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De l’Éducation médiévale à la révolution humaniste // textes de Rabelais et d’Erasme

Introduction :
Durant la première partie du XXe siècle, le mouvement protéiforme de l'éducation nouvelle (Freinet,
Claparède, Montessori…) trouve un dénominateur commun dans un rejet de l’éducation traditionnelle.
Quelques siècles auparavant, l'attitude de Rabelais contre l'éducation de son temps était sensiblement la
même.

Origine et développement
Le terme de «scolastique», dérivé du terme schola, provient du grec scholê au sens d'oisiveté, de temps libre,
d'inactivité, qui a donné à une période légèrement plus tardive : «tenir école, faire des cours». C'est qu'en
effet, au Moyen Age, seuls les religieux avaient la «scholê», c'est-à-dire le loisir d'étudier, laissant aux autres
(le clergé séculier, les frères convers, les laïcs-ceux qui combattent et ceux qui travaillent-…) le soin
dévalorisé de s'occuper des affaires matérielles.

Les mouvements intellectuels et les universités se trouvent étroitement imbriqués avec l'église et
l'enseignement ainsi que la vision du monde et du corps découlent de la conception religieuse. Celle-ci est
directement issue de la Bible des Septante, immuable depuis sa rédaction au IIè siècle après J.-C. Traduite du
grec en latin, ce qui a donné la Vulgate, érigée en canon (modèle fixant un ensemble de règles définissant la
doctrine) absolu, uniquement accessible aux lettrés, elle est le fondement incontesté des études, le texte de
référence. Copié, recopié, commenté, son texte lui-même demeure inamovible, inammendable. L’université
des Arts enseigne de façon rigide les sept arts libéraux issus de la tradition grecque. Le long cursus de la
Sorbonne (entre 14 et 20 ans de fréquentation pour soutenir son doctorat es-lettres) consiste en
l'apprentissage du Trivium et du Quadrivium. Le premier enseigne la grammaire, la dialectique la rhétorique,
quant au second, il approfondit les 4 arts dits « mathématiques » : arithmétique, musique, géométrie,
astronomie.

La scolastique comporte plusieurs formes : la lectio de textes, les commentaires, la quæstio, la disputatio ou
question disputée, les questions quodlibétales (disputes sur des sujets non-préparés et laissés à l’initiative de
l’assistance) et les sommes oeuvres qui résument et rassemblent les connaissances religieuses).

La lectio consiste à expliquer les textes fondamentaux de l'enseignement (la Bible, Pierre Lombard, Aristote
plus tard, etc. ) presque mot à mot. Le texte est divisé en ses diverses parties, puis commenté dans le détail ;
enfin les problèmes qu'il pose sont examinés. Les commentaires sont conçus pour faire comprendre des
œuvres (de nature religieuse, philosophique, scientifique) reconnues comme principales. Elle sert à résoudre
un problème selon un schéma rigoureusement réglé, des problèmes de théologie ou de philosophie.

La quæstio apparaît au début du XIIe siècle. La technique en est idéalement mise au point au XIIIe siècle. La
quæstio est le fait du maître seul. Lorsque y sont mêlés d'autres acteurs, elle prend la forme de la disputatio,
soumise à des règlements universitaires précis.

La disputatio représente une compétition, une joute verbale entre deux docteurs et leurs étudiants sur un sujet
de théologie, de philosophie ou de droit. À Paris, elle a lieu sur la place de la Sorbonne, ou sur tout autre lieu
circulaire, devant des spectateurs qui ont été avertis de la joute oratoire par des «placards», affichés entre
autres sur la porte des églises. Le déroulement de ces joutes est particulièrement strict, et codifié de façon
rigide. Une somme est le résumé systématique d'un ensemble doctrinal, résumé qui peut être fort long.

La pédagogie universitaire s’appuie sur un enseignement oral à base de lectures expliquées et commentées.
C’est un enseignement fondé sur la mémoire : « Il ne faut pas négliger la mémoire, trésor de lecture […] La
meilleure mémoire repose sur trois choses : la compréhension, l'ordre et le soin? » (Érasme).
L?enseignement primaire vise à apprendre à lire (très peu à écrire : Charlemagne lit très bien le latin mais ne
l'écrit pas !).
La discipline est très dure. La Déclamation d’Erasme de 1529 « Il faut former les enfants à la vertu et aux
lettres dans un esprit libéral et cela dès la naissance » s’érige contre les châtiments corporels dans
l’enseignement. « Ce genre de formation, d?autres l'approuvent, moi, je ne pousserai jamais à faire ainsi
quiconque voudra que son enfant soit éduqué dans un esprit libéral […] Il est vrai que la méthode ordinaire
est plus économique car il est plus facile à un seul de contraindre plusieurs par la crainte que d?en former
un seul dans la liberté. Mais ce n?est rien de grand de commander à des ânes ou à des boeufs. C’est former
des êtres libres dans la liberté qui est à la fois difficile et très beau. Il est digne d’un tyran d’opprimer des
citoyens dans la crainte, les maintenir dans le devoir par la bienveillance, la modération, la sagesse, cela est
d’un roi. »

La révolution humaniste
À partir du XVe siècle, la scolastique est remise en cause par l'Humanisme puis par la la Réforme au
XVIe siècle. Érasme critique son «langage barbare», son ignorance des lettres et des langues. Les maîtres de
la scolastique ignorent en effet le grec et ne possèdent que des traductions de seconde ou troisième main,
donc déformées.

Dans le célèbre Discours de la méthode (1637), Descartes déclare : «[... ] au lieu de cette philosophie
spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connoissant la force
et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux, et de l'ensemble des autres corps qui nous
environnent, aussi nettement que nous connoissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions
employer en même façon à l'ensemble des usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme
maîtres et possesseurs de la nature »

Egalement, la vision de l'homme scolastique de lui-même et du monde qui l'entoure découle naturellement de
la Bible. Le monde est clos, limité, Dieu s’est tout spécialement investi sur notre monde qu’il a crée en 7
jours et auquel il a donné des lois intangibles. La terre est située au centre de l'univers, et l'homme, créature
importante puisque créée à l'image de Dieu se trouve avoir une place prééminente ici bas.
Cette conception de l'homme lui-même, composé comme le pense Platon, suivi en cela par l'église, d’une
âme et d’un corps proclame bien haut la supériorité absolue de celle là sur celui-ci. La scolastique fait sien
l'adage de Platon dans le Gorgias (493a2) qui proclame que « le corps est pour nous un tombeau », et n’est
pas loin de penser que le corps est une entrave à la pensée.

L'esprit est emprisonné dans les liens du corps et empêché par sa matière de se libérer de celui-ci, qui
l'empêche de contempler la vérité. L’esprit doit ainsi mortifier ce corps pour accéder au Vrai. S’il y a «
éducation du corps », elle vise à dominer absolument celui-ci pour mieux pouvoir le cacher jusqu’à la
conscience même des individus.

Aussi, ce corps vecteur de la jouissance, de la concupiscence, diabolique (dia-ballein séparer) en ce qu’il


sépare l'âme avec le divin, est-il jugulé, occulté, opprimé, et dans le meilleur des cas ignoré dans la théologie
du Moyen Âge et l'éducation scolastique. Il n?est donc pas question de porter une attention bienveillante au
corps et encore moins encore d’une éducation physique au cours de la formation.

