Crypta Balbi (Rome), 299. Romain IV.
Index 515

Nicéphore, 51. Égée, 13, 28, 50, 204, 226, 229, 236,
dirham, 303. 401, 403.
Djazîra, 405, 417-421, 425, 431. Égypte, 3, 10, 13, 30, 32, 35, 60-61,
djihâd, 15, 20, 31, 173. 64, 89, 152, 161, 251, 276, 337,
Dobromir, 469. 397, 427.
Dobronas, 458. eidikon, 143, 145, 156, 167, 294.
Docheiariou, 338. Eisagogè, 97, 355.
Domninos, 253, 268. Éleïgmoi, 337.
dôréa, 188. élevage, 231-232, 466.
Dorylée, 55, 57, 403, 410, 438-439. Éleuthère (exarque), 476.
Dragonara, 486. Éleuthère de Paphlagonie, 428.
Élie le Spéléote, 490.
drongaire de la Veille, 145, 257, 264.
Elpidios, 480-481.
Drougoubites, 450.
embolos, 256.
doulos, 192.
encens/encensoirs, 98, 261, 268, 321,
Dristra, 35, 50, 455, 457, 459. 325, 327-328.
drome, 144. Enez, 378.
duc, 148, 422, 438. enkolpion, 392.
Dubrovnik (cf. Raguse), 450. Enna, 481.
Doucas, cf. Constantin X, Michel VII, éparque, 258, 260, 263-264, passim,
178, 180-181, 254, 410, 420, 431. 329, 443 (Illyricum).
Andronic (dom. des scholes), 27, Éphèse, 12, 51, 56, 217, 299, 302,
131, 193. 409, 413, 428, 435, 438-439.
Andronic, fils de Jean, 45, 244. épibolè, 128.
Constantin (dom. des scholes), 28, Épire, 432.
195. épiskepsis/épiskeptitès, 144, 170, 243-
Constantin, fils de Michel VII, 46- 244, 264, 427, 466.
47, 49, 51. ergastèrion, 272-273, 274, 283, 285.
Constantin (duc de Dalmatie), 461. Euphèmios, 480.
Irène, 365, 366. Ézérites, 450.
Jean (César), 45, 49, 162. Erzindjan, 434.
Jean (beau-frère de Alexis Ier), esclaves, 224-225, 284-285.
458. MM Étienne II (pape), 15.
Dvin, 5, 417, 424, 429. Étienne (patriarche), 26.
Dyrrachion, 46-47, 50, 56, 62, 163, Étienne de Blois, 54-55.
450, 456, 458, 460, 465, 469-470. Étienne de Hongrie, 454, 460-461.
Étienne Némanja, 470.
échanges, 298 et 299 (rétraction). Étienne de Nicomédie, 428.
Ecloga, 136, 154, 168, 276, 316-317, Étienne le Jeune (saint), 16, 253, 262,
451. 329.
école, 341, 351 (Magnaure), 357 (no- Eubée, 227, 278.
taires), 358 (Magnaure), 361 (Saint- Euchaïna, 413.
Pierre), 363. Euchaïtes, 411, 413, 429.
Édesse, 30, 39, 48-49, 53, 55, 58, 208, Eudocie Baïanè (impératrice), 26.
267, 344-346, 361, 421, 424-425, Eudocie Ingérina (impératrice), 22,
433. 196.
516 Le monde byzantin

Eudocie Makrembolitissa (impéra- Gagik II d’Ani, 41, 197, 424.


trice), 43, 45, 70, 74, 127. Gagik de Kars, 48, 424.
Eulalios, 390. Galatie, 237, 400-401, 407, 411, 414,
eunuques, 74, 80, 86-87. 437.
Euphèmios, 19, 198, 482. Galésion (Mont), 336, 338, 427.
Euphrate, 32, 399-400, 405-406, 416, Gallipoli, 207, 485.
418, 421-422, 429, 433. Gangra, 13, 57, 429, 438.
Euphratèse, 397, 433. Ganos, 227.
Euphrosyne (impératrice), 74. Gargano, 272.
Euphrosyne Kamatèrissa (impératrice), Garidas, 363.
187. Gênes/Génois, 60, 63, 161, 251, 256,
Euripe, 149. 277.
Eustathe de Thessalonique, 118, 324, génikon, 127, 143, 145, 253, 276.
340, 365, 465. Géoponiques, 227, 229, 244, 359.
Eustrate de Nicée, 108, 367. Georges d’Amastris, 412.
Euthyme (patriarche), 26, 29, 95, 318, Georges Choiroboskos, 344, 350.
319, 356. Georges le Syncelle, 348-349.
Euthyme de Sardes, 19, 329, 428. Georges Pisidès, 342.
Eutychios (exarque), 477. Géorgie, 412.
évêque, 116-117. Géorgiens, 183.
exarque, 5, 11, 13, 146, 263 et 271 (de Germain (patriarche), 177, 252, 327,
métiers), 475-476, 494. 343, 346.
excubites, 157, 159. Germanicée, 402, 421, 433.
exkousseia, 131-132, 134. Géza II, 461.
exploitation paysanne, 224-226. Ghassanides, 205.
Giovinazzo, 485.
Glykas Michel, 367-368.
Fâtimides, 32, 35, 37-39, 48, 60, 418,
Gnuni, 176.
420.
Godefroi de Bouillon, 54.
Fiorentino, 486.
Gongylios Constantin, 31.
fiscalité, 299. Gotthograikoi, 204-205.
flotte, 155-156, 160-161, 165, passim. grammatikos, 140, 344-346, 363.
folles anonymes, 306. Grèce (cf. aussi Hellade, Péloponnèse),
forêt, 231. 14, 18, 37, 199, 206-207, 209, 213,
Francs, 15, 18, 46, 53, 57, 60-61, 158, 217, 230, 236, 241, 251, 446, 470-
159, 161, 183, 433, 477. 471.
Frédéric Barberousse, 59, 63, 461, Grégoire le Grand (pape), 473, 476,
469. 480-481.
funérailles, 320. Grégoire, asèkrètès, 358.
Grégoire (exarque), 5.
Gabalas, 176. Grégoire II (pape), 13, 477.
Gabras, 429, 437. Grégoire III (pape), 13.
Constantin, 439. Grégoire VII (pape), 53, 112-113.
Théodore, 51, 390, 439. Grégoire de Nicée, 122.
Gabriel, 52, 197. Grégoire Magistros, 197.
Gaëte, 479, 490. Grottaferrata, 490.
Index 517

Guillaume de Sicile, 59. Iaroslav de Kiev, 40.


Guillaume de Tyr, 61. Iasitès Michel, 187.
Gülü Dere (Saint-Jean), 381. Ibérie/Ibères, 12, 42, 170, 419, 424,
429.
Hadrien II, 112, 451. Ibérie (duché), 423-424.
Haimos, 9, 443, 448, 459. Ibn al-Faqîh, 164.
Halmyros, 463. Ibrahim Inal, 41.
Halys, 400, 422, 438. icône, 321, 330-333, 370, 373, 386.
Hamdanides, 417, 420. iconoclasme, 13-15, 18-20, 78, 106-
Harald de Norvège, 85, 162. 108, 240, 262, 265, 313, 327, 343,
Hârûn al-Rashîd (calife), 17, 402. 349-350, 370-371, 379-381, 386,
Hebdomon, 260, 321. 411, 477.
Hélène fille de Romain Ier (impéra- Idrisi, 463, 465.
trice), 29, 31, 74. Ifrîqiya, 32, 475, 491.
Hellade, 13, 15, 146, 148, 153, 161, Ignace (patriarche), 20-21, 23, 25, 86,
251, 445, 450, 462-463. 95, 106, 113, 452.
Helladikoi, 449. Ignace le diacre, 240, 348, 350.
Hellespont, 152, 400. Igor, 30.
Henri IV (empereur), 50. Ikhshîdides, 32.
Henri VI (empereur), 63. Ikonion/Konya, 13, 56, 63, 403, 406,
Henri Dandolo, 64-65. 413, 433-434, 436.
Héraclée de Cappadoce, 55. Illyricum, 14, 90-91, 146, 290, 477.
Héraclée de Thrace, 95. Innocent III (pape), 64, 469.
Héraclée du Pont, 434, 438. insignes impériaux (akakia, 70).
Héraclius (empereur), 3, 6-7, 10, 14, Iôannina, 446.
98, 122, 152, 167-168, 265, 290, Irène (impératrice), 17, 72, 86, 157,
401-402, 446. 196, 240.
Héraclonas (empereur), 3. Irène de Hongrie (impératrice), 265,
Hervé, 159, 433. 387.
hésychastes, 336. Irène Doukaina (impératrice), 49, 56,
Héthoumides, 197, 433. 73-74, 187, 255, 266.
Hicanates, 158. Isaac Ier Comnène (empereur), 42-43,
Himérios, 28. 45, 83, 97, 101, 132, 180-181, 186,
Hippodrome, 72, 79, 145, 252-253, 195, 255, 339, 457.
259, 261. Isaac II Ange (empereur), 62-63, 73,
histaménon (nomisma), 307. 77, 123, 161, 195, 198-199, 469-
Hodègoi, 254, 260, 267, 336. 470.
Hongrois/Hongrie, 32, 59, 173, 454, Isaccea, 466.
459-461. Isaurie, 401, 414, 438.
Hosios Loukas, 338, 376-377, 383. Isauriens, 126, 130, 136, 154, 156,
Hrabr, 453. 177, 178, 252.
Hughes de Provence, 30. Isola Capo Rizzuto, 485.
Humbert (cardinal), 41, 113. Italie/Italiens, 7, 10, 30, 32, 34-35, 38,
Humbertopoulos, 159. 41, 47, 61, 76-77, 91-92, 122, 146,
Hymnographie, 346. 152, 169, 177, 206, 215, 217, 226,
Hyperpère (nomisma), 309-312. 236, 276-277, 443, 467, 473-494.
518 Le monde byzantin

Italikos Michel, 243, 365-366. Kalomodios, 276.


