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Université d'Alger 1

Yousef ben kheda


Département architecture

COMPTE
RENDU:
L’auteur, spécialiste de la Renaissance, est professeur à la
Queen Mary University de Londres. Renaissance, dont Global
Interests. Ce livre ne s’adresse clairement pas aux seuls
spécialistes de la Renaissance qui n’y apprendront sans doute
aucun élément nouveau. Cet ouvrage constitue le premier volume
d’une nouvelle collection intitulée « L’histoire-monde » dont
l’objectif est de donner un écho éditorial au mouvement dit de «
l’histoire globale » qui a connu ces dernières années des
développements spectaculaires.
Sylvain Gouguenheim minimisait la contribution du monde
islamique à l’histoire de la culture européenne, ce qui suscita une
importante controverse, de nombreux spécialistes ayant refusé
d’accepter une telle présentation de l’histoire.
L’objectif de l’ouvrage de Brotton est de mettre en évidence les
contributions de l’Orient au sens large dans cette phase
essentielle de l’histoire européenne que l’on appelle « Renaissance
». Dans tout son livre, l’historien entend défendre une conception
de la Renaissance non pas en termes de conflits de civilisation
mais en mettant l’accent sur les échanges culturels ou
commerciaux. Il se livre ainsi à une analyse iconographique du
célèbre tableau Les Ambassadeurs d’Holbein qui constitue une
remarquable mise en abyme de la Renaissance telle que l’entend
Botton, à la croisée de l’Orient et de l’Occident. À une vision
oppositionnelle entre « Orient » et « Occident », Brotton entend
substituer une conception plus continuité de cet espace en mettant
l’accent descriptif sur les échanges inséparablement
culturels, commerciaux et, bien sûr, guerriers.
Ayant des valeurs élitistes, ces auteurs étaient peu à même
d’envisager correctement la dimension proprement commerciale
des échanges de cette époque. À rebours de la thèse
d’Elias, Panofsky considérait que l’art de cette époque possédait
une vitalité émotive plus vive qu’au Moyen Âge.
L’ouvrage de Brotton se décompose en six chapitres. L’influence
de l’Orient s’observe particulièrement bien à Venise où tous les
arts, à commencer par l’architecture, étaient fortement influencés
par l’Orient. Brotton conteste l’idée que le « capitalisme » soit
d’essence européenne. Il pose également l’idée que les
connaissances dans le domaine des mathématiques ou encore de la
géographie ont été fortement encouragées par les pratiques
commerciales, mettant à distance l’idée colportée par l’Art pour
l’Art et ratifiée par la sociologie critique, selon
laquelle la connaissance s’élève à mesure que la distance à la
nécessité grandit.
L’adoption des chiffres indo-arabes fut déterminante et constitua
une rupture essentielle avec l’archaïsme des systèmes
européens. De même, Brotton réfute l’idée selon laquelle la
grandeur de l’art dépendrait de sa distance aux nécessités
économiques. Les Européens qui furent d’abord catastrophés par
la chute de Constantinople envoyèrent très vite des émissaires
commerciaux afin d’y faire des affaires. Le fait que les
antagonismes politiques pouvaient être grands n’empêchait
jamais les échanges matériels et intellectuels.
Dans le second chapitre, Brotton propose de renouveler l’image
que nous avons de l’« humanisme » avec son retour à l’Antiquité
et ses traductions. Elle encouragea la Réforme, facilita la diffusion
des langues vernaculaires et contribua à favoriser les identités
nationales. Si certains humanistes avaient si à cœur de valoriser la
culture classique, ce n’était pas seulement parce que ce savoir
rendait plus « humain » mais aussi parce qu’il pouvait être mis au
service de leur carrière ou de leur domination : le savoir
humaniste était très profondément « hétéronome ». Aussi n’était-il
pas étonnant que ces mêmes puissants financent leurs institutions
’enseignement. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le
savoir humaniste était plutôt conservateur.
Brotton examine ensuite la question des liens entre l’Église et
l’État. La Renaissance est le moment où l’Église connut une
importante crise avec la Réforme qui balaya tout le nord de
l’Europe. Constantinople mit par ailleurs un terme aux tentatives
de réunion de l’Église d’Orient et d’Occident. À Rome, on fit
bâtir à partir du début du XVe siècle de nombreux bâtiments afin
de célébrer la gloire de l’Église catholique.

