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CONCOURS DE RECRUTEMENT EN ANNEE PROBATOIRE (Filière française)

Juillet 2004
Etude de texte (Durée : 04 heures)

Il serait exagéré de croire que l’école puisse tout faire. Force est de constater cependant que l’école, en raison de
l’espace humain, social et culturel qu’elle occupe, est l’institution qui rassemble, presque automatiquement, tous les
jeunes d’ici ou d’ailleurs. Cela même lui confère une mission qui, dans le domaine de l’interculturalisme, devient très
importante dans la conjoncture actuelle. En effet, une brève lecture de la réalité internationale nous plonge au cœur du
désir de plusieurs de nos semblables de fuir la guerre, la pauvreté, la persécution, l’intégrisme religieux, etc. pour
venir s’installer dans des endroits où la tolérance, la disponibilité et l’égalité apparaissent avant tout comme des
valeurs dominantes. Cela place alors l’école dans une situation évidemment inconfortable : elle reçoit ainsi des jeunes
d’ailleurs qui, d’une part veulent plus, demandent plus, exigent plus que ce qu’ils avaient avant leur arrivée. D’autre
part, elle doit répondre aux besoins de sa « population locale » qui elle, veut conserver et solidifier ses acquis, voire
même ses privilèges. Des considérations interculturelles émergent naturellement de part et d’autre et un besoin
d’intégration interculturelle se fait immédiatement sentir.
Le défi de l’école, faut-il le répéter, est d’entreprendre, de manière significative, intelligente et créative, une tâche qui
va propulser les jeunes dans une cybernétique interculturelle en vue de répondre à ce qui les préoccupe de manière très
immédiate à savoir, comment vivre harmonieusement ensemble sans nier son identité et sans l’imposer aux nouveaux
arrivants. Par quels mécanismes l’école peut-elle faire face à cette énorme nouveauté sans que sa mission
traditionnelle, qui est celle de veiller au développement intellectuel et à l’excellence académique, ne soit reléguée au
second plan ?

L’école devant cette préoccupation interculturelle immédiate, ne doit pas se contenter de réagir, de tolérer, de subir ;
elle doit plutôt découvrir, explorer, chercher. Elle doit planifier, organiser, mettre en œuvre. C’est en effet à l’école
que le jeune pourra s’émerveiller devant les richesses et les grandeurs des autres cultures ; c’est encore à l’école qu’un
éventail des cultures pourrait éventuellement être déployé à l’intérieur d’un curriculum adapté et souple ; c’est
également à l’école qu’un travail d’identification des valeurs culturelles respectives pourrait être entrepris. Tout cela
ne doit surtout pas se faire en vue de classer, de hiérarchiser ou de catégoriser des cultures ; mais en vue de permettre
aux jeunes de réaliser, d’une part, la complexité de l’échiquier culturel, et, d’autre part, la noblesse de l’échange
interculturel. Ce dont nos jeunes doivent être conscients c’est le fait que le voisinage d’autres cultures enrichit la
personne, cela ne l’appauvrit pas ; que le contact avec des éléments d’autres cultures stimule la personne, cela ne
menace pas ; que l’ouverture à d’autres cultures libère la personne, cela ne la diminue pas. Aucune autre institution
que l’école ne peut entreprendre, avec autant de dynamisme et de ressources, l’éducation à ces dimensions
existentielles qui deviennent de plus en plus partie intégrante du vécu quotidien des jeunes.

S’il est vrai comme le souligne Chamberland (1981), Artaud (1985) et d’autres, que la culture est un cadeau, jusqu’où
l’école ne pourrait-elle aller en puisant, toutes proportions gardées, il va sans dire, dans les cultures dont ses membres
sont originaires. Que de cadeaux pourraient être alors mis ensemble dans une perspective de croissance,
d’épanouissement et d’ouverture. C’est alors que ce qui est malheureusement conçu comme étant « le choc des
cultures » perdrait son caractère explosif et prendrait plutôt une allure d’occasion d’intégration interculturelle
significative.
Ce travail d’intégration interculturelle nécessite cependant beaucoup de temps et toute accélération de ce processus
pourrait nuire aux enjeux et aux résultats escomptés. C’est en effet un processus de maturation personnelle et
collective qui est ici en opération et cela ne tolère pas la précipitation. Ce type de maturation, comme toute maturation
d’ailleurs, doit se faire à son propre rythme et le respect de ce dernier, comme le sait très bien l’école, est primordial.
C’est surtout en ce sens que Claire Mc Nicoll (1993) souligne que nous devons « nous montrer patients à l’endroit des
nouveaux venus et ne pas s’attendre à ce qu’ils délaissent du jour au lendemain-ou même jamais leurs liens avec leur
culture d’origine. Nous pensons que l’obsession de vouloir l’intégration tout de suite risque de déclencher
l’impatience, et à partir de là de l’intolérance ».

René Bedard-université d’Ottawa

1-Dégagez la thèse directrice développée dans ce texte


2. Quels sont les principaux arguments avancés par l’auteur ?
3. A la lumière des réalités de l’école sénégalaise, dites ce que vous pensez de son propos.

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