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bien-dire

FLE
bd N° 147
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magazine audio exercices e-magazine
mars-avril 2023

Le français par la culture

Destination
Besançon
Société cuLturE LanguE
L’innovation frugale Besançon, gardienne Parlons sobre !
Décroissance ou sobriété ? du temps Exprimer la notion
Les habitats participatifs Vauban et ses citadelles de temps
L’électricité en France L’absinthe, la fée verte 10 mots d’aujourd’hui
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bien-dire
ÉDITO
n° 147 mars-avril 2023

Chères lectrices, chères lecteurs,


Notre rapport au temps est complexe. Parfois nous aimerions le suspendre parce que nous vivons un moment
spécialement heureux. D’autres fois nous souhaiterions qu’il passe à toute vitesse parce que nous le trouvons trop long...
En France, lorsque l’un des membres d’une maisonnée mourait, on avait autrefois coutume d’arrêter les horloges et les
pendules à l’heure exacte du décès et de les laisser ainsi jusqu’à l’enterrement. C’est d’ailleurs ce qui avait marqué Philippe
Lebru, l’horloger d’exception dont nous vous proposons de faire la connaissance. Ce numéro vous emmènera aussi dans
sa ville de cœur, Besançon. Cité horlogère par excellence, c’est aussi une ville verte et gourmande qui a beaucoup d’atouts.
Camille Vincent, notre secrétaire de rédaction, vous le dira : la cité bisontine n’a rien à envier à sa bourgeoise voisine, Dijon.
Je profite d’ailleurs de cet édito pour remercier Camille de nous avoir guidés dans l’élaboration de ce numéro. Cela vous
permettra, à votre tour, d’être conquis(e) par Besançon et la Franche-Comté. Bon voyage en terre bisontine et bonne lecture.
Pascale H. Roche, rédactrice en chef

SOMMAIRE Utinam et Philippe Lebru


p. 6
ACTUALITÉS LANGUE

Corinne Vasselet/BFC Tourisme


+ p bB LES INFOS p. 4-5 B LES 10 MOTS p. 11
+ p B SOCIÉTÉ p. 8-9               La société d’aujourd’hui
             Tous à l’heure de la sobriété Bc SOYONS CURIEUX p. 28
Bc AU QUOTIDIEN p. 17              Curiosités de-ci de-là
            Le marché de l’électricité p bB LA BOÎTE À OUTILS p. 29 À l’heure de la sobriété
en France              Exprimer la notion de temps p. 8
+ p c LE COIN ÉCO p. 34-35 + p b CONVERSATIONS p. 32-33
             L’innovation frugale,              PRATIQUES
quèsaco ?              Les habitats participatifs
p B QUOI DE NEUF p. 42-43 Bc LE SAVIEZ-VOUS ? p. 36-37
p b QUELQUES CHIFFRES p. 43              Des expressions en temps
et en heure
c SUR LE BOUT p. 38-39
             DE LA LANGUE L’absinthe, la fée verte
RENCONTRES              Parlons sobre ! p. 12
+ p B PORTRAIT p. 6-7 p bBcC LA RONDE DES MOTS p. 41
              Philippe Lebru, bBcC QUIZ p. 48    
Alain Doire/BFC Tourisme

le maître du temps
ob ICI ET AILLEURS p. 10
              Julie et Ben, couple CULTURE
anglo-américain en France
+ Bc SOUS LES SPOTS p. 12-13 La ville de Besançon
p bB L’INTERVIEW p. 20-22             L’absinthe, la fée verte
              Yoann Combronde, p. 24
© Roman Babakin/Shutterstock.com

le producteur de bonheur + B L’HISTOIRE EN MARCHE p. 14-16


            Besançon, la fabrique du temps
cC UN ARTISTE, UNE ŒUVRE p. 30-31
            Vauban et la citadelle de Besançon
VOYAGE pBc CUISINE & GASTRONOMIE p. 44-45
o p B DESTINATION p. 18-19
            Délices franc-comtois
FRANCOPHONIE B CULTURE D’HIER p. 46 Les habitats participatifs
B DÉCOUVERTE p. 24-27             Les foires agricoles p. 32
              Besançon, la ville aux sept b CULTURE D’AUJOURD’HUI p. 47
collines             Le Trail des Forts
SYMBOLES

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disponible en CD ou en téléchargement
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les exercices en ligne
Niveaux Les niveaux attribués à chaque article
suivent le Cadre européen commun
sur biendire.com de sur de référence pour les langues (CECR) :
Le numéro de la piste audio est intégré au symbole. B1 : Intermédiaire
www.biendire.com/my-books B2 : Intermédiaire fort
C1 : Avancé
Ce symbole indique que l’article C2 : Avancé fort
concerne la francophonie.

