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à l’écoute
du numérique 03
N°
Va, vis
et apprends
2
Un nouveau souffle
N
ous ne sommes plus les mêmes. notre smartphone ou de notre ordinateur,
La crise sanitaire a transformé alors que le savoir est à portée de pouce :
notre rapport à l’autre. Nous ne l’obligation de « devenir intelligent ».
sommes plus les mêmes parce Y sommes-nous seulement parvenus ?
que les technologies ont changé et Pour beaucoup, nous sommes encore
changent notre rapport à nous-mêmes et dans l’étape de la perte, dans cette étape
aux autres. Y avons-nous perdu notre ca- de transition qui nous demande de passer
pacité à apprendre, notre envie d’ap- à un nouveau mode d’apprentissage, à un
prendre ? Ou y avons-nous gagné de nou- nouveau mode de transmission du savoir
velles facultés ? menant à la créativité et à l’inventivité.
C’est sur ce questionnement, sur fond de
Covid-19, que nous avons souhaité ancrer Apprendre à apprendre
notre troisième numéro de Chut ! pour un
voyage que nous vous proposons au pays C’est là qu’il devient évident que sim-
de l’apprentissage à l’ère des nouvelles plement apprendre ne suffit plus. Il n’est
technologies. plus seulement question d’accumuler les
savoirs, les MOOC (Massive Open Online
Perte de mémoire Courses), les COOC (Corporate Open
Online Courses), les tutos en ligne et
Les nouvelles technologies entraî- autres Zoom ou webinaires. Il est ques-
nent-elles la perte de notre capacité à tion d’apprendre à nous adapter à ces
stocker, à mémoriser ? C’est ce qu’affir- nouveaux modes d’apprentissage, d’ap-
mait il y a quelques années le philosophe prendre à garder une plasticité cérébrale,
Michel Serres : « Nous perdons de plus « d’apprendre à apprendre », comme le
en plus la mémoire. La mémoire, au lieu dirait Stanislas Dehaene, neuroscienti-
d’être une activité subjective portée fique et président du conseil scientifique
par le cerveau, est portée par un objet de l’Éducation nationale. Et ce, pour ne
extérieur au corps, le papier, le papyrus, le pas tomber nous-mêmes dans l’obsoles-
livre, puis la mémoire de l’ordinateur. […] cence programmée, pour qu’à 40 ans,
Les nouvelles technologies externalisent 50 ans, 60 ans et plus, il reste cette en-
les facultés cognitives. » (Conférence vie de comprendre, d’aller plus loin, de
à l’École polytechnique, 1er décembre se projeter et de se transformer tout au
2005.) long de sa vie grâce à la connaissance.
Loin d’y voir la fin des temps, le philo- D’autant que dans ce monde d’infobésité
sophe espérait y voir une évolution. Et où il devient de plus en plus difficile de
une obligation forte devant l’écran de distinguer le vrai du faux, il est essentiel
4
de comprendre ce qu’est la connaissance, voire « la François Taddei, chercheur et directeur du Centre
connaissance de la connaissance », selon les termes de Recherches Interdisciplinaires, nous invite ensuite
d’Edgar Morin, sociologue et philosophe français : dans cette société apprenante faite d’intelligence col-
« Aussi la connaissance de la connaissance doit-elle lective qu’il espère voir émerger. Les artisan·es du sa-
apparaître comme une nécessité première qui servi- voir, professeur·es et formateurs·trices livrent ensuite
rait de préparation à l’affrontement des risques per- leur vision de la pédagogie numérique, tandis que les
manents d’erreur et d’illusion, qui ne cessent de pa- apprenant·es en disent un peu plus sur leur façon d’ap-
rasiter l’esprit humain. Il s’agit d’armer chaque esprit prendre et sur leurs devoirs d’apprendre à l’heure de
dans le combat vital pour la lucidité. » (Les sept sa- la connexion Internet. De quoi prendre ensuite un peu
voirs nécessaires à l’éducation du futur, Edgar Morin, de hauteur sur nos usages, sur le nouveau visage des
Unesco, 1999.) musées post-Covid, puis sur notre rapport à l’autre
par le numérique au cours d’un entretien avec la cher-
Fracture et inégalités cheuse Laurence Allard, avant de s’interroger aussi sur
le poids de la fracture numérique dans notre société.
Apprendre est un enjeu fort dans notre société et va Ce temps de recherche, d’analyse, d’échanges, ce
bien plus loin qu’apprendre à savoir lire et écrire. Voilà temps de transmission que nous vous livrons au-
que nous devons apprendre tout le temps, pas seu- jourd’hui sur papier, nous avons pu le réaliser grâce
lement dans un principe d’expérience et de sagesse, à vous, vous qui nous soutenez depuis le début, vous
mais aussi dans le but de rester à la page, de coller qui nous avez soutenues lors de notre dernière cam-
aux nouveaux logiciels, aux nouvelles pratiques, à ce pagne de financement participatif, vous qui nous dé-
monde qui change et se transforme sans cesse à toute couvrez. Merci pour cette confiance, cet engagement
vitesse, au gré des débits d’Internet. Dans ce contexte, partagé, pour ces petits mots, ces encouragements,
comment faire pour que la tech soit un outil d’égalité, ces échanges qui nourrissent le magazine.
puisqu’apprendre, avoir la liberté d’apprendre, est En ces temps incertains, prenez soin de vous et de vos
aussi un enjeu social ? proches, et à bientôt !
Apprendre, c’est accéder à un métier. Continuer d’ap- Bonne lecture.
prendre, c’est évoluer dans son métier, c’est parfois
changer de métier. Apprendre, c’est se forger de nou- Aurore Bisicchia & Sophie Comte,
velles opportunités. Or l’école n’est pas le seul théâtre cofondatrices de Chut ! magazine
où les inégalités sociales pèsent sur l’apprentissage :
l’entreprise poursuit cette scission, notamment à l’en-
contre des femmes. Là encore, si elles accèdent elles
aussi à la formation, elles sont moins nombreuses à se
voir proposer les formations « qui comptent », celles
qui permettent d’accéder aux fameux postes à res-
ponsabilités.
Et voilà qu’apprendre, distinguer, connaître, analy-
ser, discerner deviennent des mots clés essentiels de
notre société, et que les nouvelles technologies y ont
leur rôle à jouer. Un rôle de stockage, un rôle de lien,
un rôle de soutien, tout comme un rôle d’égalité.
Du temps au temps
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30
DOSSIER
Va, vis
Édito et apprends
04
Culture numérique
08
16
POINT DE VUE SNCF
« L’innovation ferroviaire doit nous
projeter dans notre siècle »
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#G R A N D E N T R E T I E N
32 François Taddei :
Entretien avec « Partager nos
Claudie Haigneré : connaissances dans
« Quels enfants l'espace et dans le temps »
allons-nous laisser 36 Le jeu, une affaire sérieuse
à la planète ? » POINT DE VUE IDLI
40
Garder en éveil nos capacités
d’apprendre
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76 Laurence Allard :
« Le confinement
a révélé un Internet
54 Ces professions altruiste »
qui se forment
tout au long de la vie
84
Le musée déconfiné joue la carte
64
#P O RT F O L I O
de la proximité
La tech est dans le pré
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#V R A I-FAU X
Numérique : la
fracture de trop ?
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P O I N T D E V U E C O D E.S TO R E
Le code dans les nuages
7
Cult
ure
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C U LT U R E N U M É R I Q U E
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C U LT U R E N U M É R I Q U E
#lesmotsducovid
On se zoome ?
plus fort de la crise sanitaire. Fin juin, l’Assurance mala-
die en dénombrait encore près de 400 000 par semaine.
Renouvellement d’ordonnances de patient·es connu·es,
consultation d’anesthésie pour des opérations bénignes,
écoute psychologique… La téléconsultation a prouvé son
utilité sur le long terme au cas par cas. Laure Dominjon,
médecin généraliste et présidente du syndicat REAGJIR
(REgroupement Autonome des Généralistes Jeunes Ins-
tallés et Remplaçants) en est convaincue : « Cet outil ne
va pas modifier notre pratique au quotidien. Mais il peut,
sans être massif, avoir toute sa place. »
Autre « télé » parti pour durer : le télétravail. Selon une
enquête de la mutuelle Malakoff Humanis de juin 2020,
73 % des télétravailleur·ses sont satisfait·es de cette ma-
nière de travailler et 84 % souhaitent demander à en bé-
néficier régulièrement après la crise sanitaire. Moins de
transport, plus de souplesse… Beaucoup de salarié·es
voient de nombreux avantages à travailler depuis leur
domicile un ou plusieurs jours par semaine. Certaines
entreprises, comme PSA en France ou Google aux États-
Unis, proposent même à une partie de leurs collabora-
teur·trices de passer à 100 % de télétravail. Venir au bou-
lot devient alors l’exception.
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C U LT U R E N U M É R I Q U E
#viepro
Webinar
superstar
Avec le confinement, les webinaires ont
montré leur pertinence pour se former et
s’informer. Une tendance qui va bien au-delà
de l’univers de la formation et semble partie
pour durer.
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C U LT U R E N U M É R I Q U E
#économiecirculaire
Mieux consommer
avec l’occasion
Ces dernières années ont été marquées échanges, le site français Vestiaire Collective choisit
par une réelle prise de conscience de d’investir dans l’emploi afin de repérer les contrefaçons
l’impact écologique de nos habitudes de avant même qu’elles n’atterrissent entre les mains des
consommation. Elles furent aussi celles de acheteur·ses, même si cet effort supplémentaire se ré-
percute par une commission plus importante – le prix de
la montée en puissance de l’achat de biens
la qualité, mesdames et messieurs !
d’occasion, y compris sur des marketplaces
La meilleure solution est-elle plutôt technologique ou
ou plateformes en ligne, comme le souligne humaine ? Pas de réponse simple, coupons la poire en
une étude du Crédoc, selon laquelle 60 % des deux. Un algorithme permet d’affiner le service, de fa-
Français·es ont acheté d’occasion en 2019 ciliter la montée à l’échelle et donc de permettre à plus
contre 17 % en 2005. de monde d’accéder à une qualité de service supérieure
– tant que les requêtes restent simples. Une équipe de
Aujourd’hui on s'empare de son « nouveau » smartphone salarié·es chargée de lutter contre les contrefaçons et
reconditionné, puis on complète sa garde-robe en swi- une autre pour gérer les relations vendeur-acheteur
pant sur une appli. Les plateformes de revente de vê- complexes revalorisent des expertises clés que l’on
tements d’occasion proposent de concilier fièvre de pensait menacées par l’automatisation et le machine
la mode et conscience écologique tout en faisant des learning. Pour le meilleur ou pour le pire, on ne se dé-
économies. Qui dit mieux ?! fait pas si facilement de la complexité humaine. En at-
Quand pour l’application lituanienne Vinted, un algo- tendant, longue vie à l’anti-gaspillage et aux secondes
rithme est mis en place pour mieux gérer le flux des mains ! A.B. et M.T.
#cestdéjàdemain
Technologie haptique :
le virtuel devient palpable
Imaginez-vous le casque sur les yeux : un décor de plus immersifs. Équipée sur les manettes de la nouvelle
plage déserte apparaît à perte de vue, et lorsque vous console PlayStation prévue pour la fin d’année, cette
touchez le sable fin, vous le sentez couler entre vos technologie permettra de moduler la force des coups à
doigts. La technologie haptique va ainsi pouvoir com- l’écran ou de créer une impression de résistance. Pour
pléter votre expérience de réalité virtuelle, en ajoutant le moment, elle se retrouve principalement sous forme
un sens essentiel : le toucher. Du souffle, du vent dans de gants, mais des vêtements moulants se développent
votre dos à la sensation de l’herbe sous vos pieds, les déjà. Ces habits permettent de ressentir une matière ou
possibilités sont infinies ! un contact et de manipuler des objets virtuels. De quoi
Simulant le contact par pression ou vibration, la tech- bouleverser nos perceptions et trouver une utilité qui
nologie haptique interagit avec nos récepteurs sen- dépasse le divertissement, par exemple dans l’automo-
soriels pour créer des environnements 3D de plus en bile ou la santé. T.B.
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C U LT U R E N U M É R I Q U E
La place des femmes dans la tech est un sujet essentiel pour Chut ! Plus qu’un engagement,
c’est une véritable position militante. Et heureusement, nous ne sommes pas seules à vouloir
faire bouger les lignes.
WoMen’Up Femmes@
WoMen’Up est la première association mixte mêlant su-
jets de genre et de générations. Elle est composée de
Numérique
huit femmes qui partagent les valeurs d’inclusion, de « Tous les chemins ne mènent pas au numérique mais,
diversité et de mixité. Des femmes persuadées qu’en- sans aucun doute, le numérique ouvre la voie à presque
semble, nous pouvons faire bouger les lignes. L’asso- tous les métiers ! », affirme Laure Castellazzi, secrétaire
ciation a pour objectif de faire progresser la mixité en générale de la fondation Femmes@Numérique, qui
agissant en priorité sur les décideur·ses de demain : les œuvre pour plus de femmes dans les métiers de la tech
représentant·es des jeunes générations. Leurs actions se en donnant une meilleure visibilité des parcours d’édu-
déclinent au travers d’un think tank, avec lequel l’asso- cation et de formation aux métiers du numérique. Cette
ciation produit des études, enquêtes internationales et fondation, créée sous l’égide de la Fondation de France,
évènements précurseurs ; un do tank, fruit de leurs col- regroupe 42 entreprises fondatrices, et se compose aus-
laborations avec leurs partenaires ; et un incubateur de si de 50 associations qui agissent pour qu'il y ait plus
talents : La Fusée. de femmes dans les métiers du numérique, à l’image de
Cyberelles ou de Becomtech.
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#livres
C U LT U R E N U M É R I Q U E
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#expos
C U LT U R E N U M É R I Q U E
Dessinez, Lumières ! Corps et âme
c’est animé ! Culturespaces se pose Une exposition expérience. Voilà
à Bordeaux dans l’ancienne base ce que proposent Adrien M et Claire
sous-marine pour proposer ses B avec « Faire Corps » à la Gaîté
Coup de projecteur sur les cahiers expos numériques et immersives Lyrique. Le visiteur circule parmi une
de dessin animé, ou comment monumentales qui ont connu le dizaine de dispositifs entre ombre
allier le plaisir du coloriage à la succès à Paris et aux Baux-de- et lumière. Il peut jouer avec les
joie de voir son dessin prendre Provence. Aux Bassins de Lumières, lettres, les chiffres, les traits... L’idée
vie ! Le principe : avec ses crayons, plongez jusque début janvier dans est de changer de posture pour
feutres ou pinceaux, l’enfant (dès les tableaux de Gustav Klimt, changer de regard sur le monde
4 ans) colorie la page. Puis il la de Paul Klee ou dans les créations qui nous entoure. Des événements
photographie avec une tablette contemporaines d’Anitya et d’Ocean liant arts vivants, musique et danse
ou un smartphone via l’application Data. Les projections numériques viennent amplifier l’expérience,
gratuite Blink Book (sur Google se reflètent sur les murs de la base comme les « visites augmentées
Play et App Store). La technologie sous-marine et dans l’eau. Des en mouvement » tous les jeudis soir,
fait le reste : le dessin s’anime passerelles permettent de naviguer ou les ateliers pour enfants « Faire
en musique et paroles, parfois entre les différents espaces. de l’art avec du code ». Puissant !
avec la voix enregistrée de Une autre manière de s’immerger
l’artiste en herbe. Dix-huit thèmes dans l’histoire de l’art. « Faire Corps - Adrien M & Claire B »,
disponibles (à partir de 12,90 €) : jusqu’au 3 janvier 2021 à la Gaîté
Les Schtroumpfs, Les Dinosaures, Les Bassins de Lumières, Lyrique, à Paris.
Picasso... Un usage du numérique à Bordeaux. ▶ Toute la programmation
créatif, court et personnalisé, tout ▶ Toute la programmation sur gaite-lyrique.net
ce qu’on aime ! sur bassins-lumieres.com
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POINT DE VUE
« L’innovation ferroviaire
doit nous projeter dans
notre siècle »
Q
et connecté. Et pour l’inventer, nous avons dans nos
recherche et d’innovation, équipes aussi bien des expert·es en sciences cogni-
et peut-on en déduire tives que des physicien·nes, des énergéticien·nes, des
à quoi ressemblera le train spécialistes de la localisation ou de l’intelligence artifi-
du futur ? cielle. Le résultat est très concret : nous travaillons aus-
si bien sur l’acoustique en gare, le confort des sièges
Le train du futur sera forcément à mettre au pluriel, et « l’habitabilité » des rames, que sur les probléma-
car les besoins divergent profondément selon les ter- tiques globales de fluidité, de sécurité, de ponctualité,
ritoires, et que c’est une demande profonde des Fran- de flexibilité. Et bien entendu, d’optimisation à la fois
çais·es. Le train du futur sera écologique, autonome économique et écologique.
