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Le genre littéraire :

Le roman à thèse est un genre romanesque qui s’inscrit dans le cadre des
textes à idées. Ce genre qui cherche à illustrer une théorie, des idées à
défendre une thèse à travers une histoire ne constitue en fin de compte qu’un
prétexte pour confirmer une thèse ou pour réfuter une autre. Le roman à thèse
vise d’abord à défendre une conception politique ou philosophique ou
religieuse même et sert ensuite à dénoncer une injustice ou à s’opposer à
l’ordre établi. Il est donc le genre romanesque le plus proche de la pensée de
son auteur. Un exemple très significatif nous est fourni dans l’oeuvre de Victor
Hugo intitulée ” Le dernier jour d’un condamné”. L’auteur s’y oppose de
manière véhémente à la peine de mort. Le récit du condamné n’est pas une fin
en soi, mais seulement un prétexte pour mettre l’accent sur la barbarie de
l’injustice humaine.

A propos de l’auteur :

Victor Hugo est un poète, dramaturge, prosateur et dessinateur romantique

français, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris. Il est

considéré comme l’un des plus importants écrivains de langue française. Il est

aussi une personnalité politique et un intellectuel engagé qui a joué un rôle

majeur dans l’histoire du xixe siècle.

Parmi ses oeuvres : Les misérables, Notre dame de Paris, Les châtiments, Les

contemplations ….

Le narrateur :

C’est un condamné à mort qui décrit les souffrances que peut sentir tout être

humain se trouvant à sa place. L’anonymat du condamné met le lecteur en

présence des souffrances quotidiennes, morales et physiques que subit tout

condamné en tout temps et en tout lieu. L’histoire du condamné a donc une

portée universelle.

Le résumé :
Un condamné à mort obsédé par l’idée de la mort, nous parle de son séjour à

Bicêtre, puis à la conciergerie et décrit les préparatifs de on exécution. Il exprime

ses sentiments sur sa vie antérieure ( passé de liberté et nous fait part de ses

dernières pensées, de ses angoisses et ses souffrances quotidiennes qu’il subit

lors de son incarcération. Il se fera exécuter sous la clameur du peuple qui voit sa

mort comme un spectacle.

Les personnages :

 Le condamné : on ne sait pas quel crime il a commis. Il est jeune, sain, fort

et éduqué. Il aime sa fille Marie et s’occupe pour son avenir.

 Les représentants de la société : Juges, magistrats, directeur de la prison

Pour eux, une exécution est une chose banale qui doit se dérouler dans les

formes.

 Le prêtre : il ne parle avec son coeur, il semble indifférent.

 Les geôliers : Quelques-uns sont gentils avec lui, d’autres ne le sont pas. Il

y en a ceux qui parlent avec lui et d’autres qui le traitent comme un animal.

 Sa femme et sa mère : Elles ne sont pas décrites, mais elles sont citées en

référence à la souffrance, à la peine indirecte que l’on fait subir aux

membres de la famille du condamné à mort.

 Marie : Fille du condamné, elle a trois ans, son père lui voue un amour

absolu, mais elle ne le reconnaît pas. Elle est persuadée que son père est

mort.

 La foule : compatissante et cruelle à la fois, elle assiste à une exécution

capitale comme à un spectacle. Elle semble assoifée de sang.

 Le président du jury : est “calme”.

 Les jurés : sont “blêmes et abattus” mais c’est à cause de la fatigue due à

la longue délibération.
 L’huissier : Un homme insensible qui vient annoncer au condamné le rejet

de son pourvoi en cassation. Il ne s’intéresse qu’à son tabac et aux

nouvelles politiques sans importance. La mort ne l’émeut pas

 Le directeur : est gentil, mais cette gentillesse est intolérable quand il

informe le condamné que c’est ” pour aujourd’hui”.

