Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Le mur
(Texte intégral)
• Naissance et Jeunesse : Jean-Paul Sartre naît en 1905 à Paris. Il perd son père à l'âge
de deux ans et est élevé par sa mère et son grand-père.
• Seconde Guerre mondiale : Sartre est mobilisé pendant la Seconde Guerre mondiale.
Il est prisonnier de guerre pendant neuf mois avant d'être libéré.
• Prix Nobel : En 1964, Sartre est le premier écrivain à refuser le prix Nobel de
littérature. Selon lui, un écrivain ne doit pas se transformer en institution.
2
Sers-toi de ces mots clés pour écrire une courte biographie Jean-Paul Sartre. Utilise le passé
composé et l'imparfait pour ton texte. Écris environ 200 mots.
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________________
3
On nous poussa dans une grande salle blanche, et mes yeux se mirent à cligner1 parce que la
lumière leur faisait mal. Ensuite, je vis une table et quatre types derrière la table, des civils,
qui regardaient des papiers.
On avait massé2 les autres prisonniers dans le fond et il nous fallut traverser toute la pièce
5 pour les rejoindre. Il y en avait plusieurs que je connaissais et d'autres qui devaient être
étrangers.
Les deux qui étaient devant moi étaient blonds avec des crânes3 ronds, ils se ressemblaient :
des Français, j'imagine. Le plus petit remontait tout le temps son pantalon : c'était nerveux.
Ça dura près de trois heures ; j'étais abruti et j'avais la tête vide, mais la pièce était bien
10 chauffée et je trouvais ça plutôt agréable : depuis vingt-quatre heures, nous n'avions pas
cessé de grelotter4.
Les gardiens amenaient les prisonniers l'un après l'autre devant la table. Les quatre types
leur demandaient alors leur nom et leur profession. La plupart du temps ils n'allaient pas
plus loin - ou bien alors ils posaient une question par-ci, par-là :
15 "As-tu pris part au sabotage des munitions ?"
Ou bien :
"Où étais-tu le matin du 9 et que faisais-tu ?"
Ils n'écoutaient pas les réponses ou du moins ils n'en avaient pas l'air5 : ils se taisaient un
moment et regardaient droit devant eux, puis ils se mettaient à écrire.
20 Ils demandèrent à Tom s'il était vrai qu'il servait dans la Brigade internationale6 : Tom ne
pouvait pas dire le contraire à cause des papiers qu'on avait trouvés dans sa veste.
À Juan, ils ne demandèrent rien, mais, après qu'il eut dit son nom, ils écrivirent longtemps.
"C'est mon frère José qui est anarchiste7", dit Juan. "Vous savez bien qu'il n'est plus ici. Moi,
je ne suis d'aucun parti, je n'ai jamais fait de politique."
25 Ils ne répondirent pas.
Juan dit encore :
"Je n'ai rien fait. Je ne veux pas payer pour les autres."
1
Cligner : Fermer et ouvrir rapidement les yeux.
2
Masser quelqu'un : pousser quelqu'un.
3
Un crâne : Une tête.
4
Grelotter : Trembler à cause du froid.
5
Avoir l'air : Sembler.
6
La Brigade internationale : Un groupe de volontaires internationaux qui ont combattu aux côtés des
républicains pendant la guerre civile espagnole.
7
Un anarchiste : Une personne qui est contre toute forme d'autorité et de gouvernement.
4
Ses lèvres tremblaient. Un gardien le fit taire8 et l'emmena. C'était mon tour.
"Vous vous appelez Pablo Ibbieta ?"
Je dis que oui.
Le type regarda ses papiers et me dit :
5 "Où est Ramon Gris ?"
Je ne sais pas.
"Vous l'avez caché dans votre maison du 6 au 19."
"Non."
Ils écrivirent un moment et les gardiens me firent sortir.
10 Dans le couloir, Tom et Juan attendaient entre deux gardiens. Nous nous mîmes en marche.
Tom demanda à un des gardiens :
"Et alors ?"
"Quoi ?" dit le gardien.
"C'est un interrogatoire9 ou un jugement10 ?"
15 "C'était le jugement", dit le gardien.
"Eh bien ? Qu'est-ce qu'ils vont faire de nous ?"
Le gardien répondit sèchement11 :
"On vous communiquera la sentence12 dans vos cellules13."
En fait, ce qui nous servait de cellule, c'était une des caves de l'hôpital. Il y faisait
20 terriblement froid à cause des courants d'air.
Toute la nuit nous avions grelotté et pendant la journée, ça n'avait guère14 été mieux durant
la journée. Les cinq jours précédents, je les avais passés dans un cachot15 de l'archevêché16,
une espèce d'oubliette17 qui devait dater du Moyen Âge : comme il y avait beaucoup de
prisonniers et peu de place, on les casait n'importe où.
25 Je ne regrettais pas mon cachot : je n'y avais pas souffert du froid, mais j'y étais seul ; à la
longue, c'est irritant.
Dans la cave18, j'avais de la compagnie. Juan ne parlait guère : il avait peur et puis il était trop
jeune pour avoir son mot à dire. Mais Tom était beau parleur et il savait très bien l'espagnol.
Dans la cave, il y avait un banc et quatre paillasses19. Quand ils nous eurent ramenés, nous
30 nous assîmes et nous attendîmes en silence. Tom dit, au bout d'un moment :
"Nous sommes foutus20."
"Je le pense aussi", dis-je, "mais je crois qu'ils ne feront rien au petit."
Ils n'ont rien à lui reprocher, dit Tom. C'est le frère d'un militant, voilà tout.
Je regardai Juan : il n'avait pas l'air d'entendre.
35 Tom reprit :
8
Faire taire quelqu'un : Empêcher quelqu'un de parler.
9
Un interrogatoire : Quand la police pose des questions pour obtenir des informations.
10
Un jugement : Une décision prise par un juge ou un tribunal.
11
Sèchement : D'une manière brusque.
12
Une sentence : Une décision d'un juge qui impose une peine ou une sanction.
13
Une cellule : Une petite pièce souvent utilisée comme une prison.
14
Ne… guère : Ne… pas.
15
Un cachot : Une petite cellule dans une prison.
16
Un archevêché : Le palais où vit et travaille un archevêque.
17
Une oubliette : Une petite pièce cachée.
18
Une cave : Une pièce sous la terre qui sert à conserver des aliments ou le vin.
19
Une paillasse : Un matelas sur un lit.
20
Être foutu : Être dans un état désespéré ou condamné.
5
"Tu sais ce qu'ils font à Saragosse21 ? Ils couchent les types sur la route et ils leur passent
dessus avec des camions. C'est un Marocain déserteur qui nous l'a dit. Ils disent que c'est
pour économiser les munitions."
"Ça n'économise pas l'essence", dis-je.
5 J'étais irrité contre Tom : il n'aurait pas dû dire ça.
"Il y a des officiers qui se promènent sur la route", poursuivit-il, "et qui surveillent ça, les
mains dans les poches, en fumant des cigarettes... Tu crois qu'ils achèveraient22 les types ? Je
t'en fous23. Ils les laissent gueuler24. Des fois pendant une heure. Le Marocain dit que, la
première fois, il a manqué de dégueuler25."
10 "Je ne crois pas qu'ils fassent ça ici", dis-je. "À moins qu'ils ne manquent vraiment de
munitions."
Le jour entrait par quatre soupiraux26 et par une ouverture ronde qu'on avait pratiquée au
plafond27, sur la gauche, et qui donnait sur le ciel.
C'est par ce trou rond, ordinairement fermé par une trappe28, qu'on déchargeait le
15 charbon29 dans la cave.
Juste au-dessous du trou, il y avait un gros tas de poussière. Il avait été destiné à chauffer
l'hôpital, mais dès le début de la guerre, on avait évacué les malades, et le charbon restait là,
inutilisé ; il pleuvait même dessus, à l'occasion, parce qu'on avait oublié de baisser la trappe.
Tom se mit à grelotter :
20 "Sacré nom de Dieu, je grelotte", dit-il, "voilà que ça recommence."
Il se leva et se mit à faire de la gymnastique. À chaque mouvement, sa chemise s'ouvrait sur
sa poitrine blanche et velue30. Il s'étendit31 sur le dos, leva les jambes en l'air et fit des
ciseaux32 : je voyais trembler sa grosse croupe33.
Tom était costaud34, mais il avait trop de graisse. Je pensais que des balles de fusil35 ou des
25 pointes de baïonnettes36 allaient bientôt s'enfoncer37 dans cette masse de chair38 tendre
comme dans une motte de beurre39. Ça ne faisait pas le même effet que s'il avait été maigre.
Je n'avais pas exactement froid, mais je ne sentais plus mes épaules ni mes bras. De temps
en temps, j'avais l'impression qu'il me manquait quelque chose et je commençais à chercher
ma veste autour de moi, et puis je me rappelais brusquement qu'ils ne m'avaient pas donné
30 de veste. C'était plutôt pénible.
Ils avaient pris nos vêtements pour les donner à leurs soldats et ils ne nous avaient laissé que
21
Saragosse : Une ville en Espagne.
22
Achever : Terminer ou mettre fin à quelque chose.
23
Je t'en fous : Je m'en moque ou cela ne m'intéresse pas.
24
Gueuler : Crier.
25
Dégueuler : Vomir.
26
Un soupirail : Une petite ouverture qui sert à la ventilation ou à la lumière.
27
Le plafond : La surface supérieure d'une pièce, généralement au-dessus de la tête.
28
Une trappe : Une ouverture qui peut être ouverte ou fermée.
29
Le charbon : Une substance noire et combustible utilisée comme source d'énergie.
30
Une poitrine velue : Une poitrine couverte de poils.
31
S'étendre : Allonger son corps.
32
Faire des ciseaux : Un exercice de gymnastique.
33
Une croupe : Le dos d'un animal, spécialement d'un cheval.
34
Être costaud : Être fort ou musclé.
35
Une balle de fusil : Un projectile tiré d'une arme à feu.
36
Une baïonnette : Une lame (comme un couteau) fixée à l'extrémité d'un fusil.
37
S'enfoncer : Pénétrer.
38
La chair : La "viande" du corps humain.
39
Une motte de beurre : Un morceau compact de beurre.
6
nos chemises - et ces pantalons de toile que les malades hospitalisés portaient au cœur de
l'été.
Au bout d'un moment, Tom se releva et s'assit près de moi en soufflant.
"Tu es réchauffé ?"
5 "Sacré nom de Dieu, non. Mais je suis essoufflé40."
Vers huit heures du soir, un commandant entra avec deux phalangistes41. Il avait une feuille
de papier à la main.
Il demanda au gardien :
"Comment s'appellent-ils, ces trois-là ?"
10 "Steinbock, Ibbieta et Mirbal", dit le gardien.
Le commandant mit ses lorgnons42 et regarda sa liste.
"Steinbock… Steinbock… Voilà. Vous êtes condamné à mort. Vous serez fusillé 43 demain
matin."
Il regarda encore :
15 "Les deux autres aussi", dit-il.
"C'est pas possible", dit Juan. "Pas moi."
Le commandant le regarda d'un air étonné :
"Comment vous appelez-vous ?"
"Juan Mirbal", dit-il.
20 "Eh bien, votre nom est là", dit le commandant, "vous êtes condamné."
"J'ai rien fait", dit Juan.
Le commandant haussa les épaules44 et se tourna vers Tom et vers moi.
"Vous êtes Basques45 ?"
"Personne n'est Basque."
25 Il eut l'air agacé46.
"On m'a dit qu'il y avait trois Basques. Je ne vais pas perdre mon temps à leur courir après.
Alors, naturellement, vous ne voulez pas de prêtre47 ?"
Nous ne répondîmes même pas.
Il dit :
30 "Un médecin belge viendra tout à l'heure. Il a l'autorisation de passer la nuit avec vous."
Il fit le salut militaire et sortit.
"Qu'est-ce que je te disais", dit Tom. "On est bons."
"Oui", dis-je, "c'est vache48 pour le petit."
Je disais ça pour être juste, mais je n'aimais pas le petit.
35 Il avait un visage trop fin et la peur, la souffrance49 l'avaient défiguré50, elles avaient tordu
tous ses traits. Trois jours auparavant, c'était un môme51 dans le genre mièvre52, ça peut
40
Être essoufflé : Avoir du mal à respirer.
41
Un phalangiste : Un membre d'une milice d'extrême droite en Espagne pendant la guerre civile espagnole.
42
Des lorgnons : Des lunettes spéciales avec des branches courtes pour être tenues à la main.
43
Être fusillé : Être exécuté par des tirs de fusil.
