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thème 2, étude d’ensemble : la quête de la bonne éducation dans Gargantua

éléments à savoir pour le contrôle de fin de séquence

Le thème de la pédagogie passionne la Renaissance. Presque tous les Humanistes composent des
ouvrages pédagogiques et la plupart enseignent, comme Erasme ou Guillaume Budé. Rabelais lui-même
enseigne la médecine en s'appuyant sur les ouvrages d'Hippocrate et de Galien, médecins grecs.
Le thème de l'éducation du prince est aussi important ; on pensait alors que l'éducation du prince
suffirait à établir un âge d'or. Erasme écrit ainsi une Institution du prince chrétien (1513) ; Gargantua constitue
aussi un traité d'éducation, et son héros devient un roi philosophe, prudent et avisé, entouré de sages
conseillers.

I. Les dispositions naturelles de Gargantua

– Le chapitre 11 montre un Gargantua dans sa petite enfance, livré à ses instincts animaux ; pourtant,
ironiquement, le début du chapitre le dit « élevé et instruit dans toutes les bonnes disciplines. »
Rabelais semble vouloir dire qu’il est vain de commencer trop tôt à éduquer les enfants. A chaque âge ses
besoins ; le bébé est comme un petit animal, et il serait prématuré de vouloir brimer sa nature ; il faut au
contraire le laisser libre de découvrir les fonctions de son corps. L’énumération des proverbes que contient ce
chapitre représente ainsi symboliquement ces expériences en totale liberté.

Le jeune Gargantua est décrit comme « flegmatique », c'est-à-dire mou. Il a pourtant des dispositions précoces
qu'il manifeste au cours de deux épisodes : celui des chevaux factices (chap. 12) et celui du torche-cul (chap.
13)
- les chevaux factices : l’enfant prouve que son imagination est très développée, puisque ses chevaux jouets lui
paraissent égaux à des vrais ; il montre aussi son agilité verbale en jouant sur les mots, comme avec des mots
commençant par « pape » : « … vous serez papillon, et ce gentil papegai sera un papelard tout fait. » , ou avec
le mot « sens » p. 88 (« un sens » peut s’entendre comme « un cent », une centaine) ; enfin il maîtrise la
logique, car il pose un problème logique inspiré des traités du savant grec Aristote : « S’il vous fallait aller d’ici
à Cahusac, qu’aimeriez-vous mieux : chevaucher un oison, ou mener une truie en laisse ? » (un problème de
logique examiné dans les écoles grecques était : « Quand on mène un porc au marché, par quoi le porc est-il
dirigé : par un homme, ou par sa laisse ? »)

- le torche-cul : le chapitre est une parodie d’expérimentation scientifique ; Gargantua y fait preuve d’un
esprit remarquablement méthodique en faisant une recherche systématique du moyen le plus agréable de se
torcher. Il teste ainsi d’abord la catégorie des vêtements (l. 15 à 27), puis celle des végétaux (l. 32 à 38), etc. et
aboutit à la conclusion que le torche-cul le plus agréable est « un oison bien en duvet » (p. 67). En plus de cela,
le chapitre contient des allusions claires au célèbre poète Clément MAROT (1496-1544), comme « en rimant
souvent m’enrime (= m’enrhume) » qui vient d’un un poème de Marot. De plus les deux poèmes pp. 92-93 sont
parfaitement réguliers dans le texte d’origine, le premier réalise l’exploit de tenir sur deux rimes avec des vers
de deux syllabes le plus souvent1 ; le second est un rondeau
qui suit un schéma de rimes souvent utilisé par Marot.
 Pour Grandgousier, cette invention est le signe que Gargantua est prêt à recevoir un enseignement.
Il le confie à maître Thubal Holoferne

1
Le premier poème dans le texte d’origine : « Chiart / Foirart / Petart / Brenous, / Ton lard / Chappart / S’espart / Sur nous.
/ Hordous/ Merdous / Esgous / Le feu de saint Antoine te ard : / Si tous / Tes trous / Esclous / Tu ne torches avant ton
départ. »
II. La première éducation de Gargantua : une satire de l'éducation médiévale (chap. 14)