Dogmatisme religieux, éducation sclérosée (qui n’admet aucune évolution puisque fondée sur des préceptes
divins), rigide (sévère et inhumaine) et formelle (aucune intentionnalité), corps déprécié et oublié, telles sont
les caractéristiques d?une période scolastique que l'on retrouvera dans la première éducation de Gargantua
sous la direction des Maîtres Thubal Holoferne d’abord, puis de Josselin Bridé (Rabelais, 1534, ch. XV-
XVI).

Comment s’est opérée cette évolution, ce recentrement sur l’homme ?


Le premier fait à mettre en évicence réside dans l'émergence d’érudits qui entreprennent de traduire tous les
textes antiques à partir de leurs originaux : la Bible, tout d’abord, directement de l'hébreux ou de l'araméen,
puis tous les auteurs grecs qui formaient le substratum, la base des études scolastiques.
Erasme, d’une façon audacieuse, propose une véritable traduction du Nouveau Testament, beaucoup plus
fidèle au texte et dans un latin plus correct. Il ouvre ainsi la voie à la traduction en langue vernaculaire
(langue propre à un pays) de Luther. Les théologiens traditionalistes s’opposent fermement à la publication
de ce travail (Erasme 1991b) mais l'ouvrage paraît à Bâle en février 1516 augmenté des Annotations sous
titrées « Erreurs et vérités dans l'Écriture ». C’est la première fois que le texte sacré est ainsi décortiqué : en
effet, les deux plus importants gloseurs (commentateurs de textes sacrés) de l'église, Augustin et Thomas
d’Aquin ne lisaient pas le grec. Ces commentaires philologiques (relatifs à la qualité de la traduction sur un
plan linguistique) aboutissent à une critique acerbe et aiguë de la lecture traditionnelle du Nouveau
Testament.
Cela permettra un recentrage sur Jésus Christ et son enseignement, relativisant la puissance des princes de
l'église, et ouvre la voie au schisme protestant.

D’autres humanistes vont s’attaquer à la traduction d’oeuvres antiques. On redécouvre ainsi un Aristote
débarrassé de ses scories (ajouts, déformations, omission, interprétations orientées pour les rendre
conciliables avec la doctrine de l’Eglise) platonisantes. Les conséquences sont immenses. On lit la Physique,
l'Éthique, l'Histoire des Animaux du stagirite. Les notions de prâxis (pratique, expérimentation, action) et de
poiêsis (création, transformation) deviennent véritablement opérationnelles : l'expérimentation sur
l'architecture, les sciences, la médecine, l'éducation met en prise les théories avec le réel et le concret.
Notamment, l'éducation scolastique, bornée et violente cède le pas à une action pédocentrée (centrée sur
l’élève) théorisée par Erasme, Budé, Rabelais, Machiavel. Le corps humain perd son statut démoniaque
parce que siège des passions, et une pratique physique comme expérimentation corporelle peut alors se faire
jour sans être taxée de dérive satanique.
Ce changement affecte la manière dont on conçoit le monde et l’homme. A une conception du monde héritée
de Ptolémée, géocentrique, fini et immobile, Nicolas de Cues, Giordano Bruno, Galilée, Copernic opposent
peu à peu un univers mobile, héliocentrique et infini.
Pour les médiévaux, immobilité et immutabilité représentaient un symbole de la majesté, de la puissance
divine et en revanche, la mobilité touchait à ce qui était corruptible. L’inversion de ces représentations à la
Renaissance va remettre en cause le dogme de la création divine immédiate, parfaite et définitive (dum deus
putat, fit mundus : au même instant où Dieu l'a pensé, il a crée le monde) et orienter la doctrine vers le
concept de « création continuée », en perpétuelle évolution.
Si Dieu crée un monde en perpétuel changement, alors l’homme a à se construire aussi quotidiennement, à
s’inventer chaque jour.
Cette approche débouchera immanquablement sur tout un courant expérimental concernant le corps. La
naissance de l'anatomie appliquée et des gymnastiques rationnelles participe de ces déterminations nouvelles.
Mais cette nouvelle appréhension du corps demeure néanmoins fortement entachée de dualisme. La
cinquième partie du Discours de la Méthode de Descartes est à ce propos éclairante. Le corps y est décrit
comme une machine, « un vaisseau dont l'âme est le pilote ».
A côté d’ouvrages sur l'éducation (Erasme : Il faut former les enfants ; La méthode pour étudier ; De la
civilité des moeurs des enfants ; Budé : De l'institution du prince ; Machiavel : Le Prince ; Rabelais :
Gargantua), des auteurs comme Jérôme De Monteux, Mercurialis (1569), Guillaume de Choul (1567), Pierre
Fabre (1592), Laurent Joubert (1582), font émerger sur le devant de la scène un corps trop longtemps oublié
par l'éducation scolastique.

C’est que l’on retrouvera dans éducation exemplifiée de Gargantua.


Réalisme ou anti-formalisme, encyclopédisme, souci du corps, voici le triptyque qui pourrait définir
l'éducation conçue par les humanistes.

Tout d’abord, il n’existe plus de formalisme, dans le sens où tous les savoirs sont référés à des situations
concrètes. En cela, les humanistes ouvrent la voie aux pédagogies dites nouvelles.
Gargantua n’intériorise aucune information qui ne soit discutée et mise à l'épreuve des faits. L’autorité
seule du maître ne fait plus loi absolue. Le prince se rend chez les artisans eux-mêmes, pour voir « Comment
on tireoit les métaux, ou comment on fondoit l'artillerie, ou allait voir les lapidaires, orfèvres, et tailleurs de
pierres? » (Gargantua, XXIV). Il fréquente les paysans, les fabricants, les artistes. Aucune activité du
royaume ne doit lui être étrangère. Tous les événements de la vie quotidienne, des plus triviaux jusqu’aux
plus nobles sont prétextes à enseignements.

L’encyclopédisme ensuite : rien de ce qui est cosmique ne doit s’ignorer. Le trivium et le quadrivium
scolastiques, passages alors obligés des étudiants ne suffisent plus à la construction d’un savoir
universel. Le monde clos est dépassé ; l'univers infini s’ouvre à l'étude. L’encyclopédisme est de mise
aussi en ce qui concerne les activités physiques. Aucun domaine n’est laissé de côté : ni la course, ni les
sauts, ni les lancers, ni la natation, ni les combats.

Le souci du corps dans sa dimension hygiénique, dans tous les sens du terme est une préoccupation
renouvelée de l'antiquité : il existe une filiation qui n’est pas une simple imitation entre Hippocrate,
Galien et la médecine de la Renaissance. La santé, d’abord : le médecin Rabelais rappelle d’abord les
règles élémentaires de la diététique, puis de la propreté : on se lave, on se peigne, on se parfume, on change
de linge lorsqu’on a transpiré.

Le souci du corps, encore, dans sa fonctionnalité : celui-ci doit travailler autant que l'esprit. Le «
desport » ou l'« ébattement » prend une place immense dans l'éducation et n’est plus réservé de façon
exclusive aux gens d’armes. Certes, ces activités sont souvent orientées vers une finalité utilitaire guerrière,
au point que les activités plus « gratuites » ou futiles comme le « trois pas un saut ou le saut d’Allemand »
sont dédaignées par Gymnaste. Mais on voit poindre un certain intérêt pour des activités non-militaires
comme le jeu de paume, le jeu de balle à la main ou au pied, la course à pied, les haltères, la natation qui ont
pour but de fortifier le corps ou de l'éduquer.

