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O. HAMELIN
LA THÉORIE DE L'INTELLECT
D'APRES
EDMOND BARBOTIN
LICEKCIÉ EN TBÉOLOGIE
DOCrEUR ES LETTRES
PARIS
LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN
6, PLA.CE DE LA SoRBONNE (v•)
-
1953
/
_B) .oft.ó s:i A
\{ C '9i 5< 9, n DES
INTRODUCTION
I
l. Le systeme d'Aristote par o. HAMELIN, publié par LÉON ROBIN, Paris, 1920
et 1931, III-428 p.
2. Ibid., vingtieme lec;on, L'dme, p . 371 -392.
3. O. HAMELIN, La morale d'Aristote, dans Revue de métaphysique et de morale,
·t. XXX (1923) , p. 497-507, et tiré a part.
De son vivant, l'auteur avait publié plusieurs travaux relatifs a l'aristotélisme :
L'opposition des concepts d'apres Aristote, dans L'année philosophique, t. XVI
(1905), p . 75- 94 (reproduit dans Le syste.me d'Aristote, neuvieme lec;on, p. 12 8-
.152) ; Aristote, P hysique II, traduction et co=entaire, Paris, 1907 (2° éd.
:r 931).
VTII LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
***
Cette publication n'obkit pas au seul désir - si louable
soit-il - de servir la mémoire et l'ceuvre d'Octave Hame-
lin ; elle voudrait stimuler l'intéret des chercheurs pour un
·¡
theme d'importance majeure dans l'histoire de la pensée
occidentale : la problématique aristotélicienne de l'intellect.
Les grandes énigmes philosophiqties toujours posées a
!'esprit humain jouissent d'une certaine transcendance a
l'égard des générations successives : le probleme semble exis-
, ter en soi et pour soi ; mais de temps a autre un penseur se
\, leve qui en renouvelle provisoirement les données, y attache
son nom et la marque de son génie : le probleme devient
une problématique. C'est ainsi que le nom du Stagirite est
demeuré lié pendant tout le Moyen Age aux spéculations
sur l'intelligence ; avec une étonnante continuité, plusieurs
civilisations se sont interrogées en termes aristotéliciens sur
le mystere de l'esprit : curieuse réplique de l'histoire au
vieux Platon surnommant son disciple le vou,; de l'école ;
Aristote, intellect : deux noms que les siecles ne devaient
plus séparer.
I1 est di:fficile de mesurer l'ampleur et la variété de l'effort
de réflexion suscité par la noétique péripatéticienne. Le
collaborateur et premier successeur du Stagirite a la tete
du Lycée, Théophraste d'Erese, engage la discussion ; les
restes de ses apories, conservés par Thémistius, Simplicius
et Priscien. de Lydie, présentent un grand intéret pour l'exé-
gese des textes d' Aristote et pour l'histoire des interpréta-
tions postérieures 1 . Apres la mort de l'Erésien, la désaffec-
tion du Lycée a l'égard des recherches psychologiques et
métaphysiques laisse sommeiller le probleme; mais la renais-
sance de l'aristotélisme au début de l'ere chrétienne luí
***
Le role considérable de la noétique aristotélicienne dans
'1'histoire de la pensée occidentale se laisse aisément expli-
·quer.
Centre de perspective privilégié, l'étude de l'intelligence
·humaine commande les avenues principales de la métaphy-
sique : situation de l'homme dans le monde, destinée de
l'ame, rapports de l'univers avec Dieu, de l'immanence et de
la transcendance. I1 est remarquable que ces themes si anciens
-connaissent aujourd'hui la plus vivante. actüalité ; malgré
l'élargissement ou le déplacement des points de vue, c'est
toujours la meme question qui se pose, la meme inquiétude
qui reparait; l'homme, le monde et Dieu : triple énigme
jamais résolue - ou plutót mystere unique de notre exis-
tence, toujours avide de s'approfondir 1 .
A un autre égard, les sobres déclarations du Philosophe
:étaient bien propres a piquer la curiosité. Ce prestigieux
esprit ne pouvait avoir laissé sans solution définitive et
complete ces problemes essentiels : une patiente analyse des
textes, mille fois laissée, mille fois reprise, s'est donné a
tache de la retrouver. Ainsi l'abondance des commentaires
et la vivacité des discussions se mesurent, chez les disciples,
au laconisme des maitres ; ceux-la oublient que la maitrise
véritable est une maieutique : elle stimule les esprits plutót
-qu'elle ne les comble, cherche moins a résoudre le probleme
-qu'a définir une problématique ; la docte ignorance d'un
Socrate - ou d 'un Aristote - est souvent la plus haute
sagesse. Mais, par une heureuse rencontre, les doutes du
maitre et la confiance intrépide des disciples concourent
ici comme príncipes de fécondité.
Enfin, les contacts successifs de l'aristotélisme avec dif-
iérents systemes ou orthodoxies furent parfois des heurts
violents, qui expliquent la notoriété de telleou telle doctrine.
***
C'est assez dire, semble-t-il, l'intéret que présente l'his-
toire de cette noétique. Du point dé vue philosophique, elle
représente un immense e:ffort de l'esprit humain pour accéder
a son propre mystere. A l'historien elle découvre des hori-
zons d'une séduisante variété ; elle permet de saisir, dans
leu:rs ascendances lointaines, maintes orientations de la pen-
sée moderne, de retrouver un fonds commun d'idées et de
themes devenu si profondément n ótre que nous en vivons
a notre insu. Enfin, a considérer un meme probleme a tra-
vers des cultures si diverses, !'historien peut, mieux que de
tout autre maniere, isoler les dominantes intellectuelles de
chacune d'elles, son optique propre, approcher de plus pres
le mystere de son ame: menée selon la méthode différentielle,
une étude de ce genre sert directement l 'histoire comparée
<les civilisations.
La présente publication voudrait attirer sur ces problemes
l' attention des chercheurs. Octave Hamelin a effectué une
breve reconnaissance sur un champ d' exploration immense
et varié 1 : les résultats en sont assez suggestifs pour éveiller
la curiosité ; un panorama si large et si vite entrevu invit e
a des excursions en tous sens. Des investigations fructueuses
ont sans doute été menées sur plusieurs points depuis un
demi-siecle ; mais ces travaux limités n'épuisent pas une
l mat iere si étendue : ils trouvent plutót dans la breve syn-
t hese qu'on va lire le cadre général qui permet de les situer.
I . Au vra i, Hamelin n'est pas le seul chercheur que cette r econnaissance ait
tenté : R . BOllll!l., La dottrina del! ' i ntelletto in Ar·i stotele e nei suoi piu illustri
interpreti, T urin, 1896,479 p . , avait m ené ! 'enquete jusq u 'aux interprétations
m odernes. Cett e étude - plus vaste que profonde - n'est pas mentionn ée par
E amelin .
II
*
* *
l'ceuvre de Stagirite aurait été refondue entiérement par l'Erésien, auteur ven-
table du Corpus dans son état actuel. Ce n'est pas le lieu de discuter une thése
si audacieuse ; notons pourtant que dans ses apories Théophraste s'efforce mani-
festement de retrouver la pensée d'un autre au dela des antinomies apparentes
du Corpus : une telle attitude serait-elle concevable si l 'Erésien était l'auteur com-
mun -des apories et des déclarations de De anima ?
r. lnfra, p . 88.
2. P. 87.
INTRODUCTION XVII
1. On peut citer entre beaucoup d'autres textes: Sum. Theol., Ja p., q. 79, a. 3·
- Sur l 'intellectualisme thomiste, voir le travail fondamental de P. RousSEL0T,
L'intellect11alisme de Saint Thomas, 3• éd., Paris, 1936, [XI,III]-xvm-261 p.
III
r. Une bibliographie complete est ici impossible ; pour chaque chapitre, nous
indiquerons les ouvrages récents les plus importants : le lecteur y trouvera des
indications complémentaires.
3. Sur ce probleme complexe, voir l'étude déja. signalée de L. ROBIN : La théo-
rie platonicicnne des Idées et des Nombres d'apre.s Aristote, et C. WERNER: Aristote
et l'idéalisme platonicien, Paris, r9ro, xn-37r p.
INTRODUCTION XXI
Die Schule des Aristoteles. Texte und Kommentar herausgegeben van F. WEHRLI,
Bale, s.d. [1944 sq. ; 6 fase. parus]. La tendance positiviste et matérialiste du
Lycée a cette époque affecte profondément ses conceptions psychologiques et
laisse dans l'ombre le probleme noétique.
1. Voir supra, p. xvm, n . r.
2. Cf. G. THÉRY, Autour du décret de 1210 : II-Alexandre d'Aphrodise. Apertu
sur l'inf/.uence de sa noétique. Le Saulchoir, 1926, 120 p.
3. O. BALLERIAUX, Thémistius. S_on interprétation de la noétique a,ristotélicienne.
Diss. manuscrite déposée a la Bibliothéque de l'Université de Liege, 1941. •-
D'Aristote a Thémistius, Contribution a une histoire de la noétique apres Aristote,
these inédite, Liege, 1943. L'auteur a bien voulu nous communiquer ce dernier
ouvrage : nous lui en exprimons notre gratitude.
4. Voir les importantes notices de Bréhier, dans son édition critique et tra-
duite des Ennéades de Plotin, París, Belles-Lettres, 7 vol. 1924-1938 ; du méme,
La philosopltie de Plotin, París, s.d. [1928], XIX-188 p. - M. DE GANDILLAC, La
Sagesse de Plotin, París, s.d . [1952], XXIII-208 p . (chap. VIII, La dialectique intel-
lectuelle, p. 126-148). Signalons la publication en cours, a Louvain, d'une nou-
velle édition critique des Ennéades, par P. Henry. Voir aussi M. DE CORTE, Aris-
tote et Plotin, Paris, 1935, p. 229 sq.
5. Mentionnons l'opuscule de A. ELFES, Aristotelis doctrina de mente humana
ex commentariorum graecorum sententiis er-uta. Pars prior, Alexandri Aphrodisiensis
et Joannis Grammatici Philoponi commentationes continens. Diss., Bonn, 1887,
50 p.
INTRODUCTION XXIII
l . Ce co=entaire est édité par Hayduck, dans les Commentaria i1i Aristotelem
graeca de l'Université de Berlín, t. XV, 1897 ; dans la préface, p . v, l'auteur élevait
déja un doute motivé sur l 'authenticité du troisieme livre.
2. DE CORTE, Le commentaire de J ean Philopon sur le Troisieme Livre du « Traité
de l'Ame" d'Aristote, Bibl. de la Fac. de Philosophie et Lettres de Liege, fase. LXV,
1934, XIX-86 p.
3. A. MANsroN, Le texte du .« De Intellectu " de Philopon corrigé a l'aide de la
collation de Monseigneur Pelzer, dans Mélanges Auguste Pelzer, Louvain, 1947,
p. 325-346, et tiré a part.
4 . Voir R. VANC0URT, Les derniers commentateurs alexandrins d'Aristote. L'école
d'Olympiodore . Etienne d'Alexandrie, Lille, 1941, VI-66 p .
5. Les co=entateurs syriaques se sont intéressés seulement a certaines par-
ties de l'Organon: E. RENAN, De philosophia peripatetica apud Syros, commeiitatio
historica, Paris, 1852, p. 39 sq. - Voir aussi : L. STEIN, Das erste Auftreten der
griechischen Philosophie unter den Arabe·r n, dans Archiv fiir Geschichte der Philo-
sophie, t. VII (1894), p. 350-361 ; Die Kontinuitiit der griechischen Philosophie in
der Gedankenwelt der Araber, ibid., nouv. série, t . IV (1898), p. 3rr-334. -
A. BAUSMSTARK, Aristoteles bei den Syrern vom V-V 111 J ahrhundert. l. Band,
Leipzig, 1900. - C. SAUTER, Die peripatetische Philosophie bei den Syrern und
Arabern, Archiv fiir Gesch. d. Philos ., t. X (1904), p. 516-533. - I. MADKOUR,
L'Organon d'Aristote dans le monde arabe, París, 1934. - K . GEORR, Les Caté-
gories d'Ari;;tote dans lcurs versions syro-arabes, Beyrouth, 1948.
6. Les publications en cours de la Bibliotheca arabica Scholasticorum, Beyrouth,
1927 sq., du Corpus philosop/iornm l\Iedii Aevi, enfin du CorP·us Commentario-
rum Averrois in Aristotelem, Cambridge (Mass.), 1949 sq., fourniront les ins·
truments de travail indispensables. - Signalons la traduction latine médiévale
du De intellectu et intellecto d'Alfarabi, étudiée, publiée et traduite par E. GIL-
SON, L es sources · gréco-arabes de l'augustinisme avicennisant, Appendice I , dans
Archives d'histoire doctrina/e et littéraire du Mayen Age, t. IV (1930), p. roS-141.
7. Pour un complément d'information sur la Théologie d'Aristote signalée par
Hamelin note 180, voir HENRY, Etudes plotiniennes, Paris-Bruxelles, 1932, t. I,
p. XIV, et DE GANDILLAC, Sagesse de Plotin, p. xv, n. 1.
XXIV ,LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
,,
IV
r. Infra note 80 ad finem : [-rck] : Heinze 98, r om. Spengel r8o, r3.
Note 89 ad finem : ó1ti\pxsv Heinze ro4, 2 ó1ti\p~sv Spengel r9r, 23.
LA THÉORIE DE L'INTELLECT D'APRES
ARISTOTE ET SES COMMENTATEURS
La théorie de l'intellect occupe une tres grande place dans
l'histoire de la philosophie péripatéticienne. Alexandre, Thé-
mistius, Simplicius, Averroes, saint Thomas et bien d'autres
l'ont commentée longuement, et elle a donné lieu aux polé-
rniques les plus passionnées. Tant de commentaires et de
controverses n'ont pas été écrits sans raison : l'importance
de la question de l'intellect dans l'histoire est le signe de
son importance doctrinale. C'est l'reuvre d'Aristote tout
entiere qui est un peu dans ce probleme. Qu'avait voulu
Aristote en effet ? Acceptant, comme son maitre, l'héritage
de Socrate, il s'était l)IOposé de compléter une ébauche que
Platon n'avait fait, suivant lui, que dé:figurer. Socrate avait
eu bien raison de donner pour objet a la connaissance l'uni-
versel : mais il avait encore mieux montré son sens du vrai
en ne séparant pas les universaux. I1 ne faut pas, par crainte
de retomber dans le platonisme, renoncer aux universaux ;
il faut seulement, apres avoir admis avec Socrate qu'ils ne
sont point séparés, expliquer comment on doit comprendre
leur existence immanente, et cette explication qui est tout
l'aristotélisme se résume en ceci : dans les choses les uni-
versaux n'existent pas comme tels, mais seulement en puis-
sance ; c'est uniquement dans l'intellect que l'universel
arrive a l'acte. La question des universaux se trouve done
ramenée a celle-ci : qu'est-ce que l'intellect qui re<_;oit les
formes ? Quelle est la relation de l'intellect aux formes ? \ 1
En d'autres termes la théorie de l'intellect remplace la théo-
rie des Idées1 . 1
1. Métaph., XIII (M), 9, 1086h 2-7 : Toü-ro o', wamp iv -ro!, 1'µ.1tpoa8ev
i'l-iyoµ.ev, EXt'i'l)<rE µ.<v ~wxpcí,1), o,a -rou, óp•aµ.oú,, oú µ.·~v ixwp,aÉ ye -rwv xa8'
EX<Xf1't0V º xat 'tOÚ'tO op8fu, <VÓ1)<1EV OÚ l,'.wp(aa, . .• <XVEU f!,EV yap 'tOÚ xa8ÓAOU oÚx
Ea't\V E7t\,r't-/ifl,1)V A<XbELV, 'tO OE xwp(~E\V a/-rwv 'tWV auµ.oawóv-rwv lluaxepwv 7ttpt -ra,
ioia, fo-r(v.