44
Hausser les épaules : Lever les épaules pour exprimer l'indifférence ou le désintérêt.
45
Un Basque : Une personne originaire du Pays Basque (au nord de l'Espagne).
46
Être agacé, -e : Être irrité ou contrarié.
47
Un prêtre : Un membre du clergé qui travaille pour l'Église catholique.
48
C'est vache : C'est méchant ou injuste.
49
Une souffrance : Une douleur physique ou morale.
50
Défigurer : Causer des dommages à l'aspect extérieur.
51
Un môme : Un enfant, un gamin.
52
Mièvre : Quelque chose de fade ou de trop doux.
7
plaire ; mais maintenant il avait l'air d'une vieille tapette53, et je pensais qu'il ne
redeviendrait plus jamais jeune, même si on le relâchait54.
Ça n'aurait pas été mauvais d'avoir un peu de pitié à lui offrir, mais la pitié me dégoûtait, il
me faisait plutôt horreur.
5 Il n'avait plus rien dit, mais il était devenu gris : son visage et ses mains étaient gris.
Il se rassit et regarda le sol avec des yeux ronds.
Tom était une bonne âme, il voulut lui prendre le bras, mais le petit se dégagea 55
violemment en faisant une grimace.
"Laisse-le", dis-je à voix basse, "tu vois bien qu'il va se mettre à pleurer."
10 Tom obéit à regret56 ; il aurait aimé consoler57 le petit ; ça l'aurait occupé et il n'aurait pas
été tenté de penser à lui-même. Mais ça m'agaçait : je n'avais jamais pensé à la mort parce
que l'occasion ne s'en était pas présentée, mais maintenant l'occasion était là, et il n'y avait
pas autre chose à faire que de penser à ça.
Tom se mit à parler :
15 "Tu as bousillé58 des types, toi ?" me demanda-t-il.
Je ne répondis pas. Il commença à m'expliquer qu'il en avait bousillé six depuis le début du
mois d'août ; il ne se rendait pas compte de la situation, et je voyais bien qu'il ne voulait pas
s'en rendre compte.
Moi-même, je ne réalisais pas encore tout à fait, je me demandais si on souffrait beaucoup,
20 je pensais aux balles, j'imaginais leur grêle59 brûlante à travers mon corps.
Tout ça, c'était en dehors de la véritable question ; mais j'étais tranquille : nous avions toute
la nuit pour comprendre.
Au bout d'un moment, Tom cessa de parler et je le regardai du coin de l'œil ; je vis qu'il était
devenu gris, lui aussi, et qu'il avait l'air misérable ; je me dis : "Ça commence."
Il faisait presque nuit, une lueur terne60 filtrait à travers les soupiraux et le tas de charbon, et
faisait une grosse tache sous le ciel ; par le trou du plafond, je voyais déjà une étoile : la nuit
serait pure et glacée.
La porte s'ouvrit, et deux gardiens entrèrent. Ils étaient suivis d'un homme blond qui portait
un uniforme belge. Il nous salua :
25 "Je suis médecin", dit-il. "J'ai l'autorisation de vous assister en ces pénibles61 circonstances."
Il avait une voix agréable et distinguée62.
Je lui dis :
"Qu'est-ce que vous venez faire ici ?"
"Je me mets à votre disposition. Je ferai tout mon possible pour que ces quelques heures
30 vous soient moins lourdes."
53
Une tapette : Un objet utilisé pour attraper ou tuer des mouches ou des insectes.
54
Relâcher quelqu'un : Libérer quelqu'un.
55
Se dégager violemment : Se libérer brusquement.
56
À regret : Avec une certaine tristesse ou hésitation.
57
Consoler : Réconforter quelqu'un.
58
Bousiller : Tuer quelqu'un.
59
La grêle : Quand la pluie tombe sous forme de glace.
60
Une lueur terne : Une faible lumière.
61
Pénible : difficile.
62
Distingué, -e : élégant, raffiné.
8
"Pourquoi êtes-vous venu chez nous ? Il y a d'autres types, l'hôpital en est plein."
"On m'a envoyé ici", répondit-il d'un air vague.
"Ah ! vous aimeriez fumer, hein ?" ajouta-t-il précipitamment63. "J'ai des cigarettes et même
des cigares." Il nous offrit des cigarettes anglaises et des puros64, mais nous refusâmes. Je le
5 regardai dans les yeux et il parut gêné65.
Je lui dis :
"Vous ne venez pas ici par compassion66. D'ailleurs, je vous connais. Je vous ai vu avec des
fascistes dans la cour de la caserne, le jour où on m'a arrêté." J'allais continuer, mais tout
d'un coup il m'arriva quelque chose qui me surprit ; la présence de ce médecin cessa67
10 brusquement de m'intéresser. D'ordinaire, quand je suis sur un homme, je ne le lâche68 pas.
Et pourtant l'envie de parler me quitta ; je haussai les épaules et je détournai les yeux.
Un peu plus tard, je levai la tête : il m'observait d'un air curieux. Les gardiens s'étaient assis
sur une paillasse. Pedro, le grand maigre, se tournait les pouces, l'autre agitait de temps en
temps la tête pour s'empêcher de dormir.
15 "Voulez-vous de la lumière ?" dit soudain Pedro au médecin.
L'autre fit «oui» de la tête: je pense qu'il avait à peu près autant d'intelligence qu'une
bûche69, mais sans doute n'était-il pas méchant. A regarder ses gros yeux bleus et froids, il
me sembla qu'il péchait70 surtout par défaut71 d'imagination.
Pedro sortit et revint avec une lampe à pétrole qu'il posa sur le coin du banc. Elle éclairait
20 mal, mais c'était mieux que rien : la veille72 on nous avait laissés dans le noir.
Je regardai un bon moment le rond de lumière que la lampe faisait au plafond. J'étais
fasciné.
Et puis, brusquement, je me réveillai, le rond de lumière s'effaça73, et je me sentis écrasé74
sous un poids énorme. Ce n'était pas la pensée de la mort, ni la crainte : c'était anonyme.
25 Les pommettes75 me brûlaient et j'avais mal au crâne. Je me secouai et regardai mes deux
compagnons. Tom avait enfoui76 sa tête dans ses mains, je ne voyais que sa nuque77 grasse
et blanche. Le petit Juan était de beaucoup le plus mal en point78, il avait la bouche ouverte
et ses narines79 tremblaient.
Le médecin s'approcha de lui et lui posa la main sur l'épaule comme pour le réconforter :
30 mais ses yeux restaient froids.
Puis je vis la main du Belge descendre sournoisement le long du bras de Juan jusqu'au
poignet80.
63
Précipitamment : rapidement.
64
Un puro : un cigare.
65
Être gêné, -e : être embarrassé, mal à l'aise.
66
La compassion : la pitié, l'empathie.
67
Cesser : arrêter.
68
Lâcher quelqu'un : laisser, libérer quelqu'un.
69
Une bûche : un morceau de bois.
70
Pécher : transgresser une règle morale ou religieuse.
71
Un défaut : une imperfection, un manque.
72
La veille : le jour avant.
73
S'effacer : disparaître.
74
Écraser quelque chose : aplatir, piétiner quelque chose.
75
La pommette : l'os sous les joues.
76
Enfouir : cacher.
77
La nuque : la partie arrière du cou.
78
Être le plus mal en point : être dans le pire état.
79
Les narines : les trous du nez.
80
Le poignet : entre la main et le bras.
9
Juan se laissait faire avec indifférence. Le Belge lui prit le poignet entre trois doigts, avec un
air distrait, en même temps il recula81 un peu et s'arrangea pour me tourner le dos. Mais je
me penchai en arrière et je le vis tirer sa montre et la consulter un instant sans lâcher le
poignet du petit. Au bout d'un moment, il laissa retomber la main inerte82, et alla s'adosser
5 au mur, puis, comme s'il se rappelait soudain quelque chose de très important qu'il fallait
noter sur-le-champ83, il prit un carnet84 dans sa poche et y inscrivit quelques lignes.
"Le salaud", pensai-je avec colère, "qu'il ne vienne pas me tâter85 le pouls86, je lui enverrai
mon poing dans sa sale gueule87."
Il ne vint pas, mais je sentis qu'il me regardait. Je levai la tête et lui rendis son regard.
10 Il me dit d'une voix impersonnelle :
"Vous ne trouvez pas qu'on grelotte ici ?"
Il avait l'air d'avoir froid ; il était violet.
"Je n'ai pas froid", lui répondis-je.
Il ne cessait pas de me regarder, d'un air dur. Brusquement je compris et je portais mes
15 mains à ma figure : j'étais trempé de sueur88.
Dans cette cave, au gros de l'hiver, en plein courant d'air, je suais.
Je passai les doigts dans mes cheveux qui étaient feutrés89 par la transpiration ; en même
temps je m'aperçus que ma chemise était humide et collait à ma peau : je ruisselais90 depuis
une heure au moins et je n'avais rien senti. Mais ça n'avait pas échappé au cochon 91 de Belge
20 ; il avait vu les gouttes rouler sur mes joues et il avait pensé : c'est la manifestation d'un état
de terreur quasi pathologique ; et il s'était senti normal et fier de l'être parce qu'il avait froid.
Je voulus me lever pour lui casser la figure, mais à peine avais-je ébauché92 un geste que ma
honte et ma colère furent effacées93 ; je retombai sur le banc avec indifférence.
Je me contentai de me frictionner le cou avec mon mouchoir parce que, maintenant, je
25 sentais la sueur qui gouttait de mes cheveux sur ma nuque, et c'était désagréable.
Je renonçai d'ailleurs bientôt à me frictionner, c'était inutile : déjà mon mouchoir était bon à
tordre94, et je suais toujours. Je suais aussi des fesses95 et mon pantalon humide adhérait96
au banc.
Le petit Juan parla tout à coup.
30 "Vous êtes médecin ?"
"Oui", dit le Belge.
"Est-ce qu'on souffre… longtemps ?"
"Oh! Quand… ? Mais non", dit le Belge d'une voix paternelle, "c'est vite fini."
Il avait l'air de rassurer un malade payant.
81
Reculer : aller en arrière.
82
Inerte : immobile.
83
Sur-le-champ : immédiatement, tout de suite.
84
Un carnet : un petit livre de notes.
85
Tâter : toucher.
86
Le pouls : le battement du cœur, la pulsation.
87
Une gueule : une bouche, une face.
88
Être trempé : être complètement mouillé à cause de la transpiration.
89
Feutré, -e : collant.
90
Ruisseler : couler.
91
Un cochon : un porc.
92
Ébaucher : commencer, esquisser.
93
Effacer : faire disparaître.
94
Tordre : déformer ou plier quelque chose.
95
Les fesses : le derrière, le cul.
96
Adhérer : coller.
10
"Mais je… on m'avait dit… qu'il fallait souvent deux salves97."
"Quelquefois", dit le Belge en hochant la tête. "Il peut se faire que la première salve
n'atteigne98 aucun des organes vitaux."
"Alors il faut qu'ils rechargent les fusils et qu'ils visent99 de nouveau ?"
5 Il réfléchit et ajouta d'une voix enrouée :
"Ça prend du temps."
Il avait une peur affreuse de souffrir, il ne pensait qu'à ça : c'était de son âge. Moi, je n'y
pensais plus beaucoup et ce n'était pas la crainte de souffrir qui me faisait transpirer.
Je me levai et je marchai jusqu'au tas de poussier100. Tom sursauta et me jeta un regard
10 haineux101 : je l'agaçais102 parce que mes souliers103 craquaient. Je me demandais si j'avais le
visage aussi terreux104 que lui: je vis qu'il suait aussi.
Le ciel était superbe, aucune lumière ne se glissait dans ce coin sombre, et je n'avais qu'à
lever la tête pour apercevoir la Grande Ourse105.
Mais ça n'était plus comme auparavant : l'avant-veille de mon cachot de l'archevêché, je
15 pouvais voir un grand morceau de ciel, et chaque heure du jour me rappelait un souvenir
différent. Le matin, quand le ciel était d'un bleu dur et léger, je pensais à des plages au bord
de l'Atlantique ; à midi je voyais le soleil et je me rappelais un bar de Séville, où je buvais du
manzanilla106 en mangeant des anchois107 et des olives. L'après-midi j'étais à l'ombre et je
pensais à l'ombre profonde qui s'étend sur la moitié des arènes pendant que l'autre moitié
20 scintille108 au soleil : c'était vraiment pénible de voir ainsi toute la terre se refléter dans le
ciel.
Mais à présent je pouvais regarder en l'air tant que je voulais, le ciel ne m'évoquait109 plus
rien. J'aimais mieux ça.
Je revins m'asseoir près de Tom.
