Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
HEersi0iCcisme
“4 pères de l’Église
de Clément de Rome à Clément d’Alexandrie
Patristica Sorbonensia 1
collection dirigée par H.-I. Marrou
. SCHOOL OF THEOLOGY
AT CLAREMONT
, California
LE STOICISME
DES PÈRES DE L'ÉGLISE
PATRISTICA SORBONENSIA
COLLECTION DIRIGÉE PAR H.-I. MARROU
À
Le Stoïcisme des Pères de l'Eglise
de Clément de Rome à Clément d'Alexandrie
PAR MICHEL SPANNEUT
2
Origène
et la fonction révélatrice du Verbe incarné
PAR MARGUERITE HARL
3
Introduction à l’étude de Grégoire Palamas
PAR JEAN MEYENDORFF
4
Education et culture dans l’Occident barbare
VIe-VIIIe siècles
PAR PIERRE RICHÉ
5
Les « Képhalaia gnostica >» d’Evagre le Pontique
et l’histoire de l’origénisme chez les Grecs et chez les Syriens
PAR ANTOINE GUILLAUMONT
6
La notion d’Alliance dans le judaisme
aux abords de l’ère chrétienne
PAR ANNIE JAUBERT
7
Etude sur les « Stromates » de Clément d'Alexandrie
PAR ANDRÉ MÉHAT
8
Les Ariens d'Occident
335-430
PAR MICHEL MESLIN
MICHEL SPANNEUT
AA
LE ‘STOÏICISME
DES PÈRES DE L'ÉGLISE.
DE CLÉMENT DE ROME
A CLÉMENT D'’ALEXANDRIE
NOUVELLE ÉDITION
REVUE ET AUGMENTÉE
ÉDITIONS DU SEUIL
27, rue Jacob, Paris- VI:
DU MÊME AUTEUR
Recherches
sur les Ecrits d’'Eustathe d’Antioche
Tertullien
et les premiers moralistes
africains
(sous presse)
11
faut-il, en définitive, attribuer les conceptions justiniennes du
logos, en particulier du logos spermatikos, au stoïcisme ou aux
développements du Moyen Platonisme ? ? De même la distinction
logos endiathetos et prophorikos ? Tentation d'enrichir le Por-
tique aux dépens, soit de la tradition judéo-chrétienne 8, soit
des autres philosophies. Ma partialité (p. 423) n’y a-t-elle pas
trop cédé ?
12
du stoïcisme permet d'améliorer l’exposé de la thèse, mais n’en
modifie pas les positions.
Et les progrès de la patristique ? Sur: un point précis, les
bases semblaient se dérober. R. M. Grant, dès 1954, voulait
dépouiller Athénagore du De resurrectione 7, exploité quatre-
vingts fois dans mon texte. Cependant, cette tentative a été
contestée encore tout récemment par L.W. Barnard, qui, en
s'appuyant sur l'identité des citations vétéro-testamentaires,
conclut que le traité est « de la même main » que la Legatio
et donc d’AthénagoreS., Adhuc sub judice lis est, En revanche,
il faut certainement prendre en considération l’importante étude,
déjà mentionnée, que R. Holte a consacrée au logos spermatikos
justinien®, pour attribuer la notion, par-delà la terminologie,
à l'influence du Moyen Platonisme. Sur le stoicisme des Pères
dans son ensemble, il n’a paru qu’un bref article de J. C. Garcia
Borrôn. Sous le titre « Les Stoïciens et Platon dans l’œuvre des
Apologistes du 11° siècle » 10, l’auteur se contente de décrire
sommairement la position de “oaine Pères à l’égard des philo-
sophes grecs. W. Richardson apporte quelques détails nouveaux
en étudiant les termes et les thèses de Chrysippe chez Clément
d'Alexandrie 11, Enfin, une enquête personnelle sur l'influence
d'Epictète 12 et des recherches en cours sur la patience et sur
la morale africaine des premiers siècles m’ont permis de repérer
quelques autres traces stoïciennes, en particulier autour des
notions d’impassibilité, de nature, de raison et de liberté 18,
Après cette autocritique, déjà discrètement apologétique, me:
permettra-t-on de mentionner deux services que cette thèse peut
rendre, sans l’avoir cherché ? D’abord elle montre, à travers les
réactions que provoque le gnosticisme, l’importance dè la place
qu’occupe ce mouvement de pensée dans le monde chrétien des
13)
premiers siècles. Depuis, les recherches en cette matière ont
considérablement progressé 14. Ce que mon travail révélait en
négatif, les spécialistes le prouvent en positif et au centuple. Les
théologiens également profitent parfois des précisions de termi-
nologie et de doctrine qu’apporte le « Stoïcisme des Pères ».
Peut-on, par exemple, saisir les conceptions trinitaires et christo-
logiques de Tertullien, si l’on ignore la portée de son voca-
bulaire et son anthropologie 15 ?
14
SOMMAIRE
INTRODUCTION
B. Religiosité. . . . - : SRET Le NA
Tendance générale - Lés sad ae cette tetidaués)
II. LE GNOSTICISME . . . 1H AD
Essence du gnosticisme - Canoe prie de Dieu et dé sad -
Conception de l’homme - Le gnosticisme, NÉE dre
A. Enseignement et propagande . . . . . a
Enseignement théorique - Enseignement obiatre:
SOMMAIRE
B. Influence générale. 50
Le stoïcisme, philosophie-type - Sa diffusion - Pénétration
dans la culture commune - Invasion de tous les domaines.
Conclusion. 53
. ÉTAT DE LA QUESTION
A. Hellénisme et christianisme.
1. Les parallèles : Les parallèles et En solutions -
Wendland et Ivanka .
2. Histoire des ee Problèmes intellectuels - ‘Rites
et croyances . : AU
3. Histoire de la pensée : Philosophie - Dogme.
B. Stoïicisme et christianisme
1. Les parallèles : La série - Quelques pin sien
sants. .
2. Histoire du sioïcisme: Histoire générale - “Histoire
d’une doctrine - L’époque romaine et le problème de
l'influence - Conclusion. re
3. Histoire du dogme : Clément de Rome et Justin - Ter-
tullien, Minucius Félix et Clément d’Alexandrie -
Conclusion. . NH PMR RS INR ARE
. LE PROBLÈME PRÉCIS
»
A. Le domaine
Ni toute la pensée stoïcienne - Ni toute la pensée chré-
tienne - Avant 230.
B. Précision sur l’expression : influence stoïcienne 74
Stoïcisme - Influence.
Conclusion . ti
A. Sur Dieu, 85
La théologie his - L'interpistation due des
dieux - Unité et nature de Dieu - Dieu dans le monde.
16
SOMMAIRE
B. Sur le monde É 90
Cosmogonie et principes premiers - L’évolutionnisme cos-
mique - La conflagration finale - La loi du monde : fata-
lité et providence. ;
C. Sur l’homme et ses activités. 95
Nature de l’âme - Génération - Survie - La fin morale de
l’homme - La vie vertueuse - Le Sage - L'activité intel-
lectuelle.
A. Critique. RE EE TR ST 101
Attaques - Attitude morale du philosophe - Idées du phi-
losophe.
Conclusion . 112
CONCLUSION 126
17
SOMMAIRE
III. CHEZ TERTULLIEN AE) PE UT NT nr PE deàcent
1. L'homme, corps et âme : son unité : Définition de l’homme
- Les deux parties - Les affirmations de l’unité - Précisions
sur l’unité de l’homme. . . . . . . . . . . +. . .
2. Précisions sur l’âme : ses facultés : L’âme et l’esprit divin
- L'esprit divin dans l’âme - Le souffle de vie dans l’âme -
L’animus dans l’âme - L’hègemonikon dans l’âme.
3. Précisions sur l’âme : ses qualités : Immortelle, mais pas-
sible - Une et simple - Corporelle - Matérialisme psycho-
Togiquers tn ere AS NE PET Etre TDR te
Conclusion
IV.= CHEZ CLÉMENT D’ALEXANDRIE .
1. Le problème du composé humain : L’homme en trois
parties - Même thèse dans les Exc. ex Theodoto - Objec-
tions RTS NES MR Re MR IR AUS CITES fe Dr Er Le
2. Précisions sur l'âme : Les parties de l’âme - L’hègemo-
nikon - Matérialisme psychologique Te le te
ConclnS ones et
V. LA GÉNÉRATION ET L’HÉRÉDITÉ
LES QUESTIONS MÉDICALES
18
SOMMAIRE
CONCIUSION 266
19
SOMMAIRE
X. DIEU ET LE MONDE
B. La Providence . DE PL A A a IE AE CU 326
Le problème - Providence universelle - Générale ou par-
ticulière - Directe ou indirecte - Le rôle cosmique des
anges chez Athénagore - Le rôle unifiant de la Providence
chez Clément d’Alexandrie.
CONCLUSION 344
A. Sa constitution . 350
1iGhez les StOICienS e MC pi ee MINES ES EU 350
2. Chez les Pères : Le Verbe et la création - La cosmo-
gonie - Précisions sur les quatre éléments - Divisions
des êtres - Les incorporels : le temps et le lieu.
I. AFFIRMATIONS . 387
To Pan: Vniuersitas - L'image du corps, emplois divers -
Le corps du monde.
22
SOMMAIRE
CONCLUSION 421
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE 435
I. NATURE DU STOÏCISME
25
INTRODUCTION
2. Platon a parlé également de l’âme du monde, mais c'était chez lui une
vue dialectique plus qu’une conception biologique de l’univers (J. MoREAu,
L'âme du monde, de Platon aux Stoïciens, Paris, 1939, p. 43, 47, 50, 52 et
passim). La notion aurait évolué en passant par Aristote (ibid., p. 140-141),
qui voit dans la physis, force intelligente, un principe immanent du mou-
yement, mais ne la confond pas avec Dieu qui reste cause première. J. BAUDRY,
Le problème de l’origine et de l’éternité du monde dans la philosophie grecque,
de Platon à l’ère chrétienne, Paris, 1931, voit aussi l’âme du monde chez
Platon comme un mouvement raisonnable qui dirige et enveloppe (p. 67-72).
De toute façon, cette âme du monde n’appartient pas au monde des Idées et
le Logos-Dieu est transcendant au monde visible.
3. « Chaque chose du Cosmos, dit E. ELorpuy, doit servir l’homme dans
ses besoins matériels. L’homme doit apporter à l’ensemble du Cosmos le
service de sa contemplation et de son émulation » (Die Sozialphilosophie der
Stoa, Leipzig, 1936, p. 18). La parenté de l’être humain avec le monde cause
et signifle le lien qui unit l’éthique et la logique à la physique.
4. Empruntée à Héraclite, la théorie du Logos, quoi qu’on en dise, est
inconnue
de Platon lui-même. Elle ne lui a été attribuée que sur la foi
d’œuvres apocryphes ou par la confusion du platonisme avec le néo-plato-
nisme. Cependant, Platon et Aristote ont pu apporter des éléments utilisés
dans cette philosophie du Logos (J. LEBRETON, Histoire du dogme de la Trinité,
des Origines à saint Augustin, t. I, Les Origines du dogme de la Trinité, Paris,
1919, p. 43-46). Pour une étude plus détaillée, cf. J. LEBRETON, Les Théories
du Logos au début de l'ère chrétienne, Paris, 1906 (Extrait des Etudes, 1906
et les travaux cités infra, p. 295-296, n. 2 et 3. ÿ
20
NATURE DU STOÏCISME
27
INTRODUCTION
il est assez attentif au XVIII: siècle. R. M. WeEnLey, Sfoicism and its influence,
our Debt to Greece and Rome, Londres, 1925, y consacre 35 pages (p. 139-174)
et insiste spécialement sur le XIXe siècle (p. 159-174). Le XVIe siècle a été
étudié par L. ZANTA, La Renaissance du Stoïcisme au XVIe siècle, dans la coll.
Biblioth. Litt. de la Renaissance, II, 5, Paris, 1914, et la personnalité de
Du Vair, en particulier, par P. MEsNARD, Du Vair et le Néo-stoicisme, in Rev.
d'Histoire de la Philos., 2, 1928, p. 142-166. Sur ce dernier, cf. encore G. Du
Vair, The moral philosophy of the Stoicks, englished by Th. James (in 1598).
Edited with an introduction by R. Kirk : Le néo-stoïcisme en Angleterre aux
XVIe et XVII siècles, New-Brunswick, 1951. Sur les XVI° et XVII siècles, cf.
M. J. Gonzacez-HapBA, Seneca en la espiritualidad española de los siglos XVI
y XVII, in Rev. Filos., 11, 1952, p. 287-302. Enfin, le XVIIe siècle fait actuel-
lement l’objet d’une série d’études du Père JULIEN EYMARD D’ANGERS. En voici
la liste, aimablement communiquée par l’auteur. Le stoicisme en France dans
la première moitié du XVIIe siècle : les origines (1575-1616), in Etudes Fran-
ciscaines, nouv. sér., 2, 1951, p. 287-298; 389-410; 3, 1952, p. 5-20; 133-154.
Sénèque et le stoïcisme chez les capucins français du XVII siècle : Zacharie
de Lisieux et Léandre de Dijon, ibid., 1, 1950, p. 337-353. Sénèque et le stoi-
cisme dans l’œuvre de Jacques d’Autun, capucin (1649, 1669), ibid., 5, 1954,
p. 45-64. Du stoïcisme chrétien à l’humanisme chrétien : les « Diversités »
de J. P. Camus (1609-1618), Meaux, 1952. Sénèque et Le stoïicisme dans l’œuvre
de Georges d'Amiens, capucin (+1661), in Collectanea Franciscana, 20, 1950,
p. 335-366. Sénèque et le stoïcisme dans l’œuvre du P. Yves de Paris, O. F. M.
Cap. (1590-1678), ibid., 21, 1951, p. 45-88. Le P. Sébastien de Senlis, O. F. M.
Cap. et le stoïcisme chrétien (1620-1647), ibid., 22, 1952, p. 286-318. Le stoi-
cisme, Epictète et Sénèque dans le développement du monde, d’après les
œuvres de Pascal Rapine de Sainte-Marie, récollet (1655-1673), ibid., 24, 1954,
P. 229-264. Le stoïcisme dans le Traité « De l’usage des passions » de l’Ora-
torien J. F. Senault, 1641, in Rev. des Sc. Relig., 25, 1951, p. 40-68. Sénèque et
le stoïcisme dans « La Cour Sainte » du jésuite Nicolas Caussin, ibid., 28,
1954, p. 258-285. Le stoïcisme chez les jésuités français du XVIIe siècle :
E. Binet (1569-1639) et R. Ceriziers (1603-1662), in Mélanges de Sc. Relig., 10,
2, 1953, p. 239-262. Sénèque et le stoïcisme dans le Traité « De l’ordre de la
vie et des mœurs » de Julien Hayneuve, S. J. (1639), in Rech. de Sc. Relig., 41,
1953, p. 380-405. Sfcïcisme et libertinage dans l’œuvre de Fr. La Mothe le
Vayer, in Rev. des Sc. Humaines, fasc. 75, 1954, p. 259-284. Sénèque et le stoï-
cisme, dans l’œuvre de F. Garasse, S. J. (1624-1625), in Rev. de l’Université
d'Ottawa, 24, 1954, p. 280-298. Sénèque, Epictète et le stoïcisme, dans l’œuvre
de René Descartes, in Rev. de Théol. et de Philos., 4, 1954, p. 169-196. Sénèque,
Epictète et le stoïcisme, dans l’œuvre d’un humaniste chrétien : le Carme
Léon de Saint-Jean (1600-1671), in Ephemerides Carmeliticae, 5, 1951-1954,
p. 476-490. Le stoïcisme d’après l’ « Hurnanitas Theologica » de Pierre Lesca-
lopier, S. J. (1660), in Bull. de Litt. Eccl., 46, 1955,p. 23-36; 147-161. Etudes
sur le stoïcisme du XVIIe siècle : L’ « Epictète chrétien » de Jean-Marie de
Bordeaux, tertiaire de S. François, in Rev. d’Asc. et de Mys., 31, 1955, p. 174-
197. Sénèque et le stoïcisme dans l’œuvre du cordelier J. du Bosc (1632, 1643,
1645), in XVIIe siècle, fasc. 29, 1955, p. 353-377. Le stoïcisme dans l’œuvre
de J. L. Guez de Balzac, in Rev. des Sc. Humaines, fasc. 83, 1956, p. 269-300.
28
DIMENSIONS DU STOÏCISME
29
INTRODUCTION
30
DIMENSIiONS DU STOÏCISME
communiqué » 10, N'est-ce pas précisément une tendance de la
sotériologie moderne, que cette insistance sur la portée cosmique
de la Rédemption ? 11.
20. Il faut noter une bonne fois que platonisme ne signifie pas nécessai-
rement doctrine propre à Platon ou caractéristique de sa pensée. L’œuvre de
Platon, dans sa richesse, contient des éléments très divers et révèle une évo-
lution. De plus, les Platoniciens se sont emparés de certaines positions du
maître, qu’ils ont souvent durcies, en particulier de cette espèce de dualisme,
qu’ils accordent parfois tant bien que mal avec l’idée d’unité. Le R. P. Fesru-
GIÈRE a montré merveilleusement cette variété du platonisme dans La Révé-
lation d’Hermès Trismégiste, t. Il, Le Dieu Cosmique, 2% éd., Paris, 1949,
ch. v, Platon, Le Timée et les Lois, surtout p. 93, 110, 131, 141, 145. À la
tendance dualiste du platonisme peuvent se rattacher, avec beaucoup de
réserves, le gnosticisme, le manichéisme et même, en passant par l’augusti-
nisme, le jansénisme. Pour le gnosticisme et le manichéisme, cf. la thèse très
32
STOÏCISME ET CHRISTIANISME
voit surgir aucune étude globale sur les liens qui unissent cette
philosophie et la théologie chrétienne des premiers siècles. Si
l'on pousse la curiosité jusqu’à tourner les pages des grands
répertoires de la pensée religieuse, la surprise s'aggrave. Ces
Dictionnaires et Encyclopédies n’offrent, sur la philosophie stoi-
cienne, que des études superficielles, rapides et fragmentaires,
incapables de satisfaire l’historien de la pensée, pour peu qu’il
soit averti du problème, Seul le monumental Dictionnaire de
Théologie Catholique de Vacant-Mangenot-Amann épargne au
chercheur cette déception. et pour cause ! C’est que le mot
« stoïcisme » n’y a pas reçu droit de cité 1. Les noms des grands
maitres de la Stoa n’y figurent pas davantage. Sénèque, Musonius,
Epictète et Marc-Aurèle, si souvent rapprochés du christianisme
depuis un siècle, y sont inconnus. Quand on songe que le même
dictionnaire consacre au Platonisme des Pères, sous la signature
de R. Arnou, un article substantiel de 134 colonnes, on est vrai-
ment surpris.
1. À vrai dire, c’est cette constatation précise qui a déclenché les présentes
recherches.
33
INTRODUCTION
LE PROBLÈME GÉNÉRAL
CHAPITRE PREMIER
LE STOÏCISME
ET LA PENSÉE PHILOSOPHIQUE
AUTOUR DU lIlI° SIÈCLE
37
LE STOÏCISME DU I SIÈCLE
A. L'ÉCLECTISME
38
LE MILIEU PHILOSOPHIQUE
réalité : nulle part on ne trouve plus, autour du Il° siècle, un
système philosophique à l’état pur 8, moins encore une pensée
créatrice.
Certains hommes et certaines œuvres sont encore plus révé-
lateurs de cette faiblesse. Philon mêle à son judaïsme des éléments
de toute provenance. « C’est le bon élève nourri de lieux com-
muns, dit le R. P. Festugière. Toute occasion lui sert de prétexte
pour répéter avec monotonie d’édifiantes banalités. Mais il n’a
aucun souci d’être conséquent avec lui-même » ?. Cette même
absence de cohérence logique transparaît dans le Peri Kosmou
du pseudo-Aristote 19, et surtout dans le Corpus Hermeticum., Le
Corpus rassemblé sous le nom d’Hermès Trismégiste et composé
entre 100 et 300, bien qu’il soit essentiellement religieux et secon-
dairement philosophique, est un témoin excellent de ce grand
imbroglio de systèmes. On y trouve des parcelles de toutes les
philosophies. On y est tour à tour optimiste et pessimiste, moniste
et dualiste. Les différents discours ne s’accordent aucunement
entre eux, ce qui est encore compréhensible, mais même à l’inté-
rieur d’un discours unique des éléments contradictoires ont
pénétré. L’idée d’un système homogène est passée nettement au
second plan.
Genres littéraires.
Au contraire, il apparaît des genres
nouveaux, typiques de l’éclectisme.
Sans doute la rhétorique a pris le pas sur la pensée; on développe
un thème pour le plaisir de l’éloquence ou de la discussion et
c’est déjà une terrible nouveauté, qui fait le succès de la diatribe.
Mais l’impuissance d’une pensée personnelle se réfugie aussi
x 39
LE STOÎCISME DU Il° SIÈCLE M.
dans la science de seconde main. « Nous sommes... à l’âge des
manuels scolaires », dit le P. Festugière 11, Ces livres de vulgari-
sation exposent les divers systèmes et présentent une foule de
lieux communs parfois contradictoires, souvent inconscients de
leur origine. La doxographie avec ses recueils de sentences 12
triomphe. On en vient même au répertoire, qui groupe des textes
autour d’un mot ou d’une idée, comme les Pères dans les flori-
lèges exégétiques rassembleront les interprétations de leurs pré-
décesseurs autour des versets successifs de lEcriture. Ces
ouvrages, fruits de l’éclectisme, ne pouvaient que ramener à
l’éclectisme. Ils fournissent à la pensée paresseuse ou incapable
une pâture hétéroclite très bien venue.
Il résulte de ce siècle de médiocrité une espèce de philosophie
commune, où tous les systèmes se mêlent sans distinction. Cette
koinè est une rapsodie de lieux communs qu’étale « tout indi-
vidu qui a participé à la ra«delax grecque », nous dirions : € qui
a fait ses classes » 13. Les diverses théories sont broyées au
creuset de cette philosophie de culture et ne parviennent qu’à
travers ce mélange au citoyen du monde hellénique.
B. LA RELIGIOSITÉ
40
LE MILIEU PHILOSOPHIQUE
et rapproche de Dieu; une mystique qui sauve 14 Un Numénius
d’Apamée en est un exemple. Ce Platonicien « transposa dans
l’intemporel, dit son biographe, la succession et tout l'arbitraire
des événements d’ici-bas 15 ». Il aspire à un contact divin qui
serait paix et repos, au-delà du monde 16,
14. « Misère et mysticisme sont des faits connexes, l’un appelle, exige
l’autre », dit le P. FESTUGIÈRE, Cadre de la mystique hellénistique dans les
Mélanges M. Goguel, Aux sources de la Tradition chrétienne, Neuchâtel-
Paris, 1950, p. 84.
15. H.-Cn. Purcn, Numénius d’Apamée et les théologies orientales...;p. 766.
16. Ibid., p. 774. « C’est un platonisme appuyé sur une sorte de gnosti-
cisme », dit l’auteur plus loin, p. 778.
17. La Révélation d’Ilermés Trismégisle, t. II, p. 478-479.
18. G. LazzAT1, Introduzione allo studio di Clemente Alessandrino, Milan,
1939, p. 41-50, étudie le milieu et explique Clément comme une réponse à
l’appel mystique du monde grec (p. 60), où l’on met la philosophie au second
plan (p. 50, cf. p. 70-71).
19. À. Kurress, Sibyllinische Weissagungen, texte et trad., Munich, 1951. Le
texte offre un mélange de judaïsme, d’hellénisme et d’hcrmétisme, essentiel-
lement religicux.
41
LE STOÏCISME DU Il SIÈCLE
Elle donne un regain de vigueur à la médecine magique. L’hermé-
tisme est le reflet exact de cette science secrète de contact avec
Dieu où entrent philosophie, théologie, astrologie, médecine,
alchimie, en un mot toute science qui peut se teinter de religion.
II. LE GNOSTICISME
42
LE GNOSTICISME
43
LE STOÏCISME DU I SIÈCLE
tion actuelle. Le monde visible est loin de le rassurer. Dans son
trouble et son insécurité, il lui semble mauvais. Il ne peut plus
être l'effet et le reflet d’un être intelligent. Comme en revanche
on ne peut mettre en doute la bonté essentielle de Dieu, on le
situe dans un lointain inaccessible, dans une transcendance quasi
absolue, étrangère à notre misère d’ici-bas. Cependant, on ne
reste pas découragé dans cette solitude malheureuse. On comble
la distance par des intermédiaires, qui contribueront à la
remontée de l’homme. On espère un salut#, qu’on attend de
soi, ou de Dieu et de sa révélation purifiante, en tout cas d’une
science supérieure 5. Alors l’homme, déjà partiellement purifié
dans l’ascétisme ici-bas, définitivement glorifié, « acquerra la
vision pure dans les noces sacrées de l’Esprit6 ». Il rentrera
dans l'unité divine. Telle est la mystique qui a jailli « de
l’angoisse inhérente à la condition humaine 7 ».
44
LE GNOSTICISME
Le dualisme est plus prononcé dans l’opposition Dieu-monde.
Le démiurge n’est pas toujours essentiellement mauvais ?, si bien
que le désordre du monde n’est pas toujours absolu. Cependant
la matière est vraiment considérée avec défiance, sinon avec
mépris, qu’elle s’appelle univers ou corps humain. Il existe. une
réelle opposition entre le Dieu qui est vüc, doublé du monde
intelligible d’une part, et le monde sensible d’autre part, où
l'esprit déchu est emprisonné,
Conception de l’homme.
Ce dualisme s'exprime surtout dans
l'anthropologie. L'homme est origi-
nellement bon et beau, de par son voÿç consubstantiel à Dieu.
Mais par ses chutes successives, il s’est dégradé jusqu’à voir ce
voüe, étincelle divine, rivé à un corps de chair, qui lui est
étranger, au milieu du monde et du temps également étrangers.
L'élément proprement surnaturel 10 est en lutte permanente avec
le composé humain victime des passions. L'homme est divisé
aussi dans ses facultés naturelles. L'intelligence est isolée dans
une situation privilégiée. Totalement indépendante du corps et
des sens, elle atteint Dieu par des visions, inconnues des percep-
‘tions extérieures et de notre démarche logique. Le monde, loin
d’être un tremplin, est un obstacle qu’il faut surmonter ou éviter
pour monter jusqu’à Dieu. Le corps et les sens sont inévitable-
ment orientés vers la matière, tandis que l'Esprit éprouve la
nostalgie de Dieu. L’âme est sans cesse partagée et déchirée
entre le haut et le bas. Le gnosticisme est « un christianisme
tragique 11 ».
45
hotel
LE STOÏCISME DU II SIÈCLE
entre le monde ou l'Esprit. Le gnosticisme est anticosmique ou
acosmique 12, Et ce rejet de la matière se répète dans le composé
humain, où la part cosmique est délaissée, sans promesse
d’au-delà : le salut, s’il se réalise, ne concerne ni tout l’homme,
ni tout homme. Il y a déchirure dans l’homme jusque dans l’âme
humaine. L’atmosphère est donc nettement antimoniste et l’on
peut ajouter antirationnelle, Plotin et le néo-platonisme, tout en
s’'échappant du monde, restent dans la ligne de la raison et
l’homme fait lui-même le chemin jusqu’à Dieu. La gnose vise à
un au-delà exclusivement mystique obtenu par des moyens plutôt
surnaturels.
Le gnosticisme apparaît ainsi clairement comme un antistoi-
cisme 13. Sans doute le stoïcisme est une philosophie religieuse
et même mystique. Sans doute encore des éléments stoïciens ont
pénétré dans le gnosticisme 14, Mais l'atmosphère est toute diffé-
rente. Le stoïcisme reste relativement optimiste devant le monde
rationnel et unifié, Le monde est pénétré par Dieu, qui en est la
cause immanente et universelle. Cette causalité s'étend à
l’homme, qui, par la connaissance, œuvre de ses sens, la retrouve
dans le clair miroir qu’est l’univers. Sur tous ces points, le gnos-
ticisme semble avoir pris le contre-pied du stoïcisme. Il est plutôt
dans la ligne d’un certain platonisme. Assurément, il ne continue
pas la philosophie de Platon 15. Il ne se confond pas même avec
le néo-platonisme. Mais on y retrouve la même tendance à diviser
46
LE STOÏCISME DU II° SIÈCLE
47
LE STOÏCISME DU II° SIÈCLE
A. ENSEIGNEMENT ET PROPAGANDE
4. Sur ces questions, cf. H.-I. Marnou, llistoire de l’éducation dans l’Anti-
quité, Paris, 1948, p. 292 et p. 534, n. 53.
5. H.-I. MarRou, Histoire de l’éducation.…, p. 286.
48
LE STOÏCISME DU II SIÈCLE
intime entre maître et élèves à la manière d’Epictète. Tantôt
encore elle devenait cercle d’études avec Cornutus. Mais sa forme
la plus scolaire et la plus officielle, qui allait s’imposer pendant
quinze et même vingt siècles, était le commentaire de texte.
On lisait et expliquait les œuvres de base du système et par là
on maintenait la doctrine des anciens. Epictète, par exemple,
choisissait les textes de Zénon, Cléanthe, et surtout Chrysippe, le
classique de l’école. I1 y ajoutait les écrits des disciples les plus
fidèles, tels Antipater et Archidème. Posidonius et Panétius ne
trouvaient grâce que devant un Sénèque. Mais avec ce dernier,
nous débordons les cadres traditionnels de l’enseignement
théorique.
49
LE STOÏCISME DU Il° SIÈCLE
fonde que l’enseignement des maîtres; mais, d’une part, elle fit
des doctrines stoïciennes une vraie philosophie populaire;
d’autre part, elle transforma le stoïcisme lui-même, par l’inter-
médiaire d’un auteur comme Sénèque, qui introduisit les thèmes
des propagandistes dans les cadres du système traditionnel. « La
doctrine du Portique, dont il se réclamait, dit A. Oltramare, a
été renouvelée par cette réintégration de tous les éléments diatri-
biques qui pouvaient y être admis 12, »
B. INFLUENCE GÉNÉRALE
50
LE STOÏCISME DU I! SIÈCLE
ciens », dit M. Caster 16, C’est neuf fois sur dix au Stoïcien que
Lucien s’attaque, quand il dénonce les systèmes. Pour ce grand
témoin, toute la philosophie « se polarise autour du Stoïcien
dévot et de l’Epicurien incrédule 17 ». Le premier est vraiment
l’'incarnation de la philosophie, au point que les deux mots:
stoïcisme et philosophie se recouvrent à peu près.
A
LE STOÏCISME DU II SIÈCLE
52
LE STOÏCISME DU Il° SIÈCLE
53
CHAPITRE DEUXIÈME
I. ÉTAT DE LA QUESTION
A. HELLÉNISME ET CHRISTIANISME
54
ÉTAT DE LA QUESTION
1. LES PARALLÈLES
55
LE STOÏCISME ET LES PÈRES
nalité du christianisme, avec H. Preisker, Fr. von G. Hertling ou
M. E. Gilson 3, avec R. Jolivet ou L. Laberthonnière 4. Tantôt,
avec A. Bauer, ou C. Jentsch, on a vu dans le christianisme le
résultat d’une évolution philosophique ou le fruit d’un certain
syncrétisme. Aucune de ces études n’apporte de renseignements
précis sur l’influence positive que la philosophie a pu exercer
sur la pensée chrétienne.
56
ÉTAT DE LA QUESTION
il ne remonte pas au-delà de l’origénisme et néglige, de ce fait,
un vaste domaine de la pensée chrétienne.
En somme, les parallèles établis entre l’hellénisme et le chris-
tianisme n’abordent même pas le problème de l'influence
stoïcienne.
57
LE STOÎCISME ET LES PÈRES
58
ÉTAT DE LA QUESTION
3. HISTOIRE DE LA PENSÉE
sans cesse dans son œuvre immense qui se répète beaucoup : Jellenistisch-
rômische Geistesstrômungen und Kulte, Fribourg-en-Br., 1943. Religions-
geschichtliches Handbuch für den Raum der altchristlichen Umwelt, Fribourg-
_en-Br., 1943 (921 pages). Der christliche Glaube und die altheidnische Welt,
Leipzig, 1935, 2 volumes de 506 et 532 pages. Jntroductio in res religiosas
hellenisticae aetatis (pro manuscr.), Valkenburg, 1932.
21. Geschichte der griechischen Religion, t. II, Die hellenistiche und
rômische Zeit, Munich, 1950, dans un ensemble intitulé Zandbuch der Alter-
tumswissenschaft, sect. V, II partie, t. II.
22. Traité d’histoire des religions, Paris, 1949. Le mythe de l’éternel retour,
archétypes et répétilion, Paris, 1949.
23. On pourrait aligner beaucoup d’autres titres. Ajoutons seulement
E. Carr», trad. H. Willman, Die Entwicklung der Theologie in der griechischen
Philosophie, Halle, 1909, dont le dernier chapitre est consacré à l’influence
sur le christianisme, mais n’apporte rien.
24. Le contrôle a été fait pour :
E. BRÉHIER, Histoire de la philosophie, t. 1, L’Antiquité et le Moyen Age, 2,
Période hellénistique et romaine, Paris, 1945.
H. Enr, Die Grundlegung der abendländischen Philosophie, griechische und
christlich-griechische Philosophie, Bonn, 1934, dans Die Philosophie, ihre
Geschichte und ihre Systematik de Th. Steinbüchel, section I ; cf. aussi
G. KarkA et H. Eisz, Der Ausklang der antiken Philosophie und das
Erwachsen einer neuen Zeit, Munich, 1928, dans la Geschichte der Philo-
sophie in Einzeldarstellungen, IL, 9.
E. Gison, La philosophie au Moyen-Age, des origines patristiques à la fin
du XIVe siècle, 2° éd., Paris, 1944; cf. aussi E. GILSON et PH. BOEMNER, Die
Geschichte der christlichen Philosophie, I, Die Geschichte der patristischen
Philosophie, Paderborn, 1936.
H. Meyer, Geschichte der abendländischen Weltanschauung, t. II, vom Urchris-
tentum bis zu Augustin, Wurtzbourg, 1947.
A. Rivaup, Histoire de la Philosophie, t. 1, Des origines à la Scolastique,
Paris, 1948, coll. Logos, Introduction aux études philosophiques.
B. RoMEYyER, La philosophie chrétienne jusqu’à Descartes, t. I, Des origines
aux Alexandrins, Paris, 1935.
M. pe Wuer, Histoire de la philosophie médiévale, t. I, Des origines jusqu’à
la fin du XIIe siècle, 6° éd., Louvain, 1934.
59
LE STOÏCISME ET LES PÈRES
25. Fr. Ueberwegs Grundriss der Geschichte der Philosophie, 1'e partie,
K. PRAECHTER, Die Philosophie des Altertums, 12° éd., Berlin, 1926; 2 partie,
B. GEYER, Die patristische und scholastische Philosophie, 11° éd., Berlin, 1928.
26. Histoire du Dogme de la Trinité des Origines à saint Augustin, t. I,
Les Origines du dogme de la Trinité, Paris, 1919; t. II, De saint Clément à
saint Irénée, Paris, 1928.
27. Les Apologistes grecs du Ile siècle de notre ère, Paris, 1912.
28. Zwei grischische Apologeten, Leipzig-Berlin, 1917. Cet auteur a exagéré
les influences philosophiques. Il a souvent été combattu.
29. De vi ac potestate quam philosophia antiqua, in prima platonica et
stoica, in doctrina Apologetarum saeculi Ili habuerunt, Gôttingen, 1859 (non
consulté).
30. Die Philosophie der Kirchenväter, Munich, 1859 (non consulté).
31. Geschichte der christlichen Philosophie zur Zeit der Kirchenväter,
Mayence, 1891. Ë
_ 32. CL. BÂumxer étudie la philosophie patristique, en particulier, dans ses
Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, Münster-en-W.
33. The Philosophy of the Church Fathers, t. 1, Faith, Trinity, Incarnation,
Cambridge, Mass., 1956. L’auteur n’examine avec attention que deux points de
comparaison avec le stoïicisme : la théorie de l’assentiment et celle des
mélanges.
34. Das Fortleben der antiken Lehren von der Beseelung bei den Kirchenvä-
tern, Borna-Leipzig, 1918 (non consulté).
35. Die Lehre vom Logos in der griechischen Philosophie, Oldenbourg, 1872.
36. Signalons A. AaLr, Der Logos, Geschichte seiner Entwicklung in der
griechischen Philosophie und der christlichen Literatur, 2 vol., Leipzig, 1896-
1899. KeNNEDY ANeT, La notion du Logos dans la philosophie grecque, dans
saint Jean et dans les Apologistes, Lausanne, 1874, À. W. ARGyLe, The
60
ÉTAT DE LA QUESTION
spécialise dans la démonologie 37. M. Pohlenz compose une œuvre
désormais classique sur la colère divine 38, Certains Pères ont
eu la faveur : Clément de Rome et Tertullien 3%, Justin dont on
souligne le platonisme 4°, Athénagore qui se voit consacrer trois
« philosophies » #1, Hippolyte #2 et surtout Clément d’Alexandrie
dont on soupèse sans fin l’hellénisme 43, Les travaux en ce
domaine sont innombrables. O. Perler a eu l’heureuse idée de
dresser un catalogue choisi des études les plus récentes consa-
crées à la philosophie des Pères #4,
Ce conspectus sommaire des travaux qui ont trait aux rapports
61
LE STOÏCISME ET LES PÈRES
de l’hellénisme avec la pensée chrétienne n’apporte que très peu
de renseignements sur l'influence stoïcienne. Redisons-le : on
s'intéresse beaucoup plus au platonisme qu’au stoïcisme et, dans
les études générales où l’on s’occupe de philosophie, c’est du
système de Platon que l’on s’inquiète.
B. STOÏCISME ET CHRISTIANISME
1. LES PARALLÈLES
62
ÉTAT. DE LA QUESTION
63
LE STOÏCISME ET LES PÈRES
stoïcisme. Du fait même, ils ne s'inquiètent guère des Pères de
l'Eglise 48, mais de la doctrine du Christ telle qu’elle s’exprime
dans l’Ecriture Sainte.
La même remarque s’applique a fortiori à deux séries de paral-
lèles d’objet limité, que nous avons laissés intentionnellement de
côté : les rapprochements Epictète ou Marc-Aurèle avec le Nou-
veau Testament 4, Sénèque avec saint Paul 5, que nous écartons
définitivement, et la comparaison entre le Sage et le Saint 51,
dont il sera question plus loin. Ces études comparées laisseraient-
elles donc intact le problème de l’influence du stoïcisme sur la
doctrine des Pères ?
48. I1 faut faire une légère exception pour J. LEIPOLDT, qui y consacre une
partie de son article (p. 153-164), pour H. PREISKER, qui étend ses rappro-
chements aux Pères Apostoliques, et pour E. ELorDuY, qui cite quelques
écrivains ecclésiastiques sur un point particulier.
49. Tu. ZABN, Der stoiker Epiktel und sein Verhältnis zum Christentum,
2° éd., Erlangen-Leipzig, 1895. K. KutPER, Epictetus en de christlijke Moraal,
Versl. en Mededeel. der Kon. Akad. van Wetenschappen, Letterkunde, 4° sér.,
7e part., Amsterdam, 1906. A. BONHOEFFER, Epiktet und das Neue Testament,
Giessen, 1911. M. J. LAGRANGE, La philosophie religieuse d’Epictète et le
christianisme, in Rev. Biblique, nouv. sér., 9, 1912, p. 5-21, 192-212. DouGras
S. SxaRP, Epictetus and the New Testament, Londres, 1914. Il convient d’ajouter
ici la bonne étude comparative de A. J. FESTUGIÈRE, Saint Paul et Marc-Aurèle,
Excursus D, dans L’Idéal religieux des Grecs et l'Evangile, Paris, 1932, p. 264-
280, parue sous le titre Sagesse et christianisme, in Rev. Biblique, 40° année,
1931, p. 401-415.
50. C’est là une vieille question qui fait l’objet d’une bibliographie abon-
dante. On y a vu d’abord une influence du christianisme sur le paganisme,
cf. A. FLEURY, Saint Paul et Sénèque, recherches sur les rapports du philo-
sophe avec l’apôtre et sur l’inflltration du christianisme naissant à travers le
paganisme, 2 vol., Paris, 1853; H. BARREAU, Quae vis fuerit christianae
doctrinae apud Senecam, Persium et nonnullos hujusce aetatis stoicos, Dijon,
1854. Par la suite on apporta plutôt au problème la solution inverse, cf.
CH. AUBERTIN, Sénèque et saint Paul, étude sur les rapports supposés entre le
philosophe et l’apôtre, 3° éd., Paris, 1872; L. BERNARD DE SAINT-AFFRIQUE,
Sénèque a-t-il été chrétien ? Etude sur les rapports du stoïcisme et du chris-
lianisme, Uhèse pour le bâce. en théologie de Montauban, 1884. La
question connaît un regain d'actualité: A. JAGU, Sain{ Paul et le stoïcisme,
in Rev. des Se. Relig, 32, 1958, p. 225-250; H. DoErRGENs, Seneca im
Gegensatz zu Paulus, ein Bericht über Th. Schreiners gleichnahmige
Arbeit, in Zeitschrift für kathol. Theologie, 64, 1940, p. 14-26; M. POHLENZ,
Paulus und die Stoa, in Zeitschrift für die Neutestam. Wissensch., 42, 1949,
p. 69-104. On s’est même réintéressé récemment à l’échange de lettres entre
Sénèque et saint Paul qui constitue le point de départ de la question.
A. MOomiGriANO fait remonter cette correspondance pseudépigraphique au
IVe siècle. Le Moyen-Age aurait accepté l’authenticité des lettres, mais n’aurait
cru au christianisme de Sénèque qu’à partir du XIVe siècle (Note sulla
leggenda del cristianesimo di Seneca, in Riv. Storica Italiana, 62, 1950,
p. 325-344); cf. aussi A. Kurress, Zu dem apocryphen Briefwechsel zwischen
dem Philosophen Seneca und dem Apostel Paulus, in Aevum, 26, 1952, p. 42-48.
51. J. BALDWIN BROWN, Sfoics and saints, Glasgow, 1893. A. BREMOND,
Le moine et le stoïcien, le stoïcisme et la philosophie du désert, in Revue
d’Ascét. et de Mystique, 8, 1927, p. 26-40. A. J. FESTUGIÈèRE, Le Sage et le
Saint, in La Vie intellectuelle, 27, 1934, p. 390-408. E. GRAMMONT, Le stoïcien
et le chrétien, thèse pour le baccalauréat en théologie de la Faculté protestante
de Montauban, 1858.
64
ÉTAT DE LA QUESTION
2. HISTOIRE DU STOÏCISME
52. In Theol. Studien und Kritiken, 53, 1880, p. 587-665. Il étudie l’influence
sur les gnostiques (p. 600-630), les orthodoxes (p. 630-646) et spécialement
Tertullien (p. 647-663).
53. Munich, 1933, xx-525 pages.
54. Evidemment cela n’exclut pas les approfondissements et la possibilité
de nombreuses études sur des points secondaires, comme la vertu de patience,
l’idée de désertion morale. etc.
55. La Logica de la Estoa, in Revista de fllosofla, 3, 1944, p. 1-65, 221-265.
Mission de la Estoa en la fllosofla perenne, in Revista de filosofia, 6, 1947,
p. 5-56.
65
LE STOÏCISME ET LES PÈRES
66
ÉTAT DE LA QUESTION
kräften von der Stoa bis zum Ausgang der Patristik 87, qui
examine attentivement la notion de logos spermatikos chez les
Pères, surtout chez saint Justin et chez saint Augustin. L'étude
que G. Verbeke a donnée du Pneuma 8 précise, avec une éru-
dition plus vaste, une notion plus fondamentale du stoïcisme,
fortement liée avec le christianisme. La littérature chrétienne
y occupe un volumineux chapitre 6 où les Pères se voient
attribuer exactement cent pages. C’est actuellement la contri-
bution la plus précieuse, sur un point précis, au problème de
l'influence du stoïcisme sur la pensée des Pères. Enfin, il faut
signaler l’étude très philosophique et personnelle de E. Elorduy,
Die Sozialphilosophie der Stoa ©, qui tient compte également des
Pères, en particulier de saint Augustin, et se place plus qu'aucune
autre sur le plan métaphysique, malgré le titre de l’œuvre.
67
LE STOÏCISME ET LES PÈRES
L'étude de P. Montée, Le stoïcisme à Rome "3, un peu postérieure,
est encore un exposé anodin, purement descriptif. Il faut
attendre l’année 1911 et E. V. Arnold avec son Roman Stoicism ‘4,
pour que trois pages soient consacrées à l’influence du stoïcisme
sur la pensée chrétienne 75.
Cependant quelques auteurs avaient déjà posé directement la
question. Dès 1863, J. Dourif dissertait Du stoïcisme et du chris-
tianisme considérés dans leurs rapports, leurs différences et
l'influence respective qu’ils ont exercée sur les mœurs T6. Il y
chantait « le bienfait inappréciable du christianisme » et notait
l'influence du message évangélique sur Epictète, Marc-Aurèle et
Sénèque. D’une tout autre veine est le travail, beaucoup plus
récent, de R. M. Wenley, Stoicism and its influence, our debt to
Greece and Rome T7. Mais l’auteur, pendant plus de cent pages,
expose l’histoire et les dogmes du stoïcisme, pour consacrer
cinquante pages à son influence, des origines au XX° siècle, et
six pages seulement au christianisme latin (p. 132-139). C’est dire
que l'influence sur les Pères est très négligée.
P. G. Chappuis y consacre plus de place, comme le sujet même
de sa thèse l’indique : La Destinée de l’homme, de l'influence du
stoïcisme sur la pensée chrétienne primitive "8, Il affronte direc-
tement le problème des relations. Après une introduction qui
rappelle l’essence du stoïcisme (p. 7-32), il étudie dans une
première partie les influences en matière métaphysique : l’idée
‘de Dieu, providence et prédestination (p. 51-70), le Saint-Esprit
et l’âme du monde (p. 71-88), le Logos et le Verbe (p. 88-106),
la fin du monde et la conflagration universelle (p. 107-111). Ces
points cependant ne sont pas examinés en eux-mêmes, mais
« considérés comme le fondement de la morale », et l’auteur
s’attache ensuite uniquement « au domaine d'élection du
stoicisme ». L'ensemble constitue un essai intéressant, mais
peu sûr,
68
ÉTAT DE LA QUESTION
f
3. HISTOIRE DU DOGME
69
LE STOÎCISME ET LES PÈRES
70
ÉTAT DE LA QUESTION
71
LE STOÏCISME ET LES PÈRES
IL LE PROBIÈME PRÉCIS
A. LE DOMAINE
72
|
LE PROBLÈME PRÉCIS
73
LE STOÏCISME ET LES PÈRES
À l'expérience se sont révélées des raisons plus sérieuses. La
période ainsi définie, de Clément de Rome à Clément d’Alexan-
drie, offre une réelle unité, Elle est, si l’on peut dire, théologique
plutôt que christologique. Quel patrologue novice n’en a pas été
frappé, voire intrigué, à la lecture ? On dirait que certains écrits
évitent superstitieusement le nom du Christ. C’est que les Pères
Apologistes, qui donnent le ton à la pensée chrétienne del’époque,
ont présenté leur christianisme aux philosophes de leur milieu,
dans la langue de leur milieu. Ils ont développé de préférence
les thèses qui pouvaient trouver audience, le monothéisme et les
questions de théodicée plus que les dogmes proprement chrétiens.
L’argumentation, comme les thèses, inspirée du contexte histo-
rique, est plus philosophique que biblique. En un mot, cette
littérature chrétienne, fortement marquée par la philosophie du
fait des circonstances, offre un terrain de choix pour l’enquête
proposée.
Il y a plus, mais cette dernière raison ne peut être qu’évoquée
maintenant. Sans doute se dégagera-t-elle au terme de ce travail.
Il nous semble bien en définitive que la philosophie où baignent
les écrivains ecclésiastiques jusqu’en 230 est plutôt stoïcienne.
Autour de 230, on le sait, le dualisme platonicien pénètre la
pensée chrétienne. On devient défiant de la matière, du monde,
du corps humain. Au contraire, jusqu’en 230, dans une atmo-
sphère d’optimisme, on voit surtout l’unité de l’homme et du
tout. Même chez un écrivain comme Clément, généralement rangé
parmi les Platoniciens, on trouve pour le monde de la matière
peu d’expressions méprisantes, L’année 230 apparaîtrait ainsi
comme une date charnière de la pensée chrétienne. Jusque-là
elle évoluerait dans une atmosphère stoïcienne. A partir de 230,
le dualisme, dans une certaine mesure inhérent au christianisme,
deviendrait dominant sous l'influence néo-platonicienne :
Le stoïcisme des Pères avant 230, ou, pour être plus expressif,
de Clément de Rome à Clément d'Alexandrie, Dieu, l'homme et
le monde, tel est le sujet,
75
LE STOÏCISME ET LES PÈRES
7. Ce mot qui vient spontanément aux lèvres a été employé par H.-I. MARRoOu,
Histoire de l'éducation dans l’Antiquité, Paris, 1948, p. 442. 11 y renvoie à
H. DAVENSON (H.-I. Marrou), Fondements d’une culture chrétienne, Paris,
1934, p. 82-83; 57-68. E. BRÉHIER parle d’une « transfusion des images stoï-
ciennes dans la conscience de l’époque » (La cosmologie stoïcienne à la fin
du paganisme, in Revue de l'Histoire des Religions, 32° année, 64, 1911, p. 2).
Le mot « transfusion » traduit très bien aussi cette pénétration inconsciente
des idées. L
8. À. J. FEsTUGIÈRE l’affirme nettement au sujet des écrits hermétiques,
exactement contemporains de l’époque ici étudiée : « Cette recherche ne sera
pas proprement une recherche de sources. À la date où paraissent nos écrits,
il serait vain de vouloir rapporter à tel ou tel ouvrage particulier ce qui est
devenu un lieu commun dans les écoles de sagesse » (La Révélation d’IHermès
Trismégiste, t. 11, p. 54). Cependant cette étude des sources est possible dans
certains cas particuliers (Tertullien, par ex.).
9. G. VERBEkE, L’Evolution de la doctrine du pneuma.…., p. 233-236, résout
ainsi l’aspect stoïcien du livre de la Sagesse.
76
LE PROBLÈME PRÉCIS
77
CHAPITRE TROISIÈME
78
LES PERSONNALITÉS
I. LE STOÏCISME ANTIQUE.
LES PERSONNALITÉS
79
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
d’autrés renseignements. Il parle souvent de Zénon, Chrysippe et
Cléanthe, mais ne nomme au contraire qu’une seule fois Posi-
donius et Panétius. L'auteur de l’Octauius, que l’on sait proche
de Tertullien, avec Zénon, Chrysippe et Cléanthe qu’il associe
deux fois, nomme Diogène de Babylone et Ariston le Stoïcien,
qu’il rapproche de Xénophon. Il signale, à côté, Théophraste, leur
ennemi, mais il connaît leur position : Théophraste, Zénon, Chry-
sippe, Cléanthe, fort peu d’accord entre eux, dit-il. Pour chacun
il donne une précision sur sa doctrine ?. Hippolyte 1° se contente
de remarques générales, mais très pertinentes. Il juge que les
Stoïciens ont fait progresser la philosophie dans le sens syllo-
gistique. Il expose leur doctrine, mais ne mentionne que les
maîtres, Chrysippe et Zénon 11, auxquels on peut ajouter Aratos.
Clément est d’une précision beaucoup plus grande, qui dépasse
même celle de Tertullien. Il connaît les thèses stoïciennes et sa
documentation est abondante sur Zénon, Chrysippe et Cléanthe.
Il est le mieux renseigné des Pères antérieurs à Origène.
9. Minucius Félix, XIX, 9-13. Ce chapitre est une petite histoire de la philo-
sophie composée à partir de notions empruntées à Cicéron, mais orientées
dans le sens concordiste.
10. Sans vouloir pour autant prendre position dans la discussion que pro-
voque la thèse de M. Nautin, nous continuerons à mettre au compte d’Hippo-
lyte le corpus des œuvres communément rassemblé sous son nom.
11. Refut., 1, 20-21.
12. 1bid., I, en-tête 5.
19-01b1di, 1; 21,1:
14. Str., V, 76, 1; I, 64, 1.
15. Str., 1, 63, 2-64, 1. Cette filiation n’est pas tout à fait celle de Diogène
Laërce, prooimion, 14, qui, dans la branche stoïcienne, de Cratès passe à
Diogène, Antisthène, Socrate, et ajoute Anaximène entre Anaxagore et Anaxi-
mandre. Le stoicisme y est bien lié au cynisme, mais indépendant de Platon.
Chez Clément, qui semble entreméler la généalogie de la Stoa avec celle de
l’Académie, il est en dépendance de Platon. Ce rapprochement des écoles se
80
LES PERSONNALITÉS
trouve chez Antiochus d’Ascalon (M. PoLenz, Die Stoa, I, p. 249-250). Voici
les deux arbres généalogiques face à face. Ë
Diogène Laërce Clément
Thalès. Thalès.
