N°3

Octobre 2022
réflexion sur l’éducation
Tchicaya Utam’si Journal Hebdomadaire de reflexion philosophique,
theologique et litteraire 4
N° 03
Octobre 2022
Production de Rationalité Bantoue

Editorial
T oxicomanie, culture sexuelle dépra-
vée, incivisme, course effrénée
d’alcool, banditisme juvénile à outrance et
bien d’autres fléaux sociaux du même
genre, sont des signes flagrants, démonstra-
tifs et révélateurs qui mettent à nu la crise
éducationnelle sans précèdent, que traverse
notre monde actuel. En effet, bien qu’à des
degrés différents, cet état morbide de l’édu-
Marland MAKITA cation est constatable partout, tant dans les
Phîlo II, séminaire, grandes métropoles comme les USA, la
Firmin Singha France et bien d’autres que dans nos socié-
tés africaines. Ce festival de décadence et de
déchéance de mœurs dont l’ampleur ne
cesse de croitre, devient inquiétant ; au point
où même, dire de ce siècle qu’il est plongé
dans l’obscurantisme serait un cliché, car,
depuis ses mentalités ont été occultés. D’où,
l’urgence de repenser l’éducation de nos
jours. En effet, l’éducation, nous dit E. Kant
« est ce qui caractérise l’homme, et fait de
1………..Editorial
lui ce qu’il est. (Kant Emmanuel, Réflexion
sur l’éducation). De là, il ressort de l’éduca-
2………. L’éducation: tion, qu’elle est le socle sur lequel repose tion en Afrique, notamment au Congo res
un défis majeur pour
notre temps. toute notre humanité. Raison pour laquelle,
lorsqu’une société quelconque est en proie à
4………. L’éducation à une léthargie de valeurs, auxquels sont subs- vite tous par la même occasion à être d
l’épreuve en Afrique: titués les vices les plus exécrables ; philan-
enjeux et défis au Con- thrope, philologue, philosophe, sociologue,
go.
bref tous les humanistes se doivent d’y re-
médier, en y proposant une cure. Car, une
crise éducationnelle à bien des égards peut
avoir les effets similaires, et même plus dé-
vastateurs qu’une bombe à destruction mas-
sive ; elle est susceptible de plongée une so-
ciété dans un état plus que chaotique. C’e
d’ailleurs, pour remédier à cet état mortifè
de l’éducation que Mr Précieux GOMA, an
mé par des ambitions philanthropiques
patriotiques fait un exposé de cet état mal
dif des choses, en jetant son dévolu sur
Congo Brazzaville comme encrage référe
tiel, avec pour illustration le cas dit « bébé
noirs ». C’est par le biais d’une plume flu
rescente et d’une analyse judicieuse de
question, que ce dernier met la lumière s
ce fléau de banditisme qui cisaille les vill
de Brazzaville et de Pointe-Noire. Pour
dernier, la naissance et la recrudescence d
ce phénomène de délinquance au point d’o
trepasser les cas de criminalité sénile, est
résultante d’un échec national et famili
dans leur mission éducative. Dans le mêm
sillage, Mr Eldon Jaurès TSANA, mont
que le malaise dont souffre le système éd
catif congolais d’aujourd’hui est dû à u
problème sérieux lié aux manques de stru
tures adéquats. Aussi, il montre que l’éduc
un défi majeur dans la quête du développ
ment social, humain et national ; et nous i
acteurs actifs afin de contribuer à la prom
tion de l’éducation dans notre pays.
Chers lecteurs, à chacun de relever le dé
éducationnel auquel nous soumet ce sièc
atypique. Nous vous souhaitons une bonn
délectation lecturale !
MAKITA Marland Delors
 2
L’éducation : un défi majeur de notre temps