Italos Jean, 363-364. Kamatèros, 179.
Ivanko, 469. Kamytzès, 189.
Iviron, 36, 227, 336, 338, 340, 424, Manuel, 470.
468. kapnikon, 128, 301.
Kappadokès Georges, 254.
Jacobites, 119, 421, 429, 435.
Kaputru, 41.
Jean Ier Tzimiskès (empereur), 32-34,
Karaïtes, 121-122.
35, 71, 75, 79, 104, 118, 148, 157-
Karbéas, 20-21.
158, 172, 186, 195-196, 306, 319,
Kars, 424, 433.
336, 417, 422, 455.
Kastamon, 51, 57, 438.
Jean II Comnène (empereur), 51, 56-
Kastoria, 50, 121.
58, 79, 184, 213, 265-266, 287,
Katakalon Léon (dom. des scholes),
390, 437-439, 460.
27.
Jean le Grammarien (patriarche), 19,
Kataphlôros, 179.
20, 324, 350, 352.
Katasképè, 340.
Jean Agapètos (patriarche), 366.
Kathara, 237.
Jean X Kamatèros (patriarche), 94.
Kathisma, 261-262.
Jean VIII (pape), 25, 113.
Kégénès, 40, 459.
Jean (archevêque de Bulgarie), 457.
Kékauménos, 178, 435.
Jean Charax, 344.
N. (auteur des Conseils et récits), 126,
Jean Climaque, 319-320.
162, 193.
Jean Damascène, 123, 343, 345-346.
Katakalon, 42, 83.
Jean l’Exarque, 453.
kékôluména, 260.
Jean Italos, 52, 108, 372.
Keltzénè, 92.
Jean de Mélitène, 429.
kération, 283.
Jean de Sardes, 345.
Khazars, 9, 14, 21, 30, 73, 402, 447,
Jean de Trani, 93, 113.
451, 459.
Jean le Géomètre, 71.
Kiev, 31, 33, 36, 93, 134, 459.
Jean l’Ibère (338).
Kilidj Arslân I (sultan), 51-52, 56, 434.
Jean l’Orphanotrophe, 39-40, 86-87,
Kilidj Arslân II (sultan)60, 436.
458.
klasma, 133, 232-233, 237.
Jean l’Oxite, 336.
Kleidion, 37, 456.
Jean Xiphilin (patriarche), 42, 138,
koinônia, 276, 279.
254, 362.
Kolpos, 156.
Jérusalem, 33, 35, 53, 55, 60, 64, 89,
Komètas, 351.
109-111, 121, 123, 174, 267 (Nou-
kommerkion, 130, 276, 302.
velle J.), 330, 345, 427.
Konya, cf. Ikonion.
juges, 145, 147-148, 149.
Kônsta ta, 253.
Juifs, 121-122, 210, 463, 465, 467.
Koropi, 383.
Justinien Ier (empereur), 97, 106, 126,
Kosmas II (patriarche), 108.
136, 152.
Kosmas (prêtre), 120.
Justinien II (empereur), 9-10, 12, 72,
Kosmidion, 266, 268.
161, 213, 253, 260, 448-449, 480.
Kosmosôtira, 336, 338, 378, 391, 468.
Kairouan, 11. Kouber, 9, 446-447.
Kalojean de Bulgarie, 62, 469. Koulpiggoi, 159.
Index 519

Kourikos, 438-439. Léon V (empereur), 18-19, 70-71, 73-


Kourkouas, 32, 178, 186, 419. 74, 75, 97, 156, 194-195, 346, 448.
Jean (dom. des scholes), 29-30, 267, Léon VI (empereur), 22, 25-28, 74,
417. 77, 80, 85-87, 91, 97, 107, 137-
Théophile, 417. 139, 164, 166, 173, 178, 265, 269,
Kouvrat, 446. 276, 279, 292, 303-304, 315, 317-
Kratéroi, 178. 318, 323, 328, 355-357, 381, 453.
Kroum (khan bulgare), 17-18, 22, Léon IX (pape), 41-42, 113.
448-449. Léon (archevêque de Bulgarie), 93,
ktitôr (fondateur) 336, 340. 113, 458.
Kurbinovo, 384. Léon le Mathématicien, 350-351,
Kusayla, 11. 352-353.
Kyminas (mont), 337, 412, 428. Léon de Tripoli, 28.
Kyprianos Nicétas, 367. Léonce (empereur), 10.
Kypséla, 167. Léonce de Jérusalem (patriarche), 330.
Kyriotissa (monastère de la), 378. Lesbos, 227.
Kyros (patriarche), 3. Liban, 213.
Libye, 5.
Lacédémone, 117, 470. Ligurie, 475.
Lilybée, 480.
Lachanodrakôn, 16.
Liturgie, 10, 21, 89, 96, 100, 102, 106,
Lamia (grenier), 255.
108-110, 114, 117, 207, 209, 267,
Lamos, 405-406.
319, 322, 325-328, 373, 384-386,
Langobardie, 25, 30, 91, 482-483, 391, 490.
487-488, 490-492, 494. Liutprand (roi lombard), 14, 475.
Laodicée du Méandre, 438-439. Liutprand de Crémone, 34, 78, 83,
Lapardas, 184. 258.
Larissa, 446. Livre de l’éparque, 138, 268-271,
Lascaris, 179. 273, 283-284, 357, 466.
Théodore, 63. Ljutovid, 458.
Latinianon, 490. logothète du prétoire, 263.
Latins, 54, 57, 85, 113, 159, 162, 208, Loi agraire, 136-137 ; Loi militaire,
322, 325, 338, 465. 137 ; Loi rhodienne, 137.
Latros, 337-338, 412, 428. Lombards, 5, 8, 14, 18, 34, 90, 146,
Lavra, 32, 134, 336, 338, 468. 152, 198, 206, 473, 475-476, 466,
Lazare le Galésiote, 329, 338. 480, 489, 494.
Lazique, 12, 91, 411, 414, 424, 427, Long Mur d’Anastase, 256, 264.
429. Lopadion, 57, 167, 439-440.
Lébounion, 50, 75, 173, 460. Lori, 424.
Le Caire, 76, 121, 276. Loulon, 291.
Lecapène : cf. Basile, Hélène, Romain, Louis II (empereur), 25, 451-452,
178, 419. 482. MM
Léon III (empereur), 12-14, 71, 78, Louis VII, 56.
90- 92, 98, 141, 156, 195, 298, 301, lousma, 253, 267.
322, 327, 343, 380. Luc Chrysobergès (patriarche), 102.
Léon IV (empereur), 16-17. Lucanie, 483.
520 Le monde byzantin