Anaximandre. Anaximandre.
Anaximène.
Anaxagore. Anaxagore.
Archélaüs. Archélaüs.
Socrate. Socrate.
Platon (Anc. Acad.). Antisthène. Platon.
Speusippe. Speusippe.
Xénocrate. Diogène le cynique. Xénocrate.
Polémon. : ; Polémorn.
Crantor-Cratès. Cratès de Thèbes. Cratès.
Arcésilaüs. Zénon de Citium. Zénon.
(Moy. Acad). Cléanthe. Cléanthe.
Lacydès (Nouv. Acad.). Chrysippe. Chrysippe.
81
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOICISME
82
LES PERSONNALITÉS
un exposé sérieux de sa cosmogonie 42, Clément d'Alexandrie est
beaucoup plus précis que ses prédécesseurs sur « Cléanthe de
Pédase, philosophe de la Stoa 48 ». Il le présente comme s’affir-
mant disciple de Zénon#. Avec Archidème, dit-il, Cléanthe
appelle les cathegorèmata des lecta 45. 11 cite de Cléanthe onze
vers extraits d’un poème moral #$ et quatre vers.d’une poétique 41,
Il rapporte son opinion sur la fin de l’action humaine #8, sur
lPâme du porc 4 et sur le soleil qu’on appelle plectre « parce
qu’il mène la lumière dans sa course harmonieuse 50 », Il signale
aussi son deuxième livre Sur le plaisir 51, Il va jusqu’à reprocher
aux Grecs de ne pas connaître ses écrits : « Mais ces auteurs
n’ont pas lu Cléanthe 52. >» Excès de sollicitude !
83
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
De l’ancien stoïcisme, les Pères connaissent encore quelques
personnages secondaires, Aratos est signalé par Théophile 61, par
Hippolyte, qui en rapporte les allégories astronomiques 62 et le
cite à travers un écrit Pérate où il est traité d’ignorant 63. Enfin,
il est longuement cité par Clément d’Alexandrie 64. Diogène de
Babylone est connu également de Théophile 65, de Minucius
Félix 66 et de Clément 67, Dans l’œuvre de ce dernier apparaît
encore Antipater le Stoïcien 68, dont Clément connaît trois livres
sur le mot de Platon : le seul bien, c’est l’honnête 62. Archidème,
enfin, y est mentionné deux fois ©. Tous les grands noms de
l’ancien stoïcisme ont défilé.
Le moyen stoicisme.
Le moyen stoïcisme connaît beau-
coup moins de faveur. Tertullien
signale sans précision les maîtres Posidonius et Panétius, au sujet
des divisions de l’âme 71, Clément rapporte leur opinion sur le
souverain bien72, C’est tout 73. Parmi les écrivains anciens
d'influence stoïcienne, Tertullien nomme, une dizaine de fois,
surtout dans l’Ad nationes, Varron T4, que connaît aussi l’auteur
du Protreptique 5, On peut ajouter un certain Denys le Stoïcien,
cité par Cicéron 76, qui régnait à Athènes vers 50 avant J.-C. 77.
64
LES THÈSES
A. SUR DIEU
1. Leg., NI.
2. Anima, XIV, 2+3.
3. Refut., I, 21. Hippolyte n’est-il pas l’auteur d’un traité Contre les Grecs
et Platon ou de l'univers ?
4. Str., II, 129, 1-10.
85
mdLE
-
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOICISME
reprises, une fois d’après Denys le Stoïcien5, une autre fois,
avec plus de précision, d’après les Res diuinae de Varron qu’il
nomme, rapporte une idée chère au système depuis Panétius:
le triple aspect de la théologie grecque f. Il appelle la divinité
successivement physique, songeant aux dieux des philosophes,
forces naturelles personnifiées, établis sur conjecture; mythique,
désignant les dieux des poètes enseignés par les fables; poli-
tique ou gentile, visant les cultes adoptés par les peuples 7. Par
la suite il réfute chaque catégorie de dieux, en précisant chacun
des trois mots-clés 8,
86
LES THÈSES
Vos philosophes sont aussi d’accord pour dire que c’est le logos, c’est-
à-dire la parole et la raison, qui est l’auteur de l’univers. Zénon le
désigne comme l'artisan qui a tout formé et tout disposé; il dit qu’on
87
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏICISME
88
LES THÈSES
89
me
©See
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
corrompent selon l’éxrüpusx, fatalement, les noms se corrompent avec
les formes, l’esprit de Dieu restant seul. Ces corps, … qui croira que : ce
sont des dieux# ?
B. SUR LE MONDE
38. Leg., XXII, cf. XVI. La même réfutation se lit chez Origène, Contra
Celsum, III, 75, éd. KorrscHAU, 1, 267, 3-19. Sur la polyonymie du Dieu
suprême, liée à ses effets multiples, cf. une série de références et de textes
dans La Révélation d’Iermès Trismégisle, du P. FESTUGIÈRE, t. III, Les Doc-
trines de l’Ame, Paris, 1953, p. 160-162.
39. Nat., II, 2, 19. Cf. II, 3, 7 où Tertullien attribue au même Varron que
« le ciel et les astres sont des êtres animés » (cf. II, 3, 11). On trouve éparses
ailleurs quelques autres marques de cette conception animiste du monde
stoïcien. D’après Clément, le Stoïcien appelle le soleil « un flambeau intel-
ligent qui vient des eaux de la mer » (Str., VIIL 4, 3). De l’avis de Cléanthe,
le pourceau a une âme en guise de sel afin que sa chair ne se corrompe pas
(ibid, NII, 33, 3), citation qui traduit aussi une conception optimiste et
téléologique de l'univers.
40. Str., V, 100, 4.
41. Ibid., 89, 5-6.
42. Refut., I, 21, 1.
43. Ibid., X, 6, 4.
90
LES THÈSES
comprise. Il parle d’un « double principe » — il ne dit pas deux
principes — « l’un actif et commençant selon la Providence »,
« l’autre passif et changeant selon la matière 44 ». On reconnaît,
gauchement présenté, le principe unique à deux faces de
l’orthodoxie stoïcienne et sa théorie de l’évolution continuelle.
La Satire d’Hermias met au compte de Cléanthe la même
cosmogonie évolutionniste : « Cléanthe, sortant la tête de son
puits 45..., m’annonce que les vrais principes, c’est Dieu et la
matière 46; que la terre se change en eau, l’eau en air, l’air (en
feu et que le feu ou bien) est porté en haut, ou bien s’avance
à la périphérie de la terre; que l’âme pénètre à travers tout
Punivers et que nous sommes animés en y participant 47. »
Tertullien attribue à Zénon la théorie que le monde est fait
d’air et d’éther, matière à ses yeux indigne des dieux #8.
L'Octauius dit plus curieusement : « L’opinion constante des
Stoïciens » n'est-elle pas que l’eau douce des fontaines ou celle
de la mer est principe de vie pour l’univers 4# ? Athénagore
semble imputer la même théorie aux Stoïciens dans le contexte
très orthodoxe cité plus haut. Après leur avoir attribué nommé-
ment certaines thèses, il parle de dieux « sortis
de l’eau » et
« d’eau principe de toutes choses 50 », Mais l’eau joue effecti-
vement un rôle primordial dans certaines théories du Portique 51.
91
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
52. Str., V, 104, 1-105, 1. Cette évolution progressive et régressive est éga-
lement attribuée à Héraclite par Philon, De aet. mundi, 108-111.
53. K. Horz, Fragmente vornicänischer Kirchenväter aus den Sacra Parallela,
Leipzig, 1899, n° 107, p. 42, 1. 175.
54. Ibid., 1. 180-181; 1. 201.
55. Ibid., 1. 201-206. On y remarque l’expression stoïcienne : le dieu qui
pénètre (ôrAxovtos) à travers la matière, cf. ibid., 1. 180-181.
56. Refut., 1, 21.
57. Les Stojiciens enseignaient la compénétration totale des corps, la
ARAt ôt6Awv (ARNIM, SVF II, 463-481, p. 151-158). Or, d’après Tertullien,
Chrysippe aurait rejeté cette théorie : « (Chrysippus)… duo in unum corpora
negauit » (Anima, VI, 8). A. D’ALÈS essaie de justifier Tertullien et tente une
explication toute différente de ce texte : « Tertullien a vraisemblablement en
vue l’opinion stoïcienne mentionnée An., 25, laquelle contestait l’animation
du fœtus dans le sein maternel » (La théologie de Tertullien, Paris, 1905,
p. 116, n. 1). J. H. WasziNK écarte cette explication et doute même que le
sujet (sous-entendu) de la phrase soit Chrysippe (p. 144).
58. Quelques allusions à cette hiérarchie : pierre, plante, âme, intelligence,
dans Clément, Str., VIII, 10, 4-8.
59. Dial., I, 5; I Apol., XIX, 5; XX, 1-2.
92
LES THÈSES
proque de toutes choses 5 ». Dieu ainsi se résout en feu et « le
même » reparaît ensuite 61. Tatien, son disciple, signale aussi
lembrasement cyclique avec retour identique : « Les mêmes
hommes dans les mêmes destinées, c’est-à-dire Anytos et Mélite
pour être accusateurs, Busiris pour égorger ses hôtes et Héraclès
pour reprendre ses combats 62. » De même Athénagore : « Ceux
de la Stoa disent que tout sera consumé et recommencera, le
monde prenant un autre commencement 68, » L’Octauius va
jusqu’à dire abusivement : c’est « l’opinion constante des Stoi-
ciens », que le monde « cessera d’être par la violence du feu,
qu’il doit s’embraser quand il aura perdu son humidité 64 ». On y
revient sans cesse dans les Philosophoumena. L'auteur signale
que c’est l’opinion « de Pythagore et de ceux de la Stoa, qui ont
pris leurs leçons chez les Egyptiens 6% ». Il mentionne que cette
conflagration se retrouve chez les Juifs 66, « Il y aura éxrüpootc
et xdOapoic de cet univers, soit en totalité, soit en partie, ajoute-t-il,
et ils disent qu’il se purifie partie par partie. Et cette espèce de
conception et de génération d’un autre être par suite de là, ils,
Pappellent xéfaæpois> ou &véoraox67. Ailleurs, il rapproche les
Stoïciens d’'Empédocle : tout est feu de feu et se dissoudra en feu.
« À cette croyance, les Stoïciens à peu près donnent leur assen-
timent, quand ils attendent l’ekpurôsis 68, » Clément d’Alexandrie,
enfin, est encore dans la même ligne, À ses yeux, pour les Stoiï-
ciens, le monde est un genéton ®%, qui évolue et s’achève dans
l’ekpurôsis, c’est-à-dire la résurrection 7, C’est vraiment la thèse
la pius souvent attribuée aux Stoïciens.
93
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
=
Stoïciens, « Dieu lui-même est esclave de cette nécessité 72 ».
Les Philosophouména apportent quelques précisions sur l’Hei-
marmenè des Stoïciens :
94
LES THÈSES
95
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
96
LES THÈSES
particulière d’un oracle naturel 86, » Dans toutes ces questions
est présent le problème des relations de l’âme et du corps, sur
lequel Clément apporte un petit complément — contradictoire —
à notre information stoiïcienne: « L’âme ne subit aucune influence
du corps; la maladie ne mène pas à la méchanceté et la santé
ne mène pas à la vertu 87. » Mais c’est l’aspect moral de la
question.
97
En
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
La fin morale Les Pères, et tout particulièrement
de l’homme, le moraliste Clément d’Alcxandrie,
connaissent aussi la fin que les Stoi-
ciens proposent à l’homme comme sa règle souveraine. Clément
rapporte un passage de Cléanthe, qui, dans son Il° livre sur le
plaisir, cite un mot de Socrate à propos du juste et de l’utile ®?.
Il sait que pour les Stoïciens la bonne action est conforme à la
raison #3. Enfin, et surtout, il sait que le terme de toute la morale
stoïcienne est la conformité à la nature, qui est Dieu en défini-
tive : « Les Stoïciens déclarent : vivre conformément à la nature
est le terme de la philosophie 94. »
Mais il nous apporte sur la définition du souverain bien un
document exceptionnel qu’il faut citer pour sa précision :
A nouveau Zénon le Stoïcien juge que le terme, c’est de vivre selon
la vertu; Cléanthe, de vivre conformément à la nature. Diogène jugeait
que le terme consiste à être bien raisonnable, attitude qui, expliquait-il,
revient à choisir ce qui est selon la nature. Antipater, son ami, sup-
pose que le terme consiste à choisir continuellement et indéfectible-
ment ce qui est selon la nature et écarter ce qui est contre la nature.
Archidème, de son côté, exposait ainsi la fin : vivre en choisissant,
parmi les objets conformes à la nature, ce qu’il y a de plus important
et de plus propre, dans l’impuissance de passer outre. Là-dessus,
Panétius encore déclarait que la fin est de vivre selon les tendances
à nous données par la nature; au-dessus de tous, Posidonius, de vivre
en contemplant la vérité et l’ordre de l’univers et en s’y préparant
soi-même dans la mesure du possible, en ne se laissant conduire en
rien par la partie illogique de l’âme. Certains Stoïciens plus récents
transmirent ceci : vivre conséquemment à la disposition de l’homme.
Pourquoi te parler d’Ariston ? Celui-là disait que la fin est l’indiffé-
rence, mais ce qui est indifférent laisse tout bonnement indifférent %,
Livrerai-je au public l’opinion d’Hérille ? Il propose, comme fin, de
vivre selon la science *,
98
LES THÈSES
99
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
100
LA PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE
A. LA CRITIQUE
mentis Alexandrini Stromatum libro VIII. qui fertur, Gôttingen, 1910, p. 40-46.
On peut rappeler d’autres travaux consacrés à ce livre VIIL : J. vON ARNIM,
De octavo Clementis Stromateorum libro, Rostock, 1894 (non consulté), et
C. De WEDEL, Symbola ad Clementis Alexandrini Stromatum librum VIII.
interpretandum, Berlin, 1905. Ce dernier dégage la part du stoïcisme, dans
les sources (p. 10-14, 16, 21, 22, 26) et dans les idées (p. 37-42).
124. L'œuvre de Clément, selon STAEHLIN, cite 27 fois les Stoïciens en matière
de logique. Or le nom de Chrysippe n’y figure que 2 fois et en dehors de
toute annonce de citation. On voit ici une étude possible : les Pères témoins
de la logique stoïcienne autour du Il* siècle. Le travail a été réalisé pour le
IVe siècle par J. DE GHELLINCK, Quelques appréciations de la dialectique et
d’Aristote durant les conflits trinitaires du IV* siècle, in Revue d’Hist. Eccl.,
26, 1930, p. 5-42, surtout p. 26-29 avec les notes, où l’auteur cite son étude
sur Chrysippe et la logique stoïcienne chez les Pères du IV* siècle, dans
Festgabe J. Geyser zum 60. Geburtstag, Ratisbonne, 1929.
1. Apol., XLVI, 4.
2r1Did-; 71:
101
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
de belles actions ? Entre celui qui édifie et celui qui détruit, entre un
corrupteur de la vérité et celui qui la rétablit dans la pureté, enfin
celui qui en est le voleur et celui qui en est le gardien® ?
102
LA PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE
s’en prend aux philosophes, pour stigmatiser leur mauvaise foi.
L’abstinence ? « Vos philosophes sont si loin de se soumettre à
cette discipline, qu’il en est qui reçoivent de l’empereur six cents
pièces d’or par an, sans utilité, pour ne pas même laisser pousser
leur barbe gratuitement 11, » Avec plus de verve encore, il
reprend :
103
LES PÈRES, TÉMOINS DU. STOÏCISME
Aristide, Plaidoyer pour les quatre, qui est la plus violente satire
17.
contre les prétendus philosophes, leur sottise et leur orgeuil
de Pruse, Lucien 18. Aulu-Gel le
On le retrouve chez Apulée, Dion
fréquemment. Hérode Atticus, raconte-t-il, voit « un
y revient
personnage, pallium, longs cheveux, barbe descendant presque
jusqu’au pubis, qui lui demande de l'argent pour du pain. Alors
Hérode lui demanda qui il était. Mais lui, prenant un air et un
ton de reproche, se dit philosophe et ajouta même qu’il s’étonnait:
pourquoi croyait-il devoir demander ce qu’il voyait ? Je vois, dit
Hérode, une barbe et un pallium, je ne vois pas encore de philo-
sophe 19 ». Lui aussi leur reproche leur bavardage et leur vantar-
dise 2, « Ces gens, dit-il, prétendent philosopher et forgent de
vaines ombres de mots », affirment ne rien désirer et ne man-
quent de rien 21. Nos Pères sont bien à l’unisson de leur contem-
porains pour dénoncer la prétention philosophique de leur
époque.
104
LA PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE
teau ?6, et continua son enseignement à la mode des philo-
sophes 27, Il nous raconte sa formation, qui est bien celle d’un
citoyen cultivé du Il° siècle. Il nous en décrit les étapes 28,
Il fréquenta successivement les Stoïciens, les Péripatéticiens, les
Pythagoriciens, les Platoniciens; mais, alors qu’il est assez précis
sur les trois dernières écoles 29, il se contente d’un mot rapide
sur son maître stoïcien : « Après un certain temps passé auprès
de lui, comme je n’ayais rien ajouté à mes connaissances sur
Dieu (il ne le connaissait pas lui-même et il disait que cette
science n’est pas nécessaire), je le quittai pour un autre #0, »
Cette remarque, qui s’oppose plutôt au témoignage de Tatien,
semble indiquer que ces philosophes, tentés peut-être par l’agnos-
ticisme, préféraient à la métaphysique la morale et l’action. C’est
l’impression que laissent aussi les autres témoins de l’époque 31,
Cette critique de la philosophie stoïcienne rejoint partiel-
lement celle de Lucien. Les Pères, comme Lucien, dénoncent
l’hypertrophie de la logique et l’orgueil moral chez ce philo-
sophe mâtiné de Cynique et de Sophiste; mais, contrairement à
Lucien, ils font silence sur la religiosité du Stoiïcien 32, sur sa
foi en la Providence et dans les oracles qui en sont l’expression.
Leur position respective explique très bien cette différence.
Lucien rencontre là « un genre d’esprit qui a le don de l’exas-
pérer » et il ne manque pas une occasion de le dénoncer 33; les
Pères, au contraire, ne pouvaient éprouver que de la sympathie
pour cette religiosité du III° siècle, mais n’avaient pas intérêt
à la signaler.
26. Dial., IX, 2; Jérôme, Vir. Ill, XXIII, PL XXII, 642 B; Eusèbe, H. E.,
IV, 11, PG XX, 330 C. É
27. I1 séjourna deux fois à Rome. Il y recevait ses disciples « au-dessus des
bains de Timothée » (Act. lustin., III). C’est ainsi qu’éclata sa querelle avec
Crescens le cynique.
28. G. BArRDY, après A. Puecn, Les Apologistes grecs du II° siècle de
notre ère, Paris, 1912, p. 48-49, signale qu’il y a là comme un genre littéraire
qui permet un certain arrangement des faits (La conversion au christia-
nisme durant les premiers siècles, collection Théologie, Paris, 1949, p. 127-133).
C’est l’expression symbolique d’une quête insatisfaite de la vérité.
29. Dial., II, 3-6; cf. IL, 1.
30. Dial., II, 3 (trad. ARCHAMBAULT).
31. Carnéade reprochait déjà aux Stoïciens de « ne rien entendre à la
théologie » (Nat. deor., III, 44), et Théophile dit de son côté : « certains
philosophes du Portique ne reconnaissent aucun dieu, ou, s’ils en recon-
naissent un, c’est un être qui ne s’occupe d’autre chose que de lui-même »
(Autol., II, 4). Mais il ne s’agit sans doute pas des contemporains. L’impor-
tance accordée à la morale n’avait pu qu’aggraver le désintéressement à
l'égard de la théologie. G. Barpy écrit : « Le stoïcisme, du temps de Justin,
n’est plus qu’un moralisme agnostique » (Saint Justin et la philosophie
stoïcienne, in Recherches de Science Relig., 13, 1923, p. 495).
32. Pour être exact, il faut dire que Lucien ne révèle cette religiosité qu’en
l’attaquant sans cesse; lui non plus ne signale pas ex professo l’évolution de
la philosophie stoïcienne (M. CastEr, Lucien et la pensée religieuse de son
temps, Paris, 1937, p. 116-117).
33. Ibid., p. 29.
105
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
B. LE TÉMOIGNAGE POSITIF
106
LA PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE
107
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
P., IL, 11, 4, p. 162, 10-11. M., éd. H., p. 99, 15-100, 1.
ravrayÿ 0è xaxdY oÙox À ametpia ravraxod ôè xaxdv oÙca à auetpiæ
mepl tac Tpovdç péntota ÔLEhÉYXE- êv voi pdhrota ve Thv Éauths
tat énmtôelxvuTaæt oUoty.
P., II, 11, 4, p. 162, 4-5. M., éd. H., p. 100, 2-4.
touc totoÿtous Jaiv n xuaSÎv Ôx ThY roùdç ôdowdyou ävri àvôpürwv
AaGpôrnta päkloy À àvôpumotc daiv À xugly OmotouévOoUus ThV
d LOLWLÉVOUG. Aa6portnta.
108
LA PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE
P., II, 15, 3, p. 165, 5-7. M., éd. H., p. 95, 4-6.
Tov vap tot fpupätuv étitTnôerdtata Toëtwy Ô Toy fBpopdtTuv Ert-
osr aùrOBev ypobar
2 :
Ündpyer :
ôiyxa TnôstéTara pèv oîc aûTéBev yproba
RUPOÇ, Êmei rai Étvorpmôotepa. Üräépyer Ôlya mupés, Enei vai
ÉTOLHÉOTATA.
109
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
Ce
Les meubles bon marché se prêtent plus facilement : «
qu'on acquiert sans difficulté, tout en s’en servant on le loue
facilement, on le garde aisément et on le partage facilement.
C’est un avantage. >» Musonius l'avait dit également.
P., II, 115, 5, p. 226, 12-16. M., éd. H., p. 112, 4-9.
ri mot'obv dtwxete Ta omdvta xa té moz'odv Btwnetar tà omdvia rai
mohuteln pd Tv Ev pLéow xal TOY modutreh Tpù Tov Év péocy xal Tov
edTerüv; OTt œyvoeite Td Üvrus edtehdv; btt Gyvoeitar ta xahè
xaïdv xai To Ovruc àyaBov, vai xai Tayald, ral ävri Toy ovrov
avri Tov Üvrwy Ti 0oxoÙvTa Tapà rà Goxoüvra cmovôdbetat napa
Tois ävoñtrots omouôateraur, toîç ävoñtotc' bonsp Ôh “ai oi
où vois pepnvoouw Êt'ionç Tà ÀEUxà patvépevor ToXdxts Eux Tà pé-
üe
€
péhava wavrabovtat. Aava vommitouastv.
110
LA PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE
111
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
112
VALEUR HISTORIQUE
Valeur de confirmation.
Souvent nos auteurs ne font que
confirmer d’autres témoignages.
Quand Athénagore 2 et Clément d’Alexandrie 3 nous disent que,
pour les Stoïciens, Dieu — ou la nature — est « le feu, qui à la
manière d’un artiste méthodiquement poursuit la création »,
nous le savions par Cicéron, par Galien, par Diogène Laërce et
par la plupart des anthologies philosophiques de l’antiquité 4.
Que Zénon ait identifié les dieux avec l’air et l’éther, comme le
veulent Tertullien 5 et Minucius Félix 6, avec la « loi naturelle »,
comme le prétend encore l’auteur de l’Octauius 7, Cicéron en
était témoin 8. L'interprétation physique des dieux, attribuée aux
Stoïciens par Athénagore ?, se retrouve presque dans les mêmes
termes chez Aèce 10, La théorie de la naissance de l’âme par
refroidissement au contact de l’air extérieur, signalée par Ter-
tullien 11 et par Hippolyte 12, est rapportée à Chrysippe par Plu-
tarque et par d’autres 18. On pourrait multiplier indéfiniment les
exemples de ces rencontres, en particulier autour des définitions
morales.
Dans ces cas, bien qu’il ne soit pas unique, le témoignage des
Pères n’est pas sans intérêt. Parfois, mais rarement, il peut
éc.airer le texte obscur d’une œuvre qui nous est parvenue :
113
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
114
VALEUR HISTORIQUE
145
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
116
VALEUR HISTORIQUE
117
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
re révrac 4, Une citation de Clément d’Alexandrie permet un
rapprochement aussi remarquable. Il s’agit d’un fragment de
Zénon Sur la République, qui se retrouve chez Plutarque et chez
Origène, où l’auteur invite à ne pas bâtir de temples en l’hon-
neur des dieux 5°, Voici les trois textes face à face :
118
VALEUR HISTORIQUE
119
Ru
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
sippe est rendue tout à fait évidente 58, » L'erreur paraît si
étrange que Otto, dans son Corpus des Apologistes, a rejeté les
mots rñç Zroëç. Mais l'indication est bien dans les manuscrits
et Chrysippe est nommé précisément dans le contexte. D'ailleurs,
Justin ne vient-il pas donner confirmation, quand il dit que son
maître en stoïcisme « ne connaissait pas Dieu 5% » ? Oui, cette
affirmation a de quoi surprendre, quand on songe à l’éclat de la
théodicée stoïcienne et de ses thèses sur la Providence. Mais nous
savons aussi l’existence d’une tendance stoïcienne contraire:
Balbus, le Stoïcien du De natura deorum de Cicéron, dit lui-même
que les dieux s’occupent des grandes choses et négligent les
petites 6, Tertullien ne signale-t-il pas une théorie stoïcienne de
la tranquillité des dieux 61 ? Si l’on se souvient en outre de l’una-
nimité avec laquelle le I°" siècle met la morale au premier plan
aux dépens de la théologie, si l’on tient compte de la tendance
agnostique de certains Stoïciens, même anciens comme Ariston 62,
et, surtout, de l’aspect matérialiste de leur physique et de leur
doctrine de Dieu, on comprend très bien que des adversaires,
platoniciens par exemple, aient porté contre les Stoïciens les
accusations dont Théophile et Justin se font l’écho.
En somme, avant de juger les Pères, il faut se souvenir que
le stoïcisme, malgré son unité foncière, est multiple; que les Stoi-
ciens, surtout, sont divers dans leurs opinions. Que dire de
l’interprétation de ces opinions ?
120
VALEUR HISTORIQUE
121
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
122
VALEUR HISTORIQUE
123
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
faute d’avoir songé au Père de l’univers, pense que celui qu’on
appelle Hypatos est l’âme du tout; c’est-à-dire que, voyant Dieu
dans l’âme du cosmos, il se transperce lui-même. En effet, il
limite la providence précisément aux régions de la lune et juge
ensuite que le monde est Dieu : il se retourne contre lui-même,
définissant comme Dieu ce qui ne participe pas à Dieu 81. »
L'attribution de ces thèses au Stagirite continue par la suite chez
Origène, Eusèbe de Césarée, Grégoire de Nazianze, Epiphane et
Théodoret 82.
Cependant, on a constaté que ces doctrines ne se lisent pas
dans l’œuvre connue d’Aristote. Pour le Stagirite, Dieu ne fait
que se penser lui-même. La notion même de providence est
inconnue et, s’il y a plus de désordre au fur et à mesure qu’on
s’écarte du premier ciel, c’est parce que les mouvements sont
plus compliqués 8%, De même l’image d’un vivant composé, où
Dieu est l’âme du monde, « est fort loin de la Pensée qui se
pense transcendante au monde 84 » dans la théologie péripatéti-
cienne, Il y a donc là une erreur, mais une erreur qui se lit déjà
dans les Placita d’Aèce et se retrouve même DE les meilleurs
commentateurs du maître 55.
Or la précision de certaines théories rapportées nous permet
d’identifier le texte d’où elles sont tirées. La citation de Clément,
qui voit dans l’Hypatos l’âme du monde vivant et attribue à Dieu
cette providence partielle, se reconnaît facilement dans le Peri
Kosmou qui se donne précisément comme un écrit d’Aristote.
Ce traité, qui fait du monde un composé dont Dieu est l’âme, à
un endroit appelle Dieu Hypatos et enseigne aussi que la provi-
dence perd de sa puissance progressivement en s’étendant
jusqu’au monde plein de trouble 86, C’est là que nos auteurs, chré-
tiens ou païens, ont puisé leur prétendue connaissance du péri-
patétisme. Mais ce traité définit l’homme, Dieu et le monde dans
un esprit éclectique, qui harmonise des données aristotéliciennes
124
VALEUR HISTORIQUE
avec des principes stoïciens, en imprégnant le tout d’une ten-
dance religieuse 87. Le P. Festugière y voit le produit de cette
Koinè spirituelle, évoquée plus haut. Pour ces raisons et pour
d’autres, il en abaisse la date jusqu’au début de notre ère 88.
A l’époque où le traité a été composé, comme à l’époque où nos
auteurs le citent, le brassage des philosophies est donc déjà si
profond que personne n’est capable de définir ou de reconnaître
l’aristotélisme authentique.
Cet exemple est significatif. D’abord il nous montre les réper-
cussions possibles d’une pseudépigraphie. Si les Pères imputent
unanimement à Aristote ces théories du monde ou de la provi-
dence, nous en savons une source certaine : le Peri Kosmou
faussement attribué au Stagirite, Cette pseudépigraphie célèbre
n’était certainement pas la seule. Ensuite, nous y trouvons un
exemple du mélange inextricable des doctrines. Dans cette con-
fusion éclectique, beaucoup d’idées versées au fonds commun ne
portaient pas d’étiquette. L'homme cultivé pouvait alors diffici-
lement se faire une connaissance exacte des différents systèmes
dans leurs limitations et leurs oppositions. En avait-on même le
souci ? On cherchait bien plus à se faire une philosophie qu’à
connaître des philosophes. Clément était de son temps quand il
déclarait : « J’appelle philosophie non pas celle des Stoïciens,
ni celle de Platon, ni celle d’Epicure, ni celle d’Aristote, mais
tout ce qui a été dit de bon dans chacune des sectes pour former
à la justice en même temps qu’à une science pieuse; c’est cet
ensemble éclectique que je nomme philosophie; mais tout ce
qu’ils ont falsifié en se l’appropriant en fait de raisonnement
humain, cela jamais je ne l’appellerai divin 8, » Aussi, là où nos
yeux de modernes voient des contradictions, peut-être les Pères
ne faisaient-ils que suivre la logique des meilleurs esprits de
leur temps.
CONCLUSION
90. Pour l'Eglise latine, le travail a été fait par G. L. ELLSPERMANN, The
Attitude of the early christian Latin writers toward pagan literature and
learning, Washington, 1949, simple collection de textes très connus, qui s'en
tient aux grands noms et n’approfondit aucunement la question. Pour latti-
tude générale de l’Eglise à l’égard de la culture profane, cf. G. Barpy, L'Eglise
et l’enseignement pendant les trois premiers siècles, in Revue de Science
Relig., 12, 1932, p. 1-28 (l’auteur étudie L'Eglise et l’enseignement au IV° siècle,
ibid., 14, 1934, p. 525-549; 15, 1935, p. 1-27), ou H. Fucus, Die frühe christliche
Kirche und die antike Bildung, in Die Antike, 5, 1929, p. 107-119. Pour Ter-
tullien en particulier, cf. J. LorTz, Vernunft und Offenbarung bei Tertullian,
in Der Katholik, année 93, 4° série, 11, 2, p. 124-140.
91. Cf. C. MERK, Clemens Alexandrinus in seiner Abhängigkeit von der grie-
chischen Philosophie, Leipzig, 1879, p. 2-16; H. Er, Die Stellung des Klemens
von Alexandrien zur griechischen Bildung, in Zeitschrift für Philosophie und
philosophische Kritik, 164, 1917, surtout p. 33-58; E. DE FAYE, De l'originalité
de la philosophie chrétienne de Clément d'Alexandrie, coll. Ecole pratique des
Hautes Etudes, Sect. de Sc. Relig., Annuaire 1919-1920, Paris, 1919, p. 1-20.
J. MetFORT a rassemblé les textes de Clément qui présentent la philosophie
comme une propédeutique (Der Platonismus bei Clemens Alexandrinus,
Tubingue, 1928, p. 7-8).
92. Sur cette thèse chez Philon, cf. H. A. WozrsoN, Philo, Foundations of
religious philosophy in Judaism, Christianity and Islam, Cambridge-Mass.,
1947, t. I, p. 143-155.
126
CONCLUSION
127
LES PÈRES, TÉMOINS DU STOÏCISME
95. M. CAStTER note que Lucien a glissé, dans son portrait du Stoiïcien,
beaucoup de traits plus traditionnels qu’actuels (Lucien et la pensée,
p. 22 sqq; p. 107-109). Il ajoute expressément : « Comme témoin d’une
époque précise, Lucien est décevant » (ibid., p. 389).
128
DEUXIÈME PARTIE
L'HOMME
CHAPITRE QUATRIÈME
LE COMPOSÉ HUMAIN
1. Apol., XLVIII, 9.
2. Orat., XV, med.
3. Autol., II, 15.
4. Ibid., II, 18.
5. Dem. p. «., 11, GRAFFIN-NAU, PO 12, p. 762. Il ne cache pas son admiration
pour l’homme : « Impossible de décrire toute la mélodie que constitue
l’homme, mélodie qui exige beaucoup de savoir » (Haer., V, 111, 2, HARVEY II,
p. 326). Ê
6. Marc., II, 4, CSEL 47, 338, 6-10. Clément d’Alexandrie souligne aussi que
Dieu a fait l’homme de sa propre main (Paed., I, 8, 1; 7, 1).
7. Oct., XVIII, 1.
8. Ibid., XVII, 11.
9. Ibid., XVII, 2.
131
LE COMPOSÉ HUMAIN :
les plus divers 10, remployé volontiers par les Pères 11, Clément
d’Alexandrie, après avoir montré toute la bienveillance que le
créateur étale dans son œuvre à cause de l’homme, présente Dieu
créant l’homme. « Jugeant que c’était là l’œuvre majeure, il
donna à l’âme sagesse et prudence pour sa direction; il combina
son corps de beauté et d'harmonie, et, pour les actions de l’huma-
nité, il inspira la droiture qui leur convient etle bon ordre qui
est sien 12, » Aussi doit-il « chérir naturellement, beaucoup plus
que le reste, l’homme, le vivant, le plus beau de ceux qu’il a
formés 13 », qui « contient en lui un philtre, c’est-à-dire ce qu’on
appelle souffle de Dieu 14 ». Il serait d’ailleurs faux de croire
que cette complaisance de Dieu, dans la pensée des Pères, s'arrête
à l’homme. L'homme est fait à l’image de Dieu, et, en définitive,
c’est à lui-même et à son Verbe que Dieu se donne. Tertullien,
dans une page où il montre Dieu penché amoureusement sur le
corps d'Adam, ajoute : « Dans tout ce que l'argile exprimait, il
voyait le Christ qui devait être homme, c’est-à-dire l’argile, et le
Verbe fait chair, c’est-à-dire alors la terre... Ce qu’il a fait, il l’a
fait à l’image de Dieu, qui est le Christ 15, »
Mais là n’est pas l’intérêt de la question. Il y a peu de philo-
sophie en tout cela. Or, c’est un fait curieux, combien les Pères
des premiers siècles se sont intéressés à l’anthropologie. Eux qui,
tout compte fait, ne se mêlaient guère de philosophie, sinon pour
un but apologétique, se sont unanimement préoccupés du pro-
blème de l’homme. La défense du dogme de la résurrection,
attaqué par les païens comme une superstition populaire, les
amenait à préciser l’idée qu’ils se faisaient de la nature humaine
et de sa destinée.
10. Les Stoïciens ont le plus exulté l’homme, en faisant de son âme, logos
relativement pur, un fragment de Dieu. Ils l’ont mis au-dessus de tous les
autres êtres dans leur admiration, Panétius en particulier (cf. M. PoHLexz,
Die Stoa, 1, p. 196), le considérant en quelque sorte comme autarcique et
transcendant.
11. Justin, { Apol., LV, 4; Cyprien, Demetr., XVI, CSEL IN, 1, 362, 16-24;
Clément d'Alexandrie, Paed., NI, 37, 1; Str., IV, 163, 1, etc. On retrouve le
même thème dans le Corpus Hermeticum. M. PELLEGRINO, dans son édition
de l’Octauius (Turin, 1947), donne une centaine de références aux philosophes
et aux Pères (p. 125-126) et renvoie à S. O. DicKERMANN, De aryumentis qui-
busdam apud Xenophontem, Platonem, Aristotelem obuiis e structura hominis
et animalium petitis, Diss. Halle, 1909. Cf. aussi M. PELLEGRINO, Sfudi sul-
l’antica apologetica, Rome, 1947, p. 22, n. 1-3.
12. Paed., 1, 6, 6.
13. Ibid., 1, 63, 1. Ce texte ct les lignes qui suivent, sur la sollicitude de
Dicu pour l’homme, sont inspirés de Chrysippe, cf. Anim, SVF I, 1116,
p. 323-324,
14. Paed., 1, 7, 3.
15. GCarn. Res., VI, CSEL A7, 9-17.
132
DES STOÎÏCIENS AUX PÈRES
1. C’est la vieille tradition grecque, cf. FR. CuMonT, Lux Perpelua, Paris,
1949, p. 350; p. 4.
2. M. PoxLeNz, Der hellenische Mensch, Gôttingen, 1947, p. 15; p. 415-418.
3. M. PouLenz, Die Stoa, 1, p. 197-199.
4. Posidonius, mieux que personne, souligne l’action du corps sur l’âme et
définit le tempérament comme nous le faisons aujourd’hui (ibid., p. 226-227).
5. 1bid., p. 86. Cf. ARNIM, SVF IL, 467, p. 151-152.
6. Tertullien dit nettement qu’il divisait l’âme en deux parties (Anima,
XIV, 2)..« Plato bifariam partitur animam », dit-il encore, et il entre dans
le détail (ibid., XVI, 1-5).
133
LE COMPOSÉ HUMAIN
134
LES APOLOGISTES
voÿs est Dieu révélé, surnaturel 16 » ; c’est l’œuvre de la grâce 17,
Certains Pères ont manifestement été influencés par ce texte de
saint Paul. Il est d’autant plus difficile de retrouver le cadre
philosophique où s’insère leur anthropologie.
Cependant, l’ensemble de l’époque révèle nettement certaines
tendances dominantes. Autour du Il° siècle, tous les Pères, sans
mettre corps et âme sur pied d’égalité, les considèrent comme
éléments communs et complémentaires d’un composé. Jamais le
corps n’y est un étranger, sinon en des expressions corrigées
par le contexte. Jamais l’homme n’y est défini comme une âme
qui se sert d’un corps. Un aperçu historique permettra de s’en
rendre compte 18,
IL LE COMPOSÉ HUMAIN
CHEZ LES PÈRES APOLOGISTES DU II: SIÈCLE
1. Philad., XI, 2.
LE COMPOSÉ HUMAIN
peut-être selon une autre tradition paulinienne?. L’apologie
A Diognète prend nettement cette dernière position et laisse appa-
raître une conception dichotomiste de l’homme, Quand elle
explique que les chrétiens dans le monde jouent le rôle de l’âme
dans le corps, elle précise, en un langage assez philosophique,
la position de ces deux parties de l'homme et attribue à l’âme
toutes les fonctions non charnelles, sans jamais faire appel à un
autre élément.
L'âme habite dans le corps et pourtant elle n’est pas du corps
Invisible, l’âme est retenue prisonnière dans un corps visible. La chair
déteste l’âme et lui fait la guerre, sans en avoir reçu du tort, parce
qu’elle l’empêche de jouir des plaisirs. L’âme aime cette chair qui la
déteste, et ses membres. L’âme est enfermée dans le corps : c’est elle
pourtant qui maintient (ouvéye:) le corps. Immortelle, l’âme habite
dans une tente mortelle. L’âme devient meilleure en se mortifiant par
la faim et la soif...
136
LES APOLOGISTES
au corps. Dieu veut cette union pour un temps, et, après, l’homme
n'existe plus, Dichotomie, dira-t-on; loin de là, l’auteur poursuit:
« De même aussi, lorsque l’âme doit cesser d’être, le Coriwxèv
nvedua s'éloigne d’elle et il n’y a plus d'âme ?. » Il y a donc une
anthropologie à trois degrés : le corps est animé par l’âme, qui
reçoit la vie de l’esprit vivifiant. L'âme humaine est engendrée et
corruptible 10, Elle ne dure qu’autant que Dieu le veut 11 et lui
départ l’esprit vivifiant, qui apparaît, malgré la terminologie
hellénique, peut-être stoïcienne 12, comme le souffle commu-
niqué au plasma d’Adam 18.
G. Verbeke rapproche ‘ces textes de la théorie de Plutarque
sur la double mort, mort:de l’homme, mort de l’âme 14, et met
en parallèle un fragment du traité justinien Sur la résurrection,
ch. x: « L’ârhe est dans le corps. Le corps inanimé ne vit pas,
n'existe plus quand l’âme l’a quitté. C’est. que le corps est la
maison de l’âme, mais l’âme est la maison du pneuma... Ces trois
principes seront sauvés chez ceux qui ont en Dieu une espé-
rance pure et une foi sans trouble 15. » Ces trois éléments
semblent bien être mis par l’auteur sur le même pied et cons-
tituer les trois parties de l’homme naturel, d’autant plus que la
troisième partie sera sauvée avec les deux autres chez les
croyants 16, C’est bien l’anthropologie trichotomiste du Dialogue
que nous retrouvons ici.
Cependant, c’est la seule fois en ce traité. Ailleurs, l’auteur
définit l’homme en termes nettement dichotomistes : « Qu'est-ce
donc que l’homme, sinon le vivant raisonnable composé d’âme
ct de corps17? » L’âme n’est pas l’homme, poursuit-il, mais
âme d'homme; le corps n’est pas l’homme, mais corps d’homme;
le composé est l’homme et ne fait qu’un 18. I1 insiste : « Le
9. Dial., VI, 2.
10, Dial, V, 4.
11. Dial., V, 3.
12. Cf. G. BARDY, Saint Justin et la philosophie stoïcienne, in Rech. de Sc.
Relig., 13, 1923, p. 505. Il s’agit peut-être de la Ewrtxh ôüvautç du feu intérieur,
qui pénètre et anime tout l’univers (cf. Cicéron, Nat. deor., II, 24-25).
13. Dial., XL, 1.
14. VERBEKE, p. 421-422.
15. K. Horz, Fragniente vornicänischer Kirchenvâter, Leipzig, 1899, n° 109,
p. 48. De l’expression olxoç yäp vo cüua Wuyñc, mveümaros ôè duyh olxos.
on peut rapprocher Platon, Tim. 30 b: Quyhv mèv év swpart, voüv d'év ti duyf.
L’ordre est exactement le même, mais l’auteur emploie pneuma au lieu de
noûs. Est-ce une raison suffisante pour y voir, avec J. M. PFAETTISCH, Der
Einfluss Plato auf die Theologie Justins des Martyrers…, Paderborn, 1910,
p. 119, une théorie stoïcienne et une influence certaine du Portique ?
16. Cf. VERBEKE, p. 422. L’auteur affirme qu’A. Puech a tort de rejeter
l’authenticité justinienne de cette œuvre sous prétexte qu’elle offre une
théorie psychologique opposée à Justin.
17. K. Hozz, n° 107, p. 45, 1. 283-284,
18. Ibid., 1. 285-289.
LE COMPOSÉ HUMAIN
138
LES APOLOGISTES
<« livrée à elle-même, s’abîme dans la matière et meurt avec la
chair ?8 », sans doute pour se perdre dans l’âme cosmique *.
Dans cette situation, on comprend que « l’homme ne soit supé-
rieur à la bête que par la parole articulée 50 ». Nous sommes en
plein stoïcisme.
Mais l’esprit hylique, que l’auteur appelle désormais l’âme, est
doublé de « l’esprit plus divin 81 » ou « esprit plus puissant 82 >.
Cet esprit se trouve « non pas chez tous les hommes », mais chez
ceux qui « vivent dans la justice », et les autres en profitent indi-
rectement 88. « Si (l’âme) possède la syzygie du divin, elle ne
manque plus d’aide. Elle monte vers les régions où la guide
PEsprit. Car la demeure de ce dernier est en haut, l’origine de
celle-là est en bas; l'esprit se fit compagnon de l’âme dès le début;
mais l'Esprit abandonna l’âme qui ne voulait pas le suivre; cette
dernière, possédant comme une étincelle de sa puissance, mais
incapable de voir les choses parfaites à cause delaséparation 34. »
Les données sont claires. L’âme de l’homme, qui peut descendre
et se diminuer, est aidée par l’esprit chargé de la sauver. « Ce
n’est pas l’âme qui vient d’elle-même sauver l’esprit, mais elle est
sauvée par lui %, » Il y a donc dans l’homme une partie maté-
rielle, faite de corps et d’âme (esprit matériel), et un élément
spirituel, si l’on peut dire, une habitation de l'Esprit dans
l’âme 36, Ces textes méritent quelques remarques. D’abord on les
sent dominés par l’idée de salut, et les thèses, comme le vocabu-
laire, exhalent un relent de gnosticisme. Mais surtout, on y
remarquera que l'Esprit n’est pas, comme chez saint Paul, lié à
l’homme, mais à l’âme seulement. Il y joue le rôle de l’hègemo-
nikon et n’est rien autre qu’un hègemonikon christianisé. Tatien
n’arrive pas à se dégager de la philosophie et reste à mi-chemin
entre le « trichotomisme stoïco-platonicien 37 » et le système de
la 7° Epître aux Thessaloniciens. Le pneuma, don divin introduit
139
LE COMPOSÉ HUMAIN
38. VERBEKE, p. 418 et 422. L’auteur ajoute : « Cette signification est restée
foncièrement la même dans la philosophie du Portique et dans la doctrine
des Ecoles Médicales à travers tout le cours de leur histoire. » Cependant,
il attribue la théorie de Tatien à la Bible : « Le souffle de vie de la Genèse
a donc été identifié par Tatien avec le pneuma paulinien qui est une partici-
pation à la vie divine*» (p. 419). I1 ne semble pas distinguer Tatien de
saint Paul.
39. Orat., XX, init. Le mot ävtovia est dans Epictète, Diss., II, 15, 4 avec
son antithétique edrov!a , II, 15, 8. Bien que liés à la théorie du tonos stoïcien,
ces mots ont valeur morale comme chez notre apologiste. Cf. ARNIM, SVF III,
471-473, p. 121-123. Nous retrouverons ces notions chez Justin, Tertullien et
Clément d’Alexandrie. Chez Justin, eürovwtepoc, 1 Apol., X, 5.
40. VERBEKE, p. 420.
41. Pour affirmer ce rapprochement entre l’âme et l’esprit, nous n’osons
invoquer le texte où Tatien dit que « les âmes dociles à la Sagesse attirent
à elles l’esprit œuyyevés » (Orat., XIIL, in fine). J. LEBRETON n’a peut-être pas
tort d’entendre non pas « l’esprit de même nature » (que l’âme), mais
« l’esprit de même nature » (que la Sagesse) et d’y voir une parenté Sagesse-
Esprit (Histoire du dogme de la Trinité, t. II, p. 491). A. Puecn adopte
cependant la première traduction (Recherches sur le discours aux Grecs de
Tatien.…, Paris, 1903, p. 126). De même J. FEUERSTEIN entend bien par
guyyevés que cet esprit intermédiaire entre Dieu et l’homme est de même
nature que l’âme, « als mit- und angeborenes, als verwandtes und innerlich
ähnliches pneuma » (Die Anthropologie Tatians…., p. 89). Cette dernière étude
mérite d’être consultée sur toutes ces questions.
140
LES APOLOGISTES
141
LE COMPOSÉ HUMAIN
52. Dans tous ces textes, âme traduit duxh. Dans un autre contexte, l’auteur
parle de pneuma, qu’il joint à aîpa, whéyma et yo, comme éléments de
l’homme qui profitent de la nourriture (ibid., VII). Pneuma désigne visi-
blement l’air présent dans le corps par le souffle et non une faculté
essentielle.
53. Leg., XXNII.
54. VERREKE, p. 416-417. L’auteur voit dans ce texte une opposition entre
mveüpa bhtuév et mveüpa »xabapôov. Pourtant il ne croit pas à deux réalités
juxtaposées : « Ce dernier cependant n’est pas. une réalité surajoutée au
pneuma psychique, mais plutôt une certaine manière d’être de celui-ci »
(p. 417). Cette réserve nous ramène presque, la terminologie mise à part, à la
position du De Resurrectione.
142
LES APOLOGISTES
143
LE COMPOSÉ HUMAIN
144
LES APOLOGISTES
145
LE COMPOSÉ HUMAIN
l'esprit peuvent être une partie de l’homme 74. » Mais si, avec
les Gnostiques, on « considère uniquement l’esprit solitaire, alors
ce qui est tel n’est plus un homme spirituel, mais un esprit
d'homme ou un esprit de Dieu 75 ». Par cette ultime précision,
l’auteur révèle sa propre hésitation : l’esprit, loin d’être une com-
posante de l’homme, n’est même pas tout à fait de l’homme, mais
reste de Dieu. ;
D'ailleurs jamais l’auteur ne dit clairement que l'esprit est
objet de salut, avec la chair et l’âme 76, mais il répète souvent
qu’il sauve et donne forme 77. C’est par l’esprit que les corps
mortels ressuscitent et obtiennent la vie éternelle 78. Par là encore
il semble bien qu’il n’entre pas dans le composé humain comme
un élément, mais comme un supplément divin.
146
LES APOLOGISTES
147
LE COMPOSÉ HUMAIN
En tout cas, l’âme a bien la forme du corps, qui en est tout entier
pénétré. Et le sang constitue le lien entre le corps et l’âme %,
nouveau signe de cette tendance matérialiste 91,
148
LES APOLOGISTES
n’est pas une partie de l’homme, mais une espèce d’habitus sur-
naturel de l’âme unique. Irénée ne veut pas davantage que les
activités de l’âme fassent figure de parties. Elles ne sont que des
accidents qui modifient la substance : « Le noûs de l’homme, son
esprit et sa pensée, et le travail du noûs, et tout ce qui existe en
ce genre, ne sont pas quelque chose à côté de l’âme; ce sont des
mouvements et des activités de l’âme même, qui n’ont de sub-
stance qu’en l’âme °7, » Enfin, de cette âme unifiée, on ne peut
séparer le corps, qui en reçoit la vie. Il en est un élément essen-
tiel : « Si le Christ n’a pas reçu de l’homme la substance de la
chair, il n’est pas fait homme non plus #8. » Et il s’en prend conti-
nueHement à ceux qui isolent la chair ®?. Si étroite est l’union, que
la sainteté de l’âme rejaillit sur le corps : « La chair, dit-il, doit
être compénétrée par la puissance de l'Esprit » et par là elle
devient spirituelle 100, Communes sont aussi la résurrection et la
rémunération éternelle. Evidemment, Irénée combat dans tout son
livre les thèses de ceux qui veulent libérer l’âme et lui permettre
d’atteindre par ce moyen un salut auquel le corps n’a pas de part.
C’est l’hérésie gnostique qui explique l’insistance d’Irénée sur
l'unité de l’âme comme sur l’unité de l’homme. C’est peut-être en
définitive pour cette raison qu’au milieu des tiraillements et
malgré les concessions, il est resté fidèle à l’anthropologie dicho-
tomiste.
Quoi qu’il en soit, l’anthropologie de base chez Irénée est bien
hellénique. La division de l’homme en deux éléments complé-
mentaires étroitement unifiés, cette faveur accordée au corps, ce
matérialisme psychologique étonnant, cette association de l’âme
au souffle universel, laissent nettement deviner des soubassements
stoïciens. Cette affirmation peut surprendre. Irénée ne passe-t-il
pas pour un auteur fortement scripturaire et spirituel ? Pourtant
l'influence du Portique est indéniable.
Ce coup d’æil sur l’anthropologie du II° siècle permet de cons-
tater qu’en ce domaine l’influence platonicienne est plus réduite
qu’on ne serait tenté de le croire. On trouve presque partout une
division de l’homme en deux éléments complémentaires, corps et
149
LE COMPOSÉ HUMAIN ‘ , g
150
TERTULLIEN
(p. 146, 161). Ces idées sont reprises dans la Révélation d’'Hermès Trismégiste,
t. III, Les Doctrines de l'âme, Paris, 1943, p. 4-5, 25, 67-68, 101, 103. Tertullien
dit explicitement : « Satis haereticos repercutiam, si argumentum Platonis
elidam » (Anima, XXIII, 6), après avoir appelé Platon « le fournisseur de
tous les hérétiques » (ibid., 5).
4. Anima, XVII, 11.
5. Marc., II, 4, CSEL 47, 338, 24-27.
6. Ibid., II, 8, CSEL 47, 346, 15-19.
7. Test. an., I, 5, CSEL 20, 135, 19-20. Minucius Félix dit de même que la
sagesse est naturelle à tous les hommes, qu’ils sont « rationis et sensus
capaces et habiles », que le « génie » est « engendré avec la formation même
de l'esprit » (XVI, 5).
