Vous êtes sur la page 1sur 4

Au Moyen Âge : temps de l’Église et temps du marchand

Chobriat Thibault

Compte rendu de Sociétés et


cadres de vie dans l’Europe
méridionale
Au Moyen Âge : temps de l’Église et temps
du marchand

M1

Article de Jacques Le Goff

Page 1 sur 4
Au Moyen Âge : temps de l’Église et temps du marchand

I – Présentation biographique
L’auteur de l’article est Jacques Le Goff, professeur d’histoire médiévale agrégé.
Diplômé de l’école normale supérieur, président de la 6ème section de l’école des hautes
études en sciences sociales (EHESS), membre de l’école française de Rome et décoré de la
médaille d’or du centre national de recherche scientifique (CNRS). Il est notamment l’auteur
de plusieurs ouvrages devenus des références, que nous ne citerons pas exhaustivement, tels
que Marchands et banquiers au Moyen Âge1, La Naissance du purgatoire2 ou encore Pour un
autre Moyen Âge : temps, travail et culture en Occident : 18 essais3.

II -Métadonnées
Le sujet de cet article est la temporalité médiévale, à travers une institution, l’Église, et
une figure, le marchand. Le questionnement de Le Goff J. repose sur le contrôle du temps au
Moyen Âge, tiraillé entre vie religieuse et vie économique. Ce qu’il qualifie de « conflit du
Temps »4 est un phénomène social, culturel et économique qui commence à se développer au
XIe siècle jusqu’à la genèse de l’État moderne et d’une pensée mercantile.

Le temps de l’Église est une temporalité théologique ayant pour base la Bible. Ce
temps est donc dominé par le divin et possède un sens, le salut. Ainsi, les missionnaires et les
prédicateurs ont pour but d’achever l’œuvre du Christ. Dans cette vision, l’Apocalypse est la
finalité vers une victoire de l’au-delà. Dans la mentalité de l’homme médiéval, le temps est
linéaire et mène inexorablement à Dieu. C’est entre le XIIe et le XIVe siècle qu’apparaît une
nouvelle conception du temps avec un lien établit avec l’espace, phénomène à ne pas négliger
comme influenceur de la psychè de l’homme médiéval.

Le marchand (essentiellement italien), du fait de cette conception spatio-temporelle,


étend son influence de l’Europe à la Chine, ainsi que sur l’ensemble du bassin méditerranéen.
Le dynamisme commercial lié aux Croisades permet aux commerçants de créer des réseaux.
De fait, ils deviennent moins vulnérables aux aléas climatiques et saisonniers. Cependant, le
développement de réseaux économiques voit le temps devenir une mesure : temps de
navigation, durée de fabrication en artisanat… L’économie devient de plus en plus globale et

1
LE GOFF J., Marchands et banquiers au Moyen Âge, Puf, Paris, 1956
2
LE GOFF J., La naissance du purgatoire, Gallimard, 1981
3
LE GOFF J., Pour un autre Moyen Âge : Temps, travail et culture en Occident : 18 essais, Gallimard, 1977
4
LE GOFF J., « Au Moyen Âge : temps de l’Église et temps du marchand », Annales, économies, sociétés,
civilisations, 15e année, n°3, 1960, p. 419

Page 2 sur 4
Au Moyen Âge : temps de l’Église et temps du marchand

moderne. On observe l’apparition de documents commerciaux et une légifération du statut des


corporations. Mais le marchand et son activité ont influencé davantage encore la temporalité.
L’exemple de Le Goff J. est frappant : « Le gouverneur royal d'Artois autorise en 1355 les
gens d'Aire-sur-la-Lys à construire un beffroi dont les cloches sonneront les heures des
transactions commerciales et du travail des ouvriers drapiers »5, le temps du marchand
commence à s’imposer au détriment du temps ecclésiastique. L’apparition de l’horloge
modifie aussi le rapport de l’homme médiéval avec le temps. Le temps devient plus exact et
plus laïc. Notons une différence significative entre espace urbain et rural, l’homme médiéval
rural est encore rythmé par le son des cloches pendant plusieurs siècles.

Il paraît réducteur de séparer ces deux temporalités qui, pour le marchand, coexistent
et se succèdent. De son activité, il finance des œuvres de bienfaisance mais vit moins
pieusement : « Temps du péché et temps de la grâce »6. C’est ainsi que l’on situe le quotidien
du marchand alternant entre ces temporalités, son activité n’étant pas entièrement légiférée et
sa conception étant du monde en pleine mutation. Notons que la conception du temps est aussi
influencée par les manuscrits arabes et la pensée hellénistique. Les Grecs ont une
représentation plus globale et cyclique du temps et non linéaire. Les théologiens cherchent à
encadrer le temps mais le marchand fait face à des « nécessités professionnelles »7 qui le
conduit à une gestion plus individuelle de son temps. C’est à partir de la Renaissance (XVe-
XVIe siècles) que s’opère une rupture pour les hommes d’un certain statut, désormais maîtres
de leur temps et libres de se déplacer selon leur guise.

III – Bilan réflexif


Pour Le Goff J., cette étude se veut comme une synthèse, courte et concise, visant à
susciter de nouvelles interrogations et recherches. Ce dernier est un spécialiste de l’histoire
économique et du fait religieux. La temporalité revêt donc une dimension fondamentale pour
ses travaux, cet article l’illustre parfaitement.

J’ai choisi cet article comme sujet pour deux raisons : d’une part, pour la thématique
qui place le temps au centre du débat, ensuite, pour l’auteur Jacques Le Goff. Ce dernier est

5
LE GOFF J., « Au Moyen Âge : temps de l’Église et temps du marchand », Annales, économies, sociétés,
civilisations, 15e année, n°3, 1960, p. 425
6
LE GOFF J., « Au Moyen Âge : temps de l’Église et temps du marchand », Annales, économies, sociétés,
civilisations, 15e année, n°3, 1960, p. 428
7
LE GOFF J., « Au Moyen Âge : temps de l’Église et temps du marchand », Annales, économies, sociétés,
civilisations, 15e année, n°3, 1960, p. 431

Page 3 sur 4
Au Moyen Âge : temps de l’Église et temps du marchand

probablement un des médiévistes les plus emblématiques du XXe siècle qui exerce un pouvoir
de fascination dans son argumentation. Étant moi-même en Master Mondes médiévaux, la
grande ouverture du sujet de cette œuvre et l’illustre figure historique qui le présente ont été
autant de sources de motivation.

L’étude du temps de l’homme médiéval est un sujet avec plusieurs publications.


Citons Le temps et sa mesure au Moyen Âge8 de Philippe Wolff, Le Temps9 de François le
Lionnais (vulgarisation), L’Histoire de l’heure10 de Dohrn-Van Rossum G. ou encore
Histoires de temps11 de Yann Mambrini.

8
WOLFF P., « Le temps et sa mesure au Moyen Âge », Annales. Economies, sociétés, civilisations, 17ᵉ année,
n°6, 1962, p. 1141-1145
9
LE LIONNAIS F., Le Temps, Robert Delpire, 1959
10
DOHRN-VAN ROSSUM G., L’Histoire de l’heure, Editions de la maison des Sciences de l’homme, Paris,
1997
11
MAMBRINI Y., Histoires de temps, Ellipse, 2019

Page 4 sur 4

Vous aimerez peut-être aussi