De anima, III, 4, 430a 6-7 : 'Ev oE -ro!, 1'xouaw B),r,v 6uvcíµ.e, fxaa-róv fo-r,
'tWV V01)'tWV.
I
2 . Voir la note précédente.- Métaph., XII (A), r, 1069a 26-30 : 0[ µsv ouv vüv
,:ex xcx8óAou oúo-lcx, µ<i"i.1,ov ,:t8Écxo-<v • ,:ex ycxp yÉVl) xcx8ó),ou, a. q,cxaLV <ipxcx, xcx t
oúo-lcx, ,Tvcx< ¡i-<iA),ov 6,?. ,:o "i.oy<xw, ~1\"'•rv · ot 6s "Ttá),cx, ,:ex xcx8' é'xcxa,:ov, oTov "Ttüp
xcx! y"Í\v, <XAA oó ,:/¡ xo<vov o-wµcx.
3. De anima, II, r, 412a g : "Eo-,:< 6' f¡ µsv !lAl\ Súvcxµ<,. - De part. anim., I,
1 640b 28-29 : 'H ycxp xcx,:cx ,:-l)v µopq,-l)v q,úo-,, xup«,i,:é'.pcx "'ll, IÍA<x"Í\, q,úa,w,. -
Métaph., VII (Z), ro, 1035a 7-9: Asx,:fov ycxp ,:o .Ioo, xcxt "(Í ETSo, 'X" excxo-,:ov,
,:o S'óAL>toV oó6é"TtO'tE xcx8' cxú,:o A<x,:fov. '
4, Phys., IV, 2, 20gb 22-23 : To µsv ycxp dSo, xcxt Tj ü),11 oó xwp{~E't(XL i:oü
"Ttpáyµcx,:o,. - [bid., I, 7, r91a 7 sq. : en elle-meme, la matiere est msaisissable :
on la devine par induction a l'aide d'analogies; elle doit etre par rapport a la
forme comme l'airain est a la statue et le bois au lit. - Cf. RAVAISSON, Essai
sur la Métaphysiq"e d'Aristote, t. I, p. 386,
LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE 5
5. Métaph., VIII (H), 2, 1043a 14-19 : il,i> -rwv Ópl~oµÉvwv o[ µav AÉyovn,;
-r( fo-rw obdo:, éi-r, ),[Oo, 7tAtv0o, l;ú),o:, -r·~v 6uvcíµs, o!x(o:v AÉyou,nv, 5A1) Y"P -ro:ü-ro: ·
o[ oa <iyydov uxrno:u-rtxov uwµcí-rwv xo:t XP1\fl,!Í'twv, -l\ "'' xo:! &)-),o -ro,ou-rov 1tpou-
6év-rs,;, 't'l\\/ evspys[q. i,Éyouu,v · ol o' a¡.L<pW 't'O:U't'O: Q'UV't't0ÉV't'E,; 't''~V -rpl't'l)V xo:! 't'l\V
h -roú-rwv oúu(o:v.
De anima, I, 1, 403a 29-403b 7 : il,o:<pEp6v-rw,; o'iiv óp(uo:w-ro <puu,xói; -rE [dans
la suite du passage, Aristote montre que le « physicien » véritable et digne du
nom se préoccupe aussi de la forme - voir le passage célebre du De Part.
anim., I, 1, 641a 14 sq., ou il dit que le vrai physicien s'occupe de !'ame et meme
surtout de !'ame - m ais ici <pU<rlY.Ó,; désigne le savant comme placé exactement
á l'opposé du métaphysicien] xo:t Olo:AEx-r,xó,; ... Toú-rwv 6a ó ¡.tsv -ri\v {J),l)v <i1to6(-
6wu.;v, ó 8~ -ro E_Too.~ xo:t 'tO~_)-óyo~. 'O µ~~ Y"P Myo,; ET~o,; ;rnv_ 1;pcíy¡.,.o:'to'.i_, <ivcíy~l\
o' ElVO:l 'tOU't'OV éV UA'l) 'tOlc¡.ot, EL EO''tO:l, W0'7tEp olx(o:i; o µsv Aoyo,; 't'OlOU'tO<;, º"''
O"J<É1to:u,µo: xw),u'ttx~v q,0~p<ii; óit',<i~sµwv, xo:! º'71:ip~v xo:,\ xo:uµcí'twv, ó 6a <pT)<rel ),(eoui;
xo:( 7t),Lv6oui; xo:t l;u),o:, E'tEpo,; 6 E\/ 'tOU'l'Ol<; 'tO ElOO<;. EVeXO: -rwvo(.
3
11
6. De anima, II, r ; voir le chapitre entier qui est tres net sur toµs les points
essentiels. Ibid., 412b 4-6 : E! 6-f¡ 'tL xo,v/Jv bd 1t<Ío-7\,; ,j,ux_i'¡,; os, AÉyELv, tt7\ /f.-,¡
sv-reAÉx_EL0< -~ 1tpw-r-~ 0-w¡.,.0<-ro,; <¡>uo-Lxoü clpy0<vLxoü. - Le mot clpy0<VLxoü seuln'est pas
expliqué dans ce chapitre. - A.LEXANDRE, De anima, I, interprete Hieronymo
Donato, ad calcem Themistii, París, 1528, 134a ad medium : Corpus autem orga-
nicum illud appellamus quod plures diversasque partes sibi vindicat quae natu-
ralibus potestaübus fungi valrnnt. - Cf. De part. anim. II, 10, 655b 37-656a z :
'H µsv oiív -rwv q,ú-rwv q,úo-L,; oií,rn µóv,µo,; oú 1t0Aue,6-f¡,; fo-r, -rwv civoµo,oµepwv · [les
iípy0<v0< comme la main, le bras, etc . .. sont toujours composés de parties qui
d ifferent entre elles : ibid., II, r, 647a 3) 1tpil,; ycxp o),ty0<,; 1tpá~eL,; o).tywv opyávwv
-~ x_pT¡o-L,;. -
De anima, II, 2, 414a 13-20 : Wa'te Aóyoc; Ttc; civ dT\ x.cú dOoc;, &~J. ' oUx ÜAT¡
x0<t -ro ú1toxdµsvov. Tp,x_w,; ycxp AsyoµÉvl\,; -ri'¡,; oúo-(0<,;, x0<6á1tsp sfaoµs•1, wv -r/J ¡.,.ev
eToo,;, 'tO OE {)),~, 't() OE !1; ciµq,oi'I · 'tOÚ'tWV o'-~ !J,E'I {),,~ 0Úv0<µL,;, 'tO OE doo,; EV'tEAÉ-
)'._ELO( · s1td O€ -ro •~ ciµq,o,v eµ,J,ux_ov, oú -ro o-wµá éo--rcv svs:e),Éx_s,"' ,J,ux.·~,; , ci),)/ 0<U't1\
aWµo;TÓ c; 'tWOc; . Kcd Ch?x 't □ Ü'tú x.cxAWc; úrco/,ix µOívoucrw o!c; 60,.Et ¡.drc' &:\le.u crWµa.'toc;
dv0<L fl-T¡'tE o-wµá 'tl 1\ ,j,ux_-f¡.
7. De anima, II, 4, 41 5b 7-10: "Eo-'tL os -~ ,J,ux_1) -roü t;wv-ro,; o-wµ0<-ro,; 0<h:(cx x0<t
cipx_i¡. Tcxihcx 6e 1toAAcxx_w,; AÉye-rcxL . 'Oµo(w,; 6' -~ ,J,ux.11 ><0<'tcx s:ou,; 6,wpLcrµÉvou,;
'tpÓ1tou,; 'tpEÍ,; 0<h(0< • etc ...
lbid., II, 2, 414a 7 sq. : « Ce par quoi nous nous portons bien » a deux sens :
r 0 la santé méme qui est ici l'agent ; 2° telle partie du corps laquelle est en santé
et revoit la santé. Or l'acte de l'agent est re~u et réside dans le patient : pareille-
ment, l'ame réside dans le corps vivant, mais elle est ce par quoi (au premier
sens) il vit : f¡ ,j,ux_l\ 6s -roü-ro c¡i t;wµev ...
LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE 7
8. De anima, I, r, ~º3ª 7-ro: MáAlG't'(X 6' EOlXEV roiov 't'O VOEtV · d o' €cr't'l xcxl
't'OÜ't'O ,ecxv't'cxc;-(cx 't'l<; '~ ¡.r:l¡ avEu 'fCXV't'cxcr(cx,;, oüx tlvoéxoi't'' &v oooe 't'OÜ't'' avEu crw-
¡.r.cx't'O<; Elvcxi.
9. De anima, III, 3, 428b ro. - Rhet., I, rr, r 37oa 28-29 : f¡ os <DcxV't'cxcr(cx
EG't'lv cxL0'0'1\G(,; 't'l<; cia0Evlj,;. '
ro. De anima, III, 8, 432a 8-9: 81:cxv 't'E 0Ewp·~, d.v<iyx'J\ él¡.r.cx cpcxv't<Ícr¡.r.cx 't'l 0EWpdv.
- De Memoria, I, 44gb 3r-45oa r : VOELV ºº" icr't'lV <XVEU 'fCXV't'<Ía¡.r.CX't'O<;.
l'I
1
1
rr. Anal. post., II, r9, tout le chapitre, surtout rooa r5-r6: ~s:civ·rn, ydtp s:wv
<i8taq,ópwv fvó,, 1tpw,:ov µev ,v s:"\í <J,ux·~ xa0ó).ou. - Métaph., I (A), r, 980a 27 sq.
rz. Eth. Nicoin., VI, 4, r14oa 9-ro : s:aús:ov &v et'T\ s:ÉXV'f\ xO\t é'.l;t,; µes:dt i,óyou
dt),l\6oü,; 1tO\'f\'tLX'Í\. Seulement l'art ne porte pas sur l'etre, c'est-á-dire sur ce qui
est éternellement ce qu'il est, mais sur le devenir, c'est-á-dire sur ce qui peut
etre et n'etre pa s : car les produits de l'art n'ont qu'une nécessité conditionnelle,
leur cause n'étant pas dans la nattu-e m a is dans l'artisan. Au contraire, l'objet
de la science est peut-etre autre qu'on le sait etre, i1 est nécessairement ce qu'il
est : 'El; dtviy,c~<; cipO\ fos:t s:o <mrrs:·~s:óv. (lpid., VI, 3, rr3 9b 22-23).
r3. Métaph., I (A) , I, 98ra 7-IZ : To µev ydtp fxew Ó1tÓ),~tj,w O't\ Kai.i.[c¡;
xciµvovs:, 'tl\V8t ,:·~v vócrov s:o8t rruv-f¡veyxe xal ~wxpcis:et xal xa0' sxarrs:ov oüs:w
1toA). 0Li;, Eµ1tetp(cxi; €cr't(v · 't6 . 01 O'tt ·micn 'toLi; 't'Ot0!a6€ x.cr:'t', E16oi; Ev d.tpo~tcrOELcrL,
xciµvourr, 't'f\V8t 't'T)V vórrov, rruv-f¡veyxev, ofov s:ot,; q,i,eyµas:w8errw '~ xo),w8ecnv -j\
1tupÉ't'tOU<rL Y.ótÚ<r<¡J , s:áxvr,,. - Ibid., r5-r6 : 't\ µsv <µ1tELp[a 'tWV Y.ót6' EXót<r'tÓV Eo''t1
yv&irr,,, 't\ 8e s:ÉXV'f\ s:&\v xa6ó).ou.
LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE 9
14. Anal. post., I, 2, 71b 9-12: 'E1t[o-Tao0o" oE o1ó¡~E0' ex0to-Tov CÍ1tAw,, <i),°Aci ¡.r.1)
TOV OO'f' lO-Tl>tOV TpÓ1tov TOV XOtTGt ou¡.r.6E6"J\xÓ,, OTOtV T·~v T'0t!'tt0tV o!w¡.r.E00t ywwoxElV
o,' -~v TO 1tpiiy¡.r.<i fos:w, /h, ÉxElvou 0t!'tt0t fo,:[, xat ¡.r.1) év6éxEo-00t• 'tOU't'a)J,w, •xew.
- Ibid., I. 31, 88a 4-6: éx ycxp 'tWV x0t0' ex0to-'t0t 1tAE,óvwv 'tO x0t0ó),ou 6í'¡),ov. 1o os
x0t0ó°Aou 'tt¡.r.tov, O't, O"J\),ot 'tO 0ttT,ov. - Métaph., I, (A), 1 , 981a 25-30. : o-o<pw-
'tÉpou, 'tou, 'tExv('t0ts 'tWV i¡.r.1teipwv ó1to),a¡.r.6cívo¡.r.Ev .. . oT, o\ ¡.r.ev ,¡;-~v <XLTLOtV l'o-0to-w,
o\ o' o~. Ot ¡úv ycxp e¡.r.1tE,po, TO /h, ¡.r.EV foao-t, o\ó,¡;, 6oóx fo0to-,v · o\ OE 'tO
6,ó-.. )t(XL Tl)V Ot¡T(OtV yvwp[souo-w. - [bid., I (A), l , 981b II-13 : <iAA' oó AÉyouo-t
[scil. (XL :tlo-0·~o-Et,] 'tO o,ci 'tl 1tept ouoevó,, ofov Ol<l 'tl 0ep¡.r.ov 'tO 1túp, ci),Act ¡.r.Óvov
o't, 0Ep¡.r.ov.
Anal . post., I, 31, 87b 35-39: 'A°AM oí'¡),ov OTt x0tt d 'Jiv 0t!o-0cíveo-00tt TO 'tp(ywvov
OTl ouo-tv apear, fo0t, •x•t Tct, ywví0t,, És"J\'tOÚ¡.r.EV &v ci1tóoed;w XOtt oúx ,:\o-1tEp cp0to-L
TlVE, f\7tto-0cí¡.r.e00t · a!o-0cívEa00tt ¡úv ycxp civíyx71 x0t0' EltOtO-'tOV, 7\ o' E7tlo-'t'Í\¡.r.l) 't<j, 'tO
x0t0ÓAOU yvwp(snv fo,¡;(v. - [bid., II, II, 94ª 20-2 4 : 'E1td OE É1t(o-'t,xa00tt otó¡.r.e0a
/h0tv dllw¡.r.ev Tl)v 0tt'ti0tv, a1Ti<Xt o< 'tÉn0tpe, ... 1tiio-0tt a0TOtt otci 'tOÚ ¡.r.foou
OE(xWV'tOtl. - lbid., II, 2, 90a 6-7 : To ¡.r.ev ycxp 0t!'ttOV 'tO ¡.r.foov.