8. Praescr. haer., VII, 3, CSEL 70, 9, 8.
9. Carn. Res., XLIX, CSEL 47, 102, 13-14.
10. Ibid., 101, 9-11; 19. Tertullien a toujours affirmé l’âme du Christ, cf.
Prax., XXX, CSEL 47, 287, 12-13; Fuga in pers., VII, PL IX, 111 AB; et surtout
Carn. Xti, XIII, CSEL 70, 224-225 : « Nous trouvons dans le Christ l’âme cet
la chair, exprimées en termes simples et nets, c’est-à-dire une âme âme et
une chair chair »; cf. XXIV, CSEL 70, 249, 31. Que Tertullien parle parfois
de « l’une et l’autre substance du Christ, la chair et l’esprit » (Carn. Xti, XVIII,
CSEL 70, 236, 37-41) ne constitue pas une objection. Tantôt il dit que le Verbe
a pris « les substances mêmes de l’homme, chair et âme » (Prax., XVI,
CSEL 47, 257, 7-8), tantôt qu’il y a deux substances dans le Christ : sermo-
deus et caro-homo (Prax., XXVII, CSEL 47, 281, 21-23; XXIX..., 285, 12 et
passim).
151
LE COMPOSÉ HUMAIN
11. Prax., XXX, CSEL 47, 287, 12-13 : « Carnis et animae, id est hominis » ;
Marc., 1, 24, CSET, 47, 323, 28-324, 14; IV, 37... 548, 16-17; Carn. Res., Il,
CSEL 47, 26, 12-13; 28, 12; V…., 32, 22-23; X..., 39, 7; XIV... 43, 19-20: 43,
27-44, 1; XL..., 83, 5-10; XXXII..., 71, 26-27; XXXIV..., 74, 25; XXXV..., 76, 16;
Fuga in pers., VIII, PL XI, 111 AB; Scorp., VI, CSEL 20, 157, 24; IX..., 164, 7;
XIL..., 174, 5-6; XIII... 176, 1-3; Pud., XX, CSEL 20, 268, 17-18.
12. Marc., 1, 24, CSEL 47, 324, 8-14; V, 6... 591, 20-21.
13. Scorp., VI, CSEL 20, 158, 1; Carn. Res., NII, CSEL 47, 35, 16-17; IX..,
37, 23-25; Paen., II, 5.
14. G. Esser a bien noté cette insistance sur l’unité de l’homme et sur les
échanges entre le corps et l’âme (Die Seelenlehre Tertullians…., p. 199-209).
15. Marc., 1, 24, CSEL 47, 323, 29-324, 2; V, 10... 609, 2-8.
16. 1bid., I, 24 passim; Carn. res., XIV, CSEL 47, 44, 4-6; Paen., III, 3-7 :
le corps et l’âme « ne font qu’un ».
17. Carn. Res., VII, CSEL 47, 36, 7-21.
18. Anima, LVIII, 2.
19. Carn. Res., XV, CSEL 47, 44, 26-27; cf. Apol., XLNIIIL, 4; Test. An.,
IV, 6, CSEL 20, 138, 16-17; Marc., V, 11, CSEL 47, 615, 3-8; V, 12..., 617, 10-12;
Carn. Res., VIII, CSEL 47, 37, 4-5; XV..., 44, 7 sq; XVII... 47, 19 sq; XXXIII...,
73, 8; LVI.., 115, 15-16; Pud., XIII, CSEL 20, 246, 6-8. Cf. Minucius Félix,
XI, 7.
20. Carn. Res., XVII, CSEL 47, 48, 4-21.
152
TERTULLIEN
gium) », car « ce qui se fait dans le cœur se fait par l’âme, dans
la chair, avec la chair et par la chair. Tant il est vrai que même
la pensée sans réalisation et sans effet est un acte de la
chair 21 ». Et l’auteur rappelle que les pensées se traduisent par
le visage et par le corps 22. Quelle que soit la place de l’hëge-
monikon, la chair est tout entière « le cogitatorium de l’âme 23 ».
Toute activité, jusqu’à la simple pensée, est œuvre commune du
corps et de l’âme.
21. Carn. Res., XNV.…, 44, 14-22. Cependant ailleurs Tertullien diminue la
culpabilité du corps contre ceux qui le mépriseraient (Anima, XL, 2-4). Il admet
même que l’âme puisse commettre des péchés par pensée « sans l’association
du corps », sans l’attendre, pour justifier qu’elle soit punie sans attendre
la résurrection de la chair (Anima, LVIIIL, 6). Dans tout le De anima (surtout
ch. xxvux et xLix), il charge l’Ââme. Mais nous en savons parfaitement la
raison, si nous songeons à ses destinataires. Pour les Gnostiques, ce n’est
pas l’âme qui pèche. Libérée du corps, elle ne pèche plus. « C’est contre
cette doctrine, dit le P. FESTUGIÈRE, que s’élève Tertullien. Ici, comme partout,
ce sont les hérésies dualistes qu’il a en vue. Le péché est le fait de l’âme :
voilà le dogme chrétien » (La Révélation d’Hermès Trismégiste, t. II, p. 103)
et le Père ajoute : « Tertullien insiste sur le rôle et la responsabilité de
l’âme dans le péché. Non tamen suo nomine caro infamis (XI, 2) : ceci est
la contradiction directe de la doctrine dualiste » (ibid., p. 103). C’est dans
ce seul contexte que Tertullien veut donner à l’âme une relative indépendance.
22. Carn. Res., XV, CSEL 47, 45, 3-4.
23. Ibid., 44, 22-26.
24. Carn. Res., XL, CSEL 47, 83, 5-10. Fibula, copula, ce sont les termes
employés par Novatien pour désigner le rôle du Christ dans les deux natures.
Confibulat (Trin., XXII, Fausser, 86, 2); copulat (ibid., 86, 4).
25. Carn. Res., XLV, CSEL 47, 92, 3-8.
26. Ibid., XNI..., 46, 25-26.
27. Ibid., XV... 44, 7-10.
153
LE COMPOSÉ HUMAIN , ë
blage (concretionem) de substances sœurs ?8 ». Le lerme
societas revient souvent 2. Parfois frater est appliqué aux sub-
stances 30, Parfois encore le corps est un serviteur 31, un instru-.
ment, un vase #2... Malgré la faiblesse de ces images, Tertullien
ne renie en rien « l’unité de nature », où le corps est corespon-
sable, bien que l’âme joue le premier rôle 83.
Tertullien va jusqu’à établir, entre le corps et l’âme, une rela-
tion réciproque de quasi-égalité. « La chair, dit-il, est la maison
de l’âme, et l’âme, l'habitant de la chair 34. » Il dit que Dieu
« plaça » l’âme dans le corps, mais il se reprend : « La plaça ou
plutôt l’inséra et la mélangea à la chair. Si intime en vérité est
leur assemblage, que l’on peut se demander si la chair entoure
l’âme ou l’âme la chair 3 et si la chair obéit à l’âme ou l’âme à
la chair. Mais bien qu’il vaille mieux croire que l’âme est intro-
duite et tient le commandement en tant que plus proche de Dieu,
cet avantage aussi rejaillit en gloire sur le corps, qui contient
celle qui est plus proche de Dieu et la rend précisément capable
d’exercer le commandement 36, » Plusieurs fois est revenue l’idée
de mélange. Elle est la clé du problème. Tertullien semble bien
admettre le mélange et le mélange total, complet, entre le corps
et l’âme, par compénétration mutuelle, la pi£re &v'6Aov 37. Ici encore
il suit les Stoïciens 58 et cette théorie laisse deviner son matéria-
lisme psychologique.
154
ER TERTULLIEN
155
LE COMPOSÉ HUMAIN
47. Marc., II, 9, CSEL 47, 347, 15-19; cf. Anima, XXIV, 2. J. H. WASZINK
croit retrouver cette doctrine flatus-spiritus dans le De censu animae (cf.
De anima, XI, 2). Elle remonterait donc à la controverse de Tertullien avec
Hermogène (p. 14*).
48. Marc., Il, 9, CSEL 47, 345, 24 - 346, 4.
49. Ibid., 346, 7-19.
50. Ibid., 347, 7-8.
51. Carn. Res., VII, CSEL 47, 35, 25-26.
52. La distinction flatus-spiritus n’empêche pas Tertullien d’appeler parfois
l’âme spiritus (Anima, X, 9; Bapt., IV, CSEL 20, 204, 22-24 : « Spiritus.…
dominatur, caro famulatur. Tamen utrumque inter se communicant reatum,
spiritus ob imperium, caro ob ministerium » et passim). Il dit que les
mauvais plaisirs « in ipso spiritu et anima digeruntur » (Spect., XIII, CSEL 20,
16, 2-4), et retrouve même l'expression philosophique TVEÜRX GUHOUTOV
« Spiritus insitus corpori » (ibid., II, CSEL 20, 4, 1). Evidemment, il ne
l’appelle jamais « esprit divin ».
53. Anima, XXI, 2.
156
TERTULLIEN
157
LE COMPOSÉ HUMAIN
64. Carn. Res., XL, CSEL 47, 83, 3-5: cf. XLIIL... 89, 16; XLIV.…., 90, 2.
65. Ibid., XL, CSEL 47, 83, 10-20. IL donne un tout autre sens à l’expression
homo interior dans Anima, IX, 7-8.
66. Les deux manuscrits de base portent ici non: quo non agit; mais
J. H. Waszink supprime la négation avec raison.
67. Anima, XII, 1.
68. Anima, XII, 6. Il emploie encore le mot instrumentum (ibid., XII, 3).
69. Ibid., XII, 3-4.
70. Ibid., XVI, 3.
158
TERTULLIEN
159
LE COMPOSÉ HUMAIN
160
TERTULLIEN
161
LE COMPOSÉ HUMAIN
« L'âme possède une espèce de corps propre %3. » Mais à cette
réserve près, il attribue souvent à l’âme cette corporéité, dans ses
divers ouvrages, plus ou moins discrètement %4, Dans le De carnis
Resurrectione la théorie est nettement formulée : « Pour notre
part, ici encore, nous déclarons l’âme corporelle, et, dans le
volume qui lui est consacré, nous l’avons prouvé : elle possède
son genre propre de consistance, qui lui permet de sentir et de
souffrir quelque chose #5, » Les philosophes ne lui donnent pas
raison en un sens, puisqu'ils jugent l’âme faite des substances
élémentaires, feu, eau, sang, souffle, air, lumière... 96, tandis qu’il
la fait descendre de Dieu, mais, avec eux, il range bien l’âme
dans cette matière universelle, telle qu’il l’a définie °7,
11 semble de temps en temps, après Tatien, appliquer à l’âme,
comme il convient aux corps, la théorie physique du +évos, selon
laquelle l’âme a plus ou moins de consistance et donc de vigueur,
suivant son degré de tension. Il connaît la thèse stoïcienne, qu’il
rapporte avec exactitude au sujet du sommeil : « Les Stoïciens
affirment que le sommeil est une détente de la vigueur des
sens %8, » Mais voici qu’il la prend à son compte et définit le
sommeil dans les mêmes termes %, Veut-il expliquer l’opinion qui
prête aux songes du matin plus de vérité, il suppose qu’à cette
heure « la vigueur des âmes déjà revient à la surface 100 », Enfin
il croit qu’à la mort, il se fait une détente et cette resolutio
allonge les nerfs 101, À la lumière de ces textes, peut-être faut-il
donner le même sens technique au mot uigor dans des expres-
sions moins claires. Tertullien, expliquant que le corps compatit
avec l’âme, écrit : « Qu'elle soit affligée de souci, d’angoisse,
d'amour, il partage son mal, par la diminution de la vigueur
dans l’union 102, » 11 semble bien dire qu’il se produit un affai-
blissement du fonos dans l’âme associée au corps. Au contraire,
pour justifier que l’âme ne change pas substantiellement avant le
moment précis de la mort, il affirme qu’il y a changement non
pas d’essence, mais d’activité, altération non de la vigueur, mais
162
TERTULLIEN
de l’agir 1%, Une théorie du tonos éclaire assez bien ces posi-
tions de Tertullien,
Autre signe de son matérialisme psychologique, il accepte, au
moins ad hominem, que les artes soient matérielles et soient la
nourriture matérielle de l’âme corporelle 104, Il admet que l’âme,
bien qu’elle ait sa nourriture propre 105, soit nourrie d’éléments
matériels ex causa necessitatis, sinon par convenance propre 19%,
Et ïil expose avec sympathie les thèses stoïciennes en ce
domaine 107,
Tertullien a tenté de prouver sa thèse, La preuve, comme
chez Irénée 108, c’est d’abord la parabole du Mauvais Riche dont,
l’âme est détenue dans un lieu et tourmentée dans ses membres.
Donc, d’après l’Ecriture, l’âme est localisée, passible, corpo-
relle 109, T1 y revient plus loin : « Ainsi le riche aux enfers a
une langue et le pauvre un doigt et Abraham un sein 110, » Et il
ajoute dans un autre traité : « Que déjà maintenant les âmes
sont tourmentées et chauffées aux enfers, bien que nues, bien
qu’éloignées de la chair, l’exemple de Lazare le prouvera 111, »
Mais une raison philosophique renforce sa démonstration. C’est
le principe stoïcien, qu’il adopte : nihil enim, si non corpus !?,
principe qui établit la corporéité de toute réalité 118, Une preuve
d’Ecriture et une preuve de raison, c’est une argumentation
qui reflète bien les méthodes de l’époque.
Tertullien répond aux objections de manière organisée au
chapitre vi du De anima. Que tout corps est mû, que l’âme ne
l’est pas 114, que l’âme n’est connue que par les puissances intel-
lectuelles 115, que l’âme se nourrit de substances incorpo-
relles 116, que l’âme ne pourrait coexister dans un autre
corps 117, Tertullien réfute ces objections, surtout platoni-
ciennes, point par point. Il répond à d’autres objections dans
165
LE COMPOSÉ HUMAIN
le même traité : que l’âme n’a pas toutes les propriétés des
autres corps 118, que le corps augmente de poids après le départ
de l’âme 119, que l’âme est invisible 120, Aïlleurs, encore, il se
dit que ce « qui a corporéité propre se suffira pour la faculté
de-la passion et des sens, sans avoir besoin de la représen-
tation de la chair 121 >»; en d’autres termes, si l’âme est corps, à
quoi sert le corps ? Mais il répond : « Bien qu’elle ait un corps,
bien qu’elle ait des membres, ceux-ci (pour l’âme) ne suffisent
4
pas plus à sentir qu’à agir en perfection 122, »
164
TERTULLIEN
165
LE COMPOSÉ HUMAIN
166
CLÉMENT D'ALEXANDRIE
2. Paed., I, 100, 3.
3. Str., III, 68, 5. Saint Cyprien aboutit à la même conclusion en commen-
tant les mots du Pater : « Fiat uoluntas in caelo et in terra ». Il explique
que la volonté divine doit se réaliser dans tout l’homme, son corps qui vient
de la terre, son esprit qui vient du ciel, et il évoque, dans la ligne pauli-
nienne, la lutte qui oppose chair et esprit. Il ajoute qu’ainsi sera sauvée
lâme qui renaît par l’esprit (Dom. Orat., XVI, CSEL III 1, p. 278, 8-18).
Chair, âme, esprit, c’est peut-être la même division de l’homme.
4. Str., VI, 135, 1-136, 2. }
5. Cependant il distingue le logos du noûs quand il s’agit de modes de
connaissance (Str., II, 50, 1). Le logos perd alors, en quelque sorte, son sens
essentiel, pour désigner une activité, une fonction.
6. Str., VI, 136, 4. Cf. la division : r@ ve hyemovix® To te ÜÔnoxetpévo (ibid.,
134, 1).
7. Ibid., 134, 2.
8. Ibid., 1I, 42, 6.
9. Ce terme vxù mayumenés est employé dans une citation gnostique pour
désigner l’esprit hylique (Exc. ex Theod., 47, 3). On le retrouve avec ATTOMEPÉS
chez Buasilide. Ces termes sont familiers aux philosophes. Par exemple, le
167
LE COMPOSÉ HUMAIN
premier chez Zénon (Diogène Laërce, VII, 142); le deuxième chez Epicure
(ibid., X, 63) et Sextus Empir., Adu. math., VII, 374.
10. Str., VI, 52, 1-2.
11. Ibid., 11, 114, 2
12. Exc. ex Theod., 54, 2. Mais rappelons aussitôt combien il est difficile
de distinguer dans cet écrit la part des Gnostiques et celle de Clément.
13. Ibid., 55, 1.
14. Ibid., 61, 1-2.
15. Ibid., 59, 3-4; 62, 2.
16. Ibid., 50, 1-3.
17. Ibid., 51, 2-3.
18. En fait, il y a donc trois éléments dans l’âme, puisqu'elle comporte
encore un élément pneumatique (53, 2-54) « qui se juxtapose au pneuma
(humain), comme le pneuma (humain) est juxtaposé à l’âme » (17, 4).
A l’ensemble, il faut naturellement ajouter la chair visible (55, 1). Dans ce
contexte gnostique, les mots « âme divine » couvrent tantôt l’élément psy-
chique, tantôt l’élément pneumatique : Geia yap äpvow, dit l’auteur (55, 2).
Cf. éd. F. M. M. SacnaRD, Extraits de Théodote, coll. Sources Chrétiennes,
Paris, 1948, p. 164-169, ou l’étude du même, La Gnose Valentinienne et le
témoignage de saint Irénée, Paris, 1947, p. 528.
168
CLÉMENT D'ALEXANDRIE
Les Excerpta montrent encore que le psychique est dans le
choïque, « non pas partie par partie, mais présent tout entier
au tout, par une puissance indicible » de Dieu. Ils établissent
comme trois cercles concentriques : la chair, qui contient l’âme
matérielle, qui est elle-même le corps de l’âme divine 1?, idée que
nous avons rencontrée, exactement identique, dans le traité justi-
nien sur la résurrection.
169
LE COMPOSÉ THUMAIN
170
CLÉMENT D'ALEXANDRIE
172
CLÉMENT D'ALEXANDRIE
le corps. L’hègemonikon, de son côté, détient la puissance
d'option, avec, autour, la recherche, la connaissance et la gnose.
Mais l’attribution de tout à l’unité est réalisée par l’hégemonikon,
et, à cause de lui, l’homme vit et vit d’une certaine manière, Donc
par l'esprit somatique l’homme sent, désire, jouit, se fâche,
se nourrit, s'accroît. Mais surtout, dans les actions qui concernent
la connaissance et l'intelligence, c’est par lui qu’il procède, et,
quand il commande aux désirs, l’hègemonikon règne 61, »
L'aïoôno1. qui paraît l’opposé de cette fonction intellectuelle,
est cependant aussi liée à l’hègemonikon. Les sens y aboutissent,
puisqu'il est « l’entrée de l’âme pour les sens 62 ». De plus, la
sensation est pénétrée de logos. « Un cheval et un chien, dit
Clément, n’ont aucune idée du parfum, mais chez ceux qui ont
des sens plus pénétrés d’intelligence, on peut mieux blâmer
cette jouissance, quand ils cherchent des odeurs bonnes pour :
des filles 63. >» CI. Mondésert peut dire, en interprétant le Péda-
gogue : « En chaque homme, toutes les facultés, toutes les acti-
vités et les vertus, tous les sentiments sont sous l’influence de ce
rù Aoywxôv, c’est-à-dire imprégnés d'intelligence et d’esprit 64, »
Par ce détour, l’unité de l’âme sous l’autorité de l’hègemonikon
est rétablie.
Après avoir adopté la dichotomie psychologique des Platoni-
ciens et tout en distinguant, dans le texte même, d’une part un
pneuma charnel ou somatique, qui se confond avec la puissance
vitale et toute la vie affective, d’autre part un hègemonikon intel-
lectuel et moral, Clément revient à l’unification de l’âme sous
la domination de cette dernière faculté, puisqu'il lui attribue
l’existence même du vivant, l’animation de la partie alogique et
le contrôle des perceptions. C’est à cause de lui que l’homme
« vit et vit d’une certaine manière ». Cette unification de l’âme
autour de l’hégemonikon est une thèse bien stoïcienne, que nous
avons reconnue chez Tertullien. Pour les Stoïciens aussi le
pneuma est la source de toutes les manifestations de la vie et
l’hègemonikon, bien qu’il ne soit que l’une des huit parties de
l’âme, fait vraiment fonction de centre vital, point de départ et
terme du courant pneumatique 6. Il ne faut cependant pas
173
LE COMPOSÉ HUMAIN
66. CL. MonDÉserRT dégage parfaitement ce sens des mots }dyos et hoytréc
chez Clément d’Alexandrie, Vocabulaire, p. 261-263.
67. Str., VIL, 79, 6.
68. Ibid., VI, 136, 1.
69. Jbid., 135, 3; 136, 2.
70. Ibid., VI, 52, 1-2 : ci-dessus, p. 167-168.
71. Ibid., NI, 163, 2.
72. 14, 1-4. Saint Cyprien reprend le texte biblique, Ep., LIX, arr, 3, éd.
BaAyARD, p. 171. Il dit que le riche souffrira au feu de l’au-delà, surtout dans
sa bouche et dans sa langue, par où il a péché, mais il ne révèle pas de
théorie philosophique sur la corporéité de l'âme. Clément évoque ailleurs le
même texte (Paed., II, 105, 1), mais ne fait aucune considération sur la
survie.
73. Paed., 11, 11, 1; cf. 18, 3.
174
CLÉMENT D'ALEXANDRIE
les sensations 74, Il s'oppose au vin surtout, qui excite les mauvais
penchants et développe démesurément les parties et les seins,
jusqu’à aggraver « la blessure de l’âme 75 ». L’âme se corpora-
lise T6 — ji] veut dire se matérialise — par les vapeurs du vin 77.
Dans le contexte il veut que l’âme évite la boisson, « pour être
pure, sèche et lumineuse » et il cite le vieux principe d’Héraclite:
« L'âme sèche est la plus sage et la meilleure 78. » En un mot,
€ l’abus de nourriture engendre dans l’âme, le malaise, l’oubli et
la déraison 79 ».
Mais certains de ces textes semblent sous-entendre une théorie
du fonos. On sait que Clément connaissait cette explication de
la physique stoïcienne. Dans une étude philologique du terme
sphinx, il déclare : « Sphinx n’est pas le lien du tout et l’enve-
loppe du cosmos, au sens du poète Aratos, mais il pourrait bien
être le fonos pneumatique pénétrant (Stmxwv) et tenant ensemble
.ouvéxwv) le cosmos 8, » Ne s’en serait-il pas inspiré, après Ter-
tullien, dans ses considérations sur l’âme ? Il dit que le régime
alimentaire « ne doit pas faire baisser le tonos 81 », Il conseille
de ne pas « dissoudre le tonos de l’âme dans la bonne chère et
les relâchements que provoquent les boissons & ». Enfin, il
déconseille les bains chauds et fréquents, parce que leur humidité
pénètre les corps, « abat les facultés, et détend les tonoi phy-
siques, souvent même entraîne des affaiblissements et des dépres-
sions 88 ». La théorie évidemment a pris, plus que chez Tertul-
lien, une teinte morale, qui n’est d’ailleurs pas étrangère au stoi-
cisme, mais Clément, sans en voir peut-être toute la portée phy-
sique, continue à s’en servir.
84. On aurait tort cependant de suivre P. BART, qui, après avoir consacré
cinq pages à l’ensemble du stoïcisme des Apologistes, déclare péremptoire-
ment : « Ce que les Apologètes savent en fait de psychologie est stoïcien »
(P. BART
- À. GOEDECKEMEYER, Die Stoa, 6° éd., Stuttgart, 1946, p. 273).
176
CHAPITRE CINQUIÈME
LA GÉNÉRATION ET L’HÉRÉDITÉ.
LES QUESTIONS MÉDICALES
7e
QUESTIONS MÉDICALES
pneumatologie, mettent en avant le rôle du pneuma, qui devient
souverain. Pour eux, l’homme tout entier est transmis par le
sperme, sang écumant, qui, avec son élément humide, comporte
essentiellement un pneuma et résime en lui toutes les puis-
sances physiques et morales du générateur 3, Ce sperme, seul
reproductif, fournit donc corps et âme. Cependant son preuma
semble entrer en composition avec une espèce de pneuma
féminin sans sperme“, si bien que le principe vital de
l'embryon provient en un sens des deux parents et que l’héré-
dité, même maternelle, s’explique facilement. Cette solution du
problème de l’hérédité est une des conquêtes du stoïcisme 5.
Puisque le principe vital est transmis avec le sperme, on
peut parler d’un pneuma oûpurov ou œquoixév. Cependant, dans
l'embryon, il n’est source encore que de vie végétative et joue
le rôle de physis 6. Avec la matière humide du sperme paternel,
il constitue le corps de l’enfant, nourri par le sang de la mère 7.
Plus tard, dans l’enfant, il entre en contact avec l’air extérieur,
qui le refroidit 8 et le purifie par le jeu de la respiration. Il se
fortifie aussi par les vapeurs du sang chaud. Il engendre la vie
instinctive, qui est dominante chez l’enfant, comme Panétius l’a
dégagé®. Mais un peu à la fois, ce preuma devient une âme
proprement dite avec sa vie personnelle. Les quatre instincts
sont alors dominés par la raison, qui leur donne, par le travail
de la owpostvn, leur orientation et crée l'unité de l’âme.
Au terme de l’évolution, le logos est constitué : l’enfant a qua-
torze ans environ10, En même temps le feu artiste contenu
dans le pneuma poursuit son rôle créateur et modèle le corps.
3. Ce point est controversé. Admis par M. PouLenz, Die Stoa, I, p. 86, il est
combattu par E. Lesky, p. 167. On retrouve cette théorie chez Hippocrate,
De nat. pueri, 1, LiITTRÉ VII, 470-471 : « Le sperme masculin vient de tout
l’humide du corps » ; III, LiTTRÉ VII, 474-475 : « Je dis que le sperme vient de
tout le corps, des parties solides comme des parties molles et de tout
l’humide du corps. »
4. On constate ici un certain flottement. E. Lesky réduit la femme à un rôle
purement passif (p. 168); de même M. Poncenz, Die Stoa, I, p. 86. Cependant
ce même auteur admet une espèce de pneuma et exsudat féminin (ibid.)
et J. H. WaAsziNK le fait entrer nettement en composition avec le preuma
du sperme masculin pour donner le pneuma unique de l’embryon (p. 344).
Sans doute le désir de résoudre le problème de l’hérédité poussait-il les
Stoïciens à grossir plutôt le rôle de la femme (E. Lesky, p. 170).
5. E. Lesky, p. 172.
6. D’où l’avortement est admissible : il n’y a pas meurtre d’homme;
cf. M. PoxLeNz, Der hellenische Mensch, Gôttingen, 1947, p. 384-385.
7. ARNIM, SVF 1, 128-129, p. 36; II, 741-747, p. 211-212.
8. Aucun Père n’a pris cette thèse à son compte. Au dire d’Hippolyte, les
Docètes en auraient gardé un reste. Il leur prête la théorie que les âmes
Le _ idées venues « des régions supérieures et refroidies » (Refut., VIII,
10, 1).
9. M. PouLenz, Die Stoa, I, p. 200-201.
10. Tel n’est pas l’avis de tous les Stoïciens. :D’abord les textes ne per.
mettent pas de déterminer l’âge avec précision. Il est question tantôt de
178
LES APOLOGISTES
179
QUESTIONS MÉDICALES.
de Dieu 5. » Il n’y a pas eu de commerce charnel 4. Que l’homme
ordinaire soit, en revanche, lié au développement vital du
cosmos, c’est une idée que nous retrouverons.
« Irénée ».
« Irénée » apporte une indication
encore plus précieuse, qui sera
reprise par Tertullien : la simultanéité des deux éléments dans
la génération. « L'âme, dit-il, n’est pas antérieure au corps dans
son existence; ni le corps avant elle dans sa formation, mais ces
deux éléments datent du même moment 8. » Telles sont les notes
bien vagues et diffuses qu’apportent sur la génération les Pères
antérieurs à Tertullien.
150
TERTULLIEN
1. LA GÉNÉRATION
181
QUESTIONS MÉDICALES
il parle des bêtes étouffées qui n’ont pas perdu leur âme parce
que leur sang n’a pas été répandu. Il ne conçoit pas l’un sans
l’autre. C’est la vieille théorie du sperme hématogène admise par
Aristote.
La position est nette quand il s’agit de décrire le phénomène
de la génération. Selon Tertullien le sperme masculin est trans-
porté dans l'utérus, où il coagule le sang féminin pour faire
l'embryon 7. L'auteur nous révèle cette théorie surtout en négatif,
quand il veut écarter de la naissance du Christ toute interven-
tion masculine. Le Christ, dit-il, est né sans le semen uiri 8, sans
aucune intervention de la puissance masculine ?. Mais il précise.
Il n’a pas voulu « de la matière séminale, c’est-à-dire manifeste-
ment la chaleur du sang, qui se fait écume pour coaguler le sang
féminin® ». C’est donc que la semence de l’homme, du sang
chaud mis en ébullition, solidifie habituellement le sang de la
femme, comme la présure le lait, et que ce sang entre ainsi en
composition. Ailleurs il s’en prend à Marcion, encore au sujet
du Christ, et évoque pour lui « les impuretés des éléments de
la génération dans l’utérus, (à savoir) le liquide et le sang, la
coagulation repoussante de la chair, qui se nourrit pendant
neuf mois de cette même fange... 11 ». On retrouve bien l’idée que
Tertullien se fait de la génération commune : l’union du sperme
et du sang féminin se durcit en forme humaine par le coagulum.
Le Christ s’est passé du coagulum initial, en prenant la chair sans
la semence de l’homme, sans le concubitus 12, mais son corps
s’est solidifié comme un autre, dans le sein de la Vierge, quoi
qu’en pense Marcion. Il s’est soumis, « malgré l’absence de
semence, à la loi des substances corporelles issues du sang et du
liquide 18 ». Sang féminin et liquide séminal, telles sont les deux
matières que nous trouvons à l’origine de toute génération nor-
male 14, Dans la discussion autour du Christ, Tertullien, qui
exclut avec tant de soin de cette génération la semence mascu-
182
TERTULLIEN
parcourir une certaine distance dans les organes féminins (ibid., IV, 3, 7).
Le sperme tantôt va droit son chemin, tantôt se disperse (ibid., 8). De plus,
la matière du sperme, selon certains médecins, d’abord en ébullition, subit
une transformation dont on ignore la durée (ibid., 9). Dans tout ce déve-
loppement, d’ailleurs emprunté à Sextus Empiricus, il n’est question que du
sperme masculin. La femme doit apporter simplement le sang. Même théorie
chez Clément d’Alexandrie (Paed., I, 48, 1) et toute une tradition (WaASszINKk,
p. 343).
15. Carn. Xti, XIX, CSEL 70, 238, 27-40; cf. XX-XXIII.
16. Spect., II, CSEL 20, 4, 1.
17. WASZINK, p. 342.
18. Vapor spiritus — pneuma, souffle inférieur à l’esprit, cf. Anima, XXIV,
2; Marc., IL, 9, CSEL 47, 346, 4-5; Carn. Res., VII, CSEL 47, 35, 1-3; 35, 9-10.
Voir la discussion au chapitre précédent.
183
QUESTIONS MÉDICALES
De là maintenant deux (substances), bien que diverses, s’écoulent
cependant unies ensemble, et, introduites ensemble dans leur terrain
et leur champ, ensemble produisent de deux substances un homme, en
qui à nouveau se trouve la semence propre de l’espèce *.
184
TERTULLIEN
d’origine céleste et il repousse toutes ces inventions platoni-
ciennes 5, Elle ne provient pas d’ailleurs et il rejette la théorie
de l’ &véuvnoic 26. Il s’écarte même des Stoïciens 27, qui prétendent
que le corps est animé à la naissance, au premier souffle d’air
froid. La Bible « prouve en effet que l’âme est tirée de la semence,
puisqu’elle invite à la soigner, non pas de la première aspiration
du nouveau-né 28 ». La suite du texte semble même entendre que
la naissance de l’âme est l’œuvre du flatus contenu dans le
sperme ??, le produit de cette distillation de l’âme qui est source
de la semence de vie 3%, Tertullien, pour prouver l’animation
immédiate, invoque toutes sortes d'arguments de sens commun
autour de la grossesse, témoin de la vie de l’embryon 81, puis les
textes sacrés 82, en particulier ceux qui concernent Jean-Bap-
tiste et Jésus avant la naissance 83,
185
QUESTIONS MÉDICALES
Communauté du sexe,
Le sexe est reconnu aussi commun
au corps et à l’âme. Tertullien voit
là une garantie de plus pour la simultanéité des deux éléments
et ne s’en cache guère dans le chapitre qu’il consacre à la ques-
tion 46. C’est la fusion de la semence charnelle avec la semence
animale qui a pour résultat le sexe, si bien qu’on ne peut l’attri-
buer à aucune substance. « L'âme semée dans l’utérus en même
temps que la chair, en même temps qu’elle aussi reçoit son sexe,
186
TERTULLIEN
2. QUESTION D’HÉRÉDITÉ
187
QUESTIONS MÉDICALES
« Livré pour cela à la mort, Satan alors rendit toute la race,
atteinte dans sa semence, transmetteuse aussi de sa damna-
tion 56, » Cela se comprend aisément, si « d’un seul homme »
descend, par une transmission quasi matérielle, « toute cette
cascade d’âmes 57 ».
De toute façon, l’hérédité pèse beaucoup sur le destin de l’en-
fant, Mais elle peut être bonne aussi bien que mauvaise. Tertul-
lien reconnaît l’existence d’une sainteté qui est « le fruit d’un
privilège de la semence autant que d’une méthode de forma-
tion 58 » et, au contraire, des cas où « le bien ne peut pas naître,
tant les semences sont corrompues %# ».
3, LE DÉVELOPPEMENT DE L’EMBRYON
188
TERTULLIEN
189
QUESTIONS MÉDICALES
Bien que nous ayons établi plus haut que sont innées, dans la
substance même de l’âme, toutes les capacités concernant le sens et
l'intellect, depuis l’origine naturelle de l’âme, mais que, peu à peu,
avec les étapes de l’âge, elles progressent et s’en tirent différemment
au milieu des circonstances, selon les méthodes, la formation, les lieux,
les puissances dominatrices; cependant en ce qui tend à la commu-
nauté de la chair et de l’âme mise en avant, nous disons aussi que
la puberté de l’âme vient avec celle du corps et qu’elles se révèlent
ensemble, celle-là par l’accroissement des sens, et celle-ci par le progrès
des membres, depuis la quatorzième année environ ®.
190
CLÉMENT D'ALEXANDRIE
80. Anima, XX, 2-3. I1 signale quelques différences liées au climat (ibid.,
XXV, 7). Cette influence est aussi un thème classique, cf. Corpus Hermeticum,
Fragm. de Stobée, XXIV, 14-15, éd. FESTUGIÈRE, p. 57-58.
81. Ibid., XX, 3.
82. Ibid., 4.
83. Ibid., 5.
84. Ibid., 4-5; XXIV, 4; XXXVIIL, 1; cf. XXXI, 2-5, où il insiste sur les cir-
constances de vie, l’âge, le corps et ses particularités. Cette différenciation est
même une objection à la métemsomatose : l’Ââme humaine ainsi différenciée
ne peut plus vivre chez l’animal (ibid., XXXII, 5).
85. Ibid., XXIV, 4.
86. Ibid., XX, 2; 0.
87. M. PouLrENz, Die Stoa, I, p. 201.
197
QUESTIONS MÉDICALES
hors du De anima, reconnaître dans l’ensemble que la femme
il
apporte la matière de l'embryon. Voici le texte le plus précis;
est tiré du Pédagogue, livre I, chapitre vi.
48, 1. La chair elle-même, avec le sang qui est en elle, payé de retour
en quelque sorte, reçoit du lait force et croissance. Naturellement aussi
le fruit conçu se façonne du fait que le sperme s’imprègne du résidu
pur laissé par la purification menstruelle. La puissance de ce sperme
coagule la substance du sang, comme la présure rend le lait consistant,
et réalise l’essence de la forme. Le mélange en effet est fécond, mais
l’excès tend à la stérilité.
2. N’est-il pas vrai que la semence, dans ce qui est désormais sa
terre, noyée par l’excès d’eau, est balayée, mais, faute d'humidité, se
dessèche, tandis qu’un milieu visqueux maintient la semence et la fait
germer ?
3. Certains supposent que le sperme du vivant est, pour l'essence,
l’écume (äspév) du sang. Ce sang, dans les secousses des enlacements,
s’enflamme de la chaleur naturelle à l’être mâle, se change en écume,
et se dépose dans les veines spermatiques. C’est de là que Diogène
d’Apollonie veut faire découler le nom d’Aphrodite?.
192
CLÉMENT D’ALEXANDRIE
naturelle au mâle 4. Mais une des idées les plus nettement déga-
gées, c’est le lien qui existe entre le sang et le lait, entre le sang
et le sperme, |
Pour le lait aucune hésitation. Le contexte précise à plusieurs
reprises. Le sang « par une coction physique » se fait nourriture
pour l’enfant 5. Clément explique longuement le jeu du sang, qui,
de partout, afflue aux seins, quand la femme est enceinte, de
l'utérus en particulier, où les voies lui sont coupées 6. Dans la
transformation du sang en lait, il souligne le rôle du « souffle
chaud », « envoyé des artères génitales 7? », qui fait blanchir ce
sang et en change la qualité, sans altérer la substance 8. Il y a
un métabolisme complet : « Si donc, dit-il, le résultat de la nour-
riture se fait sang, et le sang se fait lait, le sang est donc la prépa-
ration du lait, comme le sperme l’est de l’homme et le pépin de
la vigne ?. »
Mais le sperme lui-même semble bien provenir également du
sang. Clément rapporte l’opinion que le sperme est du sang en
ébullition et en signale l’auteur : Diogène d’Apollonie. S’il ne se
prononce pas sur ce point, en tout cas il conclut que « le sang
constitue l’essence du corps humain ». Il dit ailleurs « qu’il est
trouvé premier engendré en l’homme, lui que certains ont osé
appeler justement substance de l’âme 10 ». Cette dernière cita-
tion évoque la théorie précise qui unit sang et pneuma, sang et
âme, Or, il existe un texte où Clément semble bien employer un
terme pour l’autre, Il parle de l’Eglise, « un homme composé de
beaucoup de membres ». Elle est faite, dit-il, de foi et d’espé-
rance, comme le Christ de chair et de sang, l’homme de corps
et d’âme. En effet, l’Eglise est composée « du corps qui est la
foi et de l’âme qui est l’espérance, comme le Seigneur de chair
et de sang. En réalité, le sang de la foi, c’est l’espérance, par quoi
la foi tient ensemble ( ouvéyerar), comme par l’âme., Mais si l’espé-
rance s’évapore comme un sang qui s'écoule, le corps vivant
de la foi s’affaiblitii ». Le sang joue manifestement dans
4. Paed., 1, 48, 3. Cf. Aristote, De anim. generat., II, 748 b; IV, 765 b. Galien
établit une thèse sur cette différence de la femelle plus froide, du mâle plus
chaud : le rôle respectif des deux parents dans la génération (De usu part.,
XIV, 6, 163-164). Clément y revient dans Paed., III, 19, 2 : les mâles « sont
par nature plus secs et plus chauds ». |
5. Paed., I, 39, 2. Cf. 44, 3; 49, 3.
6. Clément donne une théorie physiologique très précise de cet afflux du
lait, qui a pour base les rapports étroits qui unissent les mamelles à la
matrice, thèse qui se trouve chez Galien (De usu part., XIV, 8, 178).
7. Paed., 1, 39, 3-5. î
&. Ibid., 40, 1; 44, 3.
9. Ibid., 45, 1.
10. Ibid., 39, 2.
11. Ibid., 38, 3. Ce texte est commenté par Fr. Ruescne, Blut, Leben und
Seele.…., Paderborn, 1930, p. 402-404.
193
QUESTIONS MÉDICALES
12. 11 est possible qu’il faille l'entendre de même quand il dit que le
corps n’est rien autre qu’une « chair fertilisée par le sang » (Paed., I, 25, 2).
Il est curieux de constater que ce lien sang-esprit (aîua-nveÜua) revient sans
cesse dans l’homélie sur la Pâque attribuée à Méliton de Sade (p. 3, 10-13 :
n° 16; p. 5, 31-32 : n° 32; p. 7, 14-15 : n° 44; p. 9, 24-27 : n° 56). Les références
renvoient à l’édition C. BONNER, The Homily on the Passion, by Melito Bishop
of Sardes, and some fragments of the Apocryphal Ezechiel, coll. Studies and
Documents, 12, Londres-Philadelphie, 1940, mais notent, avec l’éditeur, la
page et la ligne du manuscrit. Cette remarque porte peut-être d’autant plus
que cette homélie offre, malgré son contenu, un caractère hellénique assez
prononcé (A. WirsrRAND, The Homily of Melito on the Passion, in Vigiliae
Christianae, 2, 1948, p. 201-223). On sait que P. NauTIN conteste l’attribution
à Méliton (Le dossier d’Hippolyte et de Méliton dans les florilèges dogmatiques
et chez les historiens modernes, coll. Patristica, 1, Paris, 1953, p. 53-56), que
maintenait E. Peterson (Pseudo-Cyprian, Aduersus Iudaeos und Melito von
Sardes, in Vigiliae Christianae, 6, 1952, p. 33-43).
13. Il est intéressant de retrouver cette théorie exactement, mais, avec une
insistance sur le feu digne d’Empédocle, chez l’hérétique Simon, au dire de
l’auteur des Philosophoumena : le feu, écrit-il, est principe de toute géné-
ration, mais « il subit un double changement; en effet, dit-il, chez l’homme,
le sang, qui, à l’image du feu, est constitué chaud et rouge, se change en
semence; chez la femme, ce même sang se change en lait » (Refui., VI, 17,
4-5) et il poursuit : l’un pour la génération, l’autre pour la nourriture.
14. Paed., 1, 49, 1.
15. Eclog. Proph., 50, 1.
16. Str., VI, 136, 4; 134, 2.
17. Ibid., 135, 1-136, 1.
18. VERREKE, p. 431.
19. Paed., 1, 48, 1.
194
CLÉMENT D'ALEXANDRIE
et sans forme dans l’atelier de la nature 2 ». On reconnaît trop
clairement le problème matière et forme pour qu’on ne fasse pas
appel à Aristote.
Cependant on voit mal l’origine de l’élément matériel. Sans
doute le sang de la femme, coagulé par le sperme, fournit un
matériau à l'embryon. On y retrouve la même comparaison que
chez Tertullien : le sperme joue avec le sang fémininle rôle de
la présure dans le lait. Si on lui imputait une théorie valenti-
nienne qu’il rapporte dans les Excerpta ex Theodoto, on pourrait
même croire que Clément prête à la femme un sperme égal à
celui de l’homme : « C’est que le mélange humain qui se fait dans
l'utérus, à partir de deux semences mêlées, aboutit à la naissance
d’un seul enfant 21, » Mais dans l’ensemble, Clément paraît tout
au contraire favoriser le rôle de l’homme aux dépens de la femme.
Bien loin que celle-ci fournisse un pneuma, elle est comparée à
un champ plus ou moins fécond selon son humidité, où doit
germer la semence, et Clément revient volontiers à cette compa-
raison 22, La femme serait-elle donc simplement un terrain pour
le sperme masculin ? On serait tenté de le croire. « Le dépôt
(xara6orñ) du sperme, dit Clément, contient en substance ce qui,
venu au jour à l’enfantement, est homme, Ce qui authentifie la
génération, ce ne sont pas les nombreuses rencontres charnelles,
mais l’accueil (ræpaSoyr) fait par la matrice, puisque le sperme se
façonne en embryon dans l'atelier de la nature 23. » Ici, comme
dans le De anima de Tertullien, l’élément mâle fournit en défi-
nitive tout l’embryon.
10F
QUESTIONS MÉDICALES
d'Adam, mais non par lui; seule la nature matérielle, avec
l'énergie hylique mêlée à la substance, relève de la semence et
de la génération 25. Cependant l’embryon semble bien être animé
dès le sein de la mère et posséder, au moins en puissance, senti-
ment et mouvement %. Les Eclogae Propheticae apportent la solu-
tion en faisant appel aux anges de la génération que connaissait
Tertullien27. « L'âme, dit le texte, entre dans la matrice, préparée,
par la purification (menstruelle), à la conception, et est intro-
duite par quelqu'un des anges chargés de la génération, qui
décide à l'avance le moment de la conception. Elle pousse la
femme à la rencontre, et, la semence une fois déposée, appri-
voise pour ainsi dire le preuma qui est dans la semence, et, par
là, s'associe au façonnement de l'embryon. » Cest en ce sens,
ajoute-t-il, que les femmes peuvent être déclarées stériles : € Il
n’y a pas introduction de l’âme, qui entraîne le dépôt du sperme
pour la réalisation de la conception et de la génération ?8. »
L'âme est donc apportée de l'extérieur, par une intervention
directe de Dieu?2?, hors des lois naturelles. Elle s’ajoute au
pneuma. Cette théorie, si elle est admise par Clément, confir-
. merait la dichotomie psychologique signalée plus haut.
196
us PHYSIOLOGIE
L'importance .
A. Harnack a consacré jadis une
de la médecine. étude sérieuse à la médecine dans
l'Eglise primitive. Après avoir fait
l’histoire des médecins chrétiens et signalé, par exemple, l’exis-
tence d’une école chrétienne de disciples de Galien à Rome vers
l’an 2001, il étudie successivement, sans s’inquiéter d’écoles
médicales précises, diététique et thérapeutique ?, physiologie et
psychologie 3, maladies #, exorcismes 5, Puis, dans un dernier
197
QUESTIONS M ÉDICALES
198
PHYSIOLOGIE
199
QUESTIONS MÉDICALES
Autour du pneuma.
Il est une autre question médicale,
où la philosophie est toujours sous-
jacente : le problème du pneuma. Nous l’avons déjà rencontré en
étudiant le composé humain et la génération. Il reste quelques
200
PHYSIOLOGIE
points plus scientifiques que nous voudrions aborder ici. À côté
du nvedua ouuœuéç 2%, ou nvedua quoixèv xal Gepuév 30, qui forme
l'embryon, qui travaille à sa bou et devient, si l’on peut dire,
son âme, il faut étudier le rôle du pneuma respiratoire, son jeu
dans l’organisme comme dans l'embryon. Les médecins se sont
toujours fait un problème de savoir comment le souffle de la
respiration entrait en composition avec les éléments de l’orga-
nisme 81, Les Pères disent simplement que les artères avec les
poumons sont les organes de la respiration et transmettent l’air 82.
Tertullien en discute longuement, dans une argumentation
empruntée aux Stoïciens, à Soranus et à Pline 33, au sujet de
certains animaux qui vivent sans avoir d’organes respiratoires
apparents. Toujours il associe respiration et artères 34, L’héré-
tique Simon, selon Hippolyte, en fait autant autour de l’embryon.
Il voit sortir de la matrice, comme un fleuve, le cordon ombi-
lical, qui se divise en quatre branches, deux artères chargées
du souffle, deux veines chargées du sang. L’air arrive ainsi, par
un chemin bien tracé, au cœur et opère le mouvement de
l'embryon 35. C’est à peu près la théorie qu’enseignait Galien 56.
Clément fait encore appel à l’air pour expliquer la transfor-
mation du sang en lait, dans les seins. Après avoir parlé de
l’action « d’un preuma chaud », il précise : en effet le sang, par
le jeu de la nature, se déverse à flots, depuis l’accouchement,
dans « les réservoirs naturels ». « Mais le souffle des artères
correspondantes s’y étant mêlé, tandis que la substance du sang
initial reste toujours intacte, il constitue une vague bouillon-
nante, et, par cette espèce de reflux, se change en écume, par un
sort analogue à celui de la mer, qui sous l’irruption des vents,
selon les poètes, crache son écume salée », ou à l’image de « la
substance humide de notre bouche, qui blanchit sous l'effet du
souffle. >» « Qu’y a-t-il d’étrange à reconnaître que le sang se
29. Str., IV, 150, 2; cf. Tertullien, Spect., II, CSEL 20, 4, 1; Anima, XLIII,
4 : consati spiritus.
30. Paed., I, 49, 1.
31. Fr. Ruescue, Blut, Leben und Seele.…, Paderborn, 1930, en parle con-
tinuellement (p. 209-265).
32. Irénée dit sans précision « artères et veines, transmetteuses du sang et
du souffle » (Haer., V, 111, 2, HARVEY II, p. 326).
33. VERBEKE, p. 182-183.
34. Anima, X, 3; 5; 7, et tout le chapitre. Cf. XXXII, 3. En fait, il ne
s’inquiète pas du contact de cet air avec le sang. Galien supposait, dans les
artères et dans les veines, des ouvertures invisibles qui permettaient la ren-
contre (De usu part., VI, 10, 455 fin.).
35. Refut., VI, 14, 8-11. Dans un contexte différent, le Corpus Hermeticum
explique que le souffle, « passant à travers les veines, les artères et le sang »,
« met en mouvement le vivant » (X, 13, éd. Nock-FESTUGIÈRE, p. 119).
36. De usu part., XV, 4, 225-226; 5, 231.
201
QUESTIONS MÉDICALES
de
tourne en matière très lumineuse et très blanche, sous l’effet
le pneuma et
© J'air 379 » Il faut donc qu’il y ait rencontre entre
le sang, mais il ne précise pas le mode de cette rencontr e.
Le souffle vital se voit chargé d’autres fonctions. D’abord il est
lié à l'accroissement. Clément rapporte « que les corps gran-
dissent facilement, chez les enfants qui progressent en taille,
quand la nourriture fait défaut. Car le pneuma qui concourt à la
croissance n’est pas empêché par un excès de nourriture qui
gêne la liberté du souffle circulatoire 38 ». On retrouve ici une
théorie pneumatologique du souffle unique, qui se répand dans
tout le corps et s’acquitte de toutes les fonctions. La voix est
conçue de même : « Souffrant du froid, elle s’affaiblit, parce que
la peau extérieure se resserre, par suite de l’air ambiant; les
le
artères du cou, écrasées et resserrées, écrasent en même temps
souffle. Celui-ci, pressé et étouffé, produit un écho; en revanch e,
s’associant à l’air ambiant et se relâchant avec le printemps, le
souffle est libéré de son étroitesse, porté par les larges canaux des
artères jusque-là contractées. Alors le chant ne gazouille plus 52. »
Pour affirmer que les anges n’ont pas de voix, il énumère les
organes dont ils sont privés : « Les lèvres et ce qui les entoure,
le pharynx, l'artère, les entrailles, le souffle et l'air heurté 40, »
Les derniers mots (rAnooéuevov &épa) font allusion à une définition
technique donnée par le Portique #1 et vouée à un grand succès.
Elle est rapportée avec précision par les Philosophoumena qui
la prêtent aux Docètes : « La voix, c’est de l'air heurté, signi-
_ficatif d’une pensée (omuavrixh To Aéyou nAnooëuevos dñp), Sans
quoi la pensée humaine n’est pas connue #2. » Elle se retrouve
chez Tertullien #8 et dans les Constitutions Apostoliques #4, C’est
encore une de ces notions mi-scientifiques, mi-philosophiques,
qui s’imposaient partout à l’époque.
202
PHYSIOLOGIE
45. FR. Ruescne, Blut, Leben und Seele…, Paderborn, 1930, le souligne
(p. 275).
203
CHAPITRE SIXIÈME
204
LES STOÏCIENS
résulte une œavraclx ou image représentative, qui peut être,
d’après Chrysippe, réelle ou illusoire, et, dans ce dernier cas,
s’appelle pévraoux, Le logos alors donne ou refuse son assenti-
ment (ovyxaré@eaiç). Si la phantasia est agréée, il y a xaréAnpie ou
saisie. Toute l’opération est mécanique 4. L'homme y est plutôt
passif et n’y intervient que pour écarter l’intrusion des passions.
Par là la connaissance est infaillible, si le logos est sain 5. D’une
série d’images ainsi gravées et conservées dans la mémoire se
dégage l’Evvotx, la notion, résultat de l’expérience cognitive. Il y
a des xowval Évvoua, connaissances communes, qui proviennent de
la communauté du logos.
4, Sur ces notions de #2VTaaix €t d’aïohrots, cf. Anim, SVF II, 52-81,
p. 21-28; sur la aride et ses résultats, ibid., 90-101, p. 29-32. Sur le
problème d’ensemble, cf. E. BRÉHIER, Chrysippe et l’ancien stoïcisme, nouvelle
éd., Paris, 1951, p. 81-100; A. Levi, La feoria stoica della verità e dell’errore,
in Rev. d'Histoire de la Philos., 2, 1928, p. 113-192.