Le souci du corps ensuite dans le but de dominer la bête qui se trouve tapie en nous. Le tyran
Picrochole, comme son nom l'indique (en grec : celui qui a la bile amère), n’a pas su apprivoiser sa violence,
n’a agi qu’en suivant ses émotions, et a mené son royaume à la ruine. Grandgousier et Gargantua, en
revanche, en bons princes, ayant forgé puis apprivoisé force et caractère en même temps, ont tenté de
transiger, et c’est seulement lorsque tous les autres moyens de faire la paix ont échoué que les géants se sont
résignés à la guerre.

Le souci du corps, encore, dans le sens où Rabelais institue une véritable éducation physique,
complémentaire de l'instruction, par laquelle les exercices corporels « restent délassants, mais ils sont
devenus formateurs. Ils ne s’opposent plus à une éducation intellectuelle qu’ils suppriment en accaparant le
temps qui devait lui être consacré. Ils la complètent et la favorisent ». On retrouve une préoccupation qui
point déjà dans le Philèbe de Platon, modèle d’Erasme dans De l'abondance des mots et des choses (1512),
qui soulignait le rôle du corps dans la mémorisation.

Le souci du corps ensuite, en ce que les auteurs contemporains de Rabelais, dont on sent qu’il
s’inspire, ont élaboré une véritable théorie de l'éducation physique rationnelle, fondée sur une science
médicale, avec une taxonomie rigoureuse, une étude approfondie des effets de chaque activité sur la
santé et le développement harmonieux de l'individu dans toutes ses dimensions, établissant des normes
corporelles pour une productivité optimale.

Le souci du corps, enfin, car Rabelais a élevé à la même dignité les deux précepteurs de Gargantua :
Anagnôstês et Gymnaste, retrouvant par là la valorisation d’une éducation ou le corps tient toute sa place,
dont les prémisses avaient été décelés dans les Lois de Platon.
Rabelais, Pantagruel, chap. VIII

Le géant Gargantua écrit à son fils Pantagruel parti étudier à Paris, une lettre dans laquelle il définit ce
qu’est pour lui la formation d’un humaniste.

Très cher fils,

[…] je t’engage à employer ta jeunesse à bien progresser en savoir et en vertu. Tu es à Paris, tu as ton
précepteur Épistémon : l’un par un enseignement vivant et oral, l’autre par de louables exemples, peuvent te
former.

J’entends et je veux que tu apprennes parfaitement les langues : premièrement le grec, comme le veut
Quintilien1 ; deuxièmement le latin ; puis l’hébreu pour les saintes Lettres, le chaldéen et l’arabe2 pour la
même raison ; et que tu formes ton style sur celui de Platon pour le grec, sur celui de Cicéron pour le latin.
Qu’il n’y ait d’étude scientifique que tu ne gardes présente en ta mémoire et pour cela tu t’aideras de
l’Encyclopédie universelle des auteurs qui s’en sont occupés.

Des arts libéraux3 : géométrie, arithmétique et musique, je t’en ai donné le goût quand tu étais encore jeune, à
cinq ou six ans ; continue ; de l’astronomie, apprends toutes les règles, mais laisse-moi l’astrologie, comme
autant d’abus et de futilités.

Et quant à la connaissance de l’histoire naturelle, je veux que tu t’y adonnes avec zèle : qu’il n’y ait ni mer,
ni rivière, ni source dont tu ignores les poissons ; tous les oiseaux du ciel, tous les arbres, arbustes, et les
buissons des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au ventre des abîmes, les pierreries
de tous les pays de l’Orient et du Midi, que rien ne te soit inconnu.

Puis relis soigneusement les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les Talmudistes4 et les
Cabalistes5, et, par de fréquentes dissections, acquiers une connaissance parfaite de l’autre monde qu’est
l’homme. Et pendant quelques heures du jour, va voir les saintes Lettres : d’abord en grec le Nouveau
Testament et les épîtres des apôtres, puis, en hébreu, l’Ancien Testament.

En somme, que je voie en toi un abîme de science car, maintenant que tu deviens homme et te fais grand, il te
faudra quitter la tranquillité et le repos de l’étude pour apprendre la chevalerie et les armes afin de défendre
ma maison, et de secourir nos amis dans toutes leurs difficultés causées par les assauts des malfaiteurs.

Et je veux que, bientôt, tu mesures tes progrès ; cela, tu ne pourras mieux le faire qu’en soutenant des
discussions publiques, sur tous les sujets, envers et contre tous, et qu’en fréquentant les gens lettrés tant à
Paris qu’ailleurs.

Mais – parce que, selon le sage Salomon6, Sagesse n’entre pas en âme malveillante et que science sans
conscience n’est que ruine de l’âme – tu dois servir, aimer et craindre Dieu, et mettre en Lui toutes tes
pensées et tout ton espoir ; […]

Mon fils, que la paix et la grâce de Notre-Seigneur soient avec toi. Amen.

D’Utopie7, ce dix-septième jour du mois de mars,

ton père, Gargantua.

François Rabelais, Pantagruel, chap. VIII, 1532 ; édition en français moderne par Guy Demerson, Éditions
du Seuil, 1973 et 1995.

1. Quintilien : rhéteur et pédagogue latin du Ier siècle après J.-C.


2. Langues nécessaires à l’étude de l’Écriture sainte.
3. Arts libéraux : principales disciplines de l’enseignement.
4. Talmudistes : philosophes scolastiques du XIVe siècle, incarnant l’obscurité de la pensée médiévale.
5. Cabalistes : commentateurs expliquant le sens caché de l’Ancien Testament.
6. Salomon : roi de la Bible, particulièrement sage et juste.
7. Utopie : pays imaginaire dont le gouvernement idéal rend les gens heureux, imaginé par Thomas More.
Montaigne, Essais, livre I

Montaigne propose des directives pour l’éducation d’un jeune noble.

[…] Je voudrais aussi qu’on fût soigneux de lui1 choisir un guide2 qui eût plutôt la tête bien faite
que bien pleine, et qu’on exigeât chez celui-ci les deux qualités, mais plus la valeur morale et
l’intelligence que la science, et [je souhaiterais] qu’il3 se comportât dans [l’exercice de] sa charge
d’une nouvelle manière.

On ne cesse de criailler à nos oreilles [d’enfants], comme si l’on versait dans un entonnoir, et notre
rôle, ce n’est que redire ce qu’on nous a dit. Je voudrais que le précepteur corrigeât ce point [de la
méthode usuelle], et que, d’entrée, selon la portée de l’âme qu’il a en main, il commençât à la
mettre sur la montre4, en lui faisant goûter les choses, les choisir et discerner d’elle-même5, en lui
ouvrant quelquefois le chemin, quelquefois en le lui laissant ouvrir. Je ne veux pas qu’il invente et
parle seul, je veux qu’il écoute son disciple parler à son tour. […]

Qu’il6 ne demande pas seulement [à son élève] de lui répéter les mots de sa leçon [qu’il lui a faite]
mais de lui dire leur sens et leur substance, et qu’il juge du profit qu’il en aura fait, non par le
témoignage de sa mémoire, mais par celui de sa vie. Ce que [l’élève] viendra d’apprendre, qu’il le
lui fasse mettre en cent formes et adaptées à autant de sujets différents, pour voir s’il l’a dès lors
bien compris et bien fait sien. […]

Aussi bien est-ce une opinion reçue d’un chacun, que ce n’est pas raison de nourrir un enfant au
giron de ses parents. Cette amour naturelle les attendrit trop et relâche, voire les plus sages. Ils ne
sont capables ni de châtier ses fautes, ni de le voir nourri grossièrement, comme il faut, et
hasardeusement. Ils ne le sauraient souffrir revenir suant et poudreux de son exercice, boire chaud,
boire froid, ni le voir sur un cheval rebours, ni, contre un rude tireur, le fleuret au poing ; ni la
première arquebuse. Car il n’y a remède : qui en veut faire un homme de bien, sans doute il ne le
faut épargner en cette jeunesse, et souvent choquer les règles de la médecine :

« Qui passe sa vie en plein air dans les périls. »

Ce n’est pas assez de lui roidir l’âme ; il lui faut aussi roidir les muscles.