Lucera, 487. marchands, 135, 137, 275, 276-277,


Lycaonie, 119, 400, 403, 406-407, 292, 302 (nauclères), 410, 413, 427,
411, 413, 437. 464-465, 468.
Lycie, 216, 218, 239, 403, 408-409, Mardaïtes, 5-6, 9, 213, 404.
413, 438-439. Marguerite de Hongrie, 73, 469.
Lydie, 400. mariage, 189-190, 316-317.
Lykandos, 27, 197, 416, 421-422. Marie d’Alanie (impératrice), 46, 73,
186.
Macédoine, 14-16, 22, 90, 159, 179, Marie d’Antioche (impératrice), 60-
206, 208, 209, 213, 216-217, 219, 61, 139.
226-237, 241, 246, 278, 397, 432, Marie de Bulgarie, 29, 73, 454.
450, 468. Marina, 260.
Machairas, 442. Maritsa, 443, 467.
magie, 321, 324. Maronites, 105, 412.
Magnaure, 78, 95, 259, 351, 358. Martin Ier (pape), 477.
Mahomet, 123. Martine, 3.
maïstôr, 358, 361-363, 365. Marwânides, 420, 424-425.
Makrembolitès, 180. Maslama, 10, 12-13.
Malagina, 167, 439. Matthieu d’Édesse, 197.
Maléïnos, 150, 177-179, 184, 190, Maures, 11, 146, 152.
410, 419, 420. Maurice (exarque).
Eustathe, 189, 242, 426. Mauro, 272.
Michel, 314, 329, 337, 412. Mauropous Jean, 173, 183, 361-362.
Malik Shâh, 49, 51, 430. Mauros, 446.
Mamikonians, 176. Mazara, 482.
Mandalès, 434. Maxime le Confesseur, 98, 110, 112,
Mandylion, 259, 267. 122, 326, 329.
Manganes, 133, 138, 144, 146, 254, Méandre, 57, 59, 61, 436.
266. mégaduc, 148.
Maniakès Georges, 39-41, 193, 482, Mélanoudion, 438.
486. Melfi, 47, 486.
Manichéens, 455. Mélias (dom. des scholes), 35.
Mankaphas Théodore, 62, 198-199, Mélias, 27, 29.
296, 440. Mélingues, 450.
Manuel Ier Comnène (empereur), 58- mélismos, 373, 384-385.
60, 61, 62, 65, 73, 77, 79, 81, 85- Mélissènos, 178, 181, 410, 431.
86, 98, 103, 109, 116, 119, 159, Nicéphore, 46, 49, 134, 435, 464,
162, 170-171, 174, 186, 255, 289, 468.
306, 310-311, 324, 330, 340, 387- Mélitène, 14-15, 20-21, 23, 25, 30, 49,
388, 436-439, 460-461, 464. 118-119, 178, 401-403, 405-406,
Manuel (stratège VIIe s.), 5. 410-411, 417, 419-421, 422, 429,
Manuel (dom. des scholes), 193. 433-434.
Manuel (monastère de), 266. Melkites, 105, 412.
Mantzikert, 41, 45, 48, 140, 417, 420, Mengüchek, 434.
423, 425, 431. mer Égée, 155.
Marcellai, 448. mer Noire, 277, 427, 466.
Index 521

Merkourion, 490. Molfetta, 485.


Mésaritès, 186. monastères, 275.
Mésaritès Nicolas, 386. Monemvasie, 463.
Mésè, 252, 254, 256, 261, 285. monnaie, 290 (umayyade), 292
Mésemvria, 466. (poids) ; 297, 303 (coins) ; 297 (ate-
Mésie, 91. liers provinciaux) ; 491 (Italie).
Mésokèpion, 260. Monopoli, 485.
Mésopotamie, 5, 14, 27, 30, 32-33, monophysites, 316.
118, 141, 178, 397, 399, 403, 405, Montferrat, 61.
412, 416-417, 419, 421-422, 435. Boniface de, 64.
Mésopotamie de l’Occident, 455. Conrad de, 62.
Méthode (patriarche), 19-20, 112, 481. Rénier de, 62, 134, 464.
Méthode, 21, 93, 113, 451-452. monnaie, 52, 84.
métiers, 268-270, 282 (de la soie), Mont-Cassin, 488, 490-491.
283. MM Montecorvino, 486.
Michel Ier Rhangabé (empereur), 18, Montemilone, 485.
20, 70, 75, 323. Mopsueste, 12, 33, 417.
Michel II (empereur), 19, 74, 120, Morava, 443.
177, 195. Moravie, 21, 112, 451-453.
Michel III (empereur), 20-22, 26, 71, Môrocharzanioi, 352.
123, 166, 172, 196, 259, 342. Mossoul, 35.
Michel IV (empereur), 39, 86-87, 266, Mottola, 486.
307. Mu’âwiya (calife), 5-8, 167, 441.
Michel V (empereur), 40, 260-261. musulmans, 122-123.
Michel VI Bringas (empereur), 42, 87, Mylasa, 438.
196, 255. Myre, 414, 439.
Michel VII Doucas (empereur), 43, Myrélaion, 253-254.
45, 47, 49, 73, 81, 83, 156, 159, Myrioképhalon, 61, 163, 435-436.
308, 309, 311. Mysie, 400, 403.
Michel Cérulaire (patriarche), 41-43, Mzézios, 7.
94, 97, 111, 113, 180, 195, 251,
322. Naples, 91, 298, 475-479, 483, 491,
Michel d’Anchialos, 367. 493-494.
Michel d’Éphèse, 367. Narentinoi, 450.
Michel Lachanodrakôn, 337. Naum, 452.
Michel le Syncelle, 344-345. Naupacte, 198.
Milet, 244, 403, 412, 428, 438. Nauplie, 199, 446, 470.
miliarèsion, 283, 303, 307. Néa, 253, 259-260, 376-377.
Million, 386. Néakastra, 59.
Minervino, 485. Némanja, 461, 469, 470.
mines, 290, 462. Némitzoi, 159.
minuscule, 347. Néocésarée, 51, 57, 433-434, 437.
Mirdâsides, 39, 425. Néakastra, 438.
mitaton, 129, 170, 255, 277. Néorion (Constantinople), 251, 255.
Mitylène (cf. Lesbos), 434. nestoriens, 316.
Modon, 463. Nicastro, 485.
522 Le monde byzantin

Nicée, 13, 17, 49-50, 62, 166, 235, Nomocanon, 106-107.


240, 279, 345, 374-375, 406, 409, Normands, 41, 47, 58-59, 62-63, 113,
426-427, 434-435, 438, 440, 470. 159, 161, 198, 435, 458, 464, 466,
Nicéphore Ier (empereur), 17, 76, 120, 469, 479, 487-488, 491.
130, 135, 157, 194, 196, 275-276, notaire, 138.
448, 450. novelle, 137-138, (996) 239-241, 339,
Nicéphore II Phocas (empereur), 32- 362, 364, 492.
34, 71, 74, 76-77, 104, 118, 126, Noviodunum, 459.
130, 157, 158, 165, 169-170, 174, Nûr al-Dîn, 60-61.
178, 195-196, 228, 236, 269, 305,
307, 319, 323, 339-340, 417, 419, Ochrida, 93, 366, 453, 456-458, 466,
455, 483. 469.
Nicéphore III Botaneiatès (empereur), Oderzo, 475.
45-47, 49, 53, 84, 127, 158, 181, Odon de Deuil, 58.
186, 435. oikos, 127 (euagès), 143, 169-170, 189-
Nicéphore (patriarche), 18, 20, 97-98, 191, 253, 258, 260, 274-275, 280,
342, 348, 349, 350. 340 (euagès), 410, 426.
Nicéphore, patrice, 358. Oleg, 30.
Nicéphoritzès, 45, 48, 127, 189, 279, Olga (de Kiev), 31.
467. Oltisi, 423.
Nicétas d’Amasée, 428. Olympe de Bithynie, 329, 337, 362,
Nicétas de Byzance, 123. 412.
Nicétas de Chônes, 437, 439. Olympias, 47, 73.
Nicétas de Nicomédie, 364. Olympios, 477.
Nicétas le Paphlagonien, 354, 356. Oppido, 486-487, 492.
Nicétas Stétathos, 319. Opsikion, 19, 146, 152-153, 156-157,
Nicolas Ier (pape), 21, 90, 113, 452. 240, 258, 403-404, 408, 413, 428,
Nicolas Mystikos (patriarche), 26, 28- 438.
29, 91, 95-97, 124, 265, 315, 318, Optimates, 404, 408, 413, 438.
454. Oreste le koitonite, 38.
Nicolas III Grammatikos (patriarche), Oria, 492.
92, 95, 101. Orobè, 445.
Nicolas Stoudite, 346. Orphanotrophe, cf. Jean, 144, 146.
Nicomédie, 51, 406, 413, 427, 438, Orphanotropheion, 366.
439. Otrante, 50, 92, 160, 481, 485, 490.
Nikon de la Montagne Noire, 336. Ouranos Nicéphore, 144.
Nikon le Métanoïte, 32, 117, 121, Otton Ier, 34, 76.
428, 441, 467. Otton II, 34, 76.
Nikopolis, 450. Otton III, 35, 39, 76.
Nil de Rossano, 490. Ouzes, 207, 459.
Nil le Calabrais, 108.
Niphôn, 98, 108. Pàcuiul lui Soare, 457, 466.
Nish, 443, 458-459, 469. paideia, 341, 343, 346 (enkyklios), 348.
Nisibe, 30. Paidianitè Anne, 281.
Noepoli, 485. Païpert, 429, 434.
nomisma, 291-292, passim. Palaia Logarikè, 294.
Index 523

Pakourianos Grégoire, 132, 162, 244, Peira, 285.


