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TRACES

n° 13 BELGIQUE - BELGIË
P.P.
Septembre BRUXELLES X
2014 1/9464

DE MÉMOIRE
PÉDAGO GIE ET TR ANSMISSION
CENTRE D’ÉTUDES ET DE DOCUMENTATION
« MÉMOIRE D’AUSCHWITZ » ASBL
| TRIME STRIEL N°13 | JUILLET – AOÛT – SEPTEMBRE 2014
| BUREAU DE DÉPÔT : BRUXELLE S X | N° AGRÉGATION P 801056

SOMMAIRE

ACTUALITÉ
Anne Frank sur scène :
le succès d’un symbole
p. 2

INTERROGATION
L’usage de films
dans l’enseignement
de la Shoah. Étude de cas :
Le garçon au pyjama rayé
p. 5
© Kurt van der Elst

Application pédagogique p. 7

APPROFONDISSEMENT
Le génocide rwandais :
l’annonce d’une tragédie à c Rosa da Silva interprète
laquelle personne n’a cru ACTUALITÉ le rôle d'Anne Fank.
p. 9
Application pédagogique p. 13

VARIA p. 15 Anne Frank sur scène :


le succès d’un symbole
n Une nouvelle production de théâtre fait revivre le journal d'Anne Frank
sur scène. Entretien avec David Barnouw sur cette réadaptation et l'importance
de la figure d'Anne Frank aujourd'hui.
Éditeur responsable w Lire page 2
Henri Goldberg
ASBL Mémoire d’Auschwitz
65, rue des Tanneurs – 1000 Bruxelles
ACTUALITÉ

b 
Affiche de la nouvelle pièce ANNE

ANNE FRANK SUR SCÈNE


à Times Square, New York.

Le succès d’un symbole


geant des expositions nationales et inter-
nationales ; le Fonds Anne Frank de Bâle,
qui détient les droits d’auteur des textes
d’Anne, qui gère les revenus et s’occupe du
soutien financier aux œuvres caritatives ; et
le NIOD, l’Institut pour l’étude des guerres,
nPrès de 70 ans après la mort d’Anne Frank, une considérablement changé. Le personnage de la Shoah et des génocides, qui a hérité en
nouvelle pièce de théâtre s’inspire de son célèbre journal. est toujours important et autoritaire, mais il 1980 de tous les manuscrits d’Anne Frank.
Analyse de cette réadaptation et des débats qu’elle suscite n’est plus le « père aubergiste » qu’il était en Il y a quelques années encore, le Fonds
dans un entretien avec David Barnouw, ancien collaborateur 1955. Anne est maintenant le personnage Anne Frank de Bâle était simplement une
central. Ses rendez-vous avec l’éditeur, qui organisation gérant les droits d’auteur du
du NIOD (Institut néerlandais de documentation sur la lui dévoile son vrai nom à la fin de la pièce, journal d’Anne Frank et répartissant ses
guerre) et auteur, entre autres, de Het fenomeen Anne Frank Peter Schiff, introduisent un élément ro- revenus entre plusieurs bonnes causes.
[Le phénomène Anne Frank] (Bert Bakker, 2012). mantique dans le récit. On pourrait consi- Aujourd’hui, il se montre beaucoup plus

© A. Scanlon
dérer cette version comme « Le journal actif et se positionne comme le véritable
d’Anne Frank, l’écrivain», et par conséquent détenteur de l’héritage d’Anne, s’opposant

L
comme un digne successeur de la version ainsi explicitement à la Fondation Anne
a vie d’Anne Frank a été sont plus récitées en anglais comme dans Goodrich-Hackett. À la fin de la pièce, le Frank d’Amsterdam. La Fondation ne s’est
mise en scène plusieurs la pièce des Hackett, mais en hébreu. Par public assiste à la rafle et à l’arrestation de certes pas opposée au spectacle ANNE,
fois, tant au cinéma qu’au ailleurs, la pièce de 1955 était fortement la famille cachée et Otto Frank raconte la tages pour la rédaction du scénario, mais Peter Novick est tout à fait correcte, mais mais elle n’a pas du tout été consultée par
théâtre. Comment cette pièce diffère- centrée sur Otto Frank. Certes, Anne était mort des autres personnages1. la nouvelle approche est aussi substantiel- c’était précisément le souhait d’Otto Frank le Fonds Anne Frank, l’initiateur.
t-elle des productions précédentes ? Le une adolescente pleine de vie dans la pièce lement différente de celle de 1955. Dans qu’on n’insiste pas trop sur l’aspect juif de
personnage a-t-il été « modernisé » ? américaine, mais le personnage principal Le journal original est paru en plusieurs l’ancienne version, l’intrigue est sagement l’histoire, qu’on se concentre plutôt sur les La nouvelle pièce souligne le succès
Fallait-il une « mise à jour » de la repré- était son père, l’homme sage et bienveillant éditions. Quel est le rapport entre la pièce limitée à la période 1942-1944, à l’exception idées et les idéaux d’Anne. Puis, une certaine éditorial du journal d’Anne Frank. Cette
sentation théâtrale ? qui dans chaque dispute tenait le rôle de actuelle et ces différentes versions ? près du retour d’Otto Frank en juin 1945. « américanisation » était indispensable en attention portée à sa « canonisation » en
David Barnouw : La pièce Le journal réconciliateur. C’était plutôt « Le journal David Barnouw : Les données de Aujourd’hui, les vrais noms des personnes vue de la réception par le public américain. tant qu’écrivain et icône de la Shoah sert-
d’Anne Frank date de 1955 et a été écrite d’Otto Frank» que celui d’Anne, en quelque base des différentes adaptations au cachées sont mentionnés, et non les noms D’où les prières récitées en anglais et aussi elle à élaborer une approche plus critique
par deux scénaristes américains holly- sorte. Aujourd’hui, presque soixante ans théâtre sont identiques, évidemment, elles d’emprunt qu’Anne leur avait donnés. la note positive sur laquelle se termine la du personnage devenu symbole ?
woodiens, le couple Frances Goodrich après la première pièce, un couple juif, Jes- proviennent du journal d’Anne Frank. En pièce : « Malgré tout, je continue à croire David Barnouw : Aux Pays-Bas, le jour-
et Albert Hackett. Otto Frank était for- sica Durlacher et Leon de Winter, a rédigé 1955, les auteurs de la pièce disposaient Dans son livre The Holocaust in Ame- dans le bien en l’homme », voilà la morale nal d’Anne Frank n’a jamais été considéré
tement impliqué dans la réalisation de la une toute nouvelle version : ANNE. C’est uniquement de la traduction anglaise de rican Life, Peter Novick affirme que le per- du spectacle américain. La fin de la nouvelle comme un exemple de grande littérature ;
pièce, tout au long du processus. Avant le à nouveau le personnage d’Anne Frank L’Annexe. Jessica Durlacher et Leon de Win- sonnage d’Anne Frank dans le spectacle pièce consiste au contraire en une énu- c’était soit un livre pour adolescents, soit un
travail de rédaction, Frank avait demandé qui occupe le devant de la scène. ANNE ter, par contre, ont pu travailler avec la pre- de Broadway est très peu juif, au grand mération listant les différentes personnes livre sur la Shoah. La pièce met pleins feux
aux Hackett de mettre en avant les idées et débute juste après la guerre, à Paris. La fille mière version d’Anne, sa deuxième version mécontentement de la communauté juive2. cachées dans « l’Annexe » et détaillant leur sur Anne en tant qu’auteur d’un journal.
les idéaux d’Anne, plutôt que la dimension y rencontre un éditeur, refusant cependant et L’Annexe (l'ensemble des textes parut À quoi ressemble le personnage dans la sort ; c’est une fin plus réaliste que celle de Ainsi elle ouvre par une rencontre (fictive)
juive, de sorte que le public puisse perce- de lui montrer sa « biographie », estimant pour la première fois en 1986 comme De pièce actuelle ? 1955, qui faisait plus feel good. après la guerre entre l’éditeur et Anne, qui a
voir les conséquences de la discrimination qu’elle peut uniquement faire lire celle-ci à Dagboeken van Anne Frank [Les journaux David Barnouw : Initialement, le spec- écrit un journal et souhaite en faire un livre.
et de la haine raciale. La pièce de 1955 a « quelqu’un qui… m’aime ». Par contre, elle d'Anne Frank]). Depuis 1986, tous les textes tacle américain a connu une réception par- Plusieurs institutions se consacrent La vie clandestine occupe certainement
été partiellement réécrite en 1997 sous est prête à raconter ce qui lui est arrivé. Son d’Anne sont publiés, donc Durlacher et de ticulièrement favorable et s’est vu attribuer à l’héritage d’Anne Frank et son journal. une place importante, mais la carrière litté-
les auspices du Fonds Anne Frank de Bâle, récit commence le jour de son 13e anni- Winter pouvaient puiser dans tout un arse- toute une série de prix. Ce sont les critiques Quelles sont les relations entre ces institu- raire de la fille est aussi mise en avant. Je ne
qui détient les droits d’auteur des textes versaire, lorsque sa famille habite encore la nal de matériaux. On en imagine les avan- ultérieures, comme celle de Peter Novick, tions et comment peut-on situer la nouvelle crois pas que la pièce soit plus critique pour
d’Anne. On n’a pas touché aux grandes Merwedeplein. Elle reçoit un cahier rouge à qui ont avancé les notions de « déjudaïsa- pièce dans ce contexte ? autant ; seulement, on présente ici un per-
lignes du récit, mais Wendy Kesselman, carreaux en cadeau, qu’elle utilisera comme (1) Pour un aperçu détaillé, voir D. Barnouw, « Anne
tion » et d’« américanisation ». L’analyse de David Barnouw : On distingue trois sonnage qui est écrivain. La nouvelle pièce
l’auteur juive-américaine de cette nouvelle journal intime. La pièce suit alors le cours Frank, naar Broadway en weer terug naar Nederland. institutions : la Fondation Anne Frank à s’adresse aussi explicitement aux jeunes, ce
Ze schreef zichzelf volwassen » [Anne Frank, à (2) Peter Novick, The Holocaust in American Life.
pièce, a précisément mis en avant le côté réel de l’histoire. C’est le rôle d’Otto Frank, Broadway et de retour aux Pays-Bas. Comment elle a Boston et New York, Mariner Books, 2000, p. 117-
Amsterdam, qui exploite « l’Annexe » au qui n’était pas le cas de la version de 1955.
« juif ». Ainsi les prières et les chansons ne très dominant dans l’ancienne pièce, qui a grandi en écrivant], NRC/Handelsblad, 16 mai 2014. 120. Prinsengracht comme un musée héber- Suite p.4 w