À cet égard, les premiers plans de Saint-Pierre de Rome


ressemblaient à Sainte Sophie. Les coûts de construction de Saint-
Pierre de Rome furent si élevés qu’ils obligèrent au négoce des
Indulgences. Ce luxe et ce financement scandalisèrent Luther qui
rejetait toute médiation entre Dieu et le fidèle. La doctrine de
Luther emporta un franc succès dans les populations urbaines de
l’Europe du Nord.

Là encore l’imprimerie eut un rôle décisif en diffusant dans toute


l’Europe la pensée de Luther, l’auteur qui se vendait le plus à
cette époque. Il y avait en outre des affinités entre la Réforme et
l’Islam, à commencer par le rejet des idoles. Rome ne resta pas les
bras croisés et tenta de manifester son pouvoir en investissant
massivement dans l’art et le luxe.
Brotton aborde par la suite plus directement la question de
l’art. XVIe siècle. Selon Brotton, Vasari a été témoin de l’essor
d’un nouveau statut d’artiste où la dimension esthétique jouait un
rôle primordial, d’où la faible place accordée aux mécènes dans
ses Vies. On trouve dans l’art italien de cette époque
d’innombrables références à l’Orient, qu’il s’agisse des objets, des
costumes ou encore des caractères arabes.

Le fameux peintre perse Behzâd y fit directement écho dans son


Portrait d’un peintre en costume turc en proposant un savant jeu
de miroirs culturels où l’Orient réfléchit un Occident qui lui-
même réfléchit l’Orient. L’admiration pour l’art oriental était une
dimension essentielle de l’art de la Renaissance. Son essor au XVe
siècle était dû à celui de la bourgeoisie montante et de l’Église. La
référence aux héros antiques permettait de bien exprimer cette
dimension. Il rappelle qu’à la fin du XVe siècle, Ptolémée revint à
l’honneur. La carte de Ptolémée était focalisée sur la
Méditerranée orientale et l’Asie centrale. Le Portugal développa
beaucoup les explorations maritimes vers le Sud, ce qui permit de
nombreux échanges entre l’Afrique de l’Ouest et l’Europe. Le
Portugal tira un grand bénéfice de ces échanges.
Le passage du Cap de Bonne-Espérance périma la conception
ptoléméenne du monde. Ptolémée que Christophe Colomb prit
l’initiative de tenter de rejoindre l’Inde par l’Ouest. Colomb
proposa d’abord son projet d’expédition au Portugal, qui le
refusa, puis à la Castille, qui accepta de le financer dans l’espoir
de faire d’appréciables profits. Les Portugais envoyèrent par la
suite Vasco de Gama pour contourner le cap de Bonne-Espérance.

En effet, les travaux de Ptolémée avaient aussi transité par


l’Orient. Ce sont d’ailleurs les Chinois qui ont « découvert » le
Cap de Bonne-Espérance. Lorsque Vasco de Gama arriva en Inde
avec ses équipiers, ils faisaient figure d’étrangers sales au savoir
dépassé. Les cadeaux apportés par Vasco de Gama faisaient pâle
figure pour la cour de Calicut
En 1502, le monde de Ptolémée était révolu et les découvertes
s’accumulèrent. C’est également à cette époque que l’équipe de
Magellan fit pour la première fois et après moult péripéties le tour
du monde en bateau. De son côté, Charles Quint commençait à
récolter l’or et l’argent d’Amérique. L’Espagne avait exporté en
Amérique son intolérance religieuse et sa violence militaire.
Ils voyaient les peuples du nouveau monde comme de nouveaux
Musulmans. L’Amérique du Sud, avec son instabilité, est encore
aujourd’hui héritière de cette période.
Dans son sixième chapitre, Brotton aborde la question des «
représentations » du monde. C’est à cette époque que fut mise au
point la projection de Mercator qui place l’Europe au centre du
monde. Brotton réaffirme l’idée que les innovations scientifiques
étaient liées à des nécessités pratiques. C’était par exemple le cas
dans le domaine de la balistique où des « progrès » techniques
considérables – si tant est que ce genre de mot ait un sens
s’agissant de la guerre – furent accomplis afin de triompher au
combat.

Toutes sortes de découvertes scientifiques majeures avaient pour


arrière-fond des nécessités commerciales. Les exigences de l’Église
elles-mêmes pouvaient être à l’origine de découvertes
scientifiques, fût-ce involontairement. Le magistère intellectuel du
monde arabe se faisait fortement sentir dans le domaine
scientifique où l’on recommandait de l’imiter. C’est encore lui qui
traduisit de l’arabe L’Amalgeste de Ptolémée en latin.