338, 340, 468. pénitence, 318, 322.
Palais (grand), 13, 78, 83, 100, 135, Pentapole, 475.
145, 157, 190, 253, 259-260, 261, Péra, 251, 256.
268, 274-275, 328, 374, 427. Pérama, 255-256.
Palatinos Eustathe, 484. Perboundos, 8.
Paléologue, 177, 179, 468. Pergame, 299, 374, 409, 438-439.
Alexis, 63. Pérouse, 475.
Georges, 50. Petchénègues, 34, 40-41, 47-48, 50-
Palerme, 19, 480, 482. 51, 57, 75, 159, 162, 207, 435, 450,
Palestine, 6, 54, 89, 121, 155, 226, 454, 458-459.
276-277, 325, 337, 343, 345-346, Pétraliphas, 184.
348, 349, 397. Pétrion, 253-255.
Pamphylie, 213, 403, 407-409, 414, Pétrônas, 20.
438-439. Phasis, 91.
Panagia Drosianè (Naxos), 382. Philadelphie, 56, 62, 198, 296, 435,
Pangée, 462. 438-440.
Pankratios, 84. Philarète, 410, 412.
Pannonie, 451. Philippe Auguste, 63.
Panteugénos, 99. Philippes, 446.
Paphlagonie, 51, 55, 57, 86, 178, 404, Philippikos (empereur), 12, 177.
407, 409-410, 412, 414, 425, 427, Philippoupolis, 18, 365, 443, 446, 455,
429, 432, 434, 437-438, 493. 466-468.
Papier, 347. Philomèlion, 56, 438.
Papyrus, 346-347. Philothée, 262-263.
Paradounavon, 48. Phocas (empereur), 262.
parathalassitès, 264. Phocas, cf. Nicéphore II, 31, 37, 39,
parchemin, 346. 150, 177-179, 184, 193, 242, 258,
parèques, 223-224, 492. 280, 410, 419-420.
Paristrion, 456-457, 460, 466. Bardas l’Ancien (dom. des scholes),
Pascal II (pape), 55. 31, 178, 417.
Patara, 439. Bardas le Jeune (dom. des scholes),
Patmos, cf. Christodoulos, 338, 347, 34, 36, 178, 195.
441. Constantin, 31, 178, 417.
Patras, 18, 355, 449-450. Léon l’Ancien (dom. des scholes),
patriarche de Constantinople, 94-97, 29.
passim. Léon le Jeune (dom. des scholes),
Patriarcheion, 99. 32, 34, 165, 178, 417.
Paul du Latros, 338. Nicéphore l’Ancien (dom. des scho-
Pauliciens, 20-21, 23, 120, 209, 213, les), 25, 139, 406.
323, 406, 411, 414, 420, 455. Nicéphore au Col-Tors, 38.
Pavie, 483. Phocée, 434.
Péloponnèse, 14, 18, 134, 148, 161, Phoundagiagites, 120, 428.
189, 197, 206, 209, 226, 231, 462, Photius, 21-23, 25-26, 92, 94-97, 107,
467. 111-113, 117, 137, 177, 244, 346,
Pègè, 268, 383. 352-355, 452.
524 Le monde byzantin

Phrygie, 119, 167, 209, 227, 400-402, Raguse, 450, 460, 466.
411, 426, 438. Rametta, 482.
Pierre de Bulgarie, 29, 33-34, 73, 454, Rapolla, 485.
455, 469. Rascie, 461.
Pierre, frère de Asen, 469. Ratislav, 21.
Pierre Deljean, 39. Ravenne, 10, 12, 14-15, 91, 298, 475-
Pierre (patriarche d’Antioche), 111. 479, 493.
Pierre de Sicile, 120. Raymond d’Antioche, 57.
Pierre l’Ermite, 54. Raymond de Saint-Gilles, 54-55.
Pierre le stratopédarque, 33. Reggio, 296, 482-483, 492.
Pise/Pisans, 63, 161, 251, 256, 277. Reliques, 36, 113, 258-259, 267-268,
Pisidie, 153, 401-402. 321, 327-328, 330-331, 334, 373,
Platon, 177, 337, 346, 348-349, 412. 377, 451.
Pliska, 9, 447-448, 452-453. Rhaidestos, 266, 278, 279 (phoundax),
Podandos, 421. 280, 467.
Polignano, 485, 488. Rhodes, 7, 8, 227, 278, 441.
Polyeucte (patriarche), 34, 104, 174, Rhodope, 443, 450.
319, 323. Rialto, 475.
Pompeioupolis, 92. Richard Cœur de Lion, 63, 198.
Pont, 90, 251, 397, 407-408, 414, 437. Ripalta, 485.
population (estimations), 218-219, Roger II de Sicile, 58-59, 462-463.
249, 251. Robert de Flandre, 53-54.
porphyrogénète, 69, 259 (Porphyra). Robert de Normandie, 54.
Port Julien, 252. Robert Guiscard, 47, 50, 465.
Porte d’Or, 261. roga, 43, 83, 135, 140, 172, 274, 280,
Pouilles, 25, 47, 59, 226, 228, 230, 304-305, 309, 339, 363.
235, 297, 473, 482-493. Roger d’Antioche, 57.
praktikon, 127. Roger, 184.
Preslav, 34-35, 453, 455, 457, 466. Jean, 134.
Preslavitsa, 455, 459. Romain Ier Lécapène (empereur), 29-,
Prespa, 456. 31, 73, 122, 195, 253, 266-267,
prêt à intérêt, 276, 324. 339, 454.
proasteion, 223-224, 238. Romain II (empereur), 32, 33, 73-74,
Proconsulaire, 11. 87, 158, 329.
Promoudènos, 179. Romain III Argyros (empereur), 39,
pronoia, 133-134, 170-171. 254, 266, 268, 458.
Prôtaton, 336. Romain IV Diogène (empereur), 43,
Psellos Michel, 43, 180, 183, 186, 196, 45, 48-49, 70, 74, 140, 158, 166,
229, 244, 258, 281, 314, 337, 340, 186, 194, 308-309, 433-434.
361-362, 368. Rômaios Eustathe, 145, 363, 367.
Ptéléos, 278. Rome, 7, 10, 22, 31, 89-91, 93, 105-
106, 111-112, 172, 272, 298, 470,
quadrivium, 345, 351, 362-363, 367.
473, 476, 477, 479, 493.
Quarante-Martyrs, 363.
Rossano, 484, 488.
Rabbanites, 122. Rothari, 473.
Radolivos, 225, 230, 233. Roupénides, 197, 433, 435.
Index 525

Roussel de Bailleul, 49, 159, 162, 433. Sangarios, 436.


Rûm (sultanat), 51, 436-437, 440. Santa Maria Antica (Rome), 382.
Russes ou Rhôs, 21, 25, 30, 35-36, 77, Santa Severina, 482, 484.
159, 251, 277, 285, 338, 455, 459, Saracènes, 159.
460. Sardaigne, 12, 152, 296, 473, 479.
Russie, 92-93. Sardes, 296, 299, 409, 438.
Sayf al-Dawla, 30-33, 165, 417.
Saba, 470. scholes, 157-158, 165.
sacelle, 143, 145. Sclavènes/sclavinies, 8, 15, 206-207,
saint militaire, 174. 212, 448-449.
Saint-Bassianos, 254. scriptorium, 348-349.
Saint-Eugène (couvent), 338. Scythie, 91.
Saint-Georges-le-Tropaiophore, 42, sébaste, 81.
378. Sébastée, 27, 405-406, 413, 421, 424,
Saint-Jean-Prodrome de l’Oxeia, 268. 433, 434.
Saint-Mamas, 254. Sébastoupolis, 9.
Saint-Pantéléimôn, 338. sékréton, 127, 133, 140, 264, 280, 294,
Saint-Philippe d’Agira. 340.
Saint-Pierre, 361, 363. Séleucie, 31, 148, 153, 178, 408, 414,
Saint-Sabas, 237, 344-345. 416, 427, 438-439.
Saint-Sépulcre, 54. Sénachérim Artzruni, 37, 424.
Saint-Théodore de Sphorakios, 363. Sénat/sénateurs, 44, 69, 72, 74-75,
Saints-Apôtres, 26, 321, 380. 80-81, 83-84, 176-177, 189, 192,
Sainte-Euphémie, 253-254. 196, 262, 273, 281-282, 328-329,
Sainte-Irène, 375. 476.
Sainte-Sophie, 26, 52, 62, 72, 75, 94, Septem, 152.
95, 98-101, (rite) 109-110, 113, 253, Serbie/Serbes, 29, 91, 197, 207, 213,
261, 265, 266, 268, 271, 315, 318- 338, 446, 451, 454, 457-458, 460,
319, 326-329, 364, 377, 381, 387. 469-470.
Sainte-Sophie de Kiev, 387. Serblias, 179.
sainteté, 329-330. Serdica, cf. Sofia.
Sakellion, 294. Serge Ier (pape), 10, 478.
Sakkoudion, 337, 347. Serge, 480.
Saladin, 60-61, 63, 123. Serrès, 92.
Saldjûkides, 40, 46-49, 51-52, 54, 148, Seth Syméon, 361, 367.
424, 433-438. Sgouros Léon, 199, 470.
Salento, 490, 494. Shâhanshâh, 56.
Salerne, 475, 490, 491. Shaïzar, 57.
Saltuk, 434. Sibenik, 460.
Samônas, 28. Sicile, 7, 12-13, 20, 25, 33, 38-40, 47,
Samos, 434. 63, 90, 91, 93, 146, 153, 155, 162,
Samosate, 32, 406. 198, 207, 213, 297-299, 311-312,
Samuel de Bulgarie, 36-37, 456-457, 473, 476, 479-480, 482, 483, 486,
458. 489, 491, 493-494.
San Chirico Raparo, 485. Sinaï (Sainte-Catherine), 337.
San Vincenzo al Volturno, 488. Sinasos (Saints-Apôtres), 381.
526 Le monde byzantin