25 Un long moment passa.
Tom se mit à parler, d'une voix basse. Il fallait toujours qu'il parlât, sans ça il ne se
reconnaissait pas bien dans ses pensées. Je pense que c'est à moi qu'il s'adressait, mais il ne
me regardait pas.
Sans doute avait-il peur de me voir comme j'étais, gris et suant: nous étions pareils et pires
30 que des miroirs l'un pour l'autre.
Il regardait le Belge, le vivant.
"Tu comprends, toi ?" disait-il. "Moi, je comprends pas."
Je me mis aussi à parler à voix basse. Je regardais le Belge.
"Quoi, qu'est-ce qu'il y a ?"
35 "Il va nous arriver quelque chose que je ne peux pas comprendre."
97
Une salve : une décharge d'armes à feu.
98
Atteindre : toucher.
99
Viser : pointer une arme sur quelque chose ou quelqu'un.
100
Le poussier : la poussière fine.
101
Haineux : plein de haine, hostile.
102
Agacer : irriter, énerver.
103
Les souliers : les chaussures.
104
Terreux, -euse : qui contient de la terre, de la boue.
105
La Grande Ourse : une constellation d'étoiles.
106
Le manzanilla : Un vin blanc espagnol.
107
Un anchois : un petit poisson salé et mariné.
108
Scintiller : briller.
109
Évoquer quelque chose : rappeler, faire penser à quelque chose.
11
Il y avait une étrange odeur110 autour de Tom. Il me sembla que j'étais plus sensible aux
odeurs qu'à l'ordinaire111.
Je ricanai :
"Tu comprendras tout à l'heure."
5 "Ça n'est pas clair", dit-il d'un air obstiné112. "Je veux bien avoir du courage, mais il faudrait
au moins que je sache, … Ecoute, on va nous amener dans la cour. Les types vont se
ranger113 devant nous. Combien seront-ils ?"
"Je ne sais pas. Cinq ou huit. Pas plus."
"Ça va. Ils seront huit. On leur criera : «En joue114», et je verrai les huit fusils braqués115 sur
10 moi. Je pense que je voudrai rentrer dans le mur, je pousserai le mur avec le dos de toutes
mes forces, et le mur résistera, comme dans les cauchemars116. Tout ça, je peux me
l'imaginer. Ah ! Si tu savais comme je peux me l'imaginer."
"Ça va !" lui dis-je, "je me l'imagine aussi."
"Ça doit faire un mal de chien. Tu sais qu'ils visent les yeux et la bouche pour défigurer117",
15 ajouta-t-il méchamment. "Je sens déjà les blessures ; depuis une heure j'ai des douleurs dans
la tête et dans le cou. Pas de vraies douleurs ; c'est pis118 : ce sont les douleurs que je sentirai
demain matin. Mais après ?"
Je comprenais très bien ce qu'il voulait dire, mais je ne voulais pas en avoir l'air.
Quant aux douleurs, moi aussi je les portais dans mon corps, comme une foule de petites
20 balafres119. Je ne pouvais pas m'y faire, mais j'étais comme lui, je n'y attachais pas
d'importance.
"Après", dis-je rudement120, "tu boufferas du pissenlit121." Il se mit à parler pour lui seul : il
ne lâchait pas des yeux le Belge. Celui-ci n'avait pas l'air d'écouter. Je savais ce qu'il était
venu faire ; ce que nous pensions ne l'intéressait pas ; il était venu regarder nos corps, des
25 corps qui agonisaient122 tout vifs123.
"C'est comme dans les cauchemars", disait Tom. "On veut penser à quelque chose, on a tout
le temps l'impression que ça y est, qu'on va comprendre, et puis ça glisse124, ça vous
échappe et ça retombe. Je me dis : après, il n'y aura plus rien. Mais je ne comprends pas ce
que ça veut dire. Il y a des moments où j'y arrive presque ... et puis ça retombe, je
30 recommence à penser aux douleurs, aux balles, aux détonations125. Je suis matérialiste, je te
le jure ; je ne deviens pas fou. Mais il y a quelque chose qui ne va pas. Je vois mon cadavre :
ça n'est pas difficile, mais c'est moi qui le vois, avec mes yeux. Il faudrait que j'arrive à
penser… à penser que je ne verrai plus rien, que je n'entendrai plus rien et que tout le
monde continuera pour les autres. On n'est pas faits pour penser ça, Pablo. Tu peux me
110
Une odeur : ce que nous sentons avec le nez.
111
Ordinaire : qui est habituel, commun.
112
Obstiné, -e : entêté.
113
Se ranger : se positionner, s'aligner.
114
« En joue » : positionner une arme pour tirer.
115
Braquer un fusil sur quelqu'un : pointer un fusil sur quelqu'un.
116
Un cauchemar : un mauvais rêve.
117
Défigurer quelqu'un : déformer le visage de quelqu'un.
118
C'est pis : c'est pire.
119
Une balafre : une cicatrice, une marque sur la peau.
120
Rudement : sévèrement, durement.
121
Bouffer du pissenlit : expression familière pour mourir.
122
Agoniser : être en train de mourir, souffrir avant la mort.
123
Vif, vive : rapide, plein d'énergie.
124
Glisser : échapper.
125
Une détonation : un bruit violent d'une explosion.
12
croire : ça m'est déjà arrivé de veiller126 toute une nuit en attendant quelque chose. Mais
cette chose là, ça n'est pas pareil : ça nous prendra par derrière, Pablo, et nous n'aurons pas
pu nous y préparer."
"La ferme127", lui dis-je, "veux-tu que j'appelle un confesseur128 ?"
5 Il ne répondit pas. J'avais déjà remarqué qu'il avait tendance à faire le prophète et à
m'appeler Pablo en parlant d'une voix blanche129. Je n'aimais pas beaucoup ça ; mais il paraît
que tous les Irlandais sont ainsi. J'avais l'impression vague qu'il sentait l'urine.
Au fond je n'avais pas beaucoup de sympathie pour Tom et je ne voyais pas pourquoi, sous
prétexte que nous allions mourir ensemble, j'aurais dû en avoir davantage130.
10 Il y a des types avec qui ç'aurait été différent. Avec Ramon Gris, par exemple. Mais, entre
Tom et Juan, je me sentais seul. D'ailleurs, j'aimais mieux ça : avec Ramon, je me serais peut-
être attendri. Mais j'étais terriblement dur, à ce moment-là, et je voulais rester dur.
Il continua à mâchonner des mots, avec une espèce131 de distraction. Il parlait sûrement
pour s'empêcher de penser. Il sentait l'urine à plein nez comme les vieux prostatiques132.
15 Naturellement, j'étais de son avis, tout ce qu'il disait, j'aurais pu le dire : ça n'est pas naturel
de mourir. Et, depuis que j'allais mourir, plus rien ne me semblait naturel, ni ce tas de
poussier, ni le banc, ni la sale gueule de Pedro. Seulement, ça me déplaisait de penser les
mêmes choses que Tom. Et je savais bien que, tout au long de la nuit, à cinq minutes près,
nous continuerions à penser les choses en même temps, à suer ou à frissonner en même
20 temps.
Je le regardai de côté et, pour la première fois, il me parut étrange : il portait la mort sur sa
figure. J'étais blessé dans mon orgueil133 : pendant vingt-quatre heures, j'avais vécu aux
côtés de Tom, je l'avais écouté, je lui avais parlé, et je savais que nous n'avions rien de
commun. Et maintenant nous nous ressemblions comme des frères jumeaux, simplement
25 parce que nous allions crever134 ensemble.
126
Veiller : rester réveillé.
127
« La ferme » : tais-toi, silence.
128
Un confesseur : un prêtre.
129
Une voix blanche : une voix faible.
130
Davantage : plus.
131
Une espèce : un type, une sorte.
132
Prostatique : un homme qui souffre de la prostate.
133
Un orgueil : une fierté, une vanité excessive.
134
Crever : mourir.
135
Anéantir : détruire complètement
136
Un salaud : une personne méchante
137
Une flaque : un peu d'eau sur le sol
138
Effarement : avec grande surprise
13
"C'est pas vrai", dit-il furieux, "je ne pisse pas, je ne sens rien."
Le Belge s'était approché. Il demanda avec une fausse sollicitude139 :
"Vous vous sentez souffrant ?"
Tom ne répondit pas. Le Belge regarda la flaque sans rien dire.
5 "Je ne sais pas ce que c'est", dit Tom d'un ton farouche140, "mais je n'ai pas peur. Je vous jure
que je n'ai pas peur."
Le Belge ne répondit pas. Tom se leva et alla pisser dans un coin. Il revint en boutonnant sa
braguette141, se rassit et ne souffla plus mot.
Le Belge prenait des notes.
10 Nous le regardions tous les trois parce qu'il était vivant. Il avait les gestes d'un vivant, les
soucis142 d'un vivant ; il grelottait dans cette cave, comme devaient grelotter les vivants ; il
avait un corps obéissant et bien nourri. Nous autres, nous ne sentions plus guère nos corps,
plus de la même façon, en tout cas.
J'avais envie de tâter mon pantalon, entre mes jambes, mais je n'osais pas ; je regardais le
15 Belge, arqué143 sur ses jambes, maître de ses muscles et qui pouvait penser à demain.
Nous étions là, trois ombres privées de sang ; nous le regardions et nous sucions144 sa vie
comme des vampires.
Il finit par s'approcher du petit Juan. Voulut-il lui tâter la nuque pour quelque motif
professionnel ou bien obéit-il à une impulsion charitable145 ? S'il agit par charité, ce fut la
20 seule et unique fois de toute la nuit. Il caressa le crâne et le cou du petit Juan.
Le petit Juan le laissa faire, sans le quitter des yeux, puis, tout à coup, il lui saisit la main et la
regarda d'un drôle d'air.
Il tenait la main du Belge entre les deux siennes, et elles n'avaient rien de plaisant, les deux
pinces146 grises qui serraient cette main grasse et rougeaude147.
25 Je me doutais de ce qui allait arriver et Tom devait s'en douter aussi : mais le Belge n 'y
voyait que du feu148, il souriait paternellement.
Au bout d'un moment, le petit porta la grosse patte rouge à sa bouche et voulut la mordre.
Le Belge se dégagea vivement et recula jusqu'au mur en trébuchant149.
Pendant une seconde il nous regarda avec horreur, il devait comprendre tout d'un coup que
30 nous n'étions pas des hommes comme lui.
Je me mis à rire, et l'un des gardiens sursauta150. L'autre s'était endormi, ses yeux, grands
ouverts, étaient blancs.
Je me sentais las151 et surexcité, à la fois. Je ne voulais plus penser à ce qui arriverait à l'aube,
à la mort. Ça ne rimait152 à rien, je ne rencontrais que des mots ou du vide. Mais dès que153
35 j'essayais de penser à autre chose, je voyais des canons de fusil braques sur moi.
139
Une sollicitude : une attention bienveillante.
140
Farouche : sauvage.
141
Boutonner sa braguette : fermer la fermeture éclair de son pantalon.
142
Un souci : une inquiétude.
143
Arqué, -e : courbé, plié en arc.
144
Sucer : aspirer un liquide.
145
Charitable : généreux envers les autres.
146
Une pince : un outil pour saisir ou presser des objets.
147
Rougeaude : légèrement rouge.
148
Ne voir que du feu : ne rien remarquer.
149
Trébucher : faire un faux-pas et risquer de tomber.
150
Sursauter : réagir brusquement.
151
Las, lasse : fatigué, épuisé.
152
Rimer à quelque chose : être en accord ou en harmonie avec quelque chose.
153
Dès que : aussitôt que.
14
J'ai peut-être vécu vingt fois de suite mon exécution ; une fois même, j'ai cru que ça y était
pour de bon : j'avais dû m'endormir une minute. Ils me trainaient vers le mur, et je me
débattais ; je leur demandais pardon.
Je me réveillai en sursaut et je regardai le Belge. J'avais peur d'avoir crié dans mon sommeil.
5 Mais il se lissait154 la moustache, il n'avait rien remarqué.
Si j'avais voulu, je crois que j'aurais pu dormir un moment : je veillais depuis quarante-huit
heures, j'étais à bout.
Mais je n'avais pas envie de perdre deux heures de vie : ils seraient venus me réveiller à
l'aube, je les aurais suivis, hébété155 de sommeil, et j'aurais clamecé156 sans faire «ouf» ; je
10 ne voulais pas de ça, je ne voulais pas mourir comme une bête, je voulais comprendre. Et
puis, je craignais d'avoir des cauchemars.
Je me levai, je me promenai de long en large et, pour me changer les idées, je me mis à
penser à ma vie passée.