2 TRACES DE MÉMOIRE N°13 – SEPTEMBRE 2014 3


ACTUALITÉ INTERROGATION

w Suite de la p.3 L’annonce du spectacle a fait couler sur les textes d’Anne Frank vont expirer.
beaucoup d’encre aux Pays-Bas. Quelles Tout le monde pourra se les approprier et
Le nouveau spectacle vise-t-il un public en sont selon vous les principales raisons ? les utiliser à ses propres fins. Avec cette date
scolaire ? Existe-t-il des dossiers pédago- Et comment la pièce a-t-elle été reçue à en vue, le Fonds Anne Frank a publié les
giques qui aident les élèves et les étudiants l’étranger ? œuvres complètes d’Anne Frank en 2013,
à mieux comprendre le texte ? Et quel est le David Barnouw : Il est toujours délicat et il a maintenant pris l’initiative de réaliser
rôle du public dans cette pièce ? Se voit-il de gérer le volet commercial de la Shoah, cette pièce.
réduit à un simple spectateur passif ? Ou qui a bien sûr toujours existé mais qu’on
peut-il devenir un observateur critique préfère ne pas voir. La Fondation Anne Quel est enfin le rôle d’Anne Frank dans
(dans l’esprit de Bertolt Brecht) ? Participe- Frank, qui, jusqu’il y a peu, détenait un cer- la mémoire actuelle de la Shoah et dans
t-il au spectacle ? tain monopole sur Anne Frank, a été exclue la culture contemporaine ? Le personnage
David Barnouw : La pièce est destinée de la production. Cela n’a pas du tout été historique d’Anne est-il porteur d’un «mes-
à un public jeune (et donc forcément nou- apprécié, vous l’aurez compris. Et c’est sans sage for the future » que d’autres figures
veau). Un dossier pédagogique sera élaboré doute l’une des causes de la controverse. (Nelson Mandela, ML King, Mary Berg…)
par le Joods Historisch Museum [Musée his- La critique négative dans NRC/Handels- sont moins capables de transmettre ?
torique juif] d’Amsterdam, et non par la blad, un journal néerlandais lu par l’élite David Barnouw : Anne Frank est
Fondation Anne Frank – ce qui souligne libérale, a été assez remarquable. Le journal comme une idole pop. Les gens, souvent,
encore les mauvaises relations entre le a consacré sa une à la pièce, comme s’il ne la présentent pas uniquement comme
Fonds et la Fondation. Le public reste un voulait dire « nous, les libéraux progres- une figure liée à la Shoah mais modèlent

© DR
spectateur passif, comme dans les repré- sistes, n’avons rien à faire d’une œuvre aussi aussi leur propre souffrance, passée ou
sentations précédentes. Il est sans doute banale ». Cette réaction était probablement actuelle, ou celle d’un proche, sur elle. La
trop exigeant de demander au public d’être
un participant actif dans un spectacle sur
due au fait que les producteurs d’ANNE
avaient également réalisé une comédie
télévision néerlandaise a récemment dif-
fusé un film documentaire où des touristes
L’USAGE DE FILMS DANS L’ENSEIGNEMENT DE LA SHOAH

Étude de cas :
la vie de Juifs cachés (et donc sur la Shoah). musicale très populaire, Soldaat van Oranje faisant la file à l’entrée de la Maison Anne
Cela dit, les jeunes sont manifestement très [Soldat d’Orange]. Les comédies musicales, Frank expriment ce qu’Anne signifie pour
impressionnés par le vécu d’une adoles- jusqu’ici, ne sont pas considérées comme eux. Un homme noir âgé d’origine améri-
cente de leur âge. Il n’est pas étonnant, dès
lors, que l’« ancienne » pièce soit souvent
jouée par des élèves.
des œuvres d’art avec un A majuscule, telles
que le NRC les promeut. En revanche, dans
les journaux ayant un lectorat plus large,
caine jugea que la lutte pour l’émancipa-
tion des Noirs dans les années 60 et 70 était
« dans l’esprit d’Anne», tandis qu’un groupe
Le garçon au pyjama rayé
les critiques sont plus positives. Prenons de moines tibétains donna une interpréta-
En 2010, Sytze van der Zee a suscité la l’exemple du Telegraaf, le plus grand journal tion similaire à la résistance tibétaine contre n Michael Gray offre quelques observations sur succès considérable, ravivant ainsi le débat
controverse avec son livre Vogelvrij. De des Pays-Bas, qui a couvert non seulement la Chine. Anne symbolise donc non seule- l’utilisation de films comme Le garçon au pyjama rayé en sur l’usage du cinéma dans un cadre péda-
jacht op de joodse onderduikers [Hors- la première mais aussi toutes les activités ment la Shoah, mais aussi un éventail de classe, analysant l’impact sur les intérêts et les connaissances gogique, entre autres au Royaume-Uni.
la-loi. La chasse aux Juifs cachés]3. L’auteur programmées autour du spectacle. Le Tele- souffrances à travers le monde. n L’étude de cas que je présenterai ici à partir
avance que la famille Frank a été dénon- graaf apprécie en effet beaucoup les comé-
historiques des élèves. de ce film, permettra de mieux appréhen-
cée par une Juive, Ans Van Dijk, et qu’Otto dies musicales et leur côté « glamour ». À Fabian Van Samang, Docteur en histoire et der les avantages et l’impact de l’introduc-
enseignant au Klein Seminarie de Roeselare
Frank a appris ceci après la guerre. Com- l’étranger, on a pu lire des critiques positives tion du cinéma dans l’enseignement de la