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On dit souvent que le train est un mode
POINT DE VUE
une filière qui doit se structurer. Il faut comprendre
de transport vert. Quels sont les enjeux qu’un train a une durée de vie de quarante ans : nous
pour vous, de ce point de vue ? sommes dans une industrie qui mise sur la durabilité et
la transformation en continu, on est loin du scandale
Nous avons des belles marches à franchir, c’est le grand de l’obsolescence programmée !
sujet des années à venir. Si beaucoup de nos trains
sont déjà électriques, comme tous les TGV, c’est un Quelle est votre vision de l’innovation ?
vrai challenge en matière d’innovation industrielle que
de sortir du diesel d’ici à 2035, comme nous nous y Au XXIe siècle, l’innovation dans le ferroviaire doit être
sommes engagés. Il faut mixer toutes les solutions pensée en mode résolument ouvert. Nous devons an-
technologiques. Trains bimodes, trains hybrides, trains ticiper les évolutions de société, bien sûr, c’est notre
à batterie, biocarburant, hydrogène : nous avançons sur alpha et notre oméga. Mais aussi toutes les avancées
tous les fronts. Y compris, dans un autre ordre d’idées, technologiques : or, à l’échelle industrielle, notre fi-
sur celui de l’autonomie ! lière est trop étroite pour s’autosuffire. C’est donc
grâce à nos collaborations avec l’automobile, avec
Entre métro autonome et Google Car, le spatial et avec l’international que nous avançons…
comment penser le train autonome ? Mais il y a un troisième pilier : dans notre secteur, inno-
vation rime avec optimisation des coûts. L’innovation
Technologiquement parlant, le train autonome est frugale, ce n’est pas un vain mot. C’est ce qui nous a
bien plus proche de la voiture autonome du point guidés quand nous avons proposé de nouveaux mo-
de vue de la complexité. Mais nous avons un poten- des d’électrification des lignes, qui permettent à cer-
tiel énorme : c’est que nous pouvons aussi mettre tains endroits de réduire les coûts par deux.
une grosse part d’intelligence dans l’infrastructure.
Nous travaillons sur le sujet à plusieurs échelles et à Les « petites lignes » entrent-elles dans
plusieurs horizons de temps, mais une infrastructure vos champs de recherche ?
plus intelligente et un train plus autonome, cela signi-
fie une bien plus grande performance économique et Oui, nous travaillons sur des formats modulaires, plus
environnementale de tout le système. légers, des concepts de micro-gares et de modules
connectés pour les zones rurales et péri-urbaines.
Suivez-vous les pas de vos confrères L’enjeu est de proposer partout des alternatives col-
américains avec l’Hyperloop d’Elon Musk lectives à la voiture individuelle, avec le ferroviaire
et son train façon « tube » ? comme colonne vertébrale. Nous tenons à une vision
de l’innovation multifacette et qui nous projette dans
Tout à fait, cela fait maintenant quatre ans que nous notre siècle.
collaborons avec la start-up Hyperloop One. Ce n’est
pas du train, pas de l’aérien, les technologies sont en Quelle est votre vision de femme
développement et les usages à inventer : suivre tout dirigeante dans ces secteurs plutôt
cela et collaborer nous permet de nous questionner masculins ?
autrement. Et puis, quand ce rêve deviendra réalité,
SNCF en tant qu’opérateur aura son mot à dire et son En tant qu’ingénieure, dans l’automobile avant d’en-
expertise à apporter. trer à la SNCF, j’ai toujours évolué en environnement
masculin. Ma conviction, c’est que les femmes ont une
Quelles innovations verrons-nous vraie place à prendre dans l’innovation. Ici, nous avons
apparaître dans un futur plus proche ? des ingénieur·es, chercheur·es, designers, à parité.
Sans caricaturer, elles aiment le changement, elles
Le TGV modulaire, qui circulera en 2024, incorpore sont orientées « solutions », elles n’ont pas peur de
beaucoup d’innovations à des échelles différentes. la remise en cause et du parler-vrai. En général elles
Mais il y a une autre petite révolution que nous pilo- ont aussi une gestion plus humaine de leurs équipes,
tons avec nos partenaires, ce sont les trains hybrides, qui fait d’elles de bonnes managers. Et puis elles sont
les trains à batteries, à biocarburant, et les trains à très portées par le sens. Notre grand défi est souvent
hydrogène. Tous sont « sur les rails ». Pour le train d’arriver à concilier vie professionnelle et vie person-
à hydrogène, on vise 2023, et derrière c’est toute nelle. Et d’oser !
17
de
18
la
DE
LA
LENTEUR
19
NUMÉRIQUE
20
Claudie Haigneré :
GRAND ENTRETIEN
« Quels enfants
allons-nous laisser
à la planète ? »
Première astronaute européenne, deux fois
ministre, médecin rhumatologue, présidente
d’un musée scientifique… Le C.V. de Claudie
Haigneré impose le respect. Avec simplicité
et passion, elle assume d’être un « rôle modèle »
et nous livre sa vision d’un monde ouvert
et inclusif, avec la Lune et Mars pour horizon.
21
Comment avez-vous vécu le fait
GRAND ENTRETIEN
22
qu’elles étaient capables de tenir tous les rôles : pilote
GRAND ENTRETIEN
tion : « Vous qui êtes allée là-haut et avez vu la Terre
de la navette, commandante de la station ISS [la sta- depuis le hublot, quelle planète allons-nous laisser à nos
tion spatiale internationale]… Les dernières promotions enfants ? » Je réponds à chaque fois : « Quels enfants
des astronautes de la NASA [National Aeronautics and allons-nous laisser à la planète ? » Nous avons besoin de
Space Administration] sont quasiment paritaires. En Eu- passeurs d’expérience, d’accompagnateurs, et je sais à
rope, en revanche, nous sommes toujours autour de 10 à quel point cela peut être déclencheur d’avoir un modèle,
15 % de candidates. La prochaine sélection aura lieu en un mot d’encouragement, une écoute bienveillante.
2021. Avec Samantha Cristoforetti, l’astronaute de l’ESA -
l'Agence spatiale européenne - en activité, nous verrons Au sujet de l’éducation des filles :
si nous avons réussi à lever ces verrous de représenta- elles restent moins nombreuses que les
tion, par le témoignage de nos réussites professionnelles garçons à se destiner aux professions
et personnelles. technologiques et scientifiques, que ce soit
développeur·se ou astronaute. Comment
Comment vivez-vous le fait d’être un « rôle l’expliquez-vous ?
modèle » ?
Je n’ai pas vraiment d’explication et pas de recette mi-
J’ai quand même eu la chance de vivre des aventures racle non plus. Je fais simplement le constat que les
exceptionnelles. Elles m’ont beaucoup apporté. À mon métiers de l’ingénierie sont passés de 15 % à 25 % de
tour de redonner. Je suis convaincue que la transmis- femmes dans les années 1970–80 avant de redescendre
sion des connaissances, le partage d’expériences sont aujourd’hui autour de 20 %. C’est particulièrement criant
sources d’inspiration, de construction et de confiance. dans le numérique. Or, nous ne pouvons pas avoir un
Mon sujet principal aujourd’hui, c’est l’éducation de nos monde « codé » par les hommes, peu représentatif de la
enfants pour le XXIe siècle. On me pose souvent la ques- diversité des pensées et des talents.
Avant le décollage de la mission Andromède en octobre 2001 © ESA/CNES 2001-S. Corvaja
23
GRAND ENTRETIEN
« Lors de mon
deuxième vol,
j’étais chez moi dès
l’arrivée en orbite.
Cela m’a donné le
sentiment que nous
avions énormément
de potentiel, de
réserves invisibles. »
GRAND ENTRETIEN
© ESA/CNES
Je pense qu’il faut agir assez tôt. Jusqu’à
GRAND ENTRETIEN
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déléguée à la Recherche et aux nouvelles
« Jusqu’à 8-9 ans, tous
GRAND ENTRETIEN
technologies puis aux Affaires européennes,
après votre carrière de spationaute ?
27
GRAND ENTRETIEN
« Le village lunaire
envisage des
infrastructures
permanentes sur cette
banlieue de notre
planète. »
Expérience d'apesanteur pour des enfants et adolescent·es handicapé·es
dans le cadre de "Rêve de gosses" en 2017. © ESA/Novespace
soin de dézoomer. Ce projet permet de penser le long parcours, on se dit que le désir d’apprendre
terme, la responsabilité, la globalité, le faire ensemble, a constitué un fil rouge. Qu’est-ce que cela
le pacifique. Configurer l’avenir est moteur et inspirant, vous inspire ?
et l’Europe a bien évidemment une contribution essen-
tielle à apporter dans une vision d’avenir de l’humanité. Il La curiosité doit se créer, s’entretenir, se développer à
s’agit de donner l’envie de se réunir sur un grand projet chaque instant. Elle est essentielle, mais elle ne va pas
pour l’humanité, pour poser un autre regard sur la Terre. se déclencher de la même manière chez tous les enfants,
Ce nouveau regard, c’est ce qu’a apporté l’exploration au-delà des acquisitions fondamentales. L’éducation for-
spatiale. La conscience écologique est née en 1969 lors- melle de l’école doit être accompagnée par l’éducation
qu’on a vu les premières images de la Terre depuis l’es- informelle comme les musées de sciences, le multimédia,
pace. L’avoir vu si belle et si fragile nous a fait prendre les chaînes YouTube, la lecture, les projets expérimentaux
conscience de notre responsabilité. Saurons-nous faire de découverte collective... Tout ce qui permet de semer
mieux demain, ensemble ? les germes de la curiosité. Dans l’éducation aujourd’hui,
on doit accompagner les enfants à faire face à l’incer-
Il y a une forme d’idéalisme. titude, à « apprendre à apprendre » pour entrer avec
confiance sur de nouveaux chemins. Nous sommes dans
L’exploration nous oblige à nous questionner sur la glo- une période d’infobésité. L’éducation au, par et pour le
balité, les biens communs, l’homme face aux technolo- numérique est essentielle. C’est apprendre à distinguer
gies, l’homme face à la nature... La génération Apollo l’information de la connaissance, à se munir de tous les
aurait dit : « L’espace est à nous », « The sky is not the li- outils qui permettront à chacun d’agir en responsabilité
mit ». Aujourd’hui quand j’en parle aux jeunes, ils me font et non pas de subir. Je côtoie régulièrement les platistes
toujours la réflexion : « Mais tout ça coûte très cher et qui me demandent : « Vous qui êtes allée dans l’espace,
arrivera dans bien longtemps alors que nous avons telle- est-ce que la Terre est vraiment ronde ? » On ne me
ment de problèmes ici et aujourd’hui. » Or, l’exploration posait pas cette question il y a vingt ans. La démarche
spatiale nous est utile pour faire progresser notre huma- scientifique est un outil d’émancipation et de liberté. Ap-
nité. Nous vivons dans une « smart society » et j’aimerais prendre à apprendre, c’est savoir faire le tri, avoir du dis-
passer à la « wise society ». Il faut retrouver des éléments cernement, de l’esprit critique, c’est construire de l’intel-
qui vous donnent de la profondeur, de la sagesse, de ligence collective. Un état d’esprit qui va avec la culture
la réflexion. Le village lunaire nous permet de penser le du risque, de l’audace, de l’échec. Notre responsabilité
temps long et de s’ancrer sur des valeurs humanistes. est d’en permettre l’accès à tous, de réduire les inéga-
lités, d’éviter les fractures. Cela passe par le partage, la
Le numéro 3 de Chut ! s’intitule « Va, vis transmission et l’accompagnement, c’était et c’est mon
et apprends ». Quand on regarde votre engagement.
28
« Il faut
GRAND ENTRETIEN
Sa punchline
toujours viser
la lune, car
même en cas
d’échec, on
atterrit dans
Son livre de chevet les étoiles »
« Sept brèves leçons de physique © Napoleon Sarony — Oscar Wilde.
de Carlo Rovelli. Je le relis pour la
cinquième fois, car il raconte cette
physique révolutionnaire du début
du XXe siècle où l’on passe de
Newton au quantique. Je me nourris Son film fétiche
de cette vision du monde où tout
n’est pas blanc ou noir. L’auteur est « 2001 : l’odyssée de l’espace de
physicien et philosophe : une prise Stanley Kubrick. Je croyais à cette vision
de distance fondamentale. J’aime de l’espace la première fois que j’ai vu
aussi les livres de Christian Bobin. le film, mais nous nous n’y sommes pas
Cette phrase dans L’homme-joie m'a encore ! 2001 a été aussi pour moi une
marquée : "J'ai rêvé d'un livre qu'on odyssée de l’espace, mais pas du tout la
ouvrirait comme on pousse la grille même que celle de Stanley Kubrick ! »
d'un jardin abandonné". »
29
Va, vis
VA , V I S E T A P P R E N D S
et apprends
Le numérique bouleverse notre rapport aux savoirs.
De 7 à 77 ans, en classe ou hors les murs, il est
plus que temps d’apprendre tout au long de la
vie, au risque de voir les inégalités s’accroître.
Profs branché·es, campus connectés, formations
personnalisées… Partons à la découverte de cette
nouvelle société de la connaissance.
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VA , V I S E T A P P R E N D S
nos connaissances
dans l'espace
et dans
le temps »
Propos recueillis par
Sylvie Lecherbonnier
Image. chilli drop.
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VA , V I S E T A P P R E N D S
Ne pas opposer intelligence individuelle,
collective et artificielle, mais les faire coopérer
pour mieux apprendre tout au long de la vie.
Tel est le défi exposé par François Taddei,
chercheur, directeur du Centre de Recherches
Interdisciplinaires et auteur d’Apprendre au
XXIe siècle.
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QUI EST FRANÇOIS dit d’apprendre ? Est-ce que vous êtes les intelligences individuelle, collective
TA D D E I ? en situation de compétition ou en coo- et artificielle.
pération avec les autres ? J’en ajoute une
Chercheur en biologie troisième : est-ce que vous apprenez des Vous souhaitez l’émergence
et en éducation, choses que d’autres savent déjà ou que d’une société et même d’une
François Taddei a personne n’a appris, comme faire face à planète apprenante. Qu’est-
fondé et dirige le CRI la COVID-19 ou au réchauffement clima- ce qui bloque encore pour y
(Centre de Recherches tique ? arriver ? La formation tout au
Interdisciplinaires). Il Il existe énormément de lieux où l’on ap- long de la vie n’est-elle pas un
milite pour l’innovation prend ce que l’on nous dit d’apprendre et vœu pieu ?
en éducation et il est des lieux où l’on apprend en compétition
l’auteur d’Apprendre avec les autres. Mais on manque encore de On revient à la distinction de Richard El-
au XXIe siècle, paru ces endroits, comme les tiers lieux, où on more : est-ce qu’on apprend ce qu’on a
en 2018 aux éditions apprend avec les autres pour relever ces choisi ou ce qu’on nous dit d’apprendre ?
Calmann-Lévy. défis collectifs. Or, il serait utile que tout Dans la formation initiale comme dans la
le monde y ait accès. Dans les FabLabs, au formation continue, on apprend ce que
printemps, certains se sont ainsi réunis pour l’on nous dit d’apprendre. On donne en
mettre au point de nouveaux respirateurs général assez peu de libertés aux salariés
avec des imprimantes 3D pour répondre à en formation, et cette infantilisation leur
la crise sanitaire. Personne ne sait très bien convient peu. Alors que lorsqu’on de-
comment faire, mais tout le monde s’y met mande aux mêmes personnes ce qu’elles
et partage ses expérimentations. ont appris pour faire face à des défis
professionnels ou personnels, ils ou elles
Que peut apporter ont utilisé le web, ont regardé une vidéo
l’intelligence artificielle (IA) sur YouTube, lu un journal, discuté avec
pour apprendre au XXIe siècle ? un collègue, échangé avec un expert...