Michel de Montaigne, Essais, livre I, chap. 26 (1580-1595) ; édition en français moderne par


A. Lanly, Éditions Honoré Champion, 1989.

Notes :
1. Lui : au futur élève.
2. Guide : précepteur.
3. Il : le précepteur.
4. Montre : piste où l’on présente les chevaux pour le galop d’essai.
5. L’âme elle-même, c’est-à-dire l’élève.
6. Il : le précepteur.
Montaigne, « De l’institution des enfants », Essais, 1580.


Ce chapitre, consacré à l’éducation des enfants, est le plus long du premier livre des Essais. L’auteur
d’adresse à Diane de Foix, qui attend un enfant, et à qui il brosse le portrait du précepteur idéal et donne
quelques conseils pour guider l’apprentissage des enfants.

La mission du précepteur que vous donnerez à votre enfant – et dont le choix conditionne la réussite de son
éducation – comporte plusieurs autres grandes tâches dont je ne parlerai pas, parce que je ne saurais rien en
dire de valable. Et sur le point à propos duquel je me mêle de lui donner un avis, il m’en croira pour autant
qu’il y verra quelque apparence de raison.

A un enfant de bonne famille, qui s’adonne à l’étude des lettres, non pas pour gagner de l’argent (car un but
aussi abject est indigne de la grâce et de la faveur des Muses, et de toute façon cela ne concerne que les
autres et ne dépend que d’eux), et qui ne recherche pas non plus d’éventuels avantages extérieurs, mais plutôt
les siens propres, pour s’en enrichir et s’en emparer au-dedans, comme j’ai plutôt envie de faire de lui un
homme habile qu’un savant, je voudrais que l’on prenne soin de lui choisir un guide qui eût plutôt la tête
bien faite que la tête bien pleine. Et si on exige de lui les deux qualités, que ce soit plus encore la valeur
morale et l’intelligence que le savoir, et qu’il se comporte dans l’exercice de sa charge d’une nouvelle
manière.

Enfant, on ne cesse de crier à nos oreilles, comme si l'on versait dans un entonnoir, et l'on nous demande
seulement de redire ce que l'on nous a dit. Je voudrais que le précepteur change cela, et que dès le début,
selon la capacité de l'esprit dont il a la charge, il commence à mettre celui-ci sur la piste, lui faisant apprécier,
choisir et discerner les choses de lui- même. Parfois lui ouvrant le chemin, parfois le lui laissant ouvrir. Je ne
veux pas qu'il invente et parle seul, je veux qu'il écoute son élève parler à son tour. Socrate, et plus tard
Arcésias, faisaient d'abord parler leurs élèves, puis leur parlaient à leur tour.

1
L'autorité de ceux qui enseignent nuit généralement à ceux qui veulent apprendre .

Il est bon qu'il le fasse trotter devant lui pour juger de son allure, et jusqu'à quel point il doit descendre 20
pour s'adapter à ses possibilités. Faute d'établir ce rapport, nous gâchons tout. Et savoir le discerner, puis y
conformer sa conduite avec mesure, voilà une des tâches les plus ardues que je connaisse ; car c'est le propre
d'une âme élevée et forte que de savoir descendre au niveau de l'enfant, et de le guider en restant à son pas.
Car je marche plus sûrement et plus fermement en montant qu'en descendant.

Si, comme nous le faisons habituellement, on entreprend de diriger plusieurs esprits de formes et de
capacités si différentes en une même leçon et par la même méthode, il n’est pas étonnant que sur tout un
groupe d’enfants, il s’en trouve à peine deux ou trois qui tirent quelque profit mérité de l’enseignement qu’ils
ont reçu.

Que le maître ne demande pas seulement à son élève de lui répéter les mots de sa leçon, mais de lui en
donner le sens et la substance. Et qu’il juge du profit qu’il en aura tiré, non par le témoignage de sa mémoire,
mais par celui de son comportement. [...] Régurgiter la nourriture telle qu’on l’a avalée prouve qu’elle est
restée crue sans avoir été transformée : l’estomac n’a pas fait son travail, s’il n’a pas changé l’état et la forme
de ce qu’on lui a donné à digérer.

1 Cicéron, De natura deorum, I, 5

Question : Quelle est l’éducation idéale selon Montaigne ?


Analyse du texte de Montaigne en 2 temps, et commentaire

I) Introduction

a) Montaigne (1533-1592)

Mars 1562 : Guerres de Religions.

Humaniste = Il apprend le latin qui devient sa langue maternelle. Entre au collège où il apprend le grec, le
théâtre, le français, la rhétorique. Il a son bac. Fait des études de droit et de philosophie. En 1568, Montaigne
s'enferme dans une tour ( rez-de-chaussée : Chapelle, 1er étage : chambre, 2e étage : bibliothèque. ) et
consacre son temps à l'étude et à la réflexion. Il voyage alors qu'il est atteint d'une maladie, en Allemagne,
Autriche, Italie...

b) Le texte

Les Essais

C'est en 1572 que Montaigne les écrits cependant la première édition ne paraît qu'en 1580.

Ils contiennent en tout trois livres ( 107 chapitres ) dans lesquels Montaigne examine de nombreux sujets.
Dans un premier temps, il s'agit de réflexions tirées d'écrits anciens ( Sénèque, Horace, Platon, Virgile...);
puis ensuite, d'idées que présente et propose Montaigne.

« De l'institution des enfants » , chapitre 26.



Ecrit pour Madame Diane de Foix, Comtesse de Gurson, qui attendait un enfant. Ici, Montaigne propose une
« bonne éducation » à la comtesse pour son enfant. De plus, il s'agit d'un discours polémique ( <polemos : la
guerre > débat ) .

( LECTURE )

Problématique : Quelle est l'éducation idéale selon Montaigne ?

I- Une critique de l'éducation traditionnelle



1- L'apprentissage par coeur

2- L'éducation collective

3- L'éducation par le gain

II- L'éducation selon Montaigne


1- Une éducation adaptée à chacun

2- Une ouverture d'esprit par soi-même

III- La volonté de convaincre



1- Les différentes argumentations
2- Les images données par Montaigne

I- Une critique de l'éducation traditionnelle
1- L'apprentissage par coeur

« On ne cesse de criailler à nos oreilles, comme qui verserait dans un entonnoir » l.14

Comparaison entre l'apprentissage et un entonnoir = « bourrage de crâne »

« Qu'il ne lui demande pas seulement compte des mots de sa leçon, mais du sens et de la substance » l. 39
Montaigne critique l'apprentissage par coeur.

2- L'éducation collective
« d'une même leçon, régenter plusieurs esprits de si diverses mesures et formes » l.34

antithèses : une / plusieurs et même/diverses.