La dimension politique de la nature hu-

Déterminer la causalité du phéno-
maine, telle que révélée par Aristote, relève
mène de la délinquance juvénile
une nécessité par rapport aux impératifs de
tel celui des bébés-noirs observé
laquelle aucun homme ne devrait se sous-
au Congo reviens à questionner
traire : l’éducation. En effet, « La nature hu-
l’éducation, ses modalités, et son
maine hors de l’éducation, se réduit à bien
sens. La crise de l’éducation qui
peu de chose » (O. Reboul, la philosophie de Précieux GOMA
sévit actuellement dans le monde liée à Etudiant, Philo II, UCAC
l’éducation, P.U.F p.21). Nous comprenons
la propagande de l’éthique marchande
par cette affirmation d’Olivier Reboul que
et au phénomène de la mondialisation est
l’éducation est la cause efficiente qui actua-
pluri symptomatique selon ce qu’elle est
lise l’humanité, qui en tout homme est en
influencée par les couleurs d’un espace géo-
puissance depuis sa naissance. La décadence
graphique précis. Nous vivons aujourd’hui
sociale qui se rend manifeste dans nos socié-
sous le paradigme du village global le phé-
tés à travers le phénomène de la délinquance
nomène des vices numériquement conta-
juvénile, de l’incivisme, du banditisme et « La nature
gieux. Le banditisme à outrance qui était
des violences scolaires donne matière à pen- humaine hors
jadis observé dans des grandes métropoles de l’éducation,
ser. Ce qu’il est question ici, c’est de penser
se réduit à bien
comme aux USA, « phénomène dit des
l’éducation dans nos états, qui par vocation peu de chose »
gangsters » touche aujourd’hui nos sociétés
est le processus d’intégration social qui vise
africaines. Le « complexe du plagiat »,
à aider l’homme à intégrer la société sans
(cette expression est de nous), qui consiste à
pourtant troubler l’harmonie sociale. Pour
dissoudre sa personnalité théorique dans
rendre compte de cette état de pathologie
une fascination quasi érotique de l’ailleurs
éducative, nous choisissons le Congo Braz-
constitue un pandémonium pour nos socié-
zaville comme encrage référentiel avec pour
tés dans la mesure où les jeunes bandits au
illustration le cas dit bébés-noirs. Cela dit,
Congo qui s’érigent en sicaire se targuent
en quoi l’éducation est pour nous un défi
l’arrogance de s’octroyer des épithètes tel
majeur ?
que : arabes, américains, etc.

Comme partout dans le monde, l’éducation
en Afrique et notamment au Congo connait
une crise. L’éducation devient un dilemme
entre nature et culture au sens où le désir inné
d’autoréalisation de l’enfant s’heurte aux
normes sociétales d’une part et d’autres parts
3
de nos états, ne permet pas à celle-ci d’at-
teindre son idéal accomplissement : former
l’homme en tant que personne individuelle et
sujet social.
Précieux GOMA

chavire en raison du laxisme parental, et de

l’irresponsabilité des gouvernements de ma-

nière à causer une crise personnaliste.

Comment donc rendre à l’éducation toute ses

lettres de noblesse ? En effet, le concept édu-

quer qui se rapporte selon Olivier reboul à Eduquer l’homme

« Elever, enseigner, et former » requiert des c’est lui rendre
réellement humain
institutions pédagogiques fiables (écoles, uni-
en l’amenant à sa
versités, ministères etc.), des maîtres compé- propre autono-
tents, un système éducatif effficace et cons- mie ; cela passe
. par l’éveil de l’es-
tamment renouvelés ainsi que des parents res-
prit critique.
ponsables. Nous comprenons donc que l’ac-

tion éducative est un vaste champ qui prend

tout l’être humain et requiert donc minutie,

science et conscience. Eduquer l’homme c’est

lui rendre réellement humain en l’amenant à

sa propre autonomie ; cela passe par l’éveil de

l’esprit critique.