Les temps employés :

L’emploi du passé :  ( les temps du récit), avant la condamnation , avant le

crime. Le narrateur évoque son passé de liberté ( le retour en arrière)

L’emploi du futur : Le narrateur imagine son exécution et pense à l’avenir de

ses proches ( l’anticipation )

Le présent d’énonciation : Le présent correspond au moment de l’écriture.

Fiche de lecture :

Auteur :

Victor Hugo

Titre et date de publication: 

Le dernier jour d’un condamne , publié en 1829.

Genre :

 Récit à la première personne ; adoption des techniques de l’autobiographie,

le journal intime en particulier.

Type de texte : 

Narratif et descriptif à visée argumentative.

Le narrateur : 
Le condamné à mort

Personnages principaux:

Le condamné à mort / Les geôliers / Sa fille / Sa femme et sa mère / Le prêtre. /

La foule

Cadre:

Lieux :

Les grandes prisons de Paris : Bicêtre, la Conciergerie et l’Hôtel de Ville.

Durée :

Cinq semaines, à partir du moment où le protagoniste est condamné à mort

jusqu’au moment où il monte sur l’échafaud.

Thèmes :

La peine de mort / La peur / la haine / la religion / la violence contre les

prisonniers / l’injustice / la justice

Enonciation, focalisation :

Le narrateur est le personnage : utilisation de la première personne.

Le narrateur # l’auteur.

Focalisation interne : accès au point de vue du narrateur et à sa vision des

choses et du monde..

Bilan détaillé de l’oeuvre :


Bicêtre : Du chapitre I au chapitre XXI :

Chapitre I :
Emprisonné dans sa cellule de Bicêtre, le narrateur se rappelle son passé de

liberté mais se retrouve captif et obsédé par l’idée de sa condamnation à mort.

Le condamné avant le verdict : Homme comme ses semblables, ayant plein

d’idées, fantaisiste, sensuel, libre…

Le condamné après le verdict : Homme captif, privé de liberté d’action, de

pensée et de réflexion….

Chapitre II :

Le condamné fait le récit de son verdict ( sentence, jugement).

Avant le verdict :  Vision optimiste du monde. Il avait confiance en la justice,

croyait en la vie.

Après le verdict : Moment ou le condamné est emmené vers sa cellule : il est

seul face à la mort, étranger au monde des vivants.

Chapitre III :

Le narrateur prétend que les humains sont tous condamnés à mort mais avec un

délai indéfini. Ce qui diffère, c’est la manière et le temps.

Chapitre IV :

Description de Bicêtre : de loin, la prison ressemble à un château, mais de près

c’est un lieux hideux.

Chapitre V :

Le séjour à Bicêtre :durant les premiers jours, il a été bien traité puis brutalisé

comme tous les autres détenus. Certaines faveurs lui ont été accordées comme
le papier, l’encre , les plumes et une lampe pour écrire. Il a côtoyé les autres

prisonniers et a appris l’argot.

Chapitre VI :

Dans un monologue intérieur, le prisonnier nous dévoile sa décision de se mettre

à écrire. D’abord, pour lui-même pour se distraire et oublier ses angoisses.

Ensuite pour ceux qui jugent pour que leurs mains soient moins légères quand il

s’agit de condamner quelqu’un à mort. C’est sa contribution à lui pour abolir la

peine capitale.

Chapitre VII :

Le condamné espère qu’on s’intéresse un jour à son cas et que son journal de

souffrances puisse être utile à d’autres. ( participer à l’abolition de la peine de

mort)

Chapitre VIII :

Le jeune condamné compte le temps qui lui reste à vivre. 6 semaines dont il a

déjà passé 5 ou même 6. Il ne lui  plus beaucoup de temps.

Chapitre IX :

Le narrateur pense à sa famille. Il s’en veut de la laisser sans ressources et sans

protection.