L
Fransiska Louwagie, Lecturer in French Studies,
ment la question de la dénonciation (juive) aussi. Ainsi, le New York Times a publié un Stanley Burton Centre for Holocaust and Shoah.
et de la collaboration est-elle explorée dans grand article sur ANNE. Genocide Studies, University of Leicester ’enseignement de la Shoah ment de la Shoah. Les avis sur les avantages
la pièce ? Anna Scanlon, doctorante, Stanley Burton reste un défi aujourd’hui. et les inconvénients de cet outil pédago- Des idées prédéterminées,
David Barnouw : La problématique de Dans quelle mesure notre époque a-t- Centre for Holocaust and Genocide Studies, Les heures de cours sont gique sont partagés (Loshitzky (éd.), 1997 ; des idées erronées
University of Leicester
la dénonciation, par qui que ce soit, n’y est elle besoin d’un spectacle sur Anne Frank ? limitées, alors que la problématique est Haggith et Newman (éd.), 2005). D’autres
pas abordée. Les assertions de Sytze van der Bref : pourquoi mettre en scène son récit Traduction : Anneleen Spiessens vaste et fondamentale. Cette situation films ont été intégrés à l’enseignement de la Dans le cadre de mes recherches doc-
Zee ne sont que des hypothèses sans fon- aujourd’hui ? nécessite une sélection consciencieuse des Shoah, comme Le pianiste (Roman Polanski, torales, menées en collaboration avec le
dement. Il me semble qu’il s’agisse plutôt David Barnouw : Anne Frank est matériaux et des thèmes à aborder – et 2002), Les insurgés (Edward Zwick, 2008) « Center for Holocaust Education » (Insti-
d’une stratégie de vente, puisqu’une photo toujours très populaire et chaque année, de ceux à laisser de côté. Or, depuis le suc- et Le garçon au pyjama rayé (Mark Her- tute for Education, University of London),
d’Anne Frank figure aussi sur la couverture plus d’un million de personnes visitent (3) Sytze van der Zee. Vogelvrij. De jacht op de Joodse
cès commercial de La liste de Schindler, le man, 2008). Ce dernier, basé sur le roman
du livre. « l’Annexe ». Fin 2015, les droits d’auteur onderduiker. Amsterdam, De bezige Bij, 2010. cinéma a trouvé sa place dans l’enseigne- éponyme de John Boyne, a remporté un Suite p.6 w

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INTERROGATION

w Suite de la p.5 Si on se pose la question d’autres films sur la Shoah, cette œuvre au pyjama rayé1. D’une certaine manière, genre de film puisse sensibiliser les ado- ment dans un second temps) une sélection
n’offre pas d’explications ou de réponses le récit de John Boyne semble donc semer lescents à la problématique de la Shoah, d’extraits, afin de privilégier l’aspect critique
j’ai travaillé avec 298 élèves britanniques de savoir quelle est à ces questions centrales. En tant que fic- la confusion plutôt que de contribuer à les inexactitudes factuelles dans l’intrigue et analytique et ne pas laisser les élèves se
âgés de 13 et 14 ans. Par le biais d’activités tion historique, Le garçon au pyjama rayé une connaissance historique exacte sur la entravent en même temps l’apprentissage. perdre dans l’intrigue.
diverses, d’enquêtes à questions ouvertes et
la valeur pédagogique manque de précision – c’est le moins que Shoah. Ces malentendus, assez gênants, Si les élèves ne savent pas bien distinguer La question la plus pertinente dans le
d’interviews semi-directifs, j’ai sondé leurs du Garçon au pyjama l’on puisse dire. Il est hautement impro- attirent notre attention sur les problèmes entre fait et fiction, il semble dès lors indi- débat actuel n’est donc pas tellement de
connaissances préalables sur la Shoah, et bable, en effet, que Shmuel ait survécu à liés à la représentation fictionnelle et/ou qué de faire un usage sélectif, prudent et savoir si l’on devrait incorporer le cinéma
j’ai voulu savoir où et comment ils avaient rayé, la réponse dépend Auschwitz, ou qu’il soit l’un de ces « cen- cinématographique de la Shoah. Néan- critique du cinéma. dans l’enseignement de la Shoah, mais
acquis ces informations – ainsi que cer- largement des objectifs taines » de garçons dans ce cas, comme moins, les élèves qui avaient participé à comment : quels films utiliser ? Comment
taines conceptions erronées. l’affirme le livre. Il aurait été plus crédible l’enquête étaient enthousiastes et fascinés Encadrement pédagogique ceux-ci contribuent-ils à la réalisation des
En effet, avant d’en parler en classe, précis qu’on fixe que Shmuel soit tué dès son arrivée dans le par le sujet. On peut donc admettre que objectifs pédagogiques ? Quel est leur
beaucoup de jeunes sont initiés à la Shoah camp. D’autre part, il n’est pas très vraisem- des films tels que Le garçon au pyjama rayé En utilisant un film en classe, l’ensei- impact sur la pensée et la compréhension
pour l’enseignement
par des livres, des films, des sites web ou des blable qu’un garçon élevé dans l’Allemagne stimulent leur intérêt pour la Shoah. gnant légitime, implicitement ou expli- des élèves ? Les enseignants pourront s’in-
échanges personnels. Il se dégage de plu- de la Shoah. nazie soit si tolérant face aux Juifs, encore Dans quelle mesure les effets du film citement, le contenu de celui-ci. Cette terroger sur les effets éventuels du film sur
sieurs études que les enfants cadrent l’ensei- moins qu’il soit capable de creuser un tun- sont-ils néfastes ? Là encore, la réponse observation s’applique aux cours d’histoire leurs cours, de façon à repérer, déconstruire
gnement de la Shoah dans tout un éventail nel en-dessous d’une clôture dans une zone dépend des objectifs visés. Si l’engagement mais aussi indirectement à d’autres cours. et réfuter des idées erronées. C’est ainsi que
d’idées et d’images fortes sur le fonction- semble dès lors apte à contribuer à une non surveillée (c’est ce que suggère le film). affectif et émotionnel créé par le film peut L’enseignant a dès lors la responsabilité de la mémoire, la conscience et la connais-
nement du monde en général et sur des prise de conscience sur la Shoah chez les Cela n’empêche que le film aborde des être analysé dans le contexte de cours de souligner les limites d’un film, de recon- sance historique de la Shoah pourront
événements historiques spécifiques (Pen- jeunes, parfois même davantage que les thèmes historiques importants, comme littérature ou d’éthique, l’usage de l’œuvre naître qu’il s’agit d’une représentation servir de support éthique aux générations
dry, 1997 ; Donovan et Bransford, 2005). programmes de cours plus traditionnels, l’étoile de David, le déplacement forcé des semble plus problématique dans le cours spécifique et sélective de la réalité, et de suivantes. n
Des études supplémentaires ont démontré les objectifs de l’enseignement de la Shoah Juifs polonais dans des ghettos et puis leur d’histoire. D’un point de vue transversal, confirmer que la « Shoah » regroupe des Michael Gray,
que les jeunes, eux aussi, se sont déjà forgé sont censés aller plus loin : non seulement extermination. l’étude du livre ou du film dans d’autres expériences tellement diverses qu’il est dif- Doctorant, Centre for Holocaust Education,
une certaine opinion sur la Shoah dont les les élèves doivent-ils prendre conscience cours peut également avoir un impact sur ficile de généraliser. Si l’on souhaite présen- Institute of Education, University of London
enseignants ne sont pas nécessairement de l’événement historique qu’est la Shoah, L’impact du Garçon les cours d’histoire et sur la connaissance ter des films où les faits sont fictionnalisés, Traduction : Anneleen Spiessens
conscients lorsqu’ils abordent le sujet (Tot- ils doivent aussi connaître et comprendre au pyjama rayé historique des élèves. De fait, bien que ce il pourrait être utile d’étudier (éventuelle-
ten, 1998 ; Edwards et O’Dowd, 2010 ; Gray, la problématique.
2011). Au moment où l’adolescent moyen Il n’est alors pas étonnant que les dis- Mes recherches m’ont permis de
est confronté avec la Shoah en classe, il s’est cussions sur l’usage de films dans l’ensei- relever quelques constats intéressants,
déjà fait une idée de ce que c’est « le nazi », gnement de la Shoah suscitent également notamment l’influence manifeste du
« le camp de concentration », « le Juif ». Il des interrogations sur les objectifs de ces Garçon au pyjama rayé sur la pensée des