5. Les Stoïciens du Moyen Portique reconnurent un certain rôle volontaire
à l’homme dans l’acte de la connaissance. D’où certains auteurs soulignent
plutôt l’activisme de la théorie stoïcienne. Ce dernier mot est d’E. ELorpuy,
qui, dans le contexte, après avoir divisé en trois stades l’opération cognitive,
dit encore : « Le premier comprend aussi bien l’activité des choses connais-
sables dans la connaissance sensible que celle de l’hègemonikon qui est néces-
saire dans chacune des trois phases » (Die Sozialphilosophie der Stoa,
Leipzig, 1936, p. 36). Un excursus est consacré à la connaissance, p. 36-42.
Cf. aussi la note précédente.
6. ARNIM, SVF I, 197-198, p. 48-49. M. PonLenz en a fait une étude très
fouillée sous le titre Grundfragen der stoischen Philosophie, in Abhandl. der
Gesellsch. der Wissensch. zu Gôtt., Philolog.-histor. Klasse, 3, 26, 1940, p. 1-82.
Evidemment, l’oixeiwst explique également la connaissance sensorielle chez
les Stoïciens. Sénèque a consacré sa lettre CXXI à cette notion, qu’il applique
aux bêtes. F
7. E. Eronpuy voit là une trouvaille du stoïcisme, qui corrige ainsi son
réalisme excessif. 11 dépasse le pur objectivisme aristotélicien, sans tomber
dans le subjectivisme (La logica de la Estoa, in Revista de Filosofia, 3, 1944,
p. 235). Sur les évofparz, cf. ARNIM, SVF II, 82-89, p. 28-29.
205
LA CONNAISSANCE :
IL ATHÉNAGORE
206
ATHÉNAGORE
2. II Apol., VI, 3.
3. Dial., XCII, 1.
4. On ne voit pas sur quels textes C. CLEMEN s’appuie pour attribuer à
l'Apologie de Justin une théorie stoïcienne de la connaissance, à côté de
l’a-priorisme platonicien que soutient le vieillard du Dialogue, et y voir « le
plus important service rendu par l’Apologie de Justin » (Die religionsphilo-
sophische Bedeutung des stoisch-christlichen Eudämonismus in Justins
Apologie, Leipzig, 1890, p. 150).
5. Katéæhndic : Haer., I, 1, 4, HARVEY I, p. 21; 1, 1, 15, HARvEY, I, p. 68.
YréAndu : Haer., V, 11, 3, HARVEY IL, p. 323; cf. suspiciones : Haer., III, v, 1,
HARVEY Il, p. 19.
6. Res., XXV,
7. Ibid., XV, bis; XXIV, c. med., fin.; XXV, c. fin.
8. Ibid., XV.
9. Leg., V.
10. Ibid., XXXWVI, fin.
11. Ibid., V.
12. Ibid, XXVII.
13. Res., XXV.
14. Leg., XXVII.
207
LA CONNAISSANCE
208
ATHÉNAGORE
209
LA CONNAISSANCE
III. TERTULLIEN
210
TERTULLIEN
1. AUTOUR DE LA « SENSVALITAS »
3. Anima, XXXVIIL, 6.
4. Ibid., XNIII, 1-6. Tertullien y oppose tantôt infellectualia à corporalia,
uires animae ou uires intellectuales à sensus corporales, animus à corpus,
en exposant la thèse de Platon et des Gnostiques.
5. Ibid., VI, 4.
6. Ibid., XNVIIX, 6, cf. 8. Toutes ces traductions sont fatalement déficientes.
I1 n’y a pas équivalence entre les terminologies latine et française. Nous
n’avons pas essayé de traduire sensus à cause de sa polyvalence. Quant à
intellectus et intelligere, nous les avons rendus défectueusement par com-
préhension (quand il ne désigne pas l’intellect) et comprendre, pour qu’il y
ait correspondance entre le verbe et le nom verbal.
211
LA CONNAISSANCE
peut exister sans l’autre 7 ? >» Il pousse l’union des deux facultés
jusqu’au bout, N’a-t-il pas dit que l’animus n’est qu’une activité
de l’anima ? « Qu’est-ce qui sent les êtres corporels ? Si c’est
l'esprit, c’est que l’esprit est aussi doué de sensus, et pas seule-
ment intellectuel, car en comprenant il sent, puisque, s’il ae sent
pas, il ne comprend pas non plus. Si c’est l’âme qui sent les êtres
corporels, c’est que la propriété de l’âme est aussi intellectuelle,
et pas seulement douée de sensus, car en sentant elle comprend,
puisque, si elle ne comprend pas, elle ne sent pas non plus. » Et
il recommence le même chassé-croisé pour les êtres incorporels,
afin de redire, une fois de plus 8, que, malgré les objections, les
deux facultés, sensus et intellectus, sont étroitement unies et
inséparables dans un échange continuel de bons services. Tant
pis pour nos Gnostiques platoniciens ! La connaissance intelli-
gible n’a pas son indépendance ?.
Elle n’a même pas sa supériorité. Tertullien avoue naïvement
que le problème ne l’intéresse guère, pourvu qu’on n’aille pas
accorder la préférence à l’intellectus à seule fin de pouvoir mieux
isoler du sensus 10, Et voilà que cette perspective le met en
veine et il démontre qu’en réalité la connaissance intellectuelle
n’a pas droit à la priorité 11, I] conclut qu’il ne faut ni la préférer,
ni la séparer 12,
7. Anima, XVIIXL, 7.
8. Ibid., XVIII, 8.
9. Il est curieux de constater que le Corpus Hermeticum tente également de
confondre sensation et intellection (IX, 1-2; 5, éd. Nock-FESTUGIÈRE, p. 96-98;
cf. Fragm. de Stobée, IV, 23, éd. FESTUGIÈRE, p. 26-27), sous l’influence du
stoïcisme, dit l'éditeur en note du premier texte. S’il y a influence du stoi-
cisme, il y a surtout un problème d’école, depuis Platon, cf. Corpus Herme-
ticum, t. I, éd. Nocx-FESTUGIÈRE, p. 106, n. 39; t. III, éd. FESTUGaIèRE,
P. XXXIV-XXXVI.
10. Anima, XVIII, 10.
11. Ibid., 10-12.
12. Ibid., 13.
13. Ibid., 11.
14. Ibid., 12.
15. J. H. Waszinx signale la marque stoïcienne de ce principe (p. 267) et
affirme : « La conception du sensus comme fondement de l’intellectus appar-
tient aux Stoïciens » (p. 255).
212
TERTULLIEN
ajouter que, pour Tertullien, rien ne se trouve dans les sens, qui
n’ait son fondement dans la réalité : causas sequuntur 18, Il y a
donc en définitive à la base de toute connaissance une sensation :
Vnde opinio si non a sensu 17 ? La perception est la source de
tout 18. Nous sommes parfaitement dans le sensualisme stoi-
cien 19,
Si Tertullien l’a découvert pour réfuter des Platoniciens, on ne
peut dire cependant que cette affirmation soit accidentelle chez
lui. Dans toute son œuvre, la sensualitas est la fonction de base
de l’âme humaine et la conséquence directe de sa passibilité.
« Sentir, c’est pâtir, dit-il, puisque pâtir, c’est sentir 2, » « L’âme
est douée de sensus par nature. Vraiment il n’existe pas d’être
animé sans sensus, il n’existe pas d’être doué de sensus sans
âme; pour employer des termes plus frappants, le sénsus est
l’âme de l’âme 21, » Cependant il se rattrape en parfait Stoïcien.
Platon a bien tort de déclarer la sensualitas irrationnelle 22, Elle
est pénétrée de cette raison qui commande et domine toute l’âme.
Le sensus est raisonnable, comme la raison est doué de sensus.
Nous retrouvons un dogme stoïcien. L’âme est à la fois totalement
rationnelle et totalement « sensuelle ».
èsrer[SE]
LA CONNAISSANCE
26. Carn. Res., XLVI, CSEL 47, 95, 9-14; VII... 36, 7-21.
27. Anima, XVII, 1; XIV, 3; XXIV, 6; Carn. Res., VII, CSEL 47, 36, 10;
Corona, V, CSEL 70, 161, 7-9.
28. Corona, V, CSEL 70, 161, 10-12.
29. Anima, XVIII, en entier, surtout 11-12. Ici Tertullien part d’un contexte
stoïcien sur la crédibilité des sens (ARNIM, SVF I, 60-61, p. 18-19; II, 73-78,
p. 26-27), qu’il invoque expressément, et apporte une opinion apparemment
personnelle (WAszINK, p. 237-238).
30. Anima, XXIV, 6.
31. Ibid., XNVIIL, 12.
32. Ibid., XVII, 8.
33. G. RAuCrH, Der Einfluss.…., souligne le fait que chez Tertullien la repré-
sentation force à l’assentiment, bien qu’il admette que la cause complète
n’est pas dans la représentation (p. 41-42).
34. Test. an., VI, 3, CSEL 20, 142, 25-28.
35. Anima, IL, 1.
86. Nat., Il, 5, 1.
37. Cf. Apol., XVII, 4-6.
38. Corona, VI, CSEL 70, 162, 1-2.
214
TERTULLIEN
humaine « connaturelle et innée », qui recueille « la doctrine
de la nature 5 ». Tertullien en souligne le caractère antique et
universel. « L’âme, dit-il, existe avant la prophétie et la cons-
cience est donnée par Dieu à l’âme dès l’origine, et Dieu trouve
‘les mêmes témoignages, sans différences, chez les habitants de
l'Egypte, de la Syrie et du Pont 4. > Minucius Félix se rencontre
avec lui : « Tous les hommes, dit-il, sans distinction d’âge, de
dignité, sont doués, par naissance, de raison et de sensus et
capables d’en user. Leur sagesse n’est pas une faveur de la
fortune, mais un don naturel 41. »
39. Test. an., V, 3, CSEL 20, 141, 4-5; Marc., 1, 3, CSEL 47, 293, 19-20;
Virg. uel., V, PL II, 896 A.
40. Marc., I, 10, CSEL 47, 303, 12-22. Pour Tertullien, le sensus communis
est une des sources de vérité dans la philosophie, avec la chance, les livres
prétendus sacrés, les aprocryphes et l'Ancien Testament (Anima, II, 1).
J. QuisreL souligne que Tertullien a fini dans sa lutte contre les Gnostiques
par mettre les notions communes au second plan, comme confirmation de
l’Ecriture mise seule en avant. Il invoque le De carn. Res., III-IV et De uirg.
uel., V (Het Getuigenis der Ziel bij Tertullianus, Leiden, 1952, p. 24-27).
41. Oct, XNI, 5.
42, Carn. Res., III, CSEL 47, 28, 22; 29, 3; 29, 23; V, CSEL 47, 31, 5;
Marc., 1, 16, CSEL 47, 311, 4-5.
43. Oct., XVII, 1. *
44. Carn. Xti, XII, CSEL 70, 221, 11-222, 22.
215
LA CONNAISSANCE
2. AUTOUR DE LA « DIVINITAS »
45. Anima, XXIV, 5. Se rappeler qu’Athénagore explique par une loi d’adap-
tation le choix et l’assimilation des aliments et qu’il applique cette loi même
aux bêtes. C’est en somme une conception de la loi naturelle appliquée aux
bêtes. On la retrouve dans le Corpus Hermeticum, Fragm. de Stobée, XXV, 7,
éd. FESTUGIÈRE, p. 70.
46. Anima, XXXVIII, 4. Le mot propriété y revient deux fois. Tertullien
vient de montrer que le désir de nourriture est le seul besoin naturel.
47. Carn. Res., III, CSEL 47, 28, 25-26.
48. lrénée semble prévenir Tertullien sur ce point, comme sur beaucoup
d’autres, en attribuant à la sensibilitas, qu’il rend synonyme d’intuitio mentis,
une connaissance universelle de la transcendance toute-puissante de Dieu
(Haer., II, 1V, 5, HARVEY, I, p. 263-264).
49. Marc., IV, 16, CSEL 47, 472, 20-21,
50. Leg., IX.
216
TERTULLIEN
217
LA CONNAISSANCE
fait l’âme ? Pour Irénée, « l’âme voit à part soi et agit en phan-
tasme », apparemment retirée du corps, puisqu'elle est « seule »,
mais ensuite, une fois mêlée au corps et dispersée dans l’orga-
nisme entier, « se rappelant la plupart des choses, elle les com-
munique au corps 64 ». C’est encore le phénomène de l’extase.
Ici aussi, Tertullien est d’accord avec Irénée qui fait agir l’âme
en phantasme, mais il le complète. L’âme dans le sommeil agit
d’abord matériellement, si l’on peut dire : « Privée de secours
étranger, elle ne se repose pas, et, si elle manque de l’activité de
membres corporels, elle utilise les siens 65 », « pourvue qu’elle
est de ses membres 66 ». Elle agit donc avec les membres de cet
homme intérieur dont il a été question plus haut. L’âme a ses
mouvements, qui percent parfois la chair tendre de l’enfant qui
dort 67, ses élancements 68. Elle a d’autres articulations, « qui lui
servent dans ses pensées 6 ». L'âme possède ainsi en propre
toutes les activités de l’homme, comme les mouvements des
mains, des pieds, des yeux, de la langue 7. La seule différence
est que ces mouvements,'pendant le repos corporel, demeurent
sans résultat. « Ils se font en acte, mais ils ne se font pas en
effet 71, » Cette activité factice est encore conforme aux théories
stoïciennes 72.
L'une des activités de l’âme dans le sommeil, c’est le rêve,
activité intellectuelle que Tertullien, toujours fidèle à la philo-
sophie, est loin de mépriser. Les songes sont, d’après l’expli-
cation des Stoïciens qu’il accepte, « une aide » accordée à
l’homme par « le Dieu très provident », « un soin particulier
appliqué à l’oracle naturel #3 ». Ne sont-ils pas une source de
connaissance sur Dieu 74? L’expérience humaine prouve qu’ils
ont leur vérité 75. Il faut y croire et les utiliser à sa façon, qui
n’est pas celle des païens 76. Malgré ces affirmations stoïcisantes,
Tertullien est bien hésitant sur la vérité intellectuelle du rêve.
En dépit de certains textes stoïciens, il dit que l'esprit est rigide
(stupet) dans le sommeil 77. Comment le rêve peut-il être une
activité raisonnable, puisqu'il est « une extase, sortie du sensus
218
TERTULLIEN
219
LA CONNAISSANCE
#81
LA CONNAISSANCE .
cosmos 108, Cette explication naturaliste est évidemment aussi bien
dans l'esprit stoïcien que la première qui rappelle la parenté de
l’âme avec le pneuma divin.
Dans tout son exposé des modes de connaissance, Tertullien ne
fausse compagnie à la philosophie qu’un instant, pour justifier la
prophétie surnaturelle. Cette philosophie est celle qui l’emportait
à l’époque et qui, pour comble de bonheur, permettait à l’apolo-
giste de pourfendre l’hérésie gnostique d'influence platonicienne
avec son intelligence supracorporelle. C’est le réalisme du Por-
tique qui unifiait sa théorie de la connaissance, comme il uni-
fiait sa conception de l’âme.
108. Ce lien est signalé par J. Quisper, Het Getuigenis der Ziel bij Tertul-
lianus, Leiden, 1952, p. 19. Cf. St. Orro, « Natura » und « Dispositio ». Unter-
suchung zum Naturbegriff und Denkform Tertullians, Munich, 1960.
1. Nous avons dit plus haut que le travail de A. Vrrieux-REeyMOND, La
logique et l’épistémologie des Stoïciens, leurs rapports avec la logique d’Aris-
tote, la logistique et la pensée contemporaine, Chambéry, s. d. (1949), n’aborde
le problème que pour saint Augustin.
2. Par exemple, la préférence d’Aristide ou d’Athénagore pour le syllogisme
disjonctif, que Tatien et Justin ignorent au dire de G. BarDpy, Athénagore,
Supplique au sujet des chrétiens, coll. Sources Chrétiennes, Paris, 1943, p. 46.
3. Str., II, 54, 5.
4. Ibid., VI, 69, 1; II, 55, 1.
5. Ibid., IL, 55, 1; V, 3, 2; 86, 1; IL, 8, 4, et passim, où le mot est doublé de
see autre terme d’école. Ailleurs, la foi est appelée üréAndis et il discute
(Str., 11, 28, 1). M. J. DaskaraAKIS souligne que le terme æp6Andw est employé
227
CLÉMENT D'ALEXANDRIE
dans le sens stoïcien (Die eklektischen Anschauungen des Clemens von Alexan-
dria und seine Abhängigkeit von der griechischen Philosophie, Leipzig, 1908,
p. 33-35). Sur ce point, cf. en particulier K. PRuemM, Glaube und Erkenntnis
in Str., 11, in Scholastik, 12, 1937, p. 17-57. Cf. aussi H. A. Wozrson, The
double Faith Theory in Clement, Saadia, Averroes and St. Thomas, and its
origin in Aristotie and the Stoics, in Saadia Studies, publiées par The Jewish
Quarterly Review, 33, 1943, au nom de A. A. Neuman et Sal. Zeitlin, p. 213-264;
l’article donne, en ce qui concerne Clément, une analyse précise de la foi et
de ses définitions, sans négliger les influences philosophiques (p. 223-230).
6. Str., 11, 50, 1; Clément reproduit mot pour mot le texte de Philon, De
congr. erud. gr., 100 : tpia métpa elvat Goxet, alofnais, A6Yos, vois : alontrüv
uèv alobnatc, évopéruv dè xal Énpatuy xal Tov Acyopévuv 6 Àdyos, vonrov ôè
voüc (éd. ComN-WENDLAND, Philonis Alexandrini opera quae supersunt, t. III,
P. Wendland, Berlin, 1898, p. 92). Clément fait une inversion et précise le
mot pécpa par l’apposition RO le terme classique depuis Epicure et
la Stoa pour désigner la faculté de discerner le vrai.
7. Ibid., II, 13, 2, texte qui utilise Aristote. W. ERNST, qui le signale, étudie
Ja démonstration chez Clément et prouve qu’elle suit la voie péripatéticienne,
LA CONNAISSANCE
science, et l’hypothèse. Laissons tomber le raisonnement, le
domaine de la logique; quelle que soit l’importance de la logique
dans l’œuvre de Clément, l’auteur ne revient guère sur cette
méthode de connaissance. Ne nous inquiétons pas de l’hypothèse,
qui n’est qu’une connaissance incertaine, bien dépassée par la
foi 8.
Il reste deux termes communs aux deux textes, les deux grands
moyens de connaissance, la sensation et l’intelligence ?, avec leur
aboutissant unique, la science, ou, comme il dit ailleurs, la
vérité 10, D’abord la sensation; elle a pour objet le sensible 11,
qui se saisit par le corps 12; elle est « la vue de l’âme 18 > par les
sens. L'intelligence ensuite, dont la fonction est l’intellection
(vénoic) et qui s’occupe des intelligibles 14, des causes premières,
dit-il une fois 15,
La distinction paraît claire :deux modes de connaissance, l’un
par les sens, l’autre par l'intelligence. Et Clément approfondit le
fossé qui les sépare. Il les oppose nettement. Il met d’un côté la
connaissance commune par obveouc xal &vrlAnbuw, entendons par
concepts, qui apparaît chez tout homme semblablement, selon la
saisie de chaque objet; elle agit avec la participation des facultés
logiques, mais sans exclure lés facultés irrationnelles. C’est une
connaissance qu’il n’appellerait jamais gnose. Il met de l’autre
côté la connaissance des intelligibles, propre au logos et aux
facultés logiques, due à la seule énergie de l’âme 16, et, de ce fait,
réservée à l’homme 17,
1 n’ignore pas le mécanisme de la connaissance par les sens,
ce qu’il appelle lui-même « l’organisation des sens en vue de la
science 18 », Volontiers, il parle de l’image (pavraolx), commune
224
Le
CLÉMENT D'ALEXANDRIE
28. On est tout près de l’opinion stoïcienne rapportée par Sextus, Adu.
math., VII, 307 (SVF II, 849, p. 230) : tadrôv éott ôLavora xai atolnots où nat
radrd 6, GX xaT'AAo mèv ôtévora, nat Ado 8è alanou.…. À aùTh OUvapute
xaT'ŒANo pév éott voûs, xat'&Aho Gè aïolnots.
29. Synonyme de xatd%ndis, saisie (Str., VI, 3, 1-2; VII, 37, 1-2).
30. Str., VII, 36, 5.
31. Paed., II, 81, 1.
32. Str., VII, 100, 4.
33. Ibid., 6.
34. Ibid., VI, 69, 1. Le mot opphñ a naturellement aussi un seus moral.
Il désigne « un élan de l'intelligence (vopà Stavolaç) qui porte vers un être ou
en détourne » (Str., II, 59, 6).
35. Ibid., NI, 121, 4. Tout ceci est stoïcien; cf. ARNIM, SVF II, 102-104, p. 42.
36. Ibid., IV, 139, 2.
37. Ibid., IL, 9, 4 : Ébts uetdrtutos.
38. Ibid., II, 76, 1; 77, 13 II, 47, 4.
220
CLÉMENT. D'ALEXANDRIE
un À Téuretplx xal h elônou oûveolc Te xal vénois xal yvooic 29.
Il précise chacune de ces connaissances. L’eïdnoi est connais-
sance de l’objet dans son ensemble, selon sa forme; l’éurepl
saisit le contour et voit le détail; l’intellection s’attache à l’intelli-
gible; la obveox établit le rapprochement et la gnose atteint
l'essence 40.
Ailleurs, il donne à la science son aspect de sagesse 41, d’après
Xénocrate, Elle devient la ppévnou rovuepñc; mais cette phronèsis
est bien plus vaste que ce que nous appelons sagesse; elle prend
le nom de science, et aussi de gnose — un des sens du mot — et
de sagesse, quand elle aboutit à la certitude par le raisonnement;
mais elle est intellection, appliquée aux causes premières; foi,
quand elle concerne le Verbe sans la contemplation; opinion
droite, quand elle tient au sensible; art, quand il s’agit du pra-
tique; expérience enfin. 42 En somme, la science est une
appréhension sûre et immuable, d’objets réels et concrets, tournée
vers l’action et l’effort moral. E. Elorduy n’a pas tort de voir
dans les définitions de Clément une conception stoïco-chrétienne
de la science #8,
287
LA CONNAISSANCE s
228
CLÉMENT D’ALEXANDRIE
commis aux dépens de la Bible, observations naturelles et con-
jectures, inspiration démoniaque. Mais, comme dernière réponse,
il suppose que les païens ont pu être jetés dans l’extase prophé-
tique par les vapeurs qui émanaient des eaux, par des parfums,
par les influences atmosphériques, peut-être cette « bonne dispo-
sition de l’air >» nommée plus haut 56, Il y a donc là une extase
normale et humaine, moyen d’atteindre la vérité bien inférieur à
la puissance divinatrice des Juifs, qui émanait du ciel 57, mais un
réel moyen de connaissance. « Au milieu de leurs mensonges,
déclare-t-il, les pseudo-prophètes disaient aussi quelques vérités
et réellement ceux-ci prophétisaient dans leur extase 58, »
56. Str., I, 135, 2. Ne faut-il pas voir là un écho des théories de Posidonius?
Le philosophe de la sympathie cosmique admet une espèce de « sensibilité
cosmique », « ein kosmisches Sensorium », dit K. REINHARDT, Kosmos und
Sympathie, Munich, 1926, p. 111-121. Pour le reste, ces explications ne sont
pas éloignées de celles que donne Plutarque sur le même phénomène (cf. VER-
BEKE, p. 272-275). I1 explique les oracles en faisant appel aux démons ou
génies, et à un fluide ( rvweüua), issu de la terre, qui excite les facultés de
l’âme; mais Apollon Pythien reste la cause principale (cf. aussi R. FLACELIÈRE,
Plutarque Apologiste de Delphes, in Information Littéraire, 5° année, n° 3,
1953, p. 101-103).
57. Str., I, 135, 2.
58. Ibid., I, 85, 3; 94, 1-3.
59. Ibid., IV, 141, 1.
60. Paed., IX, 80, 3.
61. Str., IV, 140, 1-2.
62. Paed., II, 82, 1-3.
229
LA CONNAISSANCE
| 230
CHAPITRE SEPTIÈME
On pourrait dire que toute la vie morale, aux yeux des Stoï-
ciens, est une lutte entre la raison libre et les passions. Sous la
direction du libre arbitre, encore mal défini comme faculté,
l’homme dompte les instincts et fait régner en lui la raison, syno-
nyme de vertu. Pour échapper au hasard et à ses accidents
capricieux, il se rend indifférent au résultat extérieur de son
action et ne la juge que sur son effet intérieur, qui est dans
l'intention 1. Par ce triomphe de la raison, il se met en sym-
231
LA VIE MORALE :
l'unisson
pathie avec tous les êtres logiques et avec l’univers, à
s, le libre arbitre, l’activi té vertueu se,
de la nature 2. Les passion
univers elle, tels sont les points où nous recher cheron s —
la loi
le
rapidement — l'influence stoïcienne sur les Pères dans
domaine de la morale général e #.
1. INSTINCTS ET PASSIONS
232
PROBLÈME THÉORIQUE
et mouvements 7 ». Tel est le principe soutenu par lPApologiste.
L’âme en effet, selon lui, « est insensible en elle-même aux fautes
qui concernent les plaisirs, les nourritures, les soins corporels 8 ».
Il y a beaucoup de domaines, où, selon sa propre nature, elle n’a
aucune espèce de tendance ou de mouvement ou d’instinct, ainsi
la débauche, la violence, la cupidité et les injustices en ces
matières. C’est « le corps (qui) subit le premier (rpwronafet) et
entraîne l’âme à la sympathie et à la communauté des actions... ».
« Les désirs et les plaisirs, comme aussi les craintes et les cha-
grins.., ont leur mouvement à partir du corps, l’âme seule
n’éprouve aucun besoin tel, ne convoite, ne craint, ne subit par
elle-même rien de ce que l’homme subit de ce genre par nature®?. »
C’est donc bien au corps qu’il faut attribuer directement les mou-
vements affectifs : « Il est étrange d’appliquer les passions en
propre aux âmes 10, » Cependant, par une espèce de communi-
cation des idiomes, en définitive Athénagore reconnaît qu’elles
sont le fait de l’homme : « Ces pathè ne sont pas du corps seul,
mais de l’homme 11, »
On remarquera au passage qu’il s’agit des quatre passions
chères aux Stoïciens : désir, plaisir, crainte et chagrin. Dans le
contexte, l’auteur les écarte une à une de l’âme, en employant
quatre verbes de même sens ou de même racine : ôpéyeoôou,
épuäoar, Avreïoôat, pobeicôæ . Ce n’est donc pas un hasard qu'il
les classe ainsi. Bien plus, un peu plus loin, en face des quatre
passions, il range quatre vertus ou groupes de vertus : courage
ou persévérance devant la crainte, maîtrise de soi et tempé-
rance (owppooivn) devant le désir, sagesse (ppévnoux) devant
le mouvement ou instinct naturel, justice devant l'instinct à
l’égard des biens propres ou étrangers 12, Cette note bien stoi-
cienne mérite d’être relevée chez un auteur assez marqué par le
platonisme.
234
PROBLÈME THÉORIQUE
Il donne plus loin une théorie apparemment plus personnelle, où
il considère les passions comme des phantasiai stoïciennes,
« autant d'empreintes gravées (èvexepelouarx) dans l’âme molle
et fléchissante et comme des sceaux imprimés (évarooppayiouara)
dans les facultés pneumatiques, contre quoi nous combattons.
L'œuvre donc, à mon avis, des facultés mauvaises est de pro-
duire quelque chose de sa propre essence dans chaque être 25 ». :
Cet effet est une corruption de l’âme et la passion est toujours
présentée comme une maladie #6, que le Christ peut enlever
comme le chirurgien tranche les chairs malades 27.
Ce sont encore les termes techniques du stoïcisme qu’il emploie
pour définir chaque passion. Si le désir est simplement « une ten-
dance indocile au logos », « la crainte est une ëxxAoic indocile
au logos, le plaisir une érapou de l’âme indocile au logos, le
chagrin une ovoroàn indocile au logos 28 ». Fidèle à son vocabu-
laire, il appelle aussi la joie (xxp&) une Érœpouc 29. La crainte est
toujours une éxxAouw 30, mais il applique le même mot à la bien-
veillance 81, Manifestement, cette terminologie d’école n’a plus
la rigueur ou la force qu’elle avait dans le stoïcisme,
Dans tous ces textes, on soulignera combien est dégagée l’idée
d’insoumission au logos, de désobéissance à la raison, qui paraît
bien être la note propre de cette théorie de la passion.
2. LE LIBRE ARBITRE
25. Str., II, 110, 1-2. Sur les passions chez Clément, cf. TH. RUETHER, Die
sittliche Forderung der Apatheia in der beiden ersten christlichen Jahrhun-
derten und bei Klemens von Alexandrien…., Fribourg, 1949, p. 51-57. ;
26. Protr., 115, 2; Paed., I, 65, 2; 88, 1.
27. Ibid., I, 64, 4.
28. Ibid., 1, 101, 1.
29. Str., IX, 72, 1.
30. Ibid., I, 32, 2; 4; IL, 4, 4.
31. Ibid., IX, 33, 2; II, 79, 5.
32. Pour les textes stoïciens, cf. ARNIM, SVF II, 974-1007, p. 282-298.
O. Rrerx, Grundbegriffe der stoischen Ethik, eine traditionsgeschichtliche
Untersuchung, Problemata, 9, Berlin, 1933, souligne que le problème ne se
pose, sous cette terminologie (œütetoüotoc), qu’à l’époque impériale et que
l'origine du mot est encore inconnue (p. 133, avec note). Il remarque aussi
que l’idée de rémunération a souvent déclenché la question (p. 156).
235
LA VIE MORALE
devoir
de la liberté humaine ##. Les Pères semblent bien leur
de leur insistan ce sur le libre arbitre, dont la
quelque chose
fourniss ait les bases 34, mais non l'expre ssion philoso -
Bible
phique 55.
236
PROBLÈME THÉORIQUE
dans la suite du texte, il s’en prend, lui aussi, aux théories fata-
listes, œuvre du démon 42.
Athénagore, bien qu’il soumette une partie de l’homme au
destin #3, à travers tout son traité de la résurrection insiste sur le
mérite, commun au corps et à l’âme #4, Comme nous le verrons,
il distingue même dans l’action divine une providence cosmique
et une providence particulière, pour sauver le logos humain et sa
liberté.
Théophile d’Antioche exalte tellement la liberté et l’autonomie
de l’homme #5, qu’il paraît faire fi de la grâce. Pour lui,
« l’homme, par nature, était entre deux, ni complètement mortel,
ni totalement immortel, mais réceptif de l’un et de l’autre 46 ».
Par l’usage de sa liberté, en se soumettant à Dieu, il acquiert
l’immortalité, ou, inversement, il se rend coupable de sa propre
mort 47,
Avec saint Irénée, l’insistance est extraordinaire : « Dieu,
dit-il, a fait (l’homme) libre dès l’origine; il possède le pouvoir
sur soi, comme il possède son âme, pour user de la volonté divine
volontairement et non contraint par Dieu: » Il revient, dans le
contexte, sur ce pouvoir de choisir, commun aux anges et aux
hommes, base du mérite et donc de la rétribution 48. Liber in
arbitrio et suae potestatis, ces mots reparaissent fréquemment ##.
237
LA VIE MORALE
52. Marc., IL, 9, CSEL 47, 346, 15-19. Cf. Anima, XXII, 1; 2; XX, 5; XXXVIII,
6; Marc., LL, 8, CSEL 47, 345, 7-19; 5..., 340, 12-18; 6..., 341, 1-20. J. H. WaASzINK
énumère toutes les expressions utilisées par Tertullien pour désigner le libre
arbitre (p. 289).
53. Marc., II, 4, CSEL 47, 338, 24-27; 6, CSEL 47, 343, 7-9; Anima, XXI, 6;
Exch. cast., II, CSEL 70, 127, 20-24.
54. Idol., IX, CSEL 20, 38, 8-10.
55. Oct., XXXVI, 1.
56. Trin., I, éd. FAUSSET, 3, 14-15; 4, 4-6.
57. Ep., LIX, vix, 2, éd. BaxaRD, p. 175; Cath. Eccl. unit., X, CSEL Il, 1,
218, 16-17.
58. R. GRAFFIN, Patr. Syr., la, 2, Paris, 1907, 542-545,
59. Ibid., 545, 549.
60. Ibid., 546, 562.
61. Ibid., 550.
62. Ibid., 550-553.
63. Ibid., 553-554.
238
PROBLÈME THÉORIQUE
ce bien et qui sont appelés ivraie 64 », « Dans les opérations de
l’esprit (l’homme) fait tout ce qu’il veut, doué qu’il est de liberté
et de pouvoir, comme image de Dieu 65 ». Tout ce Livre des lois
des pays est un plaidoyer pour la liberté, dont la position cen-
trale se résume en ces mots : « En toute région, chez tout peuple,
tous les hommes jouissent de leur liberté naturelle, comme ils
veulent, et servent le destin et la nature, à cause du corps dont
ils sont revêtus 66, » Malgré la réserve qu’apportent ces dernières
lignes 67, la liberté est affirmée avec entêtement.
75. G. Quisrez l’a bien vu (La conception de l’homme dans la gnose valen-
tinienne, in Eranos Jahrbuch 1947, 15, 1948, p. 266; cf. Gnosis als Welt-
religion, Zurich, 1951, p. 25).
76. Anima, XXI, 6.
77. H. Karpp dit qu’ « un chrétien peut difficilement se rattacher à un
dogme philosophique plus étroitement que Tertullien le fait ici » (Probleme
altchristliche Anthropologie, Biblische Anthropologie und philosophische Psy-
chologie bei den Kirchenvätern des dritten Jahrhunderts, Gütersloh, 1950,
p. 73). Cependant cet auteur n’est pas prodigue de rapprochements avec la
philosophie. :
78. Str., III, 57, 2; IL, 5, 4-55 V, 7, 3; 8. E. GiLsoN note que Clément « se
montre beaucoup plus explicite (que ses prédécesseurs) sur la nécessité et le
rôle de la grâce » (La philosophie au Moyen-Age, Des origines patristiques
à la fin du XIV° siècle, Paris, 1944, p. 52).
79. Str., V, 88, 1-3. J. MerrorT étudie attentivement ce problème, Der Plaio-
nismus bei Clemens Alexandrinus, Tubingue, 1928, p. 32-43, W. VOELKER
souligne aussi la correspondance entre la prescience divine et l’effort humain
(Der wahre Gnostiker…, p. 125-126).
80. L’idée est de R. P. Casey, Clement of Alexandria and the beginnings of
christian platonism, in The Harvard Theol. Review, 18, 1925, p. 52 : « La grâce
cependant n’est pas conçue par Clément comme une force spéciale qui est
240
PROBLÈME THÉORIQUE
la théorie de la gratia adiuuans 81, et pratiquement n’imagine pas
de conflit possible entre la grâce et la liberté : il est un Grec
optimiste 82,
On aura remarqué, et on remarquera mieux encore plus loin,
que les Pères les plus affirmatifs sur la liberté humaine sont
parfois ceux qui ont laissé la part la plus grande à l’enchaînement
physique dans le monde. Cette contradiction leur donne une res-
semblance de plus avec les Stoïciens.
3. L'ACTION VERTUEUSE
instituée par Dieu pour réparer la faiblesse importée par le péché. La grâce
de Dieu cst une grâce naturelle, et son activité est une part du fonctionnement
normal de l’organisme de l’homme spirituel. »
81. H. A. Wozrson prétend trouver chez Philon l’origine de la théorie de la
gratia adiuuans, quand il y étudie le problème de la liberté (Philo, Founda-
tions of religious Philosophy in Judaism, Christianity and Islam, Cambridge-
Mass., 1947, t. I, p. 424-462).
82. En somme, la grâce chez Clément joue le rôle de la providence chez
les Stoïciens. Il n’a qu’à transposer, Saint Augustin, beaucoup plus sensible
au mal, s’en tirera plus difficilement.
83. M. Pourenz, Die Stoa, I, p. 116-118. Cf. ArRNIm, SVF IIL, 1-9, p. 3-7.
84. M. PouLenz, Die Stoa, I, p. 200. Rappelons que Clément d’Alexandrie
rapporte textuellement toutes ces définitions (Stfr., II, 129, 1-8), cf. ch. III
de ce travail. Le présent exposé simplifle à outrance une question assez déli-
cate. W. WIERSMA a consacré un livre à montrer la précision progressive de
la notion de fîn chez les Stoïciens : Ilepi téhouç, Studie over de leer van het
volmaakte leven in de Ethiek van de oude Stoa, Groningue, 1937.
85. On trouvera une excellente étude de ces notions dans E. GRUMBACH,
Physis und Agathon in der alten Stoa, Problemata, 6, Berlin, 1932, p. 6-43.
841
LA VIE MORALE
248R
PROBLÈME THÉORIQUE
106. Oct, XXXVII. Dans ce dernier texte, l’auteur propose des modèles
stoiciens.
107. 1bid., XXXVIII, 1.
108. Apol., XLI, 5, trad. WALTZING.
109. Str., V, 96, 5-6; 97, 6, où il fait appel aux Stoïciens; IL, 133, 7; I, 98, 2;
Paed., 1, 98, 4.
110. Str., II, 80, 3. Cette ävraxohoubia des vertus revient (ibid., IV, 163, 3;
VIII, 30, 2; cf. VI, 108, 3; II, 16, 2). Elle est évidemment stoïcienne (ARNIM,
SVF III, 295, p. 72; 299, p. 73; 302, p. 74). Clément dit textuellement : « Les
. vertus s’accompagnent mutuellement » (Str., II, 80, 2; 45, 1). De là l’unité de
la vertu (ibid., I, 97, 3).
111. Jbid., IV, 139, 2. TH. RUETHER, Die sittliche Forderung der Apatheia in
den beiden ersten christlichen Jahrhunderten und bei Klemens von Alexan-
drien…., Fribourg, 1949, livre dont la moitié est consacrée à Clément (p. 50-102),
étudie ce point (p. 78-81) ct juge que l’affirmation de Clément est une hyper-
bole (p. 81). Cependant Clément souligne dans le texte cité la stabilité absolue
dans le bien quand il décrit le gnostique : « Le gnostique aura une vertu
qu’il ne pourra perdre, ni de jour, ni de nuit, ni par quelque imagination »
(Str., ibid.). La gnose est inamissible, parce que la science est une propriété
inaliénable (Str., II, 47, 4; 76, 1; 77, 1; VI, 54, 1-2; 80, 2: NIL,060,,3:;:57,13;
70, 5). A ces notes stoïciennes on pourrait ajouter l'égalité absolue devant la
vertu et devant la philosophie (ibid., IV, 58, 4-59, 1; 59, 3; 60, 1; 62, 4; 67, 1)
— que l’on retrouve chez Minucius Félix (XVI, 5) — avec une tendance fémi-
niste (Str., IV, xix, en entier; Paed., I, 1v, en entier: cf. ARNIM, SVF III, 254,
p. 59). On peut trouver beaucoup d’autres précisions sur la vertu du gnos-
tique chez Clément auprès de W. VoELKkER, Der wahre Gnostiker nach Clemens
Alexandrinus, Berlin-Leipzig, 1952, p. 449-479. L'influence stoïcienne y est
souvent notée.
112. 11 connaît le bien, l’utile et l’agréable (Str., VII, 49, 8), mais le gnos-
tique écarte l’agréable (ibid., 61, 2), même l’agréable et l’utile au profit de
l’économie (ibid., 83, 2). Le bien seul est digne de louange (Paed., I, 93, 2;
cf. ARNIM, SVF III, 29, p. 9).
113. Str., II, 109, 3-4.
244
PROBLÈME THÉORIQUE
245
LA VIE MORALE
246
PROBLÈME THÉORIQUE
247
LA VIE MORALE
Clément
de le croire, quand on songe à la place qu’occupe chez
qui inquiét ait Irénée et Ter-
cette gnose, cette spéculation,
il pas de mettre la connai ssance avant
tullien 148, Ne se permet-
de salut 142?
le salut, alors que toute sa philosophie est une morale
étienne,
Dans cette morale, intellectualiste jusqu’à sembler antichr
l’ombre le corps 150 »,
« les actions suivent la gnose, comme
yeux
557). G. VERKUYL est tenté de l’admettre: la vertu s’apprend en un sens aux
zu
de Clément (Die Psychologie des Clemens von Alexandrien im Verhältnis
seiner Ethik, Leipzig, 1906, p. 48-50). 11 dit : « Au moins négativement l’iden-
la
tité de vertu et science est reconnue » (p. 51). C. MERk donne à peu près
même note (Clemens Alexandrinus in seiner Abhängigkeit von der griechischen
Philosophie, Leipzig, 1879, p. 54-59) et dit que la théorie de Clément « place
toute vertu (sainteté, union à Dieu) dans un savoir » (p. 90). On trouve
évidemment des textes opposés. Par exemple, Clément dit que le Pédagogue
« a pour but de rendre meilleur et non d’instruire, de proposer une vie sage
et non savante » (Paed., I, 1, 4). Mais il s’agit du Pédagogue.…. Partout Clément
souligne le rôle du Baptême, de l'Eglise. Partout aussi l’objet de cette gnosec
est spécifiquement chrétien.
148. Clément met essentiellement dans la connaissance la différence signalée
plus haut entre initiés et vulgaires, gnostiques et fidèles. Les premiers ont une
« révélation privilégiée ». Il a consommé la rupture entre théologie savante et
foi populaire. Cf. J. LEBRETON, Le désaccord de la foi populaire et de la
théologie savante dans l’Eglise du IIIe siècle, in Rev. d’Hist. Eccl., 19, 1923,
p. 481-506 (surtout p. 491-501); 20, 1924, p. 5-37.
149. Str., IV, 136, 5.
150. Ibid., VII, 82, 7.
151. H. Pérré, « Misericordia », Histoire du mot et de l’idée du paganisme
au christianisme, in Rev. des Et. Latines, 12, 1934, p. 376-389.
152. H. JANSseN, Kultur und Sprache, zur Geschichte der alten Kirche im
. Spiegel der Sprachentwicklung, von Tertullian bis Cyprian, coll. Latinitas
Christianorum. primaeva, 8, Nimègue, 1938, au mot misericordia, p. 208-214.
153. J. STELZENBERGER, Die Beziehungen.…, ch. vit. La doctrine des pathè
et de l’idéal d’apathie, p. 245-276, dit que Tertullien rejette la miséricorde et
il renvoie à Pudic., 1, CSEL 20, 220, 2 sq; II, CSEL 20, 222, 9. Mais il s’agit là
de l’indulgence pour le péché. FR. J. DOELGER repousse le rapport avec la
notion stoïcienne : Bewertung von Mitleid und Barmherzigkeit bei Tertul-
lianus, Vermeintliche Beziehungen zur stoische Philosophie, in Antike und
Christentum, 5, 1936, p. 262-271.
248
PROBLÈME THÉORIQUE
gnostique et Clément y consacre un long chapitre 154, Il montre
le Christ 155 et même les apôtres 156 impassibles. Il entend le mot
au sens stoïcien près de trente fois et par là exclut non seule-
ment la sympathie, ou l’attachement intérieur aux choses, et
l’amitié, mais tout serrement de cœur et même la pitié « en tant
qu’elle est la douleur provoquée par les malheurs d’autrui 157 »
ou « la douleur au sujet de quelqu'un qui est victime injus-
tement 158 », Clément va plus loin encore, dit Th. Rüther,
« même ce qui paraît être bon dans les mouvements de passions
comme courage, zèle, joie, satisfaction, ne se trouve pas chez le
gnostique 15 ». L’apathie, au sens bien stoïcien 16, constitue,
avec l’agapé, une des dominantes de cette morale 161, Elle est une
qualité qui rapproche de Dieu et de son Verbe.
Cependant cette apathie n’est pas esssentiellement insensi-
bilité. Elle est peut-être avant tout libération du péché et puri-
fication. Elle se rapproche de la pureté. « Le salut, dit Clément,
est le fait des âmes impassibles et pures 16, » Il recommande
« d'aimer son compagnon de vie, de le plaindre et de prier
pour lui à cause de son ignorance 163 », En somme, il exclut de
la pitié l’aspect sentimental et la réduit à la bienfaisance devant
la misère, que recommandent aussi les Stoïciens. Sous le terme
biblique, il cache la théorie du Portique 164, Ici vraiment Clément
a suivi les moralistes païens jusqu’au bout. L’apathie est la
marque de l’homme qui s’est totalement dominé pour faire
249
LA VIE MORALE
165. Str., IL, 40, 13 IL, 72, 2; IV, 151, 13 VI, 73, 6; VI, 137, 4; Ecl: Proph.,
52, 2, etc. J. Gross, La divinisation du chrétien d’après les Pères Grecs, contri-
bution historique à la doctrine de la grâce, Paris, 1938, souligne l’influence
stoïcienne non seulement sur la terminologie, mais sur les conceptions morales
de Clément (p. 169, n. 11). Dans le contexte, il dégage, peut-être abusivement,
l’aspect intellectuel et antichrétien de cette morale. H. D. PIRE affirme aussi
que Clément cest ici un vrai Stoïcien, qui juge la passion mauvaise en soi
(Pitié ou insensibilité.…., p. 38-40). M. PoLenz fait de même une large part au
stoïicisme, autour de l’apatheia, du terme mpostabeiv en particulier (Klemens
von Alexandreia und sein hellenisches Christentum.…., p. 133-134) ct dans toute
la morale (p. 140, 155, 163, 166, 176 et passim), sans diminuer l'originalité
chrétienne de la doctrine. W. VOoELkER, au contraire, dans sa volonté de
souligner le caractère spécifiquement chrétien du gnostique, a sous-estimé le
stoïcisme de l’auteur (Der wahre Gnosttker nach Clemens Alexandrinus, Berlin-
Leipzig, 1952, p. 524-540).
166. 11 Apol., XIIX, 4; 1 Apol., XLVI, 3.
167. Leg., XXXWV, c. fin. -
168. Haer., IV, xxvir, HARVEY Il, p. 192; xLiv, 2... p. 245; LV, 6... p. 269.
169. Orat., XXII.
170. Orat., XXV, fin.; cf. XVIII, c. med.; XXVI, c. fin.
171. « Ce qui arrive ainsi contre la raison (rapa vùv À6yov), dit FR. Qua:
TEMBER, arrive selon Clément, également, sinon même en première ligne,
contre le Logos personnel. Cela ne doit pas nous surprendre chez un homme
250
PROBLEME THEORIQUE
absent, On le constate en particulier quand il associe logos à
nature, comme chez les Stoïciens. C’est ainsi qu’il invite à agir
MOuméG Te mal puorxdc xal Xoyimce 172, Ces trois adverbes sont
manifestement des synonymes. Pour définir la vie morale, il dit
aussi bien « vivre selon la nature 178 », que vivre selon le
logos 174; suivre la nature 175, Dieu 176 ou le Verbe 177, Il définit
le péché tantôt « passion de l’âme contre nature 178 », tantôt
désobéissance au logos 17%, Pour être moral, l’homme n’a qu’à
« se soumettre au logos auquel toutes les bêtes sont soumises
déjà 150 ». « La vie du chrétien. est un ensemble d’actions raison-
nables, c’est-à-dire la pratique inamissible des enseignements du
Verbe, ce que nous appelons la foi 181, » Et le but pour l’homme,
c’est de s’assimiler au « logos droit 18 », auquel il est apparenté
par sa participation essentielle au logos 183, A6yoc, Aoyixéc, on peut
souvent se demander de quel verbe il s’agit. Il est bien évident
en tout cas que, dans la pensée de Clément, les facultés de
l’homme sont « logiques », c’est-à-dire marquées de rationalité et
en somme spiritualisées, quand le Verbe de Dieu les prend en
charge, « dans la montée de l’âme vers la vision face à face 184 ».
Cet aboutissement mystique de l’activité humaine chez l’Alexan-
drin rend un son platonicien, mais il est bien clair que la route
vers la gnose suit un itinéraire stoïcien 185, Logos et physis sont
les clefs de voûte de tout l’édifice moral 186
qui considère même toute la sagesse des Grecs comme une œuvre du Logos
personnel » (Die christliche Lebenshaltung.…., p. 114). Sur la soumission au
logos, sans précisions, cf. C. MERKk, Clemens Alexandrinus in seiner Abhän-
gigkeit von der griechischen Philosophie, Leipzig, 1879, p. 64-67.
172. Str., IV, 163, 3.
173. Ibid., VI, 136, 2. Sur la maxime : vivre selon la nature, chez les Pères,
cf. J. STELZENBERGER, Die. Beziehungen.…., p. 158-185.
174. Protr., 57, 4; Str., II, 4, 1; Ecl. Proph., 31, 2.
175. Paed., 11, 87, 3.
176. Ibid., II, 36, 2, etc.
177. Ibid., II, 110, 2. P. WENDLAND en faisait la remarque (Quaestiones Muso-
nianae, Berlin, 1886, p. 3-4) en apportant de nombreux exemples (p. 3, n. 2).
178. Paed., I, 6, 1.
179. Ibid., 1, 101, 1-2; 102, 1.
180. Ibid., III, 99, 2.
181. Ibid., I, 102, 4.
182. Str.,. II, 134, 1-2; VI, 113, 3.
183. Ibid., VI, 136, 3.
184. CL. MoNDÉSERT, Vocabulaire de Clément d'Alexandrie, le mot Doytxos,
in Recherches de Sc. Relig., 42, 1954, p. 262. Tout l’article (p. 258-265), montre
la variété des emplois de ce mot, qui en vient à désigner la sagesse chrétienne -
opposée à l’humanisme.
185. M. Pouexz fait cette distinction : Clément est authentiquement stoïcien
en morale, mais plutôt platonicien et essenticllement chrétien dans sa saisie
de Dieu (Klemens Alexandrinus und sein hellenisches Christentum.….,
. 155).
é 186. Ibid., p. 176; sur.la physis chez Clément, p. 110-144.
251
LA VIE MORALE
252
+
PROBLÈME THÉORIQUE
no)Si vw
LA VIE MORALE :
254
PROBLÈME THÉORIQUE
et de condition 217, Le chrétien est essentiellement catholique 218.
Devant le monde, il se trouve à peu près dans la situation du
citoyen grec sous Alexandre, qui voyait tomber toutes les fron-
tières : l’univers s’ouvre à l’un comme à l’autre, au-delà des
patries particulières. Le christianisme est un cosmopolitisme.
On retrouve évidemment chez les Pères ce cosmopolitisme
chrétien. Déjà le Pasteur d’Hermas affirme que « sa patrie est
loin de ce monde 21? » et l’apologie À Diognète dit très bien des
chrétiens : « Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais
comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs
devoirs de citoyens et supportent toutes les charges comme des
étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie
une terre étrangère 220,» Avec Tertullien, l’expression se rap-
proche davantage de la terminologie classique : « Ce monde
entier, dit-il, est pour tous la maison unique, où la grâce de Dieu
brille plus pour le païen qui se trouve dans les ténèbres, que pour
le chrétien qui est déjà dans la lumière de Dieu 221, » Minucius
Félix est dans la même ligne quand il proclame : « Pour Dieu ce
monde entier est une seule maison 222, > C’est l’image même de
Sénèque, qui invite à « voir dans le monde une seule maison
commune 223 ». Clément d’Alexandrie maintient la tradition et
répète à satiété que le Verbe « est la lumière commune qui brille
sur tous les hommes 224 ». « Même nature par naissance, dit-il,
même vertu 22% » et il rêve « d’une symphonie unique, sous la
217. Rm., 10, 12; I. Co., 12, 13; Ga., 3, 28; Col., 3, 11.
218. « Enseignez toutes les nations », avait dit le Christ (M1, 28, 19); « Que
tous soient un » (Jn., 17, 20-23).
219. Sim., I, 1.
220. Diogn., V, 5, trad, Marrou. C’est le cosmopolitisme en quelque sorte
négatif d’un Diogène, pour qui l’homme n’est d’aucune cité (A. J. FESTUGIÈRE,
La Révélation d'Hermès Trismégiste, t. II, p. 270, n. 2). On le voit exprimé
dans Epictète, Dissert., IIL, 24, 66. E. GiLsoN voit dans le texte de lEpiître à
Diognète, et même dans le texte de Tertullien cité plus loin (Apol., XXXVIIL),
« l’effet de dénationalisation produit par le christianisme » (Les métamor-
phoses de la cité de Dieu, Louvain-Paris, 1952, p. 20). Les chrétiens sont
domiciliés au ciel. Pour ce problème, cf. Cu. GUIGNEBERT, Tertullien, Etude
sur. ses sentiments à l'égard de la société civile, Paris, 1901. E. GizsoN a
parfaitement raison de rappeler ici la formule d’H. Scholz : « C’est un cosmo-
politisme fondé sur un acosmisme » (op. cit., p. 21, avec références biblio-
graphiques). Cette tendance est clairement exprimée dans les Stromates de
Clément (VII, 77, 3).
221. Pudic., VII, CSEL 20, 232, 7-9.
222. Oct., XXXIII, 1. Cf. XVIII, 4 : in hac mundi domo. Le même mot se
trouve dans saint Cyprien (Demetr., XIX, CSEL III, 1, 364, 18-19).