Mesure = Quantité et Forme = Qualité

Montaigne critique l'éducation collective, d'après lui chaque esprit n'apprend pas la même quantité de choses,
de la même façon.

3- L'éducation par le gain



« qui cherche des lettres, non pour le gain ni tant pour les commodités externes [...] habile homme » l.2 à 7
Ici, buts de l'éducation refusés par Montaigne: le gain, la vanité c'est-à-dire, tout ce qui pourrait servir pour le
futur.

II- L’éducation selon Montaigne

1- Une éducation adaptée à chacun


« Il est bon qu'il le fasse trotter [...] pour s'accomoder de sa force. » l.26 « trotter » + « train » = Métaphore
cheval / élève.

Montaigne est pour le système du précepteur = un maître pour un élève.
2- Une ouverture d'esprit par soi-même
« Et qu'il juge du profit de ce qu'il aura fait, non par le témoignage de sa mémoire, mais de sa vie » l.41 :
Seul but de l'éducation pour Montaigne : s'enrichir soi-même.

III- La volonté de convaincre

1- Les différentes argumentations


« Socrates et Arcesilaus » l.22 et « Platon » l.46

Argument d'autorité. Montaigne s'en sert pour appuyer sa proposition d'éducation. « Je veux qu'il fasse » l.
26, « qu'il invente » l.20, « qu'il écoute » l.21

Subjonctif à valeur d’ordre (jussive).

Enonciation à lapremière personne avec le pronom « je », Montaigne s'implique personnellement dans son
discours.

2- Les images données par Montaigne


a- Les images visant la critique
« comme qui verserait un entonnoir » l.14

Comparaison de l'élève avec une oie = idée de « gavage de savoir »

« C'est témoignage de crudité et indigestion que de regorger [...] donné à cuire » l.47 Métaphore indigestion /
par coeur = critique l'apprentissage par coeur.
b- Les images illustrant l'éducation que propose Montaigne.

« Mettre sur la montre ( direction d'un cheval ) » ; « trotter »; « juger »; « allures » Métaphore élève / cheval
= renvoi à l'apprentissage autonome.
« Quelques fois lui ouvrant le chemin, quelques fois le lui laissant ouvrir » l.20 Métaphore chemin/savoir =
renvoi à l'apprentissage autonome.

IV) Conclusion :

Texte polémique dans lequel Montaigne remet en cause l'éducation traditionnelle et en propose une autre :
système du précepteur.

Texte avec une argumentation directe ou explicite : Montaigne s'adresse directement au lecteur.

Thème principal : l'éducation.

Essais de Montaigne, I, ch. 26 : "Sur l'institution des enfants »explication centrée sur la question :

Introduction :
Le XVIème siècle fut marqué pas un bouleversement de la pensée appelé mouvement humaniste. Ce
mouvement se basait sur le retour à l’Antiquité et sur une revalorisation par rapport à Dieu. Montaigne
rédige alors ses Essais, une grande réflexion sur la société, étendue sur quinze années, où il défend les idées
humanistes.
Nous tenterons de voir quelle est la vision de Montaigne sur l’éducation et comment il l’impose à son lecteur.
Nous verrons tout d’abord la démarche argumentative qui lui permet d’imposer sa vision de l’éducation.
Problématique : en quoi la démarche argumentative permet-elle d'imposer sa vision de l'éducation au
lecteur ?

I. Une argumentation directe


A. Présence de l’auteur
- « je », pronom personnel de la 1ère personne, L 6, 11, 16 et 25

- Pronoms possessifs 1ère personne du pluriel : « notre » L 11, 22, 27, 42, 45 et « nos » L 10
L’auteur est présent

- Verbes de volonté : « je veux » L 16, « je voudrais » L 6, 11, « je ne veux pas » L 15
L’auteur est présent, donne des conseils et son avis : genre de l’essai

B. Présence de tournures impératives



- Présence de l’auteur + verbes de volonté

- Tournures impératives : verbes au subjonctif « qu’on fût » L 6, « qui eût » L 7, « qu’on exigeât » L 7,
«qu’il se conduisit » L 9, « corrigeât » L 12, « commençât » L 13, « qu’il 55 invente» L15, «qu’il
écoute»L16, «qu’il le fasse» L20 ...
Permet d’inciter, de donner des conseils et d’exposer son opinion sur l’éducation.

C. Une argumentation illustrée

- Images : métaphores filées

cf. Métaphore culinaire : « Regorger la nourriture comme on l’a avalée (...) donné à digérer » L 38-41
Image de l’estomac : permet de mieux comprendre

cf. Métaphore équestre : « Il est bon qu’il fasse trotter devant lui (...) montant qu’en descendant » L 20-26
L’image permet de donner un exemple, elle a une valeur pédagogique, didactique : argumentation
illustrée qui rend plus compréhensible le propos.


II. Une vision nouvelle de l’éducation

A. Qualités d’un bon précepteur
- Privilégie la formation de l’intelligence par rapport à l’accumulation de connaissances : « la tête bien faite
que bien plein » L 6

- Ne contraint pas l’élève à répéter : « Qu’il ne lui demande pas seulement de lui répéter les mots de la leçon
» L 32 et « ce n’est que de redire ce qu’on nous a dit » L 11

- S’adapte à son élève : « qu’il écoute » L16, « en réglant l’allure de sa progression » L 37
Méthode nouvelle qui s’adapte à l’élève

B. Démarche pédagogique nouvelle


- « Qu’on fût soucieux de lui choisir un guide » L 6, « selon la portée de l’âme qu’il a en main » L 12 -13,
«qu’il écoute» L 16
Ecoute de l’élève qui est au premier plan
- On favorise la compréhension et la maîtrise du sujet : « pas seulement de répéter les mots (...) sens et leur
substance » L 32 – 33, « qu’il lui fasse mettre en cent visages et accommoder (...) pour voir s’il l’a encore
bien compris et fait sien » L 35 – 36 + Image de l’estomac -> métaphore culinaire

C. Une vision humaniste


- « étude des lettres » L 1 : sciences sont passées sous silence -> études humanistes

- Elève au cœur de tout « qu’il écoute son disciple » L 16, « selon la portée de son âme » L 17, « s’adapter à
sa force » L 21
Dans les principes humanistes : homme au cœur de tout
- Education humaniste : concilie formation de l’intelligence et formation de l’esprit en privilégiant la
formation morale. « d’en faire un habile homme qu’un homme savant » L 5-6 « plutôt la tête bien faite que
bien pleine » L 7 et « mais plus la valeur morale (...) que la science » L 8-9
La démarche proposée par Montaigne est humaniste

Conclusion :

La vision de Montaigne sur l’éducation est une vision humaniste et nouvelle. Elle se base sur les qualités
d’un bon précepteur que sont l’écoute et l’adaptation à l’élève, ainsi que sur les démarches pédagogiques
nouvelles qui favorisent la compréhension par l’élève en enfin, cette éducation est fondée sur les principes
humanistes qui placent l’homme au cœur de tout et qui privilégie donc son éducation, qui sera le fruit de
l’homme qu’il deviendra. On peut donc rattacher cette vision de Montaigne à celle de l’humaniste Rabelais
dans la lettre de Gargantua à Pantagruel, extraite de Pantagruel, où la vision rabelaisienne de l’éducation
rejoint celle de Montaigne, exposée dans ses Essais.
• Érasme, De l’éducation des enfants (1529)