Il faut alors distinguer « apprendre tout
Si vous êtes dans des apprentissages au long de la vie » et « formation conti-
obligatoires, les « learning analytics » se nue ». Aujourd’hui, je ne peux pas dire :
développent. L’idée est de savoir ce que « J’apprends plus en tant que lecteur
vous savez déjà en fonction des résultats de journaux que dans une formation
à vos exercices précédents. L’IA peut et donc je voudrais donner l’argent de
alors optimiser le prochain exercice qui mon CPF [Compte personnel de forma-
vous sera donné. Un tas d’entreprises tion, N.D.L.R.] au Monde, à Wikipédia,
investissent dans cette direction. Mais ou même à tel ou tel blogueur. » Et c’est
deux questions se posent : quel respect bien dommage.
pour la vie privée ? Et est-ce que cet ou- Ce qui bloque encore pour aller vers
til est au service de l’apprenant ou de une société apprenante, c’est donc de
Big Brother et des GAFAM [Google Apple décloisonner mais aussi de systémati-
Facebook Amazon Microsoft, N.D.L.R.] ? quement documenter et partager. Nous
Mais l’IA peut aussi servir à catalyser l’in- n’avons pas de service public de l’ap-
telligence collective. Elle peut nous ai- prentissage tout au long de la vie, nous
der à rencontrer des gens qui possèdent n’avons pas de service public du web.
des compétences complémentaires aux Nous avons besoin, non pas de créer un
nôtres pour faire équipe et monter un bureau de la censure, mais de trouver
projet ensemble. Elle peut nous faire des un système de recommandations autre
recommandations quand on explore des que celui destiné au business d’Amazon.
Apprendre au XXIe siècle,
François Taddei, Calmann-Lévy, données inconnues. Le grand défi est de Quand vous arrivez sur une page web,
2018, 400 pages, 19,90 euros. jouer gagnant-gagnant-gagnant entre vous n’avez pas la trace de ce qu’en ont
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« L’IA peut servir à de formations des élèves, d’équipements des uns et des
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autres... Un flagrant démenti a aussi été apporté à tous
ceux qui croient que le numérique peut tout remplacer.
catalyser l’intelligence Les meilleurs apprentissages, ce n’est ni le tout numé-
rique ni le tout présentiel, mais des formes hybrides à
consolider ou à inventer.
collective. Elle peut
Quel rôle pour les enseignant·es face à
nous aider à rencontrer cette nouvelle donne ?
nôtres pour faire équipe ra les élèves à sortir des ornières dans lesquelles les lieux
communs peuvent les enfermer.
Il faut aider les enseignants à développer leur pédagogie
et monter un projet. » et leur réflexivité sur les apprentissages des élèves. Les
profs qui ont relevé le défi de la COVID-19 ont bien vu
que leurs élèves avaient des difficultés qui nécessitaient
une remise en cause de leurs pratiques. Cette crise a aidé
pensé les internautes qui y ont eu accès avant vous. Or, si beaucoup d’entre eux à travailler de manière plus collec-
je cherche une information sur une pathologie médicale, tive, à être plus à l’écoute, à apprendre de leurs élèves
par exemple, j’aurais besoin de savoir ce qu’en pensent qui parfois maîtrisaient mieux certains outils qu’eux-
les patients, mais aussi les médecins et les chercheurs. mêmes, voire à changer de relation avec les parents.
Si le contenu est triplement recommandé par ces diffé-
rentes personnes, il m’intéresse. Une société apprenante peut-elle amener
davantage d’égalité des chances ?
L’utilisation de nos données n’est-elle
pas un des enjeux majeurs de la société Notre société aujourd’hui est une société de compétition
apprenante ? scolaire. Nous avons besoin de beaucoup plus de coo-
pération dans les apprentissages, plutôt que d’ostraciser
La question préalable est : est-ce que ces données servent certains parce qu’ils réussissent moins bien que d’autres.
à vous vendre de la pub, à faire du profilage des services Le défi du coronavirus nous montre par exemple que
secrets ou des assurances ou est-ce qu’elles servent à personne n’a la solution, mais qu’on peut tous coopé-
mieux vous connaître vous-même et à apprendre ? Nous rer pour la trouver. Des études scientifiques ont prouvé
avons besoin de technologies socratiques, du « connais- que lorsque les élèves coopèrent les uns avec les autres,
toi toi-même », du questionnement, de la curiosité, de c’est aussi fructueux pour celui qui transmet – parce
l’exploration. C’est pourquoi nous avons besoin de ser- qu’il consolide son apprentissage –, que pour celui qui
vices publics sur tous ces aspects. apprend. C’est vrai à l’échelle de la classe, mais aussi à
En ce sens, la crise sanitaire a été un réveil abrupt où l’échelle de la planète, via le digital. Si tous les enfants de
chacun a pris conscience des défaillances de l’État, sur France se mettent à collaborer à Vikidia, ses ressources
les masques bien sûr, mais aussi de l’Éducation nationale, seront de meilleure qualité, tout en étant accessibles à
qui n’était absolument pas prête. Il n’y avait pas assez toutes et tous.
de contenus numériques, de formations des enseignants,
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Les technologies permettent de rendre les
apprentissages plus ludiques. Mais peut-on tout
apprendre en jouant, et à tout âge ? Comment
mesurer l’efficacité des « serious games » ?
Des expert·es nous expliquent les règles du jeu.
La démocratisation du numérique offre les prétendus jeux éducatifs est que, soit
un terrain de jeu infini pour les apprentis- ils ne sont pas véritablement éducatifs,
sages. Dans les entreprises comme dans soit ils ne sont pas vraiment fun à jouer.
l’enseignement supérieur, les « serious Voire ni l’un, ni l’autre ».
games » (« jeux sérieux ») ont le vent en Le jeu est avant tout – et doit rester –
poupe depuis plusieurs années. Avec le un divertissement : la finalité est de ga-
confinement dû au coronavirus, ce sont gner, ce qui nous procure du bien-être.
les applis éducatives en tout genre qui Pour qu’il devienne « sérieux », le jeu
ont été propulsées sur le devant de la doit aussi devenir un moyen d’atteindre
scène : Fin Lapin 3 pour découvrir les un objectif utilitaire, que ce soit pour ap-
maths, Syllabique pour apprendre à lire, prendre les couleurs ou à manager une
Conjugo pour conjuguer, etc. équipe. « De la maternelle à la formation
Les jeux vidéo ne sont pas en reste. professionnelle, on peut tout apprendre
Comme le détaille Celia Hodent, doc- par le jeu ! », assure Julian Alvarez, doc-
teure en psychologie, dans son ouvrage teur en sciences de l’information et de la
Dans le cerveau du gamer – Neuro- communication à l’Université de Lille et
sciences et UX dans la conception de président de l’association Ludoscience,
jeux vidéo (Dunod, 2020), « le jeu vidéo laboratoire de R&D dédié à l’étude du jeu
Disponible en podcast, étant l’un des types de jeux les plus po- vidéo et du jeu sérieux. Encore faut-il sa-
avec le soutien d’Epitech. pulaires, il est naturellement considéré voir s’y prendre.
comme un médium très intéressant pour
l’éducation ». Mais la psychologue estime Une soupe à l’oignon
aussi que « déguiser des exercices de pédagogique
maths en les arrosant d’une couche de
Texte. Natacha Lefauconnier jeu vidéo ne sera pas suffisant pour les Avec ses étudiant·es, Julian Alvarez uti-
Image. Xoana Herrera rendre engageants. Le problème avec lise le jeu vidéo Overcooked, où quatre
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joueur·ses doivent collaborer pour cuisiner et servir des
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couleurs, et celui qui joue le robot doit les exécuter. L’ob- dans le jeu », énumère la chercheuse. Il est primordial
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jectif est d’atteindre une ligne d’arrivée. « L’important est que « les jeux sérieux s’adaptent aux compétences des
que les enfants ne soient pas mis en difficulté. Ils doivent individus, en augmentant progressivement la difficulté
prendre du plaisir. On n’est pas dans une notion de pour qu’ils restent dans ce flow ». Sans oublier la notion
performance académique », énonce Amélia Matar, fon- essentielle de transfert des apprentissages, « c’est-à-dire
datrice et présidente de COLORI. l’extension de ce qui a été appris dans un contexte à un
C’est le même état de plaisir que recherche la méca- autre contexte », rappelle Celia Hodent, condition sine
nique d’un jeu vidéo. « L’objectif est de maintenir le flow, qua none pour que le jeu ne soit pas une « animation
c’est-à-dire cet état de concentration intense d’absorp- rigolote » mais un changement de cognition ou compor-
tion et d’engagement profond dans la tâche », décrypte temental applicable à une autre situation.
Séverine Erhel, maître de conférences en psychologie Bien utilisé et surtout bien encadré, le serious game
cognitive et ergonomie à l’Université Rennes 2. Dans un « crée de l’appétence pour aller acquérir d’autres
jeu vidéo éducatif, on cherche à combiner des buts et connaissances, estime Séverine Erhel. Il peut aussi être
des contraintes pédagogiques avec des challenges du un allié pour mettre en pratique des notions apprises,
jeu, le tout dans un subtil équilibre, pour motiver l’utilisa- mais il ne doit en aucun cas se substituer à l’ensei-
teur·trice. « Il faut aussi proposer des feedbacks, sous la gnant ». À vous de jouer !
forme de scores, de passages de niveaux, des éléments
marquant l’acquisition de compétences pour évoluer
Un « serious game »
pour chaque âge de la vie
5 ans : Bee-Bot. À partir de 14 ans : Tech it!
Une abeille-robot d’éducation programmable adaptée Le principe de ce jeu de rôle développé par Grenoble EM
aux classes de maternelle jusqu’en primaire, offrant un est d’incarner l’un des 20 personnages puis de combiner
support pédagogique notamment pour les professeur·es les cartes objets et les cartes technologies proposées
des écoles (repérage dans l’espace, programmation de pour devenir le ou la meilleur·e inventeur·trice de la
déplacements...). partie.
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POINT DE VUE
Garder en éveil
nos capacités
d’apprendre
L’alliance des neurosciences
et du digital permet
de renforcer attention,
motivation et mémorisation.
Image. chilli drop.
écouvrir, apprendre, se former, déve- Le monde d’aujourd’hui (qu’on dit VUCA : Volatile, In-
D
lopper et transmettre ses savoirs et certain, Complexe et Ambigu) s’accélère, rend rapide-
ses compétences sont des capacités ment obsolètes nos connaissances et oblige à garder
dont chaque être humain dispose en éveil nos capacités d’apprentissage.
dès sa naissance pour progresser Face aux contraintes de la formation telle qu’elle a
tout au long de la vie. Ces capacités toujours existé, et à cette pression quotidienne pour
d’autodidaxie naturelles redoutable- rester dans la course, les neurosciences et le digital
ment efficaces nous permettre d’apprendre à parler forment un duo qui permet de renforcer les leviers es-
sans même connaître l’existence de la grammaire, ou sentiels à une formation performante : l’attention, la
de maîtriser l’équilibre et la marche sans connaître les motivation et la mémorisation.
lois de la physique.
Votre attention s’il vous plaît !
La formation sous ses formes traditionnelles com-
plète cette autodidaxie par des dispositifs « de L’attention est à la base de tout apprentissage, sans
masse » : des classes de 30 élèves (ou plus), des am- attention, pas de compréhension, pas de mémorisa-
phis de 100 étudiant·es, des salles de stage de vingt tion. Mais pour l’obtenir, il y a un prérequis : en don-
personnes, avec son lot de contraintes : des lieux, ner ! Effectivement, commencez par porter attention
des dates, des programmes et des contenus iden- aux apprenant·es, vous obtiendrez alors leur attention,
tiques pour tout le monde. sans avoir à la réclamer.
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POINT DE VUE
Pour renforcer l’attention, il existe deux puissants retrouver l’information stockée est une autre affaire.
leviers : Chaque petite information stockée laisse une trace
mémorielle. Avec le temps, si celle-ci n’est pas ren-
⟶ Stimuler plusieurs sens : chacun de nos sens ren- forcée, elle disparaît. Impossible alors de retrouver le
force les autres, alors ajouter un commentaire so- chemin, et donc de se souvenir.
nore à une image rendra celle-ci encore plus per-
cutante. En salle, n’hésitez pas à faire bouger les On a tendance à dire que la pédagogie est l’art de la
apprenant·es : les sensations physiques rendent répétition. Oui et non. Voici quelques clés de la mé-
notre cerveau plus performant. morisation à long terme :
⟶ Utiliser les émotions : les émotions fonctionnent
comme un activateur d’attention, alors soyez créa- ⟶ Répéter oui, mais sous des formes différentes
tif·ves pour les provoquer : racontez une histoire, pour enrichir l’information et multiplier les indices
utilisez un ton décalé, proposez une énigme, faites de récupération de cette information ;
un trait d’humour, utilisez une image choc, etc. ⟶ Associer les informations nouvelles avec les an-
ciennes pour faire se croiser les traces mémo-
On se motive ! rielles et faciliter les souvenirs ;
⟶ Faire restituer l’information à chaud, tiède, et à
Obtenir l’attention est une chose, renforcer la motiva- froid. Et c’est là qu’il faut particulièrement faire
tion en est une autre. En effet, c’est la motivation qui répéter, non pas l’information, mais sa restitution,
va permettre de « tenir » l’ apprenant·e dans la durée. c’est cet exercice de souvenir espacé qui va ren-
Avant de chercher à renforcer la motivation, voyons ce forcer la trace mémorielle et rendre durable l’in-
qui peut la freiner : formation stockée.
⟶ Notre tendance naturelle à nous économiser ; Être attentif·ve, être motivé·e et mémoriser sont les
⟶ Notre aversion au risque de se tromper ou de bases essentielles à la formation. Elle reste cependant
commettre des erreurs ; un processus complexe qui consiste à cloner une par-
⟶ Notre inclination naturelle à éviter les émotions tie du cerveau d’un sachant vers un apprenant. Cer-
négatives ; tain·es ont tenté de réduire les connaissances et les
⟶ Notre capacité attentionnelle limitée. pensées à des données et des principes physiques :
le téléchargement de l’esprit. Ce procédé pourrait
Renversons ces aversions en appuyant sur les leviers fonctionner si tous les cerveaux étaient identiques. Or,
de motivation : c’est ballot, ils sont tous différents.
Combiner l’alignement des formations et nos méca-
⟶ Résoudre des énigmes : pariez sur l’envie des ap- nismes naturels d’apprentissage, avec le potentiel de
prenant·es de trouver des solutions pour les mo- personnalisation et d’individualisation qu’offre le digi-
tiver ; tal, permet de résoudre l’équation de la formation de
⟶ Obtenir des récompenses : et oui, Pavlov avait masse avec l’individualisation de l’apprentissage.
raison : fournir des retours après chaque activité
renforce la motivation ; Philippe Lacroix
⟶ Susciter la curiosité : donnez de la liberté pour
provoquer l’envie de découvrir, explorer ;
⟶ Avoir des surprises : utilisez le décalage, les mé-
taphores, le storytelling... Cela provoque des sur- À P R O P O S D E L'A U T E U R
prises et renforce encore la motivation.
Philippe Lacroix est cofondateur avec Philippe Gil
Mémoriser n’est pas se souvenir du cabinet de conseil en stratégie de formation ILDI
(il-di.com). Avec Nadia Medjad, fondatrice de Neuro-
Bien, vous avez l’attention et la motivation, il ne reste Echology (medjad.com), ils ont coécrit Neurolearning
plus qu’à mémoriser. Et non, pas tout à fait. Car mémo- (Eyrolles, 2016), qui présente plus largement les
riser, nous en sommes tous et toutes capables. Mais notions exposées dans cette tribune.
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L’IA pour personnaliser
les apprentissages
Aurélia Onyszko-Leclaire est institutrice permet de mieux prononcer les sons, sa-
dans l’Est de la France. Depuis quatre chant que leurs parents ne peuvent pas
ans, elle n’apprend plus la lecture de la les aider à le faire à la maison », précise-
même façon à ses CP : elle utilise Lalilo, t-elle.
une solution numérique permettant via
l’intelligence artificielle de personnaliser Reconnaissance vocale
l’apprentissage de la lecture. « C’est un et adaptive learning
bon complément pour la lecture et la
phonologie, les élèves l’utilisent en classe Cette solution d’apprentissage intelli-
sur tablette et ordinateur, en autonomie. gente de la lecture vise la personnalisa-
L’avantage : je peux programmer les le- tion. « L’idée est de s’adapter à chacun :
Disponible en podcast, çons individuellement pour chaque en- grâce à l’adaptive learning, nous aug-
avec le soutien d’Epitech. fant, le ou la faire travailler sur un son mentons le temps de lecture à voix haute
sur lequel il ou elle bute, par exemple », dans la classe, ce qui est compliqué avec
détaille l’enseignante. Un avantage, sur- vingt élèves et un seul professeur. Via une
tout pour les plus en difficulté. « L’appli- technologie de reconnaissance vocale,
cation permet un vrai progrès pour les nous offrons un retour à l’enfant, s’il pro-
Texte. Laura Makary élèves dont les parents ne maîtrisent pas nonce une lettre muette par exemple », ex-
Image. Ollie Hirst la langue française. Elle les motive et leur plique Laurent Jolie, cofondateur de Lalilo.