Une foule de souvenirs me revinrent pêle-mêle157. Il y en avait de bons et de mauvais - ou du
15 moins je les appelais comme ça avant. Il y avait des visages et des histoires.
Je revis le visage d'un petit novillero158 qui s'était fait encorner159 à Valence pendant la Feria,
celui d'un de mes oncles, celui de Ramon Gris.
Je me rappelai des histoires : comment j'avais chômé160 pendant trois mois en 1926,
comment j'avais manqué crever de faim.
20 Je me souvins d'une nuit que j'avais passée sur un banc à Grenade : je n'avais pas mangé
depuis trois jours, j'étais enragé161, je ne voulais pas crever. Ça me fit sourire. Avec quelle
âpreté162 je courais après le bonheur, après les femmes, après la liberté. Pour quoi faire ?
J'avais voulu libérer l'Espagne, j'admirais Pi y Margall163, j'avais adhéré au mouvement
anarchiste, j'avais parlé dans des réunions publiques : je prenais tout au sérieux, comme si
25 j'avais été immortel.
A ce moment-là, j'eus l'impression que je tenais toute ma vie devant moi et je pensai : "C'est
un sacré mensonge164. Elle ne valait rien puisqu'elle était finie."
Je me demandai comment j'avais pu me promener, rigoler avec des filles : je n'aurais pas
remué165 le petit doigt si seulement j'avais imaginé que je mourrais comme ça.
30 Ma vie était devant moi, close, fermée, comme un sac, et pourtant tout ce qu'il y avait
dedans était inachevé166. Un instant, j'essayai de la juger. J'aurais voulu me dire : "c'est une
belle vie". Mais on ne peut pas porter de jugement sur elle, c'était une ébauche167 ; j'avais
passé mon temps à tirer des traites168 pour l'éternité, je n'avais rien compris.
Je ne regrettais rien : il y avait des tas de choses que j'aurais pu regretter, le goût du
154
Se lisser : rendre lisse, ordonner les cheveux.
155
Hébété, -e : dans un état de confusion.
156
Clamecer : crever, mourir.
157
Pêle-mêle : en désordre.
158
Un novillero : un jeune torero.
159
Se faire encorner : être blessé par les cornes d'un taureau.
160
Chômer : être sans travail.
161
Être enragé, -e : être très en colère.
162
Une âpreté : un goût âcre ou sec.
163
Pi y Margall : Francisco Pi y Margall, homme politique espagnol.
164
Un mensonge : une déclaration fausse, une tromperie.
165
Remuer : bouger.
166
Inachevé, -e : incomplet, non terminé.
167
Une ébauche : un début.
168
Tirer une traite : payer une somme d'argent par chèque.
15
manzanilla ou bien les bains que je prenais dans une petite crique169 de Cadix ; mais la mort
avait tout désenchanté170.
Le Belge eut une fameuse idée, soudain.
"Mes amis", nous dit-il, "je puis171 me charger — sous réserve que l'administration militaire y
5 consentira — de porter un mot de vous, un souvenir aux gens qui vous aiment."
Tom grogna172 :
"J'ai personne."
Je ne répondis rien. Tom attendit un instant, puis me considéra avec curiosité.
"Tu ne fais rien dire à Concha ?"
10 "Non."
Je détestais cette complicité tendre : c'était ma faute, j'avais parlé de Concha la nuit
précédente, j'aurais dû me retenir. J'étais avec elle depuis un an. La veille encore, je me
serais coupé un bras à coups de hache173 pour la revoir cinq minutes.
C'est pour ça que j'en avais parlé, c'était plus fort que mol.
15 A présent je n'avais plus envie de la revoir, je n'avais plus rien à lui dire. Je n'aurais même
pas voulu la serrer dans mes bras174 : j'avais horreur de mon corps parce qu'il était devenu
gris et qu'il suait - et je n'étais pas sûr de ne pas avoir horreur du sien.
Concha pleurerait quand elle apprendrait ma mort ; pendant des mois, elle n'aurait plus de
goût175 à vivre.
20 Mais tout de même c'était moi qui allais mourir. Je pensai à ses beaux yeux tendres. Quand
elle me regardait, quelque chose passait d'elle à moi. Moi, je pensai que c'était fini : si elle
me regardait à présent, son regard resterait dans ses yeux, il n'irait pas jusqu'à moi. J'étais
seul.
Tom aussi était seul, mais pas de la même manière. Il s'était assis à califourchon176 et il
25 s'était mis à regarder le banc avec une espèce de sourire, il avait l'air étonné.
Il avança la main et toucha le bois avec précaution177, comme s'il avait peur de casser
quelque chose, ensuite il retira vivement sa main et frissonna.
Je ne me serais pas amusé à toucher le banc, si j'avais été Tom ; c'était encore de la comédie
d'Irlandais, mais je trouvais aussi que les objets avaient un drôle d'air : ils étaient plus
30 effacés178, moins denses179 qu'à l'ordinaire.
Il suffisait que je regarde le banc, la lampe, le tas de poussier, pour que je sente que j'allais
mourir. Naturellement, je ne pouvais pas clairement penser ma mort, mais je la voyais
partout, sur les choses, dans la façon dont les choses avaient reculé et se tenaient à
distance, discrètement, comme des gens qui parlent bas au chevet180 d'un mourant.
35 C'était sa mort que Tom venait de toucher sur le banc.
Dans l'état où j'étais, si l'on était venu m'annoncer que je pouvais rentrer tranquillement
169
Une crique : une petite baie.
170
Désenchanté, -e : désillusionné, déçu.
171
Je puis : je peux.
172
Grogner : marmonner, ronchonner.
173
Une hache : un outil qui sert à couper du bois.
174
Serrer dans ses bras : prendre dans ses bras, embrasser.
175
Le goût : la saveur, ici : le plaisir.
176
Être assis à califourchon : être assis avec une jambe de chaque côté de quelque chose.
177
La précaution : l'attention, une mesure de prudence, de sécurité.
178
Effacé, -e : discret, qui ne se fait pas remarquer.
179
Dense : épais, concentré.
180
Le chevet : la partie d'un lit près de la tête.
16
chez moi, qu'on me laissait la vie sauve, ça m'aurait laissé froid : quelques heures ou
quelques années d'attente, c'est tout pareil, quand on a perdu l'illusion d'être éternel.
Je ne tenais plus à rien, en un sens, j'étais calme. Mais c'était un calme horrible - à cause de
mon corps : mon corps, je voyais avec ses yeux, j'entendais avec ses oreilles, mais ça n'était
5 plus moi ; il suait et tremblait tout seul, et je ne le reconnaissais plus. J'étais obligé de le
toucher et de le regarder pour savoir ce qu'il devenait, comme si ç'avait été le corps d'un
autre.
Par moments, je le sentais encore, je sentais des glissements, des dégringolades181, comme
lorsqu'on est dans un avion qui pique du nez182, ou bien je sentais battre mon cœur. Mais ça
10 ne me rassurait pas : tout ce qui venait de mon corps avait un sale air louche 183. La plupart
du temps, il se taisait, il se tenait coi184, et je ne sentais plus rien qu'une espèce de
pesanteur, une présence immonde contre moi.
J'avais l'impression d'être lié à une vermine185 énorme. A un moment, je tâtai mon pantalon
et je sentis qu'il était mouillé de sueur ou d'urine, mais j'allai pisser sur le tas de charbon, par
15 précaution.
Le Belge tira sa montre et la regarda.
Il dit :
"Il est trois heures et demie."
Le salaud ! Il avait dû le faire exprès.
20 Tom sauta en l'air : nous ne nous étions pas encore aperçus que le temps s'écoulait186 ; la
nuit nous entourait comme une masse informe et sombre, je ne me rappelais même plus
qu'elle avait commencé.
Le petit Juan se mit à crier. Il se tordait les mains, il suppliait :
"Je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir."
25 Il courut à travers toute la cave en levant les bras en l'air, puis il s'abattit sur une des
paillasses et sanglota187.
Tom le regardait avec des yeux mornes188 et n'avait même plus envie de le consoler. Par le
fait ce n'était pas la peine : le petit faisait plus de bruit que nous, mais il était moins atteint :
il était comme un malade qui se défend contre son mal par de la fièvre. Quand il n'y a plus
30 de fièvre, c'est beaucoup plus grave.
Il pleurait : je voyais bien qu'il avait pitié de lui-même ; il ne pensait pas à la mort.
Une seconde, une seule seconde, j'eus envie de pleurer moi aussi, de pleurer de pitié sur
moi.
Mais ce fut le contraire qui arriva : je jetai un coup d'œil sur le petit, je vis ses maigres
35 épaules sanglotantes et je me sentis inhumain ; je ne pouvais avoir pitié ni des autres ni de
moi-même.
Je me dis :
"Je veux mourir proprement."
Tom s'était levé, il se plaça juste en dessous de l'ouverture ronde et se mit à guetter189 le
40 jour.
181
Une dégringolade : quand on tombe sans contrôle.
182
Piquer du nez : la tête la première.
183
Avoir un air louche : Suspect ou douteux.
184
Se tenir coi : se taire, rester silencieux.
185
Une vermine : des parasites.
186
S'écouler : se déverser doucement.
187
Sangloter : pleurer.
188
Morne : triste, sans vie.
189
Guetter : chercher.
17
Moi, j'étais buté190, je voulais mourir proprement et je ne pensais qu'à ça.
Mais, par en-dessous, depuis que le médecin nous avait dit l'heure, je sentais le temps qui
filait, qui coulait goutte à goutte. Il faisait encore noir quand j'entendis la voix de Tom :
"Tu les entends."
5 "Oui."
Des types marchaient dans la cour.
"Qu'est-ce qu'ils viennent foutre191 ? Ils ne peuvent quand même pas tirer dans le noir."
Au bout d'un moment nous n'entendîmes plus rien.
Je dis à Tom :
10 "Voilà le jour."
Pedro se leva en bâillant192 et vint souffler la lampe. Il dit à son copain :
"Mince de froid."
La cave était devenue toute grise.
Nous entendîmes des coups de feu dans le lointain.
15 "Ça commence", dis-je à Tom, "ils doivent faire ça dans la cour de derrière."
Tom demanda au médecin de lui donner une cigarette. Moi, je n'en voulais pas ; je ne
voulais ni cigarette ni alcool.
A partir de cet instant, ils ne cessèrent193 pas de tirer.
"Tu te rends compte ?" dit Tom.
20 Il voulait ajouter quelque chose, mais il se tut, il regarda la porte. La porte s'ouvrit, et un
lieutenant194 entra avec quatre soldats. Tom laissa tomber sa cigarette.
"Steinbock ?"
Tom ne répondit pas. Ce fut Pedro qui le désigna.
"Juan Mirbal ?"
25 "C'est celui qui est sur la paillasse."
"Levez-vous", dit le lieutenant.
Juan ne bougea pas. Deux soldats le prirent aux aisselles195 et le mirent sur ses pieds. Mais
dès qu'ils l'eurent lâché, il retomba.
Les soldats hésitèrent.
30 "Ce n'est pas le premier qui se trouve mal", dit le lieutenant, "vous n'avez qu'à le porter,
vous deux ; on s'arrangera là-bas."
Il se tourna vers Tom :
"Allons, venez."
Tom sortit entre deux soldats. Deux autres soldats suivaient, ils portaient le petit par les
35 aisselles et par les jarrets196.
Il n'était pas évanoui197 ; il avait les yeux grands ouverts, et des larmes coulaient le long de
ses joues.
Quand je voulus sortir, le lieutenant m'arrêta :
"C'est vous, Ibbieta ?"
40 "Oui."
190
Buté, -e : têtu, obstiné.
191
Venir foutre : venir faire (vulgaire).
192
Bâiller : ouvrir grand la bouche involontairement quand on est fatigué ou ennuyé.
193
Cesser : arrêter.
194
Un lieutenant : un officier.
195
Une aisselle : la partie du corps sous le bras.
196
Un jarret : l'articulation entre la cuisse et la jambe.
197
S'évanouir : perdre connaissance.
18
"Vous allez attendre ici : on viendra vous chercher tout à l'heure."
Ils sortirent. Le Belge et les deux geôliers198 sortirent aussi, je restai seul.
Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait, mais j'aurais mieux aimé qu'ils en finissent tout de
suite.
5 J'entendais les salves à intervalles presque réguliers ; à chacune d'elles, je tressaillais199.
J'avais envie de hurler et de m'arracher les cheveux. Mais je serrais les dents et j'enfonçais
les mains dans mes poches parce que je voulus rester propre.