IO LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
r5. Métaph., V (ó.) , 25, ro23h 24-25 : Sto -to yévo, -toü s,Sou¡; xcxt ¡i.Époi;
),Éys-tcxt, <iAAW<; Se ,,;/¡ sI6o, -toü yÉvou<; ¡J-Épo<;. Cf. RAVAISSON, Essai, t. I, p. 485.
- Anal. Post., I, 3r, 87b 30-33 : To Se xcx6ó),ou xcxt t1t! 1táow ci.Súvcx'tov cx1rr6ci-
vsrr6cxt · ol'., ya.p 'tÓ6s ooSe vüv · oo ycxp &v ,ív xcx6ÓAou · 'to ycxp ci.st xcxl 1tcxv'tcxxoü
xcx6ÓAou <¡>otµev s!vcxt. Ibid. 28-·3 0 : 01'.,Se 6t'cx1rr6r¡rrs•,>c; fo-ttv i1t(rr't0trr60tt. El ya.p
xcxl E<T'ttV -f¡ cxfo0T)rrt<; 'tOÜ 'tOtoüSe xcx! µ1\ 'tOÜ6É 'ttVO<;, O.AA' cx1rr6civsrr6cx( ye <ivcxyxcxfov
'tÓ6s 'tt xcx! ntoü xcx! vüv.
Ibid., II, r9, rooa r6-roob r : Y.OtO yap cx!rr6civs't0tt µev 'tO xcx6' hcxrr'tov, fi 6'
cxfo61\<Tt<; 'tOÜ xcx6ó),ou €<T'ttv, ofov ci.v6pC:mou , ci.).),' oú K,x),),[ou ci.v6pómou. - Ibid. ,
I , 3r, 88a 6 sq. : la connaissance de l'universel (considéré quand a l'extension)
)( est distinguée de la sensation et de l'intellection (vor¡rrewi;), C'est done que cdle-
ci saisit ce qui est élevé a l'universalité, m a is non l'nniversalité comme telle. n
semb!e que l'universalité releve de la raison raisonnante (),óyoi;) qui accom-
pagne toujours la science propremeut <lite (Ibid., II, rg, roob ro). .
Eth. Nicom., VI, r z, rr43b 4-5 : ÉY. 'tWV xcx6'eitot<T'tot ycxp 'tO xcx6ÓAoa. Toú'twv
><, oov lxstv Sat cxfo61\rrtv, cxü-t·I\ 6' fo-tl voüi;. - L'intellect est le co=encement
et la lin : c'est de lui que la démonstration emprunte ses príncipes, c'est a !ui que
les conclusions s'adressent, car elles porteut sur !'individue! : Ibid., 9-rr. Pour
l les príncipes et les con~lusions, il faut accorder de l 'attention aux vieillards : ota.
ycxp 'tO 1:xstv ÉY. 't1\<; é¡i1teipÍot<; oµµcx óp&icrtv op6ⅈ. (lbid., L3-r4).
Ibid., ll, 6, rr4ra 3 sq.: Ni la science, ni la prudence, ni l'habileté ne peuvent
LA THÉORIE DE L'INTELLECT D'APRES ARISTOTE II
etre la source des príncipes ; or, nous n'avons plus qu'une source infaillible de
connaissances outre celles-la, c'est l'intellect : i,d1te'rcxt voüv .Tvcx, ,:wv &pxwv.
(lbid., 7-8).
Anal. post., II, 19, 100b 5-12: Comme les príncipes ne sauraient se démontrer,
car la démonstration et la science supposent quelque chose et ne commencent pas
par la démonstration et la science ; comme, parmi nos facultés, il n'y en a qn'nne,
l'intellect, qui soit plus parfaite (&Y.pt6fo,:epov) et plus véridique (&:),1)6fonpov)
que la science, voü, &v dl) ,:wv cipxwv (1. r2).
De memoria, r, 449b 3r-45oa 5 : voe,v OÚY. fo,:w civw rpcxv,:cicrµcx,:o, · cruµl,cx(va,
-yap ,:/¡ cxÚ'l:O 1tci60, lv ,:e¡; vodv 01tEP. Y.CXL EV ,:e¡; Otcxypcirpuv. hd 'l:E yap oú6ev 1tpocr- '
xpwµevo, "'1' ,:o 1tocrov Giptcrµlvov .Tvcx, ,:o -rp,ywvou, oµw, ypcirpoµev Gipto-µévov ""'"ª
'1:0 1tO<rÓV'Y.cx( Ó VOWV GlQ"CXU'rW<;, Y.CÍV µ1) 1t00"0V YO~, ,:(6€'1:CXl 1tpO oµµct'l:WV 1tOcrÓV, VOE!
o' oúx -~ 1tocróv. - Cf. De anima, III, 8, ,1-32a r2.
Anal. post,, I, II , 77ª 5-8 : E'{o·t\ µev ouv eTvcxt ~ 1/v "' 1tcxpa 'r<X 1tOAl,CX oúx
civciyxl), d &1tóoe,~,, fo,:cxt, eTvcx, µév,:o, ev ""'"ª 1toi,Awv ci),l)6e, d1te!v civciyx·t\.
oú yap fo,:cx, "º xcx6óAou, &v µ·~ ,:oü,:o -~ · lav os ,:i, xcx6ó),ou ¡J-1\ ~. ,:/¡ µfoov oúx
fo,:cx,, ó\cr,:e oú6'&:1tóoet~t, . - De anima, III, 4, 429a 27 : l'intellect est juste-
ment appelé ,:Ó1to, dowv.
12 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
pas elle, en un mot sans matiere16 . C'en est assez pour qu' Aris-
tote soit tres loin du nominalisme et du sensualisme. Nous
allons le voir s'en éloigner de plus en plus.
Le réceptacle des formes doit etre constitué de telle fa<;on
que rien en lui n'altere la pureté des formes qu'il re<;oit.
11 faut qu'il soit sans mélange, comme l'a dit Anaxagore.
I1 ne se mele done pas au corps, car il partagerait les affec-
tions du corps, il deviendrait par exemple chaud ou froid ,
il cesserait d' etre pur. Sans doute 1' exercice de la pensée
peut se ralentir chez l'homme par suite du dépérissement
de quelque organe : mais de meme que 1' reil seul et non
la faculté de voir s'affaiblit dans la vieillesse, de meme,
et a plus forte raison, l'intellect, n 'est pas atteint par les
troubles du corps. En lui-meme, il est impassible. Les autres.
parties de l'ame ne subsistent pas par elles-memes: elles
se distinguent chacune du reste de l'ame par ses fonctions,
mais elles forment un tout qu'on ne peut diviser que logi-
quement et qui est en réalité indivisible. Seul l'intellect
peut se mettre a part, se séparer des autres parties de l'ame
comme l'éternel du périssable, et sans doute leur survivre.
'l ¡
L'intellect est d'un autre ordre que les autres parties de
l'ame, c'est un autre genre d'ame (tJiux'iJi; )'É\10<; hEpo\1) 17 • On
pourrait le prouver en partant non plus de la fonction de
l'intellect, mais des actes de l'animal. En effet, ces actes
consistent toujours dans la production de quelqu'une destrois
especes de mouvement. Or l'accroissement et le décrois-
sement relevent de l'ame végétative ; l'altération - qu'un
vivant comme tel et volontairement peut provoquer autour
16. Voir la n ote précédente. - De anima, III, 7, 431b 7-8 : Aoy(~E't(ltt x(ltt
~ouAEÚE't(ltt ('to VOl)'ttxóv). Il s'agit ici, i1 est vrai, de l'intellect pratique; mais peu
importe, cár c'est de l'intellect pratique également qu'il est surtout question dans
1'Ethiq·ue a Nicomaque, quand le voü, est présenté co=e une faculté intuitive.
- L'intellect «j, Ú1tOA(ltµocivat -/i <Jiux-f¡ (De anima, III, 4, 429a 23) est-il exacte-
ment le meme que celui qui est dn, quatre lignes plus loin, 'tÓ1to, doóív, et sur-
tout que celui qui saisit les indivisibles (Ibid., III, 6, 430a 26) ? Ne semble-t-il
pas que l 'intellect qui saisit les indivisibles, et qui est présenté comme tme espece
del 'intellect en général (ó oe voü, oú mi,, ibid., Ill, 6 430b 27), soit distinct
de celui qui fait les syntheses (Ibid., 430b 5 sq.) ?
De anima, III, 4, 430a 7-8 : oivw yd:p U},~, oúv(lt µt, ó voü, 'tWV 'tOtOÚ'tWV [c'est-
á -dire des concrets].
17. De aiiima, III, 4, 429a 18-27; ibid,, I, 4, 408b 18-29; II, 2, 413b 24-29. -
M etaph., XII (A), 3, 1070a 24-27 : Et oe x,xt Ücr'tapóv 'tt ú1toµÉVEt, crxam:lov · [il
faut rechercher si la forme peut parfois survivre au compasé] l1t'lv(wv yd:p
ov8ev xwi,úat , OLOV EL l) <J,uxi) 'tOtOÚ'tOV, ¡J,1) 1tác,(lt ,i),),' Ó voú, ' 1tác,,xV yd:p <ioÚV,x'tOV
rawc; .
LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE I3
:· 19. De gener. anim., II, 3, 736a 24 sq.: si l'on reconnait que la semence male
ne fournit aucune partie du corps de l'embryon, i1 faut se demander ce que de-
vient ce qu'il y a de corporel dans la semence male, car on reconnait que c'est
par une puissance présente en elle qu'elle agit (•f1tEp Épycí1;s-.a.< -r-¡\ 6uvcí1.m 'ti)
i;voúa~ i;v a.v'ttjí, l. 26-27). Mais avant tout i1 faut rechercher ce que l'embryon
tient de la semence male, et voir d'ou vient l 'ame sensitive qui fait de l'embryon
un animal. Le sperme et le germe femelle (<TltÉp¡.ta.'ta. xa.t ><U1)¡.ta.'ta.) vivent comme
des plantes : "º"'' µev ouv 'tl\V 8ps1t't<xi\v l'xoua, <j,u_x1¡v, <¡>a.vepóv ... 1tpo°LÓV'ta. oE xa.t
'tl)V a.1a81)'tLl<1)V 1 ><a.8' ~V 1;,¡iov. Üv yap éiµa. y(VE'ta.L ~'Í'OV ><a.< av8pw-.:o, ov6E S'Í'OV
xa.t t1t1to,, car le propre est ce qui acheve l 'etre et vient en dernier lieu (Ibid.,
736a 35-736b 5). !J.,o xa.t 1tspt voii, 1tÓ-r• xa.t 1tw, µs'ta.),a.µ6cívs, xa.t 1t68sv -ra µ•'tÉ-
xov-ra. 't<XÚ't11, -ri\, cip)!:7\,, EXEL 't'ci1top(a.v 1tAELa't11v, xa.t os, 1tpo8uµsfo8a., ><e<'ta 6úve<-
µw A<XÓE<V ><e<t xa.8'óaov Évoéxs'ta.L. (Ibid., 736b 5-8). Les germes out l'ame nu-
tritive en puissance ; elle s'actualise quand l'embryon g"""' 'tl\V "'Pº'f'l\V ><e<t
1tOLE< 'to 't7\, 'tO<a.Ú't'I), <J,uxii, l'pyov . ll faut maintenant parler ele !'ame sensi-
tive et de l'amt: intellective : 1tcíaa., yap civa.y><e<fov 6uvíµEL 1tpÓ'tspov l'x•w ll¡
Év•pydq;. 'Ava.y><e<<OV O€ l)'tOL µ·~ oUaa., 1tponpov éyy(vsa8e<L 1tCÍae<,, -l\ míae<, 1tpoü1te<p-
xouaa.,, ll¡ "'ª, µev "'ª'6s µ1i , ><<X< éyy(vsa8e<< ll¡ Év 't-¡\ ÜA·,;i µi\ das),8oúae<, év 'ttjí
'tOÍÍ a'.ppsvo, aitÉpµ<X'tL, 1\ i;v8e<Ü't<X µev hd8sv iA8oúae<,, Év óe -rc¡i a'.ppsv, ll¡ 8úpa.8•v
éyywoµÉve<, &1tcíaa., 9¡ µ116sµ(a.v ll¡ -ra, µEv 'ta, 6e µ1¡. "O·n µev 'to(vuv ovx oTóv
-.. 1tcíae<, 1tpoümípx•w, <¡>a.v,póv Éa'tcv É>< 'twv 'tocoú'twv. "Oawv yáp Éa'tLV cipxwv f¡
ÉvipyEL<X aWf1,<X'tl.t1), 671AOV ¡;-., 't(XÚ'ta., <1VEU ª"'fl-<X'tO, ci6úve<'tOV Ú1tcípx•w, ofov
~(X6(1;sw éf.VEU 1t0Swv · <Za'tE ""'' 8úpa.8•v _ Ela<Éva.< cioúv<X'tOV ... Ad1tE't<X( Se 'tOV voüv
µ6vov 8úpa.8•v É1tELa<Éva., xa.t 8dov •ive<< µ6vov · oú8ev yap e<Ú'tou 't'ij Év•py•ia.
xo,vwvd aW¡.t<X't<><l\ ÉvÉpyE<<X . (Ibid., 736b II -29). ' '
Mais quant asa puissance, toute ame est en rapport avec une matiere chaude
qui correspond a celle des astres et qui fait la fécondité de la semence : To Se.
'ti\, yovi\, awµe<, Év <ji auva.1tÉPXE't<X,
xwp,a'tov ov awµa.'to,, Bao,, éµ1tep,),e<µ6ó:vET<X,
"'º a1tlpµa. To -ri\, <J,vxc><i\, cipx_i\,,
"'º "'º
8sfov (ToooÜ'to, 6' fottv ó xa.)-oú-
µe.v
µsvo, voii,), 'to ó' a.x.wp,a'tov, 'tOU'to TO aitÉpµa. T7\, yovi\, o,a.i.ÚET<X, xe<t 1tv•vµa.-
TOU'ta.,, <¡>ÚaLV lxov uypav xa.t Úoa.TWO'I). (Ibid. II, 3, 737ª 7-12) .
I;a matiere ctes astres ou du ciel, l'éther, est, selon A.1:istote, le siegc de la divi-
nité (De caelo, I, 9, 278b 14) ; cf. Zeller, La philosoph-ie des Crees, I' 8 partie, trad.
Boutroux, t. II, p. 403, note 4.
- Le mot 8úpe<6•v n 'a ríen ele mystérieux : Aristotc 1·emp1oie souvent ; i1 dé-
signe le dehors, l'extérieur (voir BSJNITZ, Iiidex arist., s.v. 6úpa.6•v).- Eth. Nic.,
X, 7, II78a 2-3: !J.6~ELE o' civ xa.t Eiv<X• ha.a-ro, 'tOVTO [scil. vou~], .r1tsp TO xúp,ov
xa.t a'.µe,vov.