Chapitre X :

Le narrateur décrit la cellule de l’intérieur vers l’extérieur

Chapitre XI :
Pour passer sa longue nuit, il se lève pour nous décrire les murs de sa cellule

pleins d’inscriptions, traces laissées par d’autres

prisonniers

Chapitre XII :

Le narrateur assiste au ferrement des forçats avant leur départ pour Toulon.

Conduit par un geôlier dans une cellule, dont la fenêtre grillagée donne sur une

cour de la prison, il peut observer ce qui s’y passe comme s’il assistait à un

spectacle à partir d’une loge.

Chapitre XIII : 

Le narrateur- personnage se rappelle d’un événement particulier qui a eu lieu il y

a quelques jours dans le cour de la prison : le départ des forçats au bagne de

Toulon. Il nous rapporte cet événement comme un vrai spectacle en trois actes :

la visite médicale, le visite des geôliers et le ferrage. Il nous parle du traitement

inhumain réservé à ces condamnés. A la fin du spectacle, il tombe évanoui.

Chapitre XIV : 

Transporté à l’infirmerie,le narrateur assiste au départ des forçats pour Toulon. Il

préfère la guillotine aux galères.

Chapitre XV :

Retour au cachot, le condamné est à nouveau obsédé par l’idée de sa

condamnation à mort.

Chapitre XVI : 
Quand le narrateur était à l’infirmerie, il avait entendu la voix d’une jeune fille de

15 ans chanter une complainte qui parle de mort.

Chapitre XVII : 

Il rêve d’évasion, mais son rêve est irréalisable.

Chapitre XVIII :

Il est six heures du matin. Le guichetier entre dans le cachot. Il demande à notre

condamné ce qu’il désire à manger.

Chapitre XIX:

Visite du directeur de la prison : il demande au narrateur s’il se plaint d’un

quelconque mauvais traitement

Chapitre XX : 

Le narrateur retrouve la prison sous toutes les formes, sous la forme humaine

comme sous la forme de grille ou de verrou. Elle l’enferme, le surveille et le


torture.

Chapitre XXI : 

A 6h30 du matin, le narrateur a été visité dans son cachot par un prêtre puis par

l’huissier qui lui annonce le rejet de son pourvoi en cassation et son transfert à la

conciergerie.

La conciergerie : Du chapitre XXII au chapitre XLVII

Chapitre XXII : 
Le condamné est transféré à la conciergerie. La foule assoiffée de sang s’est déjà

attroupée pour ne pas manquer l’exécution.

Chapitre XXIII : 

L’huissier remet le condamné aux mains du directeur. Dans un cabinet voisin, il

fait une rencontre curieuse avec un condamné à mort qui séjournera dans la

même cellule à Bicêtre. Ce dernier, fils d’un ancien condamné à mort lui raconte

son histoire et s’empare de sa redingote .

Chapitre XXIV :

Le narrateur regrette l’échange de sa redingote avec le friauche.

Chapitre XXV : 

Le narrateur est amené ensuite à une autre cellule ou on lui a donné tout ce qu’il

faut pour écrire. Un gendarme a été installé avec lui pour empêcher toute

tentative de suicide.

Chapitre XXVI : 

Il est dix heures. Le condamné plaint sa petite fille qui restera sans père. Elle sera

peut être repoussée, haie à cause de lui.

Chapitre XXVII : 

Le condamné n’ose pas écrire le mot guillotine

Chapitre XXVIII : 

Ayant déjà assisté à une exécution, le narrateur imagine comment sera la sienne.

Il est 11h et les préparatifs ont déjà commencé.


Chapitre XXIX : 

Le jeune détenu pense à cette grâce qui ne vient toujours pas. Il estime

maintenant que les galères seraient meilleure solution en attendant qu’un jour

arrive la grâce.

Chapitre XXX

Le prêtre revient voir le condamné. Celui-ci est loin d’apprécier sa présence. Ce

prêtre parle machinalement et semble peu touché par la souffrance du prisonnier.

Ensuite, et bien que la table soit délicate et bien garnie, il ne peut manger.