10
Au bout d'une heure, on vint me chercher et on me conduisit au premier étage, dans une
petite pièce qui sentait le cigare et dont la chaleur me parut suffocante200.
Il y avait là deux officiers qui fumaient, assis dans des fauteuils, avec des papiers sur leurs
genoux.
15 "Tu t'appelles Ibbieta ?"
"Oui."
"Où est Ramon Gris ?"
"Je ne sais pas."
Celui qui m'interrogeait était petit et gros. Il avait des yeux durs derrière ses lorgnons.
20 Il me dit :
"Approche."
Je m'approchai. Il se leva et me prit par les bras en me regardant d'un air à me faire rentrer
sous terre.
En même temps il me pinçait201 les biceps de toutes ses forces. Ça n'était pas pour me faire
25 mal, c'était le grand jeu : il voulait me dominer. Il jugeait nécessaire aussi de m'envoyer son
souffle pourri202 en pleine figure.
Nous restâmes un moment comme ça, moi, ça me donnait plutôt envie de rire. Il en faut
beaucoup pour intimider un homme qui va mourir : ça ne prenait pas.
Il me repoussa violemment et se rassit.
30 Il dit :
"C'est ta vie contre la sienne. On te laisse la vie sauve si tu nous dis où il est."
Ces deux types chamarrés203 avec leurs cravaches204 et leurs bottes205, c'étaient tout de
même des hommes qui allaient mourir. Un peu plus tard que moi, mais pas beaucoup plus.
Et ils s'occupaient à chercher des noms sur leurs paperasses206, ils couraient après d'autres
35 hommes pour les emprisonner ou les supprimer ; ils avaient des opinions sur l'avenir de
l'Espagne et sur d'autres sujets. Leurs petites activités me paraissaient choquantes et
burlesques207 : je n'arrivais plus à me mettre à leur place, il me semblait qu'ils étaient fous.
198
Un geôlier : un gardien de prison.
199
Tressaillir : sursauter, réagir brusquement.
200
Suffocant, -e : étouffant, oppressant, qui ne permet pas de respirer.
201
Pincer : saisir avec les doigts.
202
Pourri, -e : en état de décomposition.
203
Chamarré, -e : décoré de manière excessive.
204
Une cravache : un fouet court utilisé pour diriger un cheval.
205
Les bottes : chaussures qui couvrent le pied et la jambe.
206
La paperasse : documents ou de papiers administratifs.
207
Burlesque : comique, grotesque.
19
Le petit gros me regardait toujours, en fouettant208 ses bottes de sa cravache. Tous ses
gestes étaient calculés pour lui donner l'allure209 d'une bête vive et féroce.
"Alors ? C'est compris ?"
"Je ne sais pas où est Gris", répondis-je. "Je croyais qu'il était à Madrid."
5 L'autre officier leva sa main pâle avec indolence210.
Cette indolence aussi était calculée.
Je voyais tous leurs petits manèges211 et j'étais stupéfait qu'il se trouvât des hommes pour
s'amuser à ça.
"Vous avez un quart d'heure pour réfléchir", dit-il lentement. "Emmenez-le à la lingerie212,
10 vous le ramènerez dans un quart d'heure. S'il persiste213 à refuser, on l'exécutera sur-le-
champ."
Ils savaient ce qu'ils faisaient : j'avais passé la nuit dans l'attente ; après ça, ils m'avaient
encore fait attendre une heure dans la cave, pendant qu'on fusillait Tom et Juan, et
maintenant ils m'enfermaient dans la lingerie ; ils avaient dû préparer leur coup depuis la
15 veille. Ils se disaient que les nerfs s'usent à la longue et ils espéraient m'avoir comme ça. Ils
se trompaient bien.
Dans la lingerie je m'assis sur un escabeau214, parce que je me sentais très faible et je me mis
à réfléchir. Mais pas à leur proposition.
Naturellement je savais où était Gris : il se cachait chez ses cousins, à quatre kilomètres de la
20 ville.
Je savais aussi que je ne révélerais215 pas sa cachette, sauf s'ils me torturaient (mais ils
n'avaient pas l'air d'y songer).
Tout cela était parfaitement réglé, définitif, et ne m'intéressait nullement. Seulement,
j'aurais voulu comprendre les raisons de ma conduite216. Je préférerais plutôt crever que de
25 livrer Gris. Pourquoi ? Je n'aimais plus Ramon Gris. Mon amitié pour lui était morte un peu
avant l'aube217, en même temps que mon amour pour Concha, en même temps que mon
désir de vivre. Sans doute je l'estimais toujours ; c'était un dur. Mais ça n'était pas pour cette
raison que j'acceptais de mourir à sa place ; sa vie n'avait pas plus de valeur que la mienne ;
aucune vie n'avait de valeur.
30 On allait coller un homme contre un mur et lui tirer dessus jusqu'à ce qu'il en crève : que ce
fût moi ou Gris ou un autre, c'était pareil. Je savais bien qu'il était plus utile que moi à la
cause de l'Espagne, mais je me foutais de l'Espagne et de l'anarchie : c'était de
l'obstination218.
Je pensai :
35 "Faut-il être têtu !"
Et une drôle de gaieté219 m'envahit220.
208
Fouetter : frapper avec un fouet.
209
Une allure : une apparence, une démarche.
210
Une indolence : un manque d'énergie, une paresse.
211
Un manège : un lieu où l'on fait tourner des chevaux.
212
La lingerie : le lieu où on fait le linge.
213
Persister : continuer.
214
Un escabeau : un petit tabouret.
215
Révéler : rendre quelque chose connu ou visible.
216
Une conduite : un comportement.
217
Une aube : les premières heures du jour.
218
Une obstination : une ferme détermination.
219
La gaieté : l'état de joie, de bonheur.
220
Envahir : conquérir, prendre possession.
20
Ils vinrent me chercher et me ramenèrent auprès des deux officiers. Un rat partit sous nos
pieds et ça m'amusa.
Je me tournai vers un des phalangistes et je lui dis :
"Vous avez vu le rat ?"
5 Il ne répondit pas. Il était sombre, il se prenait au sérieux.
Moi, j'avais envie de rire, mais je me retenais parce que j'avais peur, si je commençais, de ne
plus pouvoir m'arrêter.
Le phalangiste portait des moustaches. Je lui dis encore :
"Il faut couper tes moustaches, ballot221."
10 Je trouvais drôle qu'il laissât de son vivant les poils envahir sa figure.
Il me donna un coup de pied sans grande conviction, et je me tus.
"Eh bien", dit le gros officier, "tu as réfléchi ?"
Je les regardai avec curiosité comme des insectes d'une espèce très rare.
Je leur dis :
15 "Je sais où il est. Il est caché dans le cimetière. Dans un caveau222 ou dans la cabane des
fossoyeurs223."
C'était pour leur faire une farce. Je voulais les voir se lever, boucler224 leurs ceinturons225 et
donner des ordres d'un air affairé.
Ils sautèrent sur leurs pieds.
20 "Allons-y. Moles, allez demander quinze hommes au lieutenant Lopez."
"Toi", me dit le petit gros, "si tu as dit la vérité, je n'ai qu'une parole. Mais tu le paieras cher
si tu t'es fiché de nous."
Ils partirent dans un brouhaha226, et j'attendis paisiblement227 sous la garde des
phalangistes.
25 De temps en temps je souriais parce que je pensais à la tête qu'ils allaient faire. Je me
sentais abruti et malicieux228.
Je les imaginais, soulevant les pierres tombales, ouvrant une à une les portes des caveaux. Je
me représentais la situation comme si j'avais été un autre : ce prisonnier obstiné à faire le
héros, ces graves phalangistes avec leurs moustaches et ces hommes en uniforme qui
30 couraient entre les tombes ; c'était d'un comique irrésistible.
Au bout d'une demi-heure le petit gros revint seul. Je pensai qu'il venait donner l'ordre de
35 m'exécuter.
Les autres devaient être restés au cimetière.
L'officier me regarda. Il n'avait pas du tout l'air penaud229.
"Emmenez-le dans la grande cour avec les autres", dit-il. "A la fin des opérations militaires
un tribunal régulier décidera de son sort."
40 Je crus que je n'avais pas compris. Je lui demandai :
221
Un ballot : un idiot.
222
Un caveau : un tombeau souterrain.
223
Un fossoyeur : une personne qui creuse les tombes.
224
Boucler : attacher avec une boucle, fermer.
225
Un ceinturon : une ceinture large portée autour de la taille pour soutenir l'uniforme.
226
Un brouhaha : un bruit confus.
227
Paisiblement : de manière calme.
228
Malicieux, -euse : rusé, astucieux.
229
Avoir l'air penaud : avoir l'air embarrassé.
21
"Alors on ne me ... on ne me fusillera pas ?"
"Pas maintenant en tout cas. Après, ça ne me regarde plus."
Je ne comprenais toujours pas.
Je lui dis :
5 "Mais pourquoi ?"
Il haussa les épaules sans répondre, et les soldats m'emmenèrent.
Dans la grande salle il y avait une centaine de prisonniers, des femmes, des enfants,
quelques vieillards.
Je me mis à tourner autour de la pelouse230 centrale, j'étais hébété231.
10 A midi, on nous fit manger au réfectoire232. Deux ou trois types m'interpellèrent233. Je devais
les connaître, mais je ne leur répondis pas : je ne savais même plus où j'étais.
Vers le soir, on poussa dans la cour une dizaine de prisonniers nouveaux. Je reconnus Garcia,
le boulanger.
Il me dit :
15 "Sacré veinard234. Je ne pensais pas te revoir vivant."
"Ils m'avaient condamné à mort", dis-je, "et puis ils ont changé d'idée. Je ne sais pas
pourquoi."
"Ils m'ont arrêté à deux heures", dit Garcia.
"Pourquoi ?"
20 Garcia ne faisait pas de politique.
"Je ne sais pas", dit-il. "Ils arrêtent tous ceux qui ne pensent pas comme eux."
Il baissa la voix.
"Ils ont eu Gris."
Je me mis à trembler.
25 "Quand ?"
"Ce matin. Il avait fait le con235. Il a quitté son cousin mardi parce qu'ils avaient eu des
mots236. Il ne manquait pas de types qui l'auraient caché, mais il ne voulait plus rien devoir à
personne. Il a dit :
"Je me serais caché chez Ibbieta, mais puisqu'ils l'ont pris, j'irai me cacher au cimetière."
30 "Au cimetière ?"
"Oui. C'était con. Naturellement, ils y ont passé ce matin, ça devait arriver. Ils l'ont trouvé
dans la cabane des fossoyeurs. Il leur a tiré dessus, et ils l'ont descendu."
"Au cimetière !"
Tout se mit à tourner et je me retrouvai assis par terre : je riais si fort que les larmes me
35 vinrent aux yeux.
Audiobook: https://www.youtube.com/watch?v=cmZ45jpc9xk&t=287s
230
La pelouse : une surface de gazon, herbe.
231
Être hébété : être dans un état de stupeur ou d'abattement.
232
Un réfectoire : une grande salle où l'on prend les repas.
233
Interpeller quelqu'un : adresser la parole à quelqu'un.
234
Un veinard : une personne chanceuse, privilégiée.
235
Un con : un idiot, une personne stupide.
236
Avoir des mots : se disputer.
22
Pages 4-8
Compréhension de texte
Réponds à ces questions par écrit :
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
2. Qui sont les personnages principaux du récit et quels sont leurs rôles respectifs ?
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
3. Quelle était la principale activité des quatre civils derrière la table ? Est-ce que nous
assistons à un procès équitable ?
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
23
4. Pourquoi Juan dit-il : "Je n'ai rien fait. Je ne veux pas payer pour les autres." ? Qu'est-
ce que cela révèle sur son caractère et sa situation ?