Crédit photo couverture : © Mihai-Bogdan Lazar/Shutterstock.com Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 3
LES INFOS
ACTUALITÉS

Article de Axelle Négrignat

Annie Ernaux
et le Nobel
En octobre dernier, l’écrivaine
Annie Ernaux a été nommée prix
Nobel de littérature, devenant ainsi
la dix-septième femme (et la première
femme française) à obtenir cette
distinction depuis la fondation du
prix en 1901. Ce prix rend hommage
à l’ensemble de l’œuvre d’Annie
Ernaux, essentiellement
autobiographique, qui a fait de cette
écrivaine aujourd’hui âgée de 82 ans
une figure du féminisme français.
Celle qui a été professeure de
littérature à l’université de Cergy-
Pontoise est l’auteure d’une vingtaine
Départs programmés
de récits qui se nourrissent de sa vie En deux ans, le nombre de ruptures conventionnelles a considérablement
en évoquant son émancipation augmenté, et ce dans tous les secteurs. Alternative intéressante entre
intime et sociale, ainsi que celle de démission et licenciement, cette procédure permet à un salarié du privé
toutes les femmes de l’après-guerre de mettre fin à son CDI* en accord avec son employeur. Contrairement
en quête de liberté. n à la démission, le dispositif donne droit aux allocations chômage et à
une œuvre work
une indemnité de départ. En cas de refus de l’employeur, le salarié pouvait
jusqu’à présent faire un abandon de poste, qui lui permettait aussi d’être
indemnisé par l’État. Ces abandons de poste devenant trop nombreux,
le gouvernement a adopté une loi dissuasive supprimant les allocations
chômage si cette option est choisie. n
* Contrat à durée indéterminée.
© 2cordevocali/CC-BY-SA-4.0

une démission resignation


un licenciement dismissal
les allocations chômage unemployment benefit
une indemnité de départ severance pay
un poste (here) position

Déserts médicaux
La pénurie de médecins généralistes se fait cruellement sentir dans
plusieurs régions de France. Le phénomène, accentué par le départ
en retraite de docteurs non remplacés, a des conséquences directes sur
la santé des Français. Aujourd’hui, 11 % d’entre eux n’ont pas de médecin
traitant. Durant son premier mandat, Emmanuel Macron avait voulu
inverser cette tendance en mettant fin au numerus clausus, mais
la mesure ne sera vraiment effective que lorsque les nouveaux étudiants
auront obtenu leur diplôme. En attendant, l’ensemble des ordres
professionnels de santé ont signé à l’automne dernier un accord pour
déléguer certains gestes médicaux aux infirmiers, kinésithérapeutes,
obstétriciens ou pharmaciens. n
 
une pénurie shortage
le départ en retraite retirement
un médecin traitant GP, regular doctor
un mandat (here) term
un diplôme degree
un accord (here) agreement
un infirmier nurse
un kinésithérapeute physiotherapist

4 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


2-8

Poésie à l’honneur
Créé en 1999, le Printemps des Poètes est un événement francophone qui
se déroule en France et au Québec. Il invite celles et ceux qui le veulent à fêter
la poésie sous toutes ses formes d’expression au mois de mars, au sortir de
l’hiver. Pour l’édition 2023, l’affiche concoctée par JR (artiste contemporain
qui pratique l’art du collage photographique) met à l’honneur les « Frontières ».
Ce thème se retrouvera à travers des rencontres avec les poètes, des lectures,
des ateliers d’écriture et des expositions. L’événement est soutenu par le ministère
de la Culture et le Centre national du livre. Il a généralement lieu dans des
structures aussi variées que des établissements scolaires, des bibliothèques,
des théâtres, des librairies, des hôpitaux ou des prisons, afin d’être le plus
accessible possible. n
se dérouler (here) to take place
une exposition (here) exhibition
soutenu (here) supported