Enquête
convient d’analyser d’où viennent ces idées cours. Dans ce contexte, la Shoah est d’une élèves britanniques. La plupart des per- APPLICATION
et ces jugements, et quel pourrait être le part considérée comme un événement his- sonnes interrogées avaient lu le livre ou vu PÉDAGOGIQUE
rôle du cinéma ou d’un film particulier dans torique unique qui doit être étudié en tant le film, et ceux-ci étaient souvent consi-
ce processus. que tel, tandis que d’autre part, on souligne dérés comme des sources d’information
qu’il s’agit aussi de tirer des leçons du passé valables et fiables sur la problématique.
Une conscience historique – les cours servant à éviter une répétition Ainsi, les élèves, de manière frappante, se OBJECTIFS : Ces dernières années, l’on souligne de plus en plus l’importance de la
✔ Dans une première phase, l’ensei-
et/ou éthique ? de cette barbarie à l’avenir. Si on se pose montraient très peu critiques vis-à-vis de compétence de recherche chez les élèves. Ceux-ci doivent non seulement connaître et gnant soumet la question de recherche
la question de savoir quelle est la valeur la leçon morale et du contenu de l’histoire. comprendre les résultats de la recherche (historique) tels qu’ils sont communiqués par suivante aux élèves : comment le film
l’enseignant (d’histoire), mais ils doivent être capables de monter eux-mêmes un projet de
À première vue, il semble que l’usage pédagogique du Garçon au pyjama rayé, En outre, un certain nombre d’idées erro- recherche, d’interpréter les données et d’évaluer le résultat final. Étant donné l’impact du
(documentaire) influence-t-il notre
de films en classe ne présente que des la réponse dépend largement des objectifs nées sur la Shoah peuvent être imputées cinéma sur l’imaginaire du spectateur, le film – qu’il traite de la Shoah ou d’un autre thème représentation du passé ? Les élèves for-
avantages, surtout lorsqu’il s’agit d’un film précis qu’on fixe pour l’enseignement de à cette source, directement ou indirecte- – peut constituer un outil pédagogique précieux. mulent une réponse à cette question en
populaire tel Le garçon au pyjama rayé. En la Shoah. ment. Les élèves se faisaient ainsi de fausses mettant sur pied un projet de recherche.
SUPPORTS : Pour cet exercice, les enseignants sélectionneront un (extrait de) film ayant
général, les élèves aiment voir des films, Selon le premier objectif évoqué ci- idées à propos des camps, mais aussi de la trait à la matière. On peut envisager par exemple The Fog of War : Eleven lessons from the Ils montreront le film (ou un extrait) aux
trouvant l’activité captivante et amusante. dessus, il est essentiel de comprendre l’his- dimension, de la nature et des objectifs de life of Robert S. McNamara [Brumes de guerre : onze leçons tirées de la vie de Robert S. élèves d’une autre classe et mèneront une
Qui plus est, la combinaison de maté- toire de la Shoah : qu’est-ce qui s’est passé ? la Shoah – des idées remontant au Garçon McNamara] (Errol Morris, 2003) sur la Guerre froide en sixième année, In Flanders Fields enquête auprès des spectateurs. Les cher-
(Jan Matthys, 2013) sur la Première Guerre mondiale en cinquième, ou Apocalypto (Mel
riaux visuels et auditifs permet de pour- Comment ? Et pourquoi ? De ce point de Gibson, 2006) sur le déclin de la civilisation maya en quatrième. L’enseignant peut aussi cheurs seront immédiatement confrontés
(1) Un résumé détaillé de cette partie de la recherche
voir aux besoins d’élèves ayant des styles vue, les limites du Garçon au pyjama rayé sera publié en 2014 dans Holocaust studies: a journal
laisser le choix du film aux élèves, à condition qu’ils justifient leur décision.
d’apprentissage différents. Si le cinéma sont d’emblée évidentes. Comme tant of culture and history (Université de Southampton). Suite p.8 w

6 TRACES DE MÉMOIRE N°13 – SEPTEMBRE 2014 7


INTERROGATION APPROFONDISSEMENT

w Suite de la p.7 RWANDA / L’annonce d’une


à un certain nombre de problèmes métho-
dologiques : qui sont les personnes inter-
rogées (élèves de la première ou sixième
tragédie à laquelle personne n’a cru
année – ces derniers sont déjà initiés à
la problématique) ? Quel est le point de n Vingt ans après le génocide rwandais, la journaliste Colette Braeckman

© DR
repère (quel est le terme de comparaison interroge le rôle et la responsabilité des hommes politiques et de la presse, se demandant
par rapport auquel on considère l’évolu- si et comment le génocide aurait pu être prédit ou évité.
tion des connaissances ; si l’on estime que
, 
des images « incorrectes » se sont formées, Mémorial pour les dix Casques bleus Belges de la
quelle serait alors l’image « correcte ») ? À MINUAR assassinés le 7 avril 1994, Kigali.

A
quel moment interroge-t-on les élèves (si
le film est tout de suite suivi de l’enquête, près l’attentat contre Est-ce que le dernier génocide du XXe
la personne interrogée comprend qu’on l’avion du Président hutu siècle aurait pu être empêché, arrêté ? Le
sonde implicitement l’impact du film, ce Habyarimana, le meurtre cours des événements aurait-il pu être
qui peut donner une image déformée) ? du Premier Ministre rwandais, le massacre changé ? Était-il envisageable d’éviter l’Apo-

© DR
Sur quels aspects exactement compte-t- des dix militaires belges de maintien de la calypse et à quel moment ou jusque quand
on interroger les élèves (faut-il établir un paix et les premiers assassinats de Tutsi et une telle action était-elle possible ? Vingt

© DR
questionnaire uniforme pour les entretiens, des leaders de l’opposition hutu, les évé- ans après le génocide, ces questions restent
prévoir des questions de contrôle) ? nements à Kigali furent décrits de deux sans réponse catégorique. Il est facile de
Par ailleurs, des problèmes d’ordre pra- façons : comme « une explosion sponta- dire, bien après les événements, que tout
tique surgiront : quand peut-on montrer rapports entre conquistadores et Maya) et ✔ Dans une quatrième phase, on née de colère », conduisant potentielle- avait été annoncé, que la préparation d’un
le film (pendant les heures de cours ou à tenter de repérer des erreurs ou malenten- « publie » les résultats. Il y a plusieurs ment à une guerre civile, ou comme un génocide était absolument évidente, et
un autre moment) ? Comment justifier cet dus dans la représentation cinématogra- possibilités : ou bien on les intègre dans coup d’État militaire lancé par un groupe qu’il y eut un plan criminel systématique-
emploi du temps ? Où et quand mener phique. Cette analyse constitue alors la base une publication de l’école, ou l’on organise d’extrémistes. Aucune de ces deux versions ment implémenté. Que, comme dans une
d’éventuels entretiens ? Comment rassem- du questionnaire. une séance pour informer les personnes n’était exacte : ce qui se préparait, c’était un tragédie grecque, tout était écrit, prédit

© JA ALT
bler les données ? Comment rédiger le rap- interrogées sur l’objectif et les résultats de génocide, une tentative délibérée d’éradi- longtemps à l’avance, accompli, et qu’il n’y
port final ? ✔ Dans une troisième phase, le pro- l’enquête, ou bien on présente les résultats quer une partie de la société rwandaise, la avait aucun espoir, à aucun moment, ni
jet de recherche est réalisé et le film (ou d’une façon jugée appropriée par l’ensei- minorité tutsi. Pendant des mois, les ins- avant, ni pendant la tragédie, de détourner
✔ Après cette première phase pré- l’extrait) montré à un groupe d’élèves. gnant en fonction de l’évaluation du pro- truments de cette « opération » avaient le destin. Vingt ans après, je crois toujours Reporters chevronnés, ils avaient fait de la
paratoire, l’on cherche une solution Cette activité peut avoir lieu pendant les cessus et du résultat. été préparés : les armes et les munitions, que, même pour les hommes politiques les couverture médiatique en Somalie, au Sou-
aux problèmes repérés. Pourquoi, par heures de cours, mais aussi, en fonction de les escadrons de tueurs, la propagande, les mieux informés, au Rwanda et à l’étranger, dan, ils étaient sur le point d’être envoyés en
exemple, montrer tel ou tel film à une pre- l’école, pendant les heures d’étude person- ✔ Pour évaluer l’exercice en tant listes de victimes. Ce n’était pas un secret : et malgré les avertissements très clairs, la Afrique du Sud pour couvrir les premières
mière année plutôt qu’à une sixième ? Afin nelle ou lors d’un autre moment. En accord que tel, l’enseignant pourra lors d’une des exercices militaires avaient eu lieu réalité était confuse, et qu’il restait, jusqu’au élections démocratiques ; ils ne savaient pas
d’établir un point de repère ou de compa- avec l’enseignant ou le conseiller pédago- conversation en classe, qui peut être assez dans les espaces ouverts autour de Kigali, dernier moment, une mince potentialité grand-chose sur le Rwanda ou le Burundi et
raison, l’on pourrait soumettre un ques- gique, les élèves décident de la façon de brève, sonder dans quelle mesure le projet on avait découvert et communiqué l’exis- d’éviter la fatalité. Même si le pire est parfois leur première impression fut celle de tueries
tionnaire aux élèves participants en début justifier ou présenter la séance de cinéma, a été intéressant, intensif, instructif… Les tence de réserves d’armes importantes, des annoncé ou paraît inévitable, il reste tou- ethniques indistinctes. Très rapidement,
d’année scolaire sondant leurs connais- en tant qu’élément du cours ou comme un élèves peuvent formuler des suggestions menaces très claires avaient été exprimées, jours un petit espoir que les événements cependant, des journalistes expérimentés
sances préalables. Les chercheurs pour- projet de recherche. L’enquête est menée pour optimiser le projet et les processus de des dizaines de messages diplomatiques tourneront autrement. comme Marc Doyle de la BBC entrèrent
raient décider en groupe des questions à quelques semaines plus tard, de façon indi- travail. n furent échangés. La tragédie était préparée, en contact avec le général Romeo Dallaire,
inclure dans le questionnaire (faut-il prévoir viduelle, et est éventuellement suivie d’une Fabian Van Samang, Docteur en histoire et annoncée, mais personne ne croyait que les Le rôle de la presse commandant de la Mission des Nations
des questions de contrôle ? Quelles ques- conversation en classe. Dans le cas où le enseignant au Klein Seminarie de Roeselare signes annonciateurs pourraient se traduire internationale Unies au Rwanda en 1993-94. D’emblée,
tions et quelles formulations utilise-t-on ? film a été montré à plusieurs classes, les Traduction : Anneleen Spiessens en réalité, que les massacres mèneraient ce dernier essaya d’utiliser la presse pour
Le vocabulaire utilisé peut dépendre des résultats seront réunis dans un seul rapport jusqu’au bout : l’annihilation d’environ un Rappelons que les journalistes qui arri- mobiliser l’opinion et donner une vue plus
années et des options). Un groupe pourrait final. Il est utile de faire analyser les données million de civils en cent jours. Personne vèrent à Kigali après le crash d’avion en avril précise de la situation. Des journalistes
se concentrer sur la matière (la guerre au deux fois, par deux groupes différents, afin n’était là pour agir et pour empêcher ou 1994, venaient d’horizons très divers. Bon
Viêt-Nam, la Première Guerre mondiale, les de repérer d’éventuelles lacunes. arrêter la « machine à tuer ». nombre d’entre eux arrivaient de Nairobi. Suite p.10 w