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
24
Les verbes
Découvre quels modes et quels temps du verbe sont utilisés dans ce texte :
Indicatif Plus-que-parfait
Indicatif Passé Compsé
Conditionnel Présent
Conditionnel Passé
Subjonctif Présent
Indicatif Imparfait
Impératif Présent
Subjonctif Passé
Indicatif Présent
Gérondif
Infinitif
On poussa O O O O O O O O O O O O O O
Mes yeux se mirent O O O O O O O O O O O O O O
Cligner O O O O O O O O O O O O O O
Je vis O O O O O O O O O O O O O O
Ils regardaient O O O O O O O O O O O O O O
On avait massé O O O O O O O O O O O O O O
Il fallut O O O O O O O O O O O O O O
Rejoindre O O O O O O O O O O O O O O
Il y en avait O O O O O O O O O O O O O O
Je connaissais O O O O O O O O O O O O O O
Ils devaient O O O O O O O O O O O O O O
Ils étaient O O O O O O O O O O O O O O
Ils se ressemblaient O O O O O O O O O O O O O O
J'imagine O O O O O O O O O O O O O O
Il remontait O O O O O O O O O O O O O O
Il dura O O O O O O O O O O O O O O
J'étais O O O O O O O O O O O O O O
J'avais O O O O O O O O O O O O O O
La pièce était O O O O O O O O O O O O O O
Je trouvais O O O O O O O O O O O O O O
Nous n'avions pas cessé O O O O O O O O O O O O O O
Grelotter O O O O O O O O O O O O O O
Les gardiens amenaient O O O O O O O O O O O O O O
Ils demandaient O O O O O O O O O O O O O O
Ils n'allaient O O O O O O O O O O O O O O
As-tu pris O O O O O O O O O O O O O O
Où étais-tu O O O O O O O O O O O O O O
Ils n'écoutaient pas O O O O O O O O O O O O O O
Ils se taisaient O O O O O O O O O O O O O O
25
La guerre civile espagnole (1936-1939)
La guerre civile espagnole a commencé en 1936 et s'est terminée en 1939. C'était un conflit
entre les républicains, qui étaient principalement des progressistes (des socialistes et des
communistes), et les nationalistes, un groupe dirigé par des militaires conservateurs, dont le
plus célèbre est le général Francisco Franco.
Causes de la guerre : Avant la guerre, l'Espagne était une république. Mais il y avait
beaucoup de tensions entre différentes parties de la société. Les riches et les pauvres, les
religieux et les laïques, les régions différentes... tout cela a créé des divisions.
Qui? Qui?
Des troupes de la République et beaucoup Troupes fascistes, avec le soutien de
de volontaires. l'armée sous la direction de Francisco
Franco
Objectifs : Objectifs :
L'Espagne doit rester une République Dictature militaire.
démocratique.
Diminuer le pouvoir militaire. Retour à un État dominé par l'armée.
Limiter l'influence de l'Église (laïcisation). Retour aux valeurs traditionnelles
chrétiennes
Parfois ils ont des influences communistes Purification du pays des influences
communistes.
26
Les victimes de la guerre :
La guerre civile espagnole a été très violente et a eu de lourdes conséquences pour la
population. On estime que, entre les combats, les exécutions et les représailles des deux
côtés, plus de 500 000 personnes sont mortes. Beaucoup d'autres ont été blessées ou ont dû
quitter leur maison. Après la victoire des nationalistes, des milliers de républicains ont été
emprisonnés, exécutés ou ont été forcés à l'exil.
Conséquences de la guerre : En 1939, les nationalistes ont gagné la guerre et Franco est
devenu le dictateur de l'Espagne. Il a dirigé le pays d'une manière très autoritaire jusqu'à sa
mort en 1975. Après sa mort, l'Espagne est devenue une démocratie.
27
L'attaque aérienne sur Guernica - passé composé ou imparfait ?
Guernica ________________________ (être) une ville au nord de l'Espagne, dans une région
appelée le Pays Basque. Cette ville ________________________ (avoir) une longue histoire
et beaucoup de traditions.
28
Compréhension de texte - Vrai ou Faux ?
En 1937, l'Espagne demande à Pablo Picasso de faire un tableau pour une exposition
universelle de Paris. Il crée "Guernica" (huile sur toile, 3,50 m × 7,80 m, en noir, gris et blanc)
qui devient son cri de colère contre le manque d'humanité. Son mépris pour la guerre y est
évident. Un jour lors de l'exposition, un diplomate allemand demande à Picasso s'il a fait ce
tableau. Picasso répond : "Non, c'est toi".
Après l'exposition universelle de Paris, le tableau a longtemps été exposé dans le Museum of
Modern Art de New York. Picasso avait décrété que l'œuvre ne pouvait pas être exposée en
Espagne tant que le pays serait gouverné par une dictature. Après la mort de Franco et le
rétablissement de la démocratie en Espagne, "Guernica" a été ramenée en Espagne en 1981.
Il est exposé dans le Museo Reina Sofía à Madrid.
29
"Guernica" par Pablo Picasso
Le tableau "Guernica" de Picasso est très grand (huile sur toile, 3,50 m × 7,80 m), presque
comme un mur de maison. Pour cette raison on ne peut pas le regarder avec "une certaine
distance", mais on a toujours l'impression d'être "dans l'histoire".
L'ampoule électrique : Au milieu du tableau, il y a une ampoule qui brille fort. Même s'il n'y
a pas de bombes dessinées, cette lumière rappelle les explosions et les feux pendant le
bombardement.
Les animaux : Le taureau et le cheval sont des motifs fréquents chez Picasso. Ils font partie
du rituel de vie et de mort des corridas espagnoles.
- Le cheval : Sous l'ampoule, il y a un cheval blessé qui crie. Ce cheval montre la
douleur du peuple espagnol qui soufre à cause de la guerre.
- Le taureau : Le taureau aux yeux humains rappelle la lutte entre l'homme et l'animal.
Nous pouvons voir dans cet animal l'expression de la force (masculine), et donc de la
violence brute du régime nationaliste et totalitaire.
La femme avec son enfant : À gauche, une femme tient dans ses bras un bébé qui est mort.
Elle lève les yeux au ciel, triste et en colère.
Les autres trois femmes : Une femme court et semble vouloir fuir. Une autre regarde par
une fenêtre avec une lampe. Elle veut peut-être trouver une sortie ou montrer la vérité.
La dernière femme est dans une maison qui brûle. Toutes ces femmes sont terrifiées.
L'homme avec une épée : Un homme est au sol avec une épée cassée. Il essaie de
combattre, mais il ne peut pas. Dans sa main, il y a une petite fleur. C'est un petit signe
d'espoir.
Les couleurs
Picasso utilise trois couleurs : gris, noir et blanc. Ces couleurs rappellent les photos dans les
journaux.
La signification de ce tableau :
Picasso dit qu'il est contre la guerre et montre cela dans ce tableau. Mais il dit aussi que les
gens qui le regardent le doivent trouver leurs propres interprétations.
30
Pour en savoir plus : le mouvement anarchiste en Suisse
Dans les années 1870, le village jurassien de Saint-Imier (est devenu / devenait) un centre
pour les anarchistes. Le Russe Mikhaïl Bakounine y (a fondé / fondait) l'Internationale
antiautoritaire.
Mikhaïl Bakounine
La question (n'a pas été / n'était pas) de savoir si une révolution (a été / était) nécessaire,
mais à quoi le monde devrait ressembler après cette révolution. Pour les socialistes, il (a
fallu / fallait) un gouvernement central. Mais Bakounine (a été / était) anarchiste - il (n'a
pas voulu / ne voulait pas) de gouvernement. Finalement, Bakounine et ses partisans (ont
dû / devaient) quitter l'Internationale. Bakounine (s'est rendu / se rendait) en Suisse et (a
fondé / fondait) sa propre association à Saint-Imier, dans le Jura bernois.
Saint-Imier avait été un village paysan jusqu'à ce qu'il devienne une ville horlogère grâce au
boom de l'industrie horlogère et à la création de "Longines". Un grand nombre parmi les
horlogers (ont eu / avaient) des sympathies pour l'Anarchie. Bakounine (a été / était) le
bienvenu et c'est donc à Saint-Imier que les horlogers et les Russes ont fondé le mouvement
anarchiste en 1872.
Après 1980, "l'Internationale antiautoritaire" (a été / était) surtout très active à Genève et
ses défenseurs (ont fait / faisaient) de plus en plus recours à la violence. Ainsi, en 1885 une
menace anonyme (a été / était) publiée, selon laquelle le Palais fédéral devait être
dynamité. Quelques années plus tard, une bombe (a explosé / explosait) à l'Assemblée
nationale de Paris et en 1898, le sang (a coulé / coulait) sur la promenade du lac à Genève :
l'anarchiste italien Luigi Lucheni (a poignardé / poignardait) l'impératrice austro-hongroise
Elisabeth (Sissi). L'acte terroriste (n'a pas déclenché / ne déclenchait pas) une révolution.
31
Celle-ci (n'a commencé / ne commençait) qu'en octobre 1917 - son acteur principal (a été /
était) un Russe qui (a aussi longtemps vécu / vivait aussi longtemps) en Suisse : Vladimir
Oulianov, plus connu sous le nom de Lénine.
Compréhension de texte
1. Le village jurassien de Saint-Imier est devenu un centre pour les anarchistes dans les
années 1870.
O Vrai O Faux
2. Mikhaïl Bakounine était d'origine française.
O Vrai O Faux
3. Mikhaïl Bakounine et Karl Marx partageaient les mêmes vues sur la structure post-
révolutionnaire.
O Vrai O Faux
4. Avant l'arrivée de Bakounine, Saint-Imier était connu pour son industrie horlogère.
O Vrai O Faux
5. L'entreprise "Longines" a été fondée à Saint-Imier.
O Vrai O Faux
6. Après 1980, "L'Internationale antiautoritaire" a diminué ses activités à Genève.
O Vrai O Faux
7. Luigi Lucheni a tué l'empereur austro-hongrois en 1898.
O Vrai O Faux
8. Vladimir Ilitch Oulianov était le vrai nom de Lénine.
O Vrai O Faux
32
_____________ (monter) à bord. Mais peu après le départ du bateau, l'impératrice
_____________ (s'effondrer) et _____________ (perdre) connaissance. Le bateau
_____________ (revenir) immédiatement. Elisabeth _____________ (être) transportée à
l'hôtel où elle _____________ (mourir) à cause de ses blessures à 14h40.
Entre-temps, Lucheni _____________ (être) arrêté par des passants en colère et remis à la
police. L'arrestation _____________ (avoir) lieu parce que tout le monde _____________
(penser) qu'il _____________ (bousculer) l'impératrice. Ce n'est que pendant
l'interrogatoire que le juge d'instruction _____________ (apprendre) que l'attentat
_____________ (avoir) des conséquences plus tragiques. La justice genevoise
_____________ (condamner) Lucheni à la prison à vie le 12 novembre 1898. Le 19 octobre
1910, il _____________ (se suicider) à la prison de l'Évêché à Genève.
La population genevoise s'est fortement émue de la mort de l'impératrice : le 12 septembre
1898, environ 15 000 personnes _____________ (se rassembler) devant l'hôtel Beau Rivage
pour rendre un dernier hommage à Elisabeth. Les dépouilles de l'impératrice
_____________ (être) transférée par un train spécial à Vienne, où elle _____________ (être)
enterrée le 17 septembre selon le rituel funéraire des Habsbourg. Au niveau politique, le
Conseil fédéral _____________ (réagir) encore en septembre 1898 en expulsant 36
anarchistes, qui _____________ (ne pas participer) à l'attentat.
Compréhension de texte
1. L'impératrice Elisabeth d'Autriche était en voyage officiel à Genève quand elle a été
attaquée.
O Vrai O Faux
2. Les journaux ont identifié l'impératrice Elisabeth d'Autriche sous le pseudonyme de
comtesse de Hohenembs.
O Vrai O Faux
3. Luigi Lucheni était un monarchiste qui voulait assassiner un membre de la royauté
pour des raisons politiques.
O Vrai O Faux
4. Luigi Lucheni avait initialement prévu d'assassiner une autre personne.
O Vrai O Faux
5. L'attaque contre l'impératrice Elisabeth a eu lieu à l'intérieur de l'hôtel Beau Rivage.
O Vrai O Faux
6. Les gens ont initialement arrêté Lucheni parce qu'ils pensaient qu'il avait renversé
l'impératrice.
O Vrai O Faux
7. Lucheni a été exécuté pour son crime en 1898.
O Vrai O Faux
8. Suite à l'assassinat, le Conseil fédéral a immédiatement expulsé tous les anarchistes
présents à Genève.
O Vrai O Faux
33
Saint-Imier et l'Anarchisme
Compréhension orale - 2 écoutes. (20 points)
Document audio: https://www.youtube.com/watch?v=4ocv6FjFHxo
normale supérieure de Lyon, spécialiste de Bakounine : "Le mouvement anarchiste donc, qui
D'une part, l'idée d'une solidarité économique entre les ____________________ , donc
opposés à l'idée d'une prise de pouvoir politique, et d'autre part, l'idée d'une organisation
Marx propose de s'emparer du pouvoir politique. Ce n'est pas l'avis de Bakounine et des
selon eux.