Sinope, 52, 414, 427, 435, 438. Strymon, 172 (roga du thème), 443
Sirmium, 456, 458, 460-461, 469. (fleuve), 450.
Sisinnios (patriarche), 37, 95, 317. Stryphnos Michel, 149.
Sklèros/Sklèraina, 177-179, 184, 242, stylites, 335.
410, 419-420. Styppeiôtès, 25.
Bardas, 34-37, 144. Sufétula, 5.
Marie, 40, 81. Sulaymân (sultan), 45, 49-51, 432,
Romain, 40. 434.
Skopje, 443, 457-458. Svyatoslav (prince de Kiev), 31, 33-
Skripou, 376, 378, 462. 35, 455, 459.
Skylitzès, Étienne, 367. Syllaion, 411.
Slaves, 9-10, 18, 153, 156, 161-162, Syméon de Bulgarie, 27-29, 76, 173,
183, 205-207, 213, 216, 445-451, 453-454.
459. Syméon le Nouveau Théologien, 319,
Slovénie, 461. 334, 335, 360-361, 428.
Smbat, 38, 40. Syméon Métaphraste, 330.
Smyrnaios Théodore, 367. symponos, 263-264.
Smyrne, 51, 56, 160, 166, 409, 413, Synada, 227.
427, 429, 434-435, 438-440. Synadènos, 468.
Sofia (cf. Serdica), 17, 36, 443, 446, syndotès, 168-169.
456, 458-460, 466-467. synode, 102-103 ; (1166), 99.
soie, 135, 388. synodikon de l’Orthodoxie, 106-108,
Sophrone (patriarche d’Alexandrie), 117, 335, 364.
344. synonè, 129, 299, 301.
Soublaion, 61, 439. Syracuse, 7, 11, 25, 39, 298, 346, 477,
Sôzopétra, 19. 480-482.
Sôzopolis de Pisidie, 57, 438. Syrie, 5-6, 25, 28, 33, 35, 37, 54-55,
Split, 450, 458, 460. 60, 89, 118, 155, 172, 205, 207,
Spolète, 475-476. 213, 215, 226, 231, 235, 277, 337,
staminum (hyperpère), 310. 397, 399, 401, 405-406, 412, 418,
Staurakios (empereur), 17. 421-422, 427, 431, 433, 435.
Staurakios, 18, 450. Syriens/Syriaques, 208, 216, 277, 420,
stauropégie, 336. 449.
Sténimachos, 468. systèma, cf. métiers.
Stéthatos Nicétas, 113, 334, 361.
Stilo, 486, 490. tagmata, 16-17, 148, 156-159, 164-165
Stoudios (monastère), 96, 254, 260- (effectifs), 170, 172 (rogai), 258, 416,
261, 266, 272, 334, 336-337, 339, 422, 425, 435, 455, 488.
346-347, 349. taktika (militaires), 166.
stratège, 146-147, 148, 152-153, 404. Tancrède, 55-56.
strateia, 156, 169-170, 322. Tao, 37, 423.
Stratègion, 252, 255. Taormine, 25, 482.
stratiôtikon, 143, 145, 147, 164, 168- Taraise, 17, 96, 323, 346, 348, 350,
169 (terres stratiotiques), 169-170 352.
(stratiôtikoi oikoi), 253. Taraise, frère de Photius, 353-354.
Stroumitza, 134. Tarchaneiotès Grégoire, 485.
Index 527

Tarente, 7, 8, 25, 475, 485-486, 488, Théophane Graptos, 345.


492. Théophane le Confesseur, 177, 337,
Taron, 416, 424. 346, 349, 412.
Tarônitès, 181, 183. Théophane Kérameus, 319.
Tarse, 7, 20-21, 25, 27-28, 30, 33, Théophane Nonnos, 360.
405-406, 417, 421, 433. Théophane de Thessalonique, 465.
Tatikios, 184. Théophanô, épouse de Léon VI
Taurus, 25, 31, 33, 153, 231, 235, (impératrice), 26.
399-402, 405, 418, 421, 434. Théophanô, épouse de Romain II
Tavoliere, 486. (impératrice), 33, 34, 74, 196.
taxis, 80, 91. Théophanô, épouse de Otton II, 35,
Télérig (khan bulgare), 15. 76.
Télouch, 39. Théophile (empereur), 19-20, 70, 72,
templon, 385-386. 74, 252-254, 298-299, 303-305,
Téphrikè, 20, 23, 120, 213, 406, 411, 343, 371.
416, 455. Théophilitzès, 192.
Terre sainte, 61, 198, 331. Théophylacte (patriarche), 29.
Tervel (khan bulgare), 12, 448. Théophylacte de Bulgarie, 75, 93,
Tertiveri, 486. 366-367, 458, 466.
Tétartèron (nomisma), 307, 310. Théophylacte Simocattès, 342.
Thèbes, 58, 92, 149, 217, 277, 462, Théophylacte (exarque), 480.
463. Théophobe, 19, 161.
thème, 146-149, 151-156, 164 (effec- Théotokos (représentation), 79, 265,
tifs), 167-170, 421-422, 449-450. 381-384.
Théoctiste, 20, 86, 139. Théotokos des Chalkoprateia, 363.
Théodègios, 351. Théotokos du Néorion, 267.
Théodora (impératrice), 20-21, 72, 74, Théotokos du Pharos, 259, 267, 268,
86, 139, 194. 377, 389.
Théodora, fille de Basile II, 39-40, 42, Théotokos Évergétis, 336, 338.
69, 72. Théotokos Hodèghètria, 267.
Théodore, 351. Théotokos Kécharitôménè, 255, 266,
Théodore (excubite), 487. 336, 367.
Théodore des Blachernes, 334-335. Théotokos Péribléptos, 254, 266,
Théodore Krithinos, 481. 278. MM
Théodore Prodrome, 340, 365-367, Théotokos Skoteinè, 439.
368. Théotokos tôn Panagiou, 254.
Théodore Restuni, 5-6. Théra, 13.
Théodore Stoudite, 17-19, 98, 111- Thessalie, 226-227, 233, 278, 450,
112, 177, 275, 323, 325, 329, 336- 463, 468.
337, 346, 347-348, 349, 412. Thessalonique, 7-9, 18, 27, 50, 62, 63,
Théodose (forum de), 256. 90-91, 134, 146, 206, 212, 215,
Théodose III (empereur), 12. 225, 228, 295, 350, 361, 366, 374-
Théodose Boradiotès (patriarche), 324. 376, 382-383, 388, 443, 446-451,
Théodosia (impératrice), 74. 456, 458, 464-465, 467, 469.
Théodosioupolis, 15, 31, 401-403, Thomas, protospathaire, 353.
405-406, 417, 419, 423, 429, 434. Thomas le Slave, 19, 195, 210.
528 Le monde byzantin

Thondrakites, 411. Tzantzès, 191.


Thrace, 3, 14-16, 18-19, 32, 48, 90, Tzétzès, 275, 366.
146, 152-153, 167, 199, 213, 216,
227, 233, 251, 257-258, 264, 278, bUmar (calife), 5.
286, 290, 397, 445-449, 454-455, Umbriatico, 485.
460, 466-467, 468, 469.
bUqba ibn Nâfib, 11.
Thracésiens, 14, 16, 59, 146, 153,
Urbain II (pape), 53, 113.
199, 337, 403, 408, 410, 413, 419-
Uros, 461.
420, 429, 434, 438-439, 440.
bUthmân (calife), 5.
Tibère III (empereur), 12.
Tichomir, 461.
Tirnovo, 466, 469. Vaccarizza, 485.
Tobiah ben Eliezer, 121. Valaques, 208, 232, 459, 466.
Tobiah ben Moses, 121. Valens (aqueduc dit de), 253, 373.
Tokalî, 381. Valentinos, 3.
Tornikios, 179-180, 183. Van (lac de), 417, 420, 423-424.
Léon, 40-41, 181, 192, 258. Varanges, 85, 157-159, 162, 165, 171,
Tornikios (Géorgien), 36. 456.
tourmarque, 153, 153. Vardar, 443.
trachy (nomisma), 310. Vardariotes, 212.
Traité fiscal, 224, 234-235, 238. Varna, 227, 469.
transferts de population, 212-213. Vaspurakan, 37, 41, 183, 420, 424.
Trani, 488 (cf. Jean de). Vatopédi, 336, 338.
Trébizonde, 38, 51, 91, 296, 338, 358, Vénétie, 473, 475-476, 479.
361, 409, 413-414, 417, 423, 427, Venise, 475, 479, 494.
429, 434, 438-440. Vénitiens, 18, 50, 57-60, 63-64, 76,
Trésors, 290. 130, 135, 139, 160, 207, 251, 255-
Tricarico, 485. 256, 277, 427, 450, 460, 465-466,
triomphe, 79. 473.
Tripoli (Liban), 37, 418. Versinikia, 18.
Troia, 486. vestiarion, 143 (impérial), 191 (privé),
Tughril Beg (sultan), 41, 48. 294.
tughûr, 405. Via Egnati, 9, 50, 443, 449-450, 456,
Turcomans, 431, 433-434, 436-437, 460, 464.
439. Victor II (pape), 42.
Turcs (cf. aussi Saldjûkides), 38, 41, Vidin, 456.
46, passim. vigne, 229.
Turquie (évêché), 454. Villehardouin, 217, 249.
Tursi, 485, 490. Vitalien (pape), 7.
Tyane, 403, 405-406. Vize, 375.
typikon, 109 (liturgique), 188, 243-244, Vladimir (souverain bulgare), 27,
256, 278, 315 et 321 (liturgique), 453. MM
326, 327, 336. Vladimir de Kiev, 36, 73, 315.
Tyrach, 459. Vojislav, 458.
Tzachas, 51, 160, 432, 434-435. Volturno, 491.
Tzamandos, 405, 424. Vukan, 470.
Index 529