8 TRACES DE MÉMOIRE N°13 – SEPTEMBRE 2014 9


APPROFONDISSEMENT

Les Belges et les autres


étrangers vivant au Rwanda
w Suite de la p.9 républiques hutu, dirigées respectivement en tant qu’employés tion d’un passeport. Puis, tout en menant le de Somalie. Ceux-ci étaient les mieux équi- informa l’A mbassade belge de cette
par Gregoire Kayibanda et Juvenal Habya- combat, le FPR tenta, jusqu’en avril 1994, de pés et organisés, mais ils n’avaient pas eu menace, qui fut confirmée par d’autres
comme Marc Doyle ne minimisaient pas rimana. d’associations de rouvrir les négociations afin de trouver un d’entraînement pour des missions de main- sources.
l’ampleur de la situation et le 19 avril Ken- Dès les premiers jours de l’indépen- développement ou en tant arrangement pacifique et d’éviter des repré- tien de la paix et n’avaient aucune compré- En décembre, une lettre rédigée par
neth Roth dénonçait le génocide au nom dance, où le rôle de l’ancien colonisateur sailles contre les « Tutsi de l’intérieur ». Ceci hension de la réalité au Rwanda. Après leur neuf officiers rwandais annonçait les plans
de Human Rights Watch, alors que l’histo- était une source d’inquiétude, les Tutsi qu’entrepreneurs privés, explique pourquoi le FPR accepta d’entrer expérience traumatisante en Somalie, le de certains de leurs collègues d’éliminer les
rien français Jean-Pierre Chrétien faisait état avaient été expulsés, menacés, leurs maisons étaient parfaitement dans le processus politique menant aux séjour au Rwanda leur fut présenté comme Tutsi et les leaders de l’opposition hutu.
d’une forme de « nazisme tropical ». incendiées, leur bétail confisqué. Considérés accords d’Arusha en 1993, malgré sa supé- des vacances et, comme ils refusaient d’être Les Nations Unies n’ayant pas de service
Pour ce qui est des journalistes belges, comme une tribu étrangère d’Abyssinie, ils conscients de ces menaces. riorité militaire qui pouvait lui permettre de logés dans le stade, ils furent répartis sur 18 de renseignement sur place, les Belges
la plupart connaissaient mieux le contexte devenaient des citoyens de second rang, prendre Kigali de force, endroits à travers la capitale, ce qui leur pro- déployèrent un petit comité pour enquê-
rwandais que leurs collègues, mais ils soumis à des quotas limitant leur présence de l’étranger mettrait en danger la sécurité Les accords d’Arusha, signés sous la cura davantage de confort, mais moins de ter. Mais l’entièreté des textes de RTLM ne
étaient sous le choc de l’assassinat délibéré dans les écoles et dans l’administration des Tutsi locaux. En guise de preuve, plus pression de la communauté internatio- possibilité de se regrouper en cas d’urgence. furent jamais traduits…
de dix militaires belges de maintien de la publique, privés de leurs biens, vivant sous de mille Tutsi et des leaders de l’opposition nale, inspirèrent des sentiments divers aux Dès le départ, le Rwanda a souffert Le 8 janvier, un chauffeur, Jean-Pierre,
paix. Leurs rédactions et l’opinion publique une menace permanente. À plusieurs furent raflés à Kigali immédiatement après différents acteurs : le FPR pensa que la paix d’une négligence bénigne : les troupes des appartenant aux milices de l’Interhahamwe,
nationale les poussaient à se concentrer reprises (en 1960, ’62, ’67 et ’71), les Tutsi l’attaque d’octobre 1990, sur base de listes était en vue, sans abandonner, certes, sa Nations Unies étaient insuffisantes, le man- informa le colonel belge Luc Marchal, le
sur cette affaire en particulier. Il leur était exilés lançaient des opérations militaires à déjà existantes, et amenés au stade natio- structure militaire. L’opposition politique dat inapproprié, la direction de la mission numéro deux de l’opération Minuar, de la
aussi interdit de quitter la zone limitée partir des frontières, principalement depuis nal ; c’est uniquement grâce à la pression au Rwanda croyait aussi à une réelle per- était partagée entre Jacques Roger Boog présence de réserves d’armes et de muni-
de l’aéroport, les Belges étant considérés la Tanzanie, visant à permettre le retour au internationale qu’ils furent relâchés. Autre cée, ouvrant la possibilité d’un partage de Booh, un diplomate camerounais proche tions dans les caves du siège du parti prési-
comme des complices du Front patriotique pays de leurs ancêtres. Ils étaient invaria- exemple : en 1992, des milliers de Bagogwe, pouvoir malgré les obstacles. La commu- de l’establishment français et favorable à la dentiel, de l’existence de milices équipées et
rwandais et menacés de mort, à l’instar des blement confrontés à une double réaction. une tribu nomade et pastorale, vivant près nauté internationale était plutôt naïve, féli- famille Habyarimana, et l’officier canadien entraînées. Il dévoila qu’il existait des listes
Tutsi. Le 12 avril, ils furent obligés de quitter D’une part, les « envahisseurs » – désignés des volcans et associés avec les Tutsi, furent citant les acteurs rwandais et minimisant Romeo Dallaire, qui n’avait aucune expé- de cibles, avec noms et adresses, et que les
le pays avec le dernier vol de rapatriement comme des « cafards » ou des « serpents », tués délibérément. En 1993 à Bugesera, où les signaux négatifs. L’attitude des Français rience de l’Afrique et à l’époque était plutôt escadrons de la mort étaient capables de
des ressortissants belges. À cette époque, de manière à les déshumaniser – étaient bon nombre de Tutsi avaient été déportés fut particulièrement équivoque : alors que sympathisant du FPR. tuer 1 000 Tutsi toutes les vingt minutes. Il
il n’y avait pas d’internet, pas de téléphone repoussés par les forces rwandaises et leurs préalablement, des dizaines de civils furent leurs diplomates soutenaient officielle- était prêt à fournir plus d’informations, ne
portable, et il était assez difficile d’obtenir alliés externes, les conseillers belges ou la tués. Le mécanisme était toujours pareil : ment l’accord, ils ont par la suite entravé Les développements précédant demandant que des mesures de protection
des informations des provinces et donc, Force publique du Congo. D’autre part, pas de massacre «spontané», pas de pous- sa mise en œuvre et prêté leur appui à des le génocide pour lui-même et sa famille. Convaincus
difficile de mesurer l’étendue et le caractère les Tutsi vivant encore au Rwanda étaient sée de violence de masse, mais une action factions hutu extrémistes. L’armée fran- qu’il disait vrai, le colonel Marchal et le
méthodique des massacres. déportés, emprisonnés, parfois tués. Ils systématique bien planifiée, bien organisée çaise a manœuvré pour rester au pays aussi En tant que journaliste, j’étais partagée général Dallaire demandèrent à New York
étaient considérés comme complices de par des escadrons de la mort, qui suivaient longtemps que possible, maintenant des entre les messages prudemment optimistes l’autorisation de protéger l’informant et
La conscience des menaces leurs « cousins » luttant de l’étranger, et des ordres hiérarchiques, venant des auto- « techniciens » après le départ officiel de de la part des autorités belges et des politi- de mener des enquêtes pour trouver les
étaient traités comme « l’ennemi interne ». rités locales qui étaient en contact avec ses troupes, qui furent remplacées par des ciens rwandais (du moins après la signature armes cachées. Ces requêtes furent immé-
Malgré ces contraintes, beaucoup de En réalité, ils étaient des otages, sujets à une des personnes haut placées à Kigali. Le forces de maintien de la paix des Nations des accords d’Arusha) et ce que je pouvais diatement refusées par Kofi Annan et son
journalistes, dont moi-même, connaissions menace qui devait servir à dissuader les but de ces exemples – il y en a beaucoup Unies. observer sur le terrain entre août 1993 et assistant Aqbal Risza1. Les ambassadeurs
l’histoire du Rwanda, ce qui permettait exilés de se lancer dans une offensive de d’autres – est de montrer que le « modus Les signes négatifs étaient nombreux, avril 1994 : les caricatures haineuses dans occidentaux décidèrent alors de demander
d’identifier les mécanismes conduisant guérilla à partir de l’étranger. operandi » du génocide n’était rien de neuf dès le lendemain de la signature de l’ac- la presse, l’assassinat de certains activistes une audience auprès du président Habya-
aux massacres. Nous étions au courant du Les Belges et les autres étrangers vivant au Rwanda ; à une échelle plus réduite, il cord, avec entre autres le lancement de politiques, et ainsi de suite. Après l’assassi- rimana, pour l’interroger sur la présence
contexte dans lequel le Rwanda avait gagné au Rwanda en tant qu’employés d’associa- avait été utilisé contre la minorité tutsi à Radio télévision libre des mille collines nat du président hutu au Burundi, la situa- d’armes cachées. Dans les jours suivants,
son indépendance : les Tutsi, anciens favoris tions de développement ou en tant qu’en- partir de 1959, le début de la révolution (RTLM), et sa propagande haineuse, des tion s’aggrava : à Kigali, ce meurtre était des armes et des munitions furent distri-
du pouvoir colonial belge, étaient soudain trepreneurs privés, étaient parfaitement sociale, et de 1962, année de l’indépen- assassinats sélectifs, et des manifestations perçu comme la preuve que les accords bués à l’Interhahamwe à travers le pays.
devenus des « partenaires non fiables » conscients de ces menaces. Moi-même, en dance. Ce « modus operandi » était certai- contre les militaires de maintien de la paix d’Arusha ne fonctionnaient pas et qu’on Jean-Pierre disparut. D’après sa femme, il
parce qu’ils avaient revendiqué l’indépen- 1990, j’ai entendu dire que les « longs », un nement connu des Belges, des Français, des belges lorsque ceux-ci vinrent remplacer ne pouvait pas faire confiance aux Tutsi. Le fut tué plus tard dans une opération de
dance du pays auprès des Nations Unies. euphémisme désignant les Tutsi, seraient étrangers vivant au Rwanda. Bien entendu, les troupes françaises en novembre. Malgré Premier ministre Agathe Uwilingyimana combat.
Ayant choisi au nom du principe démo- « raccourcis »… Si les premières années du les Rwandais le connaissaient aussi, ce qui tout cela, la communauté internationale m’informa que des Hutu extrémistes pla- Suite p.12 w
cratique de prendre le parti de la majorité régime d’Habyarimana étaient une période explique pourquoi le Front patriotique considérait le Rwanda comme un conflit de nifiaient une attaque contre les militaires
hutu, en fonction des proportions estimées de répit, où la pression sur les Tutsi était rwandais agissait avec précaution. Avant basse intensité : au lieu des 4 500 militaires belges de maintien de la paix afin de forcer (1) Dans ses mémoires Interventions – Une Vie dans
de Hutu et de Tutsi que comptait le pays, quelque peu relâchée, la discrimination res- d’entreprendre une action militaire, le FPR que les Nations Unies avaient requis, elles le rapatriement de leur unité, sur laquelle la guerre et dans la paix (Éd. O. Jacob, 2013), Kofi
Annan indique pour sa part que les informations de
les autorités belges et la grande majorité tait, la menace était toujours là et tout le essaya, à la fin des années 80, de négocier en obtinrent 1 548, dont les 500 Belges – reposa la Minuar (Mission des Nations « Jean-Pierre » s’accompagnaient d’une demande
de l’opinion publique, soutinrent les deux monde savait bien qu’une attaque venant le retour des réfugiés, moyennant l’obten- des paracommandos qui revenaient juste Unies pour l’assistance au Rwanda). Elle d’intervention militaire plutôt que d’enquête [ndlr].

