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Journal mensuel N°8 Avril 2023

Réflexion sur l’unité entre intercultura-

lité et multiculturalisme.
Le Journal Tchicaya Utam’si est un espace de réflexion des
étudiants congolais d’ici et d’ailleurs, ouvert à tous les amou- « S’approprier nos imagi-
reux du logos. Le journal a pour mission d’éveiller les cons- naires à investir, sans ou-
ciences africaines au « Saper Aude » ...la sortie de l’état de
tutelle pour oser penser par soi-même….Pour ce mois d’avril, blier l’urgence de connaitre
nous réfléchissons autour de la question de l’ethnocentrisme. et de mieux faire connaître
. Bonne lecture, à tous et à toutes... nos penseurs»

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Dans ce numéro :
 Editorial. Noce LOUGANANA

 ‘‘Entre « Oui » ou « Non » à

l’ethnocentrisme au Congo.’’
Gloire MALONGA

 « L’unité entre interculturalité

et multiculturalité »
Olivier BAVOUMINA

BRAZZAVILLE
 Éditorial
I nterculturalité et multiculturalisme,
deux concepts nuancés, peut être
aussi différents ; ce qui est sûr et certain,
ils doivent être ramenés à la compréhen-
sion d’une même réalité : la société avec
ce qu’il y a comme rapports d’interac-
tions entre groupes culturels différents
d’une part, mais aussi des rapports de
cohabitation entre différents groupes,
chacun cherchant toujours à préserver
son identité, d’autre part. Dans tout cela,
il revient à l’Homme de faire son choix :
soit s’intégrer et participer à la cohésion
sociale et protéger ainsi l’ensemble des
identités culturelles concernées, soit se
renfermer sur soi, donc opté pour un repli
identitaire avec tout le risque d’être accu-
sé de communautarisme.
Interculturalité et multiculturalisme peu-
vent être analysés suivant une approche
socio-politique, surtout dans les nou-
veaux Etats, comme ceux d’Afrique (âgés
en moyenne de 60 ans) où se pose une
épineuse problématique, celle de la cons-
truction de la nation. Point n’est besoin
ici de développer toute la théorie d’Ernest
Renan ou de tout autre expert. Ni la
langue, ni l’appartenance à un groupe
ethnique, qui fait la nation ; la nation,
c’est le vivre-ensemble, l’intériorisation
par les uns et les autres des valeurs essen-
tielles à savoir : la tolérance, le respect de
la dignité humaine, de la laïcité, des cul-
tures et des religions, la prévention des
conflits, la liberté, la citoyenneté, l’affir-
mation de l’individu comme acteur et bé-
néficiaire du développement…Mais, c’est
une œuvre de longue haleine au vu des
écueils à éviter ou des fléaux à éradiquer,
en premier le tribalisme, le clanisme,
l’ethnocentrisme, la privatisation de bien
commun et de l’espace public par le par-
ticulier, la patrimonialisation du pouvoir,
souvent destructeurs de la paix et de la
cohésion sociale. Pire, sous d’autres
Cher(e)s lectrices et lecteurs, nous vous souhaitons une très bonne lecture.
Noce Gracia Régis LOUGANANA, sss
cieux, il y a des formes de légalisation et
parfois de légitimation de ces fléaux :
Hier, ivoirité en Côte d’Ivoire et l’on sait
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combien ont été incalculables les consé-
quences sociales ; aujourd’hui, on s’ap-
prête à voter la loi sur la congolité en Ré-
publique Démocratique du Congo. Reste
aussi à relever le défi de la lutte contre le
terrorisme sous quelque forme qu’il
existe de même que les fondamenta-
lismes religieux.
Interculturalité et multiculturalisme sont
à la croisée des chemins du vivre-
ensemble. La perception de ces deux con-
cepts, l’approche que l’on devra y avoir, Noce Louganana, sss
méritent de changer ou d’évoluer. A l’ère
de la mondialisation, de la globalisation, Etudiant- religieux
les barrières tombent une à une et les (Pointe-Noire)
frontières disparaissent. Les distances se
réduisent et le monde devient un village
planétaire. Cela est rendu possible par
l’internet et les Nouvelles Technologies
de l’Information et de la Communication SOMMAIRE
(NTIC). Ainsi, les civilisations sont en
passe de se vider de leurs contenus, de
leur substance. Il en est ainsi des élé-
ments du langage ou des langues dites
maternelles au sein des sociétés ou des 2…...éditorial
familles suite à une appropriation des