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L’outil pose aussi des questions à l’élève,
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« Ces technologies réduisent les inégalités
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au sein d’une classe : le très bon pourra
poursuivre sa courbe d’apprentissage, tandis
que le moins bon ne sera pas dévalorisé et
pourra continuer à progresser. »
Jean-Marc Merriaux, directeur du numérique pour l’éducation
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«Le numérique
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pour la forme,
la pédagogie
pour le fond»
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Anthropologue des usages numériques,
Pascal Plantard analyse comment
les enseignant·es utilisent le numérique.
Selon lui, les trois quarts des professeur·es
ont des pratiques minimalistes, mais la crise
sanitaire fait bouger les lignes.
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coup de main, la coformation, ont per-
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seront coconstruites avec les usagers. Il faut cesser de vronné·e, à l’aise, avec dix ans d’expérience, et il ou elle
croire qu’on va révolutionner la pédagogie dans les bu- va se préoccuper du décrochage de ces élèves. Quand
reaux d’une start-up ! cela ne marche pas, les professeurs savent rebondir dans
l’interaction. En devenant numériques, les processus de
Faut-il compter sur une « génération Y » communication et d’apprentissage n’ont pas changé sur
de professeur·es pour enseigner avec les le fond mais sur la forme. La pédagogie est l’art du brico-
technologies numériques ? lage. Dans les coopératives pédagogiques numériques de
Bretagne, ces lieux ouverts aux enseignants pour échan-
Il n’y a pas de fracture générationnelle, mais autant de dif- ger, concevoir de la pédagogie, coopérer et découvrir du
férences d’usage dans une classe d’âge qu’entre généra- matériel numérique et innovant, on voit des enseignants
tions ! Les jeunes qui entrent à l’Inspé - l’Institut national de 35-45 ans, et d’autres, brillantissimes, qui sont à deux
supérieur du professorat et de l’éducation, où sont formés doigts de la retraite. Leurs expérimentations vont de l’ac-
les enseignants –, vont plutôt intégrer la forme scolaire cessibilité (handicap, troubles de l'apprentissage...) à la
classique, où il n’y a pas de place pour l’innovation et les collaboration en classe (avec des cartes mentales ou des
nouvelles technologies. Je pense à des étudiants gamers, clouds pédagogiques...), en passant par l'évaluation avec
qui vont peut-être penser révolutionner la façon d’ensei- le numérique.
gner avec le jeu vidéo et qui, une fois profs, n’en font rien.
L’enseignant ou l’enseignante qui innove est plutôt che-
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De Nevers à Carcassonne, des campus
connectés ont vu le jour depuis un an dans le
but de réduire les inégalités géographiques
d’accès à l’enseignement supérieur. Une
nouvelle manière d’apprendre sans la force du
collectif mais avec un suivi individuel renforcé.
Après deux ans de licence en sciences Treize villes de taille moyenne - Autun,
de l’éducation à l’Institut national supé- Bar-le-Duc, Cahors, Carcassonne, Chau-
rieur du professorat de l’éducation de mont, Le Vigan, Lons-le-Saunier, Mon-
Nevers, Camille Balleret, 20 ans, a dû tereau-Fault-Yonne, Privas, Redon, Saint-
changer ses plans pour la rentrée 2019. Brieuc, Saint-Raphaël, et donc Nevers
La troisième année de sa formation n’a - ont expérimenté la labellisation « cam-
pas ouvert dans l’établissement, et deux pus connecté ». Une centaine de lieux
choix se sont présentés à elle : soit elle devraient être labellisés d’ici à la rentrée
poursuivait ses études à l’université de 2022, dont une vingtaine de nouveaux
Bourgogne, à Dijon, soit elle optait pour espaces dès septembre 2020.
la formation à distance, en restant dans Le plus souvent pris en charge par des
la Nièvre. « J’ai beaucoup hésité mais collectivités ou des associations, elles-
Disponible en podcast, Dijon est mal desservi depuis Nevers, la mêmes aidées par des universités parte-
avec le soutien d’Epitech. route est compliquée et, en train, on en naires, ces tiers lieux prennent des formes
a pour deux heures et demie. Cela fai- différentes. Quatre jours par semaine, Ca-
sait des frais pour seulement quelques mille se rendait dans un espace réservé
mois », explique la jeune étudiante. Elle a de 140 m² au sein de l’Inkub, un incuba-
finalement préféré une solution intermé- teur de start-up créé dans une ancienne
Texte. Eva Mignot diaire en rejoignant le campus connecté caserne rénovée. Dans une première
Image. Maïté Franchi de Nevers. salle, les élèves utilisent des tables et des
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fauteuils à roulettes qu’ils peuvent facile- tion avec un job, la proportion apparaît
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ment déplacer ou s’assoient devant une encore plus importante sur les campus
table haute dans l’esprit bar. Ils peuvent connectés. À Carcassonne, on en comp-
amener leur propre ordinateur ou s’en tabilise un tiers.
faire prêter un dès le début de l’année Quand les élèves en présentiel sont obli-
par le campus. Un espace détente, équi- gé·es de s’adapter à l’emploi du temps
pé d’un canapé, d’un baby-foot et de de leur formation au risque d’arriver
poufs géants leur est aussi consacré. Une totalement épuisé·es en cours, les ap-
autre salle est dédiée aux ateliers col- prenant·es de ces nouvelles structures
lectifs. À Bar-le-Duc (Meuse), le campus construisent individuellement le leur.
connecté s’est installé dans une classe « Quand ils travaillent à McDo tard le soir,
du lycée Raymond-Poincaré. Les effectifs nous ne les faisons pas venir à 8 heures le
varient en fonction de chaque lieu : ils matin. On peut avoir cette souplesse-là »,
étaient trois étudiant·es à dans l’espace explique Mathilde Cotini, directrice du
mosan, dix-neuf à Nevers. Le nombre de campus d’Autun. Si un minimum de douze
places doit augmenter au fur et à mesure heures de présence est requis, les étu-
des années. diant·es peuvent s’y rendre quand ils le
Ces tiers lieux ont un seul et même objec- souhaitent, sur les horaires d’ouverture
tif : réduire les inégalités géographiques des campus. Des plages horaires peuvent
et économiques d’accès à l’enseigne- cependant leur être imposées en fonc-
ment supérieur. Des jeunes éloigné·es des tion des impératifs des tuteur·trices.
grands centres universitaires disposent La façon d’appréhender les études n’est
tout au long de l’année d’un espace pour donc plus la même. Cet enseignement à
suivre leur licence, leur master, leur DUT distance laisse plus de liberté. « Je suis
(diplôme universitaire de technologie) ou quelqu’un de très organisé de base.
leur BTS (brevet de technicien supérieur) Je recevais mes cours chaque mois, je
à distance, que leur formation soit pro- me créais un planning en prenant en
LE CHARABIA posée par une université, un lycée ou le compte les devoirs, les contrôles conti-
DU WEB CNED (Centre National d’Enseignement nus, les dossiers à rendre et des épreuves
à Distance). Ils peuvent aussi bénéficier écrites de fin d’année », explique l’étu-
au quotidien des conseils de coachs, au diante Camille Balleret. Finalement, pour
Synchrone / nombre d’un pour dix élèves, généra- Nadia Jacoby, ancienne vice-présidente
Asynchrone lement fonctionnaire territorial, forma- numérique à l’Université Paris 1 Pan-
La formation teur·trice ou enseignant·e, capable de les théon-Sorbonne, aujourd’hui fondatrice
à distance distingue aider sur le plan méthodologique. de l’agence Simone et les Robots, « les
les moments synchrones premières années de licence demandent
(où l’étudiant·e et Aménager son emploi du aux étudiants d’apprendre à se débrouil-
l’enseignant·e sont réunis temps ler, à se repérer. La formation à distance
en même temps) des exacerbe encore davantage cela ».
moments asynchrones Ces tiers lieux regroupent des profils di-
(où l’étudiant·e vers : étudiant·es ne pouvant pas se lo- Apprendre sans les profs
apprend seul·e). ger sur un campus universitaire, jeunes
en situation de handicap ou gravement Le campus connecté et l’enseignement à
Autrement dit : malades, ayant besoin d’une assistance distance numérique changent aussi radi-
Synchrone, c’est quand au quotidien, bacheliers refusés de leurs calement la manière d’apprendre. Alors
tu regardes Top Chef vœux Parcoursup... Une grande partie que le numérique et les réseaux sociaux
en direct. Asynchrone, d’entre eux travaillent à côté de leurs favorisent l’instantanéité, la formation à
c’est quand tu préfères études. Si, selon l’Insee, près d’un quart distance entraîne paradoxalement une
le visionner en replay. des étudiant·es couplent leur forma- certaine asynchronie.
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« Les premières années
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Quand il suffit de lever la main dans une salle de classe
pour obtenir une réponse à une question, les étudiant·es
en formation à distance doivent attendre plusieurs
heures, voire plusieurs jours, avant d’en recevoir une par
e-mail ou sur la plateforme dédiée aux échanges. « Avec
de licence demandent
la licence de psychologie de l’université Paris 8, il faut
être très patient. Certains professeurs ne répondent pas aux étudiants
forcément tout de suite. D’autres pas du tout. Cepen-
dant, il y a une certaine entraide des étudiants. Nous
passons par des forums et il y a toujours quelqu’un pour
d’apprendre à se
répondre à nos questions ou pour envoyer une vidéo qui
peut nous aider à comprendre », raconte Camille Gillot, débrouiller, à se repérer.
élève au campus de Chaumont.
Les étudiant·es font donc leurs recherches sur Internet
pour trouver des réponses ou aller plus loin que le cours.
La formation à distance
« Dans un tel contexte, nous devons les sensibiliser à l’es-
prit critique pour leur permettre de prendre du recul sur
ce qu’ils lisent, de vérifier la véracité et l’objectivité des
exacerbe encore
propos et d’apprendre à discerner le vrai du faux ou en-
core d’aller à la source », explique Valérie Campillo, maî- davantage cela. »
tresse de conférences et chargée de mission numérique
à Aix-Marseille Université.
Nadia Jacoby, fondatrice de l'agence
Peu de travaux en groupe mais des ateliers Simone et les Robots
collectifs
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Ces professions
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qui se forment
tout au long de la vie
Simulation, webinar, colloque ou module
en ligne, tous les moyens sont bons pour
approfondir ses connaissances. Certains métiers
ont déjà pris l’habitude d’utiliser les outils
numériques en ce sens.
Il n’a jamais été aussi facile de se for- des cursus liés aux « soft skills », les com-
mer. En quelques clics, des milliers de pétences comportementales comme l’in-
modules, de cours et de contenus sont telligence émotionnelle, le management,
disponibles et permettent d’apprendre ou encore la résilience. Quelques métiers
de nouvelles compétences profession- sont déjà en première ligne dans cette
nelles. « Le numérique offre une accessi- volonté de formation permanente. En
bilité 24 h/24, 7 j/7, sur n’importe quelle voici trois, mus par la nécessité de rester
thématique. Cet outil hyper puissant à la page.
accélère la possibilité de se former tout
au long de la vie », se réjouit Charlène Développeur·se : rester à la
Friang, instructional design manager pointe
pour OpenClassrooms. Dans son ca-
talogue, ce sont les cours liés au code, « Entre le moment où j’ai décidé de de-
aux technologies de l’information et à la venir développeuse, il y a vingt ans, et
data qui fonctionnent le mieux. « Nous aujourd’hui, les technologies ont totale-
Disponible en podcast, voyons aussi émerger tous les métiers ment changé. » Voilà qui a le mérite d’être
avec le soutien d’Epitech. traditionnels transformés par le numé- clair. Aurélie Guillaume est responsable
rique : marketing, comptabilité, RH… du pôle développement web de la plate-
Face à l’obsolescence des compétences forme Creads. Malgré des années d’ex-
techniques, il est nécessaire de continuer périence, elle continue assidûment de se
à apprendre », pointe-t-elle. Les cata- former en ligne, pour s’assurer de rester
Texte. Laura Makary logues en ligne développent de plus en à la pointe des nouvelles technologies.
Image. Aurélien Jeanney plus, à côté des formations techniques, « Pour moi, cela passe principalement
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Air France, la consigne est prise au sé-
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Fit. À ses yeux, continuer à apprendre est indispensable.
VA , V I S E T A P P R E N D S
Chaque année, elle se fixe une « grosse » formation, di- La formation, une autre
plômante ou certifiante, souvent coûteuse, et quelques inégalité femmes-hommes
modules complémentaires, le tout en ligne. Exemples :
nutrition, coaching mental… « Se former a un coût : celui L’accès à la formation ne serait pas aussi aisé pour les
du cours, mais aussi le temps passé à étudier, qui n’est femmes que pour les hommes. C’est en tout cas l’une des
pas rémunéré. Le point positif ? On peut suivre les forma- conclusions du rapport de Catherine Smadja-Froguel sur
tions à notre rythme : pratique, lorsque l’on a rarement le sujet, rendu au gouvernement en 2018. « Tout se passe
un emploi fixe. En tout cas, j’ai le goût de l’excellence et comme si, lorsqu’il revient aux entreprises de décider [de
la volonté de toujours apprendre. Il n’y a pas beaucoup la formation des femmes], elles arbitrent en faveur des
de coachs, surtout dans le CrossFit, qui restent sur leurs hommes pour décider des bénéficiaires de formation. »,
acquis », relève-t-elle. Continuer ainsi ? Une évidence. précise le rapport. Et pourtant l’enjeu est de taille, car ce
« C’est indispensable si l’on veut être un bon coach et sont bien souvent ces formations qui permettent ensuite
le rester ! » d’accéder aux promotions. Selon Sophie Dancourt, fon-
Kevin Joseph est dans la même dynamique : webinaires, datrice du média en ligne dédié aux femmes quinquagé-
cours en ligne, contenus vidéo, ce coach sportif conti- naires J’ai piscine avec Simone, le problème de la forma-
nue d’apprendre. « Cela m’apporte du bagage pour ap- tion touche en particulier les femmes de 45 ans et plus,
puyer mes propos, mais aussi de la confiance en moi et qui se retrouvent « débarquées » ou mises de côté au
de la légitimité vis-à-vis des clients. La préparation phy- sein des entreprises. « L’idéal serait d’être formé·e très
sique n’est pas une science morte, nous sommes dans le régulièrement pour ne pas arriver à cette obsolescence
partage de connaissances et devons, en tant que pro- programmée des plus de 50 ans, parce qu’il n’y a pas
fessionnels, continuer à nous perfectionner », souligne- eu la formation en amont. La formation est justement
t-il, profitant de ses déplacements en transports pour importante pour effacer ce clivage sur l’âge », confie-t-
engloutir des podcasts spécialisés sur les techniques de elle. « Les femmes, encore plus après 50 ans, souffrent
musculation. Toutes ces connaissances ont évidemment de stéréotypes sur tout ce qui a trait au numérique. Le
un coût : cela peut aller de quelques dizaines d’euros digital représente pourtant une opportunité incroyable
pour un séminaire à plusieurs centaines d’euros pour des de se former à tout âge et une nécessité pour rester
modules plus importants. dans la course pour toutes et tous. »
Pour ces coachs, indépendant·es ou salarié·es, la for-
mation grâce aux outils numériques est omniprésente.
