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L’expression « moyen âge » n’apparait en français que quelque siècle après la fin de cette
période. Elle est calquée sur l’expression latine media tempestas, utilisée par les auteurs de la
renaissance, et elle impose une périodisation qui tend à faire des mille ans qui séparent la
chute de Rome (476) de la prise de Constantinople par les turcs musulmans (1453), un âge
sombre, une ère de somnolence de la civilisation et de la vie de l’esprit.
Très européocentrique, cette désignation occulte le fait que ces années furent aussi, dans la
tradition musulmane et juive, une période de grand essor intellectuel dont l’occident lui-même
sera tributaire. En s’efforçant de donner l’illusion d’une unité, l’expression en elle-même nie
également la grande diversité de cette longue période historique dans laquelle on distingue
généralement un Haut Moyen Age (476- 1000) et le Bas Moyen Age (1000-1453).
Le moyen âge a connu deux renaissances d’ordre économique et politique, mais aussi d’ordre
culturel et éducationnel : la renaissance carolingienne au VIIIe siècle, et celle du XIIe siècle
soit avent « la » renaissance.
Le dixième siècle porte en lui un système de valeurs, en grande partie inédit, mais d’une
portée lourde et profonde, notamment en raison de ce qui le fonde : la révélation. Sur le plan
anthropologique se déploie à travers lui une certaine image de l’humanité qu’alimente un
universalisme d’une portée éducative potentiellement décisive (« allez donc et instruisez
toutes les nations » ; dit le Christ à ses disciples), mais qui suscite aussi plusieurs ponts de
tensions nées de la rencontre avec l’idée d’un salut garanti exclusivement par l’église. Cette
idée entrera en conflit avec une grande part de l’héritage antique.
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L’effondrement de l’empire romain d’occident a entrainé la quasi-disparition de son réseau
scolaire. Du Ve siècle jusqu’au règne de Charlemagne au IXe siècle, la seule puissance
capable d’entretenir des vestiges de scolarité est l’église chrétienne. Les monastères ont alors
assumé l’essentiel de l’activité scolaire, centrée sur la formation des ecclésiastiques. Le
monastère tel que le conçoit Saint Benoît (480-547), sera aussi un lieu de préservation, par
copies de texte de l’héritage de l’antiquité.
Dans les écoles monastiques, on enseigne la lecture, l’écriture, mais aussi le calcul (comput),
utile pour déterminer les dates des fêtes religieuses mobiles. A cette offre monastique,
viendront s’ajouter les écoles cathédrales ou épiscopales situées autour des évêchés. Certains
héritiers de l’aristocratie romaine, ayant accédé aux responsabilités épiscopales, ont réussi à
transmettre une partie du patrimoine gréco-romain, notamment d’enseignement des gymnases
divisé en trivium ‘grammaire, rhétorique et dialectique) et quadrivium (arithmétique,
géométrie, musique et astronomie. Trivium et quadrivium forment un ensemble appelé « art
libéraux ». Le mot « libéraux » provient du latin liberalis, issu de liber, libre. Ces artes
liberales s’opposent aux arts mécaniques, ils sont ceux de l’esprit, par opposition aux arts du
corps, des mains.
Hérités de l’antiquité, la liste des arts libéraux commence à se fixer dès la fin du monde
antique, notamment avec Martianus Capella (autour de l’an 400), Boèce (470-524) et Isidore
de Séville (VII siècle), une manière encyclopédique d’enseigner qui restera une référence
pendant de nombreux siècles. Voyons en détail le contenu de ces arts libéraux :
La grammaire est à la fois l’étude des mots et des règles de leur agencement en
phrases, mais elle est aussi l’étude de la littérature, des genres littéraires, ainsi que ce
qu’on appellerait aujourd’hui la critique littéraire. L’art de la grammaire de Donat
(Ive siècle) a longtemps été le manuel de grammaire en usage au moyen âge.
La rhétorique est héritée de l’antiquité et elle se perpétue largement comme telle.
La dialectique qui couronne le trivium est ce qu’on appellera plus tard la logique.