10 TRACES DE MÉMOIRE N°13 – SEPTEMBRE 2014 11


APPROFONDISSEMENT

k À LIRE
_ Ben Kiernan. Blood and soil. A world
w Suite de la p.11 se préparait au Rwanda – un coup militaire, history of genocide and extermination
APPLICATION
un massacre à Kigali, l’annihilation de l’élite from Sparta to Darfur. Yale university
press, 2007. PÉDAGOGIQUE Le génocide vu par les dessinateurs de presse et les photographes
Les rares journalistes qui voyageaient politique. Mais peut-on dire que l’avène- _ Thierry Cruellier. Court of remorse.
au Rwanda à cette époque purent voir que ment du génocide, et son ampleur, étaient Inside the ICTR. University of
les choses étaient en train de prendre une certains à 100 % ? Je pense toujours que Wisconsin press, 2010.

© Signe Wilkinson
mauvaise tournure, mais ils ne reçurent non : le 6 avril, l’implémentation de l’accord OBJECTIFS : Cette activité invite les élèves
aucune information sur les échanges diplo- de paix semblait toujours possible. Même à réfléchir de façon critique sur certains
matiques et ne pouvaient se baser que sur les leaders de l’opposition ne quittèrent de leur pays. Le 21 avril, malgré les requêtes aspects du génocide rwandais à partir de
cartoons politiques. Il s’agit d’un exercice
des rumeurs, des informations venant d’op- pas le pays, en dépit des tensions accrues, désespérées du général Dallaire et les nou- d’interprétation où les élèves mobilisent
posants rwandais, facilement démenties croyant qu’un accord était toujours réali- velles arrivant de tous les côtés du Rwanda, leurs connaissances du contexte
par le régime… sable. Et pire que tout, beaucoup de Tutsi, le Conseil de sécurité décida de retirer historique et politique pour analyser un
point de vue ou questionnement politique.
Le mois de février fut dramatique : il y qui auraient pu quitter le pays pendant les les troupes du Rwanda, ne laissant qu’un Ils peuvent étudier et interroger
eut des manifestations et des provocations vacances de Pâques, décidèrent de rester contingent très réduit, agressé et isolé, qui le symbolisme utilisé, sa force expressive
envers les soldats belges, des assassinats au Rwanda, parce qu’ils avaient confiance ne pouvait sauver personne. Ici encore, les et persuasive, et les associations
ou simplifications qui sont opérées
presque quotidiens. Le ministre belge des en la présence et la protection de la Minuar. choses auraient pu tourner autrement. La dans le dessin, prenant conscience
Affaires étrangères, Willy Claes, demanda Même après le début des massacres, des décision d’abandonner le peuple rwandais des stratégies communicatives utilisées