Xanthos, 439. Zéta, 470.


Xèros, 179. zeugaratos, 225, 245.
Zichie, 91.
Yaghî-Siyân, 55. Zigabènos Euthyme, 120, 367, 387.
Yazîd, 8. Zôè, fille de Basile II, 39-40, 69, 76,
86, 265, 387.
Zacharie de Chalcédoine, 352. Zôè Zaoutzaina (impératrice), 26.
Zachloumie, 458. Zôè Karbonopsina (impératrice), 26,
Zadar, 450, 458. 28-29, 195, 318.
Zara, 64. Zônaras Jean, 71, 107, 189, 323, 367.
Zengî (émir de Mossoul), 57, 436. zygostatès, 294.
Table des cartes

L’Empire vers 750 (+ noms des provinces anciennes) . . . . . . . . . . . . 4

L’Empire vers le milieu du XIe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

L’Empire vers le milieu du XIIe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

Constantinople médiévale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250

L’Orient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 398

Confins orientaux (frontières) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 415

Les Balkans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 444

L’Italie, IXe-XIe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 474


Table des matières

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V

INTRODUCTION MÉTHODOLOGIQUE ET BIBLIOGRAPHIQUE . . . . . . . . . . . . VII

PREMIÈRE PARTIE

LA FORMATION ET LE DÉVELOPPEMENT
DE L’EMPIRE MÉDIÉVAL :
LES ÉVÉNEMENTS

CHAPITRE PREMIER – BYZANCE SUR LA DÉFENSIVE : LA STA-


BILISATION DES FRONTIÈRES (DU VIIe S. AU MILIEU DU
IXe S.), par Jean-Claude Cheynet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
L’avance des musulmans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
L’échec des contre-offensives byzantines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Abattre l’Empire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Le renouveau temporaire de l’Empire (677-692) . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
La menace du désastre final (692-717). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
La perte de l’Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
La préparation du second siège de Constantinople . . . . . . . . . . . . 12
La consolidation isaurienne (717-780) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
À la recherche de l’équilibre (780-867) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Une nouvelle crise du pouvoir impérial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Le second iconoclasme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Les succès de Michel III . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
534 Le monde byzantin

CHAPITRE II – L’EXPANSION BYZANTINE DURANT LA DYNAS-


TIE MACÉDONIENNE (867-1057), par Jean-Claude Cheynet . . . . . . . . 23
L’établissement de la dynastie macédonienne . . . . . . . . . .. . . . . . . . . 23
La politique extérieure de Léon VI . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . 27
La reprise du conflit avec les Bulgares. . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . 28
Les succès face aux musulmans. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . 29
La reprise en main par Constantin VII . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . 31
Le triomphe en Orient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . 32
Basile II, l’expansion en Occident et la sauvegarde de l’Orient . . . . . . 36
Les successeurs de Basile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ....... . . . . . 39

CHAPITRE III – BYZANCE ENTRE LES TURCS ET LES CROISÉS


(1057-1204), par Jean-Claude Cheynet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
Les troubles internes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
L’Empire assailli de tous côtés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
L’avènement d’Alexis Comnène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
Le choc de la croisade . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
Le règne de Jean II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
Les ambitions de Manuel Comnène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Le rapide affaiblissement sous les Anges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
La quatrième croisade . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

DEUXIÈME PARTIE

LES INSTITUTIONS DE L’EMPIRE

CHAPITRE IV – L’EMPEREUR ET LE PALAIS, par Jean-Claude Cheynet . . 69


L’empereur et sa famille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
Le choix de l’empereur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
Impératrices et porphyrogénètes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
Diriger l’Empire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
La propagande impériale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
La diplomatie byzantine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
Les cérémonies impériales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Le Grand Palais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
Les titres impériaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
La collation des dignités et des charges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
La roga . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
La vente des dignités et des charges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
La cour. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
Les eunuques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
Table des matières 535

CHAPITRE V – LES INSTITUTIONS DE L’ÉGLISE BYZANTINE,


par Marie-Hélène Congourdeau et Bernadette Martin-Hisard . . . . . . . . . . . . . . 89

Le patriarcat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
e e
Le ressort du patriarcat (VII -XII siècle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
Le décret de Léon III, 90 – La taxis de 901-905, 91 – Les évolutions
des Xe-XIIe siècles, 92 – Le patriarcat et les Églises nationales, 93
Le patriarche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
La titulature, 94 – L’élection, 94 – L’origine des patriarches, 95 – Les
fonctions, 96
Le patriarche et l’empereur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
Harmonie ou rivalité ?, 97 – Les pouvoirs de l’empereur dans l’Église, 98
L’administration patriarcale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
Le siège du patriarcat, 99 – Le clergé patriarcal, 99 – Les archontes
patriarcaux, 100
Le gouvernement de l’Église . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
Les principaux organes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
Le synode permanent, 102 – La chancellerie patriarcale et synodale, 103
– Un difficile équilibre des pouvoirs, 103
Les normes de l’orthodoxie byzantine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
Les derniers conciles universels, 105 – Le Nomocanon, 106 – Le Syno-
dikon de l’Orthodoxie, 107 – Le rite de Sainte-Sophie, 109
Le patriarche de Constantinople dans l’Église universelle . . . . . . . . . . 110
L’effacement des patriarcats orientaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
Rome et Constantinople . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Les motifs de dissension, 111 – Les étapes de la rupture, 113
L’organisation du clergé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
La carrière ecclésiastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
L’évêque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Prêcher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117

Les minorités non orthodoxes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118


Les monophysites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
Les mouvements sectaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
Les juifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
Les musulmans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
536 Le monde byzantin

CHAPITRE VI – L’ADMINISTRATION IMPÉRIALE, par Jean-Claude


Cheynet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
La fiscalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
Les principes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
Les principaux impôts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127
Le dèmosion ou impôt foncier de base, 128 – Le kapnikon ou
fouage, 128 – La synonè (ou coemptio), 129
Les impôts complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
Le poids de l’impôt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
L’exemption fiscale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131
L’évolution des XIe et XIIe siècles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
Le poids de l’État dans l’économie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135

La loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
Les codes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
L’Ecloga, 136 – Les Basiliques, 137
Les novelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
La formation des juristes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138

L’administration centrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139


Les conseillers de l’empereur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
Le recrutement et la rémunération des fonctionnaires . . . . . . . . . . 140
Les principaux services de l’État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
La chancellerie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . 142
Les finances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . 142
Les institutions pieuses . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . 143
Le drome . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . 144
La justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . 144
L’évolution de l’administration sous les Comnènes . . . . . . . . . . . . 145

L’administration provinciale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146


Les thèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
L’évolution des thèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147

CHAPITRE VII – L’ARMÉE ET LA MARINE, par Jean-Claude Cheynet . . 151


Themata et tagmata . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151
La prétendue réforme des thèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151
L’organisation et le recrutement de l’armée thématique . . . . . . . . 154
Table des matières 537

La constitution d’une marine de guerre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155


La formation d’une nouvelle armée de campagne . . . . . . . . . . . . 156
L’évolution de la marine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Le rôle des étrangers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
Les effectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
Une armée très technique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
Le financement de l’armée et le paiement des soldats . . . . . . . . . . . . . 167
La question des terres militaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
Les transformations des Xe et XIe siècles : la fiscalisation de la strateia . 169
Le développement de la pronoia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Les soldats, des privilégiés ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
Pourquoi l’armée combat ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174