« Dans nos salles, nous créons nos propres cours. Les
coachs reçoivent donc les nouvelles trames et un accom-
pagnement en ligne continu à chaque trimestre. Cette
mise à jour du contenu leur permet de s’exercer dessus Une appli pour gérer
et de faire des retours », confirme Thomas Mendonça, di-
recteur général en charge du numérique pour le réseau ses droits
Fitness Park, qui compte plus de 220 clubs en France. à la formation
Une soif d’apprendre qui va gagner tous les secteurs. Se-
lon une étude du think tank californien Institute for the fu- Apprendre a un coût. Le CPF (Compte Personnel de For-
ture réalisée en 2017, 85 % des métiers de 2030 n’existent mation), mis en place en janvier 2019, permet à chaque
pas encore. Benoît Anger, directeur général associé de professionnel·le de disposer de ses droits à la formation
Neoma Business School, ne dit pas autre chose : « Avec (24 heures par an), contrairement au dispositif précédent
les nouveaux métiers qui se créent, il faut que chacun dé- géré par l’employeur. Une appli vient faciliter l’accès des
veloppe des compétences, notamment grâce aux forma- salarié·es à toutes les démarches. Objectif : simplifier les
tions à distance. Le drame est que la formation continue recherches et éventuelles inscriptions, mais aussi les bi-
est statistiquement tournée vers les cadres supérieurs, et lans de compétences. Dix millions de compte ont déjà
l’on oublie toute une partie des collaborateurs, alors que été activés sur les 28 millions potentiels. De quoi élargir
tous les métiers sont concernés par cette nécessité. » les horizons de tout un chacun.
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Les plateformes de médias sociaux ont
révolutionné le rapport aux connaissances et
à l’apprentissage. Amateur·es passionné·es ou
chercheur·euses pointu·es peuvent transmettre
leur savoir sans filtre. Jusqu’à remplacer
les enseignant·es ? Les vulgarisateur·trices
d’Internet n’ont pas cet objectif.
YouTube est bien plus que le juke-box « Leur succès s’explique notamment par
géant de la planète. Certes, la musique la politique de la plateforme », explique
reste la meilleure garantie de « perfor- Jean-Baptiste Viet, auteur du livre Youtu-
mer » sur la plateforme de partage de beur (Eyrolles, 2019). « Environ 70 % des
vidéos de Google. Certes, ces dernières vues proviennent des recommandations
années, le « gaming » y a le vent en en page d’accueil, les “tendances”. You-
poupe. Mais depuis cinq-six ans, un autre Tube valorise le travail de ces vidéastes
phénomène ne cesse d’enfler : la vulga- car il est de qualité, notamment sur la
Disponible en podcast, risation de connaissances scientifiques. forme, et parce que ces derniers publient
avec le soutien d’Epitech. En tout genre : physique, biologie, géo- régulièrement. »
logie, histoire, etc. Les vidéastes de cette Mais au-delà de la stratégie d’audience
nouvelle spécialité étaient une quinzaine menée par le géant US, le public est au
en 2014. On peut désormais trouver, sur rendez-vous. « Beaucoup de gens ont
YouTube, plusieurs centaines de ces pas- une soif de connaissances, une curio-
Texte. Sylvie Fagnart seurs et passeuses de sciences, qui ras- sité scientifique et culturelle qui a au-
Image. Ollie Hirst semblent plusieurs millions d’abonné·es. jourd’hui les moyens d’être assouvie en
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un clic. Les bonnes vidéos de vulgarisation nourrissent Le succès des chaînes de découverte scientifique re-
cette curiosité et désacralisent le savoir, le rendent ac- pose sur cette précision. Les abonné·es sont prompt·es
cessible et même attirant, cool », constate Mathilde Hu- à pointer les erreurs. Manon Champier, dite Manon Bril,
tin, post-doctorante en linguistique, vidéaste amateure qui met en scène l’antiquité avec sa chaîne « C’est une
et autrice d’une recension de 350 chaînes culturelles ou autre histoire », a récemment coupé l’une de ses vidéos
scientifiques en français, pour le compte du ministère de consacrée à l’archéologie au prisme du sexisme. « J’y
la Culture. évoquais la théorie du dimorphisme, qui avance que
les différences physiologiques entre les femmes et les
Décontraction hommes proviennent d’une inégalité d’accès à la nour-
riture entre les sexes à la préhistoire. J’ai finalement en-
Le plus populaire de ces vulgarisateurs, Bruce Benamran, levé cette partie, parce que des abonné·es m’ont fait
taulier de la chaîne « e-penser », compte 1,12 million remarquer le caractère controversé de ces recherches »,
d’abonné·es. Et fait un carton - plus de 500 000 vues - explique-t-elle. Cerise sur le gâteau de la rigueur, cette
avec ses explications sur l’origine des trous noirs. Sa re- docteure en histoire signale la coupure à ses abonné·es
cette : la décontraction. « Je m’adresse au public comme en commentaire de la vidéo.
je parlerais à un pote », dit-il. Un ton familier qui n’est pas
pour autant synonyme de désinvolture ou d’approxima- Rigueur scientifique à l’épreuve
tion. Bruce Benamran est informaticien et passionné de
physique. Pour bétonner ses propos, il s’abreuve notam- C’est l’un des secrets de la bonne fortune de ces vi-
ment à des sources universitaires. déastes : produire pour leur communauté un corpus de
60
« La curiosité du public
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« La curiosité du public pour ces sujets profite à la re-
cherche en général », pointe Mathilde Hutin. « C’est vital,
abonde Manon Champier. Si on suscite de l’intérêt pour
pour ces sujets profite à la recherche, on fait comprendre l’intérêt politique de la
financer. »
Certain·es profs du supérieur se sont donc lancé·es dans
la recherche en général » le grand bain. Sur Twitter, dont le format en « thread »
(« fil de discussion ») permet de dérouler une pensée
complexe de façon structurée, l’historienne Mathilde
Mathilde Hutin, post-doctorante Larrère, spécialiste des révolutions du XIXe siècle et maî-
en linguistique tresse de conférences à l’Université Gustave-Eiffel, ré-
sume à sa communauté l’état actuel des connaissances
sur des événements comme la prise de la Bastille, la
Commune ou dispense une « histoire sociale et politique
de la consommation d’alcool ». Des propos sérieux et ré-
férencés, qu’elle agrémente de gifs animés légers.
Tout autant que le contenu, l’habillage de cette vulgarisa-
tion via les réseaux sociaux importe. « Si ces comptes et
ces chaînes fonctionnent, c’est parce que celles et ceux
qui les animent ont compris les codes des plateformes,
principalement la reprise de ceux de la pop culture »,
décrypte Jean-Baptiste Viet. « Avec ma chaîne, je veux
sources scientifiques en description de la vidéo et adop- délivrer ce message : non, l’histoire n’est pas chiante
ter un raisonnement scientifique consciencieux. « Sur un et poussiéreuse. Ça passe aussi par un montage “jump
sujet éloigné de ma spécialité – la peinture dans le monde cut”, de la musique urbaine en bande-son et un langage
antique – je me sers de ce que j’ai appris en méthodolo- un peu cru », exprime Manon Champier.
gie pendant mes études universitaires et ma thèse. Pour La théorie de l’évolution de Darwin expliquée par les Po-
me pencher sur l’historicité de la vie de Jésus, j'ai sollicité kémon : c’est l’une des vidéos à succès de la chaîne Dir-
des conseils de lecture auprès de collègues de mon an- tyBiology. Toutefois moins plébiscitée que celle où il dé-
cien labo d’histoire ancienne », détaille Manon Champier. taille « à quoi sert un pénis ? », qui cumule 1,7 million de
Des sources citées et le respect du consensus scienti- visionnages. Les recettes du vieux monde fonctionnent
fique actuel : deux signes qui donnent du crédit à un toujours sur YouTube.
contenu. Parce qu’attention, YouTube - comme les
autres plateformes – pullule aussi de vulgarisation dan- Interaction
gereuse, de démonstrations pseudo-scientifiques au ser-
vice de discours complotistes. Les vidéos expliquant que Face au plébiscite du public, faut-il envisager de rem-
la Terre est plate ou l’humanité dirigée par les Illuminati placer les profs par des Youtubeur·ses ? « Je ne fais pas
cartonnent, même si le site américain assure ne plus les de l’enseignement dans mes vidéos. Je n’ai que l’ambi-
mettre en avant. Le titre académique ne suffit pas non tion de faire du divertissement culturel », précise Ma-
plus, comme le prouvent les nombreuses prises de po- non Champier. « Regarder des vidéos de vulgarisation
sition anti-vaccins du cancérologue Henri Joyeux, large- n’exige aucun effort de mémorisation. Quant à l’ensei-
ment diffusées sur YouTube ou Facebook. gnement, il repose sur une interaction entre les élèves
et l’enseignant·e, qui adapte son contenu à la compré-
Codes pop hension, en temps réel », ajoute Mathilde Hutin. Mais rien
n’empêche de s’appuyer, en classe, sur les films de Scila-
Dans le monde académique, la vulgarisation peut encore bus, Nota Bene ou Florence Porcel pour décomplexer les
sonner comme un gros mot. Mais une part de plus en élèves avec les sciences.
plus grande des universitaires a compris l’intérêt que
recèle cette médiation scientifique d’un genre nouveau.
61
POINT DE VUE
« Digitaliser la formation :
une opportunité à saisir ! »
Pour les organismes
de formation qui n’étaient
pas encore passés au
distanciel comme pour les
entreprises qui n’avaient
pas encore enclenché le
télétravail, la crise sanitaire
a permis de franchir un pas
décisif.
Image. chilli drop.
L
se transforme depuis plusieurs années digitale nous permet même de toucher un plus large
avec l’essor des outils et des usages nu- public grâce à une diffusion nouvelle de nos parcours
mériques. Les organismes de formation de formation.
ont tout intérêt à suivre le mouvement, le
changement est même inéluctable avec Une opportunité de se transformer
la crise sanitaire que nous vivons actuellement. Mais
pas de panique, les outils sont aujourd’hui accessibles, Alors, prenons cette crise sanitaire comme une op-
l’offre en matière de plateformes LMS (Learning Mana- portunité de se transformer, parce que digitaliser son
gement System), ces logiciels de formation innovants, offre de formation est utile et bénéfique pour tout le
ainsi que toutes les applications mobiles proposent monde. Le numérique a modifié l’accès à l’information.
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POINT DE VUE
N’importe qui peut se renseigner par lui-même sur In- Au contraire ! Il est plus que jamais essentiel de nous
ternet, trouver pléthore d’informations et se former concentrer sur l’accompagnement humain. Restons en
à n’importe quel moment de la journée grâce à son contact régulier avec nos apprenant·es, multiplions les
smartphone. Nous avons même accès à des forma- interactions, soyons à l’écoute de leurs besoins. Cer-
tions gratuites de type MOOC (Massive Open Online tain·es d’ailleurs ne sont pas à l’aise avec les techno-
Courses) et en tant qu’apprenant·es, nous sommes logies. On parle à ce titre d’illectronisme, contraction
devenu·es extrêmement exigeant·es, a fortiori lorsque des mots « illettrisme » et « électronique ». Et pour ces
nous devons payer une formation. personnes, le danger est tout simplement le décro-
Nous sommes toutes et tous des apprenant·es, même chage. Alors encore une fois, à nous, formateur·trices
moi, qui suis du côté des formateur·trices. La quali- et organismes de formation, de nous adapter, d’inté-
té et l’accessibilité doivent donc être au rendez-vous. grer ces problématiques à nos formations, de savoir
Je me replace du côté des organismes de formation : former aux outils du numérique, de faire le lien entre
à nous, donc, de créer des formations accessibles le contenu et les outils, pour que l’apprentissage se
ATAWAD (Any Time, Any Where, Any Device) qui per- passe le mieux possible. Je conseille également de
mettent d’apporter plus de fluidité dans les parcours rester vigilant quant à l’assouplissement des parcours
de formation, à nous de maintenir une dynamique de formation. Restons exigeants encore une fois quant
d’apprentissage continue afin de répondre au mieux à la valeur ajoutée pédagogique.
à l’obsolescence des compétences. Ce n’est qu’ainsi
que nous développerons notre croissance, notre ren- Sans opposer présentiel et digital, la digitalisation de
tabilité et notre image de marque. la formation permet aux cours en ligne et à la forma-
tion à distance de s’imposer comme des modèles du-
Plus que des formateur·trices, rables grâce à leur flexibilité et à leur contenu quasi
des facilitateur·trices instantané. Elle renouvelle le système pédagogique,
modifie les frontières espace/temps et répond à une
Alors certes les outils sont là et n’attendent que nous problématique qui se pose de plus en plus dans le
pour digitaliser la formation. Mais il va falloir aussi faire monde professionnel : le digital crée constamment de
preuve d’agilité, de créativité et de capacité d’adap- nouveaux savoir-faire, alors comment former des ac-
tation. L’incertitude de notre époque et l’accéléra- teurs compétents à temps ? Le digital augmenté, tel
tion des mutations que nous vivons quotidiennement que le met en œuvre Doceas & Formations, permet de
nous obligent à être réactif·ves et à rester informé·es construire des parcours de formation alliant tous les
nous aussi. C’est ainsi que notre métier lui-même se avantages du e-learning sans ses inconvénients, autre-
transforme. Plus que des formateur·trices, nous deve- ment dit en conservant des modalités collectives et
nons des facilitateur·trices. Cela signifie que nous ne synchrones.
sommes pas seulement là pour transmettre un savoir,
notre métier est d’accompagner, de sélectionner les Séverine Fingal
contenus, de les inscrire dans un parcours adapté et
personnalisé, en somme de permettre à nos stagiaires
d’apprendre à apprendre. La digitalisation de la for-
mation implique une approche globale, multimodale,
individualisée, elle invite à penser une consommation
de l’apprentissage fractionnée et instantanée. C’est À P R O P O S D E L'A U T R I C E
tout cela qui nous conduit également à enseigner dif-
féremment, en développant des usages participatifs Séverine Fingal est la fondatrice de Doceas &
et collaboratifs. Formations. L’organisme forme aux compétences
entrepreneuriales des créateur·trices et dirigeant·es
L'humain avant tout sur des thèmes aussi variés que la gestion de
trésorerie, l’optimisation de son organisation, le
Mais utiliser des outils numériques ne signifie pas de management, la stratégie, la règlementation RGPD
s’en remettre aux machines pour exécuter le travail. et la communication digitale et social média.
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NUMÉRIQUE
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PORTFOLIO
La tech est
dans le pré
L’Agritech est en pleine expansion.
La preuve avec Dominique Clyti,
céréalier dans l’Aube, qui utilise
au quotidien des appareils connectés
pour sécuriser son irrigation
ou évaluer la pluviométrie.
Une manière d’éviter les gaspillages,
de réaliser des économies
et de gagner en confort de vie.
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PORTFOLIO
À droite.
Depuis son téléphone, l’agriculteur peut surveiller le fonctionnement de ses enrouleurs. Au moindre
incident, le boîtier situé sur la grande bobine de tuyaux envoie une alerte.
Sur son ordinateur, le céréalier peut aussi consulter le planning d’irrigation. Le tableau de bord
indique les parcelles récemment irriguées ou celles qui le sont actuellement.
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PORTFOLIO
PORTFOLIO
En haut.
Basse pression, arrêt de l’enrouleur, tuyau percé… Au moins une fois par
semaine, il faut intervenir pour comprendre la cause du problème et
éviter de coûteuses pertes en eau et en énergie.
En bas.
La pompe est connectée : Dominique Clyti peut l’actionner à distance,
consulter, en envoyant un simple SMS, le débit ou encore être
rapidement averti en cas de dysfonctionnement.
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PORTFOLIO
PORTFOLIO
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PORTFOLIO
Dans son bureau, devant ses multiples
PORTFOLIO
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PORTFOLIO
Désormais, Dominique Clyti
passe 70 à 80 % de son temps
dans son bureau, derrière ses
ordinateurs.
pour les consommateurs de gros volumes d’eau et pro- Les produits connectés n’apportent pas seulement plus
portionnelle à la quantité utilisée. de confort à l’agriculteur, ils peuvent lui permettre d’op-
Ces appareils ne sont d’ailleurs pas seulement un moyen timiser ses recettes. Le céréalier possède une application
d’éviter des gaspillages onéreux. Ce sont aussi de pré- grâce à laquelle il est possible de vendre en direct ses
cieuses récoltes potentiellement sauvées. « Avant, lors- céréales et ses plantes oléoprotéagineuses en fonction
qu’un incident se produisait, c’était parfois une journée du cours sur le marché. Pour la très grande majorité de
d’irrigation perdue. On devait alors recommencer à irri- ses récoltes, il choisit encore la méthode traditionnelle,
guer la parcelle. Par conséquent, les récoltes en fin de mais il fait parfois quelques expérimentations. Il a récem-
chaîne pouvaient en pâtir », explique le céréalier. ment utilisé l’outil pour vendre du colza. « Je sais exacte-
ment ce que cela me rapporte et je peux faire de bonnes
Le numérique, utile mais chronophage affaires. Mais je n’ai pas le temps de regarder tous les
quarts d’heure les variations de prix : je ne suis pas tra-
Même s’il ne se considère pas comme un agriculteur der ! », prévient-il. Le numérique peut, en effet, vite deve-
« geek » quand d’autres utilisent drones, capteurs ou nir chronophage. L’agriculteur l’avoue lui-même : il passe
sondes connectées, il cherche désormais régulièrement désormais 70 à 80 % de son temps dans son bureau.