© Kirk Anderson
à deux reprises un changement de mandat membres de la famille de Lando Ndasin- aux tueurs ne résultait pas d’une ignorance. dans les cartoons.
pour la Minuar, visant à éviter un géno- gwa, le leader du parti libéral, confièrent Les rapports étaient désormais suffisam-
cide. Des centaines d’avertissements furent leurs enfants aux soldats belges des Nations ment nombreux. Il s’agissait d’une décision
envoyés à Washington par des diplomates Unies, qui les installèrent dans une école politique, et jusqu’aujourd’hui, en tant ✔ Les élèves regardent les cartoons en
américains, des agents de sécurité, des ana- technique, l’ETO à Kicukiro. Deux jours plus que journaliste et malgré les différents petits groupes, discutant des questions ci-
lystes politiques – en vain. tard, quand Bruxelles décida le retrait de exercices d’excuse, où les leaders mon- dessous et confrontant leurs conclusions
Sentant que quelque chose se prépa- ses troupes, les enfants furent abandonnés diaux ont plaidé une erreur de jugement, dans une discussion collective. Outre les
rait, je me rendais au Rwanda aussi souvent et tués par l’Interhahamwe. Bruxelles n’a j’ignore pourquoi la communauté inter- dessins montrés ici, le professeur peut inviter
que possible. J’y étais fin mars, pour la der- jamais assumé de responsabilité pour leur nationale a renoncé à intervenir. Les Tutsi, les élèves à rechercher et contraster d’autres
nière visite du ministre belge de la Défense, mort. un petit groupe d’Africains, qui avaient été cartoons et points de vue sur l’histoire du
Leo Delcroix, qui plaida à son tour pour des citoyens de second rang pendant des Rwanda et d’autres génocides.
l’implémentation des accords d’Arusha, L’abandon par les forces décennies, sans lobby puissant auprès de
rencontrant un président attaqué par les internationales l’opinion publique mondiale et dans les QUESTIONS
extrémistes de ses propres rangs, entouré cercles de décision, faisant face à l’hostilité
de sa garde présidentielle, ayant l’air d’un Même pendant le génocide, le cours d’un État européen puissant et membre du ✔ Dans quel contexte ce cartoon a-t-il
otage plutôt que d’un leader. Plusieurs per- des événements aurait pu être changé, si Conseil de sécurité, n’avaient pas suffisam- été publié? À quel public était-il destiné ?
sonnes à Kigali me dirent que le président le mandat de la Minuar avait été changé, ment d’influence ou d’alliés défendant leur ✔ Analysez les symboles utilisés pour
avait de facto perdu le pouvoir, qu’il risquait la mission renforcée. Pendant les premiers cause. Et la presse, qui a essayé d’informer et représenter les différents acteurs sociaux
d’être tué par ses propres extrémistes, que jours du génocide, lorsque les forces belges d’alerter le monde, n’était pas suffisamment ou politiques. ✔ Comment les différents génocides POUR D’AUTRES CARTOONS
tout pouvait arriver, à tout moment. Mais étaient encore présentes à Kigali, le colo- éloquente et forte pour se faire écouter et ✔ Quelles sont les idées que le dessi- sont-ils représentés ? Comparez. Quels sont http://mg.co.za/cartoon/2014-04-08-the-un-
il faut que je le souligne : malgré les leçons nel Luc Marchal confirma dans un dia- transformer l’information en action. Pour- nateur cherche à exprimer ? Comment se le point de départ et l’impact d’une telle and-rwanda
du passé, malgré les signes hostiles, les poli- logue avec Bruxelles, qu’il était possible quoi ? Jusqu’aujourd’hui, je me demande positionne-t-il par rapport à la problématique représentation ? Les élèves peuvent se réfé- www.cagle.com/tag/rwanda/
ticiens locaux ou les agents humanitaires d’arrêter les massacres dans la capitale et dans quelle mesure l’abandon des Tutsi au traitée ? Est-ce que vous êtes d’accord avec rer au contexte historique et/ou légal pour http://weeblyrwandagenocide801.weebly.com/
ne crurent pas qu’un génocide à grande de reprendre le contrôle de la situation, Rwanda a résulté d’une attitude raciste sti- le point de vue exprimé et pourquoi (pas) ? la discussion (voir notamment l’article II de cartoon.html
échelle pouvait être organisé à travers tout à condition que les différentes forces pulant que certaines vies humaines pèsent ✔ Comment la communauté inter- la Convention sur la prévention et répres- http://filipspagnoli.wordpress.
com/2008/04/03/human-rights-cartoon-5/
le pays. Ils croyaient toujours qu’il y avait militaires étrangères puissent intervenir. moins lourd que d’autres. n nationale est-elle présente ou représentée sion du crime de génocide: ‘actes commis
une petite chance de voir l’accord de paix Cependant, le 13 avril, la Belgique ordonna dans ces dessins ? Quelles sont les possi- dans l’intention de détruire, en tout ou en www.artizans.com/image/MAY1148/
Colette Braeckman, journaliste au Soir
se réaliser, et avant tout, ils croyaient que la le retrait de ses troupes, ouvrant la voie au bilités d’intervention de la communauté partie, un groupe national, ethnique, racial http://latuffcartoons.wordpress.com/tag/
Traduction : Fransiska Louwagie rwanda/
mission des Nations Unies, quel que soit départ de la majorité des forces des Nations internationale en cas de génocide et ou religieux, comme tel’).
Intervention organisée à l’Université de Leicester www.cartoonistgroup.com/subject/The-
son mandat, représentait une protection, Unies. Les diplomates belges poussèrent (« Rwanda Remembered », 29 janvier 2014) avec d’autres conflits importants ? Et quels sont ✔ Comment les dessins se rapportent-
Rwanda-Comics-and-Cartoons.php
un paravent. Certes, il y avait des preuves au départ d’autres contingents, afin de dis- le support de Wallonia-Brussels International les obstacles à l’organisation d’interventions ils à la question de la mémoire des événe-
manifestes que quelque chose d’énorme simuler l’échec et le manque de courage (Ambassade belge à Londres). militaires ou humanitaires ? ments génocidaires ? Suite p.14 w

12 TRACES DE MÉMOIRE N°13 – SEPTEMBRE 2014 13


APPROFONDISSEMENT VARIA

w Suite de la p.13

Extension
a Parution
VILLES
MARTYRES

© PU de Namur
✔ En petits groupes, les élèves ana- ✔ Comment décrire le rapport entre rwandais : http://autograph-abp.co.uk/
lysent une ou plusieurs séries photo- l’humain et l’inhumain dans cette série ? exhibitions/rwanda-in-photographs ;
a
A
graphiques consacrées au génocide http://www.ahrc.ac.uk/News-and-Events/ Voyage mémoriel u cours de l’invasion allemande
rwandais ou à l’après-génocide. Selon le
profil des élèves, l’exercice permet de com-
qAbsences, une série en couleur réa-
lisée en 2013, avec des images de la nature
Image-Gallery/Pages/Rwanda-Looking-
Forwards-Looking-Backwards.aspx ; http://
SUR LES de la Belgique durant l’été 1914,
la folie meurtrière qui frappa les Leuven, Dendermonde) réunissent leurs
parer et de confronter plusieurs perspec- rwandaise. edition.cnn.com/2014/03/21/world/africa/ TRACES « villes martyres » constitue certainement forces pour livrer non seulement le récit
tives sur le génocide : celles de différentes
époques, de photographes étrangers ou QUESTIONS
death-then-life-now-rwanda/.
DE LA SHOAH un des épisodes les plus tragiques du
début de la Grande Guerre. Plusieurs loca-
historique des événements qui scellèrent
le destin commun de ces localités mais
rwandais, et de bourreaux, victimes et sur- QUESTIONS EN POLOGNE lités flamandes et wallonnes, que rien ne aussi pour témoigner sous quelles formes,
vivants. Avertissement : certaines séries, ✔ Comment la nature est-elle repré- rassemblait réellement jusque-là, subirent tout au long d’un siècle, se matérialisèrent
images ou informations sont potentielle-
ment choquantes.