LA THÉORIE DE L'INTELLECT ~' APRES ARISTOTE IS
2r. De anima, III, 4, 429b 5; cf. ibid., II, I, 412a 22. - Phys., VIII, 4, 255a,
33 sq. : "Ecr"tt OE ouvcíµE t anw, ó µotv8cív1>1v ÉmcrT~µwv ll<Xt ó •xwv i\01) xotl µ-l\
8swpwv. 'Ad o', OT<XV élµot TO 7t0t1\TtXOV xotl TO 7tot61)nxov w<i-,, y/vs-rott ÉvioTE [cet
ÉvioTE absent de quelques manuscrits d'apres Alexandre, est un peu bizarre et
contesté ; Simplicius le défend par de bonnes raisons: il ne suffit pas que l'agent
et le patient soient ensemble pour que l'acte se produise : il faut que l'agent soit
lui-meme completement actuel et qu'il ne rencontre pas d'obstacles ; en outre,
des qu'il ne s'agit plus d'actes purement corporels, il ne suffit pas que l'agent et
le patient soient ensemble, il faut encore la volonté et le loisir d'agir] Évspysiq. TO
6uvotT6v, oTov TO µav6cívov h ouvcíµs, ov-ro, g-rspov yivsTott ouvcíµs, [en apprenant,
on passe a une a ulre sorte de puissance.]. 'O ya:p fxwv É1tta~µ1\v µ·r, 6swpwv os
ovvcíµe, É<rTLV E7ttcrr~µwv 1tW<;, ex).).' ovx W<; xotl 1tp!v µot6ELV. "OTotV o' oÜ"tW<; •x-r;i,
Écxv Tt µl\ xwAú-r;¡, Évepyd xotl 6swpsr. ·
De anima, II, 5, 4r7b r6 sq. : la sensibilité qu'on apporte en naissant est une
puissance du meme degré que la science ; l'acte de la sensibilité est a la sensibi-
!ité native comme la contemplation est a la science. Mais entre la contemplation
et la sensation actuelle, il y a une différence : o,aq,Éps, oÉ, lh, Toü µev [scil. ToÜ
a,cr8cívscr6a,] T<X 1tot1)nxoi -r·~,; Évspyda, 1'~w6sv, To ópotTOV xotl To <ixoucr-r6v, óµoiw,
BE. xc:d -rct Aot1t<X. -rWv «lcr61)-rWv. Al''t'tov 01 éht -rWv xcx8'Ex.cxcr-rov T\ xa-r' Evlpyc.,av
otLcr61)crt<;, -1¡ o'émO-Tl)µ"I) TWV xot66).ov · T<XÜ-rot o'ev <XVT~ 1t<il<; Éa-n ·di <J,uxíj. Áto
11
1
voi\crcu µ.Ev E1t a:Ú-r4}, ó1tÓ-re.tv ~oúA·1¡·tcXt, cda-6ó:vEcr8cu 0 oVx E1t'cxú-r~1• · <ivetyxcxlov
ya:p Ó1tcxpxs,v -ro otia61)-r6v.
22. Voyez le dtrnier texte cité dans la note précédente. -De anima, III, 4,
429a r7-18: ... &a-mp TO oticr81)-rtlt0'/ 1tpo, T<X otta-81)TCÍ, oÜTW TOV voiív 1tpo, -ro: V01\TCX,
LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE 17
23. De anima, I, 3, 407a 7: fi lie: v67lO-<<; -.a vo~µ ,x-ro:. lbid., II, 4, 415a 16: pour
savoir ce que sont les facu!tés de ! 'ame, par exemple 1'intellect et la sensibilité,
i1 faut d'abord savoir ce que c'est que penser ou sentir : '1tp6-.apo:, y<ip do-, -.wv
ouv<iµawv o:1 é.vÉpya,o:, xo:t o:1 'ltp:i~E<<; xo:-.a -rov ).6yov. Ei o' o{hw,; , -r01hwv o' ~"''
'1tp6-rapo: -.ex <ivnxdµavo: [les obi <;.ts] oar -ra6awpl\xÉvo:,, 'ltapt é.xaivwv 'ltpw-.ov iiv olo,
owpfoo:, °'ª 'íl\V o:Ú-rl)v o:1T{o:v, o!ov 'ltEpt -rpoqri\,; xo:t o:lo-67\-rou xo:t vo7l-.0U. - Cf.
Categ., 7, 7b 22 sq.
24. De anima, III, 5, 430a 19-20; ibid., 8, 431b 20-21 ; ibid., 4, 430a 3-5 .
25. De anima, III, 4, 429a 13 ; 429b 22 -31 ; ibid., II, 5, 417b 2 sq.: deux sortes
de passion : !'une implique une destruction dans le patient par l'action d'un con-
traire ; l'autre implique le maintien et l'actualisation de ce qui était dans le pa-
tient, cela grace a l'action de quelque chose d'actuel qui est homogene au patient.
!} fY a pas, a pr<;>prement parler d'altération dans ce dernier cas : d,; o:ú-ro yap -i¡
Emooo-t<; ""'' Et<; EnEA€XE<O:V .
18 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
28. ll!létaph., XI (K), 3, 1061a n-13: Toutes les oppositions se ramenent a l'op-
position fondamentale de l'étre et du non-étre : TWV 1.vrxv-r,w,nwv txáo-T"Y) 1tpo,
TIX, 7<PWT1Xs o,rxcpopix, xrxl l.vrxvnwcrg,, civrxx6·~o-ETIXI TOV OVTO, ... ).ÉyETIXI o' exrxo--rov
rxú-rwv [scil. 'l"WV l.vrxv,¡-/wv] ltlX'l"IX o--rép"Y)O-lV. (lbid., 19-20). - Cf. RAVAISS0N, Essai,
t. I, p. 360.
]bid., XIV (N), 4, 1092a 3-5 : Krxl d Ó,o-mp É).ÉyoµEv on "í\ VA"Y\ l.o--rt TO ovváµ<t
~XIXO"'l"OV, oTov 7<Vpo, 'l"OV Évopyoiq. -ro ovváµEt 7<Vp, TO ltlXltOV fo-rrxt rxÚ-ro TO ovvá¡n,
11.yrx66v.
lbid., III (B), 2, 99§b 14-16 : Ilo).).rxxw, yixp l.mo-Trxµévwv !º rxÚTo µ<i).).ov µev
EloÉvrx, cprxµev Tov TO E,vrx, yvwp/~ovTrx Ti To 1<p<iyµrx 11 TW µ1) E,vrx,. - De anima,
III, 6, 430b 20 sq. '
,.Métaph., VIII (H), 6, 1045a 8-10: 1<áv-rwv yixp ocrrx 1<Ao/w µép"Y) EJ(« xrxl µ-f\ i.crT<V
oiov o-wpo, TO 1<<iv ci).).' fon Tt TO o).ov 1<rxp12 TIX µ6p,rx, E<TT< n rxhtov. [quelque
cause d'u11ité : la suite dit que c'est la forme]. Cf. ibid., VII (Z), 17, 1041b II sq.
lbid., XII (A), 7, 1072a 33-34: la simplicité est une fa.c;on d'etre : TO lle á1<).oüv
1tw, fxov rxÚT6 [a savoir l'actualité]. - lbid., IX (0), ro, 1051b 17 sq. : Qu'est-
ce que le vrai et le faux quant aux choses non composées ? La vérité ne p eut pas
consister a aflirmer correctement sur leur composiiion , ni l 'erreur il faire le con-
traire, puisqu'elles ne sont pas composéés, ci).).' fon TO µev ci)."Y)6e, -ro os <j,Eiloo,,
To µev 6,yEiv xrxl cpávrx, ci).-r,6É,, (oú yixp ,rxú-ro xrxTácprxcr,, [l'affirmation] xrxl cpácr,,
[la simple énonciation]), TO o'ciy,,odv µ·~ 6,yyáv«v · <i1<rx-r"Y)6'i\vrx, yixp 1<Epl 'l"o Ti
fonv oúx fo-rtv ii).).' 11 xrxTIX cruµ6Ell"Y)x6, (lbid., l. 23 -26; cf. ibid., 1. 15).
M étaph., V (t.), 5, 1015b n-13 : "Qu-rE TO 1<pwTov xrxl xvp/w, clvrxyrxfov 'l"O
á1<).oilv l.unv · TOV'l"O yixp oúx l.voÉJ(ETIXt 1<).o0vrxxw, EJ(<tv. - De anima, III, 6,
430a 26 sq. ; 430b 26 sq. ; ibid., 430b 5. Sur la mutabilité inhérente á. tout ce
qui a de la matiere et peut, par conséquent, étre un contraire ou l'autre),r
Métaph., IX (0), 9, 1051a 4 sq.
20 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
1
le role de la partie active de l'intellect est de rendre pos-
sible cette intuition.
11 Mais ce n'est pas assez de savoir ce que fait cette partie
active, il faut savoir ce qu'elle est : car c'est seulement en
nous rendant compte de sa nature que nous serons défini-
tivement fixés sur la situation respective de l'intellect et
de l'intelligible. Qu'est-ce done que l'intellect qui agit ?
C'est un intellect déja actuel et qui l'est nécessairement
parce que son essence est l'acte. L'intellection n'est pas en
lui intermitter¡_te, mais continue, et si la continuité nous
en échappe, c'est qu'une telle pensée, absolument incorpo-
relle, ne peut laisser aucune de ces traces qui constituent
la mémoire : seul l'intellect qui n 'est pas impassible et qui
est quelque chose de commun a l'intellect pur et au sujet
animé comporte le souvenir et la pensée discursive. La
partie active de l'intellect, au contraire, n'est ce qu'elle est
/ que séparée de tout ce qui est corporel, et c'est a elle seule
, qu'appartient l'immortalité, ou mieux l'éternité, puisqu'elle
/ est un acte par essence et ne saurait par conséquent ni com-
mencer, ni cesser d'etre 29 • La question de savoir quel est le
princi pe qui actualise 1' intellect en puissance n' est d' ailleurs
pas d'un genre a part : elle est, en un sens, du meme ordre
que celles-ci : qu'est-ce qui actualise le chaud ou toute autre
qualité en puissance ? Qu'est-ce qui actualise le dernier des
moteurs naturels ? Ce qui actualise le chaud en puissance,
c'est le chaud déja acttiel, et le dernier des moteurs qui donne
l'acte a tous les autres, c'est celui qui, par essence, est en
acte. C'est toujours l'acte qµi est en soi le premier, et a
toute question d'origine derniere on répond en posant l'acte
qui est tel par essence 30 • •
Puisque ce procédé est constant dans Aristote, il ne faut
pas s'étonner de le voir employé a propos de l'intellect.
Mais la réponse qu'il fournit ici n'est qu'une partie de celle
29. De anima, III, 5, 430a 15-24 ; ibid., 4, 430a 5 ; ibid., I, 4, 408b 25-30: To oe:
füavosfo0ix, xa! q,<AELv -~ µ,crdv oúx fo.tv sxs/vou [scil. -rou vodv] 'ltÓ:01\, ciHci •rouol
Tou i:xov-roc; hs!vo, -~ hdvo l'xst. Ll.,o xa! '<oú-rou q,0s,poµiivou ou.e µvl\µovsús, ou,s
<¡?<AEL · oú ycip éxdvou l\V, ciAl,cx 't'OU xo,vou, li CX'lt6AWAEV · ó OE vouc; fowc; 6s,6,sp6v
Tt xa! ci'lta0iic; Écr.tv.
30. Phys,, VIII, 4, 255a 23 : 't'O Évspyd'f 0spµov XtVl\TtXOV TOU ouvó:µs, 6spµou.
- Sur la priorité de l'acte, voyez Métaph,, XII (A), 6, 1071b 19 sq. ; cf. ibid.,
7, 1072b 35 sq. De anima, III, 5, 430a 20-21.
¡1
LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE 21
3r. Cette distinction, qui n'est que celle de la cause formelle et de la sause
motrice, est exprimée a ussi par Aristote á l'aide des termes y{vsu6a, et Elvat :
MétaPh., VII, (Z) , r7, ro4ra 31-32 : 'AA).o: "'º µisv
6a, ½'1\'t"EL'l:at xa! <p6e{pecr6a,, 6ó"rspov lle. xod l,t! ,:ov
'r}HOV'rov atnov l,t! 't'OV y(vEcr-
slvat.
4
22 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
32. Métaph ., XII (A), 9, 1074b 33-35 : Aótl,v ií.pa. vos• w,tsp Ecr'tt TO xpáT,crTov,.
xa.t fo,¡-,v f¡ v61)o-,, vo~crsw, v61)crt,. Les \nots (ibid., 20-zr) : o,cx ycxp TOV vosrv
,¡-{µrnv a.1h.¡i Ó1t<ipxs, signifrcnt seulemeut, comme le prouve le contexte (ibid.,
"'º'
"'º
17-r8 : Ef'ts ycxp µ1\0Ev vosr, "'' av Et'I\ crsµv6v, &)J.' •xs, wcr1tsp civ d ó xa.Osúowv)
que L'intellect tire sa valeur de son exercice méme et qu'il perdrait tout son pdx
s'il restait inactif. Le t exte suivant de la Grande M orale (II, II, rzrob 8-9) est
seul formel dans le sens a nti-idéaliste ; mais il vient au milieu ele la théo rie de
l'amitié, et d'aillems la Grande Morale n 'est pas une autorité : "En ói;: ~ÉA'ttov·
TO yvwp{~m 11¡ "'º yvwp/~scr0a.t.
Métaph,, Xfl (AJ, 7, 1072b 20- 22 : Aó'toV ÓE vod Ó voü, XO:'t<X fl,S't<XA'l\<J,tv 'tOÜ
VO'l\'tOV · vo1)To, ycxp y/yvsTa.t 0,yy<ivwv xo:t vowv , wcrn T<>.ÚTov voíl, xa.t vo1)T6v .
To ycxp OEX'ttXOV 'tOV VO'l\'tOÜ xa. t 't-~- oúo-/a., voíl ,. - ]bid., 1072a 30 : Nov, ÓE.
Ú1tÓ -roV voT1-roV x tvd-rcx t.
~
LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE 23
33. PLAT0N, Sophiste, 248• : on ne peut r efuser a l 'etre véritable ÍT<Í' 1tctVTEAiÍl<;
ovn) l'auguste et sainte intelligence. 1-
Républiqite, VI, 508• : l'idée du Bien est la source a la fois de l'intelligible et
de l 'intelligence. Voir ZELLER, Plato and the Older Academy, transl. from the ger-
man by Alleyne and Goodwin, r888, p. 262 sq.
34. Metaph ., VII (Z}, 8, 1033b 5 sq . ; ibid., VIII (H), 3, 1043b r6-17: liéilrntTct<
lit ""' OE07\AWTC<t i:v ana,i; OTt TO Eioai; au8di; 7tO<E< OUOE yevvii,. - lbid., XII
(A), 3, 106gb ~5 : 1ª matiere et la forme ne sont pas engendrées ; 1070a 2-4 :
füi; dim,pov o1iv El ,nv , ei ¡,.·~ 1¡,.6vov ó xixhoi; y/yvETctt <rTpoyyú)-o,; <iAAot xe<l To
cap6yy1JAOV f¡ ó xáhoi; · <iváyx11 o-)¡ <r-rí\vct<.
24 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
....
-
LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE 25
35. Voir ci-dessus note 19. - De anima, II, 2, 413b 24-26 : Ilepl ok -roií voií
xa;t -rT¡,; 8ewp1)nxT¡,; ovvcxµew,; ovoiv 'ltW qia;vepbv, &n' liotXE <J,vxií, ylvo,; g-.epov
tTvoa.
