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Casanova Pablo González. Société plurale, colonialisme interne et développement. In: Tiers-Monde, tome 5, n°18, 1964. pp.
291-295;
doi : https://doi.org/10.3406/tiers.1964.1027
https://www.persee.fr/doc/tiers_0040-7356_1964_num_5_18_1027
Ce qui est intéressant n'est pas tant de savoir s'il est condamnable ou non
que les classes dominantes des nouvelles nations jouent un rôle similaire à
celui des anciennes puissances coloniales, mais de rechercher dans quelle
mesure et comment ce phénomène peut fournir une explication sociologique
au sous-développement. Pour cela il faut aborder le problème sous deux
aspects : l'un permet de définir le colonialisme en tant que phénomène
intégral pouvant être observé aussi bien comme catégorie interne
qu'internationale. L'autre montre comment a évolué ce phénomène dans une nation
jeune, mais qui a déjà dépassé l'étape du take off et qui a connu une réforme
agraire, une étape d'industrialisation et d'élaboration des infrastructures : la
nation mexicaine.
Si l'on tente de définir la colonisation, on peut en donner les
caractéristiques suivantes : i° C'est un territoire sans gouvernement propre; z° Qui se
trouve dans une situation d'inégalité par rapport à la métropole où les
habitants se gouvernent eux-mêmes; 30 Dont la responsabilité de l'administration
échoit à l'État dont elle subit la domination; 40 Dont les habitants ne participent
pas à l'élection des grands corps administratifs, c'est-à-dire que ses dirigeants
sont désignés par le pays dominant; 50 Les droits de ses habitants, sa situation
économique et ses privilèges sociaux sont réglementés par l'autre pays;
6° Cette situation ne découle pas de liens naturels, mais est le résultat d'une
conquête ou d'une concession internationale; 70 Ses habitants appartiennent à
une race et à une culture différentes et parlent une autre langue.
Cette définition reste cependant insuffisante : certains de ces caractères
peuvent faire défaut dans un pays colonial : d'autre part elle ne fait pas
mention de la fonction immédiate du phénomène colonial : l'exclusivité du
commerce de la colonie avec la métropole.
En effet, le pays dominant exerce toujours un monopole dans sa colonie,
que ce soit sur les ressources naturelles, sur le marché du travail, sur les
importations et les exportations, sur les investissements et les ressources fiscales,
ce monopole s'étend au plan culturel et à celui de l'information.
La politique colonialiste — comme Га fait observer Myrdal — consiste
à renforcer le monopole économique et culturel au moyen d'une domination
militaire, politique et administrative. Dans la mesure où ce monopole
s'accentue, le colonialisme s'accentue aussi et vice versa.
Le monopole a pour effet d'isoler la colonie des autres pays. Plusieurs
phénomènes caractéristiques de la société coloniale sont étudiés par Myrdal (1).
L'économie de la colonie est complémentaire de celle de la métropole. Cette
situation aboutit à créer, beaucoup plus qu'un processus de développement,
(1) François Perroux, Uiconomie du XXe siècle, Paris, Presses Universitaires de France,
1961, pp. 195, 408 et 557.
(2) E. C. Walter, Colonies, Cambridge University Press, 1944, p. 72.
(3) Albert Memni, Portrait du colonisé, précédé du portrait du colonisateur, Paris, Corréa, 1957.
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