langues, jadis, considérées comme étran- 3……. Entre oui ou non
gères. Il en est de même des habitudes à l’ethnocentrisme au
alimentaires, des styles vestimentaires et Congo.
autres.
L’heure est venue de construire d’autres 4……..l’unité entre in-
façons de vivre, de nouvelles manières de terculturalité et multi-
communiquer, d’agir, de penser. Il faut
construire des Ponts comme le Pont sur le culturalité.
Congo voulu par Franklin BOUKAKA.
Dans une société universalisée, l’on est
tenté de dire comme Saint-Paul : « Il n’y
a plus ni juif, ni grec, il n’y a plus ni es-
clave ni libre, il n’y a plus ni homme ni
femme car tous, vous êtes un en Jésus-
Christ ». Cf. Galates 3, 27-28. Tel est le
chemin qu’empruntent Gloire MALON-
GA et Olivier BAVOUMINA dans leurs
différents articles.
 Entre Oui ou Non à l’ethnocentrisme au Congo
Le désir très ardent et inassouvi de pos-
séder, de se faire valoir ainsi que d’accor-
der le même traitement aux membres de
sa famille, de son cercle clanique, et ce,
par tous les moyens possibles, incarne
inévitablement l’ethnocentrisme qui est
cette tendance qui consiste à réduire le
monde à sa propre ethnie ou culture de
sorte à l’ériger en tout et partout au seul
et unique modèle de référence. L’ethno-
centrisme est dans le monde la source de
multiples crises humanitaire, sociale et
politique. De ce fait, comment peut-on
résoudre le mal ethnocentrique en
Afrique plus particulièrement au Congo-
Brazzaville ?
Le Congo est un pays de l’Afrique
noire, qui se présente comme une maison
à multiples chambres c’est-à-dire, regrou-
pant en son sein une kyrielle d’ethnies,
chacune vivant selon ses traditions, ses
coutumes et selon un mode de vie bien
déterminé. Par ailleurs, l’ethnocentrisme
qui est un mode d’organisation basé sur
l’ethnie, donne à voir dans l’espace con-
golais, de nombreux phénomènes liés au
phagocytage de l’Ubuntu, de la bisoïté et
du vivre-ensemble qui sont les valeurs
maitresses de l’homme congolais. Com-
ment alors passer de la culture ethnique à
la culture nationale ? En existe-t-il une
culture nationale au Congo ? Si, non,
comment procéder au tissage culturelle-
ment national au Congo ?
En effet, dans l’univers politique, la
diférenciation ethnique est un facteur clé
qui conduit au clivage social. Cette réalité
se rend patent à travers notamment le
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conflit Nord-Sud qui divise la nation, en
trainant la société congolaise vers le bas
et en la dépouillant de ses valeurs mères
que sont « l’Ubuntu » et la « bisoïté »,
comme si le Congo n’avait pas de partie
Ouest, Est et Centre. Ce mal a aujour-
d’hui gagné tous les secteurs d’activités
au Congo. Il met à mal l’éducation natio-
nale, la vie professionnelle, l’administra-
tion étatique, etc. Une telle pathologie est Gloire MALONGA
à l’origine de la légifération de la corrup- Séminaire Firmin Singha
tion comme « modus vivendis » du con- (Brazzaville), Philo I.
golais. Ainsi donc, être qualifié dans un
domaine donné, passe aujourd’hui pour
un simple détaille, car la compétence se
« Le peuple est ainsi con-
substitue par la parenté ce qui explique
fronté au problème concret
sans gêne la canonisation de l’incompé- de difficultés d’eau potable,
tence dans ce contexte de crise ethnocen- d’électricité, de routes, de
trique. Le peuple est ainsi confronté au soin, et d’éducation, etc. »
problème concret de difficultés d’eau po-
table, d’électricité, de routes, de soin, et
d’éducation, etc.
Si l’ethnocentrisme est le théâtre du
favoritisme et de l’injustice, la réalité est
qu’une telle tendance idéologique comme
« l’ethnocentrisme ne sau-
rait aider une nation à aller
d’ailleurs toute notion couronnée du dog-
de l’avant, bien au con-
matisme du « isme » idéologique, l’eth- traire, il constituera un
nocentrisme ne saurait aider une nation à frein au développement car
aller de l’avant, bien au contraire, il cons- la nation c’est l’ensemble
tituera un frein au développement car la de plusieurs personnes
unies par une identité histo-
nation c’est l’ensemble de plusieurs per-
rique, appelée à cheminer
sonnes unies par une identité historique, ensemble vers un même ho-
appelée à cheminer ensemble vers un