Brotton rappelle à cet égard que Mehmed était un mécène


enthousiaste de Ptolémée. Ce fut par exemple le cas de Ibn al-
Nafis dans le domaine de la circulation sanguine. Le fameux
Vésale était convaincu de l’importance de la médecine
arabe. Brotton considère que l’oubli relatif de la science arabe est
lié au fait que le monde islamique n’a pas adopté l’imprimerie.
Pour conclure, Brotton estime que notre vision éthérée des lettrés
de la Renaissance est fausse. On l’aura compris, ce livre a le grand
intérêt de présenter la Renaissance d’une façon peu
conventionnelle. Malgré les qualités de l’ouvrage, des critiques
peuvent être formulées. Ce faisant, il oublie d’évoquer l’origine
du luth et se contente d’avancer des conjectures sur la
signification symbolique d’une corde que l’on voit cassée.

Or cet instrument venait bien sûr du monde arabe et avait été


introduit en Europe par l’Espagne musulmane. Le luth était
l’instrument noble par excellence, l’instrument qu’un noble devait
savoir jouer et pour lequel existait un répertoire considérable. Par
ailleurs, il est paradoxal que dans un ouvrage consacré à la
dénonciation de l’eurocentrisme, Botton colporte la légende de
l’invention européenne de l’imprimerie par Gutenberg, alors qu’il
est désormais bien établi qu’il s’agit d’une invention chinoise. On
estime en effet que le premier texte imprimé au monde date du
huitième siècle et que le premier « livre » imprimé – il s’agissait
d’un rouleau – date de 868.
Dans ce domaine, l’Europe avait accumulé un retard
considérable. S’agissant ainsi du statut d’artiste – si tant est qu’on
puisse être fondé à parler d’un statut d’artiste, du statut de
l’artiste, ce dont je doute –, il ne semble pas vrai que la
Renaissance soit le moment de l’« invention » d’un nouveau statut
d’artiste. Certains antiquisants ont récemment montré que ce
statut pouvait avoir été élevé en Grèce ancienne, contrairement à
ce qu’on a longtemps pensé. Par ailleurs, je reste très sceptique
quant à la capacité des climats respectifs du Nord et du Sud à
expliquer les différences existant dans les peintures de ces espaces
comme le pense Brotton .
Brotton a tendance à multiplier les anachronismes, parfois sur un
mode provocateur.
Europe. Une telle formulation me paraît nous faire retomber dans
le biais euro centrique dans la mesure où, en qualifiant de «
moderne » ce qui naît en Europe, on a tendance à considérer
comme négligeable, pas « moderne » en tout cas, ce qui existait
antérieurement et ailleurs qu’en Europe. Ce paradoxe
n’appartient pas qu’à Brotton.
Brotton arrête son travail descriptif en 1600. Orient en Occident
ne s’arrêtèrent bien sûr pas à la Renaissance. L’Europe n’a
jamais cessé de s’« orientaliser » , cet Orient pouvant être
islamique ou remonter bien avant l’Islam. Dans le genre artistique
le plus noble, à savoir l’opéra, les sujets orientaux
furent, dans l’Europe baroque, classique puis
romantique, fréquents.

Quand Louis XIV se marie, on fête l’événement devant Xerse, re


di Persia en faisant venir le grand Cavalli
d’Italie. Statira, principessa di Persia du même Cavalli qu’on
couronna Philippe IV d’Espagne. Mehmed, fut mis en musique
par Sammartini. Siroe, re di Persia, a été mise en musique au
moins trois fois au XVIIIe siècle, Artaserse l’a été par un nombre
impressionnant de compositeurs .

Mais c’est bien sûr à Mozart que l’on doit l’opéra « turc » le plus
célèbre, L’Enlèvement au sérail, qui avait été commandé par
Joseph II pour célébrer la levée du siège de Vienne par l’Empire
ottoman. On voit clairement que la présence de l’Orient en
Occident était une caractéristique fondamentale de l’art musical
qui dépassait de très loin une simple mode. J’ajoute que cette
tradition se poursuit jusqu’à nous, et pas seulement dans
l’opéra. Certains des meilleurs spécialistes de la musique baroque
européenne ont fait dialoguer musiques anciennes d’Orient et
d’Occident.

Malgré les conflits et les guerres, l’Orient, qu’il inspire méfiance


ou fascination, qu’il s’agisse du monde perse, turc ou arabe, a de
longue date fait partie du paysage culturel de l’Occident.

Chaib wissal

Groupe 03

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