Le site web du photographe


sentée dans ces images ? Comment cette
représentation se rapporte-t-elle à l’image
du pays des mille collines et au génocide
rwandais ? Les élèves pourront notamment
s’interroger sur la représentation idyllique
✔ Quel est l’objectif de l’exposition
« Rwanda in Photographs » ?
✔ Comment le Rwanda est-il repré-
senté dans ces images par les photographes
rwandais ?
L a Fondation Auschwitz propose un
nouveau voyage d’études en Pologne
qui aura lieu du lundi 3 août au lundi
10 août 2015 inclus.
En général, les gens savent que la Shoah
de manière presque simultanée un sort
identique traduisant l’extrême violence du
conflit. Les atrocités vécues en août 1914
engendrèrent, dès le début de l’occupation
ennemie, un profond sentiment d’injus-
l’entretien de la flamme du souvenir et la
transmission de la mémoire toujours vivace
de ces terribles événements. Les auteurs
ont enrichi leur texte d’illustrations mul-
tiples et variées, et publient la liste de toutes
français Alexis Cordesse de la nature et l’absence de traces du géno- ne se limite pas au camp de concentration tice et, par la suite, une volonté intense de les victimes tombées en août et septembre
(www.alexiscordesse.com) permet de cide dans le paysage. et au centre d’extermination d’Auschwitz- témoigner. 1914. n
visualiser les séries suivantes : Discussion collective Birkenau. Cependant, cet autre pan du Cent ans après les faits, les historiens Axel Tixhon et Mark Derez (dir.), Villes
Comparez les titres des différentes génocide a connu un déroulement diffé- des sept «villes martyres» belges (Visé, martyres. Belgique. Août-septembre 1914,
qIsembatsemba, une série en noir et Le site web du photographe séries. Quels sont les aspects du génocide rent si on le compare avec celui de l’Ouest. Aarschot, Andenne, Tamines, Dinant, Namur, Presses universitaires de Namur, 2014.
blanc réalisée en 1996 ; voir aussi le docu- sud-africain Jonathan et de l’après-génocide montrés dans les La présence juive avant la guerre dans les
mentaire Isembatsemba, Rwanda, un géno- Torgovnik séries respectives ? Quel est l’impact des shtetls typiques, l’enfermement forcé dans
cide plus tard. (www.torgovnik.com/pages/gallery/39)
contient une série de photos intitulées
images sur notre compréhension ou vision
du génocide rwandais et de l’après-géno-
les ghettos, les centres d’exterminations
développés sur des espaces restreints, etc., a Souvenir
QUESTIONS « Rwanda – Intended Consequences »
représentant des femmes qui ont été vic-
cide ? constituent des éléments moins connus.
Durant ce voyage d’études d’une semaine,
70e COMMÉMORATION DE LA
✔ Comment le génocide est-il présent times de viols au moment du génocide POUR D’AUTRES SÉRIES PHOTOGRAPHIQUES le participant fera connaissance avec la LIBÉRATION DES CAMPS NAZIS
dans ces photos sur l’immédiat après-géno- et leurs enfants, avec les témoignages des destruction de la communauté juive en

L
« Witness » – par le photographe américain
cide ? mères (en anglais). James Nachtwey: www.jamesnachtwey.com Europe Centrale (c.-à-d. sur le territoire de ’A SBL Amicale de Buchenwald nouveau dans la paix et la liberté.
✔ Quels sont les rapports entre images (images des atrocités commises) la Pologne de l’entre-deux-guerres). organise le vendredi 24 avril 2015 à L’ASBL Amicale de Buchenwald vous
et texte dans le documentaire ? QUESTIONS « 11 Powerful Photos from the Aftermath of Afin d’effectuer dans les meilleures Bruxelles une journée commémo- propose, à vous et vos élèves, de mener
the Rwandan Genocide » – par le photographe
américain Michael S. Williamson:
conditions ce voyage d’études qui demande rative en l’honneur du 70e anniversaire de une réflexion sur le sujet suivant : « 11 avril
qL’Aveu, une série en couleur réalisée ✔ Analysez le rapport des mères au www.washingtonpost.com/blogs/worldviews/ beaucoup d’explications, deux sessions de la libération des camps de concentration 1945 – 11 avril 2015 : 70 ans de liberté ». Les
en 2004, représentant des hommes et des passé, au présent et à l’avenir. Comparez- wp/2014/04/02/11-powerful-photos-from- formation seront organisées. Une première et d’extermination nazis. L’ASBL a choisi de élèves pourront soumettre le projet de leur
the-aftermath-of-the-rwandan-genocide/
femmes ayant participé au génocide, avec les entre elles. (images des camps de réfugiés rwandais)
séance d’information se tiendra le samedi dédier ce jour plus particulièrement aux choix : recherche individuelle ou en équipe,
des extraits de leurs confessions (en fran- 14 février 2015 et offrira aux personnes inté- étudiants des Hautes Écoles du pays afin présentation sur tel ou tel support écrit,
çais). ressées des informations tant techniques de susciter des aptitudes d’ « héritiers de la multimédia ou artistique. n
L’exposition « Rwanda in Fransiska Louwagie, Lecturer in French Studies,
Stanley Burton Centre for Holocaust and
que pratiques. n mémoire » pour préserver et défendre les
QUESTIONS Photographs – Death Then, Genocide Studies, University of Leicester valeurs de liberté pour lesquelles le vice-
Life Now » k EN PRATIQUE président Pieter Paul Baeten et tous les k EN PRATIQUE
Caroline Sharples, Docteur en histoire, Centre
✔ Qu’est-ce que cette série nous sous la direction de Zoe Norridge, orga- _ Plus d’infos : autres, disparus aujourd’hui, se sont sacri- _ Plus d’infos : Myriam Baeten,
for German-Jewish Studies, University of Sussex
apprend sur l’aptitude humaine à devenir nisée à l’occasion du vingtième anniver- johan.puttemans@auschwitz.be fiés. Au nom de leurs camarades morts Pannenhuisstraat 221 à 2500 Lier
un bourreau ou la capacité de l'homme à saire du génocide rwandais rassemble _ www.auschwitz.be en détention, ils ont fait le serment de ne _ buchenwald.belgium@hotmail.com
résister aux mouvements de masse ? des clichés réalisés par des photographes jamais oublier et de construire un monde

14 TRACES DE MÉMOIRE N°13 – SEPTEMBRE 2014 15


VARIA

a 15 octobre 2014
JOURNÉE À L’ATTENTION DES
PROFESSEURS DE LA FÉDÉRATION
WALLONIE-BRUXELLES

C onsciente de l’intérêt et de la portée


du travail pédagogique du musée
Kazerne Dossin auprès de la par-
tie francophone du pays, l’ASBL Mémoire a Film
d’Auschwitz s’est associée à Kazerne Dossin
et a fait une demande de subside auprès de DER
la Fédération Wallonie Bruxelles via l’appel ANSTÄNDIGE
à projets du Conseil de la Transmission de
la Mémoire afin de soutenir la traduction
en français des leçons introductives et ate-

k EN PRATIQUE
liers destinés aux nombreux élèves franco-
phones du secondaire qui visitent le musée.
Une convention de partenariat lie les deux
institutions afin qu’elles puissent, par une
action commune, valoriser cet important
D er Anständige est basé sur la cor-
respondance privée récemment
retrouvée de Heinrich Himmler. À
partir de lettres, documents d’archives et
photos la cinéaste Vanessa Lapa esquisse
_ Mercredi 15 octobre 2014
de 13h à 17h. outil pédagogique. un portrait unique du chef de la SS. La pre-
_G
 oswin de Stassartstraat 153
Lors de cette journée, Mémoire d’Au- mière belge en présence de Vanessa Lapa
2800 Malines. schwitz et Kazerne Dossin présenteront de aura lieu dans le Musée Kazerne Dossin. En
_ Participation gratuite. concert les leçons préparatoires et ateliers collaboration avec Het Filmhuis et l'ASBL
_M
 atériel éducatif offert aux au public enseignant francophone. Le but Mémoire d'Auschwitz. n
professeurs + envoi par la suite du sera de valoriser l’offre éducative apportée
témoignage filmé d’Armand Schmidt par ces ateliers, nouveaux outils pédago-
_ I nscription obligatoire avant giques mis à la disposition des enseignants. k EN PRATIQUE
le 8 octobre 2014 par mail :
dob@cfwb.be en précisant : nom,
La journée des professeurs du 15 _ Le 19 octobre 2014 à 19h30.
établissement et fonction exercée octobre 2014 s’inscrit dès lors dans cette _ Goswin de Stassartstraat 153
dans celui-ci. lignée et sera organisée en partenariat avec 2800 Malines.
_ www.kazernedossin.eu la cellule « Démocratie ou Barbarie » et _ www.kazernedossin.eu
l’ASBL Mémoire d’Auschwitz. n

POUR UNE PRISE ASBL Mémoire d’Auschwitz – Tél. : 02/5127998 info@auschwitz.be


DE CONTACT Fondation Auschwitz. Fax : 02/5125884 www.auschwitz.be
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Philippe Mesnard Publication réalisée grâce au soutien de
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16 TRACES DE MÉMOIRE – N°13 – SEPTEMBRE 2014

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