© JR
CNRS en quête Plus loin,
d’accents plus pauvres
Trois chercheurs du Centre national de la recherche
scientifique vont partir sur les routes de France pour Des écarts de plus en plus importants existent dans
enregistrer les langues, les dialectes régionaux et le domaine socio-économique entre la métropole et
les accents du pays. L’objectif ? Étudier les spécificités les territoires d’outre-mer. Ces derniers connaissent
linguistiques (vocabulaire, tournures de phrase, un retard de développement par rapport à la France
accents, lexiques, etc.) et voir comment ces langues, métropolitaine, et les inégalités y sont beaucoup
partie intégrante du patrimoine culturel, ont évolué plus marquées. Comme l’indique l’Insee*, près de
à travers les années. n 18 % des Français en situation de grande pauvreté
le patrimoine (here) heritage habitent dans les départements d’outre-mer. Des
quatre départements d’outre-mer pris en compte
dans l’étude (Guadeloupe, Guyane, Martinique
et La Réunion), c’est la Guyane qui présente

Cuisine et tendances la situation la plus alarmante : près de 70 % de


la population y est pauvre et la moitié des foyers
Depuis la crise sanitaire, les recettes traditionnelles, en grande pauvreté vit avec moins de 470 euros
celles des bons petits plats qu’on mangeait en famille par mois. n
chez sa grand-mère, le dimanche, sont de nouveau à la * Institut national de la statistique et des études économiques.
mode. Les Français font une part plus grande aux
un écart (here) difference
préparations authentiques et aux plats conviviaux. la métropole (here) mainland France
Autre tendance, le modèle du « fast-food » évolue vers d’outre-mer overseas
le « fast-good ». Les enseignes de restauration font la par rapport à (here) compared to
près de (here) nearly
promotion de snacks plus sains, concoctés à partir de un foyer (here) household
produits frais, bio et végétariens. Si l’aspect pratique
est toujours présent (manger sur le pouce quand on a
peu de temps et un budget limité), la qualité des
produits est devenue essentielle. n
une tendance trend
la crise sanitaire health crisis
les bons petits plats good simple food
à la mode (here) trendy
une enseigne (here) brand, chain
© Lee Gough/Shutterstock.com

sain healthy
bio organic
manger sur to eat on the go
le pouce (familier)

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 5


PORTRAIT
RENCONTRES

Article de Waléry Doumenc

Philippe
Lebru,
le maître du temps

© Philippe Lebru/CC-BY-SA-4.0
Artiste, créateur, inventeur, concepteur,
Philippe Lebru ne rentre dans aucune case.
Il est sans aucun doute l’artisan du renouveau
de Besançon, capitale horlogère depuis près BIO EXPRESS
de quatre siècles. 1966 : Naissance à Lyon le 22 février
2005 : Grand prix du concours Lépine1
2010 : Création de sa première horloge monumentale
Le temps du hasard 2018 : Installation d’Utinam, sa manufacture, au cœur
de la ville de Besançon
Après une formation initiale en chaudronnerie indus-
trielle, c’est à 27 ans que Philippe Lebru se lance dans
l’horlogerie, sans aucune expérience. C’est un passage L’horloger du futur
dans une école de commerce et d’industrie qui lui
permet de découvrir le passé horloger de Besançon. Philippe installe son atelier dans la friche industrielle
Pourtant, c’est bien plus jeune que se noue son rapport de Besançon, il y a trente ans. Au départ, il ne crée
à la symbolique du temps. Encore enfant, au moment que des montres : « Quand je me suis lancé dans
du décès de son grand-père, il est marqué par son l’aventure de la montre, en 1993, j’ai commencé par
cousin, dont la première action est d’arrêter le balancier réaliser de petites séries haut de gamme réservées au
de l’horloge familiale : « Par ce geste, la mort prenait marché de la communication d’entreprise. » Lorsque
pleinement sa place, et en moi l’idée que ces belles le budget communication des entreprises baisse au
mécaniques étaient les gardiennes de notre temps, début des années 2000, il a l’idée, pour relancer sa
que leur arrêt signifiait notre fin. » société, de redessiner et réinventer les horloges comtoises,
en repensant cette « horloge grand-père » comme une
œuvre contemporaine.

