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Revue de l'histoire des religions

H. R. Schwyzer. Ammonios Sakkas, der Lehrer Plotins


Hervé Savon

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Savon Hervé. H. R. Schwyzer. Ammonios Sakkas, der Lehrer Plotins. In: Revue de l'histoire des religions, tome 204, n°1,
1987. pp. 96-98;

https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1987_num_204_1_2218

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96 Notes bibliographiques

et D. Ellul (1 vol., 1982) : ce sont les huit premières homélies données


par Ghrysostome à Antioche après son ordination à la prêtrise en 386 ;
elles inaugurent une prédication vivante, simple et pratique qui
contraste avec le genre prétentieux et creux de la plupart des
homélies qui nous sont parvenues de la même époque et des suivantes. Au
même volume ont été ajoutées quatre courtes homélies de Césaire
d'Arles sur Abraham, Isaac et Jacob. Après ces volumes, la collection
a adopté une nouvelle formule, qui ne comporte plus la traduction
intégrale d'une œuvre, mais des extraits de plusieurs auteurs anciens
' sur les autres Livres de la Bible.
P. Nautin.

Hans Rudolf Schwyzer, Ammonios Sakkas, der Lehrer Plotins,


Opladen, Westdeutscher Verlag, 1983, 24 cm, 94 p. [Vortráge, Rhei-
nisch-Westfàlische-Akademie der Wissenschaften : Geisteswiss.
G 260). — Comme Socrate, Ammonius Saccas est un philosophe qui
n'a rien écrit. Mais c'est aussi un philosophe sur lequel on n'a presque
rien écrit, au moins dans l'Antiquité, où l'on ne cite guère son nom
qu'à propos de son illustre disciple Plotin. Pour l'historien, cette
pauvreté n'a pas que des inconvénients, tant il est difficile de faire
la part de la fiction et celle de la vérité dans les portraits que Xéno-
phon, Platon et Aristophane nous ont tracés du fils de Sophronisque.
Elle oblige en tout cas à scruter les moindres témoignages antiques
qui peuvent nous livrer quelques indices sur la biographie d'Ammo-
nius et, ce qui est plus important, sur sa pensée. Ces îestimonia se
trouvent commodément réunis au début du livre que H. R. Schwyzer
vient de consacrer à « Ammonius Saccas, le maître de Plotin ». Sept
d'entre eux sont tirés de Porphyre, dont six de la. Vie de Plotin et un
de VAdversus Christianos ; six proviennent d'auteurs chrétiens,
Origène, Eusèbe, Jérôme, Némésius et Théodoret ; un de l'historien
païen Ammien Marcellin ; quatre de Hiéroclès par l'intermédiaire de
la Bibliothèque de Photius ; un autre est tiré de Proclus ; un autre
encore du néo-platonicien Priscianus ; les trois derniers sont extraits
des notices que la Souda a consacrées à Ammonius, Plotin et Origène.
Ces vingt-trois textes fort brefs — parfois une ou deux lignes
seulement — renferment tout ce que nous pouvons savoir d'Ammonius
Saccas.
Comme toujours, la pauvreté d'un dossier donne libre cours aux
saillies de l'imagination. Que- n'a-t-on pas fait d'Ammonius ? Un
chrétien hétérodoxe, un Indien, un moine bouddhiste... et même
l'auteur des écrits du mystérieux Pseudo-Denys. L'étude de
H. R. Schwyzer se situe dans une tout autre tradition, celle qui
s'attache à évaluer soigneusement la valeur et la portée de cette
vingtaine de témoignages et à en tirer prudemment des conclusions. Par
cette voie, on est déjà parvenu très généralement à l'idée que tous les
renseignements sérieux concernant Ammonius remontaient direc-

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tement ou indirectement h Porphyre. H. R. Schwyzer apporte une