· 36. Sur la pureté et l'impassibilité du voií,; ovvcxµet : De anima, III, 4, 429a 18.
- Sur l'intellect passif participant du corps voyez i::i-dessus note 29, et cf. De
anima, III, 5, 430a 23-25. - Sur l'intellect devenu capable de penser par Jui-
meme d distinct de l'intellect tout en acte et de l 'intellect en puissance, De ani-
ma, III, 4, 429b 5 sq. - Sur le ">.b-yo,;, voyez ci-dessus notes 15 et 16.
37. Voir la note précédente. - Sur J'imagination voir note 9. - Sur les formes (
sensibles co=e étant en puissance intelligibles, De anima, III, 4, 430a 6-7, et 8, '<
432a 3 sq.
26 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D; APRES ARISTOTE
38. Sur l'immortalité attribuée uniquement á l'intellect qui agit, De anima, III,
5, 430ª 23.
39. Passages ou les intellects sont présentés comme des parties de l'ame: De
anima, III, 4, 429a ro ; 5, 430a ro sq. -Ibid., I, r, 403a 7- ro : Má).rn--rcx o'l'o,xe,
rfüov "º vodv • El o'•cn, xcxt 1:oíl1:<1 c¡,cxvw.cr/cx rn; -l\ µ·~ diveu c¡,cxv·rcxcr/cx,, oúx ÉvoÉ-
xo,'t'' tiv oúOE -ro\h· 1 clve.u crWµo:-c-oi; e.tvcu.
Sur l'intellect co=e n'étant qu'un autre aspect de la pensée sensible : Ibid.,
III, 4, 42gb 20, et 7, 43rb 17-19 ; 'Apcx o' Évoixe1:cxt TWV xexwp,crµévwv "' vodv
Ov'tO: aÚ't0v µT\ xe.x.wpurµlvov µ.e.yÉ8ovi;, ft¡ oü , vxe.1t-rÉov \Jcr-re.pov. - De 1nemoria, 1,
450a 7-9 : 6.,dt 1:/vcx µev ouv cx,dcxv oúx Évoixe1:cx, voerv oúoev CtVEU '1:0V cruvexoíl,,
oúo' diveu xp6vou ,:?,, µ·~ Év xp6v'l' iív1:cx, dino, ).6yo,.
LA THÉORIE DE L ' INTELLECT n ' APRES ARISTOTE 27
/bid., 8, 1074a 33-35 : 'AH' OO'<X iipt6¡J,.¡i 1t0Há, 1JA1jV ltxe, • E!<; ycxp Abyo<; xcx!
ó cxú-ro<; 1t0Hwv, olov civ6pói1tov, llwxpá'r'lj, o!: ek
D# caelo, I, 9, 278a II : TO ycxp cxiu6,¡-rov él.1t<XV EV -ri;i ÜA"I) Ó?tT¡pxev. - /bid. ,
18-20 : l1t! 1táv-rwv ycxp oü-rw, opWfJ,EV, éíuwv i¡ oúuicx tv 1JA"I\ fo-riv, 1tAe/w xcx!
d1tup<X ov-r<X -rdt ÓiJ,OEtoi¡ .
42. Le • connaitre c'est faire • du IX• livre de la Métaphysique (IX (0), 9, 1051a
31-32 : xcx! oidt -roü-ro 1to1oüv-rE<; y,yvwuxovuw) est a rapprocher de la description
de 1'intellect qui fait (De anima, III, 5, 430a 14 sq.), et a interpréter dans le
meme sens.
II
ALEXANDRE
48 . Id., ibid.
49. THEMIST., In De anima, z, 107, 31 sq. ; 108, 22 sq.
50. SIMPLIC., In Physicam, 133 , 21 - 22: Kc:tl Ó Eúo"l)µo, oe: T<¡i 'Apl<rTOTÉA€< 'lt<XVT<1
"l<O(TCXXOAOu0wv ...
51. WALLACE, Aristotle's Psychology, p. CVII.
J
ALEXANDRE 31
· oúx. ri.vt.u µ.Ev -rcxÚ-rT¡c;; E1vcu Ovvcxp.ÉvT\, oúx 0Ua1X OE a\hT¡. - Sur le sens anti-3.risto-
télicien du mot ovvGtµ,, ici employé par Alexandre, voir RAVAISSON, Essai
p. 301.
60. ALEX., De anima, 17, rr-r5 Bruns.
6r. ALEx., De anima, r48h ad medium Donat: At vero intellectus neque more,
materiae species excipit , neque perinde atque eas species, quae a ut sint in m ate-
ria, aut una cum materia possidean tur; suscipere a utem sp eciem more mat eriae,
idem fere est ac rei, quae suscipitur, mat eriam fieri < 83, 22-84,1 Br uns : ó 01'. -
voü, OU'tó w, Ü),J\ -rcx d01\ AGt µ6cxvó, oÜ-re w, Év 1JA "ll OV'CGt xa! µó0' {j),1\,. 'Ecm OE
'to µ1'.v w, ÜA1\V Job, 'tt AGtµ6cxvótV -ro Cltho < -r,¡i > ÜA1\V y/vó«r0a, -r,¡i ).c,:µ6GtvoµÉvw ...
Or l'i ntellect a pour fonction de recevoir des formes séparées de leur matiere.
62. ALEX., ibid., r48a ad medium < Sr, 22 sq. Bruns >. Cf. NOURRISSON, Essai,
p. 87. - L'intellect acquis, « adventitius < e,dx-rT,ro, > peut aussi bien s'appeler
« intellectus secun dum h abitum » < vov, xaB'f~,v > •
34 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D'i\PRES ARISTOTE
63. ALEx., De anima, 84,24-8.'i,5 Bruns: 'Em-r·~o«b·ni,; -r,,; /xpo: µ.6vov ia-rtv ó
ÚAtltO<; voii,; 1tpo<; -rl\V -r'iJv dowv Ú1toooxi\v ÉOtltW<; mvo:x/ot ciypá.cpw, µ.<iHov oe; 'to/
-rí'¡,; mvo:1<./00,; ciyfá.'f'<¡J, ci).).' oú -rij mvo:x/o, o:ú-rij. Aú-ro ydtp -ro 'ypo:µ.µ.o:-rcfov i\ol\
't'L -rwv iív-r"'V fo-r,v. Ll,o ti µ.e:v <J,vxi\ "'"'' -ro -ro:Ú-rl)v ª'l.ºv dl) µ.<iAÍ,ov < civ:,, 1<.0:-rdt
-ro ypo:µ.µ.o:-rcfov , 't'O oe: &'ypo:<pov Év o:ú-rij ó voii,; ó Ú).tl!.O<; ).sybµ.svo,;, ~ É7tt'tl\0Et6-rl),;
-~ 1tpo,; 't'O Éyypo:<p·~vo:, . 'Q,; oliv É7tL -roii ypo:µ.µ.o:-rciov 't'O µ.e:v ypo:µ.µ.o:-rELOV 1tá.crxo,
,( &v > &v-r,ypct<pbµ.cvov , év <i> -~ 1tpo,; -ro ypo:<p·~vo:, ém-rl)os,6-rl\,, -~ µ.lv-ro, émq-
oc,6-rl\, ctÚ-r·~ oúoisv 1tá.crxc• E!,; ÉvÉpyc,o:v <iyoµ.lvl) (oú6~ yá.p Écrn -r, Ú1to1<.s/µ.svov ),
ov-r"'<; o,;ll' av ó voií,; 1tá.crxo, n, µ.·~oÉv ys <llv -rwv Évspys,q..
64. lbid., 148b ad medii,m Donat < 83, 22-23 Bruns >.
65. lbid., 149a ad medii,m Donat: Intellectus namquein habitu nihil fere aliud
esse videtur, quam depositae illae coacervatae et quiescentes considerationes. < 86,
5-6 Bruns : 'O ydtp 1<.o;-rdt g~,v vov,; ciitou{ µ.svá. 1tW<; Écrnv <i6p6o: 1<.o:l -/ipsµ.oiiv-ro: -rdt
vo~µ.o:-ro: . >
66. Ibid., 148b Donat; 149b: Si autem sunt nonnullaespecies, quae per se absque
materia et subjecto subsistant, hae proprie intelligibiles sunt, et hoc ipsurn ut sint
intelligibiles suapte natura consequuntur, neque sese cognoscentis alterius auxi-
lio indigent ut intelligibiles fiant. Verum enimvero quae ex propria natura intel-
ligibilia sunt, actu quoque intelligibilia esse necesse est : materialia enim illa sunt
quae potestate intelligibilia nuncupantur. Verurntanem si intellectui in actu idem
est, quod intelligitur, et id quod intelligit, efficitur ut proprie et secundurn actum
i=aterialis species intellectus sit, et qui ejusmodi speciem intelligit, intellectum
intelligit : non quod species illa tune intellectus fiat, quurn intelligitur, velut in
formis materialibus· se habet, sed quurn jam sit intellectus, etiamsi non ab intel-
lectu intelligatur. < 87, 25-88, 5 Bruns : Ei oe: -rtvá. écr-r,v crlll\, w,; -rdt xo:6' aót'cx,
X"'PL, v);~,; -re: xo:l {moxsqdvov nv6,;, -ro:ii-ro: xvp{"', Écr-rt vol)-rá., Év -rij oíxs{q. <púcr«
-ro slvo:, -ro•o:ii-ro: •xov-ro: , ciH' oú 1to:pdt -r·~,; -rov voovv-ro,; aú-rcx ~ol)6E/o:,; ).a¡ioá.vov-ra.
Tcx lle -rij <X\J't'WV <pÚcrEt VOT\'r<X 1<.0:-r' Évlpys,o:v V07\-rá., 6vvá.µs, ydtp •101\'t<X 't<X evu).o:.
'AAACl µ-~v -rO x. cx-r' EvipyEtcxv voT¡i-Ov 't'CXÚ,JOV -rl{> xa.-r, EvÉpyEtcxv vq}, E'L YE 'tcx\J-rOv TO
vooúµ Evov T~ vooüv-rt. TO éípa. éíüAov EtOoc:; voüc:; ó x.vp{wc:; -rE x.cd x«-r, EvÉpyEt«v.
Kcxl ó voWv éxpcc -roV-ro voVv voEL oú y,v6µevov voVv 0-cE voEL-c«1 , Wc:; E1tt -rWv Evú).wv,
EÍowv lxc•, ci).).dt OV't<X vovv 1<.o:! X"'Pt<; 't'OV V7t0 't'OV voií vodcrOo:L. >
ALEXANDRE 35
67. Ibid., 150a ad initiuni Donat < 89, 17 sq. Bruns > .
68. ALEX., De anima mantissa, rr2,27-rr3,2 Bruns : ó 6efoi; vovi; cid ¡ú:v
Évepyd (oco xor.t fo,,v Évepye/q.), xor.l lle' 6pyá.vov li( ihor.v h '<'T\<; O'vyxp/O'EW<; -.wv
O'Wflcx'tWV ""' t 't"T¡<; eúxpor.u/or.i; ~yÉv71,or., opyor.vov -roeoii,ov. 'n,,x·~v ycxp -~071 't"LVCI -.ó-.e
ivipye,or.v Évepyd xor.t fo-.,v oúrni; -~¡.,.frepoi; vovi;. Kor.t hxp/vs-.or., o~, 8vmp ,p61rov
x.a~ dcrxp(ve:-rctL. OV y<ip ci.Aóo:xoü Wv µe-rc:x6odvEt, ci;),).<1 -r~ 1tavnixoü e:Tva.t µÉvtt
xor.t Év -..;, É'lt 't"T¡<; Éx;tp{O'EW<; li,or.J.vo¡.,.Évw O'Wfl<XT< cp0ecpo¡.,.ivov 'tOV opyor.vcxov, wi; ó
-.exv{-.71, CX'7r00<XAWV ,ex opyor.vor. Évepyd µkv 'lt(XL ,Ó,E, oú ¡.,.·~v v,,x~v xor.1 opyor.v,x·~v
Évipyecor.v .
69. Ibid ., 109, 4-8 : Nosrv ok: <XV,OV ó iv f~EL voíli; xor.1 Évepywv liúvor.-.or., • oú xcx0o
voíli; ÉO'nv, &¡.,.or. ycxp x,d xcx-rcx -.or.0-.ov or.ú-.ij, ,o vodv fo-.or., xor.! voefo6or.,, cxJ.J.cx xor.1
-rctú•n;¡ µÉv, ~ ó x.txi- EvÉpye:tccv voüc; ó o:,ú-r6i; lcr't't -roLi;; xcx:r EvÉpye:tcxv voovµÉ'Joti; ..
1 1
70. ALEX., De anima, 14gb ad finem Donat: Atqui esse poterit intellectus pro-
prie ac praecipue intelligibilis species, et haec ipsa sine materia : namque in rebus
omnibus id quod proprie ac praecipue aliquid est, caeteris causa est uti ejusmodi
sint; id enim quod maxime visibile est (tale autem est lux) caeteris visibilibus re-
bus in causa est ut visibilia sint, verum et id quodque quod maxime ac praecipue
bonum habetur caeteris quae bona sunt causa est ut bona censeantur. Caetera
enim quaecumque bona sunt, facta ad id quod maxime ac praecipue bonum est
contributione, pensitantur. Pari ratione quod maxime et suapte natura intelligi-
bile est non immerito universae caeterarum rerum cognitionis causa judicabitur.
Si enim nihil esset suapte natura intelligibile, profecto neque aliud quidpiam ab
alio intelligibile fieri posset : enimvero in rebus omnibus in quibus aliud quideur
propria, aliud vero secundaria ratione compertum est, secundarium a proprio id
habet ut sit. < 88,24-89,8 Bruns : Er'I\ o'cl!v oú-roc; "'º xup{wc; -re xcxt µ&.).,cr't:cx
VO'l\'t:OV dooc;, 't:OtoV-rOV 0€ "'º X~Pk (í),'l)c;. 'Ev 1t<fow yap -ro µ&.At<J'-r<X ""'' xup/wc; "''
Ov i<.cd 't'o!i; éf.AAotc; ix'C't't0V -roü Etvo:t 't'otoÚTotc;. T6 -rs y~p µCX)1tü't'<2 ópcu:6v, TotaÜ't'OV
0€ TO cpiiic;, xcxt -rore; diHo•c; "'º'' ópcx-ro!c; d't:toV 't'OU dvcx, ópcx,:.or,, ó:Hoc ""'' TO
f.J.á.).,a-rcx xcxt 1tpÓl-rwc; ciycx6ov xcxt -rore; éD,Aotc; ciycx6o,c; cxfr•ov -rou elvcx• -ro,oú-ro,c; · "'ª
ycxp /{/..).ex ciycxea .. -~ 1tpoc; 't:OU'rO vUVTEi,e/q. xp/ve-rcx,. Kcx! TO µá.AL<J'T<X /¡-~ xcz! -r·ij
ctÚ-roÍJ q,úrre:t voT¡-rOv EúA6ywc; cx_'{'t'eoV xcd t'T\c; -r;Wv ii.A),wv vo~crEw~ , TotoÜ't'ov Oe; Ov e:tT¡
cl!v ó 7tOl'I\TtXoc; vo\Jc;. E! yap µ·~ T\V Tt VO'l\'t:OV <j)Ú<J'Et, oúli' <'i.v 't:WV /ü),wv "'' VO'I\TOV
i!.y{ve't:o, C:.,c; 1tpoeip'I\"'"''- 'Ev yap 1tcimv i!.v _ole; -ro ¡úv xup/wc; ,¡;/ i!.cr't:tv, "'º oic
oeu-rÉpwc;, TO OEU-repwc; 7tcxpa -rou 'ltup/wc; "'º elvcx, •xe,.>
ALEXANDRE 37
C'est ainsi qu' Alexandre, par cela qu'il élimine plus rigou-
reusement de la nature tout élément surnaturel, est forcé
de recourir plus ouvertement a Dieu pour expliquer ce qui
dépasse la nature, mais aussi qu'il ménage une sorte de
revanche au naturalisme qui, a cette hauteur, ne fait plus
qu'un avec l'idéalisme, en marquant nettement la supério-
rité de l'objet sur le sujet ou plutót en faisant disparaitre
celui-ci dans celui-la.