Si le monde, l’Afrique notamment souffre de

la délinquance juvénile, de légèreté politique,

étatique et institutionnelle c’est en raison de la

fragilité du processus « éduquer » dans nos

états. L’éducation frelatée qu’offre la plupart

 4
L’éducation à l’épreuve en Afrique : enjeux et défis au Congo

Qui dit « éduquer », implique la nécessité d’une

institution éducative. La contre productivité des

institutions éducatives en Afrique qui se rend pa-

tent à travers la faiblesse des systèmes éducatifs

le marché de l’emploi. Ce-
qui n’aident aucunement au développement est
ci revèle un autre pro-
symptomatique de la crise de l’éducation en
blème, celui de l’orienta- Jaurès Heldon NTANA
Afrique. La légèreté et la superficialité mêlée à
étudiant en philo II, UCAC
tion et des formations sco-
l’éthique de Sodome et Gomorrhe caractéris-
laires. En effet, le système éducatif au Congo
tiques majeures de l’éthos « hodié » du jeune
étant une simple dérivée de la pédagogie tradi-
congolais qui fait le lit de la bassesse, peut justi-
tionnelle telle que laissée par les colons, l’école
fier à suffisance cette pandémie sociale qui au
congolaise manque d’authenticité au sens où elle
Congo perpétue le sous développement. Quelles
n’est ni congolaise ni occidentale pour paraphra-
sont les causes profondes de la faiblesse des sys-
ser l’hybridisme afro-occidentale que Cheikh
tèmes éducatifs en Afrique, au Congo notam-
HAMIDOU Kane décrit dans l’aventure ambi-
ment? Pourquoi les systèmes éducatifs en
guë. L’éducation en Afrique, notamment au Con-
Afrique sont improductifs voire même contre-
go reste un défi majeur dans la quête du dévelop-
productifs ? Il importe de signifier que cette ré-
pement sociale, humain et nationale. En effet
flexion n’aborde pas de manière complète ce pro-
comme l’affirme Coménius « éduquer c’est for-
blème de l’éducation en Afrique, au Congo no-
mer l’homme, […] car sans une éducation appro-
tamment vue la complexité qu’il relève.
priée, l’homme reste un simple brut » (Etienne
L’urgence de repenser l’éducation dans nos états
Krotki, Former l’homme, l’éducation selon Co-
s’impose. La difficulté que rencontre l’étudiant
ménius). Sinon, comment expliquer l’étiolement
congolais notamment dans sa quête d’insertion
de la culture du mérite , des mœurs, et de la com-
sociale est une situation d’angoisse. L’infécondi-
pétence qualifiante dans plusieurs secteurs de la
té du système éducatif en Afrique en général et
vie congolaise en dehors de cette crise éducation-
au Congo en particulier réside dans l’inadéqua-
nelle? S’interroger sur les facteurs de cette crise
tion des formations scolaires avec la demande sur
dans le contexte qui est le nôtre, reviens à ques-
Dans le contexte qui est nôtre, revient à question- dans les quartiers de Pointe-Noire et Brazzaville.

ner le politique et ou la politique car comme le dit
Hannah Arendt « la nature du régime politique
dépend et détermine en retour la nature des prin-
cipes éducatifs » (H. Arendt, La crise de l’éduca-
ion, Folio, 1972, p.136). Aussi, le culte du cli-
vage ethnique, dont le sacrifice consiste au brû-
age de la nation, peut être aussi en partie un fac-
eur étiologique de ce pathos.
Si les parents se plaignent aujourd’hui
des violences, de l’incivisme, en milieu jeune au
Congo Brazzaville c’est parce que l’éducation
congolaise est malade et mérite une cure. La pre-
mière éducation commençant en famille, le sujet
autour de la crise de l’éducation que d’ailleurs
connait le monde en générale fait appel à plu-
sieurs questions complexes, notamment la ques-

Pour remédier à ce grand mal, nous pensons que tion du gender et de la monoparentalité.

out système éducation doit tenir en compte des Jaurès Heldon NTSANA
facteurs culturels, anthropologiques, géogra-

phiques, et historiques d’une part et d’autres part

« la nature du
des paradigmes des systèmes éducatifs les plus régime politique
rentables dans leurs aspects positifs. L’équivocité dépend et déter-
mine en retour
du concept « éduquer » assimile aussi l’éducation
la nature des
au concept « former » (Olivier Reboul). De ce principes éduca-
fait, en dehors de l’école formelle, la création des tifs »

centres et ateliers de formation qualifiés qui aide-

ront à l’insertion sociale des jeunes s’impose. La

crise de l’éducation que nous décrivons est vi-

sible à partir de la légèreté de l’école universitaire

en contexte congolais mais aussi du haut taux de

a délinquance juvénile facteurs de l’insécurité

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