Chapitre XXXI

Le sous architecte de la prison est entré dans la cellule ou se trouve le narrateur

pour prendre des mesures afin de rénover les murs. Il est insensible et indifférent.

Chapitre XXXII

Un autre gendarme vient prendre la relève. Il est un peu brusque. Il demande au


prisonnier de venir chez lui après son exécution pour lui révéler les trois bons

numéros gagnants à la loterie . Le condamné veut profiter de cette demande

bizarre : il lui propose de changer ses vêtements avec lui. Le gendarme refuse ; il

a compris que le prisonnier veut s’évader.

Chapitre XXXIII

Pour oublier son présent,  le narrateur  passe en revue ses souvenirs d’enfance

et de jeunesse.Il s’arrête longuement sur  le souvenir de Pepa, cette jeune

andalouse dont il était amoureux et avec qui il a passé une belle soirée d’été.

Chapitre XXXIV :
Au milieu de ses souvenirs de jeunesse, le condamné pense à son crime. Entre

son passé et son présent, il y a une rivière de sang : le sang de l’autre ( sa

victime) et le sien( le coupable)

Chapitre XXXV :

Le narrateur envie les gens ordinaires qui vaquent à leurs affaires quotidiennes.

Chapitre XXXVI : 

Le narrateur se rappelle le jour ou il est allé voir la cathédrale de Notre-Dame de

Paris. Il lui semble qu’il est encore dans la tour du bourdon.

Chapitre XXXVII : 

Le  narrateur décrit brièvement l’hôtel de ville

Chapitre XXXVIII : 

L’heure de l’exécution approche, le narrateur ressent des douleurs physiques

atroces.

Chapitre XXXVIX : 

Le narrateur imagine comment il va vivre le moment de son exécution.

Chapitre XXXL

Le narrateur pense au roi Charles X.

Chapitre XLI

Le condamné se met dans la tête l’idée qu’il va bientôt mourir.  Il  demande un

prêtre pour  se confesser, un crucifix à baiser


Chapitre XLII

Après l’arrivée du prêtre, le narrateur a dormi pour quelques instants. Il fait un

cauchemar.

Chapitre XLIII

Quelques heures avant son exécution, le condamné reçoit la visite de sa petite

fille Marie qui ne le reconnaît ps. Rien ne le rattache à présent à la vie, il se laisse

conduire à la mort.

Chapitre XLIV

Le narrateur décide d’affronter la mort : il pense au bourreau , la foule, aux

gendarmes,  à la place de grève, à son exécution.

Chapitre XLV

Il pense à la foule en train de l’applaudir et à toutes les têtes qui tomberaient

après lui.

Chapitre XLIVI

La petite Marie vient de partir. Le père se demande s’il a le temps de lui écrire

quelques pages. Il  cherche à se justifiez devant les yeux de sa fille.

Chapitre XLIVII

Le condamné n’a pas eu le temps d’écrire son histoire.

L’hotel de la ville; la place de grève : chapitres 48 et 49

Chapitre XLVIII
Le condamné est dans une chambre de l’hôtel de ville. A trois heures, on vient

l’avertir qu’il était temps. Le bourreau et ses deux valets,  lui coupent les cheveux

et le collet avant de lier ses mains. Le convoi  se dirige ensuite vers  la place de

Grève devant une foule de curieux qui attendent l’exécution.

Chapitre XLIX

Le condamné supplie un commissaire de lui accorder encore cinq minutes dans

l’espoir d’obtenir une grâce au dernier moment. Quatre heures : on vient le

chercher pour l’exécuter.

 Introduction
 I. L'omniprésence de la mort
 II. Un texte réaliste et tragique
 Citations de Victor Hugo sur la peine de mort
Introduction
 
Perdu dans ses pensées, Victor Hugo a, pour sa part, toujours était un homme libre. Si
libre que sa pensée lui a valu un exil : mais pour l'auteur romantique, l'esprit et la
création sont plus forts que tout.