CHAPITRE VIII – LES CLASSES DIRIGEANTES DE L’EMPIRE,


par Jean-Claude Cheynet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
Le renouvellement de la haute aristocratie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176
e e
Les cadres des VII -IX siècles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176
L’évolution sous les derniers Macédoniens . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178
L’ascension des Comnènes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
Une aristocratie encore ouverte ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
Les moyens de l’influence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184
La constitution de clans familiaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184
La place des femmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186
Les fortunes et l’héritage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
Les clientèles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
Des armées privées à Byzance ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Les révoltes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
Revendiquer le trône . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
Les mouvements séparatistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
Le séparatisme ethnique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
La dissidence grecque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198
538 Le monde byzantin

TROISIÈME PARTIE

LES FONDEMENTS DE LA CIVILISATION BYZANTINE

CHAPITRE IX – POPULATION ET DÉMOGRAPHIE, par Jacques Lefort . 203

La population . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
La diversité du peuplement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
Les mouvements migratoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
Les langues parlées dans l’Empire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208
L’Empire comme facteur d’unité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
La politique des empereurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
Questions démographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214
La répartition de la population . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214
L’évolution démographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215
Le volume de la population . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218

CHAPITRE X – ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ RURALES, par Jacques


Lefort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
Les conditions de la production agricole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
Les conditions géographiques . . . . . . . . ................... 221
L’outillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................... 222
L’organisation sociale de la production . ................... 222
Le mode de faire-valoir des domaines, 224 – L’exploitation pay-
sanne, 225
Les formes de la mise en valeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
Les techniques agraires et la production, 228 – L’exploitation des zones
incultes, 231
Les facteurs du développement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232
L’essor démographique et l’augmentation de la demande . . . . . . . 232
L’effet de l’augmentation de la population à partir du IXe siècle, 232 –
L’accroissement de la demande à partir du Xe siècle, 233 – L’extension des
cultures. Ses modalités, 234
Le rôle de la structure villageoise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235
Le village comme habitat, 235 – Fonction économique du village, considéré
comme structure sociale, 236 – La commune villageoise, 237 – La com-
mune et l’État, 237 – Les domaines dans le territoire villageois, 238
Table des matières 539

Le rôle du cadre domanial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239


La part croissante des domaines dans l’économie rurale, 239 – Les grands
propriétaires, 242 – La gestion des domaines, 243 – La comptabilité
domaniale, 243 – L’intérêt des grands propriétaires pour l’agronomie, 244
Formes du développement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244
La répartition du revenu de la terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245
Le revenu des paysans, 245 – Le revenu des grands propriétaires, 245
L’artisanat rural . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246

CHAPITRE XI – CONSTANTINOPLE ET L’ÉCONOMIE URBAINE,


par Michel Kaplan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249

Le développement urbain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249


La population . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249
L’organisation de l’espace et le paysage urbain . . . . . . . . . . . . . . . . . 252
e e
Du milieu du VI à la fin du IX siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252
Les nouveaux développements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253
Les quartiers portuaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255
La ville capitale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
La capitale de l’Empire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
Le siège symbolique et réel du pouvoir politique, 257 – Le Palais, 259 –
Le peuple, 260
Les institutions de Constantinople . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263
L’Éparque, 263 – La région de Constantinople, 264
La ville sainte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265
L’Église de Constantinople, 265 – Monastères, fondations pieuses, confré-
ries, 266
La capitale des reliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267
L’économie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 268
Les métiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 268
Le Livre de l’éparque, 268 – L’organisation des corps de métier, 270
– Signification économique et politique, 270
Structures sociales de production . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271
Les métiers à forte valeur ajoutée, 271 – L’artisanat et le petit commerce :
la boutique, 272 – Propriétaires et locataires, 273 – L’État, les puis-
sants, 274
540 Le monde byzantin

Le grand commerce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 275


Le financement du grand commerce, 275 – Les marchands, 276
Le ravitaillement de la capitale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278
La société de Constantinople . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279
La place prépondérante de l’aristocratie . ................... 279
La montée de la « bourgeoisie » . . . . . . ................... 281
L’artisanat et ses employés . . . . . . . . . . ................... 282
Les artisans : niveau social, 282 – Les employés libres, 283 – Les
femmes, 283 – Les esclaves, 284
Exclus et marginaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285

CHAPITRE XII – MONNAIES, FINANCES ET ÉCHANGES, par Cécile


Morrisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289

L’organisation de la frappe monétaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290


Les sources du métal : mines et stock monétaire . . . . . . . . . . . . . . 290
Traits du système monétaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291
L’organisation de la frappe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294
Les ateliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294
Contraction, résistance et adaptation : le siècle obscur (fin VIIe - milieu
IXe siècle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 296
Contraction et adaptation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 296
Une production restreinte et fragmentée, 296 – Les spécificités régionales et
l’autonomie croissante des ateliers monétaires provinciaux, 297 – Régiona-
lisation et limitation de la circulation, 298
La survivance de la sphère monétaire et ses limites . . . . . . . . . . . 300
Une première renaissance monétaire : de Théophile à Constantin VII
(milieu IXe - Xe siècle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303
Une production et une circulation plus intenses . . . . . . . . . . . . . . 303
Le contexte fiscal et budgétaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304
L’expansion et ses problèmes (fin Xe - fin XIIe siècle) . . . . . . . . . . . . . . 305
« L’expansion » du XIe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... 306
La crise de la fin du XIe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... 308
La réforme d’Alexis Ier et le système de l’hyperpère . . . . . . . . ... 309
La monétarisation de l’époque de Manuel Ier et les finances de
l’Empire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... 310
Le besant dans le commerce méditerranéen . . . . . . . . . . . . . . ... 311
Table des matières 541

CHAPITRE XIII – LA VIE RELIGIEUSE, par Béatrice Caseau et Marie-


Hélène Congourdeau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313
L’encadrement des fidèles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314
Les rythmes de la vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314
Le baptême, 314 – Le mariage, 316 – La pénitence, 318 – L’au-delà et
les funérailles, 320
L’Église et la société. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322
Contrôler la violence, 322 – Pratiques interdites, 324
Les formes de la piété . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325
La vie liturgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325
Les saints et leur culte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329
La place des images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 330
La tradition critique de l’image . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333
La tendance mystique : Syméon le Nouveau Théologien . . . . . . . . 334
Le monachisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335
Fonder un monastère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335
Une nouvelle géographie monastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337
Un premier essor en Bithynie, 337 – La prépondérance nouvelle des
Balkans, 338 – La fortune des monastères, 338 – L’amélioration de la
gestion, 339

CHAPITRE XIV – L’ENSEIGNEMENT ET LA CULTURE ÉCRITE,


par Bernard Flusin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 341
Les siècles obscurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 342
Le renouveau (fin VIIIe - IXe s.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348
Photius, Aréthas et leur époque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352
Le règne de Constantin Porphyrogénète . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 357
L’apogée : XIe et XIIe siècles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 360

CHAPITRE XV – L’ART, par Jean-Michel Spieser . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369


Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370
650-886 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370
886-1025 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 371
1025-1204 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 372
Les grands domaines artistiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 373
L’architecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 373
La peinture monumentale religieuse et les icônes . . . . . . . . . . . . . 378
L’iconoclasme, 379 – Le Xe siècle, 381 – Les XIe-XIIe siècles, 383
542 Le monde byzantin

De la cour à la ville et à la campagne : art profane, arts somp-


tuaires, objets quotidiens. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 386
Un art de cour, 386 – Les arts somptuaires, 388 – Au-delà de la cour et
de la ville, 390

QUATRIÈME PARTIE

LES RÉGIONS DE L’EMPIRE

CHAPITRE XVI – L’ANATOLIE ET L’ORIENT BYZANTIN, par


Bernadette Martin-Hisard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 397

De l’Orient à l’Anatolie (VIIe - fin IXe s.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 400


L’Anatolie en guerre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 400
e e e
L’Anatolie attaquée (VII -VIII s.), 401 – Évolutions administratives (VII -
début IXe s.), 403 – L’Anatolie stabilisée (IXe s.), 405
La nouvelle Anatolie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 407
Un nouveau vocabulaire, 407 – Ruralisation et aristocratie, 409 – Vita-
lité religieuse, 411 – Diversification régionale, 413

L’Anatolie et ses nouveaux confins (fin IXe - milieu XIe s.) . . . . . . . . . . 414
L’expansion de l’Anatolie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 416
Guérilla et campagnes anatoliennes du Xe siècle, 416 – L’aristocratie ana-
tolienne, 418 – Les nouveaux territoires orientaux, 420 – La seconde
expansion, 423
L’Anatolie et l’illusion de la paix. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 425
Loin de la guerre, 425 – L’expansion économique, 426 – Permanences
religieuses, 428 – Aspects régionaux, 429

La partition de l’Anatolie (milieu XIe - 1204) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 430


e
Les replis de la seconde moitié du XI siècle . . . . . . . . . . . . . . . . 430
La progression turque, 430 – L’aristocratie entre Constantinople et
l’Anatolie, 431 – Le recul byzantin en Anatolie, 432
La partition du XIIe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 435
La frontière intérieure de l’Anatolie, 436 – L’Anatolie perdue : le pays de
Rûm, 437 – L’Anatolie préservée et éclatée, 438
Les îles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 441
Table des matières 543