même horizon.
 L’unité entre interculturalité et multiculturalité
La culture est l’une des notions in-
hérentes à l’homme qui, contrairement à
d’autres animaux s’arrache à l’immédiate-
té de la nature pour s’enraciner au sein
d’une culture. La culture est alors un en-
semble de construits humains qui confère à
l’homme une identité. Notre agir, notre
conception et ou interprétation du monde
sont le résultat de notre culture, c’est-à-
dire de notre milieu d’appartenance. En
effet, autant il y a des cultures, autant il y a
de mode de vie et de vision du monde ; ce
qui donne à voir dans cette diversité une
source de richesse certes, mais pas tou-
jours dans tous les cas, car la diversité cul-
turelle peut à la fois être source de richesse
d’une part et source de déclin d’autre part.
Ainsi, comment penser la diversité comme
source de richesse ?
La culture est le dénominateur commun
entre l’interculturalité et la multiculturali-
té, car l’interculturalité, c’est-à-dire la rela-
tion entre moult individus de différentes
cultures dans un respect réciproque en vue
d’un vivre-ensemble harmonieux, n’est en
effet possible que dans un contexte de
multiculturalisme, c’est-à-dire dans un
contexte de pluralité culturelle. La plurali-
té et ou la diversité pouvant être source de
richesse, ne peut l’être que dans un con-
texte où le différent participe à la sympho-
nie mieux encore à l’harmonie, donc à
l’unité. Hélas, cela n’est pas toujours le
cas, dans le cadre ethnique, tribale ou
même racial.
Pire encore, l’on remarque même des dis-
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sensions au sein d’une seule ethnie. Com-
ment donc penser l’unité dans un contexte
de multiculturalité, notamment dans nom-
breux de nos pays en Afrique ?
Partant du monoculturel pour le multicul-
turel, nous remarquons que l’homme est
naturellement réservé en ce sens où il re-
pousse ce qui lui est étranger. Aristote dira
« il est évidemment préférable de passer Olivier BAVOUMINA
son temps avec des amis et des hommes de
Séminaire Daniel BROT-
bien qu’avec des étrangers ou des compa-
TIER (Libreville) , Philo III
gnons de hasard » (Ethique à Nicomaque
IX, 9, 20). C’est dire que de prime à bord,
la différence fait peur, tandis que la
« mêmeté », rassure la sécurité. Pour
mieux comprendre cette répulsion intercul-
turelle, nous pouvons nous référer au sec-
teur religieux notamment dans les rapports
multiformes entre religions monothéistes « La pluralité et ou la diver-
sité pouvant être source de
(Judaïsme, Christianisme et Islam). La réa-
richesse, ne peut l’être que
lité de la dissension même au sein de
dans un contexte où le diffé-
« l’un », que nous pouvons retrouver au rent participe à la sympho-
sein d’une culture, peut aussi se percevoir nie mieux encore à l’harmo-
dans lesdites religions dans lesquelles nous nie, donc à l’unité. »
trouvons plusieurs démembrements tant
soit du christianisme ou de l’islam ainsi
que plusieurs sous multiples de leurs mul-
tiples (du christianisme au catholicisme, de
ce dernier au catholicisme romain et ou
oriental par exemple). « L’homme c’est sa culture ;
voilà pourquoi l’histoire de
L’homme c’est sa culture ; voilà pourquoi
l’humanité est jonchée de
l’histoire de l’humanité est jonchée de choc civilisationnel, cultu-
choc civilisationnel, culturel etc. rel etc. »
Envers et contre tous, certes qu’il soit
difficile, mais il n’est pas impossible de
parler d’« Unité » dans un contexte où le
sociologiquement correct érige la diffé-
rence en critère de marginalisation voire
même d’exclusion. La question sous-
jacente serait donc de savoir ce qui peut
servir de matrice d’unité entre les cultures.
Pour répondre à cette question, nous ou-
vrons une piste de recherche à partir de
Charles Hampden-Turner et Fons Trompe-
naars qui affirment: « On a constaté que
l’opposition éternelle entre le cœur et
l’intellect, la raison et l’instinct, la cogni-
tion et la conation, disparait chez les indi-
vidus sains quand ces pôles deviennent sy-
nergiques plutôt qu’antagoniques, et quand
le conflit qui les oppose s’efface parce
ENTRETIENT AVEC PRECIEUX GOMA
Journal Tchicaya Utam’si. : Bonjour Mr Pr é-