Un esthète du temps
Sa première horloge se prénomme Hortence. Elle
bénéficie de son invention primée au concours Lépine,
en 2005 : le mouvement pendulaire à équilibrage
automatique, qui évite d’avoir à caler une horloge pour
être sûr qu’elle indique la bonne heure. Esthétique-
Corinne Vasselet/BFC Tourisme

ment, on est très loin du traditionnel bâti de bois. Ici,


la mécanique s’expose et devient la signature de ses
créations. La même année, il remporte la Médaille
d’Or en horlogerie au Salon de l’invention de Genève,
une consécration dans ce pays horloger par excellence !
Boutique Utinam, à Besançon

horloger (adj.) clockmaking un rapport (here) relationship primé awarded


le hasard chance un balancier pendulum un équilibrage balancing
la chaudronnerie sheet metalwork une friche (here) wasteland éviter de to avoid
se lancer dans to start haut de gamme high-end caler (here) to adjust
working in baisser (here) to decrease le bâti (here) frame
un passage (here) stint relancer (here) to revive remporter (here) to win
se nouer (here) to form une horloge comtoise grandfather clock une consécration great recognition

6 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


9-10

Un inlassable inventeur
Les petites sœurs d’Hortence (Constence, La-La et Pop
Up) sont toutes dotées d’innovations technologiques.
Philippe Lebru lance Utinam (la devise de la ville de
Besançon, qui signifie « Plaise à Dieu ») avec l’ambi-
tion de faire briller à nouveau la métropole. Parmi
ses montres mondialement reconnues, Météorite
contient un fragment d’astéroïde vieux de 4,5 mil-

© Corinne Vasselet/BFC Tourisme


liards d’années. « C’est purement esthétique, mais
j’aime cette idée d’avoir une poussière d’étoile au
poignet, ainsi que le rapport au temps et à l’espace »,
confesse-t-il.

Des horloges monumentales Horloge comtoise contemporaine

En 2010, cet artisan d’exception conçoit sa première de répondre au monde connecté : « J’ai voulu montrer
horloge monumentale, qu’il ancre sur le fronton du que ça part dans tous les sens, un peu comme la
musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon. jeunesse, à cet âge où il faut faire des choix. »
Il prend goût à cette démesure, et en 2012, il installe
une seconde horloge monumentale (de 6 t et de 6 m Fidèle à Besançon
de haut, avec un pendule de 4 m) dans la gare TGV de
Besançon. La machine à remonter le temps, une autre Bouleversant sans cesse les codes de l’horlogerie, le
de ses créations gigantesques, est actuellement expo- travail de Philippe Lebru tient en trois mots : « Tech-
sée dans l’aéroport de Zurich. Après en avoir installé nologie, subversion, et créativité. » Il imagine ses
une autre à Tokyo (l’horloge AoyAmA), il s’est attelé à œuvres d’art mécaniques « à l’instinct » et est ferme-
l’horloge qui célébrera cette année les cent soixante ment décidé à faire briller à nouveau le savoir-faire
ans de l’Horlo, l’école nationale d’Horlogerie de bisontin2 en matière d’horlogerie, qui vient, sous son
Besançon (l’actuel lycée Jules-Haag), avec une aiguille impulsion, d’être reconnu par l’Unesco et classé au
s’étendant sur 12 m de long ! Une manière pour lui rang de patrimoine immatériel. Il tient enfin à ce que
tout soit fabriqué sur place, et Utinam (labellisée
« Made in chez nous ») utilise uniquement un réseau
d’entreprises locales. Les composants des fabrications
d’Utinam sont 100 % franc-comtois. La manufacture
s’est installée depuis 2018 en plein centre-ville, juste
en face du musée du Temps. Elle s’est dotée d’un
showroom qui permet aux visiteurs d’observer les
horlogers assembler des montres, ou, pourquoi pas,
de le faire eux-mêmes, sur rendez-vous.

Philippe Lebru a des projets monumentaux à venir,


en France, en Suisse et même au Qatar. De ces succès,
la ville de Besançon profite pleinement, et elle doit
beaucoup de sa résurrection sur la scène internatio-
nale à son maître des horloges. n
Corinne Vasselet/BFC Tourisme

1
Concours français d’inventions créé en 1901 par Louis Lépine
et qui se tient chaque année à Paris.
2
Adjectif qualifiant une personne ou une chose originaire de
Besançon.
Utinam, créations de Philippe Lebru

inlassable tireless prendre goût à to take a tenir (here) to be summed up


une devise (here) motto liking to tenir à ce que to insist that
une poussière d’étoile stardust la démesure excessiveness (+ subjonctif)
le poignet wrist un pendule pendulum un réseau network
concevoir (here) to design actuellement currently même (here) even
ancrer (here) to hang, to mount s’atteler à to begin devoir à (here) to owe to
un fronton pediment bouleverser to shake up

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 7


SOCIÉTÉ
ACTUALITÉS

Article de Camille Larbey

Tous à l’heure
de la sobriété
Avec la crise écologique et économique, le mot
« sobriété » est désormais devenu incontournable
dans les médias et les conversations. Mais quelle
réalité revêt-il exactement ?