CHAPITRE XVII – LES BALKANS, par Jean-Claude Cheynet . . . . . . . . . . 443

Les nouvelles structures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 445


Dépeuplement et arrivée des Slaves et des Bulgares . . . . . . . . . . . 445
Les relations avec les Bulgares . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 447
La reprise en main de la Thrace et des Balkans du Sud. . . . . . . . 448
La mise en place des thèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 449
La question bulgare . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 451
La conversion de la Bulgarie et ses enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 451
Les ambitions de Syméon de Bulgarie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453
La conquête de la Bulgarie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455
Les Balkans byzantins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 457
L’organisation administrative des Balkans de 1018 à 1204 . . . . . . 457
La questions des nomades . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 459
Les Balkans, cœur de l’Empire au XIIe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . 460
L’expansion économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 462
L’Hellade et le Péloponnèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 462
Thessalonique et son arrière-pays . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 464
Le nord des Balkans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465
La Thrace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 466
Le renouveau « national » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 469

CHAPITRE XVIII – L’ITALIE BYZANTINE (641-1071), par Jean-Marie


Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 473

Les territoires de l’exarchat de Ravenne (641-751) et la Sicile byzantine


(641-902) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475
L’exarchat de Ravenne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475
La Sicile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 479

Les thèmes de Langobardie/Italie et de Calabre (fin du IXe s. - 1071) . 482


Les deux thèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 482
L’habitat : début de reconstitution d’un réseau . . . . . . . . . . . . . . . 484
L’administration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 486
Deux sociétés différentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 489
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 493

CONCLUSION GÉNÉRALE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 495


544 Le monde byzantin

GLOSSAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 499

LISTE DES EMPEREURS DE CONSTANTINOPLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505

LISTE DES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 507

INDEX. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 509

TABLE DES CARTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 531


NOUVELLE CLIO

Michel BALARD — Les Latins en Orient (XIe-XVe siècle)


Claude BAURAIN — Les Grecs et la Méditerranée orientale. Des « siècles obscurs » à la fin de
l’époque archaïque
P. BRIANT, P. LÉVÊQUE, P. BRULÉ, R. DESCAT et M.-M. MACTOUX — Le monde grec aux
temps classiques
T. 1 : Le Ve siècle
Pierre BRULÉ, Raymond DESCAT, J.-L. LAMBOLEY, S. LE BOHEC, J. OUHLEN — Le monde
grec aux temps classiques
T. 2 : Le IVe siècle
Jean CHAGNIOT — Guerre et société à l’époque moderne
Pierre CHAUNU — Conquête et exploitation des nouveaux mondes
Pierre CHAUNU — L’expansion européenne du XIIIe au XVe siècle
François CHEVALIER — L’Amérique latine de l’Indépendance à nos jours
Jean-Claude CHEYNET — Le monde byzantin
T. 2 : L’Empire byzantin (VIIe-XIIe siècle)
Philippe CONTAMINE — La guerre au Moyen Âge
Catherine COQUERY-VIDROVITCH et Henri MONIOT — L’Afrique noire, de 1800 à nos jours
Bernard COTTRET — Histoire d’Angleterre, XVIe-XVIIIe siècle
Jean DELUMEAU, Thierry WANEGFFELEN — Naissance et affirmation de la Réforme
Jean DELUMEAU, Monique COTTRET — Le catholicisme entre Luther et Voltaire
Renée DOEHAERD — Le haut Moyen Âge occidental : économies et sociétés
Jean-Baptiste DUROSELLE — L’Europe de 1815 à nos jours : vie politique et relations
internationales
C. FOHLEN, J. HEFFER, F. WEIL — Canada et États-Unis depuis 1970
Robert FOSSIER — Enfance de l’Europe (Xe-XIIe siècle). Aspects économiques et sociaux
T. 1 : L’homme et son espace
T. 2 : Structures et problèmes
José GARANGER et divers auteurs — La Préhistoire dans le monde, nouvelle édition de La
Préhistoire d’André LEROI-GOURHAN
Jean-Claude GARCIN et divers auteurs — États, sociétés et cultures du monde musulman
médiéval (Xe-XVe siècle)
T. 1 : L’évolution politique et sociale
T. 2 : Sociétés et cultures
T. 3 : Problèmes et perspectives de recherche
Paul GARELLI, Jean-Marie DURAND, Hatice GONNET et Catherine BRENIQUET — Le Proche-
Orient asiatique
T. 1 : Des origines aux invasions des peuples de la mer
Paul GARELLI et André LEMAIRE — Le Proche-Orient asiatique
T. 2 : Les Empires mésopotamiens. Israël
Léopold GENICOT — Le XIIIe siècle européen
Paul GERBOD — L’Europe culturelle et religieuse, de 1815 à nos jours
Jacques GODECHOT — L’Europe et l’Amérique à l’époque napoléonienne (1800-1815)
Jacques GODECHOT — Les Révolutions (1770-1799)
Bernard GUENÉE — L’Occident aux XIVe et XVe siècles : les États
e
Jacques HEERS — L’Occident aux XIV et XVe siècles : aspects économiques et sociaux
Jacques HEURGON — Rome et la Méditerranée occidentale jusqu’aux guerres puniques
Hervé INGLEBERT, Pierre GROS, Gilles SAURON — Histoire de la civilisation romaine
François JACQUES et John SCHEID — Rome et l’intégration de l’Empire (44 av. J.-C. /
260 apr. J.-C.)
T. 1 : Les structures de l’Empire romain

Pierre JEANNIN — L’Europe du Nord-Ouest et du Nord aux XVIIe et XVIIIe siècles

Jerzy KLOCZOWSKI, Natalia ALEKSIUN, Daniel BEAUVOIS, Marie-Élizabeth DUCREUX, Hen-


ryk SAMSONOWICZ, Piotr WANDYCZ — Histoire de l’Europe du Centre-Est

Claude LEPELLEY et divers auteurs — Rome et l’intégration de l’Empire (44 av. J.-C. /
260 apr. J.-C.)
T. 2 : Approches régionales du Haut-Empire romain
J. LICHARDUS, M. LICHARDUS-ITTEN, G. BAILLOUD et J. CAUVIN — La protohistoire de
l’Europe. Le Néolithique et le Chalcolithique entre la Méditerranée et la mer Baltique
Robert MANDROU et Monique COTTRET — La France aux XVIIe et XVIIIe siècles
e e
Robert MANTRAN — L’expansion musulmane (VII -XI siècle)
Pierre MARAVAL — Le christianisme de Constantin à la conquête arabe
Hervé MARTIN — Les mentalités médiévales (XIe-XVe siècle). T. 1 et T. 2
Frédéric MAURO — L’expansion européenne (1600-1870)
Frédéric MAURO — Le XVIe siècle européen : aspects économiques
Jean-Louis MIÈGE — Expansion européenne et décolonisation, de 1870 à nos jours
Simon MIMOUNI et Pierre MARAVAL — Le christianisme des origines à Constantin
Cécile MORRISSON (sous la dir.) — Le monde byzantin
T. 1 : L’empire romain d’Orient (330-641)
Lucien MUSSET — Les invasions : les vagues germaniques
Claude NICOLET et divers auteurs — Rome et la conquête du monde méditerranéen
T. 1 : Les structures de l’Italie romaine
T. 2 : Genèse d’un empire

Jacques PAUL — L’Église et la culture en Occident (IXe-XIIe siècle)


T. 1 : La sanctification de l’ordre temporel et spirituel
T. 2 : L’éveil évangélique et les modalités religieuses

Jean-Pierre POLY et Éric BOURNAZEL — La mutation féodale (Xe-XIIe siècle)


Claire PRÉAUX — Le monde hellénistique
T. 1 et T. 2 : La Grèce et l’Orient de la mort d’Alexandre à la conquête romaine de la Grèce
(323-146 av. J.-C.)
Francis RAPP — L’Église et la vie religieuse en Occident à la fin du Moyen Âge
Roger RÉMONDON — La crise de l’Empire romain
Harmut O. ROTERMUND et divers auteurs — L’Asie orientale et méridionale aux XIXe et
XXe siècles

Jean SOLCHANY — L’Allemagne au XXe siècle. Entre singularité et normalité


René TREUIL et divers auteurs — Les civilisations égéennes du Néolithique et de l’Âge de
bronze
Claude VANDERSLEYEN — L’Égypte et la vallée du Nil
T. 2 : De la fin de l’Ancien Empire à la fin du Nouvel Empire
Jean VERCOUTTER — L’Égypte et la vallée du Nil
T. 1 : Des origines à la fin de l’Ancien Empire (12000-2000 av. J.-C.)
Imprimé en France
par Vendôme Impressions
Groupe Landais
73, avenue Ronsard, 41100 Vendôme
Novembre 2006 — No 53 288

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