« Tu vas me demander de t’indiquer les connaissances qui correspondent à l’esprit des enfants
et qu’il faut leur infuser dès leur prime jeunesse. En premier lieu, la pratique des langues. Les
tout-petits y accèdent sans aucun effort, alors que chez les adultes elle ne peut s’acquérir qu’au prix
d’un grand effort. Les jeunes enfants y sont poussés, nous l’avons dit, par le plaisir naturel de
l’imitation, dont nous voyons quelques traces jusque chez les sansonnets et les perroquets. Et puis
− rien de plus délicieux − les fables des poètes. Leurs séduisants attraits charment les oreilles
enfantines, tandis que les adultes y trouvent le plus grand profit, pour la connaissance de la langue
autant que pour la formation du jugement et de la richesse de l’expression. Quoi de plus
plaisant à écouter pour un enfant que les apologues d’Ésope qui, par le rire et la fantaisie, n’en
transmettent pas moins des préceptes philosophiques sérieux ? Le profit est le même avec les autres
fables des poètes anciens. L’enfant apprend que les compagnons d’Ulysse ont été transformés par
l’art de Circé en pourceaux et en d’autres animaux. Le récit le fait rire mais, en même temps, il a
retenu un principe fondamental de philosophie morale, à savoir : ceux qui ne sont pas gouvernés
par la droite raison et se laissent emporter au gré de leurs passions ne sont pas des hommes mais des
bêtes. Un stoïcien s’exprimerait-il plus gravement ? Et pourtant le même enseignement est donné
par une fable amusante. Je ne veux pas te retenir en multipliant les exemples, tant la chose est
évidente. Mais quoi de plus gracieux qu’un poème bucolique ? Quoi de plus charmant qu’une
comédie ? Fondée sur l’étude des caractères, elle fait impression sur les non-initiés et sur les
enfants. Mais quelle somme de philosophie y trouve-t-on en se jouant ! Ajoute mille faits instructifs
que l’on s’étonne de voir ignorés même aujourd’hui par ceux qui sont réputés les plus savants. On y
rencontre enfin des sentences brèves et attrayantes du genre des proverbes et des mots de
personnages illustres, la seule forme sous laquelle autrefois la philosophie se répandait dans le
peuple. (…) »
RABELAIS, GARGANTUA


Ponocratès se met à l’éducation de Gargantua, mais il ne veut d’abord rien changer aux habitudes de son
élève pour juger les méfaits de sa première éducation.

Extrait du Chap XXI - L’étude de GARGANTUA selon la discipline de ses précepteurs (1) sophistes
(2)

Il employait donc son temps de telle façon qu’ordinairement il s’éveillait entre huit et neuf heures, qu’il fût
jour ou non ; ainsi l’avaient ordonné ses anciens régents (3), alléguant ce que dit David : Vanum est vobis
ante lucem surgere (4).

Puis il gambadait, sautait et se vautrait dans le lit quelque temps pour mieux réveiller ses esprits animaux
(5) ; il s’habillait selon la saison, mais portait volontiers une grande et longue robe de grosse étoffe frisée
fourrée de renards ; après, il se peignait du peigne d’Almain (6), c’est-à-dire des quatre doigts et du pouce,
car ses précepteurs disaient que se peigner autrement, se laver et se nettoyer était perdre du temps en ce
monde.

Puis il fientait, pissait, se raclait la gorge, rotait, pétait, bâillait, crachait, toussait, sanglotait, éternuait et
morvait comme un archidiacre (7) et, pour abattre la rosée et le mauvais air, déjeunait de belles tripes frites,
de belles grillades, de beaux jambons, de belles côtelettes de chevreau et force soupes de prime (8).

Ponocrates (9) lui faisait observer qu’il ne devait pas tant se repaître (10) au sortir du lit sans avoir
premièrement fait quelque exercice. Gargantua répondit :

« Quoi ! n’ai-je pas fait suffisamment d’exercice ? Je me suis vautré six ou sept fois dans le lit avant de me
lever. N’est-ce pas assez ? Le pape Alexandre faisait ainsi, sur le conseil de son médecin juif, et il vécut
jusqu’à la mort en dépit des envieux. Mes premiers maîtres m’y ont accoutumé, en disant que le déjeuner
donnait bonne mémoire : c’est pourquoi ils buvaient les premiers. Je m’en trouve fort bien et n’en dîne (11)
que mieux. Et Maître Tubal (12) (qui fut le premier de sa licence (13) à Paris) me disait que ce n’est pas tout
de courir bien vite, mais qu’il faut partir de bonne heure. Aussi la pleine santé de notre humanité n’est pas de
boire des tas, des tas, des tas, comme des canes, mais bien de boire le matin, d’où la formule :

Lever matin n’est point bonheur ; Boire matin est le meilleur. »

Après avoir bien déjeuné comme il faut, il allait à l’église, et on lui portait dans un grand panier un gros
bréviaire (14) emmitouflé, pesant, tant en graisse qu’en fermoirs et parchemins, onze quintaux et six livres à
peu près. Là, il entendait vingt-six ou trente messes. Dans le même temps venait son diseur d’heures (15),
encapuchonné comme une huppe (16), et qui avait très bien dissimulé son haleine avec force sirop de vigne
(17). Avec celui-ci, Gargantua marmonnait toutes ces kyrielles (18), et il les épluchait si soigneusement qu’il
n’en tombait pas un seul grain en terre.

Au sortir de l’église, on lui amenait sur un char à bœufs un tas de chapelets de Saint-Claude (19), dont
chaque grain était aussi gros qu’est la coiffe d’un bonnet ; et, se promenant par les cloîtres, galeries ou jardin,
il en disait plus que seize ermites (20).

Puis il étudiait quelque méchante demi-heure, les yeux posés sur son livre mais, comme dit le poète comique
(21), son âme était dans la cuisine.

Notes :
1 - Précepteurs : maîtres.

2 - Sophistes : dans l’antiquité, le sophiste est une sorte d’enseignant. Ici, le terme est péjoratif et désigne un
maître capable de soutenir tout et son contraire par des arguments subtils.

3 - Régents : maîtres.

4 - Citation d’un psaume de l’Ancien Testament : Il est vain de se lever avant la lumière.

5 - Ses esprits animaux : selon la médecine de l’époque, liquide qui se propageait dans tout l’organisme pour
y maintenir l’énergie vitale.

6 - Jacques Almain était un théologien du début du XVIe siècle. Il y a là un jeu de mot (se peigner à la main).

7 - Archidiacre : supérieur du curé.

8 - Soupes de prime : tranches de pain trempées dans un bouillon, qu’on mangeait au couvent à prime.

9 - Ponocrates est le nouveau maître de Gargantua. En grec, son nom signifie «bourreau de travail».

10 - Se repaître : se nourrir abondamment, engloutir.

11 - Le dîner est le déjeuner de l’époque.

12 - Maître Tubal est l’ancien maître de Gargantua.

13 - Le premier de sa licence : le premier dans le diplôme obtenu à l’université.

14 - Bréviaire : livre de prière.

15 - Heures : prières.
16 - Le diseur d’heures est emmitouflé dans le capuchon de son manteau comme une huppe l’est dans ses
plumes.
17 - Sirop de vigne : la périphrase désigne le vin.

18 - Ces kyrielles : ces suites ininterrompues, interminables de prières.