Changement de cap incendies à répétition, inflation, diminution du gaz


russe à cause de la guerre en Ukraine, risque de
Pour défendre la technologie de réseau téléphonique pénurie d’électricité… Les crises s’enchaînent et le
5G, à l’été 2020, Emmanuel Macron se moquait des président de la République a changé de discours. Lui
adversaires du projet en les traitant d’ « amish*», qui et son gouvernement parlent maintenant de la « fin
préféraient « le retour à la lampe à huile » comme au de l’abondance » et de « sobriété énergétique ». Même
xvii e siècle. Les mots «  croissance économique  » et le président de l’association des patrons des entreprises
« production de richesse » étaient alors ses slogans, de France déclare être favorable à une « croissance
pour ne pas dire ses leitmotivs. Deux ans et demi plus sobre ». Une expression inhabituelle dans l’univers
tard, l’heure n’est plus à la moquerie : canicules et du libéralisme économique !

Objectif -10 %
Pour faire des économies d’énergie, le gouvernement
a demandé aux collectivités locales (communes, dé-
partements, régions) et aux entreprises de baisser la
température des bureaux et des bâtiments de 1 °C ou
2 °C pour rester à 19 °C. Les publicités lumineuses
sont désormais interdites la nuit et certaines villes
ont même décidé d’éteindre l’éclairage public de mi-
nuit à 5 heures du matin cet hiver. Un excès de zèle
pour certains. L’objectif du gouvernement est de
diminuer la consommation d’énergie de 10 % d’ici à
deux ans. Bonne élève, la ville de Lyon souhaite

Le mot « sobriété » désigne l’attitude d’une personne


modérée dans sa consommation de nourriture ou d’alcool.
Au sens figuré, la sobriété désigne ce qui est sans excès.
Un style vestimentaire, une architecture ou un style
littéraire peuvent être sobres, c’est-à-dire simples, sans
artifices. Par extension, la sobriété est un mode de vie
où l’on consomme moins, notamment pour limiter sa
consommation d’énergie et préserver l’environnement.

désormais now la croissance growth baisser (here) to lower


incontournable must la canicule heat wave un éclairage lighting
revêtir (here) to take on un incendie fire un excès de zèle overzealous application
un cap (here) course une pénurie shortage d’ici à within
un réseau network

8 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


11-12

atteindre cet objectif en seulement un an, en limitant


la température à 18  °C dans les bâtiments publics
(sauf écoles, hôpitaux, crèches et bibliothèques), à
25 °C pour l’eau des piscines, et à 14 °C dans les
gymnases.

La population est aussi sollicitée pour participer à cet


effort national en adoptant les « écogestes » : régler
le chauffage à 19 °C et le chauffe-eau à 55 °C, éteindre
tous les appareils en marche ou en veille lorsqu’ils ne
sont pas utilisés, décaler l’utilisation des appareils
électriques en dehors des heures de pointe (8 h-13 h/
18 h-20 h), etc. Pour les Français, la sobriété n’est pas
une nouveauté : si 31 % des personnes interrogées
disent être prêtes à changer leur comportement,
59 % déclarent faire déjà attention à leur consomma- la justice sociale et le bien-être. » Selon Timothée
tion électrique et ne pas pouvoir faire davantage Parrique, chercheur en économie écologique à l’uni-
d’efforts. Pour beaucoup d’entre eux, il n’y a jamais versité de Lund, en Suède, la décroissance vise à
vraiment eu d’abondance et l’inflation des derniers réduire la surconsommation d’une minorité de
mois, même si elle a été jugulée par le bouclier tarifaire « super pollueurs » – les 1 % les plus riches au monde
mis en place par le gouvernement, a freiné leur envie émettent soixante-dix fois plus de carbone que les
de consommer ! Un détail intéressant : une récente 50 % les plus pauvres – afin que tout le monde profite
enquête a montré que la sobriété est aussi une affaire des ressources. La sobriété est donc peut-être le premier
de genre, puisqu’une femme sur cinq dit faire des pas vers une décroissance souhaitable et heureuse,
efforts de sobriété importants, contre seulement un que certains Français ont déjà commencé à adopter,
homme sur huit ! par obligation ou par idéologie. n