à se « mettre à la page ». Ainsi, Dominique Clyti a choisi Le presque sexagénaire était déjà « dans le coup » il
de se doter également d’un pluviomètre connecté. Plus y a dix ans, en commençant à équiper ses tracteurs
besoin pour lui de prendre la voiture pour aller lire les de la technologie d’autoguidage GPS qui évite de re-
données : il peut le faire de chez lui. « Nous sommes un passer deux fois sur la même parcelle. « Avant, on ra-
petit nombre d’agriculteurs à utiliser ces pluviomètres joutait 10 à 15 % de semences et d’engrais pour être
et nous pouvons consulter les résultats des uns et des sûr de ne pas laisser une parcelle vierge, explique Do-
autres. De cette façon, si j’ai une parcelle proche d’un minique Clyti. Avec cette technologie, on passe 15 %
appareil d’un voisin, je peux regarder de chez moi la de temps en moins à semer, on utilise 15 % de fuel en
pluviométrie, évaluer les précipitations et donc adap- moins, etc. Cela nous coûte moins cher et va dans le
ter mon irrigation le plus précisément possible », ex- sens d’une meilleure préservation de l’environnement. »
plique-t-il.
73
pren
dre
PRENDRE DE LA HAUTEUR
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75
« Le confinement
DE LA HAUTEUR
a révélé un Internet
altruiste »
Et si la crise sanitaire
avait mis en avant
un autre Internet,
loin des infox et des
bad buzz ? Groupes
Facebook d’entraide
ou visioconférences
familiales se sont aussi
développés pendant
le confinement. La
chercheuse Laurence
Allard analyse pour
Chut ! cette facette
moins médiatique
des réseaux sociaux.
76
La crise sanitaire a accéléré
DE LA HAUTEUR
peer, qui s’inscrit déjà originellement
nos usages numériques, en dans l’échange de fichiers. Cette culture
particulier le recours aux de l’échange était première dans l’his-
réseaux sociaux. Comment toire d’Internet. Elle a longtemps été
expliquez-vous un tel rejetée par les institutions culturelles,
engouement ? qui craignaient qu’elles ne détruisent
leur modèle économique. Mais avec le
Nous avons observé un usage encore confinement, la gratuité est devenue la
plus intensif de ces outils. Alors que nous planche de salut de ce secteur, en lui
étions tous confinés, les réseaux sociaux donnant une visibilité et une audience
se sont présentés comme une fenêtre en ligne malgré la situation. Tout a été
ouverte sur le monde, sans frontière, mis à disposition gratuitement, y com-
transnationale, dans lequel nous étions à pris de nombreux contenus pédago-
l’unisson. Ils étaient en fait le seul espace giques pour les enfants.
non fermé, hormis les quelques magasins
restés ouverts bien sûr. A-t-on vu de nouveaux usages
Ils ont ainsi été le théâtre de nos échanges apparaître durant cette période ?
conversationnels, nous permettant de
maintenir le lien avec nos proches, mais On a clairement vu émerger de nombreux
aussi nos collègues de travail. Nous avons groupes et pages sur Facebook, qui ont
assisté à une forme de réinvention de la permis de créer et de fédérer des col-
sociabilité via des formats en ligne. Les lectifs et des communautés. On observe
outils de visioconférence comme Zoom un renouveau à ce niveau-là, une utilité
et WhatsApp ont été fortement plébis- très forte de ces réseaux. Les groupes
cités et ont rendu le télétravail possible sur Facebook font office de « secrétariat
pour de nombreuses entreprises qui y du pauvre », et s’avèrent très utiles pour
étaient encore réfractaires. La communi- ceux qui n’ont pas forcément les moyens
cation à distance fait partie des usages financiers de développer leur propre site
classiques de l’histoire des technologies, internet. Cette utilité a été clairement
mais elle s’est amplifiée pendant le confi- activée pendant le confinement et cette
nement. panoplie d’usages possibles perdure.
Les réseaux sociaux ne se sont pas limi- Ce sont par exemple toutes ces pages de
tés à cette fonction de communication lieux touristiques, mais aussi tous les pe-
interpersonnelle. Ils nous ont permis aus- tits commerces et restaurants qui se sont
si l’échange de savoirs, de données, de lancés dans la livraison pour continuer de
contenus d’une façon totalement inédite. servir leurs clients. Les groupes ont eu
Et comme la pandémie n’est pas termi- un rôle de structuration de collectif im-
née, nous restons dans le bain de ces ac- portant et ont permis au mouvement des
tivités en ligne. Nous sommes loin d’en « makers » de passer à la vitesse supé-
QUI EST LAURENCE avoir terminé avec ces usages de la com- rieure. Ces ateliers de manufacture locale
ALLARD ? munication à distance. et collaborative fortement imprégnés de
culture numérique et open source ont pu
Maîtresse de Ces échanges de données ont- en effet se populariser, en particulier au-
conférences en sciences ils changé de nature pendant le près des publics de proximité. Les makers
de la communication à confinement ? attiraient jusque-là un public plus confi-
l’Université de Lille et dentiel et alternatif. Avec le confinement,
chercheuse à l'Université Dans le domaine de la culture, puisqu’il les gens ont découvert qu’il y avait des
Sorbonne Nouvelle fallait pour beaucoup s’occuper, nous FabLabs dans leurs quartiers ou dans leur
Paris 3-IRCAV, Laurence avons observé des échanges de vidéos, ville. C’est un effet quelque peu para-
Allard est socio- d’ouvrages, de PDF. C’était un peu la doxal ce rapprochement de communau-
sémiologue des usages victoire de Netflix, mais pas seulement. tés de façon hyper locale via un réseau
numériques et mobiles. C’était aussi celle du logiciel peer to beaucoup plus large et global.
77
« Le confinement a aussi mis en avant
DE LA HAUTEUR
C’est une véritable solidarité en ligne que proposent davantage un repli sur soi et une vie en autar-
vous avez observée… cie plutôt que l’échange et la communication.
Dans le même temps, le confinement a posé les limites
Cette solidarité était en effet inattendue. Les tendances du numérique et de la communication à distance. Beau-
Google sont à ce titre un bon observatoire. Deux grands coup ont dit que le tout en ligne leur était pénible, voire
thèmes de recherche se sont alors dessinés : « Com- par moments insupportable. Alors, il est peut-être temps
ment aider ? » et « Comment s’occuper ? ». Finalement, justement de repenser des technologies de communica-
cet élan de solidarité, c’est la rencontre de ces deux re- tion soutenables, à l’image des « low tech », ces basses
quêtes : nous avons pu faire preuve de solidarité à partir technologies qui prônent un usage responsable intégrant
du moment où nous avons eu du temps pour le faire. Ce le recyclage, la réparation et le « do it yourself », comme
contexte inédit a révélé un Internet altruiste et solidaire les makers. Le confinement a aussi mis en avant notre
où des actions d’entraide peuvent se mettre en place en besoin d’équilibre entre une vie en ligne et une vie plus
un temps record. Cette vision altruiste des réseaux de tangible, faite de rencontres et de contacts réels.
communication est peu vue, peu médiatisée. On parle
beaucoup plus de leurs aspects négatifs. Et pourtant, Comment cet « Internet altruiste » peut-
c’était bien la première requête. il se développer alors que dans le même
temps les discours de haine et les fake
Qu’est-ce que cela révèle de nous et de nos news se répandent sur les réseaux sociaux ?
relations ?
Alors que les fake news et autres discours haineux ou
Le confinement a été la démonstration qu’entre humains, complotistes sont surmédiatisés, tous les usages al-
le premier réflexe est d’abord l’entraide. C’est notre be- truistes du numérique pointés plus haut comme la
soin de lien aux autres, l’importance d’une relation de culture de l’échange, la relocalisation de la fabrication
soin et de bienveillance, ce qu’on appelle aujourd’hui et de la consommation, le recours au low tech... sont
le « care » qui était sur le devant de la scène. Chacun a trop peu mis en avant en cette période douloureuse pour
voulu soigner les siens en maintenant un lien à distance, l’humanité et son environnement. Or ces usages peuvent
par du bénévolat, de la couture pour celles et ceux qui architecturer une société du soin aux autres (humains
se sont lancés dans la fabrication de masques, de la cui- et non-humains) à bas bruit et à basse technologie, qui
sine pour celles et ceux qui ont aidé leurs voisins en leur semble plus que jamais nécessaire.
apportant des plats, celles et ceux encore qui ont mis à En éclairant cette face altruiste d’Internet et du numé-
disposition leurs savoirs pour aider les autres. Face aux rique, c’est une autre conception de l’expressivité digi-
difficultés, c’est bien cet Internet solidaire qui est activé. tale qui apparaît, non plus développée comme un mar-
Nous n’avions jamais eu l’opportunité de voir un tel Inter- ché de libres paroles mises en compétition. Ces usages
net émerger, même si la solidarité en ligne n’est pas nou- communicationnels en ligne, orientés vers la coopération
velle. Un constat plutôt rassurant pour la suite, si nous et l’intercompréhension, peuvent soutenir un autre mo-
étions amenés à vivre d’autres périodes comme celle-ci. dèle de société plus démocratique et soucieuse d’une
Cela va même dans le sens contraire des survivalistes, qui écologie du bien-vivre commun.
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POINT DE VUE
Le point de vue de notre partenaire MomentTech
Trois règles
pour (bien)
utiliser l'IA
Image. Laure Dorin
L'
intelligence artificielle (IA) est ca- 1. Une fois votre attente « métier » bien identifiée, il
pable de prouesses techniques est indispensable d’échanger avec un·e expert·e
comme d’inventer des antibiotiques, IA pour se livrer à un rapide audit des données dis-
de battre des joueur·ses de poker, ponibles : on en déduira la faisabilité, la nature des
d’aider une banque à conserver ses algorithmes à utiliser, ainsi que les profils métiers
client·es… Mais autour d’elle subsiste que vous devrez mobiliser sur le projet.
beaucoup de flou, tant sur la nature de ses outils que 2. Exigez ensuite une preuve du concept en labora-
sur la façon de les appréhender. toire, qui permettra de sécuriser la suite, de préci-
L’IA s’inspire du fonctionnement du cerveau humain. ser vos attentes et de commencer à vous projeter
Pour le comprendre, tendons le micro virtuel à la dans l’intégration de l’outil à vos process.
joueuse internationale de basket-ball Céline Dumerc : 3. Si vous avez passé avec succès ces deux étapes,
« Comment avez-vous su que ce tir à trois points allait il vous faut maintenant choisir un·e partenaire ca-
rentrer ? » Réponse : « Je l’ai senti. » L’interprétation pable de développer, déployer et accompagner
couramment admise est que le cerveau avait, de lui- l’outil.
même, enregistré des milliers de tirs et, en raisonnant
par similarité, conclu que celui-ci avait la bonne tra- De tels acteurs se trouvent facilement en France, par
jectoire. Le modèle informatique reproduisant ceci se exemple via le Hub France IA, le DataLab Normandie,
base sur les réseaux de neurones artificiels. Gourmand l’OpenData Lab Occitanie, pour ne citer que les éco-
en ressources, il a dû attendre les années 2010 pour systèmes que je connais.
que les machines disponibles soient assez puissantes En suivant ces règles de base, vous vivrez des projets
pour l’utiliser. passionnants… et fort utiles !
Les technologies basées sur ce modèle, connues sous
les vocables d’« algorithmes », de « machine lear- Jean-Marc Deshayes
ning », de « deep learning »… varient selon deux para-
mètres principaux : la structure du réseau de neurones
(largeur, profondeur) et le degré d’implication néces-
saire des expert·es humain·es (apprentissage supervi- À P R O P O S D E L'A U T E U R
sé ou non).
Le carburant de ces algorithmes est la donnée. Si vous Jean-Marc Deshayes est l'un des fondateurs de
avez, sur un thème précis, un ensemble conséquent de MomentTech, société spécialisée dans les domaines
données, et sur ce même thème, un souhait d’amélio- de l’intelligence artificielle et de la téléphonie sur IP
ration de votre entreprise, commencez par vous poser (Internet Protocole), qui contribue activement à la
la question suivante : « Une analyse adéquate de ces popularisation et à l’appropriation par les acteurs
données m’aiderait-elle à améliorer mon dispositif ? » régionaux des technologies d’intelligence artificielle.
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DE LA HAUTEUR
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DE LA HAUTEUR
Les femmes sont de plus en plus nombreuses
à jouer ou travailler dans le secteur du jeu vidéo.
Mais elles font face à un fort sexisme du milieu,
voire à du harcèlement et des agressions.
La mixité est une conquête qui se paie cher.
Alors, comment remporter la partie ?
« Ça surprend encore mon entourage, titions. Sur 1,3 million de personnes qui
mais en tant que femme, je joue quatre pratiquent l’e-sport en amateur (avec
à huit heures par semaine sur console, classement et compétition en ligne ou
et trois-quatre heures par jour sur mon en réseau local), seulement 10 % sont
téléphone », énonce Delphine Vauchel, des femmes, selon le baromètre France
ingénieure pédagogique multimédia. Esport réalisé à l’été 2019. Même constat
À 40 ans, cette mère de deux enfants du côté du monde professionnel : elles ne
reflète pourtant le portrait du gamer en sont que 17 % à travailler dans l’industrie
France, tant du point de vue de l’âge du jeu vidéo. Les femmes sont davantage
que du genre. Aujourd’hui, un joueur sur présentes sur les plateformes de strea-
deux (48 %) est une femme, selon l’étude ming (Twitch en tête) ou sur YouTube,
« Les Français et le jeu vidéo », réalisée mais plutôt comme créatrices de conte-
en octobre 2019 par Médiamétrie pour le nus (présentation de revues de jeux,
SELL (Syndicat des éditeurs de logiciels infos sur les sorties, interviews…) que
de loisirs). « On a l’image des femmes qui comme joueuses. Quelques-unes font
jouent à Candy Crush sur leur téléphone, figure d’exception, à l’instar de l’icône
mais c’est un préjugé, car elles jouent Kayane, 29 ans. Depuis l’âge de 9 ans, la
aussi sur leur ordinateur ou sur console, championne en jeux de combat est arri-
et à tous les types de jeux », affirme vée dans le top 16 de plus de 100 tour-
Audrey Leprince, cofondatrice et prési- nois en France et à l’international, dont
dente de l’association Women in Games, un quart à la première place. « C’est sans
qui œuvre pour la mixité dans l’industrie doute la seule gameuse française à vivre
du jeu vidéo en France. de l’e-sport en tant qu’indépendante,
Si les joueuses sont bien représentées grâce à ses victoires en compétition et
Texte. Natacha Lefauconnier en version « loisirs », la donne change à ses sponsors », estime Servane Fischer,
Image. Matthias Orsi dès que l’on se penche sur les compé- ancienne joueuse professionnelle. Après
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DE LA HAUTEUR
avoir obtenu son master en droit (« en ming et ils ont dit “Regardez celle-là !”
huit ans au lieu de cinq », précise-t-elle, et 80 personnes ont débarqué sur mon
car il y a une période où elle s’entrainaît stream pour m’insulter. Je me suis éner-
12 heures par jour à Counter Strike), elle vée, et c’est seulement une fois que mon
a rejoint Women in Games où elle a créé direct a été terminé que j’ai pleuré, je
l’incubateur de joueuses. « L’objectif est ne voulais pas me montrer en victime »,
d’intégrer des femmes dans les équipes confie la jeune joueuse.