223. De benefic., VII, 1, 7. La même expression se retrouve dans la « Vie de
saint Cyprien: » (Pont. Vita Cypr., X, 3) : « Pour le chrétien, le monde entier
est une seule maison ». Pour Cicéron le monde est comme « la ville et l’état
communs des hommes et des dicux » (De fin., III, 64). Sur la notion de cité
chez les Grecs et chez les Pères, cf. K. L. ScHminr, Die Polis in Kirche und
Welt, eine lexicographische und exegetische Studie, Bâle, 1939. Clément y est
particulièrement étudié, p. 57-67.
224. Protr., 88, 2.
225 0S1r.S IN, 25874!
255
LA VIE MORALE
direction unique d’un choreute et d’un maître, le Verbe 226 »,
Unité de tous les hommes, mais, comme l’a très bien remarqué
H. Greeven, cette unité s’appuie sur l’égalité dans la vocation
divine, « Tous ceux qui déposent les désirs charnels sont égaux
près de Dieu », dit Clément 227, Cette communauté se fonde sur
un élément PT re l’homme. En somme, elle relève de Dieu
et non de la nature humaine 28.
Il existe cependant chez les Pères autre chose qu’un simple
parallélisme avec la philosophie stoïcienne. Sans faire appel ici
à l’universalité du logos, soulignée surtout par Justin et Clément
d’Alexandrie 22%, il faut remarquer que les Pères ont enseigné
volontiers l’égalité naturelle qui rapproche les hommes, ce res-
pect de l’homme en tant qu'homme qui faisait la base de la
philanthropie déjà chez Zénon. Saint Cyprien rappelle à Démé-
trianus et à son esclave qu’ils ont le même sort à la naissance et
à la mort, même matière en leur corps, même intelligence en
leur âme, « droit égal et loi pareille soit pour venir en ce monde,
soit pour s’éloigner du monde un peu plus tard 230 ». Tertullien
rapproche de même païens et chrétiens. Bien sûr! dit-il, es
chrétiens ne doivent pas se compromettre avec les païens, « mais,
poursuit-il, vivons avec tous. Réjouissons-nous ensemble dans la
communauté de nature, mise à part la superstition. Nous sommes
égaux, mise à part la discipline; possesseurs communs du monde,
mise à part l'erreur 231 ». Et cette idée philosophique de com-
munio naturae revient plusieurs fois 22. Il croit à l’unité de
l’espèce humaine 233, Dans son Apologétique, où il défendait les
chrétiens d’être une faction politique, il avait dit à ses desti-
nataires : « Nous formons une même société avec vous 234 » et il
avait lancé le mot fameux : « Nulle chose ne nous est plus étran-
gère que la chose publique. Nous ne reconnaissons à tous qu’une
seule république, le monde 235, >» Minucius Félix, toujours proche
de Tertullien, prend la défense des gens pauvres et grossiers,
parce que « tous les hommes sans distinction d’âge, de sexe, de
dignité, sont doués par naissance de raison et de sensus 236 ».
256
PROBLÈME THÉORIQUE
+
257
LA VIE MORALE
1 LA DIATRIBE
1. Ep., LV, xvi, 1, éd. BAYARD, p. 141; cf. LX, 111, 1..., p. 192.
2. Pall., IV, 2; Cult. fem., I, 8, CSEL 70, 68, 1-12.
3. Hab. uirg., XV, CSEL III, 1, 198, 4-24; Laps., XXX, CSEL IX, 1, 259,
17-25; VI..., 240, 17-19.
258
LA DIATRIBE
4, Orat., XXII-XXIV.
5. Autol., IIX, 15.
6. Oct., XXXVII, 11-12.
7. Spect., III; XXX et passim.
8. Donat., VIII, CSEL III, 1, 9, 15-10, 23.
9. Spect., V, 1-4, éd. BOULANGER, p. 104-105.
10. J. STELZENBERGER, Die Beziehungen.…., p. 452. Le contexte offre une série
de parallèles Pères-Diatribe, p. 453-459. Nous en avons exploité quelques-uns
dans la première partie de ce travail, pour montrer qu’il s’agit non seulement
d'influence, mais de véritable emprunt littéral.
11. Ce point de morale a fait l’objet d’études particulières : H. PREISKER,
Christentum und Ehe in den ersten drei Jahrhunderten, eine Studie zur Kul-
turgeschichte der alten Welt, coll. Neue Studien zur Gesch. der Theol. in der
Kirche, Bonwetsch-Seeberg, 23, Berlin, 1927. K. PREYSING, Ehezweck und zweite
Ehe bei Athenagoras, in Theologische Quartalschrift, 110, 1929, p. 85-110.
J. SrELZENBERGER, Die Beziehungen.…., ch. x11, La morale sexuelle, p. 403-447,
surtout p. 417 et sq.
12. Str., IIL, 4, 3; 74, 2; 82, 3-4; 88, 4.
13. Oct., XXXI, 5.
14. Exhort. cast., IX, CSEL 70, 141, 2-3.
15. Leg., XXXIII.
259
LA VIE MORALE
260
LA DIATRIBE
261
LA VIE MORALE
2. INFLUENCE TEXTUELLE
262
LA DIATRIBE
263
LA VIE MORALE
264
LA DIATRIBE
265
LA VIE MORALE
CONCLUSION
DIEU
CHAPITRE HUITIÈME
LE PROBLÈME DE DIEU
269
° LE PROBLÈME DE DIEU
_ de la mythologie et de ses statues grossières ou le formalisme
des sacrifices qui n’expriment pas un cœur pur. Tous, comme
les Stoïciens, ont plaidé pour un culte spirituel, un culte raison-
nable, selon l’expression d’Athénagore 4 Reprenant un thème
plus que classique, avec Clément d’Alexandrie 5, le Quod Idola
s’écrie : « Mais quel temple Dieu pourrait-il avoir, lui qui a pour
temple le monde entier 6 ? »
Il n’est pas question d’invoquer ici une influence stoïcienne;
le christianisme peut expliquer cette attitude 7, mais il est remar-
quable que la piété des écrivains ecclésiastiques ait trouvé une
expression si bien accordée à la religiosité contemporaine. Il est
d’autres terrains qui semblent plus fermes pour établir une
influence précise : la conception de la nature divine et surtout les
preuves de l’existence de Dieu.
d’An. BONHOEFFER, Epiktet und das Neue Testament, Giessen, 1911. I1 croit
à une influence du judaïsme et du christianisme sur Epictète. Plutarque aussi
s’écrie : « Chaque jour, pour l’homme de bien, n’est-il pas une fête ? » et
il attribue l’idée à Diogène (De tranquill. anim., 20, 477 c).
) 4. Ces idées sont familières aux Pères : Aristide, XIII, 4. Justin, I Apol.,
X, 1; XIII, 1-2; Dial, XIV, 2; XV, 1; 8; XIX, 2-3; XXII, 11. Tatien,
Orat., IV. Athénagore, Leg., XXIX; Res., XII, med. Théophile, Autol., I,
10. Orat. Graec., V. Diogn., IN, 3-5. Irénée, Haer., IV, xxix-xXxXI,
HARVEY II, p. 193-210. Clément, Protr., 1v en entier; Str., V, 67, 1-3; 74,
5-77, 2; VII, 14, 4-15, 4; 34, 2-4; 35, 3. Tertullien, Apol., XXX, 5-6; Scap.,
IL, éd. BinpLey, p. 130, 11-12; Jud., V, CSEL 70, 268, 40-269, 59. Octauius
XXXII, 2. Pour la plupart de ces références, cf. l’édition de l’Octauius de
M. PELLEGRINO, coll. Scrittori latini commentati per le Scuole, Turin, 1947,
p. 236-237. La même idée se trouve dans la philosophie contemporaine, par
exemple « sacrifice raisonnable » ou « spirituel » dans Corpus Hermeticum,
I, 31, éd. Nocs-FEsTUGiÈRE, p. 19; XIII, 18, p. 208; 19, ibid.; 21, p. 209; cf.
surtout dans le même volume, p. 27-28, n. 83.
5. Str., V, 76, 2.
6. IX, CSEL II, 1, 26, 11-12.
7. L’expression même }avpeiay Aoywmv est dans saint Paul (Rm., 12, 1).
270
< UE . L’'EXISTENCE DE DIEU
eux, que la reconnaissance du semblable par le semblable 1, De
plus, Dieu est immanent au monde et en constitue la force vitale.
Le cosmos en est le reflet, La preuve traditionnelle de l’existence
divine à partir de la nature trouvait donc ici un terrain de choix.
Les Stoïciens s’y sont tant attachés, qu’ils passent pour les initia-
teurs d’un authentique rationalisme déiste 2. Cependant d’autres
Stoïciens ont cultivé une autre tradition, Certains ont jugé Dieu
inconnaissable. « Cet agnosticisme, dit le P. Lebreton, se déve-
loppe sans doute au contact du néo-platonisme, mais il appartient
aussi au stoïcisme le plus authentique; on le trouve déjà chez
Ariston de Chio, le disciple de Zénon 3. >» On retrouve chez les
Pères cette double tendance, Tantôt, pour souligner la transcen-
dance de Dieu, ils le déclarent insaisissable; tantôt ils l’affirment
connaissable à partir de son œuvre.
271
LE PROBLÈME DE DIEU
272
‘
L'EXISTENCE DE DIEU
vraiment un dieu de la science, de la philosophie, qui, invisible,
transparaît dans ses œuvres 24, Tatien aussi le dit saisissable dans
l'œuvre qu’il a réalisée pour l’homme #5. Tertullien, tout en rap-
pelant que « l'infini n’est parfaitement connu que de soi-même »,
souligne, dans la forme antithétique qui lui est familière, les
deux aspects du problème : Inuisibilis est, etsi uideatur; incom-
prehensibilis est, etsi per gratiam repraesentetur; inestimabi-
lis, etsi humanis sensibus aestimetur 26. Obscurité et lumière
se mêlent 27, mais la lumière l’emporte : « C’est là le comble du
crime, refuser de reconnaître celui qu’on ne peut ignorer 28, »
Clément donne la même note: « Si les Grecs. ont énoncé
quelques points de vérité, ils témoignent bien que sa puissance
n’est pas cachée, mais ils avouent leur faiblesse, puisqu'ils ne
parvinrent pas au terme 2?, »
Avant Clément et Tertullien, Irénée avait dégagé mieux qu’eux
le conflit des deux vérités. Il disait de Dieu à l’égard des créa-
tures : « Sans doute il pouvait leur être invisible, à cause de sa
transcendance; mais il ne pouvait leur être inconnu, à cause de
sa providence 32, » En un langage encore plus laconique, il écri-
vait plus loin : « Il est invisible et ineffable pour toutes ses créa-
tures, mais non pas inconnu 81, » Et Irénée établissait là-dessus la
nécessité de l’illumination par le Verbe, qui vient suppléer à
l'insuffisance des facultés humaines, chez celui qui s’en rend
digne, révélation d’un Dieu d’amour, toute gracieuse, « accordée
par amour et départie plus libéralement à l’amour 82 ».
273
LE PROBLÈME DE DIEU
Tous les Pères ont reconnu que les païens, les Grecs en parti-
- culier, possédaient au moins quelques bribes de vérité morale ou
religieuse. Tertullien, les opposant aux hérétiques, disait : « Les
païens en ne croyant pas croient, et les hérétiques en croyant ne
croient pas %7, » C’est au sujet de cette croyance partielle en Dieu
en dehors du christianisme que s’est posé surtout le problème de
274
L'EXISTENCE DE DIEU
la connaissance naturelle de Dieu 88. Evidemment, les Pères ont
apporté à la présence de la vérité dans le monde hellénique des
explications variées et parfois naïves. La plus fréquente, c’est
l’utilisation de l’Ecriture Sainte par les auteurs profanes. Cet
argument est si répandu que Clément d’Alexandrie, l’humaniste,
s’en fait encore le défenseur en de longues pages des Stromates 39.
Viennent alors d’autres explications, ou philosophiques ou chré-
tiennes : l’illumination par le Verbe déjà présent chez les
païens 4, l’intervention des démons qui ont dérobé les prophé-
ties de l’Écriture, la contemplation du monde et de ses signes.
Derrière certaines de ces explications apparaissent des notions
philosophiques, qu’il faut essayer de dégager 41,
275
LE PROBLÈME DE DIEU
276
L’'EXISTENCE DE DIEU
sur les argumentations justes 47 ». Il y a symétrie entre ce texte
et les lignes citées plus haut. On peut donc identifier la preuve
par la création avec les « argumentations justes », et le « témoi-
gnage de l’âme » avec « les notions communes ». Un autre texte
le prouve. Dans le De carnis Resurrectione, Tertullien rappelle
les deux mêmes moyens naturels : « De testimoniis operum... de
communibus sensibus 48. » Et il attribue tantôt aux notions com-
munes #, tantôt au témoignage de l’âme 50, les mêmes exclama-
tions spontanées de l’homme : « Deus uidet » ou « Deo com-
mendo. » Il faut donc ramener à deux, dans l'esprit de Tertullien,
nos moyens naturels de connaître Dieu : l’argumentation à partir
de la création, que l’auteur utilise surtout dans sa polémique
contre Marcion, et le témoignage spontané de l’âme qu’il exploite
contre les païens 51 en s’appuyant, en particulier, sur les notions
communes 52,
Sensus communes, dit Tertullien, rpéamie, dit Athénagore — et
plus tard Clément d’Alexandrie — 58, ce n’est pas exactement la
même chose, mais c’est de toute façon une notion de la philo-
sophie grecque qu’on utilise pour exprimer la connaissance
immédiate de Dieu, qui voisine avec notre connaissance
méthodique.
Cette double connaissance naturelle de Dieu, par raisonnement
ou par conscience, se retrouve chez la plupart des Pères. Tous
ont insisté sur la preuve rationnelle de Dieu par la création, mais
quelques-uns aussi sur cette espèce d’intuition de Dieu.
277
LE PROBLÈME DE DIEU
278
L'EXISTENCE DE DIEU
279
LE PROBLÈME DE DIEU
77. Haer., IX, vaut, 1, Harvey I, p. 272; III, xxxix, HARVEY Il, p. 133; IV,
x1, 4..., p. 160.
78. Haer., IV, xt, 5... p. 161.
79. Don., XIV, CSEL II, 1, 15, 13-14.
80. IX, CSEL III, 1, 26, 18-27, 1.
81. Trin., UI, éd. Fausser, 12, 2-13, 3.
82. Protr., 63, 4-5.
83. Str., VI, 110, 3-111, 1.
84. Oct., XIX, 1; cf. XVII, 11.
85. L. Fuerscmer a bien étudié la preuve de Dieu par la création chez
Tertullien, dominante dans la polémique contre Marcion (Die natürliche
Gotteserkenntnis…, p. 18-35).
86. Val., III, CSEL 47, 179, 18-180, 1.
87. Marc. V, 16, CSEL 47, 630, 19-22.
88. Ibid., 1, 11, CSEL 47, 304, 23-24.
89. Ibid., 1, 17, CSEL 47, 312, 5-6.
281
LE PROBLÈME DE DIEU
90. Marc., I, 12, CSEL 47, 305, 28-306, 2; cf. 13, CSEL 47, 306, 24-25 : « Si
la création, telle qu’elle est, est indigne de Dieu, combien il serait plus indigne
de Dieu de n’avoir rien créé du tout. »
91. Ibid., I, 10, CSEL 47, 302, 25-26.
92. Ibid., I, 12, CSEL 47, 306, 7-9.
93. Ibid., III, 4, CSEL 47, 380, 15.
94. Ibid., I, 12, CSEL 47, 306, 9-15.
95. E. BRÉHIER a noté ce stoïcisme de Tertullien quand il s’adresse aux
Gnostiques : « Contre leur absolu sans cause, il reprend, dans les termes
mêmes du stoïcisme, l’affirmation de l’universalité du principe de causalité »
(La cosmologie stoïcienne à la fin du paganisme, in Rev. de l’Histoire des
Relig., 64, 1911, p. 19). A. BrzL a étudié le lien Dieu-causalité, Zur Erklärung
und Textkritik des 1. Buches Tertullians « Adversus Marcionem », Leipzig,
1911 (Texte und Unters., 38, 2), p. 46-48.
96. « Credibile est quia ineptum est » (Carn. Xti, V, CSEL 70, 200, 26-29).
97. Bapt., II, CSEL 20, 202, 5-6; cf. Apol., XVII, 3.
98. Bapt., Il, CSEL 20, 201, 18-21 et passim. J. LorTz explique le credo quia
absurdum à partir de Bapt., IL (Vernunft und Offenbarung bei Tertullian, in
Der Katholik, année 93, 4° série, XI, 2, 1913, p. 136 sq). Peut-être faut-il faire
appel ici à la remarque judicieuse de A. VIRIEUX-REYMOND, La logique et
l’épistémologie des Stoïciens…., Chambéry, s. d., 1949, p. 211: « L’absurde,
c’est donc ce qu’on ne peut pas même concevoir : a) ou parce qu’étant un pur
néant (la tante du logarithme) il est trop pauvre pour offrir une prise à
la pensée, b) ou bien parce que trop riche, Dieu par exemple, il échappe par
la plénitude infinie de son être aux limites de la conceptualisation. » En ce
dernier sens, le credo quia absurdum de Tertullien répondrait parfaitement
à une tendance de son œuvre.
282
L’'EXISTENCE DE DIEU
283
LE PROBLÈME DE DIEU
ramène les comparaisons classiques, fatiguées d’être sur le
marché; le navire s’explique-t-il sans pilote, la grenade sans
écorce, les édits sans le roi 104 ? Athénagore, qui fait aussi appel
à l’image du pilote 105, détaille « toutes les raisons que nous
avons de vénérer Dieu 106 », Il contemple l’organisation du
monde 407, « Pourtant, dit-il, ce n’est pas cela qu’il faut admirer,
mais son artisan », parce qu’on n’adore pas l’instrument, mais
celui qui en joue : « Admirant sa beauté, je m’approche de Par-
chitecte », conclut-il 108, Tertullien juge que l’ordre très com-
pliqué du monde exige une intelligence divine extérieure à lui 109,
Saint Cyprien voit à son tour une preuve de Dieu dans le soleil
et le jour, les sources, les pluies et les vents 110, L’Octauius con-
sacre à ce sujet de longs développements 111, Deux chapitres
entiers chantent la beauté du monde, l’ordre du ciel et des
saisons; et sans cesse l’auteur fait appel au Dieu créateur et pro-
vident 112, à une raison éminente qui préside à cette organisa-
tion 118, à un seigneur unique 114, comme la maison bien rangée
témoigne d’un maître. « Nous voyons la puissance de Dieu, dit-il
encore ailleurs, toujours présente dans ses œuvres et dans tous
les mouvements du monde 115, > Ne pas le reconnaître est une
ignorance criminelle, digne de châtiment 116.
Le monde, signe de Dieu, nous sommes là dans l’Ecriture 117,
mais aussi dans l’atmosphère religieuse de l’époque. Pour tout
homme cultivé, le monde est devenu le visage multiple de Dieu.
Le Corpus Hermeticum répète à l’envi que l’ordre et la beauté
104. Autol., I, 5; 4; II, 10. G. BARDY, avec raison, souligne l’aspect stoicien
de ces arguments et note que l’emprunt-a pu être inconscient (éd. Sources
Chrétiennes, p. 39-40).
105. Leg., XXII, fin.
106. Ibid., IV.
107. Ibid., XV-XVI.
108. Ibid., XVI.
109. Nat., II, 5, 16-18; 6, 6-7.
110. Don., XIV, CSEL IL, 1, 15, 10-14.
111. Les textes de Minucius Félix consacrés à cette question (XVII-XVI];
XXXII-XXXIII), sont étudiés par R. BEUTLER, Philosophie und Apologie bei
Minucius Felix, Weida-en-Thur., 1936, qui en examine la portée et en recherche
attentivement les sources.
112. Oct., XVII-XVIII.
113. Ibid., XVII, 4.
114. Ibid., XVIII, 5-7,
115. Ibid., XXXII, 4.
116. « I1 faut être privé de la raison, du sentiment et même de la vue »,
pour ne pas y voir un auteur intelligent (Oct. XVII, 3; cf. XXXV, 4-5).
Cf. Aristide, XVI, 6. Justin, 1 Apol., XXVIII, 3; 4 Théophile, Autol., î,
2-7. Tertullien, Nat., I, 1, 1-5 ; Apol., XVII, 3; XL, 10-12 ; Scap., I,
éd. BinDLey, p. 128, 12-129, 6. Quod.Idola, IX, CSEL II, 1, 26, 18-27, 5.
Clément, Protr., 104-105 et passim. Ceci est une position traditionnelle
reconnue par l’Eglise au concile du Vatican, Session III, ch. 1v en particulier :
que tout, homme peut atteindre Dieu à partir du créé par ses propres forces.
Le terme stoïcien recta ratio y est même repris.
117. Sg., 13, 1-5; Rm., 1, 20. On peut noter que, dans les Psaumes, le monde
ne sert pas à prouver Dieu, mais à le chanter. Son existence est trop évidente.
284
L'EXISTENCE DE DIEU
du monde supposent un créateur et un ordonnateur 118, que
Dieu est visible dans ses œuvres 19, Et le Peri Kosmou dit que
la divinité, invisible qu’elle est, se laisse voir dans ses œuvres,
comme l'âme invisible transparaît dans ses activités 120, C’est
l’expression même de Théophile d’Antioche : « De même qu’on
ne voit pas l’âme dans l’homme, invisible qu’elle est pour les
hommes, mais que l’âme se laisse comprendre par les mouve-
ments du corps, ainsi en doit-il être de Dieu : les yeux humains
ne peuvent le voir, mais, par sa providence et par ses œuvres,
il se laisse voir et comprendre 121, »
On peut même préciser que les Pères sont dans la ligne stoi-
cienne, plutôt que dans la ligne platonicienne. Ils ne ferment
pas les yeux devant le monde, pour atteindre Dieu par une con-
templation intérieure. Au contraire, Dieu est dans la direction de
l'univers, qui est un tremplin pour y accéder. Par là encore les
Pères s’opposent aux Gnostiques, pour qui le monde est toujours
plus ou moins mauvais 122,
C. CONNAISSANCE NATURELLE
ET CONNAISSANCE SURNATURELLE
285
LE PROBLÈME DE DIEU
par droit naturel et non par droit de famille, de loin et non de
près, forcément ils ignorent les ordres et les défenses qu’il
apporte à l’administration de ce qu’il a institué 126, > Ailleurs, il
appelle cette connaissance animale, en face de la science spiri-
tuelle du chrétien 127, et en souligne l’infériorité 128, Clément est
peut-être le moins précis 12%, Il parle cependant d’une connais-
sance supérieure dont la philosophie n’est que la base 130, d’une
lumière semblable au soleil qui fait évanouir la clarté de la
lampe 181, Devant les philosophes, qui ne sont que des « petits
enfants nouveau-nés », les chrétiens sont des « hommes 132 ».
286
L'EXISTENCE DE DIEU
A. MATÉRIEL OU SPIRITUEL
288
LA NATURE DE DIEU
289
LE PROBLÈME DE DIEU
290
LA NATURE DE DIEU
De plus, parmi les titres, Eusèbe mentionne un livre intitulé
ep moreuwc xal yevéeuc Xptorod. Anastase le Sinaïte, de son côté,
cite vingt lignes d’un livre III repl rñc oupxhoewc Xptoroù, et une
ligne d’un sermon sur la Passion 23, Méliton porte donc beaucoup
d'intérêt au Verbe incarné. |
Cependant, on ne connaît pas d'emploi de évowuatos Ôeéc au
IT' siècle 2 pour désigner le Dieu incarné. Le mot a couramment
le sens de matériel ou corporel. Or l'écrit en question est rapporté
précisément par Origène 25 sous le titre repl roù ÉvOouaTOv Eva
Tèv 6eév, qui convient plutôt à une œuvre sur Dieu: par le con-
texte, il montre qu’il l’entendait ainsi. En outre, Gennadius, au
V° siècle, dans son Liber ecclesiasticorum dogmatum 26, dit expli-
citement que Méliton et Tertullien ont professé la corporéité de
Dieu ?7, Il ne semble donc pas téméraire de supposer que Méliton
se range par ce traité parmi les Pères qui ont enseigné la corpo-
réité divine. ;
B. PASSIBILITÉ OU IMPASSIBILITÉ
23. On lui attribue encore la célèbre homélie sur la Pâque, éditée sous
son nom par C. BONNER, cf. supra, p. 194, n. 12. j
24. Le mot se trouve, en revanche, avec ce sens dans le Contra Noetum
d’Hippolyte, XVII, éd. NAUTIN, p. 263, 9, et l’on sait les thèses qui rapprochent
Hippolyte et Méliton.
25. In Gen., I, 26, PG XII, 93 A.
26. IV, PL LVIII, 982.
27. Pour les œuvres, cf. en particulier W. F. Orro, Corpus Apologetarum
Christianorum Saeculi Ili, t. IX, Iéna, 1872, p. 374-478, 497-512. Faut-il
objecter le fragment XIV syriaque, éd. Orro, p. 419-420, qui dit : « Quum
sit incorporeus, corpus ex formatione nostra texuit sibi » ? Que peut valoir
ce fragment ?
28. Anima, VII, 4.
29. Ce problème fait l’objet de l’étude célèbre de M. PoHLENz, Vom Zorne
Gottes, Eine Studie über den Einfluss der griechischen Philosophie auf das
alte Christentum, Gôttingen, 1909.
291
LE PROBLÈME DE DIEU
au
blable à celle de l’homme 30. Tertullien, à son tour, s’en prit
Dieu de Marcion qu’il qualifia, pour son impassibilité, de stoïcien
ou d’épicurien 31. Il sait que certains philosophes écartent la
colère de la divinité, parce qu’elle la rendrait « corruptible et
passionnelle », mais il faut l’admettre comme signe de sa puis-
sance 3. Il existe en Dieu « mouvements et sensations », colère,
haine, jalousie, aussi bien que bonté #3. Il reprend alors l’argu-
ment d’Irénée : ses sens sont les mêmes (eosdem) que ceux de
: l’homme; cependant ils ne sont pas semblables (fales). « Autant
la corruptibilité de la substance humaine en l’homme les rend
corruptibles, autant l’incorruptibilité de la substance divine en
Dieu les rend incorruptibles 84, » Il invoque même la Passion
rédemptrice comme preuve de la passibilité divine, mais alors
il s’esquive et rejette sur le Verbe les faiblesses de l’homme et ces
sentiments pour lesquels il a tant combattu 55. Par là, il se ralliait
au Dieu philosophique de Marcion et rejoignait, en quelque sorte
malgré lui, l’unanimité des Pères.
292
LA NATURE DE DIEU
personne sur l’impassibilité divine 58. S’il admet, avec l’Ecriture,
la miséricorde en Dieu, il explique qu’elle n’est pas du tout en
lui au sens du trouble émotionnel qui existe en l’homme 39, Mais
chez Clément se révèle nettement l'influence stoïcienne 4, Il
attache tant d'importance à l’apatheia divine en fonction de sa
morale, qui a son couronnement, nous l’avons vu, dans l’apathie,
suprême ressemblance à Dieu #1. Il est à croire que l’ensemble des
Pères, dans leur insistance unanime sur l’impassibilité en Dieu,
ait subi à la fois l'influence de la théologie stoiïcienne avec son
Dieu-Logos essentiellement rationnel et actif, et celle de la morale
stoïcienne avec son apatheia qui rend égal à Dieu 42.
C. LA RATIONALITÉ DE DIEU
293
LE PROBLÈME DE DIEU
en lui à l’avance, et c’est par là que tout vient de lui. Cette raison
est connaissance de soi 47 ». Dieu « rationnel », ce mot revient #8;
Dieu est « éternel et rationnel 4? ». Il est raison par essence : res
Dei ratio 50. La rationalité est le caractère fondamental de Dieu 51.
Mais cette doctrine n'offre plus rien de biblique. Elle est au con-
traire dans la ligne philosophique du stoïcisme, où Dieu est essen-
tiellement logos : « Qu’est-ce que Dieu, dit Sénèque, sinon la
raison de tout (mens uniuersi) 52 ? » « La raison. c’est-à-dire
Dieu », affirme-t-il encore 53. C’est l’idée de Tertullien, mais non
de saint Jean.
CONCLUSION
294
CHAPITRE NEUVIÈME
DIEU ET LE VERBE
295
10
DIEU ET LE VERBE
296
LE LOGOS : SA NATURE
les écoles philosophiques de ce Il° siècle 1. Il y a là une première
accomodation à la philosophie, une première influence en
quelque sorte.
Ce logos, comme son nom l'indique, est considéré par les Pères
comme une force rationnelle, une Sévaute Aoywr disent Justin 2 et
Tatien % A6you Sivauxc dit encore Tatien 4, Süvauc Xéyoc selon
Hippolyte 5, le Aoyioués du tout, d’après les Philosophoumena 6.
En conséquence, l’œuvre du Verbe est souvent présentée comme
éminemment rationnelle, ainsi que nous le verrons. D’autres
Pères soulignent simplement l’aspect actif, Athénagore y voit
l’évépyeux de tous les êtres matériels, confusément unis dans le
chaos, et ce mot est doublé du terme platonicien idée 7. Justin
l’appelle « la puissance du Père ineffable 8 », ou simplement « la
puissance » de Dieu?, avec Théophile d’Antioche 10, avec Ter-
tullien 1, avec Hippolyte 12, Hippolyte dit encore : « La puis-
sance paternelle 13, > Clément y voit « la puissance de l’en-
semble 14 », ou, en une expression beaucoup plus curieuse, « le
sercle de toutes les puissances enroulées et réunies en un 15 ».
Le Verbe apparaît donc comme une puissance, affirmation qui
s’appuie sur la Bible 16, mais une puissance surtout rationnelle.
298
LE LOGOS: SA NATURE
de sa majesté. Le Fils est visible dans la mesure de sa déri-
vation 82, » La distinction est poussée jusqu’à une sorte de diffé-
rence essentielle #%, Cependant visible signifie seulement, pour
Novatien344 et Tertullien 35, capable de se manifester et non
visible en permanence, « Nous disons, écrit Tertullien, que le
Fils aussi est invisible à titre personnel, en tant que parole
et
esprit de Dieu, par suite de la condition de sa substance, même
maintenant, et parce qu’il est Dieu et parole et esprit de Dieu »,
mais qu’il a été visible avant l’Incarnation, de la manière qu’il
dit à Aaron et Marie 36, c’est-à-dire dans un miroir, en visions,
en rêve 57. Le Verbe anticipe en quelque sorte son rôle à venir 38.
299
4
DIEU ET LE VERBE
300
LE LOGOS : PROBLÈME TRINITAIRE
301
DIEU ET LE VERBE
peu de traces précises d’un tel système dans les théories trini-
taires de l’époque et dans les relations que les penseurs mettent
entre le Père et le Verbe, en particulier.
A. EXPANSION DIVINE
302
LE LOGOS : PROBLÈME TRINITAIRE
303
DIEU ET LE VERBE
B. SACRAMENTUM OECONOMIAE
304
LE LOGOS : PROBLÈME TRINITAIRE
le problème. Il s’agit de bien entendre la filiation du Verbe, pour
ne pas nuire à l’unicité et même à l’unité divine. Justin rejette
l’idée d’une « amputation, comme si l’ousia du Père avait été
partagée 20 ». Tatien, son disciple, écarte aussi une éroxorñ du
Père, un sectionnement, parce que le Père n’est jamais sans
Verbe, mais pour accepter une espèce de répartition (uepiouéc).
Il prononce même secondairement le mot d’oixovoula 21, d’organi-
sation ou dispensation.
Ce dernier mot fit fortune. Emprunté à saint Paul 22, où il
s’applique au plan divin du salut, il continua à désigner l’incar-
nation rédemptrice dans la patristique grecque. Cependant, peut-
être sous l'influence d’Irénée #3, il prit un sens trinitaire chez
certains écrivains occidentaux du IIT° siècle, Tertullien en parti-
culier, Ce penseur, tout en étant gêné par son matérialisme et son
incapacité de soupçonner le spirituel, poussa très loin cette
théorie des personnes divines.
305
DIEU ET LE VERBE «
10. Nous avons déjà dit que Dieu a créé cet univers que nous voyons,
par sa parole et par sa raison et par sa puissance. Vos philosophes sont
aussi d'accord pour dire que c’est le logos, c’est-à-dire « la parole et
la raison », qui est l’auteur de l’univers. Zénon le désigne comme
l'artisan qui a tout formé et tout disposé; il dit qu’on l’appelle aussi
« destin, dieu, âme de Jupiter, nécessité de toutes choses ». Cléanthe
réunit tout cela pour l’attribuer à l « esprit », qui circule, dit-il,
à travers tout l’univers.
11. Or nous aussi, nous regardons la parole et la raison, et aussi
la puissance, par lesquelles Dieu a tout créé, nous l’avons dit, comme
une substance propre que nous appelons « esprit » : la parole est dans
cet esprit quand il commande, la raison le seconde quand il dispose,
la puissance l’assiste quand il réalise. Nous disons que Dieu a proféré
cet esprit et qu’en le proférant il l’a engendré, et que pour cette raison
il est appelé Fils de Dieu et Dieu, à cause de l’unité de la substance *,
car ce Dieu est esprit.
12. Quand un rayon est lancé hors du soleil, c’est une partie qui part
du tout; mais le soleil est dans le rayon, parce que c’est un rayon
du soleil, et que la substance n’est pas divisée, mais étendue, comme
la lumière qui s’allume à la lumière. La matière-source demeure
entière et ne perd rien, même si elle communique sa nature par
plusieurs canaux.
13. Ainsi ce qui est sorti de Dieu est Dieu, Fils de Dieu, et les deux
ne font qu’un. Ainsi l’esprit qui vient de l’esprit et Dieu qui vient de
Dieu est autre par la mesure, il est second par le rang, non par l’état,
et il est sorti de sa source sans s’en être détaché *.
27. E. Evans, dans son commentaire, explique que le mot désigne plus une
appartenance qu’une infériorité de dimensions ou une coupure, éd. Aduersus
Praxean.…., p. 246-247,
28. Prax., IX, CSEL 47, 239, 21-23.
29. Ibid., IX, CSEL 47, 240, 5 : « Non diuisionem... sed dispositionem » ;
XI... 242, 25 : « distincte, inquam, non diuise »; XII..., 246, 20 : « Ad distinc-
tionem, non ad diuisionem »; XIX.…, 262, 26-27 : « Non ex separatione
substantiae, sed ex dispositione » ; XXI... 264, 6 : « Dispositione alium, non
diuisione. » :
30. Nous reconnaissons là l’émooustoç, qui fera l’objet: de tant de querelles,
31. Apol., XXI, 10-13, trad. WaALTZING.
306
LE LOGOS: PROBLÈME TRINITAIRE
L’auteur souligne une rencontre avec Zénon et Cléanthe, qui est
plus verbale que réelle 32. Cependant, en ce rapprochement, tout
n’est pas sans fondement. Dieu, pour Tertullien, agit par une
substance qu’il profère, une substance qui est esprit comme Dieu
lui-même, qui est raison, parole et puissance de Dieu. Tertullien
n’emploie pas ces termes au hasard; il utilise ailleurs ce triple
attribut de Dieu. « Le Dieu unique, dit-il.…., par sa parole qui a
commandé, par sa raison qui a disposé, par sa puissance qui eut
tout pouvoir, a tiré du néant tout cet édifice gigantesque 33. » Ce
sont les termes que l’on rencontre aussi chez Minucius Félix.
« Disons-nous, s’écrie ce dernier, que Dieu soit autre chose que
mens, ratio et spiritus 34? » Il rejoint même textuellement Ter-
tullien : « Dieu, dit-il, de sa parole ordonne, de sa raison dispose,
de sa puissance réalise tout ce qui existe... 35 », Mais les Stoiciens
eussent-ils écarté cette théologie ? Pour eux aussi, le pantheos
est logos, esprit, destin. De chaque côté, malgré d’innombrables
différences — nous savons que le Verbe de Tertullien est per-
sonnel —, n’y a-t-il pas unité de la substance et multiplicité des
fonctions ? L'adaptation de la pensée chez l’apologiste n’est pas
purement formelle.
La fin du texte apporte la théorie que Tertullien développe,
avec une terminologie nouvelle, dans l’Aduersus Praxean. Le
Verbe est proféré, mais sans être détaché du Père. C’est une
espèce d’émanation, si l’on veut, qui aboutit à la pluralité : il y
a premier, deuxième, troisième 36, mais il n’y a pas séparation.
La relation est celle de l’arbre à la racine, du courant à la
source, du rayon au soleil 37, « En rien cependant il n’est étran-
ger à la matrice dont il tire ses propriétés » et il poursuit : « Ainsi
la Trinité dérive du Père par des degrés qui s’emboîtent sans
rupture; n’entravant en rien la monarchie, elle favorise l’exis-
tence de l’économie 88. »
307
DIEU ET LE VERBE
308
| LE LOGOS: PROBLÈME TRINITAIRE
stoïciens 4. Dans la ligne d’une unité par vouéve, il utilise les
comparaisons du soleil et son rayon, de la source et son courant,
de la racine et sa plante; en même temps, il exploite les termes
vus plus haut de distributio, dispositio, distinctio, opposés à
separatio. Tertullien a donc appliqué à l’unité des trois personnes
les concepts de son temps. Cependant, comme le remarque fine-
ment S. Schlossmann, ces deux modes d’unité chez les philo-
sophes étaient exclusifs l’un de l’autre. En les appliquant tous
deux simultanément à l’économie divine, Tertullien dévoile son
ignorance du système : sa terminologie philosophique n’est plus
qu’une rhétorique 50,
309
DIEU ET LE VERBE :
310
LE LOGOS : PROBLÈME TRINITAIRE
faculté de la pensée, intérieure à l’homme (évStéBeros), que
l'expression extérieure (xpopopxés) de cette pensée par le mot et
le raisonnement 61, Des penseurs chrétiens, comme Irénée ou
Tertullien, avaient parfaitement saisi l’idée grecque. Saint Irénée,
examinant l’élaboration de la pensée, arrive au logos et s’écrie :
« Mais qu’est-ce que le logos ? Autre chose est, selon les Grecs,
le logos en tant que faculté principale qui pense, autre chose
l’instrument qui sert à émettre le logos » et il souligne la marge
qui existe chez l’homme — pas chez Dieu — entre la pensée et
son expression ®, Tertullien rappelle encore plus clairement que
logos désigne une double réalité : la ratio et le sermo, la pensée
et la parole 68, Par là, les philosophes grecs marquaient essen-
tiellement et presque exclusivement les deux étapes du logos
humain et ne songeaient pas au logos divin. Les Stoïciens ont
peut-être donné parfois une résonance religieuse à cette dis-
tinction du logos intérieur et du logos manifesté. Le P. Lebreton
le croit : « Par le premier, dit-il, l’homme participe à l’âme du
monde; par le second, il est uni aux dieux et aux hommes 84, »
Mais le P. Lagrange le conteste : « Les Stoïciens ne l’entendaient
que de la parole humaine, et nous n’avons pas à insister, car
Philon, avec l’énorme développement qu’il a donné à son logos,
n’a pas osé cependant lui appliquer ce double concept 65, »
Même si leur théorie a évolué, elle reste bien différente de
l’application qu’en font les Pères de l'Eglise. Les penseurs chré-
tiens se sont emparés de ces deux étapes du logos humain et les
ont, plus ou moins habilement, appliquées au logos divin, pour
expliquer devant la philosophie païenne la génération du Verbe.
Le Verbe, deuxième personne de la Trinité, comme notre logos,
est d’abord — et éternellement — intérieur; il est émis extérieu-
311
DIEU ET LE VERBE ‘
312
LE LOGOS: PROBLÈME TRINITAIRE
pas en parole dès l’origine *, et que la parole même, consistant en
raison, montre aussi la priorité de celle-ci comme sa substance. Cepen-
dant même ainsi, peu importe ! Bien que Dieu n’eût pas encore envoyé
sa parole, dès lors il la détenait avec la raison, précisément, et dans
la raison, à l’intérieur de lui-même, pensant en silence et arrangeant
avec lui-même ce qu’il allait bientôt dire par sa parole *,
313
DIEU ET LE VERBE
73. ‘O Xdyos Tpù Toy Totnpäétuv nai GUVÈV xai YEWWUEVOS Ôte ThY pyhv
êt'adtod trévra ëxrias (11 Apol. VI, 3). Faut-il mettre d’un côté suvuv avec la
précision xp 7üv motnuituy, pour y voir le logos intérieur, de l’autre
Yewwuevos avec une détermination essentielle ôrz ëxtioe, pour y voir le Verbe
proféré en vue de la création ? On ne le croit pas généralement (J. LEBRETON,
Histoire du Dogme de la Trinité, t. II, p. 449-450). Le texte est discuté par
A. Puecx, Les Apologistes…., p. 111-112, surtout 112, en note. Il admet chez
Justin « une tendance... à utiliser, plus ou moins consciemment, pour définir
la relation du Fils au Père, les idées stoïciennes sur le Verbe intérieur et le
Verbe proféré » (p: 115). Cf. aussi M. J. LAGRANGE, Saint Justin, à propos de
quelques publications récentes, in Bull. d’Anc. Litt. et d’Archéol. chrét., 4,
1914, p. 7-8.
74. Orat., V.
75. Leg., X.
76. Autol., II, 22.
314
LE LOGOS : PROBLÈME TRINITAIRE
315
DIEU ET LE VERBE
316
‘ LE LOGOS DANS L'HUMANITÉ
317
DIEU ET LE VERBE
318
LE LOGOS DANS L'HUMANITÉ
Cependant H. Meyer, qui l’a étudiée plus attentivement que per-
sonne, dit que la différence essentielle n’est pas là, puisque, selon
lui, dans la Stoa, la théorie avait déjà parfois cette application.
Il souligne avec raison que les deux termes de l'expression logos
spermatikos ont changé de sens en passant chez Justin. Le logos
n’est plus le preuma originel, mais « une personne divine, qui,
par sa puissance, crée les choses du monde, qui, par sa manière
d’agir, est d’une certaine façon immanente aux choses, et, dans
l’Incarnation, assume une forme humaine 18 », Quant au mot
spermatikos, qui est apparu à peu près comme synonyme de
xar& uépos, il comporte bien plus la nuance de déficience, de
présence fragmentaire et incomplète, que l’aspect de semence 1?.
Justin veut montrer la continuité et l’universalité de l’action du
Logos : le Verbe a agi spermatiquement avant le Christ, dans
l’ensemble de l’humanité, puis en plénitude en s’incarnant dans
le Christ 20,
319
DIEU ET LE VERBE «
320
LE LOGOS DANS L'HUMANITÉ
a repris le mot de semence : « Dieu, dit-il, est né dans l’homme,
prenant une chair de semence antique sans antique semence,
afin de la régénérer avec une semence nouvelle, c’est-à-dire
spirituelle, en écartant par la purification toutes ses souillures
passées » et il rapproche cette création nouvelle de la première
semence divine jetée dans une autre terre encore vierge 82, On
peut voir là en germe une théorie de l’édification d’un monde
nouveau par un pneuma-semence, comme la création première
provenait de « l’esprit flottant sur les eaux 33 ». C’est aussi une
ébauche de la théorie de la récapitulation, dont il sera question
plus tard, mais l’aspect cosmique n’y est pas souligné.
Les Gnostiques sont allés jusqu’à donner à la thèse de la
grâce-semence une certaine valeur biologique 34. Le mot désigne
encore l’action surnaturelle du Christ ou de la Sophia 55.
Selon Clément d’Alexandrie, ces hérétiques voient des semences
déposées dans l’humanité pour l’édification de l’Eglise 86. Cette
« semence spirituelle » ou, plus exactement, cet « esprit sperma-
tique » (rd omepuarxdv nvebua) a été « semé dans l’âme » par
l'intermédiaire des anges, et il tient dans le logos humain la place
de la moelle dans l’os. L'ensemble de cette « semence du plé-
rome » constitue le rassemblement des élus ou, si l’on veut, « la
semence spirituelle totale 37 ». Dans « la mystérieuse semence
qui fait les élus et les spirituels », selon l’expression de Ter-
tullien 38, on reconnaît bien le logos spermatikos de Justin,
toujours attribué à l’humanité, et même à une partie seulement de
l'humanité.
321
DIEU ET LE VERBE
322
LE LOGOS DANS L'HUMANITÉ
323
CHAPITRE DIXIÈME
DIEU ET LE MONDE
1. V. Mono», Dieu dans l'univers, Essai sur l’action exercée sur la pensée
chrétienne par les grands systèmes cosmologiques depuis Aristote jusqu’à nos
jours, Paris, 1933, a opposé excellemment la conception biblique de Dieu et
la conception grecque. Chez les Grecs, Dieu est dans le cosmos, dont il est
l’explication; chez les Juifs, il est dans l’histoire : « Ici, Dieu est visible
dans le temps. Là, Dieu est visible dans l’espace » (p. 25).
2. E. BRÉRIER, Les idées philosophiques et religieuses de Philon d’Alexan-
drie, 3° éd., Paris, 1950, p. 84-85.
324
LA PROVIDENCE
miste 8, tantôt dans le sens rationaliste. Mais le degré d'influence
est très varié. Parfois le stoïcisme n’a fait qu’imprimer sa marque
à une pensée essentiellement biblique et chrétienne: d’autres fois,
on retrouve un authentique stoïcisme, plus ou moins bien accordé
à la théologie traditionnelle encore très scripturaire à l’époque.
325
DIEU ET LE MONDE
B. LA PROVIDENCE
320
LA PROVIDENCE
Providence universelle, Chez tous les Pères, cette provi-
dence s’étend aux détails comme à
l’ensemble 13. Athénagore explique : « Dieu ne mène rien, ni des
choses de la terre, ni des choses du ciel, sans contrôle ou provi-
dence. En toute chose, aussi bien visible qu’invisible, grande que
petite, pénètre (Sxovoav), il faut le savoir, la sollicitude de celui
qui la fit. Car tout ce qui existe a besoin de la sollicitude de
celui qui le fit, et chaque chose proprement selon son essence et
sa destinée naturelle 14, » L’écrit À Diognète, mêlant l'aspect
créateur et organisateur, détaille tout le cosmos et précise bien
que Dieu s’en occupe lui-même; le seul intermédiaire, c’est
< l’artisan et le démiurge du tout en personne 15 », L’Octauius, à
son tour, proclame que Dieu s’occupe des parties autant que du
tout 16, Clément d’Alexandrie, à plusieurs reprises, exclut qu’un
être s’administre lui-même. Même les astres n’ont pas une activité
indépendante : « Un très grand nombre, dit-il, semblable aux
philosophes, attribue l’accroissement et la transformation (des
semences) par priorité aux astres 17, dépouillant ainsi, autant
qu’il est en eux, de son indéfectible puissance, le Père de tous
les êtres. Mais les éléments et les astres, c’est-à-dire les puis-
sances administratives, ont reçu l’ordre d'exécuter ce qui est
nécessaire à l’économie... 18, >»Clément y insiste : la providence
est Idlz xal Snuooiz ka mavrayoù 19. Les Constitutions Apostoliques
énumèrent les êtres dans leur hymne à la création et ajoutent :
« La sagesse ingénieuse de ta providence accorde la providence
qui convient à chacun d’eux 2. » On peut dire que, de l’avis
commun des Pères, pas une parcelle n’échappe à la providence 21,
Les Stoïciens les auraient applaudis et les hommes cultivés de
l’époque, s’ils les lisaient, ne devaient pas s’y sentir étrangers 22.
13. D’où les attaques signalées plus haut, contre les thèses du Péri Kosmou
qui semblaient limiter la providence. Il faut noter cependant que, dans ce
traité, rien n’échappait en définitive à la providence; rien n’est QÜTAPYKEG,
C’est la théorie même des Pères, de Clément surtout.
14. Res., XVIII; V. *
15. Diogn., VII, 2.
16. Minucius Félix, Oct., XVIIL 3.
17. C’est la théorie qu’on retrouve, conformée au christianisme, chez Aris-
tide (VI, 1) et chez Justin (11 Apol., V, 2) qui attribuent la germination et la
croissance au soleil. Bardesane accorde même aux éléments et aux puis-
sances une certaine liberté, doublée de responsabilité (Le livre des lois des
pays, éd. R. GRAFFIN, Patr. Syr., la, 2, Paris, 1907, 549), et une influence
considérable sur l’homme (cf. infra, p. 407-409).
18. Str., VI, 148, 2. Athénagore rappelle aussi que les éléments ne reudent
aucun service « sans la providence qui vient de Dieu » (Leg., XXII, c. fin.).
19. Str., VII, 6, 1.
20. Const. Apost., VII, 34, 5.
21. Str., VII, 9, 1.
22. Cf. v. g. Cicéron, Nat. deor:, II, 154-165. Lucien ne plaisantait-il pas sur
ce pauvre Zeus, surchargé de besogne, au point de ne plus savoir où donner
de la tête. L’époque avait souligné la sollicitude de Dieu pour l’humanité,
sans beaucoup songer cependant à l’individu.
327
11
DIEU ET LE MONDE
L
23. Leg., XXN.
24. Ibid, XXIV : Tv pèv Tavrentuxiv al yemany Toy OhWV TPOVOLAY, TIV à
ET HLÉpOUs.
25. Str., VI, 158, 4 : Ëv ve vois na@'Ühou Ëv ve voic êmi mépous. Novatien
oppose totum à singula (Trin., VIII, éd. Fausser, 25, 17-26, 3). C’est le voca-
bulaire consacré. On le rencontre, en particulier, dans la littérature hermé-
tique. Les maux de la fatalité sont particuliers (peptxd) ou universels
(xafohma) (C. H. Fragm. divers, 20,4, t. IV, éd. Nocxk-FESTUGIÈRE, p. 118); la
providence est universelle ou singulière (catholica-singula) (Asclepius, 38, éd.
Nocxk-FESTUGIÈRE, p. 349, 1. 12; 39..., p. 349, 1. 18). Même distinction chez
Maxime de Tyr, cf. G. Soury, Aperçus de philosophie religieuse chez Maxime
de Tyr, Platonicien éclectique, Paris, 1942, p. 24.
26. Str., VI, 148, 2.
27. Ibid., 6.
328
LA PROVIDENCE
nous, mais unifiées sous le Verbe unique 28. Cette division de la
providence est traditionnelle. Déjà Athénagore semblait établir
une délimitation de frontières entre la providence directe et indi-
recte et y voir la providence générale et particulière. « Dieu
détenait la providence d'ensemble, dit-il, … mais les anges rangés
à cet effet détenaient la providence de détail #. » Il dit encore
que Dieu « a réparti et ordonné des anges pour qu’ils s’occupent
des éléments, des cieux, du monde et de ce qui est en lui 30 ».
Justin est dans la même ligne, mais limite davantage le terrain
d’action : « Dieu a confié le soin de veiller sur les hommes et sur
les créatures qui sont sous le ciel, aux anges qu’il a mis à leur
tête 51 »; sans doute se réserve-t-il les cieux pour sa providence
directe.
28. Str., VII, 9, 3. Cf. VII, 42, 7, où il défend la providence d’être « une
puissance servile », mais il parle des « économies ininterrompues de la pro-
vidence ». Dans ces textes, on reconnaît les « puissances invisibles » de
Philon, que « le démiurge a tendues depuis les extrémités de la terre jusqu’aux
limites du ciel », comme les « liens infrangibles du tout » (De migr., 181).
Chez Clément comme chez Philon, ces puissances d’allure stoïcienne sont
rattachées à Dieu et non à quelque principe immanent de la matière.
29. Méthode d’Olympe a repris, comme ïil le dit explicitement, et com-
menté ce texte d’Athénagore : « Dieu gardait la providence d’ensemble de
l'univers, tenant lui-même toutes ces choses dans son pouvoir et dirigeant
le monde infailliblement comme une barque par le gouvernail de la sagesse,
et les anges préposés à cela veillaient sur chaque partie en particulier » (De
Res., I, 37, éd. Bonwersc, 278). L’idée appartient à la culture de l’époque.
L’Asclepius dit aussi : « Les dieux célestes n’ont-ils pas tout le gouvernement
de l’universalité des choses (catholicorum) et les dieux terrestres l’adminis-
tration de tout leur détail (singula) ? » (39, éd. Nock-FESTUGIÈRE, p. 349,
1. 17-18.)
30. Leg., X.
31. II Apol., V, 2-3.
32. Les démons sont associés aux faux dieux à travers toute la patrologie. :
Avec les anges, ils peuvent jouer un rôle dans la divination (Tertullien, Apol.,
XXII, 8; Minucius Félix, XXVII, 1; XXVI, 7-11; Clément, Str., VII, 37, 1-2),
dans l’inspiration et les rêves (Tatien, Orat., XIV, c. init.; XVI, c. med.; Athé-
nagore, Leg., XXV; Tertullien, Anima, XLVI, 13; XLVII, 1; Justin, 1 Apol.,
XIV, 1). Ensemble ils s’occupent des individus, des peuples, des nations
(Athénagore, Leg., XXIV; Clément, Str., VI, 157, 5; VIL, 6, 4; cf. Cicéron, Nat.
deor., XI, 164-165). La « mission des anges auprès de l’humanité dans l’his-
toire du salut » a été étudiée spécialement par J. DANIÉLOU, Les anges et leur
mission, éd. de Chevetogne, 1952.
