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SURRÉALISME ET MAGIE
MAGIE DU SURRÉALISME
. ROBERT KOPP .
L
e surréalisme se méfiait de la raison cartésienne, il s'intéressait
en revanche à tout ce que cette raison nous a fait perdre :
l'amour de la folie et le sens du mystère, la confiance faite aux
voyantes, la fascination exercée par les rencontres dues au hasard,
les frissons procurés par les fantômes, l'attrait pour les tables tour-
nantes, l'intérêt pour la télépathie, les prémonitions, la parapsycho-
logie, bref, pour toutes les manifestations de l'irrationnel.
L'irrationnel, les futurs surréalistes en avaient pourtant fait
l'expérience aux alentours de leur vingtième année sous sa forme
la plus horrible : la folie meurtrière de la Grande Guerre contre
laquelle aucun de leurs grands maîtres n'a su élever sa voix.
Jaurès, le seul opposant de poids, avait été assassiné. Romain
Rolland se voulait « au-dessus de la mêlée » et avait pris le chemin
de l'exil à Genève. Valéry et Gide gardaient un silence atterré,
refusant toute prise de position et ne publiant rien. Quant à
Apollinaire, il avait peur - vu ses origines étrangères - de ne pas
afficher assez son patriotisme. Les futuristes enfin, qui formaient le
mouvement d'avant-garde le plus bruyant des années précédant le
conflit, se montraient on ne pouvait plus bellicistes. « Nous vou-
lons glorifier la guerre, seule hygiène du monde - écrivait
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faire dialoguer ces objets avec les peintures de ses amis, celles de
Mirô par exemple, exposées à la Galerie surréaliste en 1926. Ce fut
l'une des premières tentatives de rapprocher dans un même lieu un
ensemble de statues océaniennes (provenant, pour une bonne part,
de la collection de Breton) et de tableaux modernes. Inutile d'ajou-
ter que la presse de l'époque cria au scandale.
Breton avait un œil très sûr. Il sentait si une statue était habi-
tée ou non. Il savait reconnaître la qualité d'un tableau. C'est ainsi
qu'il avait acheté, à la fin de la Première Guerre mondiale, le
Cerveau de l'enfant de De Chirico et que, quelques années plus
tard, il fit acquérir à Jacques Doucet, dont il était devenu le
conseiller, la Charmeuse de serpents du Douanier Rousseau et les
Demoiselles d'Avignon de Picasso, entre autres.
Collectionneur et même courtier à ses heures. Ses ennemis le
lui ont assez reproché. Mais il fallait bien vivre. Éluard faisait parfois
le même métier. Et en 1931, année particulièrement difficile, ils mirent
en vente, tous les deux, à l'hôtel Drouot, leurs collections d'art primi-
tif. « L'argent manque terriblement - écrit Éluard à Gala, en
février 1931. J'ai vu Ratton hier qui offre de faire une vente début mai.
Il m'avancerait, sur ma demande, 10 000 francs. [...] Il y a à cette
époque l'Exposition coloniale et il pense que ça aiderait. » Charles
Ratton ne s'était pas trompé. L'Exposition coloniale fut un immense
succès. Personne ne prit note des protestations des surréalistes et des
communistes, qui essayaient d'inciter leurs contemporains à boycotter
l'exposition. Quant à la vente des « Sculptures d'Afrique, d'Amérique,
d'Océanie », les 2 et 3 juillet 1931, elle dépassa largement les prévi-
sions, les objets les plus rares montant jusqu'à 14 000 francs et beau-
coup d'autres rapportant entre 2 000 et 3 000 francs. N'est-ce pas un
nouvel indice de la sûreté du goût et de Breton et d'Éluard ?
Contrairement à certains de ses camarades, comme Michel
Leiris, par exemple, Breton n'était pas un grand voyageur. Il n'a
jamais mis les pieds en Afrique ni en Océanie, et ce n'est qu'en
1938, grâce à une mission que lui avaient obtenu Saint-John Perse
et Henri Laugier, qu'il découvre le Mexique, où il est accueilli par
Diego Rivera et Frida Kahlo. Mais il est davantage préoccupé par le
manifeste « Pour un art révolutionnaire indépendant » qu'il tente
d'élaborer avec Trotski que par les vestiges des Mayas et l'art pré-
colombien. Et ce qu'il sait des Tarahumaras, il l'a appris par Artaud.
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