légère correction à cet énoncé : la suppression de l'adverbe
indirectement. L'une des conclusions de son livre, c'est que nous ne trouvons
d'indications sur la doctrine d'Ammonius que dans les textes mêmes
de Porphyre, à l'exclusion des seize autres teslimonia. Cette
démonstration par éliminations successives impressionne par sa rigueur et
sa minutie. Le témoignage d'Eusèbe (test. 8) est à écarter : entraîné
par ses préoccupations apologétiques, l'évêque de Césarée a confondu
deux Ammonius, un platonicien et un chrétien, et deux Origène, le
disciple d'Ammonius dont parle Porphyre et le penseur chrétien bien
connu, qui d'ailleurs était sans doute né dans le paganisme, comme
l'affirme VAdversus Christianos. Sur ce dernier point, H. R. Schwyzer
se sépare de E. R. Dodds. Le témoignage d'Origène cité par Eusèb
{test. 9) est écarté à son tour : le « maître de philosophie » dont il est
question dans ces quelques lignes ne saurait être Ammonius. En effet,
se réclamer de ce dernier — païen et peut-être apostat — aurait été
particulièrement inopportun dans une lettre où Origène cherche à
prouver sa parfaite orthodoxie. H. R. Schwyzer montre ensuite que
les trois passages de Hiéroclès à partir desquels Fritz Heinemann,
dans un article de 1926, s'est efforcé de reconstruire la philosophie
d'Ammonius, n'ont rien à voir avec la pensée de ce dernier. Les trois
97}0Ív qui les introduisent sont dus à Photius et ont pour sujet Hiéroclès
lui-même. Un examen minutieux amène ensuite l'auteur à récuser
également les indications que l'on avait cru trouver chez Némésius
(lest. 16 et 17) sur l'enseignement du maître de Plotin.
Tous les testimonia ayant quelque portée doctrinale ont donc été
écartés, à l'exception de ceux de Porphyre. Ceux-ci ne nous disent
malheureusement rien de la philosophie d'Ammonius. Mais ce qu'ils
nous apprennent de la rencontre de Plotin et de son maître permet
peut-être quelques conjectures. Après avoir entendu pour la première
fois l'enseignement d'Ammonius, Plotin dit à l'ami qui l'avait amené :
« Voilà l'homme que je cherchais », et il s'attache à lui durant onze
ans. H. R. Schwyzer en conclut que Plotin avait trouvé chez
Ammonius au moins quelques-unes des grandes thèses que lui-même
développera dans la première période de son enseignement, notamment
la doctrine de l'Un, situé au-delà de la pensée et de l'être, mais dont
le dynamisme s'étend jusqu'au monde sensible. H. R. Schwyzer
prévoit ici l'hésitation du lecteur qui pourrait s'étonner de le voir
soudain abandonner la ligne prudente qu'il avait jusqu'alors suivie
et souligne lui-même qu'il propose une simple hypothèse qui ne peut
être ni réfutée, ni démontrée.
Ce qui ressort en fait de cette enquête rigoureuse, c'est que toute
certitude sur le contenu de l'enseignement d'Ammonius nous est
finalement refusée. Et sans doute n'est-ce pas un pur système
conceptuel qui nous livrerait le secret de son influence. Pendant onze ans,
Plotin n'a pas seulement suivi les cours d'Ammonius, il a, nous dit

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Porphyre, fréquenté assidûment le maître, et là fut sans doute


l'essentiel. On pense à ce qu'écrit Sénèque à propos d'une autre
lignée philosophique : « Cléanthe n'aurait pas fait revivre Zenon en
sa personne s'il n'avait été que son auditeur : il a été mêlé à sa vie ;
il en a pénétré les secrets. »
Hervé Savon.

Oliver Leaman, An Introduction to Medieval Islamic Philosophy,


Cambridge University Press, 1985, in-8°, xn-208 p., £ 6.95. —
L'ambiguïté du titre de ce livre, l'auteur la dissipe dès les premières lignes
de sa préface (p. xi) ; ce n'est pas là une histoire de la philosophie
islamique en sa période « médiévale » (ce terme n'est pas heureux en
cette matière; disons que sa fonction est celle d'un simple repère
chronologique réglé selon la périodisation qui nous est habituelle).
Le projet d'O. Leaman est d'étudier en philosophe ce qui, selon lui,
est au centre de cette philosophie, et qui s'exprime principalement :
1 / dans la controverse entre Ghazâlï et Averroès, avec en tiers Maï-
monide considéré comme un faylasuf (p.. 59); et, 2 / dans la façon
dont les falàsifa posent et résolvent les problèmes fondamentaux de
la morale. Bien entendu, tout en n'occupant qu'une place secondaire,
la théologie islamique n'est pas absente de cet examen ; mais c'est
surtout Ghazâlî qui à sa manière en est ici le champion. L'ouvrage se
divise donc en deux parties, dont la première traite des trois points
sur lesquels, selon Ghazâlî, les falàsifa s'écartent de la saine croyance '
la question de l'éternité du monde, celle de l'intellect agent et de
l'immortalité personnelle, et celle de la connaissance par Dieu des
choses particulières. La seconde se répartit elle aussi en trois
chapitres : sur le caractère de la morale religieuse, est-elle objective ou
subjective ? (cette formulation recouvre des problèmes tels que celui
de la norme morale : rationnelle ou révélée, celui des rapports entre
la volonté divine et le bien) ; sur la béatitude, la philosophie et la
société (c'est le problème de la cité idéale et de ses lois) ; enfin, sur
« la façon de lire la philosophie islamique » : l'auteur y montre qu'il est
incongru de chercher dans chacun des textes écrits par les falàsifa
des allusions voilées au conflit entre la religion et la philosophie. La
méthode de l'auteur consiste à fonder l'analyse de ces divers
problèmes sur des comptes rendus détaillés des textes principaux, replacés
chaque fois qu'il le faut dans leurs contextes, et d'en analyser la
teneur philosophique sans perdre de vue la teneur historique. Un
programme donc, qui impliquait une connaissance précise des
questions et exigeait une exposition rigoureuse ; O. Leaman l'a rempli.
On citera comme échantillon de ce travail les pages 64-74, où il
s'attache à développer une indication de Maïmonide selon laquelle « il
en est des opinions des hommes sur la prophétie comme de leurs
opinions concernant l'éternité ou la nouveauté du monde » (Guide
des égarés, II, 32 ; traduction S. Munk). — Quant au détail typogra-

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