34
6. Quelles étaient les idées principales que défendait le mouvement anarchiste fondé à
Saint-Imier ? Nommez deux éléments. (2 points)
o _______________________________________________________
o _______________________________________________________
7. VRAI ou FAUX, dites ce que nous apprenons sur les artisans horlogers de Saint-Imier ?
(3 points)
V F
o _______________________________________________________
9. Quel est l'impact de Bakounine sur les étudiantes russes venues étudier à Zurich ?
(2 points)
o _______________________________________________________
o _______________________________________________________
10. Pourquoi les étudiantes russes qui ont étudié à Zurich ont-elles été rappelées en
Russie? (1 point)
o _______________________________________________________
Argumentation
35
Vivre dans une anarchie serait le paradis
ou bien
Prends position (pour ou contre) en donnant quatre arguments. Illustre chacun par un
exemple concret dans un texte de 250 à 300 mots.
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
36
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
37
Pages 8-13
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
38
5. Est-ce qu'il fait froid ou chaud dans la pièce ?
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
7. Qu'est-ce que Tom veut dire quand il parle de ressentir des douleurs anticipées de
l'exécution ? Pourquoi Tom compare-t-il la situation à un cauchemar ?
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
39
Grammaire
Pages 8-13 : complète ce résumé par les pronoms relatifs nécessaires.
Dans une pièce sombre, _________________ on n'arrive presque pas à respirer, la porte,
_________________ est lourde, s'ouvre pour laisser entrer deux gardiens,
_________________ l'un a l'air sévère. Ils sont accompagnés par un homme en uniforme
belge _________________ se présente comme médecin. Celui-ci, _________________ les
mains tremblent légèrement, offre des cigarettes et des cigares, _________________ les
prisonniers refusent. Pablo, _________________ le visage est marqué par la fatigue,
reconnaît le médecin belge : c'est celui avec _________________ les fascistes parlaient au
moment de son arrestation. Le narrateur accuse le médecin d'être un collaborateur et se
demande _________________ il est venu faire ici. L'ambiance, _________________ était
déjà lourde, devient tendue. Pedro, _________________ est l'un des gardiens, apporte une
lampe, avec _________________ il peut illuminer un peu la pièce. L'un des prisonniers,
_________________ les yeux sont fixés sur la lumière de cette lampe, est submergé par une
sensation d'accablement. Le médecin mesure discrètement le pouls de Juan, un autre
prisonnier, _________________ cause la colère de l'observateur _________________ juge
ce comportement comme inadmissible. Le médecin et le narrateur échangent quelques
mots sur la température de la pièce, dans _________________ le froid est piquant. Pablo,
est en sueur malgré le froid _________________ montre que le narrateur ressent beaucoup
de peur. Juan pose une question au médecin sur _________________ il a beaucoup réfléchi :
la douleur qu'il sentira pendant l'exécution. Il craint _________________il faille plusieurs
salves pour être tué. Tom, l'autre prisonnier, _________________ la voix tremble, exprime
sa confusion face à leur situation _________________ il compare à un cauchemar. Il décrit
avec anxiété le moment _________________ ils seront fusillés.
40
Philosophie
L´existentialisme athée
L´existentialisme est une réflexion sur l´existence humaine. Pour Sartre, le premier principe
est que l´homme n´est rien d´autre que ce qu´il se fait.
Dostojewski a écrit : "si Dieu n´existait pas, tout serait permis". Sartre pousse cette idée
encore plus loin et dit que puisqu'il n´y a pas de Dieu, tout est possible.
A sa naissance, les humains comme un papier blanc. Il n'y a pas de destin a priori (une
essence) parce qu´il n´y a pas de Dieu qui pourrait le concevoir. Les humains doivent se
définir et chercher un sens à leur vie (leur existence). Donc pour les humains, l'essence
précède l'existence.
Au contraire, une carafe d´eau a été conçue par son inventeur pour contenir de l´eau. Son
sens (l'essence) est donc défini avant d'avoir été produite et d'exister.
Une autre chose fondamentale pour Sartre est le concept de la liberté. Si Dieu n'existe pas
et s'il n´y a pas de destin a priori, les humains doivent faire des choix et définir leurs propres
valeurs. Ainsi ils deviennent responsables d'eux-mêmes et des autres. Sartre explique que
nous nous définissons par nos actions et que "nous sommes condamnés à être libres".
Reconnaître notre liberté implique aussi d'accepter la responsabilité totale de nos actions.
Nous devons créer notre propre sens de la vie et vivre en accord avec nos propres valeurs,
plutôt que de simplement suivre les normes imposées par la société. Sartre a également
développé la notion de mauvaise foi, qui se produit lorsque nous nions notre propre liberté
et nous réfugions dans des rôles sociaux ou des conventions pour éviter de prendre des
décisions difficiles ou de faire face à l'angoisse de la liberté. En fin de compte,
l'existentialisme de Sartre souligne l'importance de la responsabilité et de la liberté
individuelle, ainsi que de l'authenticité et de la création de sens dans notre vie.
Si Dieux n'existe pas, il ne peut pas juger de notre vie, comme il le ferait dans une idéologie
catholique. Si nous nous jugeons nous-même, nous sommes trop souvent trompés par la
mauvaise fois. Nous avons donc besoin du regard des autres. Les autres peuvent nous
limiter, nous juger et nous définir, mais ils sont également indispensables à notre
compréhension de nous-mêmes et du monde. À travers leur regard nous devenons
soudainement un "objet" qui peut être jugée et évaluée. Cette objectification peut devenir,
elle aussi, cause d'angoisse et de malaise.
Pour Sartre, un philosophe doit être un intellectuel engagé : "Un intellectuel, pour moi, c'est
cela : quelqu'un qui est fidèle à un ensemble politique et social, mais qui ne cesse de le
contester".
41
Philosophie
L´existentialisme athée
Compréhension de texte - Vrai ou Faux ?
42
Pages 8-13
- _________________________________________________________________
_________________________________________________________________
- _________________________________________________________________
_________________________________________________________________
Interprétation :
Objectification par l'Autre : Dans ces deux citations, le protagoniste ressent la menace de
devenir un simple objet d'examen pour le médecin. Quand on est observé, on devient
conscient de soi en tant qu'objet, ce qui peut créer un sentiment d'insécurité et d'angoisse.
Le narrateur songe à une réaction agressive ("je lui enverrai mon poing dans sa sale gueule")
pour se libérer de cette objectification et à reprendre le contrôle et à s'affirmer en tant que
sujet conscient et actif. En réalité il n'a plus la force pour une telle réaction et sombre dans
l'indifférence.
Thème 2 : L'indifférence
- _________________________________________________________________
_________________________________________________________________
- _________________________________________________________________
_________________________________________________________________
Interprétation :
Dans le contexte existentialiste, l'indifférence représente une sorte de négation de sa propre
liberté et de sa responsabilité. Elle s'oppose à la notion centrale de l'existentialisme selon
laquelle chaque individu est responsable de donner un sens à sa vie et de définir sa propre
essence à travers ses actions. L'indifférence est souvent un mécanisme de défense contre
l'absurdité de la vie.
43
Thème 3 : La mauvaise foi
- _________________________________________________________________
_________________________________________________________________
La "mauvaise foi" est une manière de se mentir à soi-même pour éviter de faire face à
l'angoisse existentielle. Le narrateur est dans un état de "mauvaise foi" parce qu'il refuse de
reconnaître son anxiété. Il essaie de se convaincre, qu'il n'est pas affecté par la peur de la
mort ou de la souffrance, même si son corps dit le contraire. Dans cette situation, le
narrateur n'est donc pas authentique.
L'Authenticité vs. La Mauvaise Foi : Dans l'existentialisme de Sartre, l'un des plus grands
défis est d'être authentique, de reconnaître et d'accepter sa propre nature sans se cacher
derrière des illusions ou des dénis.
- _________________________________________________________________
_________________________________________________________________
_________________________________________________________________
_________________________________________________________________
Interprétation :
Cette citation illustre parfaitement l'idée de la subjectivité des perceptions. Ce que nous
considérons comme "réel" est souvent une construction basée sur notre propre expérience,
nos émotions et nos perceptions. Chaque personne vit, ressent et interprète le monde qui
l'entoure d'une manière qui est unique à elle.
C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas être notre propre juge.
Rôle de Juge : Par son regard, le médecin belge joue le rôle d'une autorité. Il détermine si le
narrateur est "normal" ou "anormal". Ce pouvoir de définition place le médecin dans un rôle
de "juge". Le narrateur se sent contraint et défini par le jugement du médecin belge.
44
Thème 5 : Se reconnaitre dans L'Autre
- _________________________________________________________________
_________________________________________________________________
- _________________________________________________________________
_________________________________________________________________
- _________________________________________________________________
_________________________________________________________________
Interprétaion :
L'Autre Comme Miroir : Sartre a souvent exploré l'idée que nous nous définissons par la
manière dont les autres nous voient. L'existence de l'autre crée une conscience de soi en
nous. En voyant l'autre dans un état similaire au sien, le narrateur est confronté à sa propre
vulnérabilité.
L'Universalité des Expériences Humaines : Bien que le narrateur et Tom puissent avoir des
personnalités ou des histoires différentes, la confrontation imminente avec la mort les
ramène à des sentiments humains fondamentaux qu'ils partagent. Cela suggère que, malgré
nos différences individuelles, certaines expériences et émotions sont universelles.
- _________________________________________________________________
_________________________________________________________________
Interprétation :
L'Absurdité de la Vie et de la Mort : L'interrogation sur la souffrance lors de la mort est en
soi une question qui montre combien la mort reste un mystère pour les vivants. Même si la
mort est une certitude pour chaque individu, la manière dont elle est vécue, perçue et ce qui
la suit, demeure un inconnu. Cette incertitude, juxtaposée à la certitude de la mort, crée un
sentiment d'absurdité.
La Mauvaise Foi : Le médecin belge, en essayant de consoler par sa réponse "c'est vite fini",
agit en mauvaise foi. Le médecin tente de minimiser la peur et l'angoisse liées à la mort en la
décrivant comme un événement bref et sans douleur. Toutefois, il ne peut pas réellement
savoir si cela est vrai, car il n'a pas expérimenté la mort lui-même. En donnant cette
assurance, il évite la véritable angoisse et l'absurdité liées à la mort.
45
Deux citations :
Commente par écrit ces deux citations en tenant compte des thèmes qui sont typiques
pour la philosophie de Jean-Paul Sartre.
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
46
Pages 13-19
Compréhension de texte : vrai ou faux ?
47
Pages 13-19
Souligne trois phrases (citations) intéressantes et copie-les ici. Discute ensuite en groupe
avec tes copains de classe. Défends ton choix et explique comment on pourrait interpréter
les citations que tu as choisies.
- ___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
- ___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
- ___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
___________________________________________________________________
48
Memento mori - ou "perdre l'illusion d'être immortel".
"Memento mori" est une expression latine qui signifie "Souviens-toi que tu vas mourir". Elle
a été utilisée tout au long de l'histoire pour rappeler aux gens la mortalité inévitable de la vie
humaine. Voici quelques points sur cette phrase :
Quel était le rôle du serviteur qui accompagnait les généraux romains lors de leurs défilés
triomphaux ?
a) Les protéger
b) Les féliciter
c) Leur rappeler leur grandeur
d) Leur murmurer "Memento mori"
49
Dans l'art de la Renaissance, comment le "memento mori" est-il le plus souvent représenté ?
a) Fleurs et oiseaux
b) Crânes et horloges
c) Épées et boucliers
d) Soleil et lune
Les Trappistes sont des moines célèbres en France, connus pour leur mode de vie très strict.
Le nom "Trappiste" vient d'une abbaye située en Normandie, nommée "La Trappe". Pour y
accéder, il (a fallu / fallait) traverser une forêt dense, et l'entrée (a été / était) cachée dans
une vallée étroite.
L'abbaye de La Trappe (a été / était) fondée en 1140. Pendant longtemps, elle (a été / était)
renommée grâce à ses moines disciplinés et ses dirigeants exemplaires. Cependant, avec le
temps, certains moines (ont commencé / commençaient) à se comporter mal. Ils (ont
même été / étaient même) surnommés les "Bandits de La Trappe" parce qu'ils (ont volé /
volaient) des enfants et menaient une vie de luxe.
En 1636, tout (a changé / changeait). Un homme appelé Armand Jean Bouthillier de Rancé
(est devenu / devenait) le chef de l'abbaye. Après avoir vécu une jeunesse agitée, il (a
décidé / décidait) de devenir moine. Une fois à la tête de l'abbaye, il (a introduit /
introduisait) des règles très strictes pour les Trappistes. Ces moines (n'ont presque pas pu /
ne pouvaient presque pas) parler. Ils (se sont salué / se saluaient) simplement en disant
"Memento mori", ce qui signifie "Souviens-toi que tu vas mourir". Leur journée (a
50
commencé / commençait) très tôt, à 2 heures du matin, par des prières. Ils (ont mangé /
mangeaient) de manière extrêmement simple, (ont travaillé / travaillaient) dur aux champs
et, chaque soir, ils (ont creusé / creusaient) un peu leurs propres tombes pour se rappeler la
mort.
