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Le romantisme

1) L'exaltation de l'individu et du sentiment


A. L'importance du MOI
a) droit au lyrisme personnel, à l'expression de soi ; écriture à la première personne, mais le
"moi" romantique est universel, chaque homme reflète l'humanité (V.Hugo, Préface des
Contemplations "Ah ! insensé, qui crois que je ne suis pas toi.").

b) "mal de vivre" : l'état d'âme commun à tous les artistes romantiques se traduit par une
inquiétude profonde qui contraste avec l'optimisme, la confiance en l'avenir qui a été celle du
philosophe des Lumières ; malaise existentiel, "vague des passions", "mal du siècle" dû aux
frustrations provoquées par la chute de l'Empire, la Restauration et le sentiment d'une société
bloquée (Musset, La Confession d'un enfant du siècle, 1836) :
- fuite du temps ;
- insatisfaction née du décalage entre les rêves et la réalité, aspiration à l'infini, mais univers aux
bornes étriquées :"L'imagination est riche, abondante et merveilleuse ; l'existence est pauvre, sèche et désenchantée.
On habite avec un cœur plein un monde vide, et sans avoir usé de rien on est désabusé de tout." (Chateaubriand,
Génie du christianisme) ;
- souffrance, considérée comme signe de distinction, triste privilège des âmes élevées, étrangères à
un monde qui ne les comprend pas ; lassitude, ennui, mélancolie, solitude du Moi, amertume de
l'exil ; interrogation sur une identité perturbée (Chateaubriand, René) ;
- doute religieux, inquiétude métaphysique, recherche de nouvelles certitudes au-delà de la
religion révélée.
c) recherche du bonheur néanmoins : le romantique cherche à l'atteindre par l'amour, un
sentiment sanctifié, divinisé ; mais c'est aussi et surtout un sentiment douloureux, car il est le plus
souvent contrarié par l'éloignement , la mort, et pis encore par la trahison de l'être aimé.
d) relation particulière entre l'homme et la nature : engouement nouveau pour la nature, face à
une société qui s'industrialise ; l'artiste cherche dans la nature un sens nouveau de la beauté, une
sérénité ;
- en général sauvage, elle est la confidente des plaintes mélancoliques ; on aspire à fusionner avec
elle, à s'y
réfugier ; correspondances entre paysage et état d'âme ; poésie des ruines ...
- immuable, elle s'oppose au caractère éphémère de l'homme ("Le Lac", Méditations, de
Lamartine, 1820).
- les paysages étranges sont aussi le mode d'accès au fantastique, la révélation d'une inquiétude
spirituelle.
B. la primauté de la sensibilité et de l'émotion

a) douceur des sentiments élégiaques, brutalité des passions (Dumas fils, La Dame aux camélias)
On recherche un idéal de sentiments, on croit en la grandeur de l'homme, aux bons sentiments qui
exaltent l'âme.

b) réhabilitation de la sensibilité contre l'excès de raison : Déjà à l'époque de J.J.Rousseau (La


Nouvelle Héloïse, 1761 ; Les Confessions, 1770), "on était las de la raison trop longtemps prônée, de l'intellectualité
qui insistait pour comprendre avant de sentir", dit le critique Henri Peyre. "Ah ! frappe-toi le cœur, c'est là qu'est le
génie / C'est là qu'est la pitié, la souffrance et l'amour..." (Musset, A mon ami Edouard Bocher, 1832)
- On aime ce qui fait sortir l'homme des limites de la raison et de la conscience immédiate du réel ;
intérêt pour l'irrationnel, après le siècle des Lumières où semble l'emporter la confiance dans la raison.
- Cela conduit certains à s'intéresser aux sciences occultes, au monde des rêves ; intérêt pour le
mystère, le surnaturel, le fantastique (Gautier, Le Roman de la momie, Mérimée, La Vénus d'Ille,
Villiers de l'Isle-Adam, Véra). Les romantiques interrogent l'au-delà, questionnent sans cesse
l'invisible : histoires de fantôme, de cimetière, de légende extraordinaire. Au "bourgeois conquérant",
qui entend avoir les pieds sur terre, l'artiste romantique répond par le défi insaisissable de l'imaginaire.
c) réveil religieux : goût pour une religion de la sensibilité et du cœur.
- certains romantiques renouent avec l'inspiration religieuse, voyant dans le christianisme une source
de poésie et d'émotion (Chateaubriand, Génie du christianisme, 1802)
- religion qui se sépare des religions révélées parce que Dieu se révèle dans la nature (Rousseau,
L'Emile, Profession de foi du vicaire savoyard).
Au XVIII° siècle, les Lumières s'étaient attaquées à la foi des ancêtres, avaient contesté les religions
révélées, placé la raison au cœur de l'histoire et pensé pouvoir annoncer une nouvelle foi placée dans
l'homme ; cette foi nouvelle fut d'emblée contestée, surtout en Allemagne, et le romantisme naquit de
cette volonté de restaurer les vieilles croyances qui constituaient la charpente de la société ; cette
opposition romantique de droite fut bousculée quand le mouvement s'étendit à toute l'Europe, mais
ceux qui refusaient cette orientation à droite furent touchés par l'esprit religieux et on assista à la
renaissance d'un spiritualisme, au besoin d'une foi nouvelle que le romantisme semblait incarner.
D'où les autobiographies, la prédilection pour le genre lyrique, la poésie élégiaque, contrairement
au XVIII° siècle.