L’arithmétique, première composante du quadrivium, s’occupe de ce qu’on appellerait
aujourd’hui la théorie des nombres, soit des questions relatives aux ratios, aux
proportions et au relations des nombres entre eux, et non simplement les calculs et les
opérations. Par exemple, l’intérêt sur les nombres parfaits c’est-à-dire ceux qui sont
égaux à la somme de leurs diviseurs : 6, 4, 28, 496 sont des nombres parfaits. Tout
cela débouche bien vite sur une numérologie constituant une étude mystique de
nombres qui avait des applications en astrologie.
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La musique depuis Pythagore est indissociablement liée à l’arithmétique. Elle est
l’expression par les sons, de l’harmonie des rapports entre les nombres.
La géométrie qui continue d’être enseignée aujourd’hui, est celle qui fut axiomatisée
par Euclide.
L’astronomie est enfin l’étude de l’univers telle que léguée par Ptolémée (IIe siècle) et
Platon.
Ces arts libéraux vont peu à peu se constituer comme base de la formation dispensée à
l’université, et une condition d’entrer à ses différentes facultés (théologie, droit,
médecine).
LA RENAISSANCE CAROLINGIENNE
La dénomination « Renaissance carolingienne » est due à l’historien Jean-Jacques Ampère
(1800-1864) et sous-entend un renouveau culturel comparable à la Renaissance du XVIe
siècle. C’est une période de renouveau de la culture et des études en Occident sous les
empereurs carolingiens dont Charlemagne (768-814), Louis Le Pieux (814-840), Charles
le Chauve (843-877). Les empereurs carolingiens ont su attirer dans leurs cours des
savants de toute l’Europe, dont les plus célèbres sont Alcuin (730-804), poète, savant et
théologien anglais de langue latine ; Eginhard ou Einhard (770-840), personnalité
intellectuelle et artistique d’origine allemande ; Raban Maur (780-856), moine bénédictin
et théologien allemand ; Jean Scot Erigène (entre 800 et 815-876), philosophe et
théologien irlandais. Singulièrement, sous Charlemagne, ce renouveau est marqué par
différents textes de lois appelés capitulaires dont le plus connu est l’Admonitio generalis
(Exhortation générale) Celle-ci est un capitulaire promulgué le 23 mars 789. Etudiée avec
tous ses conseillers, laïcs et ecclésiastiques, l’Admonitio prescrit les devoirs de tous et de
chacun, donne surtout la vision de Charlemagne sur l’entreprise de christianisation et les
directives sur la restauration des écoles. Par exemple, l’article 72 recommande aux
évêques d'attirer à eux non seulement les enfants de condition servile, mais même les fils
des hommes libres, d'organiser dans les églises cathédrales et dans les monastères des
écoles pour enseigner aux enfants à lire, à chanter, à compter, enfin de veiller à ce que les
psautiers, les livres de musique, d'arithmétique et de grammaire soient d'une parfaite
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curriculum, et aux écoles cathédrales et monastiques, il a adjoint les écoles palatines (à la
cour de l’empereur ou d’un roi), dont la plus célèbre est sans conteste celle d’Aix-La-
Chapelle. Charlemagne insiste sur le latin qui doit être étudié avec grand soin par les
prêtres.
De nouvelles invasions dues entre autres aux Normands, aux Huns, Sarrazins, Hongrois
vont mettre fin à l’empire carolingien et seront à l’origine d’une période d’instabilité non
favorable au développement de la culture. Les moines sont obligés de fuir en emportant
avec eux des manuscrits précieux ou de résister derrière les murs.
Si la période carolingienne n’a pas engendré de philosophe en tant que tel, à l’exception
de Jean Scot Erigène, il en sera de la période postcarolingienne où Saint Anselme (1033-
1109) fait figure d’exception.
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LA RENAISSANCE DU XIIe SIECLE
Ces universités élisent leurs chefs (recteurs et doyens), on leur octroie un sceau qui
symbolisent leur souveraineté ; le droit de faire la grève, de recruter des maîtres et de
distribuer des diplômes (la collation des grades : baccalauréat, licence, doctorat). Elles ont
aussi leur langue, le latin. Les universités peuvent – ce n’est pas toujours le cas –
comporter quatre facultés : Arts, Théologie, Médecine, Droit. De telles institutions sont
créées dans diverses villes : Paris (1200) ; Oxford (1206) ; Naples (1224) ; Cambridge
(1231) ; Montpellier (1283). On en dénombrait une quinzaine avant 1300.