33. Les données des autres Pères sont plus limitées. Tatien seul se rap-
proche d’Athénagore (Orat., XII, c. med.). Tertullien reconnaît aux anges une
influence corruptrice sur la nature (Apol., XXII, 5-6). Selon Clément, sept
anges contribuent à la génération du monde et veillent aux sept Planètes
329
DIEU ET LE MONDE
(Str., V, 37, 1-2; VI, 143, 1). D’autres veillent aux naissances (Ecl. Proph.,
50, 1) et aux astres (ibid., 55, 1). Selon Novatien, le monde est mené par les
anges, dont « les mouvements, malgré leur variété, sont enchaînés par des
lois fixes » (Trin., VIII, éd. FAusseT, 27, 12-15). Les hérétiques attribuent aux
anges dés fonctions cosmiques parfois beaucoup plus étranges, par exemple
ri le Gnostique (Hippolyte, Refut., V, 26, 11-16) et Simon (ibid., VI, 19,
330
LA TRINITÉ ET LE MONDE
qui donne l'énergie » « se rattachent les corps premiers et
seconds et troisièmes 39 ». Ailleurs, sans nommer expressément
la providence, il dit que « les effets les plus universels » du
pouvoir divin « compénètrent (Suenepolrnxev) également chaque
chose40 ». L'unitéde la providence cosmique apparaît ainsi
comme un lien qui rattache entre eux tous les êtres, lien surtout
extérieur à eux, malgré les termes rpoxw ou Stxporré, mais vraie
source d’unité,.
Comme on le voit, Dieu et ses anges sont fortement tournés
vers le cosmos #1, Les anges ne sont pas les intermédiaires semi-
divins, chers aux platoniciens, mais des créatures subordonnées,
ceci même chez Clément #2. Ils sont les instruments de la provi-
dence et jouent un rôle nettement cosmique. Cette providence,
qui tient une si grande place chez les Pères, est elle-même préoc-
cupée de l’univers. Au lieu de veiller avec sollicitude sur les per-
sonnes, comme le chrétien l’envisage volontiers dans toute spiri-
tualité, elle détermine surtout l’ordre du monde, Elle est loi
physique plutôt que loi morale, et, dans cette mesure, peut-être
plus philosophique que chrétienne #3,
331
DIEU ET LE MONDE
1. Cf. par exemple F. J. DoeLcer, IXOYZ als Kürtzung der Namen Jesu,
Münster-en-W., t. 1, 1910, p. 70, 74-75. I1 ne faut pas oublier un troisième
emploi de pneuma, biblique également, comme détermination essentielle de
Dieu, hors de toute distinction de personne. M. KrieBez, Studien zur àälteren
Entwicklung der abendländischen Trinitätslehre bei Tertullian und Novatian,
Marbourg-Ohlau, 1932, montre bien l’ambiguïté de ce terme en matière tri-
nitaire (p. 81 et passim), son éclaircissement progressif, achevé chez Novatien
(p. 87-88).
2. 1 Apol., XXXVI, 1-2; Dial., CXXIV, 4; CXXVIIL, 4.
8. Le., 1, 35, cf. 1 Apol., XXXIII, 6 (A. Puecn, Les Apologistes grecs,
p. 323-324).
4. Noet., XVI, éd. NAUTIN, 259, 26-27,
5. Leg., VI.
6. Mais il existe chez Athénagore beaucoup de flottement autour du terme
pneuma. A côté de cet Esprit-Saint un peu stoïcisé, il connaît un pneuma
de la matière, pneuma hylique (Leg., XXVII), mentionné plus haut; et Dieu
lui-même est encore appelé pneuma (ibid., XVI).
7. Leg., X.
8. Haer., IV, Lxun1, 2, HARVEY II, p. 296.
352
LA TRINITÉ ET LE MONDE
dit-il encore, qui dirige toutes choses ®, » Une fois
le Saint-
Esprit, qui joue habituellement le rôle d’embellir la
création,
paraît y recevoir, sous le nom de Sagesse, une fonctio
n de
cohésion : Dieu « créa et modela… affermissant par
son Verbe
et constituant (compingens) par sa Sagesse toutes choses;
lui qui
était seul vrai Dieu 10 ». Enfin, dans un autre texte, il a nette-
ment cette fonction, puisqu'il y est question de « l’esprit
de Dieu
qui tient ensemble (ouvéyovroc) toutes choses 11 ». Irénée
se sou-
vient de ce rôle unifiant de l'Esprit, quand il parle de l'Eglise.
L'Esprit, doué d’un pouvoir de régénération, « famène à
l’unité
les tribus dispersées 12 », « Nos corps, en effet, par le bain
ont
reçu cette unité, qui est source d’incorruption; les âmes,
par
l'Esprit 18, » L'Esprit est pour l'Eglise ce qu’est « le souffle
au
corps modelé » par Dieu (quemadmodum aspiratio plasmationi),
auquel « tous les membres participent 14 »,
On retrouve les mêmes conceptions au passage chez Clément
d'Alexandrie. L'Esprit joue un rôle unificateur, à la fois dans
l'univers et dans l'Eglise. « Tout tient ensemble(ouvéyetau), dit-il,
tant qu’y demeure la semence », c’est-à-dire l’esprit, « image
et
ressemblance de Dieu15 ». Et ailleurs, il compare l'effet
de
PEsprit à celui de l’aimant : « Comme le Preuma de la pierre
d’Héraclée meut ensemble la plus grande partie du fer…., ainsi
attirés par l’Esprit-Saint, les hommes vertueux sont unis dans
la première demeure, et les autres à la suite, jusqu’à
la
dernière 16, »
L’Homélie Sur les saintes Théophanies, que la tradition attribue
sans certitude à Hippolyte, reconnaît aussi à l'Esprit une fonc-
tion cosmique, quand elle entonne en son honneur un hymne
lyrique : « Voici l'Esprit, chante-t-elle, qui à l’origine reposait
sur les eaux; par lui le cosmos est mû, par lui la création se tient
et tous les êtres sont vivifiés. C’est lui qui agit dans les prophètes,
c’est lui qui descend sur le Christ. 17, » Et un peu plus loin,
333
DIEU ET LE MONDE +
Dans les textes qui précèdent, nous avons rencontré déjà une
certaine tendance animiste chez les Pères. Le Saint-Esprit, en
particulier, joue souvent le rôle vivifiant de l’âme, par rapport
à l’homme ou à l'Eglise, Dans l’apologie À Diognète, les chrétiens
sont eux-mêmes l’âme du monde, répandue dans tout le corps et
le conservant dans l’existence 1. L'auteur semble leur prêter une
fonction cosmique qui est manifestement un souvenir du stoi-
18. X, ibid., p. 263, 20. Chez Irénée aussi le Saint-Esprit est « l’esprit
vivifiant » (Haer., IV, xxxv, 3, HARVEY IL, p. 227; V, xt, 2, HARVEY II, p. 350).
11 vivifie et donne forme à la chair qui est « unie et formée » (ibid., V, 1x, 1,
Harvey II, p. 342). Mais en lui donnant ce nom, Irénée ne dépasse pas saint
Jean (6, 63). I1 songe à l’homme et nullement au cosmos.
19. Jn., 6, 63 : Tù mveüpa Egte td Eworotoüv. Cf. I. Co., 15, 45.
20. P. G. CHappuis, à partir de textes moins nombreux et moins expressifs,
croit pouvoir aller plus loin dans l’affirmation. Il dit, au sujet de la doctrine
du pneuma : « Les chrétiens, reprenant à leur compte cette doctrine, iden-
tifient l’âme du monde au Saint-Esprit, dont la fonction est de vivifier et de
guider par sa constante action, non seulement le monde, mais encore l’homme »
(La destinée de l’homme, De l'influence du stoïcisme sur la pensée chrétienne
primitive, Paris, 1926, p. 71 sq). R. Azrers note que les platonisants du
Moyen Age firent effectivement du Saint-Esprit l’âme du monde, surtout
Abélard, dont les théories furent condamnées au Concile de Soissons en 1121
(Microcosmus from Anc«zimandres to Paracelsus, in Traditio, 2, 1944, p. 359,
avec note 105). Nous ne trouvons rien de tel chez ños Pères.
334
L'ANIMISME CHEZ LES PÈRES
cisme ?, Seulement il y a transposition : il s’agit, dans ces textes,
de la vie religieuse de l’humanité et non plus de vitalité cosmo-
logique. Au contraire, nous avons vu parfois le Saint-Esprit
chargé de faire l’unité de l’univers. Et l’on rencontre chez Tatien
et chez Théophile d’Antioche des traces évidentes d’une con-
ception animiste du monde,
1. CHEZ TATIEN
2. « Comme l’âme du corps, les chrétiens contiennent (au sens fort, étymo-
logique), soutiennent, maintiennent, guvéyouat, le monde, sont pour lui un
principe de cohésion interne, d’unité, de permanence et de vie », dit
H.-I. MaArnnou (A Diognète, coll. Sources Chrétiennes, Paris, 1951, p.
145;
cf. p. 139-145 et même 119-176, chapitre du commentaire intitulé « les chrétiens
dans le monde »).
3. Celle participation de l’homme à l'esprit hylique a été étudiée supra,
p 138, 140, 1145, 168, 176.
4. Orat., XII, c. fin.
5. Die Anthropologie Tatians und der übrigen griechischen Apologeten des 2.
Jahrhunderts mit einleitender Gottes- und Schôpfungslehre, Münster-en-W.,
1906, p. 28. L’auteur étudie en détail ce texte de Tatien (p. 26-28), avec le
pneuma divin et hylique (p. 28-31).
335
DIEU ET LE MONDE
esprits hyliques 8 ? » Ne parle-t-il pas « des esprits et des formes
qui sont dans la matière?», expressions qui évoquent claire-
ment le terme technique des Stoïciens 8 ?
Mais ce langage appartient à une tradition qui peut en éclairer
le sens. Athénagore, qui connaît « l'esprit hylique ? », parle aussi,
à plusieurs reprises, « de la matière et des formes contenues en
… elle 10 ». Il entend par là les anges, bons ou mauvais, qui sont
également, selon Tertullien, constitués par « l’esprit hylique ! ».
Tatien se range manifestement dans cette ligne. Les anges parti-
cipent à « l'esprit hylique » dans l’énumération citée plus haut.
« Les démons, dit-il encore, ont reçu leur complexion de la
matière et ont acquis l’esprit qui vient d’elle 12. » Les anges, les
démons pourraient bien être alors, avec « les esprits hyliques »
et les « formes de la matière », un émiettement du preuma qui
circule dans la matière et en constitue la forme, des logoi sper-
matikoi, quoique la terminologie soit totalement inconnue !#,
Quoi qu’il en soit, Tatien enseigne bien la théorie stoïcienne 1#
dans son double aspect : un esprit unique, mais répandu inéga-
lement, des astres aux anges, de l’homme à la plante. L’ange et
l’homme sont solidement rivés au cosmos dans ce système
pneumatique.
336
L'ANIMISME CHEZ LES PÈRES
ception cosmobiologique. Il dégage Dieu de la matière et le fait
rentrer dans l’orthodoxie : Dieu ne pénètre pas la matière, n est
pas soumis aux sens. Il est le Père et créateur de Tout.
Mais cette réserve faite, le Dieu de la Bible étant sauf, Tatien
adopte la théorie stoïcienne, avec sa terminologie (nvedux, &#-
xetv) 16, À côté de l’esprit proprement divin, il range un pneuma
hylique, d’un autre ordre. « L'Esprit qui pénètre la matière est
inférieur à l’esprit divin; et, comme il est analogue à l’âme 17,
il ne doit pas être honoré à l’égal du Dieu parfait 18, » Voilà le
Dieu de la Bible et le dieu des Stoïciens placés côte à côte, sans
rien perdre de leur orthodoxie respective, Tatien ne s’est guère
soucié de les accorder, ni d’expliquer l’origine de ce pneuma
mystérieux.
337
DIEU ET LE MONDE
21. Cf, Jb., 31, 14 et supra, p. 325, n. 6. Clément de Rome dit de Dieu :
« Son souffle est en nous; quand il veut, il le retient » (Cor., XXI, 9).
22. Autol., 1, 7.
23. G. VERBEKE voit là une adaptation bien consciente, par un philosophe
« bien au courant de la pneumatologie du Portique » (p. 414), qui évite par
calcul les termes d’école, C’est prêter à ce penseur peu fin (p. 413) une
connaissance du stoïcisme dont il semble bien dépourvu.
24. Autol., II, 13; I, 7.
25. Cf. « L’air enfin et toute la terre subcéleste sont pour ainsi dire oints
par la lumière et le souffle » (Autol., I, 12). Ce mot oints marque une
influence intermédiaire entre l’enveloppement et la pénétration. Pour l’union
lumière-souffle, cf. n. 20.
26. Autol., I, 5. On retrouve ce même ordre d’enveloppement encore com-
pliqué dans le Corpus Hermeticum, XII, 14, éd. Nock-FESTUGIÈRE, p. 179,
1. 17-22.
27. J. FRUERSTEIN a bien vu cette hésitation autour du pneuma, tantôt
Esprit-Saint, tantôt esprit cosmique (Die Anthropologie Tatians.…, p. 29-30).
I1 conclut heureusement : « Il n’a ni tenté, ni atteint un rapprochement
uniflant de la théologie et de la philosophie (stoïcienne) » (ibid., p. 31; la
parenthèse est de l’auteur),
338
L'ANIMISME CHEZ LES PÈRES
339
DIEU ET LE MONDE
340
L'ANIMISME CHEZ LES PÈRES
341
DIEU ET LE VERBE
En fait, quand il expose spontanément ses théories, on ne le
voit jamais enseigner la thèse du prneuma cosmique. Il ne parle
jamais clairement d’un esprit de la matière. On en trouve à peine
quelques traces. Nous l’avons vu faire appel au phénomène de
l’aimantation. Il explique à ce sujet que « le pneuma de la pierre
d’Héraclée est étendu (ëéxretvouéw») à travers les nombreux
anneaux du fer 4 ». Mais c’est là un thème classique 5°. Ailleurs,
il évoque une théorie bien stoïcienne, mais y glisse un « dit-on ».
11 parle des poissons « doués d’une âme de même nature que
l’air » et il poursuit : « Cependant les poissons n’aspirent pas,
dit-on, cet air-là, mais celui qui est mêlé à l’eau, depuis l’instant
de la création première, comme aux autres éléments, ce qui est
le signe de la permanence matérielle 51, >» Un pneuma mêlé à
l’eau, qui assure l’unité de la matière dans le temps et dans
l’espace, voilà une théorie stoïcienne 52, peut-être la théorie de
Théophile d’Antioche. Mais elle n’est qu’accidentelle dans
l’œuvre de Clément, et même la prend-il bien à son compte ?
La théorie du pneuma cosmique reste bien le propre des Apo-
logistes 53,
342
LE LOGOS RAISON DU MONDE
CONCLUSION
344
CONCLUSION
les Pères; il suffit de déchiffrer l’univers. La création est l’œuvre
glorieuse de ce Dieu essentiellement cause. Son activité est là, là
surtout, quoi qu’en pensent les Gnostiques, et elle se poursuit dans
la providence toute tournée vers le monde. Aujourd’hui le chré-
tien songe beaucoup plus volontiers à l’œuvre de Dieu, mysté-
rieuse et secrète, dans l’intimité des âmes, ou du moins à l’action
rédemptrice. Les Pères, sensibles à la beauté extérieure, voient
Dieu dans son activité cosmique.
Quand il s’agit ensuite d’expliquer cette opération de Dieu, les
Pères se souviennent de la théorie du logos, qui pénètre le monde
de raison et de vie. Mais ici, on constate une évolution. La théorie
de l’âme du monde a surtout été influente à l’époque des Apolo-
gistes et les hérésies contemporaines reflètent le même courant 1.
Plus tard, on se contente souvent de reconnaître à l’'Esprit-Saint
un rôle unificateur, au Verbe une fonction rationnelle et harmoni-
satrice. De toute façon, Dieu est toujours à l’abri de tout rôle
cosmobiologique.
L'intérêt que portent les Pères à ces questions d’ordre physique
appelle une dernière remarque. Epictète et Marc-Aurèle ne
s’encombrent plus guère de problèmes cosmogoniques. Ici encore
les Pères, les Apologistes du moins, ne semblent pas subir seule-
ment un stoïcisme contemporain. Ils parlent en fonction du stoi-
cisme traditionnel, celui de Zénon ou peut-être de Posidonius 2,
un stoïcisme de culture,
1. Irénée ne manque pas de dénoncer une théorie animiste chez des disciples
de Marcus : « Le chiffre des sept puissances. anima le cosmos et le posa
comme âme de tout le visible » et il parle à ce sujet de « l’âme du cosmos »
(Haer., I, vint, 8-10, HARVEY I, p. 141-144). D’après Hippolyte, l’hérésie des
Naassènes enseigne l’animation universelle : « L’âme est cause de tout ce
qui naît; tout ce qui se nourrit et s’accroît a besoin d’âme », les pierres
comme les plantes (Refut., V, 7, 10). L’auteur croit même que les Juifs ensei-
gnaient aussi que « tout dans la création a de la sensibilité et que rien n’est
inanimé » (ibid., IX, 30, 2),
2. VERBEKE, p. 415.
345
QUATRIÈME PARTIE
LE MONDE
CHAPITRE ONZIÈME
LE MONDE
SON HISTOIRE. SA VALEUR
349
LE MONDE, SA VALEUR
IL L’'HISTOIRE DU MONDE
A. SA CONSTITUTION
350
HISTOIRE DU MONDE
relatif à leur poids. L’eau et la terre sont au milieu, puis l’air,
puis le feu, à la périphérie, porteur du logos et donc siège prin-
cipal de la divinité, qui de là s’éparpille partout. Mais ce monde
varie sans cesse dans sa diakosmèésis, dans son organisation. Il
évolue, bien qu’il soit toujours en acte et, en ce sens, parfait à
chaque instant.
351
LE MONDE, SA VALEUR
352
HISTOIRE DU MONDE
éléments, elle était sans qualité et sans forme, et qu’après cette
division elle fut ordonnée et réglée. C’est ainsi que le ciel et les
astres du ciel sont sortis de la matière; la terre avec tout ce qui
vit sur elle a la même constitution 16. » Pour Tatien, les quatre
éléments se dégagent de la matière indéterminée. Les Philoso-
phoumena, au contraire, en attribuent la création à Dieu direc-
tement. Après avoir écarté nettement toute matière « contem-
poraine » de Dieu 17, ils continuent : « Il créa d’abord, pour les
êtres à venir, des principes différents, le feu et l’esprit, l’eau et
la terre, Et c’est à partir de ces principes différents, qu’il fit sa
création. Il composa certains êtres d’une seule essence, et les
autres de deux, de trois ou de quatre essences. Les êtres d’une
seule essence furent immortels, car la décomposition est incom-
patible avec eux : l’un ne se décomposera jamais. Les autres, de
deux, trois ou de quatre essences, furent sujets à la décomposi-
tion... 18, > C’est là une cosmogonie qui n’est pas étrangère à la
philosophie.
353
LE MONDE, SA VALEUR
354
HISTOIRE DU MONDE
subissent l’effet de l’eau. L’océan sert-il à autre chose qu’à être
« le baptistère du soleil », des astres et de la lune ? Le soleil
couchant tout en feu « se baigne dans l’eau froide ». € S’étant
baigné à ce baptême mystique, il sé réjouit profondément d’avoir
l’eau pour nourriture » et il reparaît avec un fonos nouveau
(rerovouévos). Là-dessus, l’auteur revient au soleil de l'Orient,
le Christ, qui s’est baigné dans le Jourdain. On trouve là, la
théorie connue qui voit dans l’eau le principe de toute vie 35.
35. Il est possible que ce texte laisse apparaître, en particulier, une influence
posidonienne. Posidonius a souligné le rôle de l’eau. N’est-il pas l’auteur d’un
Tepè GxeavoÜ xal Tüv xat'adtév ? R. M. GRANT voit dans ce fragment une
exégèse stoïcienne d’Homère, empruntée probablement à Posidonius (Melito
of Sardis on Baptism, in Vigiliae Christianae, 3, 1949, p. 33-36).
36. Galien mentionne cette classification chez les Stoïciens (SVF IX, 715-716,
p. 205). On peut trouver des précisions savantes sur ces catégories dans
O. R:eTH, Grundbegriffe der stoischen Ethik, Eine traditionsgeschichtliche
Untersuchung, Problemata, 9, Berlin, 1933, p. 120-133.
37. Fragm., 38, De prou., STAEHLIN III, p. 219-220.
38. Str., II, 110, 4-111, 2; 112, 1-113, 1.
39. On retrouve des essais de classification beaucoup plus vagues chez Athé-
nagore (Res., X), ou Théophile (Autol., II, 4). Clément étend une fois la phustis
à la pierre (Sfr., II, 101, 1).
355
LE MONDE, SA VALEUR
40. La théorie des incorporels dans l’Ancien Stoïcisme, Paris, 1928, p. 38.
La question du lieu est traitée p. 38-44.
41. Athénagore, Leg., VIII; Tertullien, Marc., I, 15, en entier.
42. Str., VII, 28, 5-29, 1. Dieu fait exception dans l’esprit des Pères, ou
plutôt il est son propre lieu, comme ils disent à l’unanimité.
43. Hermog., XLI, CSEL 47, 171, 13-17. La fin de la citation est moins
rigoureusement stoicienne. Elle passe à une théorie de l’accident qui sera
mentionnée plus loin.
44, Ibid., 19-20.
45. E. BRÉHIER, La théorie des incorporels dans l’Ancien Stoïcisme, Paris,
1928 — et surtout V. GozpscHMipT, Le système stoïcien et l’idée de temps,
Paris, 1953, en particulier p. 30-45.
46. Par exemple le Corpus Hermeticum, Fragm. de Stobée, X, éd. FEsru-
G1ÈRE, p. 52. On voit que cette question est un lieu commun.
47. Res., XVI, c. med.
356
HISTOIRE DU MONDE
B. L'ÉVOLUTION DU MONDE
ET LA CONFLAGRATION FINALE
357
LE MONDE, SA VALEUR
55. Cette notion, d’origine chaldéenne, a été rendue célèbre par le stoïcisme,
cf. supra, p. 93. Elle a cependant été rejetée par Panétius et mise en doute
par beaucoup de philosophes. Pour l'exposé du cycle selon les Stoïciens,
cf. M. PoxzenzZ, Die Stoa, 1, p. 78-79. Pour un large historique du thème de
l'éternel retour, cf. H. Meyer, Zur Lehre der ewigen Wiederkunft aller Dinge,
dans les Beiträge zur Geschichte des christl. Altertums und der Byz. Literatur,
Festgabe À. Ehrhard, par A. M. Koeniger, Bonn-Leïipzig, 1922, p. 359-380;
Mircéa ELrape, Le mythe de l’éternel retour : Archétypes et répétition, Paris,
1949. Pour une étude plus scientifique, d’ailleurs peu attentive au stoïcisme,
cf. CH. MuGLER, Deux thèmes de la cosmologie grecque, Devenir cyclique et
pluralité des mondes, Paris, 1953. V. GoLDscHMipT souligne, après E. Bréhier,
qu’il n’y a pas, dans le stoïcisme, véritable évolutionnisme, ni passage de
puissance à acte, mais « achèvement atteint à chaque moment » (Le système
stoïcien et l’idée de temps, Paris, 1953, p. 62-63) : tout est dans la cause dès
l’origine.
56. Pour les textes stoïîciens, ARNIM, SVF II, 596-632, p. 183-191; cf.
M. Pourenz, Die Stoa, I, p. 81. Cette identité est totale, aussi bien pour les
événements humains que physiques. Cela constitue une base de la divination.
57. On reconnaît là un problème aujourd’hui à la mode. H.-CH. PuECcH
l’étudie dans La gnose et le temps in Eranos Jahrbuch 1951, 20, 1952, p. 57-113,
qui pose la question chez les Grecs (p. 59-67). Nous nous en inspirons. Cf.
Fr. KLENx, Antikes und christliches Geschichtsdenken, in Sfimmen der Zeit,
153, Ann. 79, 4, 1953-1954, p. 274-287; J. DANIÉLOU, Essai sur le mystère de
l’histoire, Paris, 1953; dans ce dernier livre on trouvera de-ci de-là une
bibliographie de la question sur le plan philosophique.
358
HISTOIRE DU MONDE
359
12
LE MONDE, SA VALEUR
lement dans les mots. Les Pères ont salué avec joie la parenté
apparente d’une notion stoïcienne avec leurs dogmes. Us l’ont
baptisée pour lui donner une nature nouvelle. Le feu n’a plus
rien de cosmique et la conflagration a perdu son caractère de loi
physique périodique..En somme, il n’y a pas de théorie commune,
L'évolution La même
circulaire. remarque convient à
l’idée que les Pères se font de l’his-
toire. La question, depuis quelque temps, a été souvent étudiée 73,
et toujours pour opposer au temps cyclique des Grecs le temps
« rectiligne, continu, irréversible et progressif » des chrétiens T4.
Les premiers Pères, en général, sont parfaitement fidèles à l’ép&-
naë de l’Epiître aux Hébreux, x, 10 : l’unicité et l’entière nou-
veauté du fait chrétien, qui vient briser le cercle du temps. Saint
Irénée offre l’exposé le plus clair et le plus appuyé de cette con-
ception antihellénique de l’histoire #5, Mais il n’est que l'écho
d’une tradition ecclésiastique : les Pères de notre époque ne nous
apportent jamais la théorie d’une histoire cyclique 76.
Est-ce à dire qu’ils n’ont aucunement subi cette Weltan-
schauung ? Loin de là. Sans jamais enseigner le recommencement
de l’histoire totale, ils acceptent et soulignent à l’envi un per-
pétuel recommencement à l’intérieur de l’histoire unique. Athé-
nagore, dans sa théorie, exposée plus haut, du choix et du méta-
bolisme alimentaire, explique le sort des matières non assimilées
et fait clairement appel à une évolution des éléments : « Les
corps rejetés, dit-il, retournent aux éléments dont ils eurent leur
première nature, Ils s'unissent à ceux-ci pour le temps qui con-
73. En dehors des articles cités plus haut, voir G. QuisPez, Zeit und Ge-
schichte im antiken Christentum, in Eranos Jahrbuch 1951, 20, 1952, p. 115-140.
E. BRUNNER, La conception chrétienne du temps, in Dieu vivant, 14, 1949,
p. 15-30. J. DanréLou, Christianisme et Histoire, in Etudes, 254, 1947, 8,
p. 168-184. I1 ne faut pas omettre un grand livre qui a enrichi, sinon déclenché,
le débat : O. CULLMANN, Temps et histoire dans le christianisme primitif.
Neuchâtel-Paris, 1947; cf. en particulier p. 36-42, la conception biblique et
la conception grecque du temps. Sur ce dernier point voir aussi CL. TRES-
MONTANT, Essai sur la pensée hébraïque, Paris, 1953, p. 25-38.
74. H.-Ca. Puec, La gnose et le temps, p. 74.
75. K. PRuEMM, Zur Terminologie und zum Wesen der christlichen Neukheit
bei Irenäus, dans Pisciculi, Fr. J. Dôlger zum 60. Gcburtstag, 1939, p. 201 sq.
Cf. du même auteur Christentum als Neuheitserlebnis, Durchblick durch die
christlich-antike Begegnung, Fribourg-en-Br., 1939, p. 73-89, où il étudie le
temps.
76. Certains hérétiques ont pu appliquer cette théorie au salut (Cf. Clément
d'Alexandrie, Ecl. Proph., 23, 3). Plus tard Jérôme et Théophile d’Alexandrie
ont accusé Origène d’avoir enseigné que la rédemption recommencerait
identique à elle-même. G. Barpy, La conversion au christianisme durant les
premiers siècles, Paris, 1949, p. 191-192, cite les témoignages des accusateurs.
H.-CH. PuEcx y ajoute un texte de saint Augustin, De haer., XLIII, PL XLII,
33 (La gnose et le temps, p. 71, n. 17). Cf. aussi H. Meyer, Zur Lehre von der
ewigen Wiederkunft…., p. 368-372.
360
HISTOIRE DU MONDE
361
LE MONDE, SA VALEUR
362
L'HYMNE AU MONDE
9609
«
LE MONDE, SA VALEUR
1. OBJECTIONS ET EXCEPTIONS
9304
L'HYMNE AU MONDE
309
LE MONDE, SA VALEUR
366
L'HYMNE AU MONDE
y a partout même matière et même pneuma, nous avons vu appa-
raître un monisme surprenant, si éloigné du dualisme, que nous
nous reconnaissons en plein stoïcisme.
307
LE MONDE, SA VALEUR
(Die Beziehungen der frühchristlichen Sittenlehre zur Ethik der Stoa, Munich,
1933, p. 123).
46. Orat., XXIX, CSEL 20, 200, 5-10.
47. C’est effectivement le Contra Marcionem et le De Baptismo qui poussent
le plus loin le chant de la création. Si la même note se trouve dans le De carnis
Resurrectione, l’objet du traité en rend compte suffisamment.
48. Str., III, 102, 2.
49. Ibid., 104, 4.
308
L'HYMNE AU MONDE
369
LE MONDE, SA VALEUR “
370
L'HYMNE AU MONDE
B. SPLENDEUR DU MONDE
Il n’est pas étonnant dans ces conditions que les Pères aient
chanté à l’unisson leur admiration pour le monde. Et c’est un
point à remarquer. Qu’on mesure la place qu’occupe ce regard
sur le monde dans la littérature, relativement parcimonieuse, de
cette époque et les pages consacrées au même thème dans la litté-
rature beaucoup plus abondante qui va de 230 à 350, on se
rendra compte qu’il y a vraiment là un centre d’intérêt carac-
téristique des premiers siècles : gloire au monde. Cette admi-
ration s’exprime surtout en deux mots : beauté du monde,
harmonie du monde, le deuxième précisant le premier.
1. BEAUTÉ DU MONDE
Beauté et ordre du monde 67; les deux idées sont souvent entre-
mêlées et l’on pourrait déjà citer ici Clément de Rome68. Mais
d’autres ont souligné plus nettement l’idée de beauté. Athénagore
chante sans cesse « la nature de Dieu remplie de sa beauté 69 ».
Il traite même d’impurs ceux qui méprisent la belle création de
Dieu 7 et il entonne un hymne à cette beauté en ces termes:
« Certes, le monde est beau 71! >» L’apologie d’Aristide donne,
plus discrètement, la même note ?2.
2. ORDRE ET HARMONIE
372
L'HYMNE AU MONDE
Clément de Rome.
Clément de Rome a, le premier,
entonné cet hymne, et de quelle
voix ! au chapitre xx de son épiître. Il admire cette vaste orga-
nisation (Stolxnois) du monde, tout entier régi par les mêmes lois;
le jour et la nuit, le soleil, la lune et le chœur des astres qui
parcourent dans l’éuévou, sans aucun écart, les orbites qui leur
sont marquées; la terre qui fournit tout à tous, bêtes et gens; les
abîimes qui se maintiennent (ouvéxerta) par les mêmes lois; la
mer, l’océan et les mondes au-delà obéissant aux mêmes ordres;
les successions des saisons et des vents, les sources, les moindres
êtres vivants sont dans l’homonoia 84, Tout est dans la paix et
dans l’homonoia sous la conduite du démiurge.
Ce développement est certainement d’inspiration stoïcienne #5.
D’abord cette admiration pour l’organisation du monde soumis
à des lois communes et pour la sagesse de la création, à laquelle
il revient plus loin 86, est fortement appuyée sur l’ordre rationnel
de l'univers 87. Ensuite le vocabulaire même est stoïcien, en
particulier ce mot ôuévoux qui revient trois fois dans le chapitre
et onze fois encore dans l’épître 88. Pour Clément, cet ordre du
373
LE MONDE, SA VALEUR .
SVF I, 263, p. 61; III, 625, p. 160; 630, p. 161. Ignace d’Antioche parle aussi
d’harmonie universelle (Eph., V, 1), d’unité (tbid., IV, 2; Magn., XIII, 1),
mais il ne donne pas aux mots ce fondement cosmique.
89. I, 1-2; IV, 2.
90. Leg., XVI.
91. Dial., LXXXV, 5.
92. Autol., I, 6-7.
93. Ibid., II, 12-14.
94. Haer., IL, 11, 1, HARVEY I, p. 254; cf. II, vix, 2, HARVEY I, p. 271-bis.
74
KE)
L'HYMNE AU MONDE
275
LE MONDE, SA VALEUR
976
L'HYMNE AU MONDE
Les Pères, pas plus que les Stoïciens, ne pouvaient fermer les
yeux sur les éléments discordants de cette vaste symphonie:
mal moral, mal physique. Au problème du mal moral, on répond
généralement par des arguments chrétiens 117, qui ne concernent
pas notre sujet. Le mal physique est lui-même considéré quel-
quefois comme un effet de la justice divine et un signe de la
puissance de Dieu 118, De toute façon, il n’est pas un mal réel.
377
LE MONDE, SA VALEUR
L'harmonie du tout.
D’abord ils invoquent la supériorité
du tout sur la partie. C’est l’idée de
Tertullien : un petit mal relève un bel ensemble, comme une
verrue sur un beau corps, un nuage dans un ciel serein 120.
Clément n’hésite pas à englober le mal secondaire dans le grand
plan de Dieu. C’est ainsi que les maladies corporelles « sont diri-
gées par la Providence vers une fin de santé 121 ». « C’est pour
le salut de l’ensemble que tout est ordonné par le maître de
l’ensemble, et en bloc, et en détail 122, >» La partie est sacrifiée
au tout, tendance bien stoicienne 123,
378
L'HYMNE AU MONDE
divine 12, D’autres Pères sont beaucoup plus précis. Tatien
montre déjà que l’économie du corps humain vient d’une éco-
nomie du divers 126, Saint Irénée voit l’harmonie du monde faite
d'éléments discordants, qui concourent à l’unité comme les sons
variés d’une mélodie 127, Tertullien y revient souvent et longue-
ment, avec beaucoup de précision. Pour lui, le monde, l’homme, lé
cœur de l’homme, sont faits de contraires ou d’antithèses 128. La
sagesse, dit-il, « a formé l’universalité des choses, au moyen de
la diversité des éléments, de telle sorte qu’en toutes choses,
malgré leur unité, sont réunies des substances contraires, le vide
et le plein, ce qui est animé et ce qui est inanimé, le saisissable
et l’insaisissable, la lumière et les ténèbres, la vie et la mort 129 ».
Novatien donne une note encore plus nettement philosophique.
« Dieu, dit-il, enchaîne les matières discordantes pour la con-
corde de tous les éléments, si bien que, avec des éléments diffé-
rents, il existe un monde unique 130, >» Clément d'Alexandrie dit
aussi : « De même que le monde est constitué de contraires, de
chaud et de froid, de sec et d’humide, il se compose aussi
d’hommes qui donnent et d’hommes qui reçoivent 181, » Dieu
établit l’harmonie à partir de la diversité et des oppositions 182,
La philosophie stoïcienne est ici encore au service de la pensée
chrétienne, comme de toute la pensée contemporaine 188,
279
CE
LE MONDE, SA VALEUR
C. ANTHROPOCENTRISME ET TÉLÉOLOGIE.
L'HOMME CENTRE DU MONDE
9380
L'HYMNE AU MONDE
sont créés par Dieu pour l'usage des hommes 140 », que Dieu
« a créé l’univers à cause d’eux 141 » et leur a soumis tout ce
qui existe sur la terre 142. Tatien refuse d’adorer la création
« parce qu’elle est faite en vue de nous ». « Le soleil et la lune
existent à cause de nous, alors comment adorerais-je mes servi-
teurs 1439 » Aristide dit que Dieu « a tout fait à cause de
l’homme 144 ». « A cause des hommes, survint tout l’arrange-
ment, comme la création. » « Dieu leur soumit tout en
esclavage 145, »
982
L'HYMNE AU MONDE
383
LE MONDE, SA VALEUR
CONCLUSION
176. Oct., XVII, 3-XVIII, 4. Ces textes sont étudiés dans leurs sources et
leur portée par R. BEUTLER, Philosophie und Apologie bei Minucius Felix,
Weida-en-Thur., 1936, p. 21-38.
177. Trin., 1, éd. FAUSSET, 3, 3-4.
178. Ibid., 1, éd. FAUSSET, 2, 7-10.
179. Ibid., 1, éd. FAUSSET, 2, 1-3, 9.
180. Paed., I, 6, 5.
181. Protr., 65, 4.
182. Paed., 1, 8, 1.
183. Str., VII, 48, 1.
384
L'HYMNE AU MONDE
385
CHAPITRE DOUZIÈME
L'UNITÉ DU MONDE
386
AFFIRMATIONS
TO PAN — Vniuersitas.
On trouve surtout deux signes de la
croyance en l’unité chez les Pères :
c’est le mot même par lequel ils désignent la création et l’image
du corps qu’ils lui appliquent. Saint Irénée met une insistance
curieuse à considérer « l’ensemble >» du monde. Il parle sans
cesse du « Tout » : rù x&v1; de l’uniuersitas, selon le texte latin 2.
Et il ne s’agit pas d’une terminologie d'emprunt, toute faite.
Irénée, ailleurs, développe ce qu’il entend par univers : « Dans
ce tout est compris ce que nous appelons le monde, et, dans le
monde, l’homme3, » Il précise encore la notion de monde:
« Or ce monde se compose de sept cieux, où habitent les Vertus
ct les Anges, et les Archanges qui remplissent les fonctions du
culte envers Dieu tout-puissant et auteur de toutes choses 4, »
Pour Irénée, ce tout comprend, dans l’univers, l’homme et les
anges.
Tertullien emploie le même terme d’uniuersitas 5 et y englobe
aussi les anges, et peut-être l’homme, mais à titre de dominus ou
possessor 6, Novatien également songe volontiers au tout. Il va
jusqu’à répéter l’idée quatre fois en deux lignes : Dieu « parcourt
chaque (omnia) chose, meut le tout (cuncta), vivifie l'univers
(uniuersa) et examine l’ensemble (tota) T ». L’insistance est d’au-
tant plus significative, qu’elle est au service d’une théorie de
l’unité. L'emploi de ces mots chez Novatien, comme chez Tertul-
lien et chez Irénée, peut être considéré comme l’adhésion à une
conception moniste de la création.
1. Haer., I, 1, HARVEY IL, p. 94; I, xur..., p. 175; III, xt, 4, HARVEY II, p. 37.
On sait que le terme <d 7% chez les Stoïciens est différent de vd hov.
Ce dernier désigne le monde, tandis que « le tout » comprend en outre le vide
environnant (SVF II, 522-525, p. 167-168).
2. Haer., I, xxix, HARVEY I, p. 243; II, xxx1, 3..., p. 321; III, xx, 4, HARVEY IL,
p. 37; III, xx, 10..., p. 45; III, xxx1Ix..., p. 133; IV, LVIx, 4, p. 276; IV, xL1..,
p. 136; IV, xLu, 2, p. 137.
3. Dem. p. a, 4, GRAFFIN-NAU, PO 12, p. 758.
4. Ibid., 9..., p. 761.
5. Apol., XI, 9; Marc., V, 5, CSEL 47, 585, 2; Spect., II, CSEL 20, 2,
23-24 (bis); 4, 11.
6. Marc., IL, 9, CSEL 47, 347, 13; Spect., Il) CSEL 20, 4, 11-12.
7. Trin., II, éd. Fausser, 6, 13-14; 6, 9; 7, 3.
387
L'UNITÉ DU MONDE
Considérons les soldats qui servent sous nos chefs : quelle discipline !
quelle docilité ! quelle soumission pour exécuter les ordres ! Tous ne
sont pas préfets, ni tribuns, ni centurions, ni cinquanteniers et ainsi
de suite; mais chacun, en son rang, exécute les ordres de l’empereur
ou des chefs. Les grands ne peuvent être sans les petits, ni les petits
sans les grands; il y a, en toute espèce de choses, un certain mélange,
en quoi réside son utilité. Prenons (exemple de) notre corps; la tête
8. A. WikENHAUSER, Die Kirche als der mystische Leib Christi nach dem
Apostel Paulus, Münster-en-W., 1940, p. 130-143. Les références au thème
stoïcien dans W. L. Knox, Parallels to the N. T. use of cüpa, in Journal 07
Theolog. Studies, 39, 1938, p. 243-246; F. DE VisscHeR, Les édits d’Auguste
découverts à Cyrène, Louvain, 1940, p. 91-93; S. HansoN, The Unity of the
Church in the New Testament, Upsala, 1946, p. 52. Cf. encore Corpus Herme-
ticum, XI, 6, éd. Nocxk-FESTUGIÈRE, p. 149, 1. 22.
9. W. KRanz, Kosmos und Mensch in der. Vorstellung frühen Griechentums,
in Nachrichten Gesellsch. der Wissensch. zu Gôttingen, Philol.-Hist. Klasse,
Fachgr. I, N. F., Bd II, 7, 1938, p. 121-161.
10. Ep., XCII, 30. k
11. De clem., Il, 2, 1 : « À capite hbona ualetudo.. per omne imperii corpus » :
I, 5, 1: « Animus rei publicae tu es, illa corpus tuum. »
12. La Théologie de l’Eglise suivant saint Paul, coll. Unam Sanctam, 2° éd.
Paris, 1948. C’est à cet excellent ouvrage que sont empruntés les rensei-
gnements bibliographiques des notes précédentes. Cf. aussi K. PRUEMM,
Christentum als Neuheïitserlebnis..., Fribourg-en-Br., 1939, ch. xv, appartenance
à l’Eglise, p. 289-308.
5688
AFFIRMATIONS
sans les pieds n’est rien; de même les pieds, rien sans la tête. Les
moindres membres de notre corps sont nécessaires et utiles au corps
entier; ou plutôt tous conspirent et servent, par une subordination
unanime, au salut du corps entier. Qu’il soit donc conservé en son
intégrité, le corps que nous formons en Jésus-Christ #,
389
L'UNITÉ DU MONDE
390
LE MATÉRIALISME UNIVERSEL
IL L'UNITÉ DU MONDE
DANS LE MATÉRIALISME UNIVERSEL
A. LE MATÉRIALISME DE TERTULLIEN
29, Corpus Hermeticum, XI, 11, éd. Nock-FEsTUGIèRE, p. 151, 1. 14-15; cf. XI,
14... p. 152, 1. 25-26; XII, 15.., p. 180, 1. 7-15; Asclepius, 3, éd. Nock-
FESTUGIÈRE, p. 298, 1. 19.
391
13
L'UNITÉ DU MONDE
392
LE MATÉRIALISME UNIVERSEL
993
L'UNITÉ DU MONDE
394
LE MATÉRIALISME UNIVERSEL
conception de l'esprit céleste 25, Tatien est évidemment l’un des
plus précis. Il joint l’idée de démons et de matière, avec une
particulière insistance. Ils ont reçu « leur complexion de la
matière 26 ». Ils sont « des reflets de la matière et du mal 27 ».
Ils ne participent pas à la chair 28 : « Leur substance est spiri-
tuelle », mais l’auteur ajoute, « comme faite du feu et de l’air. »
Ils sont visibles « à ceux qui sont gardés par l'Esprit de Dieu 2? »,
mais ils peuvent se montrer aux autres 30,
Il existe toute une tradition réaliste en ce qui concerne les
anges. Minucius Félix admet qu’ils « se glissent même subrepti-
cement dans les corps, comme esprits ténus 31 ». L'auteur des
Philosophoumena rappelle que les anges sont tirés du feu 2.
Clément d’Alexandrie semble accorder la respiration aux
démons 8, Les Excerpta ex Theodoto offrent une théorie aussi
précise que Tatien. Les démons, bien qu’on les appelle parfois
incorporels, « ont corps et forme ». « Les anges aussi sont corps.
Ils se voient en effet34, » L'auteur présente même toute la
hiérarchie des êtres supra-humains, y compris le Verbe, comme
corporels : « Ni les êtres spirituels et intelligents, ni les
Archanges et les Protoctistes, ni évidemment, il faut l’avouer (le
Fils) en personne, ne sont sans forme, sans plan, sans figure, sans
corps. Mais il a aussi une forme propre et un corps en rapport
avec sa priorité sur tous les êtres spirituels, de même que les
Protoctistes ont des corps en rapport avec leur priorité sur tous
les êtres qui leur sont inférieurs #. » Il faut donc bien noter qu’il
y a des degrés dans cette corporéité : « Ils n’ont pas une forme
et un corps semblables au corps de l’univers d’ici-bas 36. » « En
comparaison des corps d’ici-bas, comme les astres, ils sont incor-
-porels et sans forme, mais en comparaison du Fils, ils ont des
corps mesurés et perceptibles; ainsi-le Fils comparé au Père 87. »
Les Eclogae Propheticae révèlent cette même tendance matéria-
liste, quand ils reprennent l'expression « corps spirituels 88 », en
l’appliquant aux astres. L’ensemble des Pères laisse soupçonner
une véritable incapacité à concevoir l'esprit.
396
L'ENCHAINEMENT UNIVERSEL
397
L'UNITÉ DU MONDE
1. Ad seips., VIL, 9.
2. Le déterminisme est si universel que les Stoïciens rejettent toute rela-
tion de cause à effet entre les êtres particuliers. L’effet d’un corps sur un
autre n’est qu’une manière d’être nouvelle, un incorporel. Le logos est seul
cause réelle (E. BRÉKIER, La théorie des incorporels dans l’ancien stoïcisme,
Paris, 1928, p. 5 et 61). G. RODIER a précisé que cette physique, par son aspect
dynamiste, se rapproche de celle d’Aristote, mais pour Aristote la cause
déterminante est le but final. « Pour les Stoïciens, au contraire, il n’y a pas
d’autres causes que les causes efficientes. La cause qui produit un effet, la
cause matérielle, a en elle tout ce qu’il faut pour la produire. De là cette
doctrine paradoxale que l’effet n’est rien de plus que la cause » (Etudes de
philosophie grecque, Paris, 1926, p. 267-268).
3. Brice PARAIN fait cette remarque intéressante : « Fatum appartient aussi
à une racine qui signifie dire (fari, onu, dor. wat). Le rapprochement entre
fatum et }dyos dans le même sens de destin est significatif » (Essai sur le
logos platonicien, Paris, 1942, p. 20-21, n. 5).
4. Cf. Diogène Laërce, VII, 135. Sénèque a clairement exprimé cette idée
dans ses Questions Naturelles : À Jupiter « conviennent tous les noms.
Veux-tu l’appeler Destin ? Tu ne te tromperas pas : c’est de lui que toutes
choses dépendent, il est la cause des causes. Veux-tu le dire Providence ? Tu
auras raison : c’est par son conseil qu’il est pourvu aux besoins de ce monde,
396
L'ENCHAINEMENT UNI VERSEL
de sorte que, sans heurt, il aille jusqu’au bout et déroule ses activités.
Veux-tu l’appeler Nature ? Il n’y aura pas de faute : c’est de lui que toutes
choses ont pris naissance et c’est son souffle qui nous anime. Veux-tu
l'appeler Monde ? Tu n’auras pas tort : il est ce Tout que tu vois, qui pénètre
chacune de ses parties, et qui se soutient, lui-même et tout ce qui est à lui »
(IL, 45, 1-3). Cf. De benef., IV, 7, 1-2. Cependant certains philosophes distin-
guaient habilement. W. GUNDEL le montre avec précision dans ses Beiträge zur
Entwicklungsgeschichte der Begriffe Ananke und Heimarmene, Giessen, 1914.
La distinction est faite déjà chez Cléanthe (p. 63-64); elle est précise chez
Posidonius (p. 70-72). L’ordre est généralement Dieu, Providence, Destin,
Nécessité, Nature.
5. Le problème de la rencontre entre le stoïcisme et le fatalisme astral a
été assez bien noté par W. GunpeL (ibid., p. 68-69), qui en voit le point de
départ chez Cléanthe (p. 63-64). Mais des spécialistes l’avaient étudié aupa-
ravant : E. BRÉHIER, La cosmologie stoïcienne à la fin du paganisme, in Rev.
d’Histoire des Relig., 64, 1911, p. 1-20, surtout p. 3-8. F. CumonT, Fatalisme
astral et religions antiques, in Rev. d’Hist. et de Litt. Relig., nouv. série, 3,
1912, p. 513-543; Astrology and Religion among the Greeks and Romans,:
New-York-Londres, 1912, p. 69-71.
6. M. Poxrenz, Der hellenische Mensch, Gôttingen, 1947, p. 30-31.
7. Le problème est bien étudié par O. RIETH, Grundbegriffe der stoischen
Ethik…., Berlin, 1933, autour de la notion d’év'Auiv p. 138-168; ou E. BRÉHIER,
Chrysippe et l’ancien stoïcisme, nouv. éd., Paris, 1951, p. 187-194.
399
L'UNITÉ DU MONDE
8. Le problème n’a guère été étudié chez les Pères du Il° et du III° siècle
par les historiens qui se sont attachés à ces questions. W. GUuNDEL, Beiträge.….,
s’arrête aux néo-platoniciens et ne dit pas un mot des Pères. D’autres passent
directement du monde grec à saint Augustin. C’est le cas de W. C. GREENE,
Moira, Fate, Good and Evil in Greek Thought, Cambridge-Mass., 1944, et de
C. Crorrari, Fortune and Fate from Democritus to St. Thomas Aquinas, New-
York, 1935.
9. Apol., I, 2.
10. Ibid., VII, 1. Le mot naître traduit une conjecture. On lit xuoümevoy au
lieu de xtvoupevov La variante ne change pas gravement le sens du texte et
ne s’impose d’ailleurs pas : xtveisôat s’emploie précisément parfois en ce
sens.
11. I Apol., LXI, 10.
12. Orat., XXVI, c. med.
400
L'ENCHAINEMENT UNIVERSEL
401
L'UNITÉ DU MONDE
loi commune de la substance 20 », « la raison une et commune 21»,
On constate l’insistance que met Athénagore à dégager cette loi,
tantôt cosmique, tantôt morale, qui est à la fois naturelle, divine,
rationnelle, ces trois mots étant synonymes 22.
Cette loi est, pour lui, d’application universelle. Dieu lui-même
n’y est pas indifférent : Il la respecte, puisque «€ ce n’est pas le
fait de Dieu de mouvoir vers ce qui est contre nature 23 ». Tout
lui est soumis. C’est par elle que la méchanceté s’attaque à la
vertu 24, que les bêtes s’accouplent au temps de la procréation %5,
que le chrétien sert la raison 26, C’est « la loi-Verbe innée ?7 ».
L’auteur applique les mêmes termes à la création d’un bout à
l’autre de son activité, depuis l’ordre des éléments jusqu’aux
activités humaines.
402
L'ENCHAINEMENT UNIVERSEL
— et c’est ici une vérité et non pas une opinion — à ceux qui
en sont dignes, alors que le reste suit la loi de raison, commune
à la substance. Mais parce que les mouvements et énergies démo-
niaques, provenant de l’esprit adverse, apportent les intrusions
désordonnées, maintenant qu’elles poussent les hommes en sens
divers, individuellement ou par nations, isolément ou en groupes,
selon la loi de la matière ou de leur sympathie avec le divin ?8,
de l’intérieur ou de l’extérieur, à cause de cela, certains, dont
l'opinion a du prix, ont pensé que ce même tout ne se soutenait
pas par quelque ordre, mais qu’il était poussé en tous sens par
une fortune irrationnelle. >» L’auteur rappelle que tout arrive
selon l’ordre établi, et, revenant à l’homme, poursuit : « Lui aussi
est en bon ordre par rapport à son créateur, quand on considère
sa nature du point de vue de la génération soumise à une raison
une et commune, son organisme du point de vue de sa confor-
mation, qui ne transgresse pas la loi qui le concerne, le terme
de la vie qui reste égal et commun pour tous. Mais selon sa raison
personnelle et l’énergie du prince qui l’a sous lui et des démons
qui lui font cortège, chacun est poussé et mû différemment, bien
que tous possèdent en commun le raisonnement qui est
en eux 2?. » à
Dans l’ensemble, le texte est clair. L'homme relève simplement,
dans son organisme et sa vie animale, ici comme chez Aristide,
comme chez Justin ou Tatien, de la vaste loi à laquelle obéit tout
l'univers physique. Nature et Providence semblent se con-
fondre 30, Dans sa vie rationnelle, au contraire, l’action humaine
échappe à la loi commune : elle est individuelle 81, Elle est
l’œuvre de la raison personnelle, soumise cependant aux puis-
sances spirituelles, ces fameuses « puissances dominatrices » à
qui Tertullien prêtait tant de crédit dans l’action normale. Et
même là, Athénagore fait une réserve. Cette raison individuelle
n’est pas uniquement une force de dispersion : elle est identique
chez tous. En somme, Athénagore pose ici le fameux problème
stoïcien de la rencontre entre la chaîne universelle des causes et
le logos humain. Mais sa réponse est confuse sur un point.