Les vêtements des Trappistes (ont été / étaient) simples : une robe marron et des
chaussures en bois. Ils (ont dormi / dormaient) sur des lits durs, sans confort. Ces règles (ont
été / étaient) très exigeantes et certains (ont pensé / pensaient) qu'elles étaient trop dures.
Pendant la Révolution française, les moines trappistes (ont rencontré / rencontraient) des
difficultés. Ils (ont dû / devaient) quitter leur abbaye et (se sont réfugiés / se réfugiaient)
dans d'autres pays. Mais, en 1817, ils (sont revenus / revenaient) en France et (ont repris /
reprenaient) leurs activités.
De nos jours, l'ordre des Trappistes est toujours actif en France, avec plusieurs abbayes. Il y a
même une abbaye réservée aux nonnes, fondée par une princesse.
51
Deux questions d'interprétation
Réponds par écrit à ces questions :
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
52
El tres de mayo de 1808
"El tres de mayo de 1808" est une des œuvres les plus célèbres du peintre espagnol
Francisco Goya. Il a été réalisé en 1814 et représente l'exécution de patriotes espagnols par
les troupes françaises sous Napoléon, à la suite de la rébellion du 2 mai à Madrid contre
l'occupation française.
Voici une interprétation de l'œuvre :
1. Thématique : Le tableau traite de la brutalité de la guerre, de l'oppression, et de la
résistance héroïque des victimes. Il est à la fois un témoignage historique des
atrocités commises et une condamnation universelle de la violence.
2. Composition et couleurs : Goya divise le tableau en deux parties distinctes. À gauche,
un groupe de patriotes espagnols, vulnérables et terrifiés, parmi lesquels un homme
en chemise blanche lève les bras en signe de désespoir. À droite, une ligne
impersonnelle et mécanique de soldats français, le visage caché ou dans l'ombre,
prêts à tirer. Cette division accentue le contraste entre l'individualité des victimes et
l'anonymat des bourreaux. L'utilisation de couleurs sombres, avec des touches de
blanc et de jaune, crée une atmosphère nocturne, sinistre et dramatique.
3. Éclairage : Le fort éclairage sur l'homme en chemise blanche focalise l'attention du
spectateur. Il se détache comme une figure christique, rappelant la crucifixion et le
sacrifice. La lumière joue également un rôle dans le contraste entre l'humanité des
Espagnols et l'anonymat des soldats français.
4. Message : Au-delà de la dénonciation de l'atrocité spécifique de cette exécution,
Goya émet une critique universelle de la guerre et de la violence. Les bourreaux sont
déshumanisés, presque mécaniques, tandis que les victimes sont présentées avec
une profonde humanité. Le tableau devient ainsi une dénonciation de toutes les
oppressions, quelles que soient l'époque ou la circonstance.
"Le 3 mai 1808" est l'un des premiers tableaux de l'art occidental à dépeindre un événement
contemporain de manière aussi crue et émotionnelle. En choisissant de se concentrer sur les
victimes plutôt que sur les héros, Goya a marqué une rupture avec la tradition artistique de
son temps et a préfiguré les mouvements artistiques modernes qui utilisent l'art comme
moyen de commentaire social et politique.
53
Compréhension de texte : Vrai ou Faux ?
54
Pages 19-21
Compréhension de texte - Croche la bonne réponse :
55
Pourquoi le narrateur prétend-il que Gris se cache dans le cimetière ?
a) Car il veut gagner du temps
b) Pour jouer une farce aux officiers
c) Car il croit vraiment que Gris est là
d) Car il veut que Gris soit capturé
56
1. Pouvoir Ouvert et Covert:
• Pouvoir Ouvert : Les officiers détiennent le pouvoir manifeste ou "overt". Ils
ont le contrôle physique de la situation, sont armés et __________________
ils peuvent prendre des décisions qui affectent la vie des autres, notamment
celle de Pablo. _________________________, ce type de pouvoir est visible
et direct.
• Pouvoir Couvert : Pablo, pour sa part, possède un type de pouvoir plus subtil,
ou "couvert". _________________________'il accepte son propre destin, il
s'est libéré des chaînes de la peur qui auraient pu le rendre vulnérable face à
l'intimidation. _________________________, cette libération est avant tout
mentale.
2. Pouvoir Émotionnel : La citation "Il en faut beaucoup pour intimider un homme qui
va mourir : ça ne prenait pas" souligne cette dynamique de pouvoir. La vraie force de
Pablo réside, _________________________, dans son acceptation de la mort.
_________________________ les officiers n'ont aucun contrôle émotionnel sur lui.
3. Pouvoir de l'Information : Pablo détient des informations sur Ramon Gris.
_________________________ cette connaissance, il a une certaine forme de
pouvoir. _________________________, c'est un pouvoir temporaire.
_________________________ les officiers ont besoin de lui pour découvrir ces
informations, cela place Pablo dans une position confortable où,
_________________________ cela dure, il peut manipuler la situation à son
avantage.
4. Pouvoir de la Résistance : En riant face à l'intimidation et en donnant une fausse
piste, Pablo exerce une forme de résistance. _________________________'il soit
physiquement captif, son esprit reste libre. _________________________, il
démontre une agilité d'esprit face au danger.
57
Compréhension de texte : Vrai ou Faux ?
Grammaire
Indicatif ou subjonctif ?
Remplis les trous par la forme correcte du verbe indiqué.
Indicatif ou subjonctif ?
Remplissez les trous par les expressions suivantes :
Avant, bien, il est certain, il est évident, il est possible, il est probable, il paraît, il semble, je
doute, je m'étonne, je ne crois pas, je pense, je sais, je suis sûr, je suppose, j'espère
59
Transfert linguistique
Ils vinrent me chercher et me ramenèrent auprès des deux officiers. Un rat partit sous nos
pieds et ça m'amusa.
Je me tournai vers un des phalangistes et je lui dis :
"Vous avez vu le rat ?"
Il ne répondit pas. Il était sombre, il se prenait au sérieux.
Moi, j'avais envie de rire, mais je me retenais parce que j'avais peur, si je commençais, de ne
plus pouvoir m'arrêter.
Le phalangiste portait des moustaches. Je lui dis encore :
"Il faut couper tes moustaches, ballot."
Je trouvais drôle qu'il laissât de son vivant les poils envahir sa figure.
Il me donna un coup de pied sans grande conviction, et je me tus.
"Eh bien", dit le gros officier, "tu as réfléchi ?"
Je les regardai avec curiosité comme des insectes d'une espèce très rare.
Je leur dis :
"Je sais où est Ramon Gris. Il est caché dans le cimetière. Dans un caveau ou dans la cabane
des fossoyeurs."
C'était pour leur faire une farce. Je voulais les voir se lever, boucler leurs ceinturons et
donner des ordres d'un air affairé.
Ils sautèrent sur leurs pieds.
"Allons-y. Moles, allez demander quinze hommes au lieutenant Lopez."
"Toi", me dit le petit gros, "si tu as dit la vérité, je n'ai qu'une parole. Mais tu le paieras cher
si tu t'es fiché de nous."
Ils partirent dans un brouhaha, et j'attendis paisiblement sous la garde des phalangistes.
De temps en temps je souriais parce que je pensais à la tête qu'ils allaient faire. Je me
sentais abruti et malicieux.
Je les imaginais, soulevant les pierres tombales, ouvrant une à une les portes des caveaux. Je
me représentais la situation comme si j'avais été un autre : ce prisonnier obstiné à faire le
héros, ces graves phalangistes avec leurs moustaches et ces hommes en uniforme qui
couraient entre les tombes ; c'était d'un comique irrésistible.
314 mots
60
Résumez le texte ci-dessus en 120-150 mots.
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
61
Pages 21-22
Compréhension de texte - Vrai ou Faux ?
Il m'a dit :
"Sacré veinard. Je ne pensais pas te revoir vivant."
"Ils m'ont condamné à mort", j'ai dit, "et puis ils ont changé d'idée. Je ne sais pas pourquoi."
"Ils m'ont arrêté à deux heures", a dit Garcia.
"Pourquoi ?"
"Je ne sais pas", a-t-il dit. "Ils arrêtent tous ceux qui ne pensent pas comme eux."
Il a baissé la voix.
"Ils ont eu Gris. Ce matin. Il a fait le con. Il a quitté son cousin mardi parce qu'ils avaient eu
des mots. Il a décidé qu'il ne voulait plus rien devoir à personne. Il a dit :
"Je me cacherais chez Ibbieta, mais puisqu'ils l'ont pris, j'irai me cacher au cimetière."
63
Pablo, est-il coupable de trahison ou pas ?
Trouve trois arguments pour accuser le narrateur et trois pour le défendre. A la fin écris une
petite synthèse de tes réflexions.
- _____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
- _____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
- _____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
- _____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
- _____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
- _____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
Synthèse :
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
_____________________________________________________________________
64
Cesare Beccaria - un criminaliste rattaché au courant des Lumières.
Cesare Beccaria (1738-1794) était un juriste, philosophe et économiste italien qui est surtout
connu pour sa contribution à la réforme du système pénal. Son ouvrage le plus influent est
"Dei delitti e delle pene" (1764), traduit en français sous le titre "Des délits et des peines". Ce
travail a été fondamental pour rationaliser le traitement des criminels et à abolir la torture
et la peine de mort en Europe.
4. Dissuasion plutôt que vengeance : Beccaria croyait que le but principal du système
pénal devrait être la dissuasion et non la punition en soi. Les peines devraient être
organisées de manière à prévenir d'autres crimes plutôt qu'à venger la société.
5. Clarté des lois : Beccaria pensait que les lois devaient être claires, précises et
largement diffusées pour que tous les citoyens puissent les comprendre. Un système
juridique avec des lois ambiguës ou confuses ne peut pas fonctionner correctement.
7. Défense des droits de l'accusé : Beccaria plaide pour une procédure régulière et pour
le respect des droits des personnes accusées. Il estime que toute personne a droit à
un procès équitable.
Les idées de Beccaria ont grandement influencé les réformateurs du système pénal de son
époque et au-delà, et beaucoup de ses principes sont désormais inscrits dans les systèmes
judiciaires modernes à travers le monde.
65
Compréhension de texte - Vrai ou Faux ?
Les réflexions précédentes me donnent le droit d'affirmer que la seule vraie mesure des
crimes est le mal fait à la nation, mais ceux qui ont cru que la vraie mesure des crimes était
l'intention de l'auteur se sont trompés. Celle-ci dépend de l'impression présente des objets
et de la disposition antérieure de l'esprit : elles varient chez tous les hommes et chez chacun
d'eux, avec la succession très rapide des idées, des passions et des circonstances. Il faudrait
donc former non seulement un code particulier pour chaque citoyen, mais une loi nouvelle
pour chaque crime. Parfois, les hommes avec les meilleures intentions font le plus grand mal
à la société ; et parfois, avec les pires intentions, ils font le plus grand bien.
66
Pablo Ibbieta devrait-il être jugé coupable ou innocent ?
Applique la logique de Cesare Beccaria pour justifier ta réponse :
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
Le droit pénal ne s'applique généralement qu'aux personnes qui ont commis un crime en
sachant ce qu'elles faisaient et en le voulant. C'est pour cela que les très jeunes enfants ne
sont généralement pas punis par la loi, même si aucune loi ne le dit explicitement.
Il faut deux choses pour être considéré comme coupable :
1. Comprendre ce qu'on a fait (on appelle ça "l'intelligence" ou "la conscience").
2. Avoir voulu le faire (c'est ce qu'on appelle "la volonté").
Si ces deux éléments sont présents, alors on peut dire qu'une personne est vraiment
coupable d'une faute.
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
67
Pablo Ibbieta devrait-il être jugé coupable ou innocent ?
Applique la logique de la philosophie existentialiste pour déterminer si Pablo Ibbieta doit être
considéré coupable ou innocent :
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
A la fin du conte Pablo se retrouve dans une situation qui est loin d'être drôle. Explique
pourquoi il rit quand même.
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
68
Invente une suite à l'histoire de Pablo Ibbieta. Écris environ 300 mots.
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
Lis ton texte à haute voix en classe. Discutez en groupe des différentes versions que vous
avez entendues.
69
Vocabulaire
74
Exercice de vocabulaire - trouve les mots recherchés :
Un comportement _____________________________
Sembler _____________________________
75