mixtes de l’e-sport. » Assumer son genre féminin, c’est s’expo-
ser à se faire traiter de « e-girl » (sous-en-
« Retourne dans ta cuisine » tendu une fille qui joue uniquement pour
mettre en valeur ses atouts physiques),
Le sexisme et le manque d’ouverture ou à des propos misogynes tels que
expliquent en partie la faible proportion « retourne dans ta cuisine », « cougar »,
des femmes dans les compétitions de « sale féministe » ... quand il ne s’agit pas
top niveau. « Depuis quatre ou cinq ans, de drague : « Ça va, princesse ? », « Hé,
il y a une prise de conscience des com- tu me donnes ton Instagram ? »
portements toxiques dont sont victimes Presque tous les jeux en ligne proposent
de signaler ces mauvais comportements,
mais le nombre de « tickets » reçus par les
« Il est nécessaire que modérateur·trices est si important que
les « bans » de comptes sont longs à ve-
les éditeurs de jeux et les nir. Ce qui donne aux harceleurs, à l’abri
derrière leur pseudo, l’impression d’une
quasi-impunité. Certains vont même très
organisateurs d'événements loin, allant jusqu’à des menaces de mort
ou à tenter de pousser au suicide leurs
Harcèlement : de la Toile
Celia Hodent, docteure en psychologie au studio de jeux vidéo
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DE LA HAUTEUR
Si tous les studios de développement de jeux ne sont
pas aussi gangrenés, ils restent un univers très masculin :
on y trouve seulement 14 % de femmes, selon le baro- La Game Boy, un nom
mètre 2020 du jeu vidéo. « L’industrie du jeu vidéo n’est
malheureusement pas très inclusive et il peut donc être qui en dit long
difficile pour les femmes de s’y faire une place. Il y a
néanmoins beaucoup de solidarité entre les femmes et Joyeux anniversaire, Game Boy ! C’est en effet le 28 sep-
les minorités de l’industrie. Ainsi, réseauter avec d’autres tembre 1990 que la console portable emblématique de
femmes et trouver une guide peuvent grandement ai- Nintendo est arrivée en France, avec son célèbre jeu Te-
der », conseille la docteure en psychologie Celia Hodent, tris. Trente ans, déjà ! Mais pourquoi diable ce nom ou-
« rôle modèle » qui a débuté en 2008 chez Ubisoft, tra- vertement sexiste a-t-il été choisi par le constructeur ja-
vaillé pour LucasArts avant de devenir la directrice de ponais ? Tout simplement parce que Nintendo se serait
l’expérience utilisateur au sein d’Epic Games, où elle a inspiré du « walkman » de Sony, transformant « walk » en
contribué au succès du jeu Fortnite. Ainsi les réseaux « game » vu qu’il s’agit d’un jeu, et « man » en « boy »,
Girls in Tech, Duchess France et bien d’autres offrent puisque la console s’adresse aux jeunes... garçons. Voilà
des espaces de discussion entre femmes, où toutes les qui illustre à quel point la tech est devenue genrée à par-
questions peuvent être abordées ouvertement (salaires, tir de cette époque.
conditions de travail, etc.). Avec des résultats encoura-
geants : en 2019, les formations aux métiers du jeu vidéo
comptaient 26 % d’étudiantes, d’après le même baro-
mètre du SNJV (Syndicat National du Jeu Vidéo). une bibliographie et des contacts utiles. Parallèlement,
l’association a élaboré en 2019 avec le CNC (Centre Na-
Une lente évolution des mentalités tional du Cinéma et de l’image animée) une charte éga-
lité pour les écoles de jeu vidéo, qui vise à encourager la
Petit à petit, les mentalités du secteur et des joueur·ses mixité dans le secteur.
commencent à changer. « Pour cela, il est nécessaire que
les éditeurs de jeux et les organisateurs d’événements Favoriser la mixité en compétition
établissent un code de bonne conduite et qu’il soit stric-
tement appliqué », insiste Celia Hodent, qui aborde le Quant au dernier bastion du e-sport, il est encore « dif-
sujet sans tabou dans son livre Dans le cerveau du ga- ficile de se faire une place mais pas impossible ! »,
mer (Dunod, 2020). Du côté des éditeur·trices de jeux témoigne Angélique, 28 ans, qui a joué en compétition
vidéo, on imagine des jeux moins propices à la toxici- pendant quatre ans sur League of Legends avant de de-
té, par exemple en favorisant la mixité des personnages venir joueuse, puis manageuse de joueuses pour l’incu-
(« Zarya, la bodybuildeuse russe aux cheveux roses bateur de Women in Games lancé par Servane Fischer.
d’Overwatch, est beaucoup jouée par les hommes », Pour cette dernière, la constitution d’équipes féminines
souligne Servane Fischer). On invente des alternatives avec des compétitions dédiées est une fausse bonne
qui ne nuisent pas à la performance de la joueuse – ou idée. Il n’y a pas de données précises, mais on comp-
du joueur, d’ailleurs ! - qui préfère jouer sans micro pour terait une centaine d’équipes féminines environ, pour
éviter d’être embêté·e. Ainsi Rocket League propose un 10 000 équipes masculines ! « L’e-sport est un sport
« quick tchat » avec des messages pré-écrits, tel que mixte, où femmes et hommes peuvent s’affronter en
« nice shot » (« joli tir »). Une solution d’évitement qui a compétition, affirme la responsable de l’incubateur. On
le mérite d’être rapide à mettre en œuvre. Delphine et ne veut pas avoir des quotas de femmes en tournoi pro-
Manon constatent aussi qu’il est désormais plus fréquent fessionnel, ce serait contre-productif. On veut prouver
qu’un joueur qui parle mal à une gameuse se fasse rappe- notre habilité au jeu ! »
ler à l’ordre par un autre joueur masculin. Comme le souligne Angélique, « il faut montrer deux fois
De son côté, Women in Games propose de télécharger plus ses compétences quand on est une femme ». Mais
gratuitement via son site un « Guide pour agir face au les structures des tournois comme les équipes pros sont
cyberharcèlement ». Outre des conseils pratiques de de plus en plus ouvertes à l’idée de mixité. « Quel que
prévention (pour une chaîne de streaming : écrire ses soit le genre, c’est l’investissement et l’envie qui permet-
propres règles de tchat, modérer les commentaires, utili- tront d’aller loin ! », conclut la jeune femme. Les « boys
ser un chatbot…), la publication indique comment réagir clubs » n’ont qu’à bien se tenir...
et porter plainte, rappelle des articles de loi et propose
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DE LA HAUTEUR
Le musée déconfiné
joue la carte
de la proximité
Les musées ont dû faire preuve
d’inventivité pour garder le
lien avec leur public malgré
leurs portes closes pendant la
crise sanitaire. Des pratiques
qui se prolongent aujourd’hui
et renouvellent l’expérience
muséale.
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tions à l’université de Lorraine, et experte Louvre, qui a cumulé plus de 10 millions
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Moins de distance,
l’échange mais aussi à la plus d’intimité
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lumière de métiers méconnus. Les musées ont cherché
à engager pleinement les e-visiteur·ses, relève la cher-
cheuse Gaëlle Crenn. « Des offres se sont inspirées de
Trois visites
ce qui avait déjà débuté dans les années 2000 avec
l’émergence du Web 2.0 et ont fait place à l’interactivi-
té, l’échange mais aussi à la cocréation de contenus. »
dans et avec
Ainsi le musée de Pont-Aven (Finistère) a mis en route
une exposition participative entre le 1er mai et le 7 juin, en
demandant aux internautes de choisir parmi cinquante
tous les sens
œuvres celles qui seraient exposées à partir d’octobre.
« Il y a alors un vrai partage de l’autorité du musée avec
le public, estime la chercheuse. On lui donne plus de
place en tant qu’acteur et on resserre ainsi les liens avec Le Muséum des sciences naturelles d’Angers
l’institution. » 1 a créé un avatar dans le jeu Animal Crossing :
New Horizons. Léo Tessier, médiateur scientifique,
Devenir acteur·rice de la visite a donné rendez-vous dans cet e-bâtiment insu-
laire les mercredis et dimanches pendant le confi-
Autres orientations qui permettent de faire descendre nement pour une visite guidée collective (sept
un peu le musée de son piédestal comme de donner un joueurs maximum) de 45 minutes où l’on apprend
rôle plus actif aux visiteur·ses : la « gamification » et le entre autres que les araignées ne sont pas des in-
détournement des œuvres. « Ce n’est pas forcément sectes et que les dinosaures n’ont pas totalement
l’objet muséal et le patrimoine qui sont mis en avant, disparu. Les visites virtuelles ont été mises en pause
mais aussi tous les savoirs connexes avec de petits ate- au déconfinement, mais le muséum n’est « pas fer-
liers bricolage, ajoute Bérénice Kübler. Ce côté travaux mé à l’idée de reproduire cette initiative ».
manuels ôte l’aspect parfois "chichi-pompon" de l’objet
d’art enfermé dans son musée. » En plus d’avoir proposé une visite quasi pri-
À Paris, le musée des Plans-Reliefs, qui abrite des ma-
quettes historiques, est entré dans le jeu en créant des
2 vée du musée encore fermé en partenariat
avec Facebook, le MuséoParc Alésia, en Côte d'Or,
puzzles pour reconstituer en 2D et à domicile les ma- dont l’exposition « Dans les cuisines d’Alésia » au-
quettes de Rome, d’Antibes ou de Blaye ainsi qu’un me- rait dû ouvrir ses portes le 4 avril 2020, a pris le
mory. Sur son tout nouveau compte Instagram, il a aussi parti de partager au printemps des recettes gour-
lancé le #VaubanChallenge. L’objectif : reconstituer une mandes et antiques sur Internet. Galettes au sé-
citadelle à la Vauban avec des objets du quotidien. same, pains de Caton et autres saveurs culinaires
Rien à voir avec les visites scolaires, lors desquelles, té- romaines ont chaleureusement traversé le temps
moigne la documentaliste Françoise, « les élèves sont à (à condition d’avoir trouvé de la farine en rayon) et
nouveau en classe – il ne faut pas parler, pas bouger – rencontré les papilles des e-visiteur·ses. Sur Twit-
parce qu’on sacralise le musée et rentre dedans comme ter comme sur Facebook, Michel Rouger, son direc-
dans une église ». Le test de personnalité « Quel navire teur, relaie fréquemment photos et vidéos autour
es-tu ? » du musée de la Marine, que la professeure a des collections ainsi que des détails croustillants
relayé auprès de ses élèves, comme le jeu des dix dif- sur la vie gauloise et gallo-romaine.
férences autour d’un intérieur domestique gaulois lancé
sur Twitter par le musée de la civilisation celtique, en
Bourgogne, participent aussi de cette familiarité muséale
ponctuée de gifs et d’apprentissage récréatif. Cette pré-
3 Le Musée français de la photographie, à
Bièvres (Essonne), propose en ligne un « ate-
lier du regardeur » sur la couverture de livre. Idéal
sence sur les réseaux sociaux a aussi l’avantage d’être pour comprendre l’utilité d’une image d’illustra-
plus accessible financièrement que les visites virtuelles. tion et les rapports entre image et texte, comme
Pour Géraldine Froger, la community manager du musée pour se la jouer écrivain·e, photographe ou gra-
des Plans-Reliefs, « les réseaux sociaux peuvent être un phiste. On en prend plein les yeux et on met aussi
portail d’entrée sur nos collections spécialisées et peu les mains dans le cambouis, en choisissant le genre
connues ». De quoi laisser espérer un élargissement du de l’ouvrage, le titre et la photo de couverture
public. Un déconfinement muséal, en somme. à partir d’images conservées par le musée. Il ne
reste plus qu’à imprimer son œuvre !
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DE LA HAUTEUR
Numérique,
la fracture de trop ?
L’immense majorité du territoire français est
désormais couverte par les infrastructures fixes
et mobiles d’accès à Internet. Néanmoins, des
lignes de fractures entre les connecté·es et les
autres subsistent. Que ce soit en termes de
géographie, de genre, d’âge, ces inégalités
se situent-elles là où l’on croit ? Chut ! démêle
le vrai du faux.
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Une personne sur six n’utilise
DE LA HAUTEUR
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DE LA HAUTEUR
taines régions acclimatées depuis long-
temps aux technologies numériques : « Les digital natives sont
celles de Lannion ou encore de Rennes,
dont les habitant·es ont expérimenté le
Minitel dès le début des années 1980. « À
une construction sociale.
Grenoble, qui bénéficie du rayonnement
de cette culture, des ouvriers font preuve On rencontre des geeks
de davantage d’aisance numérique
que certains cadres du Sud-Ouest, par
exemple », explique-t-il.
de 60 ans et des jeunes de
Les digital natives sont très 15 ans perdus avec certains
à l’aise avec les nouvelles
technologies
usages du numérique. »
FAUX
Anne Cordier, enseignante-chercheuse
La légende des prouesses numériques
des « digital natives », la génération née
après 1980, reste vive. Et pourtant. « Les
digital natives sont une construction so-
ciale. Des individus aux équipements et
usages différents sont envisagés comme les “maîtres du temps”. Les seconds ont
un tout homogène sous prétexte qu’ils tendance à déléguer ces apprentissages
ont le même âge. Or, on rencontre des aux temps extrascolaires », regrette-t-elle.
geeks de 60 ans et des jeunes de 15 ans
perdus avec certains usages du numé- Le genre a une influence
rique », martèle Anne Cordier. Parmi sur l’accès au numérique
les jeunes qu’elle interroge au cours de
ses enquêtes de terrain, certain·es ont VRAI, quoique…
développé une dextérité remarquable
pour se servir de logiciels de graphisme Les femmes souffrent un peu plus d’ex-
en ligne, mais s’avèrent désorienté·es clusion numérique que les hommes. 16 %
quand il s’agit de transformer un docu- des femmes n’utilisent jamais Internet,
ment en pdf. D’autres connaissent tout contre 14 % des hommes. Et les femmes
de la « boîte noire » d’un ordinateur, sont 49 %, contre 44 % d’hommes, à re-
mais se laissent convaincre par des connaître au moins une « incapacité
contenus complotistes parce qu’ils ou numérique ». Mais « plutôt qu’une diffé-
elles manquent de ressources pour croi- rence dans les usages, on constate une
ser une information. différence dans les représentations »,
Les compétences numériques sont di- souligne Anne Cordier. Les hommes bé-
verses et parfois sans lien les unes avec néficient d’une « prime à la compétence »
les autres. Difficile, dès lors, de consi- induite. Les réactions des vendeur·ses de
dérer que les plus jeunes les maîtrisent technologies ne sont pas les mêmes face
toutes sans difficulté. Pour la chercheuse, à un client ou une cliente. Chez les plus
cette idée reçue est en outre délétère. jeunes, tous les garçons sont censés être
« Elle entraîne une démission éduca- des amateurs de jeux vidéo, quand la re-
tive et pédagogique. Elle sous-entend présentation des usages des filles s’ar-
que les adultes, parents et enseignants, rête aux photos postées sur les réseaux
n’ont pas de place dans l’accompagne- sociaux. Or nombreuses sont en réalité
ment des apprentissages numériques. les « gameuses ».
Les premiers sont conduits à n’être que
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POINT DE VUE
Le code
dans les nuages
Le modèle des entreprises de services du
numérique connait une mutation profonde sous
l’impulsion du cloud computing et de la nécessité
pour de nombreuses entreprises de passer à la
vitesse supérieure de la transformation digitale.
L
vitale » des entreprises. Alors qu’on
nous a vendu du « every company is
a tech company », cela tend enfin à
devenir vrai. Et si chaque boîte devient
de plus en plus tech, le digital, au cœur
stratégique du réacteur des entreprises, doit se do-
ter d’équipes internes, alignées sur les indicateurs
clés de performance de l’entreprise.
92
POINT DE VUE
tions éditeur·trice nécessitaient un savoir-faire et des Ces entreprises et les agences emploient des cen-
expertises pointues, la bascule vers les SaaS (Software taines de milliers de développeur·ses de talent, créent
as a Service - « Logiciel en tant que service ») et la de nombreux projets digitaux, répondant à une infini-
multiplication d’éditeur·trices plus petits facilitent l’in- té de besoins métiers très spécifiques. La gestion du
tégration, au point de se passer, en interne, des com- stockage des eaux-de-vie de Cognac, le système d’in-
pétences des développeur·ses intégrateur·trices, par formation du SAMU ou le transport et la vente de tour-
exemple Worldline vs Stripe ou Shopify vs Magento. teau de colza ne vous parlent peut-être pas, mais sont
C’est encore naissant, mais la tendance est là. des projets très complexes créés par des ESN. Elles
résolvent des problèmes fonctionnels qui concernent
Et pour cause, les client·es préfèrent des dépenses potentiellement de multiples client·es, qui ne sont que
d’exploitation liées aux activités réelles de leur en- rarement couvert·es par des éditeur·trices de manière
treprise et des prestataires facilement interchan- satisfaisante.
geables, aux dépenses d’investissement pesant sur
les comptes, complexes à amortir et sans possibilité Imaginons un instant qu’une ESN développe, pour
de changement avant plusieurs années. Finalement, le compte d’un·e client·e, une fonctionnalité réutili-
ceux qui resteront en interne comme en externe sont sable pour d’autres, et qu’elle puisse tester, en mode
à la fois des expert·es à forte valeur ajoutée, aidant les « lean » (une gestion au plus juste des besoins), sa
grandes entreprises à gérer des plateformes digitales mise à disposition en tant que service XaaS (Anything
d’envergure sur les enjeux techniques d’aujourd’hui as a Service - « Tout en tant que service »), vendu avec
et de demain (IA, RPA, blockchain, edge computing, un abonnement ou à l’usage.
data, UX, sécurité, serverless, microservices) et des
régies offrant un accès quasi immédiat à un pool im- Améliorés et complétés au fur et à mesure des inté-
portant de ressources diversifiées aux grandes entre- grations, ces services seraient, à terme, une source de
prises (« Pouvez-vous monter un plateau avec 40 devs revenus récurrents stables pour l’ESN et une source
NodeJS et AngularJS ? »). d’économies pour les client·es, bénéficiant de briques
toutes prêtes pour construire et tester leurs projets
Vers le XaaS et au-delà digitaux.