Peu coûteuses, les Universités favorisent la circulation d’étudiants, elles échangent leurs
maîtres et l’on vit Thomas d’Aquin à Paris, à Rome et à Naples, Albert le Grand à
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Cologne, Roger Bacon à Oxford et à Paris. L’étudiant pouvait s’attacher au maître de son
choix.
Tous les aspects de la formation convergeaient vers son intention religieuse. Toutes les
disciplines étaient ainsi au service de la théologie. Toute chose qui limitait le
développement des sciences concrètes. L’enseignement reposait lui-même sur la
connaissance des textes : la lecture d’un texte (lectio) faisait surgir une question (questio)
que l’on discutait (disputatio) en examinant le pour (pro) et le contre (sed contra). La
Somme théologique de Saint Thomas d’Aquin illustre merveilleusement cette méthode. De
là est né le principe d’autorité, la foi dans la parole des maîtres, et particulièrement
d’Aristote récemment découvert. Il s’agissait d’expliquer la doctrine de l’Eglise, d’éclairer
les rapports de la raison et de la foi. Toute chose qui va contribuer à l’élaboration d’un
appareil d’exigences méthodologiques qui sera prêt pour n’importe quel champ de
l’investigation intellectuelle. Sous ces aspects, le Moyen Âge a préparé le rationalisme.
A la fin du XIIe siècle, les étudiants pauvres et étrangers étaient accueillis dans des
habitations spécifiques où ils étaient hébergés et nourris à moindre coût. Puis, ces espèces
d’hôtels accueillirent aussi les maîtres. Et la vie en commun des maîtres et des étudiants
était organisée par un principal. C’est l’origine des collèges, comme celui que fonda
Robert de Sorbon en 1253. Petit à petit, à la faveur de l’introduction de l’enseignement
dans ces lieux, ces collèges basculèrent d’institutions charitables en annexes de
l’université et finissent par absorber la faculté des arts.
Mais, à côté des universités, les écoles ecclésiastiques et monastiques essaient de survivre.
Elles sont en proie à une crise provoquée par la demande des savoirs nouveaux. Cette
demande est souvent l’œuvre des laïcs. En effet, avec l’expansion de la féodalité, la vie
urbaine se ranime et avec elle le commerce et l’argent. Ce sont-là des facteurs de
bouleversement social qui auront des répercussions sur l’éducation qui est encore entre les
mains de l’Eglise. Un écolâtre de Liège, Gozzechin, à son disciple Vaucher, écrit que
l’argent provoque la ruine des mœurs et de l’éducation ; on ne peut plus faire la discipline,
les jeunes gens réclament la liberté, ils acceptent les nouveautés de prétendues écoles
savantes. Pour tenter de contenir la révolte qui gronde, les réformateurs monastiques
décident de fermer l’école à ceux qui ne sont pas destinés à la vie du cloître. L’idéal
monastique se resserre au niveau de la prière : le moine, disent-ils, est fait pour prier et
non pour enseigner. Les moines ne doivent avoir accès qu’à l’ « Ecole du Christ » Schola
Christi. Par conséquent, les livres des auteurs profanes sont exclus. Certains maîtres
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remplacent les petits livres scolaires toujours utilisés depuis l’époque romaine, Proverbes
de Sénèque, Distiques de Caton, Fables d’Avianus, par des sentences chrétiennes faciles à
retenir. Cette prise de position va profiter aux écoles urbaines. De plus, le conflit qui
oppose les papes et les empereurs, au XIe siècle va définitivement libérer le laïque de la
tutelle cléricale. Le laïque prend de plus en plus conscience de son autonomie et ne veut
plus accepter l’idéal de vie monastique qu’on lui présentait autrefois.
D’autres écoles verront également le jour au Moyen Âge. Certaines sont l’œuvre de
nouveaux ordres religieux. D’autres, plus pratiques, apparaissent au XIIIe siècle dans les
cités négociantes d’Italie et des Flandres. Ce sont des écoles de commerce où l’on
enseigne les langues vivantes, les mathématiques et la comptabilité. A la même époque,
au sud de la France et en Angleterre, fleurissent des écoles de droit, des écoles de
dictamen (arts de rédiger les actes) à l’usage des scribes des chancelleries.
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