Rabelais et les humanistes, notamment Érasme, pensent que l'éducation médiévale dispensée par les
théologiens de la Sorbonne est responsable des vices de pensée de son temps. Ainsi maître Thubal
Holopherne et maître Jobelin Bridé incarnent les mauvais maîtres, ceux qui s’en tiennent à l’enseignement du
Moyen-Âge : la scolastique. Cet enseignement mêle la philosophie d’Aristote et les principes chrétiens. Le
programme de lecture de Gargantua est celui de l'éducation médiévale : grammaire et vocabulaire latin, traité
de civilité, histoire sainte, traité de morale, compilations historiques, ouvrages de rhétoriques, recueils de
sermons.
Érasme reproche à la scolastique de s’être éloigné du texte biblique et d’en brouiller le message, ainsi que de
privilégier les savoirs savants et théoriques plutôt que ceux dérivant de l’expérience. Les Humanistes en
général lui reprochent de bourrer le crâne des élèves, de privilégier des apprentissages par cœur inutiles et
d’accorder plus d’importance aux commentaires des œuvres qu’aux œuvres elles-mêmes. Un grand principe
humaniste est la lecture directe des textes savants de l’Antiquité.

Au chapitre 19, le plaidoyer de maître Janotus de Bragmardo pour récupérer les cloches de Notre-Dame est
censé représenter les méfaits de la scolastique : son discours est inutilement pompeux et plein de formules
latines apprises par cœur tirées des leçons de rhétorique des auteurs antiques. De plus ce discours est très
embrouillé, plein de digressions inutiles, et trahit surtout l’attrait du locuteur pour l’alcool. La scolastique ne
procurerait qu’un verni de culture sous lequel l’homme instinctif se révèle, alors que l’Humanisme forme un
homme complet parfaitement civilisé.

La satire fonctionne en insistant sur :


- la longueur démesurée des études : 53 années en tout ! Il faut comprendre que c’est autant de temps perdu.
- L'ennui que procurent ces études est souligné par la pesanteur et la capacité du matériel : son écritoire pèse
7000 quintaux (p. 100 ) chap. 21
- l’absence de texte grecs ou latins originaux, mais des ouvrages écrits par des théologiens et surchargés de
commentaires. La satire passe par les jeux de mots sur les noms de ces commentateurs (p. 100) : Heurtebise
« frappe dans le vent », donc inutilement ; « Billonio » = sans valeur, « Tropdentreux » = minable…
- l’appel à la mémoire mécanique et pas à l'intelligence : cet aspect purement mécanique est tourné en dérision
par le fait que Gargantua récite son alphabet « par cœur et à l’envers » (p. 99, chap. 14)

Cette éducation entraîne aussi les mauvaises habitudes de vie du chap. 21 :


- régression : boire et manger sont les activités principales, toutes se faisant à l'excès
- négligence de l'hygiène
- pratique mécanique de la piété, quantité assommante de prières : par exemple il entend « vingt-six ou trente
messes » (p. 135)
Le temps consacré à l'étude est maigre : (une demi-heure), et s’oppose à l’énumération interminable des jeux
dans le chapitre 22

 l'élève devient « complètement fou, stupide, rêveur et idiot » (p. 105 chap. 15): il est assommé de
connaissances qu'il ne fait que répéter. Cette éducation n'impose aucune contrainte, elle encourage les
mauvais penchants (paresse, négligence). La satire, dans ce chapitre, n'a pas tant pour but de peindre les
réalités de l'éducation médiévale, qui ne devait pas être si mauvaise puisqu'elle éveilla l'esprit des premiers
humanistes, mais surtout de rendre possible le tableau inversé que l'auteur se propose de faire dans le chapitre
23.
III. L’éloge de l'éducation humaniste (chapitres 14 et 21)

– chapitre 15 : il établit un contraste entre Gargantua et le page Eudémon (en grec : « le bien doué ») : ce
dernier, qui a suivi une éducation plus moderne que Gargantua et n’a étudié que pendant deux ans illustre
l’efficacité de l’éducation humaniste. Son portrait insiste sur l’une des valeurs humanistes, le soin apporté au
corps et au vêtement. Dans le discours qu’il prononce on trouve appliqués les principes de l’éloquence antique
enseignés par le romain Cicéron (l’invention, l’organisation, la mise en mots et la bonne élocution, la
mémorisation, la prestation physique) : des adverbes soulignent que son discours est organisé, de plus à
l’éloquence se joignent des qualités de mise en action : (il a des) «gestes si appropriés, une prononciation si
claire, une voix si éloquente, et un langage si orné et de si bonne latin »

Eudémon est un modèle d’humaniste : il a étudié la rhétorique directement dans le texte antique de Cicéron
et sait l’appliquer à une situation contemporaine, cette éducation le rend meilleur en faisant de lui un être
sociable, capable de bien communiquer, ouvert aux autres.

Face à ce savoir qui semble si naturel Gargantua est décontenancé, il pleure et ne répond pas. Son père décide
d’agir, il donne un nouveau maître à son fils, Ponocrates, dont le nom signifie ………puissance de travail… (p.
108)

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