C'est après avoir assisté à une scène traumatisante que Victor Hugo a décidé
d'entreprendre l'écriture du Dernier Jour d'un Condamné. Un soir de 1828, il observe un
bourreau graisser la guillotine sur la Place de l'Hôtel-de-Ville. Hugo comprend qu'un
homme mourra le soir-même. Cette pensée l'inspire : dès aujourd'hui, il écrira pour lutter
contre la peine de mort.

Le court roman d'Hugo peut se lire comme le journal intime d'un condamné qui se livre à
ses dernières pensées et confessions durant les 24 dernières heures précédant la
terrible sentence. Ici, le "moi" romantique est encore de mise : le romantisme permet à
Hugo de montrer l'absurdité des théories pénales et d'une justice qui favorise encore la
peine de mort.

Pourtant, cette idée n'était pas encore développée par les penseurs des Lumières :
Diderot et Kant étaient favorables à la peine de mort et y voyaient une sentence juste et
adaptée au crime commis. La punition était encore trop faible pour mettre à mal les
criminels.

Hugo, lui, est révolté par ce genre de pratique. C'est pourquoi cet incipit est un vrai
réquisitoire contre la peine de mort. IL va chercher à montrer, au sein de ce premier
chapitre, l'aspect tragique de la condamnation à mort afin de susciter la compassion
chez le lecteur.

Dans un premier temps, nous allons étudier l'omniprésence de la mort, caractéristique


de ce passage, en contraste avec la célébration de la vie. Ensuite, nous montrerons en
quoi cet extrait est à la fois réaliste, pathétique et tragique. Tout au long de l'analyse,
nous montrerons la force de persuasion de Victor Hugo qui cherche, coûte que coûte, à
défendre son idée.

I. L'omniprésence de la mort
Dans cet extrait, Hugo s'insurge contre la peine de mort. Afin de prouver que son
abolition serait une bonne chose, il utilise certaines stratégies de persuasion pour
influencer le lecteur. Le recours à des procédés stylistiques bien précis agit également
sur la réception du texte.

1) L’homme est obsédé par cette seule pensée

 Argument 1: Depuis plusieurs semaines, l’homme vit à coté de cette pensée. Il y a une
cohabitation entre l'existence et la mort. Le personnage ne semble pouvoir se défaire de
ce colocataire un peu trop présent à son goût.
Condamné à mort ! Voilà cinq semaines que j'habite avec cette pensée, toujours seul
avec elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids !

Dans ce passage, le présent de narration (« j’habite ») et l'adverbe de durée (répétition «


toujours » x 3) renforcent l'idée de longue attente. L'adjectif « seul » accentue l'idée
d'enfermement et de solitude, le condamné ne peut pas échapper à cette amie collante.
Seul face à ses peurs, condamnée à cohabiter avec la mort, l'homme que dépeint Hugo
est l'homme ordinaire confronté à une fatalité tragique... (Gravure de Gustave Fraipont,
1882-83)

 Argument 2 : Le moindre de ses gestes rappelle à l’homme que cette pensée est
ancrée au fond de lui. Il n'y a aucun échappatoire : tout son esprit, tout son corps est
tourné vers cette pensée obsédante.
Quoi que je fasse, elle est toujours là, cette pensée infernale, comme un spectre de
plomb à mes côtés, seule et jalouse, chassant toute distraction, face à face avec moi
misérable, et me secouant de ses deux mains de glace quand je veux détourner la tête
ou fermer les yeux.
Elle se glisse sous toutes les formes où mon esprit voudrait la fuir, se mêle comme un
refrain horrible à toutes les paroles qu'on m'adresse, se colle avec moi aux grilles
hideuses de mon cachot ; m'obsède éveillé, épie mon sommeil convulsif, et reparaît
dans mes rêves sous la forme d'un couteau.