Sobriété, frugalité ou bien * Référence à cette communauté religieuse américaine qui


rejette la technologie.
décroissance ?
La sobriété fait référence à un mode de vie et de LE « QUIET QUITTING »
consommation, plus modéré mais sans privation, qui
renvoie à notre responsabilité individuelle. D’autres « Travailler plus pour gagner plus » était le leitmotiv
modèles économiques sont aussi évoqués pour faire de l’ex-président Nicolas Sarkozy. De plus en plus
face aux enjeux climatiques et économiques. La fru- de personnes rejettent ce mode de pensée. La crise
galité, par exemple, recommande de « faire mieux sanitaire de la Covid-19 a provoqué des remises en
avec moins » et de consommer juste ce qu’il faut. Pour question des conditions de travail. Depuis quelques
certains, il faut aller plus loin et tendre vers la
mois, on entend parler du « quiet quitting » (ou
décroissance. Ce concept philosophique, économique,
« démission silencieuse », en VF). Il s’agit de faire
juste son travail, de ne plus accepter les heures
politique et social, a été établi dès 1972 par le Club
supplémentaires, de ne plus répondre aux mails
de Rome, un groupe de réflexion international. L’idée
et au téléphone en dehors des heures de bureau.
est que la croissance est une mauvaise boussole, car
Ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui, mais
elle consomme trop de ressources naturelles sur la
l’apparition d’un nouveau mot pour le décrire
planète et n’augmente pas le bien-être de la popula-
prouve qu’il y a une prise de conscience généralisée
tion. Dans son dernier rapport, le groupe d’experts
: le travail ne doit jamais être la principale raison
intergouvernemental sur l’évolution du climat (une
de vivre. La fin du productivisme à tout prix ?
organisation scientifique qui étudie les changements
climatiques) l’affirme : «  La décroissance explore une prise de conscience awareness
l’intersection entre la soutenabilité environnementale,

atteindre (here) to achieve davantage de more un enjeu (here) issue


sollicité called on jugulé (here) curbed une boussole compass
un chauffe-eau water heater un bouclier tarifaire tariff shield la soutenabilité sustainability
un appareil (here) appliance freiner to slow down selon (here) according to
en veille on standby une enquête (here) survey viser à to aim at
décaler (here) to shift la décroissance (here) degrowth profiter de (here) to benefit from
une heure de pointe peak hour renvoyer à (here) to refer to

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 9


ICI ET AILLEURS
RENCONTRES

Interview de Pascale H. Roche

Dans cette nouvelle rubrique,


nous donnons la parole à un(e)
expatrié(e) : soit une personne
qui n’est pas française mais qui vit
en France, soit un Français vivant
dans un pays francophone. Ici ou
ailleurs, les cultures se rejoignent
grâce à la langue française !

Julie et Ben
Voilà une histoire internationale : un Britannique et une Américaine qui se sont rencontrés
dans un bar écossais à Lyon et qui ont construit leur famille en France !

Depuis quand habitez-vous en France ? Quels conseils donneriez-vous à une personne


Julie : Ben est arrivé en France en 2007, et moi, en d’un autre pays qui envisage de s’installer en
2009. Depuis six ans, nous habitons Trévoux, près France ?
de Lyon. Nous avons eu le coup de cœur pour cette Ben : Il faut faire l’effort d’apprendre la langue et
ville animée qui n’est ni trop grande ni trop petite, d’approfondir ses connaissances de la culture fran-
et où il y a beaucoup de jeunes familles et les com- çaise. Même si beaucoup de Français maîtrisent très
merces dont on a besoin. bien l’anglais, ils apprécient que l’on prenne la peine
de parler leur langue. Ils adorent aussi faire décou-
Comment s’est passée votre installation ? vrir les particularités et les curiosités de leur
Julie : Pour moi, l’installation était extrêmement patrimoine culturel !
difficile au début, car j’essayais de tout organiser
depuis les États-Unis et ce n’était pas évident. Fina- Vos enfants ont une triple culture : comment se
lement, j’ai rencontré des expats qui m’ont beaucoup traduit cette chance au quotidien ?
aidée. Julie : Ce n’est peut-être qu’une coïncidence, mais
Ben : Au début, je comptais rentrer en Angleterre l’aîné s’intéresse depuis tout jeune aux drapeaux,
après un an ou deux, mais il y avait beaucoup d’op- aux cartes géographiques, aux autres pays et aux
portunités à Lyon et j’ai décidé de rester. En étant un langues (il est méga fan de l’Eurovision !). Il semble-
citoyen européen, c’était facile avant le Brexit. C’est rait qu’il ait compris très tôt que le monde est grand,
dommage pour la jeune génération britannique et j’espère qu’il s’adaptera ainsi mieux aux diffé-
d’avoir perdu cette possibilité. rences culturelles.