5
III
THÉMISTIUS
1
Apres Alexandre, la seule interprétation profonde et ori-
ginale de la théorie de l'intellect que nous fournisse le monde
grec, c'est l'interprétation des Alexandrins. Or on se trom-
perait en la cherchant dans Thémistius : on n'en trouve-
rait que des traces. Par exemple il a:ffirme de temps en temps
(Y\ l'accord d' Aristote avec Platon, en faisant remarquer no-
tamment que la formule aristotélicienne : ce de deux con-
traires celui qui est positif est seul connu par soi >>, revient
a la these platonicienne que la matiere n'est connue que
par un raisonnement batard11 ; il admet une pluralité de
formes sans matiere don,t i1 fait l'objet propre de l'intel-
lect, c'est-a-dire qu'il introduit, comme les Alexandrins,
la théorie des Idées dans le péripatétisme 72 ; il met avec eux
toute une hiérarchie d'intermédiaires entre l'incorporel et
le corporel 7 3 ; en.fin i1 traite une question qui a préoccupé
les Alexandrins, celle des rapports des intuitions indivisibles
de l'intellect avec la multiplicité inhérente a la pensée lo-
gique, des rapports de la pensée absolument une avec la
pensée relativement une qui procede par synthese et divi-
sion, et i1 semble partager l'avis de l'école d'Alexandrie qui
7r. THEMlST., In De anima, III, 23 sq. Heinze < cf. PLATON, Timée, 52b >' ;
cf. ro6, r5 sq. ; ro7, 4 sq. ; ro8, 35 sq.
72. lbid., n5, 5 sq.
73. ]bid., ro7, I 8 sq.
THÉMISTIUS 39
Ibid., I05, 22-23 : ... w<r'I:€ 't()V XOLVOV civ AÉyoi 'l:OV 1tcx67\'tllt0'1 xcxt _q,6cxp-r6v .
'Ana: ¡,.~v 1tep/ ye -roíl ouvé<¡,.e, voíl lhcxpp-filll\V <pl\<rtv Ó<1tcx6'i\ oerv cxú-rov dvcx, xcx t
,:.wpl~-rOv,.. ' ,. ' , , r ,, ,, ,,
Ibid., 105, 26-32 : Et ouv l'-l\ ¡,.cxxo¡,.evcx ),eyEt 1tept -roll1'0ll, cx).).o, "'" E<l\ ""'"
<XVTOV ó xow6,, ixno, ll' ó ouvé<¡,.et, xcxt ó ¡,.iov xo,vo, [xcxt] q,6cxpt:o, .. . ó ovvÓ<p.El
os CX'lt<X61\; .. • olov 1tp6opo¡,.o, -rov 7tO<l\'l:<ltOV, W<r1tep -~ cxúy-~ 'tOU q,w-r6,, ',\ w<r7tep
éfv6o, 1tp6opo ¡,.ov i;ov xcx p1tou.
78. Voir la fin de la note précédente. - THEMIST., In De anima, 108, 28-34:
1
E~ ti>v á.1ttiv't'WV O'f\)~6v Ecr't',v,,.. f)"n oú cpa.VAw¡; Ú1tovooÍJµEv fjJ.)ov ¡.r.Sv Ttva 1tap a.U't'o!;
[Aristote et Théophraste] e,vcx, i;/Jv -n:cx6r,r,xov vouv xcxt q,6cxp,;6v, .. . /D,Aov oio ,;ov
w<rmp <rvyxe( fJ-EVO'I ÉX -rou OllVÓ<fJ-E< Xcxt Évepye/c¡. , OV xcxt xwpt<r-rov TOU <rWfJ-CX'tOs
elvcx, 'tt6Écx<rt xcxt éfq,6cxp,;ov xcxt &yfr~-rov , xcxt 11:w, ¡,.iov ovo q,vrre,, -rovi;ou, -rou,
VOUs, 7tWs 0€ ¡,.fo:v . gV ya:p 'CO E~ ,'.)).·~, lt<Xl EtoOu, .
79. Ibid ., 102, 30-36 : 6cxu_p.árrcx, x&xe/vwv éf~t0v, o<rot 'rOV 1tOtl\-rtxov -roíl-rov 'IOVV
'I¡ -rov 1tpwi;ov 6eov <i>-fi6·r,rrcxv dvcx, "°'""' 'Ap,rr-ro-rÉAl\V , 1~ -ra:, -n:poi;é<rrs,, xcxt -ra:, •~
cxú-rwv e1t,rr-r~¡,.cx, cxí Ürr-repov -~¡,.Iv 1tcxpcxy{vov-rcx,. Oí ¡,.iov yap i;dt, 1tpo-ré<rre,,
ú-n:o).cx¡,.tiávov-re, exxexwq,l\v""'' 1tcxvi;e).w, 1tcx! oúos i:¡,.6owv-ro, &xovourr, -rov q,,),orr6-
q,ou, O'tl ó vou, ou-ro, Befo, xcxt á:11:26·~- x,d '1:cxÚ-rov iixwv -r·ij oúrric¡. -¡;·~v evÉpyetcxv
1tcx! º~"º' ¡,.6vo, cx6ávcx-ro, xcx t &toco, xcx! xwp,rr-r6, . - Sur le sens de 1tp6-rcx<r«; ,
voir BONITZ, Index a,-istotelicus, 651a 36 sq. ~
80. Ibid., 97,34-98,4 passim. : 'AJ.),dt 1tw, á'.¡,.cx vov, "" xcxt vol\-r6, ; Kcxt cxpcx
THÉMISTIUS
xa.i-<X -raú-r6; i~ xet-r, r.J.).).o µ.Ev y{vc.-r:a.t vovc; , 'Y~CXT, &'AAo óE \loTt'toc;; '11 E'ltt p.Ev TWv
CÍ.~EV ~/\1)c; T~Ú-r:~v Écr-rt
µEv 'l"O V01\'l"OV
:o v~oüv ~<.d -r~ v~oVµ~vov ... !1tl OE ;Wv ivV_'\wv E}ÓWv ~AAo
O'.AAO lle o 'IOU<;. Oulls yo-.p 1\'I 'f'UO-E< '<O'.U'l"O'. ['<O'.] V01\'l"O'., . .. WO''l"E Etx6-
TWc; voEL-ro:t µEv -r<X TOtO:ÜTO:, voer CE: oiJ.
81. Voir note 79,
82. THEMIST., In De anima, 102, 36 sq.
83. Ibid ., 99, 23-24 : .6.,o XO'.L 6Ec¡i µ<iA<O"'l"O'. EO<XE,
84. lbid., 99, 13. -
85 . Ibid ., 99, 14-1 8 : <i:1:A' svoi)Em< o).w 'l"W 1iuv<iµe, vw ó 1tac•~,¡-cx6,, w0"1tep fxv
El ó T€XTWV 'l"OL<; ~f>-a,, x~t ó XO'.AXO'l"1)'1tO<; ~w )(O'.AXW µ-~ E~W6E'I S'JtEO'T<XTE<, oc' OAOU
0
1ie o-.ÚToíí 'f'O<Téxv_ ot6<; TE -~v. Oíhw y/xp xo-.l ó xo-.T' 'svÉpyE,o-.v voil, Tw ouv<iµE, vij>
1tpao-yev6µevo<; Et<; TE y/vmx, µET' o-.ÚToíí · !'v y/xp TO •~ {l).1\, xod do¿u,.
42 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
~
THÉMISTIUS 43
"(Ei(f, xod i:xó.an,i 1\f.LWV TO ifvO'.t 1t0'.pcx TOU i:vo, SXEÍvou É.aT[v, oú XP~ 60'.Uf.LÓ.l;;m.
II66sv ycxp O'.f x ~LVO'.l EWOLO'.L ; II66sv oe -~ cxliiliO'.XTO, XO'.l óµoiO'. TWV 1tp<hwv /ipwv
aúvsa,, XO'.t TWV 1t~WTWV ci~tWf.LÓ.TWV; M~1tOTE ycxp oú/ie TO auv,ÉVO'.t CÍAA~AWV Ó1ti'¡p-
XEV éív, El µ~ -rr., ~v ETc; voüc;, ov 1tcbrrEc; ExotvwvoüµEv, ..
(Comme P!aton l'a fait remarquer; Gorgias, 48r c-d <au sujet des sentiments >).
IV
90. Voir les Ennéades de Plotin traduites par Bouillet, II, p. 613.
gr. SIMPLIC., In De anima, 174, 38-39 Hayduck; ibid,, r , II ; l. 18-20 :
1t(l'/t"(lXOV lle )<(l't"C( llvv(l¡.uv -r'é,,; 't"W'I 1tp(lyµihwv <X'l't"EXOf'éV<p <XA'l\6E[(l,; )<(l't"C( 't"~'I
'l(lµ/,).{xou Év -ror:; lo/o,:; (lV-rov 1tspl 'fUX'T\<; cruyypciµµ(l1,W úcp~Y"l\"L'l-
lbid., 313, r-2 : Z'l\-rsfo6w lle X(l! 01tw:; -rw Odw 1,uµcpwv~1,wµsv 'foµll'l-lxw- ..
l~id., 313, 6-7 ; o~ ll~1tou E'l(l'l't"[(l cp6{yys1,6(l .. -re¡; 'l(lµl'>'l-ix<¡> 't"OAf'~"ºf'EV, 1,uµ-
cpwv11cro µsv lle X(lt"ct lluv(l ¡,.w .
Cf. ibid., 217, 27-28. Voir B0UILLET, E1tnéades de Plotin, II, p. 614, 662, 66-4.
92. P0RPHYRE, Vie de Plotin, 14 ; trad . Bouillet, I, p. 15.
SIMPLICIUS 45
Plotin ; la M étaphysique d' Aristote y est condensée tout
entiere. >> L'alexandrinisme en effet n'est pas moins que la
conciliation du naturalisme avec l'idéalisme platonicien.
A l'idéalisme les Alexandrins accordent 1' existence d' essences
ou de natures définies, au naturalisme celle du mouvement,
et ils inventent pour concilier les deux termes une nouvelle
théorie de la participation.
Pour Plotin comme pour Platon, les choses se ramenent
a des concepts, et chacune a dans 1' ensemble la place que
luí assigne logiquement son essence9a. Au plus haut <legré
de la hiérarchie, il faut placer un terme qui n'en suppose
plus aucun autre et qui puisse servir de príncipe a tous les
autres : ce terme supréme ne saurait étre ni l'Intelligence
d' Aristote, car l'intelligence suppose la distinction et la
multiplicité, ni 1' étre, car 1' étre est comme l'intelligence
distinct et déterminé 94 ; i1 faut qu'il ne soit rien de tout
cela mais le príncipe de tout cela9s_ Ce sera l'Un ou le Bien
supérieur a l'Etre, dont Platon a parlé dans le sixieme livre
de la République. Au second rang viendront l'Etre et l'In-
telligence, les Idées et la Pensée qui les contemple 96 ; au
troisieme, 1' Ame, qui pour développer le contenu des Idées
engendre l'univers97_ Avec lui commence le domaine des
étres du second ordre9 8 qui ont de la matiere sensible. Mais
la méme rien n'est désordonné : ce sont seulement les acci-
dents, comme d'étre boiteux par exemple, qui ont leur rai-
son dans la matiere ; tout ce qu'il y a d'intérieur dans l'in-
dividu a sa raison dans une Idée : car il y a des Idées des
individus99_
Ainsi partout regne la hiérarchie, et si, chez Plotin, elle
est en cor e assez simple100, on la sent déj a toute préte a se
compliquer d'une foule d'intermédiaires : par exemple, le
maitre, non content de présenter l' ame, avec Platon, comme
93 . PLOTIN, Ennéade VI, IX, 5 et VI, 7. - Meme ordre dans le monde sensible :
le plan en est aussi rationnel que s'il résultait du raisonnement: Enn., III, II, 14.
94. Id ., Enn. VI, VII, 13, 14.
95. Id., Enn. V, II, II.
96. Id. , En1>. V, I, ro.
97. Id., Enn. V, I , 3 ; IV, m, 9.
98. SIMPLIC., In De anima, II, 22-24; 4, 2-3 ; 6, 14-15, etc ... Cf. PLOTIN, Enn.,
III, VII, 3 ; II, IX, 3.
99. Id., Enn. V, IX , 10, 12 ; V, vn ; VI, vn, 14.
roo. Id., Enn. V, I, 6 : il n'y a pas d'intermédiaires entre les trois hypostases.
46 LA 'rHÉORIE DE L'IN'rELLEC'r D' APRES ARIS'rO'rE
l
-----
SIMPLICIUS 47
l'Intelligible, parce qu'il est réél, se développe ; il n'y a pas
de rupture dans la série des choses, le sensible n'est que
le dernier degré de l'intelligible, et il n'y a qu'un dévelop-
pement unique par lequel tout ce qui a de la réalité se ré-
pand et s'étale jusqu'au complet épuisement de la réalité
qu'il enveloppeno.
Mais ce n'est pas tout que d'introduire la vie dans l'idéa-
lisme et de réaliser la dialectique : il reste a faire voir
comment les notions qu'on pourrait croire condamnées a
la discontinuité et a l'isolement peuvent se répandre l'une
dans l'autre, s'engendrer l'une l'autre, sans se confondre et
sans se perdre. C'est le probleme de la participation qui
a tant embarrassé Platon et exercé la critique d' Aristote :
c'est aussi celui dont les Alexandrins ont fait le centre de
leur philosophie et qu'ils ont résolu avec le plus d'origina-
lité. L' essence ne peut pas étre séparée de ce dont elle est
l'essence, et cependant l'idée dont l'individu participe est
au-dessus de l'individu : comment done les idées supérieures
se laisseront-elles participer par l'idée de l'individu ? Car
tel est le probleme sous sa forme la plus précise et la plus
diffi.cile.