L'utilisation de l'expression « quoi que je fasse » montre l'impossibilité pour le narrateur


de se débarrasser de cette pensée. Il la compare d'ailleurs à un « spectre de plomb », le
suivant dans tous ses pas, dans tous ses gestes... Le plomb traduit aussi la lourdeur de
cette pensée : c'est un poids insoutenable, dont le narrateur souhaiterait pouvoir
s'alléger.

Hugo procède à une personnification de la mort : « seule et jalouse » ; « face-à-face


avec moi » ; « me secouant de ses deux mains » ; « Elle se glisse …, se mêle…, se
colle… m’obsède…, épie… et reparait… ». La mort est une amie fidèle, qui monopolise
son esprit et qui ne compte pas le laisser seul. Ici, Hugo donne presque à la mort les
traits d'une femme jalouse qui souhaiterait que son amant reste à jamais seul avec elle...

 Argument 3 : Il entend un souffle lui dire à l’oreille quelques mots dès son réveil.
Je viens de m'éveiller en sursaut, poursuivi par elle et me disant :
- Ah ! ce n'est qu'un rêve ! - Hé bien ! avant même que mes yeux lourds aient eu le
temps de s'entre ouvrir assez pour voir cette fatale pensée écrite dans l'horrible réalité
qui m'entoure (...) il me semble que déjà une voix a murmuré à mon oreille : - Condamné
à mort !

Même dans le sommeil, la mort ne le quitte pas. L'expression « avant même que... »
témoigne de la prépondérance de cette pensée dans sa vie, pensée qui ne lui laisse
aucun répit.

2) Les stratégies utilisées par Victor Hugo pour son plaidoyer contre
la peine de mort

 Argument 1 : Ôter la  vie serait enlever à la société un individu qui pourrait lui être utile.

Ici, Hugo montre très clairement que le narrateur est un homme instruit. Il insiste
d'ailleurs sur la vivacité de son esprit :

Chaque jour, chaque heure, chaque minute avait son idée. Mon esprit, jeune et riche,
était plein de fantaisies. Il s'amusait à me les dérouler les unes après les autres, sans
ordre et sans fin, brodant d'inépuisables arabesques cette rude et mince étoffe de la vie.
Cet esprit, autrefois (lorsqu'il n'était pas encore emprisonné et condamné) était fertile.
L'homme avait une force d'idée et une grande imagination, des qualités remarquables
pour faire évoluer la société. Aujourd'hui, l'esprit « jeune et riche » s'oppose à l'esprit «
en prison dans une idée ».

 Argument 2 : Victor Hugo ne permet pas l’identification du condamné ; il fait de son cas
une espèce de généralité.

À travers les écrits du condamné, on peut retrouver les pensées de beaucoup d'autres
hommes dans la même situation ; l’homme explique son cas mais le lecteur entend bien
que cette histoire n'est pas isolée. Si Hugo fait le choix de ne pas donner de nom et de
préserver l'identité du personnage, c'est pour que tout le monde puisse s'y identifier. Il a
toutefois recours à la première personne du singulier pour accentuer la dimension
romantique.

 Argument 3 : « Se venger est de l’individu, punir est de Dieu » (Préface du Dernier Jour
d'un Condamné). Seul le Tout-Puissant a droit de vie ou de mort sur ses sujets.

Le fait que la société le condamne à mort est une remise en doute de la puissance
divine. L'imprévisibilité de la mort est contrecarrer par son déroulement imminent (le
condamné est au courant du jour, de l’heure et du lieu de son exécution).

Scène populaire au XIXème siècle : la foule se rassemble pour observer le spectacle


tragique de la mise à mort... (Gravure de Louis Candide Boulanger)

II. Un texte réaliste et tragique


Mais Victor Hugo souhaite faire de son histoire un texte réaliste qui suscite la
compassion chez son lecteur. Ce dernier doit se rendre compte de l'aspect pathétique
puis tragique de la situation.

1) Le registre réaliste

 Argument 1 : Les lieux cités sont réels.