403
L'UNITÉ DU MONDE
32. L’auteur dit même qu’elle s’exerce sur « ceux qui en sont dignes »
(Leg., XXV). Voir la discussion de G. BARDy, Athénagore, Supplique au sujet
des Chrétiens, Paris, 1943, p. 50-52.
33. Autol., I, 6; LI, 16.
34. Ibid., II, 13.
35. Anima, XXXVII, 2 : « Cum et fato iam inscribitur. » Telle semble être
la traduction, que n’exclut pas WaAsziNk (p. 427). Rappelons que Tertullien
est l’auteur d’un De fato (Anima, XX, 5), cité par Fulgence, Serm. Antiq.,
XVI, éd. Hem, 116, 18-20.
36. Anima, XX, 4-5; XXIV, 4; XXXVIII, 1.
37. Jbid., XLIII, 7.
38. Ibid., XVI, 1.
39. C’est évidemment encore du stoïcisme, que cette conception rationaliste
du monde, cf. Sénèque, De benef., IV, 7, 1 : « Quid enim aliud est natura
quam deus et diuina ratio toti mundo partibusque eius inserta ? » M. J.
LAGRANGE souligne même que les Stoïciens considéraient le monde rationnel
plutôt que la nature de Dieu (Vers le Logos de saint Jean, in Rev. Biblique,
32, 1923, p. 165). WasziNKk invite à ne pas exagérer l’influence stoïcienne en
ce domaïne (p. 465).
404
L'ENCHAINEMENT UNIVERSEL
406
L'ENCHAINEMENT UNIVERSEL
60. On pourrait penser à saint Paul (Ga., 4, 3; 8-9; Col., 2, 8). Mais le
contexte est fort différent (A. J. FESTUGIÈRE, L'idéal religieux des Grecs….,
. 107, n. 1).
7 61. L’auteur des Philosophoumena attribue aux Pharisiens une théorie fata-
liste mitigée : ils croient à l’existence de la fatalité, si bien que certaines
choses se passent selon l’autonomie (étouaia), certaines selon la fatalité;
certaines sont en notre pouvoir, d’autres relèvent de la fatalité (Refut., IX,
28, 5). F. Cumonr leur reconnaît la même doctrine, ainsi qu’aux Esséniens,
sur la foi de Josèphe (Fatalisme astral et religions.…., p. 523).
62. R. GRArFIN, Patrol, Syr., Ia, 2, Paris, 1907, 581.
63. Ibid., 582-609.
64. Ibid., 558.
65. Ibid., 558-561.
407
L'UNITÉ DU MONDE
408
L'ENCHAINEMENT UNIVERSEL
409
L'UNITÉ DU MONDE
110
L'ENCHAINEMENT UNIVERSEL
avec le divin & », Le divin peut désigner directement les astres,
selon le sens précis qu’a pris le terme dans les textes parallèles
de l’époque. Qu'importe ! Il s’agit en tout cas du monde d’en
haut. Mais qui éprouve cette sympathie ? Les avis sont partagés;
on a cru qu’il s’agissait de bons démons 86, mais les autres
emplois de l’expression chez Athénagore semblent contredire
cette interprétation. Si les païens s’inquiètent de vérité, c’est,
croit-il, « qu’ils ont été poussés à chercher, mû chacun par son
âme propre, selon la sympathie du souffle reçu de Dieu 87 ». Cer-
tains, au contraire, ont « perdu de vue la grandeur de Dieu » et
se sont attachés à la matière, « incapables de faire triompher la
raison, car ils n’ont pas la sympathie à l’égard du lieu céleste 88 ».
Ici pas d’hésitation : c’est bien l’homme ;qui éprouve cette sym-
pathie pour la vérité divine par suite de son origine et peut la
perdre quand il laisse en lui s’affaiblir la raison, qui est le lien
de l’homme avec Dieu. Le premier texte s’entend aussi parfaite-
ment en ce sens : l’homme suit l'attrait de la matière qui sollicite
son corps ou l'attrait du divin qui flatte son esprit. On trouve en
tout cas chez Athénagore le terme de sympathie, avec l’idée d’une
parenté de l’homme avec le monde céleste 8.
Clément pousse moins loin la théorie, mais connaît la thèse
et sa terminologie. Il insiste volontiers sur les liens qui unissent
les êtres du cosmos et les soumettent ensemble à l’action et à la
connaissance divine. Il voit « les êtres inanimés sympathiser avec
les vivants dans l’unité cosmique % ». Il admet une interaction
entre la lune et les huîtres, « qui vivent, croissent et même sont
en sympathie avec la lune %1 ». Il rappelle à travers le Timée
« la sympathie et la communauté des astres les uns à l’égard des
411
L'UNITÉ DU MONDE
412
L'ENCHAINEMENT UNIVERSEL
413
L'UNITÉ DU MONDE
moriente); Cath. Eccl. unit., XVI, CSEL IIX, 1, 224, 13-225, 11. H.-I. Marrou dit
qu’en fait « ce tableau de la vieillesse du monde est directement inspiré de
Lucrèce et relève avec celui-ci de la tradition pessimiste antique, habituée
depuis Hésiode à déplorer la dégradation des âges successifs à partir de l’âge
d’or » (La fin du monde n’est pas pour demain, dans La fin du monde est-elle
pour demain ? Lumière et Vie (Saint-Alban Leysse), 11, 1953, p. 86-87).
108. Par exemple, l’Asclepius parle aussi de « la vieillesse du monde », qui
annonce « la consommation par le feu », en attendant son « renouvellement »
(26, éd. Nocx-FEsTUGIÈRE, p. 329-331). Cette idée de dépérissement cosmique
ne s’oppose pas nécessairement à la théorie de l’histoire progressive, qui est
celle d’Irénée et de l’ensemble des Pères : ces derniers considèrent l’humanité
beaucoup plus que le monde physique.
109. Cette théorie a fait depuis 50 ans l’objet d’études historiques très
sérieuses; d’abord la thèse d’A. MEYER, qui comporte une étude historique et
une étude théorique (Wesen und Geschichte der Theorie vom Mikro- und
Makroskosmus, Bern, 1901); l’étude uniquement historique de G. P. CONGER,
Theories of Macrocosms and Microcosms in the History of Philosophy, New-
York, 1922, encore plus documentée; enfin, l’article érudit de R. ALLERS,
Microcosmos from Anaximandres to Paracelsus, in Traditio, 2, 1944, p. 319-407,
que nous utiliserons ici. Aucun de ces auteurs n’étudie les Pères de notre
époque, bien qu’ils s’attachent souvent à Origène, Grégoire de Nysse, Augustin,
et surtout au Moyen Age.
110. C’est l’avis de M. PouLenz, Die Stoa, Il, p. 50; de même W. W. JABGER,
Nemesios von Emesa, Quellenforschungen zum Neuplatonismus und seine
Anfängen bei Poseidonios, Berlin, 1914, qui admet néanmoins qu’il l'ait
emprunté à Démocrite (p. 135), avec A. Meyer, Wesen.…., p. 13. G. P. CONGER
rejette cette antiquité du mot. R. ALLers descendrait jusqu’à Philon (Micro-
cosmos…, p. 320-321). Cependant Aristote opposait paxpôç et puxpôs x6ajLOc.
111. Par exemple chez Godefroy de saint Victor, dont P#. DeLHAYE vient
d’éditer l’œuvre : Le Microcosmus de Godefroy de saint Victor, édition Lille,
1951, avec un commentaire qui constitue un deuxième volume intitulé Le Micro-
cosmus de Godefroy de saint Victor, étude théologique, Lille, 1951, les deux
414
L'ENCHAINEMENT UNIVERSEL
thèse était célèbre dès l’origine, mais évoluait en passant chez
Platon ou Aristote, chez les Stoïciens, Plotin et le Moyen Age.
Elle prenait des aspects bien différents, que R. Allers à savam-
ment précisés. Il distingue « le microcosmisme élémentaris-
tique », où l’on attribue à l’homme les éléments dont le monde
est tiré; « le microcosmisme structural », où tantôt l’homme est
conçu sur le modèle du monde, tantôt le monde sur le modèle de
l’homme; « le microcosmisme holistique », où toute l’organisa-
tion du monde est à l’image de l’homme; « le microcosmisme
symbolique + aux rapprochements faciles; « le microcomisme
psychologique », où l’assimilation ne se fait que par la connais-
sance; « le microcosmisme métaphorique », où l’homme devient
l’univers par pure image 112, Ces théories sont loin d’être toutes
stoïciennes. Mais dans la mesure où elles expriment une commu-
nauté de nature entre l’homme et le monde, on peut y voir un
reflet des thèses de la Stoa 113,
On retrouve chez les Pères, souvent édulcorées par le contexte,
ces différentes théories. Nous avons vu plus haut que certains se
sont fait une conception animiste du monde; que ceux-là ou
d’autres ont rapproché le monde du corps humain. Ces positions
impliquent ce que R. Allers appelle le « microcosmisme struc-
tural ». Le « microcosmisme élémentaristique » se retrouve égale-
ment. C’est déjà le cas d’Aristide, si le texte est authentique:
« L'homme, dit-il, est constitué par quatre éléments et d’âme et
d’esprit, et, par suite, il est appelé aussi cosmos 114, »y Dans les
Philosophoumena, l’homme est présenté comme le couronnement
et le résumé de l’œuvre créatrice : « Après cela (Dieu) créa le
chef de toutes choses, le formant de toutes les substances com-
posées 115, » Les Constitutions Apostoliques utilisent une termi-
nologie qui évoque la même thèse. L’homme y est appelé « cosmos
du cosmos » et il ne semble pas que ce mot signifie qu’il soit
l’ornement du monde 116, puisque l’auteur explique : « Son corps
415
L'UNITÉ DU MONDE
est formé de quatre corps 17, » Mais ces textes ne comportent pas
de profondeur philosophique 118,
Cette dernière remarque convient aussi à une page de Ter-
tullien, qui développe apparemment un « microcosmisme struc-
tural », mais tombe dans un parallélisme enfantin entre « le
corps du monde » et le « corps de l’homme ». La chair de
l’homme, c’est la terre; son sang, c’est l’eau; les muscles, le
terroir; les os, les rochers; les glandes des seins, des espèces de
cailloux; l’enchevêtrement des nerfs, les racines noueuses; les
ramifications des veines, les ruisseaux; le duvet, les mousses; les
cheveux, le gazon; la moelle des os, les métaux précieux 119.
Cependant ces enfantillages étaient à la mode 120, Philon, qui
enseignait une théorie philosophique du microcosme 121, tom-
bait dans les mêmes fantaisies 122 et Clément lui fait l’honneur
de s’en inspirer, quand il montre que l’homme doit dépasser les
neuf facultés pour atteindre le noûs, comme il doit dépasser les
neuf parties du cosmos pour atteindre au chiffre parfait, la gnose
divine 123, Le même Clément, avec l’ivresse du nombre qui lui
est chère, divise ailleurs le monde, comme l’homme, en dix
parties dominées par deux 124, Pourtant il semble sous-entendre
une théorie plus profonde, quand il dit que le Verbe « a réglé par
un Esprit saint le cosmos et, en particulier, le omuxpèdv xéouov
qu’est l’homme, son corps et son âme », pour en tirer « un ins-
trument polyphonique dans son hymne à Dieu125 ». C’est la
seule fois que nous retrouvions le terme technique chez les Pères
de l’époque.
117. Const. Apost., VII, 34, 6; VIII, 12, 16-17. C’est un thème de l’époque,
cf. Corpus Hermeticum, VIII, 5, éd. Nock-FESTUGIÈRE, p. 89, 1. 3-4 (l’homme
image du cosmos); avec les quatre éléments : XII, 20..., p. 182, 1. 5-6; Fragm.
de Stobée, XXIV, 9, éd. FESTUGIÈRE, p. 65, 1. 4-7; XXVI, 13-30... p. 85-88. Chez
‘ Galien l’animal est appelé microcosme, cf. De usu part., III, 10, 241. Némésius
d’Emèse est beaucoup plus net sur tous ces points. Il montre que l’homme
partage son essence avec toutes les catégories d’êtres (Nat. homin., 1, PG XL,
505 B-507 À); il en fait le trait d’union de la création (ibid., 511 B), le micro-
cosme (ibid., 533 A). Sur l’homme, lien de la création, chez Némésius, cf.
W. W. JARGER, Nemesios…, p. 96-137.
118. R. Arrers fait la même remarque sur d’autres textes patristiques, de
Claudius Mamertinus, Grégoire le Grand, Isidore de Séville, Jean Damascène
et les écrits du Moyen Age qu’il signale (Microcosmus..., p. 344-348 avec notes).
119. Carn. Xti, IX, CSEL 70, 215, 5-17.
120. Même chose dans les écrits hermétiques, Fragm. de Stobée, XXIV, 11,
éd. FESTUGIÈRE, p. 56, 1. 1-2; et surtout Corpus Hermeticum, X, 11, éd. Nocr-
L'ESTUGIÈRE, p. 118, avec la note d’A. J. FESTUGIÈRE, Appendice A, p. 137-138.
121. De mundi opif., 143-144.
122. De congr. erud. gr., 100-106.
123. Str., II, 50, 3-51, 1. Irénée dénonce deux fois chez les Gnostiques une
théorie du même genre. La première rapproche l’homme de la création avec
son Dieu, autour du chiffre 30 (Haer., I, x1, 1, Harvey I, p. 169-171). Elle est
repoussée (ibid., II, vi, HARVEY I, p. 267-270). L’autre texte rapproche la
divinité de la création (ibid., 1, x, HARVEY I, p. 164-168).
124. Str., VI, 133, 1-135, 1.
125. Protr., 5,3.
416
LA RÉDEMPTION COSMIQUE
417
L'UNITÉ DU MONDE
418
LA RÉDEMPTION COSMIQUE
419
L'UNITÉ DU MONDE
Cet arbre aux dimensions célestes s’est élevé de la terre aux cieux,
se fixant, plante éternelle, au milieu du ciel et de la terre, soutien de
toutes choses et appui de l’univers, support de toute la terre habitée et
joint du monde, tenant assemblée la variété de la nature humaine et
(le Christ) cloué par les chevilles invisibles de l'Esprit, afin qu’ajusté
au divin, il n’en soit plus détaché. Touchant par son faîte le sommet
des cieux, affermissant la terre par ses pieds et étreignant de tous côtés
par ses mains immenses l’esprit nombreux de l’air entre ciel et terre ?’,
il était tout entier en tout et partout *?,
14. Dem. p. a., 34, GRAFFIN-NAU, PO 12, p. 773; 6... p. 759; 30.., p. 771.
Cependant, E. ScHARL rappelle souvent que cette récapitulation ne devient
vraiment efficiente qu’au retour définitif du Christ.
15. Ed. NaurTiNx, ch. 3, 2-8,
16. Ibid., 3, 3; cf. 62, 2.
17. Ibid., 62, 2.
18. Ibid., 3, 3.
19. Ibid., 16.
20. Ibid., 55, 2-3,
21. To ro)Ù xai péoov nveûpa vo &époe. P. NAUTIN y voit le démon.
22. Ibid., 51, 9-10, trad. NAUTIN.
420
CONCLUSION
Si l’on songe que l’auteur voit dans ce Christ le réservoir de
l'Esprit, comme nous l’avons montré plus haut, on retrouve là
vraiment une philosophie stoïcienne baptisée et très habilement
exploitée 23.
Evidemment, c’est du christianisme authentique et la marque
propre du Portique a disparu. Mais nous sommes bien dans cette
conception optimiste d’un monde qui ne fait qu’un de l'Est à
l'Ouest, du visible à l’invisible; loin de toute philosophie qui
divise, oppose et méprise.
CONCLUSION
23. Le Père DanréLou veut voir en outre dans le thème de l’arbre cosmique
une influence de l’Inde (Le mystère de l’Avent, Paris, 1948, p. 158). Cf.
H. pe Lugac, L'arbre cosmique, dans les Mélanges E. Podechard, Lyon, 1945,
p. 191-198.
421
CONCLUSION
Une telle étude est partiale, il faut l’avouer. Elle est partiale
par essence, parce qu’elle choisit un aspect de la vérité multiple
et l’isole, comme s’il était seul. Elle tâche de dégager la part de
stoïicisme chez les Pères et s’en tient là. Du fait même, elle a
souvent l’air de présenter comme Stoïciens des penseurs qui ne
le sont que secondairement. Certains d’entre eux, en particulier
Justin, Tatien, Athénagore et surtout Clément d’Alexandrie, pour
d’autres thèses méritent aussi bien le nom de Platoniciens, et l’on
ne s’est pas fait faute de le leur accorder. Mais on ne peut rap-
peler à la fois tous les aspects de la pensée. Une thèse adopte un
point de vue et soumet tout à cet éclairage. Au lecteur de cor-
riger cette partialité par d’autres études, de remettre dans le
contexte les témoignages choisis et de rétablir la vérité dans sa
complexité. Il nous suffit de souligner la part du stoïcisme dans
la pensée patristique avant 230, d’en préciser l’origine et la
portée.
I. LA PART DU STOÏCISME
423
14
CONCLUSION
“et surtout décrit, en un vocabulaire philosophique, l’ordre du
monde, image de l’harmonie qui doit régner dans l'humanité et
plus encore dans le corps que constituent les chrétiens. Les pre-
miers Apologistes ne sont pas plus précis que les Pères Aposto-
liques. Cependant, les théories morales de Justin évoquent clai-
rement le Portique, en particulier quand elles affirment l’autarcie
de la vertu.
424
LA PART DU STOÏCISME
Vue sur Dieu. C’est dans les théories sur Dieu que
l’influence du stoïcisme est généra-
lement le moins profonde. Evidemment, le Portique n’a pas
imposé sa notion du Dieu-Verbe, esprit matériel, âme du monde,
et n’a guère déterminé, sauf chez Tertullien, l’idée que les chré-
tiens se sont faite de Dieu et de son Verbe. On le comprend
facilement. Le christianisme, étant essentiellement une théologie,
avait en ce domaine ses sources propres, à peu près indépen-
dantes de tout système philosophique, l’Ancien et le Nouveau
Testament, dont il défendait jalousement l’originalité. Il trouvait
sa doctrine dans son trésor héréditaire et n’avait que faire de la
pensée grecque. |
Cependant les Pères adaptent leur théologie, même leur doc-
trine trinitaire, et introduisent dans leur message des bribes de
la théologie stoïcienne. Leur Dieu est volontiers impassible et
rationnel. Il est doublé, chez Tatien et chez Théophile d’Antioche,
d’un esprit indéfini, mais non Dieu, qui pénètre tous les êtres
à la façon du pneuma cosmique. Assez souvent, le Saint-Esprit
lui-même joue un rôle unifiant et vivifiant, le Verbe une fonc-
tion harmonisatrice, autant de souvenirs des théories cosmolo-
giques du Portique. Surtout, les Pères attachent à la Providence,
chère aux Stoïciens, une importance capitale et lui donnent, ainsi
qu'aux anges, une portée essentiellement cosmique, qui ne paraît
guère dans les livres saints. Enfin, ils se plaisent à déchiffrer
sans fin l’existence de ce Dieu-Providence dans l’ordre du monde
et en exposent à loisir les preuves naturelles avec une tendance
franchement rationaliste, étrangère au platonisme.
426
LA PART DU STOÏCISME
quelquefois des traces secondaires dans certaines œuvres, le
monde, tout pénétré de raison, est habituellement considéré
comme le signe permanent, souverainement respectable, de l’intel-
ligence divine. Il est en même temps foncièrement un, déterminé
dans sa variété infinie par une loi physique, qui crée entre les
êtres une connexion universelle dans l’espace et dans le temps.
Il associe dans le « tout » les contraires et enveloppe dans son
unité tous les êtres, parfois l’homme, les anges et jusqu’à Dieu.
Même quand ils n’en viennent pas là, tous les Pères se font du
cosmos une conception moniste et tendent à rapprocher ce que
nous appelons esprit ct matière.
427
CONCLUSION dr
A. LES DESTINATAIRES
428
L'ORIGINE DE CETTE TENDANCE
429
CONCLUSION
430
L'ORIGINE DE CETTE TENDANCE
B. LES AUTEURS
431
CONCLUSION
4 32
/
PORTÉE DE CE STOÏCISME
434
BIBLIOGRAPHIE
435
BIBLIOGRAPHIE
436
BIBLIOGRAPHIE
437
BIBLIOGRAPHIE
438
BIBLIOGRAPHIE
ELLSPERMANN (G. L.) : The attitude of the early christian Latin writers
toward pagan literature and learning, Washington, 1949 (The Catho-
lic University of America, Patristic Studies).
ELorpuy (E.) : Die Sozialphilosophie der Stoa, in Philologus, Supple-
mentband 28, 3, Leipzig, 1936.
— Estoicismo y cristianismo, in Estudios eclesiasticos, 18, 1944, p. 375-
411.
— La fisica estoica absorbida por la filosofia cristiana, in Sophia,
(Padoue-Cedam), 16, 1948, p. 195-198, 326-350,
— La logica de la Estoa, in Rev. de filosofia, Año 3, 1944, p. 1-65,
221-265.
— Mision de la Estoa en la filosofia perenne, in Rev. de filosofia, Año 6,
1947, p. 5-56.
EMMEL (K.) : Das Fortleben der antiken Lehrén von der Beseelung bei
den Kirchenvätern, thèse de Giessen, Borna-Leipzig, 1918.
Esser (G.) : Die Seelenlehre Tertullians, Paderborn, 1893.
Evans (E.) : Tertullians Theological Terminology, in The Church
Quarterly Review, 139, 1941, p. 56-77.
Faye (E. DE) : Clément d'Alexandrie, Etude sur les rapports du Chris-
tianisme et de la philosophie grecque au Il° siècle, 2° éd., Paris,
1906 (Biblioth. des Hautes Etudes, Sc. Relig.).
— De la formation d’une doctrine chrétienne de Dieu au II° siècle,
Gnosticisme et christianisme, in Rev. de l'Histoire
Relig., des
32° année, 63, 1911, p. 1-24; 64, 1911, p. 151-178.
— De l'originalité de la philosophie chrétienne de Clément d’Alexan-
drie, in Annuaire 1919-1920 de l'Ecole pratique des Hautes Etudes,
Sc. Relig., Paris, 1919, p. 1-20.
— Gnostiques et gnosticisme, Etude critique des documents du gnosti-
cisme chrétien aux II° et III° siècles, Paris, 1913.
FESTUGIÈRE (A. J.): Cadre de la mystique hellénique, dans les Mélanges
M. Goguel, Aux sources de la tradition chrétienne, Neuchâtel-Paris,
1950, p. 74-85.
— La composition et l'esprit du De anima de Tertullien, in Rev. des
Sc. Philos. et Théol., 33, 1949, p. 129-161. à
-— La Révélation d’'Hermès Trismégiste, t. 1, L'Astrologie et les sciences
occultes, avec un appendice sur l’Hermétisme arabe par L. Mas-
signon, Paris, 1944 ; t. II, Le Dieu cosmique, 2° éd., Paris, 1949 ;
t. IIL, Les doctrines de l’âme. Paris, 1953; t. IV, Le Dieu inconnu et
la gnose, Paris, 1954 (Etudes Bibliques).
— L'idéal religieux des Grecs et l'Evangile, Paris, 1932 (Etudes
Bibliques).
FEUERSTEIN (J.) : Die Anthropologie Tatians und der übrigen griechis-
chen Apologeten des 2. Jahrhunderts, Diss., Münster, 1906.
FrancouLis (J. D.) : Begriff des Geistes (nvedua) bei Klemens Alexan-
drinus, Borna-Leipzig, 1936.
FuetscHER (L.) : Die natürliche Gotteserkenntnis bei Tertullian, in
Zeitschr. für Kath. Theol., 51, 1927, p. 1-34, 217-251.
439
BIBLIOGRAPHIE
440
BIBLIOGRAPHIE
441
BIBLIOGRAPHIE
442
BIBLIOGRAPHIE
443
BIBLIOGRAPHIE
Raucx (G.) : Der Einfluss der stoischen Philosophie auf die Lehrbildung
Tertullians, Thèse de Halle, 1890.
REINHARDT (K.) : Kosmos und Sympathie, Neue Untersuchung über
Poseidonios, Munich, 1926.
REYNDERS (B.) : Optimisme et théocentrisme chez saint Irénée, in Rech.
de Théol. Ancienne et Médiévale, 8, 1936, p. 225-252.
RicuTer (L.) : Philosophisches in der Gottes- und Logoslehre des Apo-
logeten Athenagoras von Athen, Diss., Leipzig, 1905.
Rierx (O.) : Grundbegriffe der stoischen Ethik, eine traditionsgeschicht-
liche Untersuchung, Berlin, 1933 (Problemata, Forschungen zur
klass. Philologie, 9). «
Rivière (J.): Saint Justin et les Apologistes du second siècle, Paris,
1907.
Ropter (G.) : Etudes de philosophie grecque, Paris, 1926.
RuEscHE (FR.) : Blut, Leben und Seele, Ihr Verhältnis nach Auffassung
der griechischen und hellenistischen Antike, der Bibel und der
alten alexandrinischen Theologen, eine Vorarbeit zur Religion-
geschichte des Opfers, Paderborn, 1930 (Studien zur Geschichte und
Kultur des Altertums, V. Ergänzungsband). :
— Das Seelenpneuma, seine Entwicklung von der Hauchseele zur
Geistseele, Paderborn, 1933 (ibid., t. XVIII, cahier 3).
RUETHER (Tu.) : Die sittliche Forderung der Apatheia in den beiden
ersten christlichen Jahrhunderten und bei Klemens von Alexan-
drien, Ein Beitrag zur Geschichte des christlichen Vollkommenkheits-
begriffes, Fribourg, 1949.
444
BIBLIOGRAPHIE
Ucricx (E.) : Die Bedeutung der stoischen Philosophie für die ältere
christliche Lehrbildung, Karlsbad, 1914.
445
BIBLIOGRAPHIE
446
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
ARISTIDE ATHÉNAGORE
447
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
448
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
XXIV, 3 : 361. 10, 1 : 300, 396.
XXVIIL, 2 : 242. 2 : 300, 396.
4 : 325. 11, 3 : 300, 396 (2).
XXXIII 12231 14, : 396.
; 2-6 : 373. : 395.
3970: re : 174.
4 : 380. 15, r0ne (2).
XXXIV, 7 : 373. 17, : 170.
XXXVII, 2-XXXVIII, 1 : 389. 0 : 155.
XLIX, 3 : 371. : 195, 396.
LII, 1 : 292. : 320.
LX, 1 : 373. : 168, 320.
A3 37347. : 300.
LXI, 1 : 373. ee 3 :321.
:
anssvmmmne
LXIII, 2 : 373. 31, 1 : 304, 418.
40 : 321.
HoMËLIE du Pseudo-Clément 45, 1-46, 2: 198.
47, 3 : 167.
XVI, 3 : 359. 50, 1-2 : 144.
1-3 : 168.
51, 1-3 : 169.
CLÉMENT D’ALEXANDRIE 2-3 : 168.
53, a : 168.
— éd. d’ensemble O. STAEHLIN, Cle- 54, 2 : 144, 168.
mens Alexandrinus : t. I, Protrep- 55, : 168 (2).
ticus und Paedagogus, Leipzig, 1905; : 168.
t. II, Stromata I-VI, Leipzig, 1906; : 196.
t. IIL, Stromata Buch VII und VIII, 59, 1 : 168.
Excerpta ex Theodoto, Eclogae Pro- 61, 1 »©D : 168.
pheticae, Quis Diues saluetur, Frag- 62, : 168.
mente, Leipzig, 1909. L'édition est 69, : 405.
complétée par une table en quatre 70, D: : 405.
volumes qui constitue le t. IV. : 405.
70-71, 2 : 405.
rnennepun
31, 2 : 7
50, : 194, 330. FRAGMENTS
-2 : 196.
3 Sur la Irc Ep. Cath. de Pierre
: 171.
Sur la patience
Fgt 44 : 172 (2), 175.
Sur la Providence
Les EXTRAITS DE THÉODOTE Fgt 38 : 355.
39 : 342.
— éd. R. P. Casey, The Excerpta ex
42 : 405.
Theodoto of Clemens of Alexandria,
Londres, 1934 (Studies and Docu-
ments, I). F. SAGNARD, Clément Le PÉDAGOGUE
d'Alexandrie, Extraits de Théodote,
Paris, 1948 (Sources Chrétiennes). — cité Paed. avec les divisions de
Péd. Stählin (sauf le chiffre romain
— cité Exrc. ex Theod. avec la numé-
rotation de cette dernière éd. du chapitre qui a été supprimé).
1, 1-2 : 321. 1, 1, 1, 1-2 : 322.
2, 1 : 302. 1,4 : 248.
2 : 302. 2,400: 322,
449
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
[, 11, 4, 1 : 249. 29, 2 : 175.
5, 2 : 247. 3 : 175.
6, 1 : 251. II, aux : 109, 111.
2 : 169. , 35, 1 : 109.
5 : 384. 3 : 109.
6 : 132, 169. 36, 27267,
Knt, 7, 12 131: 37, 3 : 109.
313 192, 38, 4 : 110.
8, 1 : 131, 384. II, v, 46, 2 : 169.
1, 1v : 244. II, var, 64, 2 : 173.
3:10, 1-7:09, 74, 3 : 171.
v, 22, 1 : 269. II, 1x, 80, 3 : 229.
1, vr, 31, 2 : 256. 4 .: 230.
38, 1 : 169, 175. 81;:17": 226:
a : 193, 389. Dre 82
39, 2 : 193 (2). 82, 1-3 : 229.
3-5 : 198. I, x : 111, 260.
3-40, 1 : 202. » 83, 1-4 : 195, 260.
40, 1 : 193. 2 : 184.
44, 2-3 : 200. 1-84, 1 : 198.
3 : 193 (2), 200. 84, 4-85, 1 : 202.
45, 1 : 193. 85, 1 : 198.
48, 1. : 183, 192, 194. 2-88, 3 : 198.
3 : 192, 193. 87, 3 :1251.
1-49, 2 : 192. 90, 2 99.
49, 1 : 194, 201. 91, 1 : 184.
3 : 193. 92,2 : 184, 260.
50, 2-3 : 200. 3 : 195.
3 : 200. 100, 1 ÿ 111,471
I, vurr, 63, 1 : 132. 102, 1 : 184, 195, 260.
64, 1 : 100. 105, 1 : 174.
4 : 198, 235. 107, 2 : 175.
65, 2 : 198, 235. 110, 2 : 25.
I, 1X, 77, 2 : 224. 111, 1 s 175.
78, 1 : 264. 115, 5 : 110.
88, 1 : 198, 235, 265. IT, xxx : 111.
X, 93, 2 : 244, » 120, 6 : 110.
I, x1, 96, 2 : 198. IX, 1, 1, 2 : 170.
Ï, x, 98, 2-8 : 144. 3, 3 : 169.
4 : 244. XII, ur, 19, 1 : 195.
99, 1 : 144. 2 : 193.
100, 2 : 265. 23, 1 : 254.
8 : 167, 169. 25, 2 : 194.
1, xumr, 101, 1 : 234, 235, 247. IIL, 1v, 27, 2 : 169.
1-2 : 251. 30, 3 : 169.
102, 1 : 247, 251. IX, vur, 37, 1 : 132.
2 : 98 (2), 100. 39, 1 : 265.
3 : 245. III, 1x, 46, 1-47, 1 : 199.
4: 251. 46, 2 : 175.
IE, 1 : 107, 109, 111. IL, xt, 53, 2 : 170.
» 1, 4 : 107. 74, 3-4 : 81, 115.
2,1: 107, IT, x, 98-99 : 344.
Dai 5208: 98, 2 : 169.
AN AO
9, 4 : 107.
99, 2 : 251.
11, 41 :: 108
109, (2).
174. LE PROTREPTIQUE5
12, 1 : 108. — texte et trad. CL. MoNDÉSERT, Clé-
15, 1 : 107. ment d'Alexandrie, Le protreptique,
3 : 109. Paris, 1949 (Sources Chrétiennes).
17, , 3 :d 175, , 202 0
— ,
cité Protr.
"
avec les divisions de
18, 3 : 174. l’éd. Stählin (sauf le chiffre romain
II, u, 20, 1 +: 169. du chapitre qui a été supprimé).
4-21, 1 : 175. 1, 5, 1 : 344, 373, 376, 379.
22, 2 : 175. 2 : 544, 376.
28, 3 : 172. 3 : 416.
450
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
IV : 270. xxI1, 57, 4 : 405.
s 46, 4 : 84. XIV, 63, 2-64, 1 : 80.
51, 5 : 411. 64, 1 : 80, 83.
53, 3 : 288. XVII, 82-84 : 100.
56, 5 : 293. 84, 5 : 225,
57, 4 : 251. 85, 3 : 229.
63, 1 : 357. 6 : 372.
4-5 : 281. 86, 1 : 378.
V, 64, 2 : 353. XVII, 91, 5 : 84.
65, 4 : 384. XIX, 94, 1-3 : 229.
66, 3 : 88 (2), 122, 365. 1-7 : 275.
4 : 124. 2 : 227.
VI, 68, 2 : 302. 3 279.
2-3 : 320. 7226279;
71, 1 : 320. xx, 97, 1-2 : 100.
72, 1 : 83, 87. 2-98, 3 : 82.
2 : 83, 88, 115 (2). 3 : 244.
VIL 73, 2 : 84, 88. 98, 2 : 244,
74, 7 : 273, 319. 99, 3 : 472.
IX, 88, 2 : 255, 320. XXI, 135, 2 : 175, 229 (2), 280.
3 : 256. XXIV, 159, 3-4 : 172.
X, 91,1 : 103. XXvV, 166, 1 : 412.
; 1-3 : 369. 5 : 247.
3 : 326. XXVI, 168, 4 : 99, 261.
95, 3 : 228. XXIX, 182, 1 : 254.
98, 3 : 172.
100, 4 : 269. Livre II
104, 2 : 169. 17, 4, 1 251.
104-105 : 284. 4 235.
110, 1-3 : 417.
XL, 111, 1 : 180. 5, 1 : 429.
113, 1 : 102. 4-5 : 240.
115, 2 : 198, 235. 8, 4 : 222,
XII, 120, 4 : 144, 297. 9, 4 226.
122, 1 : 247. 1V, 12, 1 : 239.
13-14 : 224,
QUEL RICHE SERA SAUVÉ ? 13,2 : 223, 225.
3 : 224, 225,
— cité Quis diues, avec les divisions 4-14, 1 : 227.
de l’éd. Stählin. 16, 2 : 244.
10, 1 : 239. 3 : 228.
12, 5-13 : 369. 17, 1-3 : 228.
14, 1 : 369. 19, 4 : 99.
20, 6 : 249. Y, 20, 1 : 261.
26, 8 : 429. 21, 1 : 261.
34, 3 : 169. 24, 1-2 : 224, 227.
36, 2-3 : 333. vi, 28, 1 : 222.
31, 3 : 353.
LEs STROMATES vi, 32, 2 : 235.
— éd. en cours CL. MONDÉSERT, 4 : 235.
M. CAsTER, TH. CAMELOT (Sources 33, 2 : 235.
Chrétiennes). vit, 39, 4 : 249.
— cité Sfr. avec les divisions de l’éd. 40, 1 : 250.
Stählin (sauf le chiffre romain du 1-2 : 234.
chapitre qui a été supprimé). 1X, 41, 2-42, 2 : 100.
45, 1 : 244.
Livre 1 X, 47, 4 : 226, 244.
1, 5, 2 : 247. XI, 48, 1 : 429.
vi, 33, 1 : 224. 50, 1 : 167, 223.
34, 1 : 247. 3 : 170.
vx, 37, 6 : 125. 3-51, 1 : 416.
xt, 51, 1 : 88 (2), 365. 4 : 170.
52, 2 : 429. 51, 1 21853.
53, 2 : 286. 6 2172
451
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
452
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
165, : 870. 103, 4 , : 196.
166, : 370. 104, 1-105, 1 : 92.
167, : 370. 105, 1 : 81, 93, 97.
: 370. 110, 2 SUBSE
172, bi
D
md
NP: 100, 370. 2-3 : 83.
2-111, 1 : 99.
Livre V = : 115.
111, 1 :183, 115;
1, 3, 222.
126, 2 : 305.
5, 196.
133, 7 : 411.
6, 316.
7-9 : 280.
7, : 240.
9 : 228, 331.
: 224.
240. Livre VI
# 81.
1, 3, 1-2 : 224, 226.
00
C9
NS
CS
GO
Go
À# 93.
It, 34, 1 : 405.
11, 6 +0++…: 100.
vi, 52, 1-2 : 168, 170, 174.
III, 16, 1 : 224,
vit, 54, 1-2 : 244.
17, 6 : 83, 115, 117.
57, 3 _: 83.
V, 28, 2 : 225.
4 : 202.
29, 6 : 286.
58, 1 : 320.
vi, 32, 3 : 3583.
vill, 64, 6 : 279.
37, 1-2 : 330.
67, 1-2 : 286.
vint, 48, à.: 83 (2), 378.
69, 1 : 222, 226.
2 : 84, 175, 341.
1-2 : 224,
49, 1 : 376.
1x, 71-79 : 249.
2 : 376.
71, 2 : 249.
53, 1 : 170.
3 : 249.
1x, 58, 2 : 81.
73, 6 : 250, 293.
x, 61, 3 : 169.
74, 1 : 249.
5 : 169.
78, 2 : 172.
65, 2. : 271.
x, 80, 2 : 244,
4 : 272. 83, 2 : 287.
x, 67, 1-3 : 270. xt, 98, 1-2 : 239.
4 : 366. 83 : 245.
68, 1 : 366. 100, 3 : 196.
71, 5 : 271, 272. xX111, 105, 1 : 249.
74, 2 : 272: XIV, 108, 3 : 244.
5-77, 2 : 270. 110, 3-111, 1 : 281.
76, 1 : 80, 81, 88, 117, 118. 111, 3 : 245.
2 : 270, 377. 112, 3 : 234.
xI1, 80, 9 : 170, 172. 113, 3 : 247, 251.
81, 3 : 272, 299. 114, 5 : 88, 99.
4-82, 4 : 272 (2). XV, 121, 4 : 226.
82, 4 : 272, 299. xXv1, 133, 1-135, 1 : 416.
XIII, 83, 1 : 366, 134, 1 *: 167.
86, 1 | : 222. 2 : 167, 171, 194.
87, 2 : 279. 38-135, 1 : 171.
88, 1-3 : 240, 135, 1 : 171, 172, 195,
Eee à à1 320.
x1v, 89, 2 : 341. 1-136, 2 : 167, 194.
2-3 : 88. 2 : 172.
3 : 88. 3 : 174.
3-4 : 341. 3-136, 1 : 173.
5-6 : 90. 136, 1 : 172, 174.
90, 3 : 123. 2 : 174, 251
92, 4 : 93. 8 251.
94, 3-4 : 171, 173. 4 : 167, 194
95, 1 : 98. 5 : 225.
2 : 81 (2), 100, 115. 5-137, 1 : 224.
96, 5-6 : 244. 137, 1 : 224.
97, 2 : 98. 4 : 250.
6 : 84, 99, 244. 142, 4 sE807:
100, 4 : 90, 113, 289, 143, 1 : 330, 412
341. 148, 2 : 327, 328.
101, 2-3 : 84. 6 : 328.
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
xXvIT, 150, 4 : 224. XVI, 95, 9 : 227.
155, 3 : 224, 227, 343. 98, 5 : 247.
157, 5 : 329. 100, 4 : 226.
158, 4 : 328. 4-5 : 247.
xvinz, 163, 2 : 169, 174. 62%: 226:
167, 2 : 83. 101, 4 : 83.
168, 3 : 228, 274.
Livre VIII
Livre VII 1, 1, 2 : 102.
1, 2, 2 : 299. 2; 451227.
ur, 6, 1 51327. ut, 4, 3 : 90.
: 329. 1V, 9, 7-13, 8 : 196.
NI : 320. 10, 4-8 : 92.
: 249. 13, 7-8 : 196.
. 224. 14, 4 : 171.
Co
«© 327. V, 15, 2-16, 3 : 100.
-4 : 331. vi, 18, 6-7 : 170.
: 329. 1x : 100. à
mi
ei
C5
OT
Rà9 : 333, 342. , 25, 5 : 100.
12, 2 : 378. 26, 4 : 83, 84, 117.
aus, 13, 3 : 298. 30, 2 : 244.
14, 4- 15, 4 : 270.
14, 5 : 1293.
16, 5 : 342.
LES CONSTITUTIONS APOSTO-
20, 3 : 376.
v, 28, 2 LS:
LIQUES
5-29, 1 : 356.
— éd. F. X. Funk, Didascalia et Cons-
29, 3 : 118.
titutiones Apostolorum, t. I, Pader-
vi, 32, 1 : 395.
born, 1905.
7 : 170.
33, 3 : 83, 90, 116. VI, 22, 5-23, 2 : 253.
34, 1 : 342. VII, 34, 5 : 327.
2-4 : 270. 6 : 257, 416.
viz, 35, 3 : 270. 39, 2 : 257.
6 : 269. VIIL, 9,8 : 253, 254, 257.
36, 3 : 175. 12,10 : 202.
59:26, 16 : 257.
37,10 :108. 16-17 : 416.
1-2 : 226, 228, 329. 17 : 224.
40, 1 : 366. 17-18 : 253, 254, 257.
42, 4-5 : 239.
75 329;
45, 4 : 326.
CYPRIEN et (Pseudo-)
48/10 12-384
49, 3 : 269.
— éd. W. HaARTEL, S. Thasi Caecili
8 : 244.
Cypriani opera omnia, CSEL II, 1,
vit, 50, 3 : 244.
Vienne, ‘1868; CSEL III, 2, ibid.,
1x, 53, 6 : 316.
1871 (sauf pour la correspondance).
x, 55, 4 : 316.
57, 1!: 412.
3 : 244. DE BONO PATIENTIAE
xt, 60, 1 : 376.
II : 102.
61, 2 : 244.
III : 102.
62, 3 : 249.
4 : 366.
xXI1, 69, 1 : 169. AD DEMETRIANVM
70, 5 : 244.
71, 3 : 169. — cité Dem.
71491250, III : 413.
79, 6 : 170, 174. IV : 413 (2).
xt, 82, 7 : 248. V : 257, 377.
83, 2 : 244, VIII : 256, 263.
3 2: 376. IX : 365.
XIV, 87, 3-88, 2 : 389. XVI : 132.
88, 5 : 88, 99. XIX : 255, 256, 257.
454
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
DE LAPsIs EUSÈBE
VI : 258, 367. H1STOIRE ECCLÉSIASTIQUE
XIV : 198.
— éd. PG XX.
XXX : 258, 367.
— cité H.E.
IV, 11 : 105.
DE MORTALITATE 26 : 290, 429.
V, 10 : 104.
VI : 413.
VIII : 256, 257. PRÉPARATION ÉVANGÉLIQUE
XII : 264.
XVI : 198. — éd. PG XXI.
XXV : 413. IV, Prooem. : 86.
XIII, 13 : 83.
Qvop IDOLA DII NON SINT
IX : 270, 273, 279, 281, 284, 377. * ÉVANGILE DE L'ENFANCE
XI : 396. — éd. P. PEETERS, Evangile de l’en-
fance (Arabe et syriaque) (HEMMER-
LesaAy, Evangiles Apocrypkhes, t. II,
TESTIMONIORVM LiBRI TRES AD Le livre des miracles de Notre Sei-
QVIRINVM gneur maître et sauveur J.-C.).
III, 101 : 288. LII : 198.
455
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
FULGENCE SUR L’ANTÉCHRIST
SERMONES ANTIQVI
— éd. GCS L 2.
“II : 274.
— éd. R. HELM, F. PI. Fulgentii opera, V : 359.
Leipzig, 1898. LXIV : 359.
XVI : 404.
SUR LES BÉNÉDICTIONS DE JACOB
— éd. C. Diosounioris et N. BEïs,
GENNADE
Hippolyts Schrift über die Segnun-
gen Jakobs, Leipzig, 1911 (Texte
LiBER EccLesiasricorvM DoGMa1A- und Untersuchungen, 38, 1).
TVM
* VIII : 309.
— éd. PL LVII.
IV : 291. À BÉRON ET HÉLICON
— éd. PG X.
HERMAS I : 292.
II : 419.
LE PASTEUR
SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES
— éd. A. LELONG, Le Pasteur, Paris,
1912 (CHEMMER - LEsaAy, Les Pères — éd. GCS E, 1.
Apostoliques, t. IV). IV, 2: 166.
Vis. 1, 1, 6 : 381.
II, 4, 1 : 381. SUR DANIEL
III, 13, 3 : 353.
ENS 3; 9 30800. — éd. G. BarDY - M. LEFÈVRE, Hippo-
Similit. I, 1 : 255. lyte, Commentaire sur Daniel,
V, 6, 5-7 : 136. Paris, 1947 (Sources Chrétiennes).
VIII, 3, 2 : 402. I, 5, 4 : 309.
IX, 14, 5 : 298. IL, 2 : 274.
30, 5 : 305.
31, 2 : 288.
HERMIAS 38, 5 : 166.
IV, 38, 4 : 309.
LA SATIRE DES PHILOSOPHES 56, 2 : 166.
60, 2 : 166.
— éd. K. Hozz, Fragmente Vornicä-
nischer Kirchenväter aus den Sacra
Parallela, Leipzig, 1889 (Texte und PHILOSOPHOUMENA Ou RÉFUTATION
DE TOUTES LES HÉRÉSIES
Untersuchungen, N.F., V, 2).
— cité Irr. — trad. partielle A. SroUuvILLE, Hippo-
I : 95. lyte de Rome, Philosophoumena ou
VII : 83, 89, 91, 115. Réfutation de toutes les hérésies,
2 vol., Paris, 1928 (Les Textes du
Christianisme).
HIPPOLYTE et (Pseudo-) — cité Refut.
I, en tête, 5 : 80, 83, 121.
Les citations sont empruntées, sauf I, Prol. vi : 166.
indication contraire, à l’édition du I, 3 93.
Corpus de Berlin (G.C. S.) : ; LRPAUSRE
— Hippolytus Werke, t. I, Exegetische 12 : 81.
und homilitische Schriften: 19, 5 CE 5
ire part., G. N. BONWETSCH, Hip- 20, GNET ADS
polyts Kommentar zum Buche PARA L L
Daniel und die Fragmente des Kom- 20-21 : 80.
mentars zum Hohenliede, Leipzig, 21 2085, 92, 121.
1897; 2° part. H. AcHeLis, Kleine : 80, 83, 88, 90, 94.
Exegetische und homilitische : 94, 114.
Schriften, Leipzig, 1897 ; t. III, 195, 11%
P. WENDLAND, Refutatio omnium -5 : 93;
Haeresium, Leipzig, 1916. LE
GR "195
456
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
459
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
460
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
461
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
462
1
463
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
464
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
466
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
AD NATIONES DE PATIENTIA
— éd. J. G. PH. Bonrcerrs, Q. S. FI, — éd. A. KROYMANN, CSEL 47, 1906.
Tertulliani, Ad Nationes libri duo, I : 286.
Leiden, 1929. IV : 383.
Livre 1 DE PAENITENTIA
à : 242. — éd. P. DE LABRIOLLE, De Paeniten-
bd
C1 : 378. tia, De pudicitia, Paris, 1906 (HEem-
1 SD
: 242. MER-LEJAY).
8,°t5 30154. I, 2 : 294.
10, 17 : 84. II, 1 : 294.
43 : 84 (2). IL, 3-7 : 152.
14,011-:0242 5Or:1102:
8 : 391, 392.
Livre II
— éd. M. HAIDENTHALLER, Tertullians DE PRAESCRIPTIONE HAERETICORVM
zweites Buch Ad Nationes und — éd. A. KRoYMANN, CSEL 70, 1942.
De Testimonio Animae, Paderborn, VII : 56, 79, 82, 91, 120, 121 (2),
1942. 151, 283, 292.
4, 4-6:0:5284. VIII-XIV : 283.
9-12 : 86. XXX : 46, 47, 121.
2 : 119. XLIII : 56.
> 85-119.
10 : 84, ADVERSVS PRAXEAN
14 : 84, 86. — éd. A. KROYMANN, CSEL 47, 1906;
18 : 82, 88. E. Evans, Q. S. F. Tertulliani Ad-
19 : 84 (2), 90. uersus Praxean Liber, Tertullian’s
: 84, 90. treatise against Praxeas, Londres,
8 : 160. 1948.
11 : 84, 90. II : 307, 308 (2).
4, 10 : 82, 89, 115, 118, 119. III : 303, 308.
: 375. V : 155, 294, 311, 313, 340.
‘1214 VI : 307, 313, 351 (2).
D : 84. VII : 202, 290, 300 (3), 301 (2),
Cu : 383, 412. 307, 313, 351 (4), 392.
16-18 : 284, 383. VIII : 300, 305, 307 (2), 308, 392.
17 : 256. IX : 289, 299, 306 (2), 340.
, 6-7 : 284, XI : 306.
, 6 : 84. XII : 306, 308.
=,
©
œ3 : 84, 86. XIV : 298, 299 (4).
12, 5 : 84. XV : 298.
20 : 357. XVI : 151, 297, 298,
13, 1 : 84. XIX : 306, 308.
14, 1 : 84, 86. XXI : 306.
XXII : 307.
DE ORATIONE XXIV : 299, 308.
— éd. A. REIFFERSCHEID et G. Wis- XXV : 308.
sowA, CSEL 20, 1890. XXVI : 289, 299 (2), 300.
XXVII : 151, 307, 308, 309, 396.
XXIX : 368.
XXIX : 151, 292, 299.
XXX : 151, 152.
DE PALLIO
— éd. À. GERLO, Q S. F1. Tertullianus DE PVDICITIA
De Pallio, kritische uitgave, met — éd. A. REIFFERSCHEID et G. Wis-
vertaling en kommentaar, 2 vol. sowA, CSEL 20, 1890; P. DE La-
Wetteren, 1940. BRIOLLE, De Paenitentia, De Pudi-
II, 1 : 379. citia, Paris, 1906.
1-6 : 362. I : 188, 248.
II, 2-3 : 198. II : 248.
IV, 2 : 258, 367 (2). IV : 254.
V, 1-3 : 102. NII : 255.
4 : 82, 100. XIII : 152.
VI, 2 : 429. XX : 152.
467
TABLE DES CITATIONS PATRISTIQUES
DE TESTIMONIO ANIMAE
— éd. A, ReIFFERSCHEID et G. Wis- : 361.
sowA, CSEL 20, 1890, avec les sub- : 83, 89, 105, 120 (2), 355.
divisions de W. A. J. C. SCHOLTE, 8 : 79, 84.
Q. S. Florentis Tertulliani Libellum 10 : 270, 284, 292, 312, 315,
de Testimonio Animae praefatione, 382.
translatione, adnotationibus ins - 11 : 382.
tructum, Amsterdam, 1934. : 374.
13 : 337, 338, 397, 4U4.
1, 5 : 151, 185.
14 : 361, 382.
6 : 79.
II, 1-2 : 277, 279. 15 CHE.
3-5 : 292. 16 : 382, 404.
G ::277, 279. 17 030
TNFR AR. 18 2 + 291, 982,
IIL, 1 : 88. 19 : 382.
22 : 297 (2), 301, 314, 316.
2 : 188.
24 : 180, 237.
IV, 6 : 152.
V, 1: 221. 27 : 237 (3).
2151220; 221. 33 11210
«137 : 359.
3":1215.
I, 120.
VE 1%: 221253,
79, 82 (2), 84, 119.
3: 214, 256,
a : 100.
5 : 287.
119.
82, 94.
AD VXOREM
. 79, 83.
…...
— éd. A. KroyMAnNN, CSEL 70, 1942. : 243.
1, 2 : 260. bed
EhQUO
1&
œEr : 259.
468
TABLE DES CITATIONS PROFANES
D'AUTEURS ANCIENS
AËCE ARRIEN
De Fato 34 : 409.
DE NATVRA DEORVM
1, 14, 36 : 113.
ARISTOTE (et Pseudo-) 37 : 117.
17, 44 : 206.
DE ANIMALIVM GENERATIONE 1, 9, 24-25 : 137.
22, 57 + 113.
11, 748 b : 19. | 34, 86 : 390.
IV, 765 b : 193. 52, 130-53, 133 : 380.
62, 154-66, 165 : 327.
DE MVvNDpo 64, 160 : 116.
65, 164-66, 165 : 329.
V, 396-397 : 379. 63, 157 : 383.
VI, 397 b : 124. 66, 167 : 120.
399 b : 285. III, 17, 44 : 105.
469
TABLE DES CITATIONS PROFANES
IV, 7 : 409.
CORPVS HERMETICVM 23:: 212:
VIII : 409.
— éd. A. D. Nocx et A.-J. FESTUGIÈRE, X : 356.
4 vol., Paris, 1945-1954 (Collection XI, 2 : 409.
des Universités de France). 3 : 409.
