Autres Temps.

Cahiers d'éthique
sociale et politique

Paul Ricœur, L'herméneutique biblique

Daniel Frey

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Frey Daniel. Paul Ricœur, L'herméneutique biblique . In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°76-77, 2003.
pp. 196-197;

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 Lectures
Paul RICŒUR,
L'herméneutique
(présentation et traduction
bibliquepar François-
Xavier Amherdt), Paris, Cerf, 2001
Cet ouvrage rassemble une série de
textes de Paul Ricœur (numérotés de 1 à
13) consacrés à la théorie de
l'interprétation (l'herméneutique) de la Bible, et
précédemment publiés en anglais entre
1975 et 1995. De niveau de complexité
et de longueur très variables (de 5 à 100
pages), ces textes apportent de précieux
compléments aux essais
d'herméneutique biblique précédemment publiés
par Ricœur (notamment Lectures 3. Aux
frontières de la philosophie). Ils
abordent largement le champ
néotestamentaire, tandis que le récent Penser la
bible, écrit en collaboration avec A.
Lacoque, choisissait de n'explorer que
les textes vétéro-testamentaires. De
facture universitaire, les textes rassemblés
n'en sont pas moins d'une lecture
relativement aisée. Cela tient, semble-t-il, au
climat particulier de l'université
américaine au sein de laquelle ils furent
proposés et discutés. La qualité et le
sérieux de la réception américaine des
travaux de Ricœur se révèlent
pleinement dans le premier groupe de textes,
constitués des réponses de Ricœur aux
universitaires discutant ses thèses
(textes 1 à 3). À ce groupe de textes
s'ajoute (texte 4) l'équivalent anglais de
« La liberté selon l'espérance » (cf. Le
Conflit des interprétations). Le texte 5
offre une précieuse mise au point sur la
narratologie. L'intelligence narrative
doit être distinguée du savoir théorique
et rapprochée du savoir pratique (phro-
nesis aristotélicienne ou jugement
kantien). C'est sur cette intelligence propre
au récit que se fonde l'analyse narrato-
logique : la compréhension guidée par
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le texte lui-même prime, même si elle
est appelée à s'élever à un niveau plus
élevé que celui de la compréhension
naïve. Le texte 6 est un véritable essai
portant sur l'interprétation des
paraboles. Pour Ricœur, la parabole est un
récit qui fonctionne comme une
métaphore. En conséquence, l'interprétation
de la parabole fera intervenir le concept
de mise en intrigue (le Royaume est
semblable à ce qui arrive quand...),
mais aussi celui d'impertinence
narrative : l'événement qui se produit et
auquel est rapporté le Royaume est nar-
rativement improbable, et c'est cela qui
confère à la parabole sa dynamique et sa
capacité à désorienter et à réorienter
tout à la fois. L'essai se conclut par une
magistrale étude sur la spécificité du
langage religieux. Les textes 7 à 9 sont
des écrits de circonstance. Les deux
premiers sont des prédications portant sur
des textes évangéliques (la première
livre un condensé théologique de la
théorie de l'interprétation des
paraboles ; la seconde propose une lecture
de Mt 16, 25) ; le troisième texte a été
écrit à l'occasion de la commémoration
du Jour de la Shoah en 1989. Enfin, les
quatre derniers textes considèrent le
texte biblique du point de vue des
recherches sur la narrativité et la
temporalité mises en route dans Temps et
récit. Le texte 10 pose ainsi la question
du rapport de l'historiographie
théologique de l'A. T. à l'historiographie
grecque. Le texte 11 s'interroge sur la
synthèse éventuelle de deux exégèses
théologiques : celle qui croit possible et
utile de rechercher les paroles et les
actions véritables de Jésus (cf. Jeremias)
et celle pour qui cela n'est pas de mise
(cf. Bultmann). L'objectif de cette
synthèse, risquée jpar Norman Perrin, est de
mieux comprendre les raisons pour
lesquelles la proclamation de l'identité
 Lectures
toute singulière de Jésus a pris la forme
des évangiles. C'est cette même
problématique qu'aborde le texte 13, qui étend
le questionnement à la théologie
narrative contemporaine. Le texte 12, enfin,
est l'expression simplifiée d'une
interrogation sur les liens qui unissent la
communauté chrétienne au texte
biblique qui la fonde.
Aussi variés soient-ils, les textes
réunis ici attestent de la cohérence de
l'herméneutique biblique de Ricœur.
Bien que certaines analyses particulières
soient menées jusqu'à leurs limites,
cette herméneutique offre suffisamment
de moments de reprise et de synthèse
pour que le lecteur ne soit jamais
désorienté et tire profit d'une lecture très
éclairante.
Un mot sur le travail du maître
d'oeuvre de cette anthologie, F.-X.
Amherdt. Ses choix éditoriaux sont
judicieux, et les 80 pages par lesquelles
il introduit l'herméneutique biblique de
Ricœur (extraits d'une thèse à paraître)
sont fort utiles. Cependant, on s'étonne
un peu de la tendance systématique de
l'éditeur à présenter Ricœur comme un
auteur chrétien qui aurait à cœur de
joindre le pari de la foi au pari du sens.
Quoique basée sur des références à des
propos explicites (mais quasi-privés) de
Ricœur, cette lecture va à contresens de
l'exercice exigeant auquel Ricœur s'est
plié toute son œuvre durant : ne pas
faire intervenir dans son argumentation
philosophique et herméneutique des
présupposés religieux qui obligeraient
ses lecteurs. Rien n'interdit de penser,
avec Ricœur, le sens des textes
bibliques qui nourissent les convictions
personnelles du philosophe. Au
contraire : ce volume est là pour
témoigner, si besoin était, de la pertinence des
incursions répétées du philosophe dans
le champ de l'exégèse et de la théologie
chrétiennes. Mais c'est déjà faire de
Ricœur un philosophe chrétien que de
voir dans son œuvre les linéaments
d'une lecture théologique. Celle-ci ne
saurait relever que de la seule
responsabilité du théologien. La perspective
choisie par M.Amherdt manifeste son
intention d'apporter son soutien aux
textes de la Commission biblique
pontificale (1993), qui eux-mêmes
témoignent d'une appropriation catholique
«officielle» de Ricœur). Cependant,
l'œuvre de Ricœur tout entière est
l'œuvre d'un philosophe et, comme
telle, elle n'engage aucunement le
lecteur ni pour, ni contre la foi biblique. À
ce lecteur, il n'est demandé qu'une
chose : un effort de « sympathie et
d'imagination » envers les textes
bibliques, témoins d'une réalité
spirituelle qui les dépasse.
Daniel Frey
Olivier ABEL, De l'amour des
ennemis et autres méditations sur la
guerre et la politique,
Albin Michel, 2002, 348 p., 16,90 €
De la guerre à l'amour conjugal, en
passant par « le politique », le tourisme
ou la voiture, et jusqu'au plastique ou la
poussière, cette compilation d'articles
parus dans divers journaux et revues,
dont Autres Temps, nous invite à
redécouvrir ce qui relie ces thèmes a priori
hétéroclites : le lien justement, les
« conditions de la cohabitation » (y
compris avec les générations futures), ce
qui fait l'accord (d'abord avec soi-
même), et par conséquent le désaccord
qui le menace toujours, la tension dans
laquelle ils s'équilibrent, et le temps qui
porte cette tension et la construit. Ces
« méditations interrompues » nous
enseignent comment nous tenons à nos
mythes, comment ils façonnent notre
vision du monde et notre rapport au
temps. Mais aussi comment ils nous
détournent d'« un sentiment plus épique
de nos communes destinées ». Ainsi en
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