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des circonstances qui ne peuvent jamais pertinente ne remettent pas en cause les
être complètement contrôlées, sur le tra- savoirs eux-mêmes mais leur mode d’or-
vail d’êtres humains dont l’intelligence ganisation et la façon dont ils sont en-
comporte sa part d’affectivité. Ce sont seignés. Selon Edgar Morin, les progrès
Christian Morin tous des éléments par lesquels peut s’in- importants effectués dans plusieurs dis-
Conseiller pédagogique troduire l’erreur. L’illusion est de croire ciplines au XXe siècle sont menacés si les
Cégep de Sainte-Foy qu’il ne peut y avoir d’erreur. Le déve- modes d’organisation du savoir ne sont
loppement des sciences et des technolo- pas revus. Actuellement, ces avancées dis-
gies a diminué d’un certain point de vue ciplinaires sont souvent coupées de leur
À la demande de l’Unesco 1, Edgar le risque d’erreur. Toutefois, ce dévelop- contexte et, par le fait même, ne révè-
Morin proposait, il y a quelque temps, pement véhicule sa part d’illusion. Com- lent pas la complexité de la problémati-
ces sept savoirs qu’il présente comme bien de fois s’est-on fait dire qu’il ne peut que dans laquelle elles s’insèrent. Leur
fondamentaux et qui relèvent pour une y avoir d’erreur parce qu’un dossier est sens et leur portée en sont ainsi rédui-
bonne part de l’épistémologie, de l’exer- géré par un système informatique ? Pour- tes. Cela étant, les savoirs n’ont pas à être
cice du jugement, de l’éducation à la ci- tant, la réalité est tout autre. Edgar Mo- en opposition, mais : « Il s’agit de com-
toyenneté et de l’éthique. À travers ces rin nous engage à prendre conscience des prendre une pensée qui sépare et qui ré-
sept savoirs, Edgar Morin nous convie à possibilités d’erreur et d’illusion et à duit par une pensée qui distingue et qui
une réforme de la pensée qu’il juge ur- adopter une attitude lucide face à elles relie2. »
gente, réforme apportant un nouveau en nous interrogeant systématiquement
point de vue sur les savoirs et une nou- sur toute entreprise de connaissance. Le
velle façon de structurer ces derniers. passé donne plusieurs exemples d’er- La condition humaine
Étant donné la riche réflexion qu’il a reurs : n’a-t-on pas déjà cru que la Terre L’être humain, un tout complexe, est
menée sur l’éducation, il m’a paru inté- était plate ? l’une des premières victimes de la
ressant d’essayer de rendre compte de la compartimentation des savoirs. Ensei-
pensée du sociologue. gner la condition humaine, c’est tenir
Les principes d’une
compte de cette complexité et remonter
connaissance pertinente au plus loin que l’état de nos connais-
Les cécités de la connaissance :
Une connaissance pertinente est une sances le permet : des milliards d’années,
l’erreur et l’illusion connaissance intégrée à un réseau qui en relatant son épopée cosmique. L’être
Le premier savoir relève d’une entre- permet d’en voir la globalité, les multi- humain se définit certes à travers son
prise d’ordre épistémologique orientée sur ples dimensions et la complexité. Edgar corps, son intelligence et son affectivité,
ce qu’est une connaissance et sur ce qu’elle Morin fonde son explication sur le fait mais également à travers ses productions,
peut comporter d’erreur. Une connais- que, les réalités et les problèmes du ses coups de génie et ses délires. L’être
sance est une construction qui s’appuie monde étant complexes et multi- humain a avancé tant avec sa mesure
elle-même sur d’autres connaissances, sur dimensionnels, ils doivent être abordés qu’avec ses excès et parce que cette me-
comme tels. Il pointe de ce fait l’inadé- sure et ces excès se sont rencontrés. La
quation d’un enseignement disciplinaire
1. Organisation des Nations Unies pour axé sur des savoirs morcelés et comparti-
l’éducation, la science et la culture. mentés. Les principes d’une connaissance 2. MORIN, Edgar, op. cit., p. 21.