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son : telle est l’entreprise de cette cinquième livraison des Annales bergso-
niennes, qui s’appuie sur un imposant travail collectif de relecture et de
mise en perspective de l’œuvre avec celle de quelques contemporains, et
de Jean Jaurès en particulier. Dirigé par Frédéric Worms et préfacé par
Vincent Peillon, Bergson et la politique figure d’abord comme un solide
témoignage de la vitalité des études bergsoniennes en France, si l’on en
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croit la diversité des travaux qui le composent. Outre deux inédits , le
lecteur y trouve en effet les actes de trois colloques distincts : l’un organi-
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sé en 2009 à l’École Normale Supérieure et consacré à Bergson et Jaurès ,
les deux autres, tenus la même année à Liège et à Sofia, ayant pour objet
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central Les deux sources de la morale et de la religion ; l’ensemble est clôtu-
ré par une série de varia qui donnent à voir la présence et les appropria-
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tions de Bergson hors de France . Imposant travail, on le voit, qui parti-
cipe pleinement de l’entreprise de réactualisation de l’œuvre bergso-
nienne en France, telle qu’elle est assumée, depuis 2007, par la jeune
équipe réunie autour de Frédéric Worms, responsable de la réédition
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critique des œuvres du philosophe aux PUF .
Mettre Jaurès et Bergson en regard, tel qu’ils se le proposent au-
jourd’hui, relève, il faut le dire, du défi. De la relation que les deux philo-
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1. Selon une entreprise qui dit à plusieurs reprises ce qu’elle doit aux travaux
d’André ROBINET : Jaurès et l’unité de l’être. Paris, Seghers, 1964 ; Bergson et les métamor-
phoses de la durée. Paris, Seghers, 1965 ; Péguy entre Jaurès, Bergson et l’Église. Métaphysi-
que et politique. Paris, Seghers, 1968.
2. C. RIQUIER, « Jaurès, un chaînon manquant entre l’Essai et Matière et mémoire »,
BP, p. 120.
3. Cité par Vincent DUCLERT, « De la dispute des systèmes à la dignité de la philo-
sophie », BP, p. 130.
4. Gilles CANDAR, « Vies normaliennes », BP, pp. 91-106.
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1. Marcel SEMBAT, Les cahiers noirs. Journal 1905-1922 : d’après les manuscrits ori-
ginaux conservés à l’Ours, Christian PHÉLINE (ed.), Paris, Viviane Hamy, 2007.
2. Maurice HALBWACHS, « Le rêve et le langage inconscient dans le sommeil »,
Journal de psychologie normale et pathologique, vol. 39, 1946, p. 11-64.
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De l’opportunisme en politique
Il n’y a sans doute pas meilleur exemple d’opportunisme politique
que la trajectoire du « héros » de ce livre. Tour à tour socialiste, nazi
(pourquoi hésiter sur les termes ?) et finalement conservateur bon teint,
Georges Albertini a servi tous les pouvoirs qui lui semblaient combattre
l’hydre communiste. C’est à cette passion de l’anticommunisme que
s’attache Pierre Rigoulot ou, du moins, qu’il aurait dû s’attacher. Car à
quoi à bon produire un récit d’une grande érudition sur un tel person-
nage, si ce n’est pour expliquer les ressorts de son action ?
Fait rare pour un « homme de l’ombre », trois biographies avaient
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déjà été consacrées à Georges Albertini (1911-1983) . Il faut dire que sa
trajectoire politique détonne dans le paysage intellectuel français. Elle l’a
mené du socialisme au conservatisme (ce qui n’a certes rien d’original),
mais en passant par la collaboration et l’adhésion sincère au « socialisme
national ». Bras droit de Marcel Déat, tant au sein du Rassemblement
national populaire qu’au ministère du Travail, Albertini fait partie de ces
jeunes socialistes, en apparence solidement formés intellectuellement,
qu’un mélange de pacifisme et d’anticommunisme ont jeté dans les bras
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1 http://archives.hauts-de-seine.net/fileadmin/Bibliotheques/IHS/IHS_Archives.pdf
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effet, dans le cours normal de nos lectures, nous nous cantonnons le plus
souvent à une discipline (la nôtre) et à celles qui sont immédiatement
connexes. Ici, l’occasion est donnée d’aborder des rivages ou des langages
moins connus, tels que par exemple (pour l’historien), ceux de la linguis-
tique ou de la philosophie de l’esprit. Chacun peut trouver au détour
d’un article l’occasion de faire un pas de côté (vers la raison humanitaire,
la question du rapport aux sciences cognitives pour l’analyse des compor-
tements sociaux ou encore une analyse au plus près de la guerre) et en
même temps des ressources pour envisager autrement ses propres objets.