cieux, pouviez-vous brièvement vous présentez?
Précieux : Bonjour , cher s tous, je suis pr écieux
GOMA, étudiant en Philosophie (licence II) à
l’Université Catholique d’Afrique Centrale.
J.T.U: L’UCAC sous la houlette de la faculté de
philosophie venait de vivre un évènement heuris-
tique de haute facture, un colloque international
transdisciplinaire, pouviez-vous en quelques mots
nous résumer l’essentiel de ce banquet sapientiel
auquel vous aviez pris part?
Précieux : le dit colloque inter national qui s’est
tenu à L’Université Catholique d’Afrique Centrale
du 18 au 20 avril a regroupé des scientifiques, en-
seignants, chercheurs et étudiants venant de par-
tout, autour du thème : « logique du corps, dyna-
mique sociale et devenir de l’humain en
Afrique ». Colloque qui se voulait transdiscipli-
naire, philosophes, théologiens, médecins, socio-
logues, anthropologues, historiens, littéraires, ju-
ristes, politologues, bio-éthiciens, stylistes, etc. ont
réfléchis durant trois jours autours des usages et
mésusages du corps.
J.T.U: Que r etenez-vous de fondamental durant
ce colloque?
Précieux: je r etient tr ois pr incipaux axes à ap-
profondir : primo, l’homme se donne d’emblée
comme corps, donc penser l’homme, c’est partir de
ce qui se donne premièrement à nous, le corps.
Secundo, dans un contexte dominée par les
idéologies du post humain, une méditation philoso-
phique autour de la réalité du corps s’impose en
qu’ils disent la même chose et tendent vers
les mêmes conclusions ».( C. Hampden-
Turner et F. Trompenaars, Au-delà du 5
choc des cultures. Dépasser les opposi- « On a constaté que l’oppo-
sition éternelle entre le
tions des cultures, Paris, Organisation,
cœur et l’intellect, la raison
2004, P. 9). C’est dire que le prix de l’unité
et l’instinct, la cognition et
interculturel dans un cadre multiculturel la conation, disparait chez
serait donc la valorisation de la culture de les individus sains quand
l’autre, la tolérance de la différence et l’ou- ces pôles deviennent syner-
giques plutôt qu’antago-
verture au rendez-vous du donner et du
niques, et quand le conflit
recevoir, car au centre de toutes les cul-
qui les oppose s’efface
tures ressort l’idée d’une célébration de parce qu’ils disent la même
vie, car le désir de vivre est universelle- chose et tendent vers les
ment partagé chez l’être humain dira Aris- mêmes conclusions ».
tote.
vue de redonner sens au corps, un sens qui res-
pecte la dignité humaine, la sacralité du corps
humain. Tertio, les politiques, dirigeants africains,
doivent s’investir dans un dialogue fructueux et
éclairant avec les hommes de sciences notamment
les grandes firmes occidentaux qui aujourd’hui
proposent de manière imposante par le biais d’une
« morale sous-jacente » (pour reprendre célestin
Manga), à l’Afrique, et les joyaux de la technos-
cience et le libéralisme fort lascif qui n’entrent
pas toujours dans la visée éthique et morale de
nos cultures africaines. Dialogue au sortir duquel
l’africain sera libre de choisir ce qui est bon pour
lui.
J. T.U: Au sor tir d’un tel festin heuristique, quel
conseil donneriez-vous au cher public lecteur du Nous contacter
Journal Tchicaya Utam’si ? N’hésitez pas à nous
appeler pour obtenir des
Précieux : « j’ai mon corps, mais je suis aussi
informations supplémen-
mon corps », ce que je peux dire en dernier ressort,
taires sur notre journal.
c’est que dans un aujourd’hui où l’on assiste à une
uniformisation du discours en Afrique, le discours Info: Directeur de pu-
sur le développement, l’on ne peut pas penser le blication Joseph Ngué-
développement avec un corps social malade. Or, taridi. +243 895 436 205
pour qu’un état puisse jouir d’un corps social sain, whatsApp: +242 06
il faut des corps humain sain, car le supplice infli- 6009654
gé au corps humain affecte de facto, la psyché, la
(242) 06 748 4449
personne. Ainsi, penser le développement, c’est
dire non aux violences, aux guerres et à toute dé- Www.rationalitebantu@y
mesure du pouvoir. ahoo.com
J. T.U: Nous vous disons mer ci, cher Pr écieux! Visitez notre site web :
https:www.rationaliteban
Précieux: Mer ci au jour nal Tchicaya Utam’si toue.com
également.
Propos recueillis par Ntsana Eldon Jaures, op