19 - Saint-Claude est une ville du Jura célèbre pour ses objets en buis.
20 - Ermites : hommes vivant seuls dans la forêt.

21 - Le poète comique : Térence l’auteur d’Eunuque.

Question 1 : Quelles sont les caractéristiques de l’éducation scolastique ?


Question 2 : En quoi ce texte constitue-t-il un blâme ?

Eléments de corrigé ( dans les grandes lignes, à étayer par des exemples empruntés au texte) :

1) - Pas d’optimisation du temps, élève laissé à lui-même dès son lever (« se vautrait »)

- Pas d’hygiène, d’entretien ou de respect du corps : voir l’habillage pas adapté à la saison, la toilette, la
coiffure, l’assouvissement des besoins naturels, le déjeuner…

- Pas de canalisation des « désirs animaux », des pulsions voire le comportement alimentaire

- éducation qui ne consiste qu’en un apprentissage par coeur, sans compréhension du texte lu
(« marmonner »), avec pour seule matière la religion et les commentaires religieux. Aucune véritable
discussion entre le maître et l’élève pour justifier du bien-fondé des règles. Enseignant fondé sur un rapport
autoritaire, hiérarchique.

- pas de prise en compte des rythmes biologiques de l’élève (« son âme était en la cuisine »)

- procédés utilisés : l’énumération ou l’accumulation, la gradation, l’hyperbole, les termes péjoratifs ou


dépréciatifs, l’ironie à propos du maître (« encapuchonné comme une huppe » : la comparaison sous entend
qu’il a une cervelle d’oiseau ; « le sirop de la vigne » : euphémisme ou périphrase pour désigner le vin, ce
qui reprend le cliché hérité du Moyen-Age des prêtres et des moines bien portants, amateurs de bonne chair
et de vin, comme dans le Roman de Renard)

2) Un blâme

- Abondance de terme péjoratifs

- Utilisation de termes hyperboliques, d’accumulations ou d’énumérations sans présence d’un ordre logique,
d’une logique qui préside à l’enseignement, et révélatrices chez Gargantua d’une prolifération de désirs
anarchiques mal canalisés, pas orientés.

- Portrait négatif des personnages : Gargantua a un comportement « bestial », sans mesure ; Le « diseur
d’heures » est dévalorisé, centré lui aussi sur des désirs (cf. Son haleine).

- pas de développement, ni de l’esprit ni du corps, pas d’évolution chez l’élève qui n’acquiert aucune
autonomie ni intelligence. Corps et esprit sont « maltraités ».
Extrait du Chap. XXIII - Comment GARGANTUA fut institué par PONOCRATES en telle discipline
qu’il ne perdait heure du jour

Puis il le soumit à un rythme de travail tel qu’il ne perdait pas une heure de la journée, mais consacrait au
contraire tout son temps aux lettres et au noble savoir. Gargantua s’éveillait donc vers quatre heures du
matin[1]. Tandis qu’on le frictionnait, on lui lisait quelques pages des Saintes Ecritures, à voix haute et
claire, avec la prononciation convenable. Cet office était confié à un jeune page, originaire de Basché[2],
nommé Anagnostes[3]. (...)

Puis il allait aux lieux secrets excréter le produit des digestions naturelles. Là son précepteur répétait ce
qu’on avait lu et lui expliquait les points les plus obscurs et les plus difficiles. Quand ils revenaient, ils
considéraient l’état du ciel, notant s’il était tel qu’ils l’avaient remarqué le soir précédent, et en quels signes
entrait le soleil, et aussi la lune ce jour-là.

Cela fait, on l’habillait, on le peignait, on le coiffait, on l’apprêtait, on le parfumait et pendant ce temps, on


lui répétait les leçons du jour précédent. Lui-même les récitait par cœur et les confrontait avec quelques
exemples pratiques concernant la vie humaine, ce qui leur prenait parfois deux ou trois heures, mais,
d’ordinaire on s’arrêtait quand il était complètement habillé. Ensuite, pendant trois bonnes heures, on lui
faisait la lecture.

Alors ils sortaient, en discutant toujours du sujet de la lecture et ils allaient se divertir au Grand Bracque, ou
dans les prés et jouaient à la balle, à la paume, à la pile en triangle, s’exerçant élégamment le corps comme
ils s’étaient auparavant exercés l’esprit. Tous leurs jeux se faisaient en liberté, car ils abandonnaient la partie
quand il leur plaisait, et ils s’arrêtaient d’ordinaire quand la sueur leur coulait sur le corps, ou qu’ils étaient
autrement fatigués. Alors, ils étaient très bien essuyés et frictionnés, ils changeaient de chemise, et allaient
voir si le dîner était prêt en se promenant doucement. Là, en attendant, ils récitaient à voix claire et avec
éloquence quelques maximes retenues de la leçon.

Cependant, Monsieur[4] l’Appétit venait ; c’est au bon moment qu’ils s’asseyaient à table. Au
commencement du repas, on lisait quelque histoire plaisante des anciennes prouesses[5] jusqu’à ce qu’il prît
son vin. Alors, si on le jugeait bon, on continuait la lecture, ou ils commençaient à deviser joyeusement tous
ensemble. Pendant les premiers mois, ils parlaient de la vertu, de la propriété, des effets et de la nature de
tout ce qui leur était servi à table : du pain, du vin, de l’eau, du sel, des viandes, des poissons, des fruits, des
herbes, des racines et de leur préparation. Ce faisant, Gargantua apprit en peu de temps tous les passages
relatifs à ce sujet dans Pline, Athénée, Dioscoride, Julius Pollux, Gallien, Porphyre, Oppien, Polybe,
Héliodore, Aristote, Elien et d’autres. Après s’être entretenus là-dessus, ils faisaient souvent, pour plus de
sûreté, apporter à tables les livres en question. Gargantua retint si bien, si parfaitement ce qui se disait là-
dessus qu’il n’y avait pas alors de médecin qui sût la moitié de ce qu’il savait. Après, ils parlaient des
lectures du matin, et terminant leur repas par quelque confiture de coings, il se curait les dents avec un bout
de lentisque, se lavait les mains et les yeux de belle eau fraîche et tous rendaient grâce à Dieu par quelques
beaux cantiques à la louange de la munificence et bonté divines.

Là-dessus, on apportait des cartes, non pas pour jouer, mais pour y apprendre mille petits jeux et inventions
nouvelles qui tous découlaient de l’arithmétique. De cette façon, il prît goût à la science des nombres et tous
les jours, après le dîner et le souper, il y passait son temps avec autant de plaisir qu’il en prenait d’habitude
aux dés ou aux cartes.

Notes :
[1] A l’heure solaire, soit cinq heures du matin aujourd’hui. C’était l’heure normale du lever pour les gens du
XVIe siècle qui se levaient et se couchaient avec le soleil.

[2] Localité près de Chinon.

[3] Mot grec qui signifie lecteur.
[4] Monseigneur (titre donné à un prince).

[5] Allusion aux romans de chevalerie, encore très lus au XVIe siècle.