1, 19 : 363. XII : 409.
31 : 270. XIII-XIV : 409.
IV, 1: 289. XV : 188.
2 : 415. XXII : 188.
6 : 363. XXIII, 48 : 326.
11 : 342. XXIV, 8-9 : 187.
V, 3-5 : 285. 9 : 416.
VI : 363. 11 : 416.
VII, 2 : 363. 14-15 : 191.
VIII, 1 : 362. XXV, 7 : 216.
3 : 175. XXVI, 13-30 : 416.
4 : 362.
5 : 326, 352, 416. FRAGMENTS DIVERS
IXUT-2551212.
3 : 209. 20, 4 : 328.
500212 26 : 326.
8 : 363.
MS 2 0e 352:
8-9 : 246.
10 : 363. DIOGÈNE LAËÈRCE
11 : 416.
12 : 363. ViTAE PHILOSOPHORVM
13 : 201.
— éd. C. G. CoBer, Paris, 1862.
XI, 6 : 388.
6-8 : 285. Pooimion : 79.
11 : 391. Prooim. 14 : 80.
14 : 391. VII, 5 : 79, 91.
18 : 326. 39 :182;
21 : 363. 54 : 204.
22 : 285. 87 : 117.
XII, 2 : 363. 121 : 119.
5 : 403. 135 : 398.
5-9 : 403, 409. 142 : 168.
6 : 406. 148 : 164.
14 : 326, 338. 156 : 113
15 391. 158 : 117, 217.
15-16 : 362. 175 : 117 (2).
20 326, 416. 188 : 119.
23 326. X, 63 : 168.
470
TABLE DES CITATIONS PROFANES
ENCHIRIDION
HÉSIODE
39 +: 269.
SR +: 1214 THEOGONIA, v. 196-197 : 192.
FRAGMENTS
— éd. H. SCHEXKL, Leipzig, 1916.
HIPPOCRATE
19 : 265.
| — éd. E. Lirrré, Hippocrate, Œuvres
complètes, texte et trad., 10 vol.,
GALIEN | Paris, 1839-1861, dont je note, dans
les références, les divisions, avec
— pour lensemble de l’œuvre éd. le tomc et la page.
C. G. KuEnx, Khzasiso Tanrvos
äz2xvT2,Claudii Galeni opera omnia, DE AFRIBVS, AQVIS ET LOCIS
20 vol., Leipzig, 1821-1833 (coll.
Medicorum graecorum opera quue IIT-VI : 228.
exstant), dont je note les divisions
et la page. DE EPIDEMIA
— cf. trad. partielle de CH. DAREM-
BERG, Galien, Œuvres anatomiques, II, 3° section, 17 : 189.
physiologiques et médicales, 2 vol., VI, 2 section, 25 : 189.
Paris, 1854-1856.
DE MORBIS
DEFINITIONES MEDICAE, éd. KUEHN,
t. XIX. LIIT : 199.
471
l'ABLE DES CITATIONS PROFANES
PLOTIN
PANÉTIUS
ENNEADES
— éd. VAN STRAATEN, Panaetii Rhodii IL, 1, 7 : 302.
fragmentu, Leiden, 1952.
Fragm. 85 et 96 : 84. PLUTARQUE
DE GEN10 Socraris
PHILON
20, 589 c : 228.
— éd. CoHN-WENDLAND, Philonis
Alexandri opera, 5 vol., Berlin, DE IsinE ET OsiRIDE
1896-1906.
59, 375 b : 302.
DE AETERNITATE MVNDI
QVAESTIONVM CONVIVALIVM
108-111 : 92. IE, 6, 1, 653 e : 117, 119.
V, 10, 3, 685 ec : 116.
DE CONGRESSV ERVDITIONIS GRATIA
100 : 223.
DE STOICORVM REPVGNANTIS
100-106 : 416. 6, 1034 b : 118.
41, 1052 f-1053 a : 113.
QVIs DIVINARVM RERVM HERES (cité
HER.) DE TRANQVILLITATE ANIMI
195377: 20, 477 c : 270.
472
TABLE DES CITATIONS PROFANES
DE BENEFICIIS STOBÉE
IV, 7, 1 : 294, 404. —— cité selon l’éd. C. WACHSMUTH,
7, 1-2 : 399. Joh. Stobaei Anthologii libri duo
VIL 1, 7 : 255. priores, eclogae physicae et ethni-
cae, t. I, Berlin, 1884.
DE CLEMENTIA I, 1, 29, p. 37-38 : 113, 117.
49, 34, p. 369, 6-9 : 96.
I, 5, 1 : 388. 49, 41, p. 381, 1-18 : 171.
19, 2 : 264.
II, 2, 1 : 388.
STOÏCIENS ANCIENS divers
EPISTVLAE
II, 6 : 263. -— cité selon le n° du fragment dans
XLI, 1-2 : 2635. l’éd. J. von ARNIM, Stoïcorum Ve-
terum fragmenta : t. I, Zeno et
5 : 263.
XLVII, 10 : 263. Zenonis discipuli, Leipzig, 1905;
LXV, 12-13 : 294. t. II, Chrysippi fragmenta logica et
24 : 294. physica, Leipzig, 1903; t. III, Chry-
LXXI, 31 : 264. sippi fragmenta moralia. Fragmenta
successorum Chrysippi, Leipzig,
XCII, 30 : 388.
XCV, 65 : 322. 1903. IL existe un t. IV de tables
CV, 4 : 263. dressées par M. Aprer, Leipzig,
1924.
CXIX, 15 : 108.
CXXI : 205.
Tel
PROVIDENTIA 60-61 : 214.
74 : 202.
IL, 7-8 : 264. 128-129 : 178.
IL, 1: 265. 130 : 218.
10 : 264. 143-144 : 170.
IV, 5 : 264. 146 : 118.
265. 171 : 113 (2).
1 0e+se.e 265. 191-196 : 245.
VE àa : 265. 197-198 : 205.
205-215 : 232.
251-256 : 119.
QVUAESTIONES NATVRALES
263 : 374.
1, Praef. 13 : 294. 264 : 118 (2).
IL, 45, 1-3 : 399. 265 : 118.
VII, 30, 1 : 377. 405 : 82.
495 : 91.
523 : 171.
DE REMEDIIS FORTVITORVM
557 : 83.
. X, 1 : 263. 560 : 83.
T. I
SEXTUS EMPIRICUS 52-81 : 205.
73-78 : 214.
82-89 : 205.
HyPOTYPOSES 90-101 : 205.
I, 205 : 119. 102-104 : 226.
245-246 : 119. 105 : 204.
473
TABLE DES CITATIONS PROFANES
474
INDEX RERUM
« Accidents » : 160, 356*, 391. 217, 218, 427, 433. — lien avec l’uni-
A Diognète : 136, 243*, 255, 327, 334, vers : 51, 132*, 220, 221-222. — ori-
365, 380, 425. gine, cf. Génération : 195-196. —
AÈCE : 86%, 113, 117, 118*, 124, 170%, rôle : 136. — témoignage de l’âme,
171%, 173%. cf. Notions communes : 275%, 276-
AELIUS ARISTIDE : 52, 103-104. 277, 278. — survie : 97-98, 114, 141,
Afflatus, cf. Flatus, rvo, : 145, 155- 160, 163*, 165, 171*, 174, 207, 216.
156, 159, 160, 339. 2 âme du monde, cf. Animisme,
z!o0notç, cf. Sens, Sensation, Sensus, Microcosme : 26, 68, 123, 124, 138-
Sensualitas : 173, 204, 205%, 223-225, 139, 140, 168, 176, 220, 334, 336%,
226%. 338, 339, 343, 345, 350, 420, 424. —
3x0008ns:, enchaînement logique ou des bêtes : 83, 90, 116, 342. — des
physique : 401%. — 3zoouf'x (même plantes: 339*, 345*, — des pierres:
sens) : 208, 209, 210, 401, 405. 345*.
ALBINOS : 38, 52*. Amitié : 81, 115.
ALEXANDRE d’Aphrodisias : 409%. Avarepaatoùv, cf. Récapitulation :
Alexandrie (école d’) : 39%, 41, 104*, 418.
365%. évéuvnots, souvenir : 185.
#)0yo0s, irrationnel : 134, 158, 169, 170, avéyrn, cf. Nécessité : 374, 405.
172*, 173, 232, 233, 247. ANASTASE le Sinaïte : 291.
AMBROISE : 84*. ANAXIMANDRE : 80, 81*.
Ame, cf. Anima, Flatus, Afflatus, Ani- ANAXIMÈNE : 80*, 81*.
mus, Feu, Yuyf, vof. 1 âme hu- ANAXAGORE : 80, 81*, 171%, 177.
maine, cf. Animation, Homme : 26, Anges, angélologie, cf. Démonologie,
27, 95-97, 106, 113, 133-135, 207, 209, Feu : 328, 329-330, 331, 335, 336,
220, 221, 229, 230, 232, 233, 235, 238, 339, 387, 392, 394-396, 424, 426.
245, 341. — parties : 84, 96, 98, 106, Anima, cf. Souffle vital, Ame : 155,
114, 133-134, 149, 170-171, 173, 266, 157, 160. — animale : 156. — ani-
427. — qualités, divine, cf. Diuini- mation : 60, 92*, 184, 185-186, 189,
tas : 217; simple : 160-161; pas- 196. — animisme (cosmique) : 90,
sible : 160, 162, 163, 213; corpo- 91, 171%, 324, 325%, 334-342, 345%,
relle : 82, 95-96, 106, 114, 133, 139- 386, 412, 415, 425, 433.
140, 147-148, 161-166, 174-175, 176, Animus, cf. vor — en Dieu : 87, 158,
392, 394, 427. — unité : 134, 155- 159%, 210, 212. — fonction de l’âme,
159, 160-161, 170, 172, 173, 176, 178, cf. Mens : 158, 211, 212.
475
INDEX RERUM
476
INDEX RERUM
19%, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 87, 88, 90, Cosmogonie : 83, 89, 90-91, 194, 345,
91, 92, 93, 95, 97, 98, 99, 100, 101*, 350-357, 425, 426.
102, 103%, 104, 107-112, 113, 114, 115, Cosmologie : 46%, 342%, 349, 426, 431.
116, 117, 118, 121, 122*, 123, 124, Cosmopolitisme : 252, 254-257.
126, 127, 131, 132, 140*, 144%, 154*, Cosmos, cf. Monde.
166-176,180, 181, 183*,184*, 187, 191- CRANTOR : 81*.
197, 198, 199-200, 201, 202, 219*, CrRaTEs, platonicien : 81*.
222-230, 234-235, 239-241, 244-245, CRATESs, cynique : 80, 81*.
247-248, 248-251, 254, 255, 256, 258, CRESCENS, cynique : 105*.
259, 260, 261, 262, 264, 265-266, 269, Culture profane (et Eglise) : 126.
270, 271-272, 273, 274%, 275, 277, Cycle, cf. Evolution.
279-280, 281, 284*, 286, 287, 288, 289, Cyniques et cynisme : 49, 80, 98*,
292-293, 297, 298, 299%, 300, 302*, 100%, 103, 105, 119, 242*, 252%, 432.
305*, 312*, 316*, 318*, 319-320, 321, CxPRIEN : 73%, 99*, 102, 106, 107, 132*,
322, 325*, 326, 327, 328, 329*, 330- 167%, 174%, 198%, 238, 242*, 248,
331, 333, 341-342, 343-344, 350*, 353, 255%, 256, 257, 258, 259, 262, 263,
354, 357*, 360*, 365, 366*, 368-370, 264, 281, 284, 288*, 307*, 365, 367,
372, 373, 376-377, 378, 379, 384, 389, 368, 377*, 389, 396*, 413-414, 421,
395, 402*, 405, 411-412, 416, 417, 421, 425.
423, 425, 429, 431, 433, 434.
CLÉMENT de Rome : 61, 69, 74, 242*, DémocritE : 95, 121, 177, 184, 349,
292*, 325, 338, 361, 371, 373-374, 414*.
380, 388, 389*, 423. — pseudo-Clé- Démonologie, cf. Anges : 61, 209, 223,
ment : 399. 237, 239, 275, 323-330, 392, 334-396,
Coagulation (embryologie) : 182, 192, 403.
194, 195. DENYs, stoicien : 84, 86.
Colère (divine) : 61, 291-292. Deriuatio (Verbe), cf. ànrôppota : 239,
Conflagration finale, cf. 24r)cosx : 302, 305.
Désertion (morale) : 65*, 242*.
68, 90, 92-93, 167, 358-360, 414.
Conformité (volontaire à Dieu) : 98,
Désir, cf. érufupia, modos : 233, 235.
Destin (Dieu), cf. eiuxppévr, Fatum :
250-251, 399.
87, 88, 89, 93-94, 114, 236, 237, 239,
Connaissance, cf. stôrs!<, £vvotx, Sen-
240, 306, 359, 386, 398, 399%, 401,
sus, Prophétie, Extases.— épistémo-
403*, 409.
logie : 39*, 46, 50*, 204-230, 266,
Déterminisme universel, cf. Destin,
288, 424, 425, 427, 431, 433. — con- Enchaînement physique, Fatalisme,
naissance du bien : 190, 216. — de Nécessité : 398-399, 407.
Dieu, cf. Dieu. — connaissance et Devoir : 232*, 245*.
vertu, cf. Intelligence, Intellectua- Graroopeiv, Otaxoopnou, cf. Ordre : 92,
lisme : 246-248. 351, 364.
Conscience : 30, 214-215, 216, 220, êrivosa, pensée : 225, 226%.
232%, 246, 247, 254, 276, 277, 279, Diatribe : 39, 50, 127, 258-262, 263,
281. 425, 432.
Conspiralio, cf. céprvotz : 340, 376, Didaché : 380*.
383, 389, 398, 412-413, 425. — ôvhxeuw, pénétrer : 88*, 92*, 117, 175,
« conspiration » (cosmique), cf. 320, 327, 336, 337, 341. — rpoñuetv :
courvo:a : 29, 47%, 413. 330, 331.
Constitutions Apostoliques : 202, 224#, Dieu : 27, 29, 32, 44, 46, 50, 52, 68,
253, 254, 257, 327, 415. 73, 74, 82, 83, 85-90, 93, 94, 96, 113,
Continuité (physique) : 29, 30, 31, 349. 121, 127, 269-345, 426. — nature (de
Conversion : 242. Dieu) : 87-88, 89, 114, 115, 242, 250,
CoRxNuTuSs : 49. 288-294; un : 87-88; corporel, cf.
Corporéité, cf. Matérialisme : 27, 356, Feu : 88, 288-291; impassible : 308,
392. — connaissance (de Dieu),
357%, 390, 391, 392, 393, 395-396,
connaissable : 272-274; inconnais-
397. — de Dieu, cf. Dieu. — de
sable : 270-272; conn. naturelle, cf.
l’âme, cf. Ame.
Ame (témoignage) 274-288, 426;
Corps, cf. Matière : 26, 27, 92, 94, 217,
preuves de l'existence, cf. Ordre du
290, 300, 350, 356, 391, 395-396, 397. monde : 270-288, 294, 426; Dicu des
— corps-esprit : 396-397. — corps philosophes : 272*, 273, 286, 287.
humain, cf. Homme, Unité (de — Dieu dans le monde : 88-90, 118-
l’homme) : 74, 136, 229, 230, 232, 119, 120, 271, 344, 425.
233, 238, 239, 245, 365-366, 367. — DrocrÈs : 96.
corps, image d'unité, cf. Micro- DIoGÈNE, cynique : 79, 98, 119, 255%,
cosme : 339, 388-391. — corpus: 270%,
161-163, 308%. DIOGÈNE d’Apollonie : 177, 192, 193.
477
INDEX RERUM
DiocÈèNne de Babylone : 80, 81, 84, 86, tions communes : 205, 206, 215, 227,
87. 276. — œuotxt, Évotz, cf. Notions
DIoGÈnE LAERCE : 79%, 80%, 82%, 91*, physiques : 207, 208, 215, 227-228.
113, 117, 118*, 119, 164*, 204*, Erapou, tension morale : 232, 235.
217%, 398. EPICTÈTE : 27, 33, 41, 48, 49, 64, 68, 77,
Gvorxeïv, &rofxnotç, cf. Ordre : 92, 364, 107, 122, 127, 243%, 250, 255, 262,
373. 265-266, 269, 294, 345, 363%, 366,
Dion Cassius : 78. 377, 431.
Dion CHRYSOSTOME : 52, 104, 377*. EPICURE : 82#, 119, 121, 125, 168*,
Dispensatio, cf. olxovouix : 308. — 206#, 223*, 349. — épicurisme : 48,
disponere : 307*. — dispositio : 306, 51, 88*, 228, 292, 350%.
EPrPHANE de Salamine : 116-117, 118*,
309. — distincte, distinctio : 306,
124#.
309. — distributio : 161, 306, 309.
érothun, cf. Science : 207, 223, 226.
Diuinatio, divination : 96, 175*, 220-
— épistémologie, cf. Connaissance.
222, 357, 358*. — diuinatrix : 160. ErtOuuix, cf. Désir : 170, 232, 234. —
Diuinitas, cf. Ame (humaine) : 210, éntfuurTixov : 158, 170, 234.
216-222. Espace, cf. Lieu : 30, 298.
Docétisme : 187*, 202. Esprit, cf. Spiritus, THVEÜLA, VOÏS :
Droit naturel : 252, 254, 286. 143, 144, 145-146, 148, 149, 151*,
Dualisme : 27*, 29, 32, 39,.45, 46%, 155-157, 167, 300, 306. — Esprit
67*, 74, 150, 153%, 230, 330*, 350, (Saint) : 217, 219, 220, 274, 276, 302,
363, 364-365, 367, 368, 370, 393*, 304, 309, 331, 332-334, 338*, 345,
394*, 397, 409, 419, 426, 430. 369, 424, 426.
ôuvauis, puissance : 137*, 172, 226*, Esséniens : 407*.
297, 320, 340, 354*. étepoiwot:ç, altération (de l’âme) : 225.
Ether : 87, 113%, 353*.
Eudémonisme : 29, 99, 242, 243, 246*,
Eau : 94-92, 350, 354-355, 367, 372, 427, 433.
397. s)6ox!a : 418*.
Eclectisme (philosophique) : 37-40, 52, eora0nc : 228. — :2rxôctx, bonne dis-
75, 76, 122, 124, 125, 179% 203, 230, position : 232*,
424-425. Eusèse de Césarée : 83*, 86*, 105*,
« Economie » (divine), cf. oixovouia, 124, 290, 291, 429.
Dispensatio : 161, 244*, 304-310, EvaGre : 262*,
327, 329%, 377, 379, 405, 418, 420. Evolution (cyclique) : 91-93, 301, 302,
1ôovi, plaisir : 107*, 232, 233, 234, 304, 349, 351, 357-358, 359, 360-362,
235. 405, 414, 424, 426.
Egalité, cf. Homme, Péché. Extase : 205, 216-217, 219, 220, 228-
elônats, connaissance globale : 227. 229, 274, 279, 280.
stôwAa, images trompeuses : 209.
EHapmévr, cf. Falum, Destin : 93, 94,
116, 117, 398, 399, 405, 406, 409*. Fatum, cf. Destin, siuxpuévn : 238,
398*, 404, 407, 408. — fatalisme, cf.
Exxhtot, relâche, déclin : 232, 235.
Nécessité, Destin : 235, 236, 237,
éntrüpuots, cf. Conflagration : 88*, 90,
238, 239*, 398, 399, 400, 403*, 404.
93, 358, 359, 432. È
Et: constitution, disposition : 226, — fatalisme astral : 405-409, 425.
355. — éxtixh : 172. Femme : 99, 177-195. — féminisme :
244%.
Eléments (quatre-premiers), cf. Eau,
Feu (élément) : 27, 90, 92, 93, 194%,
Feu, Principes : 79, 89, 90, 91, 92,
350, 351, 354. — anges : 392, 395.
350-351, 353-355, 415, 416*, 426.
— fime : 95. — Dieu : 88, 89, 90,
Embryon, embryologie, cf. Coagula- 113, 117, 288-289, 341. — Verbe:
tion : 178, 181, 184, 185, 188-191, 298.
194-195, 196, 201. Fin (morale) : 85, 98, 114, 241*, 246.
EMPÉDOCLE : 88%, 93, 96, 121, 177, 191, Flatus, cf. Souffle vital,rvon, Àfflatus :
194%, 378*. 156, 160, 185, 339.
éuretpia, expérience : 227. FuLGEnceE : 404%.
ëppaotc, reflet : 275%, 279.
Enchaînement (physique), cf. Déter- GALIEN : 52, 113, 116%, 177*, 179%,
minisme : 241, 253, 386, 397-398,
189*, 192, 193*, 195*, 197, 200, 201,
401-402, 405, 412, 421, 424, 427. 311*, 355*, 416.
EXÉSsIDÈME : 97, 161. yéveotç (horoscope) : 406%.
éwôénuz, notion intellectuelle : 205. Génération (humaine) : 97, 177-197,
évvota, notion : 205, 225. — xotvai 425, 427.
Éwotat, cf. Sensus communes, No- | yEvntov : 93.
478
CCE
P
INDEX RERUM
GENNADIUS : 291. 291*, 292*, 297, 298, 303, 305, 307%,
Genre humain : 184, 188*, 252*, 256, 309, 312, 315, 320%, 330*, 332, 337%,
257, 317, 320, 381, 384, 418, 427. 339-340, 342, 345*, 351*, 353, 354,
Gnose, connaissance : 223, 224, 227, 359, 395, 407*, 411%, 415, 425. —
230, 244%, 248, 251, 322, 369, 416, pseudo-Hippolyte : 292%, 309*, 333,
429. — le gnostique : 225, 248*, 249, 337*, 372, 419*; Homélie pascale:
250%, 261-262, 269, 326, 377. 166*, 303-304, 320%, 361, 396.
Gnosticisme : 32*, 37*, 38%, 41%, 42- HonÈRE : 355%.
47, 53, 65, 139, 140, 142, 144*, 146, Homme, « vivant raisonnable » : 136,
149, 153%, 154%, 155%, 158, 159*, 138, 143, 151, 169. — anthropologie
166, 167*, 168*, 176, 211, 212, 215*, générale : 26, 29, 30, 32, 45, 46, 73,
222, 230, 239, 240, 278, 282, 283, 74, 85, 95-97, 121, 131-176, 203, 237,
285, 288%, 290%, 291, 302*, 305*, 238, 266, 365-366, 369-370, 425, 427,
320, 321*, 345, 363, 364, 368, 370, 431. — division dichotomiste : 135,
375, 376*, 394, 403*, 405, 416*, 418, 136, 137, 138, 141-142, 143, 114-145,
419, 430. 147, 149, 151-152, 166*, 169-170, 176,
Goperroy de Saint-Victor : 414*. 217, 266, 425, 432. — division tri-
Grâce (divine) : 135, 144, 237, 240- chotomiste : 134, 135, 136-137, 137-
241, 262, 266, 272, 273, 287, 299%, 138, 142, 143-144, 159, 166*, 167-169,
320, 406. 427, 430. — homme debout : 131-
GRÉGoIRE de Nazianze : 124. 132, 252*, — supérieur à la bête :
GRÉGoIRE de Nysse : 166, 208, 401*, 139. — partie du Tout : 241, 427. —
414%. maitre du monde, cf. Anthropocen-
GRÉGOIRE le Grand : 416*. trisme: 221, 383, 381, 387. — égalité
(des hommes) : 254-257.
Habitus (de l’âme) : 189, 190, 191. Homo interior, âme avec facultés :
Harmonie — du monde : 325*, 344, 158, 165.
373-375, 376, 378-379, 384, 386, 388, Honnète (fin morale) : 81, 244.
424, 426; preuve de Dieu : 275, 280. HORAGE : 50, 52.
— harmonie des contraires (con- Humanisme : 103%, 369, 375%, 415%,
cordia discors) : 378-379, 413, 427, 434. Ë
433. Hypostase, hypostasier : 314, 352.
IHègemonikon, partie dirigeante de Hypothèse, cf. 5ronrtbux : 223, 224.
l’âme : 96, 106, 119*, 134, 139, 153,
159-160, 166*, 167, 170, 171-174, 204,
205*, 221%, 302*, 425. Üéx : 194, 297, 315*, 310. — idées:
Hellénisme (et christianisme) : 54-62, 26*, 350.
274. IGNAcE d’Antioche : 135, 242*, 249%,
HÉRACLITE d’Ephèse : 26*, 79, 81, 91, 364, 374%.
92*, 96, 121, 161, 175, 229, 340, Ignorance (et mal) : 246, 247, 406.
354*, 379%. Image de Dieu : 144, 146, 155, 166,
Hérédité : 177, 178, 187-188, 425. 210, 238, 239, 250, 333. — Cf. Repré-
HÉrizre, stoïcien : 82, 98. sentation : 209, 226.
HERMAS : 135, 255, 298, 353, 359, 381*, Impassibilité, cf. àriôerx : 225, 243,
402%. 246, 248-250, 257, 258, 261, 262, 266,
Hermeticum (corpus) : 39, 41, 76%, 418, 425, 427. — divine : 289, 291-
132%, 175*, 187*, 188%, 191*, 201*, 294, 294, 423, 426, — du Verbe : 299.
209%, 212%, 216%, 227*, 246, 270%, Incarnation : 298, 303-301, 305, 309%,
271%, 284, 289*, 326*, 328%, 338%, 312*, 319, 396.
342%, 351%, 352%, 356%, 362*, 363, Incorporels : 95, 211, 288, 298, 300,
391, 403, 409%, 414%, 415%, 416%. — 356-357, 391, 398%.
hermétisme : 37%, 41%, 42, 53, 198%, Indifférents (moraux) : 98%, 99, 242,
410%, 411%. 243, 244, 258.
Hermras : 82, 89, 91, 95, 115. Instinct, cf. épyaf.
HERMOGÈNE, gnostique : 156%, 157*, Intelligence (et science), cf. vode : 151,
159%; 221, 298, 352. 158, 211-213, 216, 223-225, 277*, 433.
HéroPuiLe, stoïcien : 40*, — intellectus : 211, 212. — intellec-
HÉSIODE : 354%, 414. tualitas 211. — intellectualia
Hiérarchie (des êtres) : 92%, 355. 211%. — intellection, cf. vont :
Hrppocraïte : 177%, 178%, 179%, 189%, 224-226. — ivtelligibles, cf. vortcà :
191, 192, 199, 228, 362%. 214, 223, 224, 227, 299%. — intellec-
HrppozyrTe (et les Philosophoumena) : tualisme (moral): 241, 246-248, 266,
40%, 43, 57%, 61, 79, 80, 81, 83, 84, 425.
85, 88*, 90, 93, 94, 113, 114, 120, Intention (morale) : 231, 2413.
123, .145*, 155%, 166%, 178%, 182, Interprétations (allégoriques) : 82, 83,
191, 194*, 201, 202, 237, 274, 288*, 86-87, 89, 113, 114, 115, 271*, 275.
479
INDEX RERUM «
IRÉNÉE : 31, 40%, 43, 57*, 79, 93, 131, 60, 62*, 66, 68, 87, 92, 99, 132*, 133,
143-150, 155, 156, 159, 163, 166, 170, 134, 141, 167*, 168, 169, 170, 171, 173,
174, 176, 180, 185, 198*, 207, 216, 174, 178, 205, 207, 208, 209, 213*, 214,
217, 218, 237, 210, 246, 248, 250, 253, 224, 225, 226, 232, 234, 235, 237, 239,
270*, 273, 274, 277-278, 280, 285, 241, 242, 243, 245, 247, 250-251, 252,
286, 291, ,292, 298, 305, 311, 312*, 253, 256, 270, 280, 294, 295-323, 324,
316, 320, 321*, 332, 333, 334*, 339, 331, 340, 341, 345, 350, 351, 352, 381,
945%, 360, 368, 374-375, 378*, 379, 393%, 397, 399. — Jogos de la ma-
382, 387, 391*, 402*, 114%, 416, 417, tière : 330, 397, 398. — logos-
418-120, 129, 430. pneuma : 332, 355, 390. — logos-
IsiporEe de Séville : 116%. noûs : 355. — logos universel : 319-
320, 386. — logos commun de la
création : 328, 381. — logos organi-
JAMBLIQUE : 96%, 111%, 171%.
sateur du monde : 342-344, 358, 376.
Jansénisme : 32%.
— logos-nomos : 253, 401, 402, 403.
JEAN Damascène : 116*.
— logos spermatikos : 26, 67, 89,
JÉRÔME : 62, 101%, 105%, 360%.
117, 286%, 295, 316-319, 321, 331*,
JosèPae : 407%.
335, 336, 432. 2 logos de l’homme:
Judaïsme : 37%, 39, 41, 53,56, 57, 93,
331, 380, 389. 310-312. — raisonnement, connais-
sance : 223; œustxdc h0YOs 276;
JUSTEN : 47%, 50%, 61, 67, 69, 79, 92,
93, 98*, 99, 104, 105%, 106, 120, 127,
logos universel : 278. — Adyos 6oû0c,
132*%,136, 110%, 179-180, 202, 206, 207, cf. (droite) Raison : 179. — dos
215, 217*, 222*, 236, 243, 246, 250, : évêtdBetos el mposopixdç : 310-316,
253, 256, 258, 260, 270*, 272, 274*, 340, 342.
275, 280, 284*, 285, 286, 288, 292*, Loi, cf. vôpocs: 26, 247, 253. — loi
« commune » universelle : 232, 266,
293%, 296, 297,:298, 302, 305, 312F,
313, 317-319, 320, 326*, 327%, 329%, 328, 330, 409, 433. — loi-raison, cf.
332, 359, 361, 374, 377*, 381, 388, vépog=-àdyos : 401, 403. — Joi natu-
relle cosmique : 123, 240, 243, 252,
395*, 396, 400, 402*, 403, 404, 406,
419*, 423, 424, 428. — pseudo- 253, 269, 331, 343, 362, 374, 390, 398,
Justin : 92, 137, 169, 213%. 400, 401, 403, 404, 405, 407, 413, 421,
JUS%IN, gnostique : 145%, 330%. 424, 427. — loi-nature : 401, 402*.
JUVÉNAL : 52, — Joi naturelle : Dieu : 113. — loi
rardnndis, saisie : 205, 207, 225, 226*. naturelle (morale) : 216, 250, 252-
2APaoats Où Fvisraoic, cl. Éxmupuors : 254, 257, 266, 405, 407, 409, 424, 427.
93. — Joi juive : 253, 254.
AAÏÉAOVTA, TPOSTAOV : 98, 100*, 242. Lucrex de Samosate : 38, 50, 51, 78,
xatOpBwux : 242, 245. 104, 105, 126, 128, 327*.
Hofoic Où Onwv, Cf. pifrs : 92%, 133, LucRÈCE : 414.
154%, 155%, 170. Lumière (et pneuma) : 315, 337, 338*,
Aoiste, jugement : 141. 341.
Avr, chagrin : 232, 233, 234, 235.
LACTANCE : 73%, 84%, 87%.
LACYDÈS : 81%. Mal — physique : 377-379. — moral,
Lassitude, satiété : 358, 361. cf. Ignorance : 239, 241*, 246, 377,
hentév : 83, 117%. 378*. — accompagnement du bien :
hentopepihs : 167. 122*, 123, 378.
LeucrpPE : 81, 177, 184. Manichéisme : 32*, 363.
Libre arbitre, cf. xÿtecoüstoc : 93, 160, Marius : 377%.
191, 196, 204, 219, 220, 231, 232, 235- MarG-AURÈLE : 27, 33, 47, 48, 50, 64,
241, 257, 322, 359, 399, 400, 402-404, 68, 77, 106, 127*, 266, 269, 317*, 345,
406, 407, 408. 357*, 363*, 366, 377, 398.
Lieu, cf. Incorporel : 356. Marcez d’Ancyre : 301*, 302*, 315*.
noytxdc , raisonnable : 242, 250, 251. MarcIoN, gnostique : 46*, 121, 157,
— vù hoytxôv, la partie raison- 182, 189, 277, 281%, 282, 283, 292,
nable : 96, 173. 367, 419%.
Logique (la) : 26, 47, 52, 65, 71, 72, Marcus, hérétique : 345*.
85, 100, 101%, 105, 112, 210, 222, 223, Mariage : 259-260, 367, 368.
432. Martin de Braga : 27*.
roy! püc, faculté de raisonner : 167, Matérialisme, cf. Dieu, Verbe : 27, 70,
172, 173%, 297, 340, — 70 noviottxuv : 129, 140, 147-148, 154, 161-165, 174-
167, 170, 172, 173%, 232, 176, 204%, 266, 269, 288, 289-291,
Logos, cf. Verbe, Sermo, Parole, Ratio, 299-300, 305, 350, 393, 394, 424, 129%.
Raison, Mens. 1 logos du monde. — matérialisme universel 391-
cu agénérall126,27; 229 1 AGX: 397.
480
INDEX RERUM
Matière : 25, 27, 45, 46, 74, 89, 90, 91, Musonius : 33, 48, 71, 79, 106, 107-
332, 335, 336, 337, 349, 351, 364-365, 111, 114, 115, 127, 259, 260*, 261,
366, 367, 372, 393, 397, 418, 424. — 262, 265, 266, 367. }
matière première : 350, 351, 352,
353. — matériel-spirituel : 396-397. Naassènes : 342*, 345%.
Maxime de Tyr: 38, 41, 78, 328*, Nature : 27, 30, 87, 90, 98, 113, 215,
378*. 221, 232, 234, 238, 239, 240, 241, 247,
Médecine : 42, 52, 140*, 179, 188, 197- 250, 251, 253, 254, 287, 398, 399%,
203. 401, 402%, 403, 408. — loi : 407, 408.
melwors, détente : 232. — respect de la nature : 364, 367,
Mélange, cf. mi£iç, misceri : 60%. — 368, 372, 425, 430, 433.
mélange total, cf.xoäotç, ik : 92, Nécessité, cf. äviyxn : 94, 179, 237,
396. 397. 306, 398, 399*, 400, 106, 409.
MériTon de Sardes : 194%, 289, 290- NÉMÉsIUTS d’Emèse : 96%, 416*.
291, 354, 402%, 429. —, pseudo- Néo-platonisme : 26%, 37*, 46, 53, 74,
Méliton : 325*. 271, 296%, 3614, 365, 377, 397, 400%,
Mens, Dieu : 87, 293, 294, 311*, 343. 406%, 414, 434.
— Verbe : 307. — intelligence, cf. Néo-pythagorisme : 53, 406*.
Animus : 30. — état de l’âme: Néo-stoïcisme : 77, 370, 4125.
158. NesrTorius : 396%.
Mépris, des biens matériels, cf. Bien: NoerT, hérétique : 340.
243, 244, 363*, 364, 368, 369, 371, véncts, intellection, cf. Intelligence :
384. — de la chair : 67*, 365-366. 227. — vorrôv, cf. Intelligence, In-
— du monde : 45. — de l’opinion : tellectualia : 207, 223*, 289%.
99, 243. Notions, cf. Sensus, 102. — notions
Mérite : 236, 237, 239. communes, cf. (témoignage de
Métabolisme alimentaire : 199-200. l’)Ame : 215-216, 220, 230, 277, 278-
Méraope d’Olympe : 329%. 279. — physiques : 253.
Microcosme-macrocosme : 30, 171, 390, Notitia sui : 215.
393%, 411, 414-416, 421. voÿs — Dieu : 45, 116, 289*, 293, 314,
uiErs, cf. Mélange : 396%. — mikic ô1 315, 340%. — intelligence humaine :
Ohov, cf. xpäots : 154. — misceri: 45, 134, 135, 137*, 138*, 141, 149,
396%. — permisceri : 87*, 396*. — 167, 171%, 172, 204, 206-207, 223-225,
permixtio : 396%. 226%, 227%, 234%, 416. — Vodc-70yos :
Minucius FÉLix : 69, 70, 73%, 80, 82, 207, 272.
83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 91, 93, 102, NOVATIEN : 73%, 107, 153*, 202%, 238,
107,-113;114, 115, 131, 132%, 151%, 242%, 254, 258, 259, 281, 289, 292, 299,
152*, 215, 219%, 238, 242%, 243, 244%, 302, 309, 310%, 316%, 325, 328, 330%,
253%, 255, 256, 259, 260, 263, 264, 332*, 340-341, 375-376, 379, 384,
265, 270%, 271, 272, 275%, 278%, 281, 387, 389, 396, 412-113, 421, 425, 432.
284, 286*, 288%, 293, 307, 312%, 327, Numéxivs d’Apamée : 38, 41, 365%,
329%, 343, 354%, 358, 359, 361, 375,
383-384, 395, 412, 421, 425, 429, 431,
432. Odes de Salomon : 344%.
olxelwax, appropriation 200, 205,
Monde, cf. Beauté, Harmonie, Ordre :
25, 26, 27, 29, 30, 32, 44-46, 51, 73, 216, 361.
74, 85, 123-124, 127, 176, 232, 325, oixovouia, cf. « Economie » : :
326, 327, 329-331, 332, 333, 334, 336, Opvorx : 373.
345, 415, 416, 426-427. — Monde- ômmooïs:oç : 306%, 412.
Dieu : 399%. — vivant composé, cf. Opinion, cf. Mépris: 213;
Corps humain, Microcosme, Ame : 226, 227, 1243.
123. — preuve de Dieu : 280-285. Optimisme : 29, 39, 46, 74, 90%, 349,
Monisme : 26, 27, 30, 32, 39, 47, 52%, 362, 363, 367, 369-370, 371*, 3795, 378,
140, 160, 350, 363, 367, 370, 387, 393, 380, 415%, 421, 421, 126, 127, 130,
414, 419, 424, 427, 430, 434. 4133, 434.
Montanisme : 217, 220, 259, Ordre du monde : 29, 51, 253, 280,
Morale : 26, 29, 50, 52, 63, 64, 68, 71, 283, 284, 331, 343, 341, 358, 363, 371,
72, 77, 85, 98-100, 105, 106, 112, 115, 372-377, 380, 382, 386, 400, 101, 409,
120, 122, 127, 228, 231-266, 427, 431, 412. — preuve de Dieu : 274%, 275,
432, 433. — théorique (générale) : 280, 281, 283-281, 376, 383, 425, 426.
231-257, 431. — pratique : 258-266, ORIGÈNE, origénisime : 40%, 57, 66, 73,
431, 432, 80, 90%, 113, 118, 119%*,, 121, 127,
Mouvement (incorporel) : 330, 372, 181*, 291, 321*, 360%, 414%. -
301993 Op» instinct : 173%, 209, 226, 232-
Moyen Age : 27, 33%, 334%, 414, 415, 2351855:
416*, os, cf. Substance : 305.
481
INDEX RERUM
rayuuephs, épais : 167. PLATON : 26%, 32, 46, 47, 56%, 62, 75,
mavhyupte, fête solennelle : 269*, 420. 79%, 80, 81, 84, 96, 97, 116, 121,
PANÉTIUS : 49, 80, 84, 85, 86, 96, 98, 122%, 125, 133, 134, 137*, 151, 155*,
127, 132*, 133, 134, 178, 191, 241, 158, 171*, 176, 196, 211, 212*, 213,
358*. 214, 233, 241, 243*, 269, 275%, 297%,
PANTÈNE : 104%. 332, 350, 365%, 369, 377, 378*, 411,
Panthéisme, cf. Animisme, Transcen- 415, 429%, 434. — platonisme, cf.
dance : 27*, 160, 307, 365. Néo-platonisme : 25, 27*, 29, 32, 33,
PAPINIEN et juristes : 52. 38, 39*, 41, 46, 47, 48, 51, 52, 61,
Parenté universelle, cf. Sympathie, 62, 69, 71, 74, 105, 115%, 117*, 119,
ouyyevis : 25, 31. 120, 122, 133, 134, 135*, 142, 149,
150, 159, 163, 166, 167, 170, 171,
PARMÉNIDE : 121.
173, 176, 185, 203, 207, 212, 213,
Parole, cf. Sermo, Ratio, Logos, 222, 225, 230, 236*, 240, 249*, 251,
Verbe : 87, 300, 306, 307, 311, 312- 261, 266, 271, 285, 288, 299, 300,
313, 315. 314, 317*, 331, 334*, 340, 342%,
Passiones : 158. — passions : 52, 172, 351*, 364, 365, 366, 368, 370, 391,
205, 231, 232-235, 243, 244, 246, 247, 395%, 423, 4214, 425, 426, 128, 129x*,
248%, 249, 250. — les 4 passions : 430, 434.
114, 232, 233, 234. — riôn : 133, PLine : 38, 41, 52, 201.
232, 233, 241. — xrpuroraleiy PLorix : 42, 16, 73, 302%, 405%, 415.
233. — npoomañeïiv: 250. — raôn-
PLUTARQUE : 38, 86*, 113, 116, 117,
ruxôv, partie de l’âme : 232. — cf. 118, 119, 122*, 175*, 229%, 270%,
edrdbeta.
302*, 311*, 377*.
Patience : 62, 65*, 99, 234*, 242%.
Péché (et déraison) : 245, 247, 251. — Pneuma, cf. Esprit : 26, 27, 46%, 51,
péchés capitaux : 232*. — péché 67, 87, 88, 89, 95, 134; 139, 140,
originel : 187, 188*. — égalité des 156%, 157%, 167, 168, 170, 171*, 172,
péchés : 99, 242, 258. 173, 174, 177, 178, 185*, 222, 229%,
Pérates : 411*. 269, 274*, 289%, 295, 302, 319, 333,
Pères — Apologistes : 60, 66, 74, 79,
334, 341, 319, 367, 386, 124. — cos-
135, 142, 176%, 208*, 296, 311%, 342, mique : 82, 139, 142, 145, 117-148,
345, 395%, 419%, 424, 428, 430*, 434. 160, 167*, 207, 306, 324, 326, 330,
— Apostoliques : 419%, 423-424, 128, 332, 335, 336, 337, 338, 339, 340,
429. . 426. de l’homme, pneuma-âme :
meptéyo : 326. — Spreptéyo : 325, 326. 167, 168, 170, 181, 183, 195, 196,
Période, cf. Evolution. 197, 199, 204, 232, 433; pneuma res-
PERSE : 52. piratoire, cf. Anima, Flatus, rvot,
. PERSÉE de Citium : 82, 114. Souffle : 201-202; pneuma inné, cf.
Personnalité : 191, 196. Spiritus insitus, gupeus : 194, 201;
Pessimisme : 39, 42, 44, 363, 407,
süpoutoy : 156*, 178; physique :
414%. 192; suorxov : 178, 201.
pavtasia, représentation : 173%, 205, rvo, Cf. Flatus, Souffle : 1145, 156, 157.
209, 214, 224, 235, 355. — ciracua : POLÉMOx : 80, 81*.
205, 218. PORPHYRE : 171*, 311*.
Pharisiens : 407%. Portio (Verbe) : 299, 305.
PHiLon : 39, 41, 53, 76, 92, 116, 126%, Posiponius : 49, 70, 80, 81, 85, 96,
139%, 155*, 171%, 219%, 223, 9241 98, 122*, 127, 133, 134, 219%, 229%,
,
253, 257, 271*, 295*, 296%, 297%, 236*, 269, 322, 345, 355, 399%, 410,
311, 317*, 324, 329*, 336%, 342%, 411*, 414.
xooc, désir : 234.
344, 365%, 377%, 414%, 416.
Philosophe (le type) : 101-104, 259, — Prénotion, cf. rpdarts : 230.
philosophie commune : 40, 19425, Prescience : 210, 220, 236, 210%.
294. — philosophie populaire : #1, Principes — indémontrables : 227,
— pr. premiers : 82, 90-91, 350.
50, 126, 127, 260, 262.
wô6os, crainte : 232, 233, 234, 235. Tpoaicests : 204%.
OWYNT:XxÔY, partie de l’âme : 170, 171. Tponypiva et érorconyuévx : 245.
gpôovnots : 141, 172, 227, 229, 233, 234%, Progrès (moral), RPOXOT : 242, 320.
TPOANUUG : 204, 206, 208, 222%, 997
343. k
Physique : 26%, 31, 41, 47, ALAT2S ETS 228, 276, 277, 279-280.
85, 112, 175, 276, 349.
, Prophétie, moyen de connaissance, cf.
poots, cf. Nature : 26*, 178, 182*, 201, Extase : 216-217, 219, 220, 221, 274,
239, 241, 251, 341*, 355, 364, 409%. 287%. |
Pitié, miséricorde, cf. à Yôerx, Impas- Proragoras : 159.
Providence (rpévorx) : 26, 51, 52, 68,
sibilité : 242, 248-250, 293. 82, 86, 90, 91, 94, 105, 120, 123-195,
482
hb
ax
INDEX RERUM
227, 235, 237, 269, 326-331, 345, 378, Sage (le) : 47, 49, 64, 99-100, 242, 259,
398, 399%, 102, 403, 405, 409, 424, 260-262, 265, 322, 424.
425, 426. — preuve de Dieu : 274%, Sagesse — Sophia (trinitaire) : 131,
275,283, 284,285. | aspect cos- 227, 242, 246, 247, 253, 298, 302%,
mique : 326, 425, 126. 307*, 310, 314, 321, 322, 341, 351,
duyñ, cf. Ame, Souffle : 95, 134, 137%, 352, 428, 429, 433.
170, 171%, 355.
Salut, cf. Rédemption : 42, 45, 46, 47,
Psychologie, cf. Aime, Homme : 66*, 50, 126, 139, 143, 146, 239, 248, 249,
70, 85, 114, 140, 150%, 210, 266. 304, 378, 384, 117-421, 128. — salut
Puberté : 190.
et connaissance : 44.
Pugzirits Svrus : 51.
Sang, cf. Semence. — et âme : 193-
Puissance (divine), cf. Oüvaqis : 149,
194. — et génération : 177-197. — et
167, 302, 306, 307%, 308, 309, 314, lait : 193, 201-202.
340, 354. — « puissances domina-
Science, cf. ériotpn: 151, 213, 216,
trices » : 190, 191, 403, 408, 409.
223, 224, 225, 226-227, 214%, 947,
PYTHAGORE et pythagorisme : 9352105; 261, 276, 317, 406, 434.
117%, 121, 171%, 271%, 312%. Semence, sperme, cf. logos STEOLATUAOG !
15%, 46%, 97, 136, 147, 165, 171, 177,
QUINTILIEN : 52. 178, 179, 180, 181, 182, 183, 184,
Quixrus Mucius ScAEvVOrA : 86*#. 185, 186, 187, 188, 189, 192, 193-196,
Quod idola : 270, 273, 279%, 281, 284%, 318, 418. — de grâce : 320-321,
377%. 417%, 418.
SÉNÈQUE : 27, 33, 41, 49, 50, 62, 64,
Raïson, cf. Ralio, Logos. —— raison 68, 70, 75*, 99, 106, 107, 108*, 121,
universelle : 27, 243, 252, 398, 103, 127, 205%, 242%, 255, 260, 262, 263,
411; raison du monde : 342-344, © 264, 265, 269, 294,1 322, 377, 388,
raison en Dieu : 293-294, 399, 401, 398%, 404, 431.
433; Dieu-raison : 87, 316%; raison- Sermo, cf. Parole, Logos : 300, 307x*,
Verbe : 306-307, 312-313. — raison 311, 312. — sermonalis : 313%.
en l’homme : 231, 232*, 235, 248, Sens (de l’homme) : 96, 134, 152, 158,
247, 250%; droite raison, cf. CELL 170, 171, 173, 204-205, 209-210, 214,
À0yos : 241, 242, 246, 247, 251, 266, 221, 226, 228, 229, 230, 433. — en
281%. Dieu : 290, 292. — sensation, cf.
Raisonnement : 213, 222, 224, 227, 230, aïoBnats : 224-226, 227%, 228, 299, —
246, 276, 281, 311, 377, 403. sensualisme: 206%, 212-213, 225-226,
Ratio, cf. Logos, Raison : 404 — 425, 427.
(res) dei : 293, 294, 313, 343. — Sensus — mode de connaissance, cf.
ratio-Dieu: 87. — ratio-Verbe: 307. aoPnois, voÿïc : 151, 190, 211-215,
Rationalité — du monde : 26, 29, 217, 220, 221, 227, 256; sensus com-
373, 398, 404, 413, 427. — en Dieu : munis : 254. — notion, sensus com-
293-294, 341, 342, 372, 426. — du ‘munes, cf. Notions communes, xorvaxi
Verbe : 296-297, 300. Evvouar : 215-216, 277. — sensualitas
Rationalisme : 27, 41, 271, 282-283, (qualité de l’âme) : 210-216.
288, 324, 325, 404, 426, 428-429, Séthiens : 337%.
450%, 433, 134. Sexe : 177, 180, 184, 186-187.
Réalisime : 393, 394, 395, 430. SExTUS EMprricus : 52, 119, 121, 168*,
Récapitulation (dans le Christ), cf. 183*, 226*.
dvazscanaody : 31%, 321, 368, 418- Sibylline (littérature) : 41, 52.
420, 427. Ô SIMON, hérétique : 194*, 201, 288%,
Recueils, répertoires, inanuels: 40, 330%, 354%. — Simoniens : 354.
18,51, 113, 114, 121%, 122, 127, 167, SOCRATE : 80, 81*, 98, 121.
431. Soleil : 83, 90%.
Rédemption (totale) : 30, 31, 304, 368, Sommeil, cf. Rêve : 117, 162, 205, 217-
417-121, 430, 134. 218, 229-230, 259.
Religiosité (et mystique) : 37, 40-42, SORANUS : 96, 106, 157%, 159%, 181,
44, 46, 77, 104, 125, 269-270, 271%, 184, 197, 201, 431.
284-285, 376, 377, 425, 431, 434. Souffle (de vie), cf. Flatus, TY0, doré:
Renaissance : 27. 145, 146, 152, 155, 157, 159, 168, 184,
Représentation, Cf. oavTacix : 0 205, 187, 201, 202, 338.
209, 214. Soumission (physique) de l’homme au
Rêve, mode de connaissance : 96, 165, destin : 398, 399, 400-409.
217-220, 229-230, 278-279, 299, 329%. srepparixiv, partie de l’âme, cf. Logos
Révélation (chrétienne) : 25, 2725273; oTeppatix0c : 170, 171.
274,275, 285, 286,287. SPEUSIPPE : 80, 81%.
RUFFIX : 290%, SPINOZA : 208%,
483
INDEX RERUM
484
R-n
SVTZ
INDEX RERUM
VALENTIN, gnostique : 47%, 151, 305. — Vie, vitalisme : 26, 89, 136, 137, 148-
Valentiniens : 147, 157+*, 158, 170, 149, 155, 159, 271, 320, 324, 325,
195, 211, 239, 321%, 419x*. 333-334, 335, 337, 338, 340, 343, 345,
VARRON : 84, 86, 88, 90, 115*, 116, 350, 355, 387, 411*, 414, 417, 425,
127. 426.
Verbe-Dieu —- en général, cf. Logos- Vieillissement (cosmique) : 413-414.
Dieu, Mens, Ratio, Sermo : 91, 243, Vigor, cf. sôvos: 81, 117*, 162, 217,
249, 250, 251, 255, 256, 274*, 275, 218*.
286, 288, 289, 293, 295-323, 329, ViNcENTIUS Victor : 166.
330, 331, 332, 336, 358, 340, 341, ViIRGILE : 343.
342%, 343, 345, 351, 352, 394, 402%, Volonté : 236, 237, 238, 239, 407, 408.
416, 417, 418, 420, 426. — fonctions
et qualités, cf. Impassibilité, Feu, XÉNOCGRATE : 80, 81#, 171%, 227.
illuminateur : 273, 275, 332; cor-
XÉNOPHON : 80, 87, 274%.
porel : 229-300, 308; lJocalisable:
298; manifestahle : 298-299.
ZÉNON de Citium : 25, 27*, 49, 76, 79,
Vérité : 223, 224, 226, 318.
80, 81, 82, 83, 86, 87, 88, 89, 91,
Vertu, cf. Autarcie : 98-99, 231,232;
94, 95, 96, 98, 99, 100%, 113, 115,
241-248, 261. — jinamissible: 242,
116, 117, 118, 119,120, 122, 127,
244, 251. — connexion (des vertus),
168*, 179*, 204, 217*, 232, 9241,
cf. avtarohou6{x: 242, 241. —_ vertus 245%, 256, 266, 269, 271, 294, 306,
cardinales : 232%. 307, 345, 354*, 373*, 380, 399.
PB-3957-1
hr OBSTAT, PARIS, 16 MAI 1956, JEAN DANIÉLOU, S. J.
5
IMPRIMAÂTUR, PARIS, 17 MAI 1956, PIERRE GIRARD, P. $. s.
ME 2
EUR EE RE
LSNE RIT PrD
e 118306
163 |
56 Spanneut, Mi chel
Le St oi ci sme des peres
1957
de l'eglise.
BORROWER'S NAME
| Spanneut
| Te Stoicisme...
THEOLOGY LIBRARY
SCHOOL OF THEOLOGY AT CLAREMONT
CLAREMONT, CALIFORNIA