La solution alexandrine, peut-étre empruntée en partie C
au judai:sme philosophantm, c'est que l'intelligible se donne
sans se perdre112 • I1 en est de lui comme de la science: chaque
savant peut la posséder tout entiere sans qu'elle cesse d'étre 1
en elle-méme ce qu'elle est : elle peut suffire, sans s'épuiser 1
ni méme s'altérer, a des participations sans fin. Cette théorie
de la communication de l'intelligible acheve celle du déve-
loppement ou, selon le mot alexandrin, de la procession. Ou 1
plutót la théorie de la procession ne s'acheve que par celle ;
de la conversion : chaque terme de la série, a peine séparé
du terme dont il procede, se retourne vers lui, car puisqu'il
n'a de réalité que par sa communion avec lui, il perdrait
son étre s'il oubliait l'essence dont i1 le tient113 . La dialec-
tique ascendante est le retour vers l'étre : la chaine des 1
120. Voir note précédente, et SIMPLIC., In De anima, 218, 32 sq.; 220, 15-17.
121. Ibid., 218, 29 sq. ; 220, 15-17, 32 sq. ; cf. 217, 23 sq.
122. Ibid., 218, 13-15 ; úo, 28 sq.
123. ]bid., 218, 16 (AIUST., De anima, m, 4, 429a 23).
124. Ibid., 218, 34 sq. ; 220, 34 sq. - PLOTIN, Enn. V, III, 3.
SIMPLICIUS 51
qu'il est que lorsqu'il est séparé : or l'Intelligence pense
toujours, est toujours séparée, est toujours ce qu'elle est
puisque son essence est l'acte125 . I1 ne faut pas se laisser
tromper par un mot : N ou~ dans Aristote ne désigne pas
nécessairement l'Intelligence : Aristote applique ce mot et
ses congéneres a toutes les facultés qui sont susceptibles
de passer d'elles-memes a l'acte; il l'emploie souvent pour
désigner la raison de l'ame, mais i1 l'emploie aussi pour
désigner l'imagination : la sensation est le seul des pouvoirs
de l'ame auquel il ne l'applique jamais12s.
Par toutes ces raisons, il est clair que Jamblique s'est
mépris et qu' Aristote regarde l'intellect comme une partie
de l'ame. Quand le Philosophe dit que l'intellect en puis-
sance est séparé, i1 veut dire simplement que l'intellect en
puissance n'est ni la cause informante de l'organisme, ni
une essence qui s'attacherait a la matiere pour en faire
son instrument comme le pilote s'attache au navire127.
Mais cela n'empeche pas l'intellect en puissance d'etre une
partie de l'ame. L'intellect agent lui-meme n'est pas autre
chose, car, remarque Simplicius apres Thémistius; Aristote
ne la compare pas a la source de la lumiere, au soleil,
ainsi qu'il le ferait certainement s'il le regardait comme
identique a l'Intelligence, i1 le compare seulement a la
lumiere12s.
On voit quelle part Simplicius s'efforce de faire a l'im-,
manence. Mais naturellement, c'est la transcendance qui
l'emporte. En réalité, il n'y a pas de doute, selon Simpli-
cius, qu' Aristote a résolu et résolu affirmativement la ques-
tion de savoir si pour · penser les formes séparées l'intellect
doit etre lui-meme séparé : car comment l'intellect devien-
drait-il en acte les formes séparées sans etre lui-meme sépa-
ré ?12 9 _ Bien qu' Aristote ne perde pas de vue la différence de
L'ime et de l'Intelligence, qu'il n'oublie pas que l'essence
d~ 1' ame est la pensée logique et discursive, il assimile au-
' '6
130. lb 1,"d ., 219, 22-23: ... wc; ,l. • ouvcx't'
" yt.p "t'u_xrx.t.p " 6v, 't'"(I• oucnq.
' , wv
" Ev~pye.tcx
' L /) ,a.
' 't"r11v
1tpoc; voílv o-uvo:r~v. - L . 25-27 : ó [scil. l-6yoc;] -roií' i!~w 7C(XV'rEAW<; áq,t~-ráµevoc;
xcd ÉcxurW ci:µ.Eptcrrwc; É.voÚµEvoc; ,. Wc; Ouvc.n·bv, &:q>oµ.oeoü-rcxt -rq', vq,.
lbid., 228, 4 ; 248, 32-36 : Noílv /le éi¡J.o: xo:t l-6yov o:i•nóilll\ xo:l á1tl-wc; E'Jl to-'t7\·
µov,xov Oéµevoc; -rov 1totoílv-ro: voílv, xo:l -ro: vo7\-ro: o:ú-r,¡, áxol-oiÍOwc; /ltno: 1tpo-r/01\o-t,
-ro: µev áo,o:/pe-ro: xo:l áµép,o--ro: ov-ro: d61\ tilc; vi¡,, -ro: /JE áve,),,yµéva xal µe-rá -rtvoc;
o-uvOfoewc; xal Bta,péaewc; -r-r¡c; Évwaewc; µe-rixov-ra tilc; E'ltl<:I-r7\-rá , B-re -r-r¡c; al-r{o:,;
•xe-ro:,. Voir aussi 259, 29 sq.
131. lbid., 247, 35-39 : la mo1t de l'intellect passif, c'est seulement le retour
de l'intellect a lui-meme par sa séparation d'avec l'am.e.
SIMPLICIUS 53
132. Ibid. , 218,42-220,15. Ibid ., 228, 1-3 : lieu signifie réceptacle de choses
xcd -r?x TOVTOt<; É1ttcruµbod,10v-r0'.. xod á1tAWi:; Ei1tdv xcd -rGt al-na-r?x 1tá.v-rcx xcxt ,:-~v
-rWv Eaxcl'rwv ixV-rWv Oe:x'r~x-~v 0A1¡v xo:~ -r?t ó1twa0Vv cxU-roT; 1tcxpvq:,1.rr't'áµevo: xo:-rOC.
SIMPLICIUS 55
-r·~v a.t-nWO·r¡ ¡ tvWcrxEt v6-r¡crtv, -~ Ev Tor~ E'f0Eaw od·nwOWi; 1tpo§{A117t-ra.1. -r?x cxt-rt~-ró:.
"Ov ó-~ xcxt -~ E1, -r·~v oúcrlcxv écxu-r-i\, avcxópcxµoucrcx <J,ux·~, <il, o16v -re cxu-rij, µ,µshcxt
ex-re cruµq,uw, cxú-rc¡, cruv11µµÉv1) , Év -ro,, axpo-rho,, écxu-r-i\, µÉvouacx Abyo,, xcxl sk
-rO E~w oúOcxµ~ 1tp0Yoürrcx, crvv cx1t-roµÉ,1T¡ 6E. xcxi -roti; Ev -r<f> vi¡) e;-'(Qe;cn, xcd Ev -ro\J-rotc:;
xcxt cx{hT¡ -rCX \:d-rtcx-rCX xo:-r?x -r·~v cxl-ru..i)Q·r¡ 6e;wpe;L á-rrA6·n¡-rcx. Voir aussi 250, r6 sq.
139. Ibid., 248, 36-249, I : La connaissance qui comporte la fausseté aussi
bien que la vérité n 'est pas la science, car celle-ci est toujours vraie ; 249, 2-3 :
ciA)/ OAwt; 1tEpl crVv6unv x<1t 6tcxlpEcrtv -r·~v ci<pta-rcq.dv·r¡v µEv -rWv a.t·dwv, Oo~o:crnx.·~,, ( .,
óL. C'est la pure doctrine de P!aton: voir Ménon, 9~ a . '-
140, SIMPLIC., In De anima, 231, 22 .
. 141. PLOTIN, Enn. V, v, r et 2. SIMPLIC., In De anima, 245, 7 sq.
56 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
_______.
SIMPLICIUS 57
sont les pensées et l'intelligence n'est ríen de plus que !'en-
semble des pensées : ~ vó-r¡1ni; -cix vo'lj¡J,ix-cix disait Aristote lui-
meme. Done il est au fond d'accord avec Platon : pour lui
comme pour son maitre, ce sont les Idées qui sont pre-
mieres. Voila le dernier et le plus haut résultat de l'inter-
prétation alexandrine.
.v
AVERROES
toutes les formes qui sont engagées dans les objets sensibles ;
dont il ne peut etre aucune de ces formes14ª.
Mais a cette premiere raison il faut en ajouter une bien
plus caractéristique et bien plus grave. Une forme engagée
dans la matiere, ou, en d' autres termes, un composé de for-
me et de matiere, ne peut recevoir d'autres formes qu'avec
leur matiere, au moins avec la matiere premiere qu'elles
informent : mais toute forme qui a de la matiere est
individuelle et l'intellect doit recevoir les formes avec leur
universalité147_ L'intellect ne saurait done etre un composé
de forme et de matiere.
11 n'est pas moins impossible qu'il soit une forme pure:
d'abord parce qu'uneforme pure n'existe pas séparée et par
soi, ensuite parce qu'une forme pure, si elle peut etre dite rece-
voir les formes matérialisées auxquelles elle est attachée, ne
les re9oit précisément que parce qu' elles sont matérialisées :
mais elles ne sont alors intelligibles qu'en puissance, elles ne
sont pas universelles148 • Enfi.n, l'intellect ne peut pas etre la
matiere premiere : celle-ci en effet est bien un pur récipient,
mais elle individualise les formes qu'elle re9oit : l'intellect
149. lbid., 13 9 A : Definitio igitur intellectus materialis est illud, quod est in
potentia omnes intentiones formarum materialium universalium ...
lbid., 139 B : Et, cum ista est definitio intellectus materialis, manifestum est
quod differt apud ipsum [scil. Aristote] a prima materia in hoc, quod iste est in
potentia omnes intentiones formarum universalium materialium : prima autem
materia est in potentia omnes istae formae sensibiles, non cognoscens, neque com-
prehendens. Et causa, propter quam ista natura est distinguens et cognoscens,
prima autem materia neque cognoscens, neque distinguens, est, quia prima mate-
ria recipit formas diversas, scilicet individuales, et istas : iste autem recipit for-
mas universales. Et ex hoc apparet quod ista natura non est aliquod hoc ... quo-
niam, si ita esset, tune reciperet formas secundum quod sunt diversa, et ista. Et,
si ita esset, tune formae exsistentes in ipsa, essent intellectae in poten tia. Cf. ibid.,
147 A-C.
150. lbid., 138 B : Est igitur [scil. intellectus] aliud ens a forma, et a mate-
ria, et congregato ex eis.
151. lbid., 144 B: Ipse Alexander videtur posse se tueri, ac sibi ipsi favere per
id, quod dicitur, quod actus primus ipsius intellectus debet esse virtus, atque
facultas genita, ac noviter orta, juxta illa, quae universa!iter in definitione ani-
mae dicta sunt, nempe quod ipsa est actus primus corporis physici organici. Et
dicit hanc definitionem vere dici de omnibus partibus animae ... [Trad. de Man-
tino. - Suit la citation de la proposition d'Alexandre que !'ame est inséparable
du corps dont elle est la forme, comme la limite l'est de ce qu'elle limite : voir
supra p. 33 et note 60].
AVERROES 61
163. AVERROES, ibid., 140 C : . .• contingit ut in reí veritate non sit intellectus
agens, neque factum : cum agens et factum non intelligantur, nisi cum genera-
tione, et tempore. Cf. ibid., 145 F.
164. Voir note 161, et AVERROES, ibid., 147 A-C.
165. Ibid., 147 C: Et, si posuerimus quod non numeratur per numerationem in-
dividuorum [scil. intellectus materialis], continget ut proportio ejus ad individua
existentia in sua perfectione postrema in generatione sit eadem. Unde necesse est,
si aliquod istorum individuorum acquisierit rem aliquam intellectam, ut illa acqui-
ratur ab omnibus illorum ... Quare, si hoc ita est, necesse est, cum tu acquisieris
aliquod intellectum, ut ego etiam acquiram illud intellectum. Quod est impos-
sibile. Cf. ibid., 141 E-142 C. - La derniére perfection, ou le dernier acte, dont
il est ici question, est l'intellect spéculatif par opposition a l'intellect matériel qui
u'est qu'un acte premier ou du plus has degré. Cf. supra note 152.
166. Voir note 161.
167. AVERROES, i bid., 151 D : Opinandum est n empe quod istud est quartum
genus esse. Quema dmodum nempe sensibile esse dividitur in formam , et ma te-
riam, sic intelligibile esse oportet dividí in consimilia his duobus, scilicet in a li-
quod simile formae, et in aliquod simile materiae.
AVERROES
170. Ibid., 146 A: ... formare per intellectum, sicut dicit Aristoteles, est sicut
comprehendere per sensum ; comprehendere autem per sensum perficitur per duo
subjecta : quorum unum est subjectum, per quod sensus fit verus, et est sensa-
tum extra animam. Aliud autem est subjectum, per quod sensus est forma exsis-
tens et est prima perfectio sentientis. Necesse est etiam ut intellecta in actu h a-
beant duo subjecta : quorum unum est subjectum, per quod sunt vera, scilicet
formae, quae sunt imagines verae ; secundum autem est illud, per quod intellecta
sunt unum entium in mundo, et istud est intellectus materialis. Nulla nempe est
differentia in hoc inter sensum et intellectum, nisi quia subjectum sensus, per
quod est verus, est extra animam, et subjectum intellectus, per quod est verus,
est intra animam.
17r. lbid., 146 D: Quemadmodum enim subjectum visus movens ipsum, quod
est color, non movet ipsum, nisi quando per praesentiam lucís efficitur color in
actu, postquam erat in potentia, ita intentiones imaginatae non movent intellec-
tum materialem, nisi quando efficiuntur intellecta in actu, postquam erant in
potentia. Et propter hoc fuit necesse Aristoteli ponere intellectum agentem, ut
videbitur post, et est extrahens has intentiones de potentia in actum. Et quem-
admodum color, qui est in potentia, non est prima perfectio colorís, qui est
intentio comprehensa, sed subjectum, quod perficitur per istum colorem est visus,
ita etiam, subjectum, quod perficitur per intellectum, non est intentiones imagi-
natae, quae sunt intellectae in potentia, sed intellectus materialis, qui perficitur
per intellecta : et est ejus proportio ad ea sicut proportio intentionis colorís ad
virtutem visibi!em.
Ce texte est assez difficile depuis : Et quemadmodum color ... Pour le comprendre,
iI faut se bien pénétrer de la distinction des deux sujets, de la représentation et
de la chose représentée ; iI faut aussi, certainement, mettre a la fin, avec Man-
tino : « virtutem visivam » au lieu de « virtutem visibilem ». Je traduis : « Et de
meme que la couleur en puissance [en tant qu'elle est dans les sensibles] n'est pas
l'acte premier de la couleur en tant que représentée, et que le sujet qui est actua-
lisé par la couleur représentée est la vue [et non pas le visible], de meme, le sujet
qui est actua!isé par les intelligibles en tant que pensés, ce n'est pas les images
intelligibles en puissance, mais c'est l'intellect matériel, car c'est lui qui est actua-
!isé par ce qui est actuellement pensé ; et le rapport de l'intellect matériel aux
intelligibles pensés est le meme que celui de la couleur représentée a la faculté
de voir. »
AVERROES
172. AVERROES, ibid., 146 F : Et, cum omnia ista sint, sicnt narravimus, non
contingit ut ista intellecta, quae sunt in actu, scilicet specnlativa sint generabilia,
et corruptibilia, nisi propter subjectum, per quod snnt vera, non propter subjec-
tum, per quod sunt umun entium, scilicet intellectum materialem.