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Merci. Chut ! existe grâce à vous !
Adeline Carvalho ♥ Adeline Loury ♥ Adrien Debbah ♥ Agnès De Preville ♥ Agnès Louis ♥ Agnès Simillion ♥ Ahmed Timdouine ♥
Alain Brevet ♥ Alain Garnier ♥ Alain Goudey ♥ Alain Guillemier ♥ Alban Bastard-Rosset ♥ Alban Peleszko ♥ Alban Tiberghien ♥
Aldja Kateb ♥ Alexandra Besnard ♥ Alexandra Fleury ♥ Alexandra Foucaud ♥ Alexandra Lucas ♥ Alexandre Bochet ♥ Alexandre Lavissière
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Elodie Forestier ♥ Eloïse Kambrun Favennec ♥ Elsa Grangier ♥ Elsa Lelandais ♥ Elyette Roux ♥ Emilie Bolte ♥ Emilie Rembert ♥
Emilie Weynants ♥ Emily Tokar Daversin ♥ Emmanuel Vandamme ♥ Emmanuelle Arhodakis ♥ Emmanuelle Berthe ♥ Emmanuelle Durand-
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Fabien Audat ♥ Fabienne Boudahout ♥ Fabienne Lancini-Olivier ♥ Fabrice Des Mazery ♥ Fahimeh Ponsonnaille ♥ Faïza Mekki ♥
Famille Ourry ♥ Fanny Gabas ♥ Fayole Moliere ♥ Fleur Cabeli ♥ Fleur Morel ♥ Florence Belzak ♥ Florence Canel-Nicolas ♥
Florence Mary ♥ Florine Deranty ♥ Francis Nappez ♥ Franck Alves ♥ Franck Barlemont ♥ Francois Gilles ♥ Françoise Lanore-Chatellier
♥ Fred Demarcq ♥ Freddy Pierrard ♥ Frederic Cheng ♥ Frederic Florent ♥ Frederic Lapeyre ♥ Frédéric Watine ♥ Frédérick Marchand
♥ Frédérique Larat ♥ Frédérique Lentiez ♥ Frederique Thiriet Smith ♥ Gabriel Lepadatu ♥ Gabriel Mahe ♥ Gabrielle Gueye ♥
Gaelle Gaili ♥ Gaëlle Guerin ♥ Gaelle Mangeon ♥ Gaëlle Picard-Abezis ♥ Gaëlle Roudaut ♥ Geneviève Bernard ♥ Geraldine Bretin ♥
Géraldine Milanesi ♥ Géraldine Montagnon ♥ Gil Moro ♥ Gilles Chetelat ♥ Gilles Vaillant ♥ Grégoire Hourlier ♥ Guillaume Bourgin ♥
Guillaume Briant ♥ Guillaume Charly ♥ Guillaume Laurie ♥ Guy Degeorges ♥ Gwen Weber ♥ Gwenn Pacotte ♥ Hana Khelifa ♥
Hanaé Loison ♥ Hannah Boularas ♥ Helene Allaire ♥ Helene Azevedo ♥ Hélène Comte ♥ Helene Deckx Van Ruys ♥ Hélène Hu ♥
Helene Michel ♥ Heloise De Nanes ♥ Héloïse Jodocius ♥ Herve Floree ♥ Hugo Brunon ♥ Inès Slama ♥ Irina Coyssi ♥ Isa Caire ♥
Isabel Bornet ♥ Isabelle Bouriaud Mehdi ♥ Isabelle Brancourt ♥ Isabelle Dezaniaux ♥ Isabelle Dremeau ♥ Isabelle Finger ♥
Isabelle Guenet ♥ Isabelle Kohl ♥ Isabelle Maradan ♥ Isabelle Masselot ♥ Isabelle Troucelier ♥ Isabelle Valadas ♥ Jacques Labidurie
♥ Jacques Leportois ♥ Jad Kfoury ♥ Jean Loup Fusz ♥ Jean Tourette ♥ Jean-Claude Balès ♥ Jean-Dominique Trouillard ♥
Jean-Louis Fradet ♥ Jean-Luc Peuvrier ♥ Jean-Marie Pommier ♥ Jeanne Peureux ♥ Jennifer Boukris ♥ Jennifer Elbaz ♥ Jennifer Kuhn
♥ Jennifer Merat ♥ Jérémy Martinetti ♥ Jérôme Caro ♥ Jérôme Clerc ♥ Jerome Goncalves ♥ Jerome Sulli ♥ Jérôme Valais ♥
Jessica Pontieux ♥ Joan Espejel ♥ Joanna Robic ♥ Joelle Ducouret ♥ John-Edwin Graf ♥ Jonathan Tessé ♥ Joris Maniquet ♥
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Josephine Arrighi De Casanova ♥ Julia Bontempi ♥ Julie Asselin ♥ Julie Desbenoit ♥ Julie Deschamps Roult ♥ Julie Landes ♥
Julie Mermillon ♥ Julie Simoës Richard ♥ Julien Bouquillon ♥ Julien George-Lourdens ♥ Julien Marie ♥ Julien Moigno ♥ Julien Peslier
♥ Julien Sac ♥ Juliette Debrosse ♥ Juliette Jarry ♥ Juliette Moulin ♥ Justin Pander ♥ Justine Uribe ♥ Karen Silo ♥ Karine Cantin ♥
Karine Dolbec ♥ Karine Jacquier ♥ Karine Picard ♥ Karine Socik ♥ Katia Dethilloy ♥ Laetitia Cardi ♥ Laëtitia Cofflard ♥ Laetitia Ratier
♥ Laura Leick ♥ Laura Nasser ♥ Laura Schmitz ♥ Laure Boutouyrie-Violet ♥ Laure Carmes ♥ Laure Kallumannil ♥ Laure-Hélène Londaitz
♥ Laurence Bilotta ♥ Laurence Joly Baert ♥ Laurence Vandeventer ♥ Léa Charles ♥ Léa Mancuso ♥ Learn Assembly ♥ Leïla Kalife ♥
Lilie Kriloff ♥ Linda Betraoui ♥ Lionel Dony ♥ Lionel Lesguer ♥ Lionel Ploquin ♥ Lize Aubineau ♥ Ln Draoulec ♥ Lolita Loureiro ♥
Lorenzo Molisina ♥ Louis-Alexandre Louvet ♥ Louisa Slimani ♥ Louise Bautista ♥ Luc De La Fortelle ♥ Luc Mandula ♥ Lucas Attali ♥
Lucie Bermejo ♥ Lucie Zanolini ♥ Lucile Mellier ♥ Lucille Brune ♥ Lucille Guillet ♥ Ludivine De Alba ♥ Luis Arias ♥ Lya Akgun ♥
Lydia Berroyer ♥ Lyoko Miyoshi ♥ Madeleine Gancel ♥ Maéva Bectard ♥ Magali Barcelo ♥ Magali Beylie ♥ Magali Rofidal ♥
Mai Anh Phi Thi ♥ Maïmouna Becart ♥ Malee Coco ♥ Malicia Giroud ♥ Manon Roux ♥ Manuela Lachevrotiere ♥ Mar Thev ♥ Marc Jacobs
♥ Marc Ollitrault ♥ Marc Riedel ♥ Marc Serrat ♥ Marco Duclaux ♥ Maria Akbaraly ♥ Marianne Sytchkov ♥ Marie Coudié ♥ Marie Couve
♥ Marie De Castelet ♥ Marie Jouault ♥ Marie Krebs ♥ Marie Le Gac ♥ Marie Lecompte Douillard ♥ Marie Malachenko ♥ Marie Nicolas
♥ Marie Tors ♥ Marie Vallée ♥ Marie Wattinne ♥ Marie-Anne Nourry ♥ Marie-Anne Pain ♥ Marie-Astrid Brunel ♥ Marie-Cecile Goldblum
♥ Marie-Christine Waisse ♥ Marie-Claire Sissac ♥ Marie-Frédérique Ruyant ♥ Marie-José Marteau ♥ Marie-Laure Autier ♥
Marie-Laure Courcelle ♥ Marie-Laure Perez ♥ Marie-Michèle Vassiliou ♥ Marie-Odile Lhomme ♥ Marie-Pierre Dequier ♥ Marion Doussot
♥ Marion Pet ♥ Marion Thillou ♥ Marjorie Daniel ♥ Marlène Hamayon ♥ Marlène Thiers ♥ Mary Rauh ♥ Marylène Combe ♥
Marylene Khouri ♥ Mathias Murmylo ♥ Mathieu Cherubin ♥ Mathieu Fosse ♥ Mathilde Déom ♥ Mathilde Gaze ♥ Mathilde Murzeau ♥
Matteo Bisicchia ♥ Maud Franca ♥ Maud Funaro ♥ Maud Paré ♥ Maud Schneider ♥ Maxime Faguer ♥ Maxime Kouchnir ♥ Maxime Maton
♥ Maxime Taillebois ♥ Maxime Topolov ♥ Maxine Ficheux ♥ Mélanie Algrain ♥ Melanie Bertaud ♥ Mélanie Lascoux ♥ Mélanie Lopez Malet
♥ Mélanie Voisard ♥ Mélodie Bernard ♥ Mercedes Grota ♥ Merete Buljo ♥ Michel Simatic ♥ Michèle Cochet ♥ Mohamed El Idrissi ♥
Monique Lambelin ♥ Mumu Bias ♥ Muriel Alvarez ♥ Murielle Sitruk ♥ Mylène Boyrie ♥ Myriam Faucher-Pelletier ♥ Myriam Murat ♥
Myriam Rosenrib ♥ Nadège Grézil ♥ Nadège Rodrigues ♥ Nadia Albinet ♥ Nadia Coppi ♥ Nadine Roisin ♥ Najoua Abbaci ♥
Natacha Bradier ♥ Natacha Ordas ♥ Natacha Trouillet ♥ Natalia Leclerc ♥ Nathalie Frey ♥ Nathalie Goloubinow ♥ Nathalie Hutter-
Lardeau ♥ Nathalie Nicolai ♥ Nathalie Pannetier ♥ Nathalie Reyre ♥ Nathalie Soetaert ♥ Nicolas Chaunu ♥ Nicolas Cros ♥
Nicolas Dupain ♥ Nicolas Fromentoux ♥ Nicolas Martin ♥ Nicolas Turcat ♥ Nicolas Ziegler ♥ Nicole Anschutz ♥ Niels Mayrargue ♥
Noëlle Therin ♥ Noémie Guerrin ♥ Nora Yennek ♥ Océane Cordesse ♥ Odette Niang ♥ Olivier Chollet ♥ Olivier Gauvin ♥
Olivier Marchand ♥ Ophelie Negros ♥ Oriana Labruyere ♥ Pascal Boutinon ♥ Pascal Martin Pro ♥ Pascaline Gérard ♥ Patricia Allouche
♥ Patricia Boh ♥ Patricia Deschamps-Chevillard ♥ Patrick Damien ♥ Patrick Ok ♥ Paul Pieuchot ♥ Paul-Augustin Dennery ♥
Perle Perriet ♥ Perrine Cantin Michaud ♥ Perrine Chambon ♥ Perrine Grua ♥ Philippe Garnier ♥ Pierre Coing ♥ Pierre Lavenir ♥
Pierre Patanchon ♥ Pierre Violo ♥ Pierre-Alain Bex ♥ Pierre-Marie Duriau ♥ Quentin Brunel ♥ Quentin De Carne ♥ Quentin Durand ♥
Rachida Belarri ♥ Ramzi Ramrani ♥ Raphaele Poix ♥ Raphaele Puissochet ♥ Raphaëlle J ♥ Raphaelle Sochon ♥ Régis Foinet ♥
Renaud Euvrard ♥ Romain Gerardin ♥ Rony Germon ♥ Rose Lemardeley ♥ Roxane Chauvel ♥ Sabine Cantournet ♥ Sabrina Amir ♥
Sabrina Embarek ♥ Salima El Hadouchi ♥ Salomé Garlandat ♥ Salomé Soares ♥ Samia Aït-Hamouda ♥ Samir Boutaleb ♥ Sandra Salerno
♥ Sandrina Blin ♥ Sandrine Charpentier ♥ Sandrine Decroix ♥ Sandrine Delage ♥ Sandrine Desmurs ♥ Sandrine Fouillé ♥
Sandrine Franchet ♥ Sandrine Goessens ♥ Sandrine Henry ♥ Sandrine Hidalgo Vidal ♥ Sandrine Rade ♥ Saniya Al Saadi ♥
Sarah Daninthe ♥ Sarah Neumann ♥ Sébastien Bossoutrot ♥ Sébastien Brochier ♥ Sébastien Francois ♥ Sem Brundu ♥ Serge Akaeren
♥ Severin Prats ♥ Séverine Demarque ♥ Séverine Fingal ♥ Severine Ibanez ♥ Shirley Pollett ♥ Simmoni De Weck ♥ Soizic Poilve ♥
Solange Guenez ♥ Solène Garda-Krebs ♥ Solenne Bocquillo Bocquillon- Le Goaziou ♥ Solenne Moutier ♥ Sonia Bellouti ♥ Sonia Bonnet
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Sophie Vernay ♥ Stella Bissessur ♥ Stéphane Caillaud ♥ Stéphane Dalmasso ♥ Stéphane Gaultier ♥ Stéphane Mirandelle ♥
Stéphane Singery ♥ Stéphane Taupin ♥ Stéphanie Bécoulet ♥ Stephanie Gay ♥ Stephanie Pelletier ♥ Stéphanie Regat ♥
Susana Sanchez Restrepo ♥ Sylvaine Joubert ♥ Sylvie Passat ♥ Thais Dol ♥ The Sorority ♥ Théo Ravat ♥ Thibault Paruit ♥ Thierry Cuirot
♥ Thierry Piguet ♥ Thierry Trabach Pro ♥ Thierry Ung ♥ Thomas Bossy ♥ Thomas Clozel ♥ Thomas Cottinet ♥ Timothee Boulanger
♥ Valentin Le Flem ♥ Valentin Worms ♥ Valentine Zeler ♥ Valère Sj’brnt ♥ Valérie Aguila ♥ Valérie Bonneville ♥ Vanessa François ♥
Véronique Bochaton ♥ Véronique Fima ♥ Véronique Lefèvre-Toussaint ♥ Véronique Legrand ♥ Vigdis Herrera ♥ Vincent Rebourcier
♥ Virginie De Barbeyrac ♥ Virginie Zouine ♥ Walid Hajar ♥ Willys Westphal ♥ Xavier Fisselier ♥ Xavier Hollebecq ♥ Xavier Peronnet
♥ Ximena Tromben ♥ Xine Bava ♥ Yanis Khalifa ♥ Yann Bonizec ♥ Yann Houdré ♥ Yann Mauchamp ♥ Yann Poirson ♥ Yannick Astesana
♥ Yoann Besnard ♥ Yolene Francois ♥ Yves Caseau ♥ Yves Maguin ♥ Zakariae Aloulen ♥ Zoé Aegerter ♥
Et merci aux entreprises Code.Store, Doceas & Formations, Epitech, IDLI, MomentTech et SNCF pour leur soutien.
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Les
articles
sonores
Chut, on écoute... une autre
façon d’accéder aux articles
de notre magazine.
Nous avons imaginé un format audio qui
accompagne la découverte de ce magazine.
À mi-chemin entre le podcast et le livre
audio, nos articles sonores vous proposent
une expérience de lecture inédite, pour
plus d’accessibilité et de liberté dans la
consommation de l’information.
Ce numéro 3 compte cinq articles sonores
issus du dossier "Va, vis et apprends", réalisés
avec le soutien d'Epitech, l'école référente de
l'expertise informatique et de l'innovation.
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