L’histoire se déroule vers le XIXe siècle, siècle de Victor Hugo. L'auteur ancre le récit
dans le réel avec une première indication dès la première ligne : « Bicêtre ». Le Bicêtre
est un grand édifice servant d’hôpital et de prison, situé au sud de Paris.

 Argument 2 : Quelques détails ci et là de sa vie d'avant


C'étaient des jeunes filles, de splendides chapes d'évêque, des batailles gagnées, des
théâtres pleins de bruit et de lumière, et puis encore des jeunes filles et de sombres
promenades la nuit sous les larges bras des marronniers.

La beauté, le bruit, la lumière s'opposent au sinistre cadre dans lequel notre personnage
évolue désormais. Cette description d'évènements réalistes fait ressortir le contraste
entre sa vie d'avant et celle d'aujourd'hui. À la gaité s'oppose désormais la résignation.
Le narrateur procède ici à une ode à la vie, festive et animée : sa vie d'avant détonne
avec sa condition actuelle.

2) Le registre devient pathétique voire tragique.

 Argument 1 : Des émotions qui suscitent la compassion du lecteur.

Hugo va susciter la compassion chez le lecteur en dressant le portrait d'un homme


enfermé physiquement et mentalement : « je suis captif » ; « mon corps est aux fers
dans un cachot, mon esprit est en prison dans une idée ». Autrement dit, le narrateur n'a
aucune issue. Témoin de l'atrocité de cette scène, le lecteur souhaiterait pouvoir lui ôter
ses chaînes or personne ne peut échapper à la fatalité.

De plus, l'auteur insiste sur le champ lexical du sinistre :  « horrible », « sanglante », «


implacable », « infernale » ; le désespoir se ressent dans les paroles du narrateur.

 Argument 2 : L’homme a peur de la mort et espère y échapper

L'homme dépeint par Hugo est un homme comme tous les autres. Nous sommes tous
égaux face à la mort et, à moins d'être un parfait stoïcien (ne pas craindre la mort
puisque lorsqu'elle sera là nous ne serons plus là), nous redoutons ce moment tragique.

Ici, le narrateur est un homme effrayé : « seul avec elle » , « glacé de sa présence », «
mon esprit voudrait la fuir » , « refrain horrible », «je viens de m’éveiller en sursaut », «
poursuivi par elle ». Tel est l'élément tragique de la condamnation à mort : personne ne
peut l'éviter. Et avant même de rencontrer son bourreau, l'homme s'imagine sans cesse
la scène. Alors qu'auparavant son imagination était tournée vers la vie, aujourd'hui elle
n'est tournée que vers la mort.

 Argument 3 : La résignation à garder espoir ; il se laisse envahir par l’idée de sa mort
prochaine.
Le narrateur a entièrement conscience que la mort le guette d'une minute à l'autre :  «
voilà » ; « maintenant »,  adverbes marquant un état actuel sans possibilité de le fuir.
Dès le début du roman, la fin est annoncée.

Conclusion

L'homme enfermé par les fers, l'homme enfermé dans l'esprit. La prison n'est pas que
matérielle : elle se vit dans la chair et dans la pensée.

Ainsi, Victor Hugo souhaite montrer la beauté de la vie et faire comprendre qu'il est
nécessaire de la préserver à tout prix. À travers une description réaliste, pathétique et
tragique de la peine de mort, l'auteur souhaite défendre l'idée selon laquelle nul autre
que Dieu ne peut ôter la vie à un homme. Ce système judiciaire et pénal ne correspond
pas aux valeurs défendues par le père du romantisme.

Il veillera d'ailleurs à condamner ces méthodes tout au long du roman mais aussi dans
son autre ouvrage intitulé Claude Gueux, en 1834. La thématique abolitionniste est très
présente dans la pensée de Hugo qui se veut porte parole des oubliés, des maltraités,
des hommes qui n'ont plus le droit d'avoir une voix digne d'être écoutée.

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