173. Voir note 171.
174. AVERROES, ibid., 149E: Et ideo opinatus est Themistius quod nos sumus
intellectus agens, et quod intellectus speculativus nihil est aliud nisi continuatio
intellectus agentis cum intellectu materiali tantum. Et non est, sicut existimavit,
sed opinandum est quod in anima sunt tres partes intelkctus. Quarum una est
intellectus recipiens. Secunda autem est efficiens. Tertia autem factum. Et duae
istarum trium sunt aeternae, scilicet agens, et recipiens ; tertia autem est gene-
rabilis et corruptibilis uno modo, aeterna autem alio modo (L'intellect spéculatif
est éternel par la perpétuité de l'espece humaine ; voir plus loin).
175. Ibid., 148 E : Et, cum declaratum est ex praedictis dubitationibus quod
impossibile est ut intellectus copuletur cum unoquoque hominum, et numeretur
per numerationem eorum per partem, quae est de eo quasi materia, scilicet intel-
iectum materialem, relinquitur igitur ut copuletur ipse intellectus nobis omnibus.
hominibus per copulationem conceptuum (seu intentionum) intelligibilium nobis-
cum : quae quidem sunt ipsi conceptus imaginati (seu intentiones) imaginatae,,
hoc est per illam partem ipsarum, quae in nobis existit, quae quodam pacto se
habet ut forma. (Trad. de Mantino depuis « relinquitur »).
La disposition est dans l'ho=e, l'intellect matériel, substance de la disposi-
tion, est hors de l'homme (voir MUNX, art. Ibn,_ Roschd dans FRANCK, Dictionnaire.
des sciences philosophiques, 2• éd., 1875, 750a).
68 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
~
AVERROES 69
sairement unique: Mais il ne fallait pas qu'il n'y eut qu'une
seule intelligence séparée : Averroes pense avec l'auteur de
la Théologie d' Aristote, dont les philosophes arabes aiment
a s'inspirer1so, qu'il faut entre l'unité absolue de l'intelligence
supreme et le multiple, une série d'intermédiaires1s1; et d'ail-
leurs il est convaincu qu'il faut prendre au pied de la lettre
cet étrange passage du huitieme chapitre du xrre livre de
la M étaphysique oi:t. Aristote semble attribuer a chaque astre
un moteur particulier182 . C'est le dernier de ces moteurs, celui
qui est attaché a la sphere de la lune, qui joue par rapport
a nous le róle d'intellect agentisa.
Nous nous unissons a lui par l'intellect acquis ou spécu-
latif qu'il engendre en nous. Mais, selon Averroes, cette
union n'est que le prélude d'une autre union plus intime.
Dans la vieillesse, apres une vie consacrée tout entiere a la
science et non a de vaines pratiques ni meme aux ceuvres
morales, quelques hommes privilégiés sont attirés vers l'in-
VI
SAINT THOMAS
191. Id., De unitate intellectus, cap. IV (éd. Vives, t. XXVII, p. 320 sq.) ; ad fi-
nem: ... cum Averroe aberrare, qui non tam fuit Peripateticus quam Peripa-
teticae philosophiae depravator.
192. Voir JOURDAIN, La philosophie de Saint Thomas d' A quin, t. I, p. 302 -303 . -
S. THOMAS, In Aristotelis librum De anima commentarium, lib. III, lect. 7, 68 9-
690 P irotta : « intellectus aut em separatu s » [texte d'Aristote] : Sed horum occa -
. sione verborum, quidam intantum decepti sunt ut ponerent intellectum possibilem
esse a corpore separatum, sicut una de substantiis separatis. Quod quidem omnino
impossibile est. Manifestum est enim, quod hic horno intelligit. Si enim hoc nege-
tur, tune dicens hanc opinionem non intelligit a liquid, et ideo non est audiendus.
Ibid., 695 : on pourrait, et on l'a fait ailleurs, produire beaucoup d'arguments
contre cette opinion : « Sed hic hoc unum sufficiat, quod ad positionem h anc sequi-
tur, quod hic horno non intelligit. »
De unit. int., cap. V, 323h Vives : oportet te invenire rnodum, quo actio
illius principii sit actio hujus hominis. - Voir ibid., cap. VI, 328a Vives.
193. In De anima, III, 7, 69t Pirotta.
194. Ibid., 694. - De unit. int., 324h Vives : Sicut igitur paries non videt, sed
videtur ejus color, ita sequeretur quod horno non intelligeret, sed quod ejus pban-
tasrnata intelligerentur ab intellectu possibili.
SAINT THOMAS 75
r95. In De anima, 692-693 Pirotta - De unit. int., cap. VI, 329b Vives.
r96. Ibid., cap. VII, 332b: Si enim dicant quod intellectum est una species
i=aterialis existens in intellectu possibili, latet ipsos quod quodammodo tran-
seunt in dogma Platonis, qui posuit, quod de rebus sensibilibus, nulla scientia
potest haberi, sed omnis scientia habetur de forma una separata;
r97. Ibid., cap. VII, 332a : Si l'unité de l'intelligible exige l'unité de l'intel-
lect, « Ergo intellectus noster non solum est substantia separata, sed etiam est
ipse Deus, et universaliter tollitur pluritas substantiarum separatarum. »
r98. In De anima, III, lect. 7, 696 sq. Pirotta.
76 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
204. [bid., cap. III, 3r7b -3r8a. - JOURDAIN, ibid., t. I, p. 286 sq.
205. Saint Thomas a commenté le De divinis1iominibus de Denys: JoURDAIN,
ibid., t . I, p. 204 (Sur les livres de Denys, voir VACHEROT, Ecole d'Alexandrie,
t. III, p . 23 sq.). - Dans le De unit. int., cap. II, 312a Vives, S~int Thomas
cite Grégoire de Nysse (voir VACHER0T, ibid., t . III, p . 15) et Plotin co=e té-
moins sur la nature de !'ame selon Platon; plus loin (cap. V, 326ª), Plotin est
eucore cité pour le meme objet, d'apres Macrobe, et saint Thomas ajoute : « qui
quidem Plotinus unus de magnis Co=entatoribus ponitur inter Commentatores
Aristotelis, ut Simplicius refert in commento Prnedicamentorum » < SIMPLICIUS,
In Categorías, 2, 2-5 Kalbfleisch >·
206. SAINT 1'HoMAs, De unit. int., cap. II, 316b Vives: Forma ergo hominis
est in materia, et est separata. In materia quidem secundum esse quod dat cor-
pori ... separata autem secundum virtutem quae est propria homini, scilicet secun-
dum intellectum.
207. JOURDAIN, ibid., t. I, p. 277-278.
78 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
est un autre genre d'ame ? Cela veut dire qu'il est la seule
partie de l'ame qui soit immortelle. L'intellect vienten nous
du dehors (6úpa6Ev) ? Cela veut dire que son opération ne
dépend pas de la matiere. L'intellect est <lit séparé ? C'est
simplement .que, selon Aristote, i1 n'a pas d'organe2oa_
La doctrine de l'ame séparée, malgré l'apparente imma-
nence qu'elle permet de conserver, rend l'explication de
l'intellection trop facile pour qu'on ne la soup<_;onne pas
tout de suite de nous transporter secretement au dessus de
l'individu ou i1 ne sera peut etre pas aisé de redescendre.
Tel est bien le cas en réalité. Dans sa polémique contre les
Averro'istes, saint Thomas avait <lit que, bien qu'on ne voie
pas comment l'intellect qui est immatériel peut etre indivi-
dualisé, Dieu a pu le rendre individuel en employant pour
l'attacher a l'individu une cause surnaturelle qui contrarie
sa nature209_ Peut-etre saint Thomas n'en est-il pas réduit
a un expédient aussi désespéré pour individualiser l'ame,
mais il faut convenir que le probleme lui cause un bien grave
embarras. Puisque l'ame humaine est immatérielle, elle ne
peut etre individualisée p~r la matiere, au moins hors de
son union avec le corps; mais elle ne peut pas non plus etre
individuelle par la forme : car deux ames humaines ne dif-
ferent pas spécifiquement. Qu'est-ce qui fait done l'indivi-
dualité d'une ame ? C'est une certaine maniere d'etre qu'elle
contracte dans son union avec un corps et qu'elle retient
ensuite210. -On aimerait a savoir si cette maniere d'etre doit
se ranger du coté de la forme ou du coté de la matiere, et si
elle n'altere pas le type spécifique ou l'immatérialité de l'in-
tellect, car, dans les deux cas, elle entraverait l'intellection .
208. S. THOMAS, De ,mit. int., cap. II, 3r2b-3r3a ; III, 3~7a-3r8b Vives. - In
De anima, III, lect. VII, 684-689 ; lect. XII, 759 ad finem. Pirotta.
209. De unit. int., cap. VII, 33ob-33ra Vives.
210. De potentia, q . Ill, a. ro, Resp., (t. XIIl Vives) : Cum anima non sitcompo-
sita ex materia et forma . .. distinctio animarum ab invicem esse non potest, nisi
secundum formalem differentiam, si solum secundum seipsas distinguerentur. For-
malis autem differentia diversitatem speciei inducit. Diversitas autem secundum
numerum in eadem specie ex differentia materiali procedit : quae quidem animae
competere non potest secundum naturam ex qua fit, sed secundum materiam in
qua fit. Sic ergo solum ponere possumus piures animas humanas ejusdem speciei,
numero diversas esse, si a sui principio corporibus uniantur, ut earum distinctio
ex unione ad corpus quodammodo proveniat, sicut a materiali principio, quamvis
ab efficiente principio talis dictinctio• sit a Deo. ~
Cf. JOURDAIN, ibid., t. I, p. 280-281,
SAINT THOMAS 79
220. Sur Gilbert dela Porrée et sa doctrine toute platonicienne, voir HAURÉAU,
Histoire de la philosophie scolastique, 1872, 1'º p., p. 447 sq., surtout p. 462-463,
472. - Voir la réfutation de Saint Thomas dans JOURDAIN, ibid., t. I, p. 208-210.
221. lbid., t. I, p. 2u. ·
222. lbid., t. I, p. 322-325.
223. lbid., t. I , p. 218-219; 339.-SECRÉTAN, Philosophie de la liberté, L'ldée,
3• édit., 1879, p. 76-78.
u_
VII
CONCLUSION
pas de ceux qui admettent d'abord que l'ame est une forme
séparée : ceux-la n'ont pas besoin de faire de l'intellect un
autre genre d'ame. Qu'il le veuillent ou non, ils sont des
averroistes.
Voila done l'intellect matériel qui, commel'intellect agent,
se sépare de l'individu. Cependant le plus ardent promoteur
de la transcendance des deux intellects estime qu'il est encore
un péripatéticien orthodoxe. Si saint Thomas a eu raison
de dire qu'Averroes tend au platonisme, cela n'empeche pas
qu'on ne vit jamais tendance plus involontaire. Averroes
entend rattacher l'intellection a l'individu. Il proteste contre
les opinions de Théophraste et de Thémistius quand elles
lui paraissent exclure l'individualité de l'intellection et pré-
parer, par une rupture avec le sens~ble, le rétablissement
d'un monde platonicien d'intelligibles. S'il veut que l'intel-
lect matériel soit au-dessus des individus, c'est afin que les
intelligibles y puissent entrer : car il ne faut pas que les intel-
ligibles soient hors de l'intelligence. On voit combien
Averroes est sincere et profond dans sa foi péripatéti-
cienne.
Cependant qu'arrive-t-il? Pour recevoirlesformesintelligi-
bles et éviter leur séparation d' avec l'intelligence, i1 invente
une substance séparée. Ce n' est pas une forme, dira-t-il. Assu-
rément, puisque c'est un réceptacle de formes. Mais la ma-
tier.e intelligible n'en est pas moins un intelligible, et c'est
bien un intelligible qu'Averroes sépare, quoi qu'il dise. Si
encare Averroes réussissait a ne séparer qu'un intelligible !
Mais i1 n'en est rien. I1 espere bien que les intelligibles con-
serveront comme support les formes sensibles représentées,
en un mot les images. Or c'est la une illusion, comme l'a
montré saint Thomas. L'image est individuelle, l'intelligible
est sans matiere : a partir du moment ou une forme est deve-
nue actuellement intelligible, elle a ·rompu avec l'individua-
lité. L'image peut bien préparer l'intellection, mais elle
n'entre pas dans l'opération intellectuelle. Des lors, voila
la forme intelligible d'un cóté, la forme sensible de l'autre,
et entre les deux un abime qu'il n'y a rien pour combler.
Le probleme, a peine dissimulé un instant, reparait dans
toute sa difficulté.
C'est que la véritable question est bien plus large qu'elle
8
86 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTO'l'E
CON CLUSION
·Catégories De anima
7, 7b 22 sq. ... n. 23 I, 1, 4º3ª 7-10 ... 39
8-10 ... 8
.Analytica post. 29-403b í 5
3, 4º7ª 7 . .. . . 23
I, 2, 71b 9-12 .. '. 14 4, 408b 18-29 ... 17
11, 77ª 5-8 ..... 15 25 sq ... 77
31, 87b 28-30 .... 15 25-30 ... 29
3o-33 .... 15 II, 1, dans son
35 - 39 -- · · 14 ensemble ... 6
88a 4-6 ..... 14 412!a 9 ..... 3
6 sq .... 15 22 ... . . 21
II, 2, 90a 6-7 ..... 14 412b 4-6 .. · · 6
11, 94ª 20-24 .. .. 14 2, 413b 24-26 ... 35
19, dans son 24-29 . .. 17
ensembl e . . . II 25-26 ... 156
100a 15-16 . . . II
414ª 7 sq ... 7
16-1ooh1 15 13-20 . .. 6
100h 5- r2 ... 15 415a 16 ..... 23
10 .. . .. 15 415h 7-10 ... 7
417h 2 sq .. . 25
Physique 16 sq ... 21
III, 3, 428h 10 .. . .. 9
I, 7, 191a 7 sq ... 4
2, 209b 22 -23 .. 4, 429a 10 ..... 39
IV 4 13 ..... 25
VIII, 4, 255ia 23 .. . .. 30 17-1 8 ... '.22
33 sq ... 21
18 ... 20, 36
18-27 . .. 17
De Caelo 23 ..... 16
I, 9, 278h 14 •••.. 19 27 ..... 15
92 LA THÉORIE DE L'INTELLECT D' APRES ARISTOTE
33-35 · · 32
De partibus animalium XIII (M) , 9, 1086b 2-7 ... l
I, l, 640b 28-29 ... 3 XIV (N) , 4, 1092a 3-5. · · 28
64ia 14-29 ... 5
21 sq . .. 18 Ethique a Nicomaque
32-641b 10 18
11, l, 647ª 3 · · · · · • 6 11, 6, II41ª 3 sq.,, 15
lo, 655b 37-656a 2, . .. 6 7-8 .... 15
VI, 3, II39b 22-23 . . 12
De generatione animalium 4, u4oll. 9-10 .. 12
11, 3, 736ª 2 4 sq ... 19 12, II43b 4-5 . . · 15
26-27 ... 19 9-Il .. 15
35- 736b 5 19 13-14 .. 15
INDEX 93
X, 7, II78a 2-3 . .. 19 Politique
8, II78b 4-5 .. · 46 I, 2, 1253ª 27 .... 40
9, II78b 33-34 · · 46 111, 16, 1287a 28 .... 40
Ethique a Eudeme
VII, 14, 1248ª 12 sq .. 52
.TABLE DES MATIERES