2) Le rêve, le désir d'évasion, mais aussi l'action et l'engagement :deux attitudes


antithétiques

A. Recherche d'un ailleurs, divertissement à l'ennui et projet pour une énergie inemployée. Le
mouvement romantique tend parfois à fuir la réalité, trop décevante, et à se réfugier dans un monde
imaginaire.

a) Fuite, exotisme dans le temps.


- Retour aux sources nationales : goût réactionnaire pour le moyen âge chrétien, le "gothique", les
cathédrales, redécouverte d'une époque médiévale pittoresque ; on recrée la réalité, on transforme
parfois l'histoire pour recréer des époques qui font rêver le lecteur : poésie du XVI° siècle, romans de
cape et d'épée (Dumas, Les trois Mousquetaires; Hugo, ND de Paris) ;
- Légende de Napoléon, figure douloureuse d'un grand destin brisé : nostalgie tragique de l'histoire
immédiate.
- Les grands mythes (Prométhée, Faust) fournissent une allégorie des aspirations de l'homme moderne.
(Hugo, La Légende des siècles).
b) Fuite, exotisme dans l'espace.
- Intérêt pour les littératures et civilisations étrangères : les littératures du Nord, l'Italie, l'Espagne,
l'Orient (ciel, couleurs, moeurs, passions). Une Méditerranée nouvelle s'impose, celle du monde
musulman, celle qui se révolte contre le joug ottoman (Jérusalem pour Chateaubriand, l'Egypte pour
Nerval, le Maroc pour Delacroix) ; dépaysement et réflexion sur les civilisations disparues. Des
événements qui seraient déplacés à l'âge moderne et en Europe deviennent possibles dans le cadre
médiéval ou oriental.
- Le romantique est aussi un grand voyageur (Italie, Allemagne, Grèce, Orient, Nouveau Monde) :
recherche d'impressions nouvelles.
c) Exotisme du mal, autre moyen d'évasion :
- L'esthétique romantique privilégie volontiers l'anormal, le difforme, l'étrange (Quasimodo, dans
Notre-Dame de Paris) ; fantastique et onirisme (ce qui relève du domaine du rêve) ; goût de l'horreur,
atmosphère complaisamment morbide (prison, guillotine, bourreau, profanation ...). Ex. : le
Frankenstein, de Mary Shelley, trad. en 1821.
- Vertige de la débauche (Musset trahi par sa maîtresse, George Sand). Déchirure entre la chair et
l'idéal, homme partagé entre la femme charnelle dangereusement sensuelle et la femme idéale, pure,
vierge ou mère (Balzac, Le Lys...)
- Le mal, expression d'une révolte représentée par la figure symbolique de Satan (Méphistophélès,
dans Faust,Goethe).
B. Action et engagement ; refus du monde établi ; vitalité qui pousse à agir : pour épouser la cause du
peuple, le romantisme se fait moins rêveur.
a) révolte individuelle, volonté de progresser socialement (ex. : Julien Sorel, dans le Rouge et le Noir
de Stendhal).

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