La construction des volumes joue également dans la stimulation
qu’apporte l’ensemble. Le choix a été fait de passer non par des catégo-
ries, des objets ou des échelles mais par la clarification d’un certain nom-
bre d’opérations de l’esprit, considérées comme fondamentales et présen-
tes dans toute démarche de science sociale. En l’occurrence ici elles sont
trois (le rythme ternaire conserve ses droits !), qui correspondent chacune
à un tome : critiquer, comparer, généraliser. Dans tous les cas,
l’introduction vise à ressaisir la signification de chaque opération. Pour le
premier volume, il s’agit de définir l’acte critique non dans le sens mili-
tant (la lutte contre la domination) qui lui est parfois donné (par exemple
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on l’a dit, on ne peut résumer Faire des sciences sociales à aucune théorie, à
aucun cadre de pensée unique, on est tenté, après avoir traversé
l’ensemble, de faire deux remarques. Tous ces chercheurs, les historiens
aussi bien sûr, cherchent à comprendre un présent observé, sinon avec
inquiétude (concernant des risques, perçus comme grandissants, de cor-
ruption, de destruction ou d’entropie), du moins avec le sentiment qu’il
est un temps de transition pour lequel les grands récits ordonnateurs des
périodes précédentes ne valent plus. Simultanément une bonne partie
d’entre eux manifestent, y compris hors du volume consacré spécifique-
ment à ce sujet, la volonté de sortir du relativisme, de trouver de nou-
veaux langages communs aux sciences sociales, de penser de manière plus
générale, de chercher à nouveau des règles universelles pour l’analyse des
sociétés.
Même s’il est trop tôt pour statuer définitivement sur ce point, il y a
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peut-être ici l’indice d’un changement . Les années 1980-1990 ont été,
pour l’écrire très vite, marquées par la fragmentation, la mise en doute
des grilles de lecture globalisantes, l’insistance sur le micro, le retour de
l’acteur, etc. Elles ont également été caractérisées par toutes les formes
possibles de déconstruction et de critique des catégories et des concepts
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1. Cette volonté s’exprime déjà dans le livre précédent d’un des coordinateurs de
l’ensemble : Cyril LEMIEUX, Le devoir et la grâce, Paris, Economica, 2009.
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1. Cf. par exemple J. BECKERT, « Where do prices come from? Sociological ap-
proaches to price formation », Socio-economic review, 9 (4), 2011, pp. 757-786.
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gues médiévistes qui travaillent sur les marchés, les échoppes ou le crédit
se diraient spontanément « historien de l’économie » : ils se disent soit
« médiévistes », et c’est l’objet qui disparaît au profit du seul cadre chro-
nologique ; soit « historien du crédit », « de la monnaie » ou « des patri-
moines », et le zoom est alors trop précis pour que l’on puisse se risquer à
discerner un ensemble où ces pratiques viendraient s’insérer. Derrière ce
qui renvoie à la dynamique scissipare qu’engendre l’accroissement de la
division du travail inséparable du développement de toutes les disciplines
scientifiques, se dessine une question délicate : celle des conditions de
possibilité d’agrégation des résultats et de leur mise en cumulativité ou,
pour le dire, autrement, de l’articulation des niveaux d’analyse, entre la
saisie micro de pratiques et de formes d’organisations saisies dans
l’idiosyncrasie d’une indexation spatio-temporelle souvent extrêmement
stricte, et la nécessité d’agencer ces constats pour en faire une voie d’accès
à l’intelligence de séquences historiques plus vastes. C’est tout l’enjeu du
terme même d’« histoire économique » : si l’on admet que les pratiques
économiques ne s’agencent pas de manière aléatoire et désarticulées, mais
qu’elles dessinent des configurations (le plus souvent conflictuelles), alors
l’historien (comme son cousin sociologue) doit trouver les voies d’une
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ramifications sont nombreuses . Il n’a pas, en revanche, conduit
d’enquêtes orales auprès des témoins, à la fois parce que « plusieurs
d’entre eux avaient publié leurs témoignages dans des formes suffisam-
ment précis » (p. 15) et parce que, surtout, cette approche plus existen-
tielle ne convenait pas au projet de « biographie intellectuelle » défendu
dans ce livre. Ce concept emprunte aux propositions de l’historien de
l’époque moderne Jean-Claude Perrot vise à sortir de l’altérité d’une vie
pour aborder un itinéraire de pensée qui ne se résume pas aux seules
idées, dont l’histoire peut rendre « patentes et vérifiables des formes
d’interaction entre histoire individuelle, expériences collectives et pro-
gramme de recherche. En poursuivant cet objectif formel, la biographie
cesse d’accumuler pour eux-mêmes les mille faits de hasard que les archi-
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ves renferment ». On pourrait critiquer Prochasson pour cette pirouette
sémantique un peu facile : comment faire une biographie sans tomber
dans le travers de l’ « illusion biographique » (Pierre Bourdieu) sinon en
accolant « intellectuelle » voire « politique » après « biographie » ?
Pour autant, l’ambition du programme de travail dessiné par Jean-
Claude Perrot a été relevée. L’auteur démontre effectivement comment
une œuvre scientifique d’historien a été façonnée – moins par le vécu de
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1.. On regrettera néanmoins que l’auteur n’ait pas mis en annexe du livre un ta-
bleau des sources consultées ainsi qu’une bibliographie, ceci en cohérence avec son projet
de « biographie intellectuelle » de François Furet.
2. Jean-Claude PERROT, « Quelques préliminaires à l’intelligence des textes éco-
e
nomiques », in J.-C. PERROT, Une histoire intellectuelle de l’économie politique (XVII -
e
XVIII siècles), Paris, Éditions de l’EHESS, 1992, pp. 7-60, p. 60.
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