Question 1 : En quoi consiste l’éducation humaniste proposée par Rabelais dans ce texte ?
Question 2 : En quoi ce texte propose-t-il une utopie éducative ? Quelles en sont les limites ?
Commentaire littéraire chap. 23

I. Une leçon de pédagogie

- Maîtrise du temps ; une organisation efficace


• Le temps est agrandi : repères temporels précis et la multiplicité des paragraphes détaille chaque activité
• Le temps est dédoublé :
-> effet comique
-> actions concomitantes
-> juxtaposition d’activités généralement dissociées
• Le temps est rythmé :
-> Répétition des leçons et vérifications trois fois
-> Beaucoup de lectures de textes
-> Multiplicité des paragraphes

- Le maître est consacré à l’élève


• L’élève est l’objet de tous les soins :
-> Participe passé = passivité du maître
-> Pronoms (im)personnels
• Le dialogue
-> Champ lexical de la parole
-> Toutes les lectures sont suivies de commentaires
-> La parole du maître attentionnée montre la proximité avec l’élève
• La récréation
-> Même pendant la récréation, l’élève apprend => éducation ludique
-> Apprendre dans la liberté, selon son envie
-> Variété et diversité (cf. hyperbole 1000 jeux)

- Un programme humaniste
• Une journée exemplaire (imparfait = valeur d’habitude)
• Un monde de géants : les géants incarnent la grandeur de l’homme à l’image de celle de Dieu.
• Curiosité passionnée soif d’apprendre et grandeur des aspirations
• Opposition avec l’éducation médiévale :
-> Lire la bible ("divine Ecriture") à haute voix et clairement
-> Ouverture sur la condition humaine = mise en pratique de la théorie.

II. Développement de l’esprit

- La place de la lecture = transmission de la parole


• Place centrale, cf. récurrence du verbe lire
• Le retour aux textes grecs : énumérations de toutes ces lectures saines et intellectuelles.

- La diversité des matières


• L’instruction religieuse=purification du corps=l’âme
• Les mathématiques (astronomie arithmétique géométrie la musique=l’esprit
• La médecine= le corps

- La diversité des méthodes


• L’observation
• La mémoire cf. champ lexical répété
• La lecture et l’écriture (commentaire oral puis leçon)
• Les exercices (nombreux et variés).
III. Le soin du corps

- L’hygiène très détaillée (d’où l’importance des gestes quotidiens)


• Energique
• Soignée
• Régulière (elle rythme la journée = le plaisir lié à la propreté).

- L’alimentation
• Le repas= Pour réparer ses forces et non par envie, moment de convivialité. La nourriture y est saine et
diététique.
• Le temps de la digestion.
• La purge : insistance sur le phénomène naturel (2 fois ‘naturel’).
Importance du bas du corps en relation avec les parties plus nobles tel le cerveau (interdépendance des
parties du corps = liberté d’esprit).

- L’exercice physique
• Après trois heures d’étude
• Sports très variés. Insistance sur la liberté : plusieurs alternatives
• La promenade

Conclusion
On trouve dans cet extrait du chapitre 23 de Gargantua une grande opposition avec l’éducation médiévale
des chapitres précédents. Il s’agit de susciter par l’échange constant entre le maître et l’élève le désir
d’apprendre. Rabelais prône une pédagogie axée sur le dynamisme.

Autre commentaire littéraire de ce chapitre de Gargantua :

I. De nouvelles méthodes
1. Nouvelle organisation plus méthodique et rationnelle du temps
2. Principe d’alternance entre activités d’extérieur et d’intérieur
3. Nouvelles pratiques pédagogiques qui font appel à la réflexion et l’esprit critique

II. De nouveaux savoirs


1. Soin du corps -> un esprit sain dans un corps sain
2. Religion encadre leur journée, une foi qui paraît sincère
3. Une éducation intellectuelle valorisée

III. L'idéal humaniste

Commentaire littéraire

I. De nouvelles méthodes

1. Nouvelle organisation plus méthodique et rationnelle du temps

- « Gargantua se réveillait vers quatre heures du matin » contrairement aux sophistes (8-9h)
- Organisation rigoureuse de la journée : nombreuses indications temporelles indiquant l’enchaînement des
activités (« ensuite », « puis »…) ou la concomitance (« pendant que », « pendant ce temps »…)
- Emploi du temps dynamique avec obsession de maîtrise du temps : « ne perdait pas un moment de la
journée ».

2. Principe d’alternance entre activités d’extérieur et d’intérieur


- Etude se fait à l’intérieur, puis « cela fait, ils sortaient ».
- Alternance exercices physiques et intellectuels (« jeu de paume », « étudier les Lettres ») et leçons et
travaux pratiques (« ils considéraient l’état du ciel ») => équilibre, diversité, variété (contrairement avec
Sophistes).
- Rabelais s’appuie sur structure du texte : nombreux petits paragraphes = changements systématiques.

3. Nouvelles pratiques pédagogiques qui font appel à la réflexion et l’esprit critique

- Ils comprennent ce qu’ils lisent : « ils récitaient clairement en y mettant le ton » -> plus du par cœur
- Dialogue constant, communication entre maître et élève : « ils parlaient »
- Arrivée de l’expérience = observation puis interprétation : « ils considéraient l’état du ciel »
- Ambiance agréable, propice à l’épanouissement individuel, absence de rigidité, éducation doit être un
plaisir.

II. De nouveaux savoirs

1. Soin du corps -> un esprit sain dans un corps sain

- Hygiène : « habillé, peigné […] parfumé », « se changeaient », « se lavait les mains et le visage »…
- Nourriture saine : énumération (« pain […] légumes ») + explication de pourquoi manger ce qu’on leur sert
(« ils parlaient des vertus […] de tout ce qu’on leur servait à table ») -> Rabelais était médecin.
- exercices physiques : « jeu de paume »…

2. Religion encadre leur journée, une foi qui paraît sincère

- Matin : « vénérer, adorer, prier et supplier le bon Dieu » (énumération, gradation) ; soir : « ils rendaient
grâce à Dieu »

3. Une éducation intellectuelle valorisée

- Nouvelle discipline : on étudie non plus des commentaires de textes mais des textes authentiques « en
expliquant les points les plus obscurs et difficiles ».
- Diversité des domaines abordés : « Lettres », mathématiques (« arithmétique » et géométrie), physique,
astronomie (« ciel »), « sciences » avec observation et donc compréhension du monde.

III. L'idéal humaniste

- L’homme de la Renaissance veut développer le corps, l’âme, l’esprit : volonté de l’épanouissement de


l’individu, l’harmonie, l’équilibre, a une soif de savoir gargantuesque -> tout ceci doit passer par l’éducation.

- Veut une éducation humaniste centrée sur 3 pôles : état d’esprit (référence à l’Antiquité), formation
complète (on pense l’homme dans sa globalité : âme, esprit, corps), un savoir-être (doit savoir se comporter
en société -> vocabulaire nouveau : « excréments naturels »).

Conclusion

Dans Gargantua, deux éducations opposées sont décrites. Rabelais souhaite montrer la valeur de cette
éducation humaniste qui suppose une vision très positive de la nature humaine.
Cette éducation est utopique, on le voit avec la présence de superlatifs, d’hyperboles, de termes mélioratifs.
Egalement, le programme d’enseignement qui vise à un épanouissement complet est d’une telle densité,
d’une telle intensité qu’il s’avère difficile à mettre en pratique, sinon avec un géant et dans le cadre d’une
fiction. Autre limite à cette utopie, il ne concerne qu’un individu qui n’a pas à travailler pour vivre et manger,
ne peut s’adresser qu’à des nobles, « des gens bien nés » comme Rabelais l’écrira dans le dernier chapitre,
qui présente l’abbaye de Thélème, école idéale dans laquelle Rabelais envisage même la mixité, et qui sera la
grande oeuvre de Gargantua.

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