Qu’est-ce qui vous plaît ou ne vous plaît pas ici ? Si vous ne deviez garder qu’un objet ou une
Ben : J’apprécie la place donnée au bien-être dans la habitude française...
vie quotidienne. On s’accorde le temps de bien man- Julie : Ce serait le pain !
ger, de faire du sport, de se reposer le week-end. Ben : Et moi, le café gourmand ! 
En revanche, on a souvent l’impression que les gens
sont mécontents de leur sort. On voit plus souvent des
mines renfrognées que des visages souriants, mais en
Angleterre aussi, nous aimons bien râler...
LEXIQUE EXPLIQUÉ
compter (+ infinitif) : planifier de, envisager de
Votre cercle amical est-il cosmopolite ou très en revanche : marque l’opposition
français ? être mécontent de son sort : ne pas être satisfait
Julie : À Lyon surtout, nous fréquentions beaucoup de sa situation
d’amis internationaux. Plus tard, nous avons rencon- une mine renfrognée : un air mécontent
tré des amis français en adhérant à un club de volley. râler : exprimer son mécontentement
À Trévoux aussi, nous côtoyons pas mal de familles pas mal de (familier) : (ici) un certain nombre de
biculturelles. prendre la peine de : faire des efforts pour
le patrimoine : (ici) l’héritage

10 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


LES 10 MOTS
LANGUE

Article de Axelle Négrignat

La société d’aujourd’hui
Nos sociétés changent et avec elles, les mots que nous utilisons. Voici dix mots témoins
de notre époque.

Locavore Consommacteur
Celui qui ne consomme que des produits Mot-valise construit à partir de « consommateur » et d’ « acteur ».
locaux et de saison, issus d’un territoire situé Le consommacteur ne se contente pas d’acheter passivement
à une courte distance de son domicile, est des biens et des services. Par ses choix, il pèse également sur
« locavore ». Il n’achète qu’aux producteurs l’offre et devient ainsi un véritable acteur du marché, dans le but
locaux grâce à des circuits courts.  notamment de préserver la planète.

Pénurie Écogeste
Quand sur le plan collectif on manque de ce qui est jugé nécessaire, Geste simple et banal de la vie de tous
c’est de pénurie qu’il est question. Multifactorielle, elle se retrouve les jours, l’« écogeste » est ce qui peut être
régulièrement sur le devant de la scène médiatique depuis le début fait à l’échelle individuelle pour diminuer
de la guerre en Ukraine, et a touché aussi bien la production de la pollution et d’améliorer l’environnement.
moutarde ou d’huile de tournesol que celle de médicaments. Beaucoup considèrent que ces écogestes
sont nécessaires mais insuffisants.

Sobriété
Notion ancienne désignant une personne qui mange Décroissance
et boit modérément, la sobriété s’applique aujourd’hui Ce concept politique, économique et social né dans
à un comportement vertueux, en recherche de les années 1970 est désormais incontournable. Il remet
modération dans la production et la consommation en cause l’idée selon laquelle l’augmentation des richesses
de produits, de matières ou d’énergies. produites conduit à l’augmentation du bien-être social.

Frugalité
Écoresponsabilité
Si la sobriété invite à l’économie des ressources,
la frugalité serait plutôt la capacité à les faire fructifier La responsabilité environnementale consiste à intégrer
sans en abuser. Elle vise à établir un système les enjeux du développement durable dans l’ensemble
économique viable et durable. C’est une démarche de ses activités quotidiennes. Elle s’applique à la fois
qui souhaite répondre à une nécessité en y apportant dans le domaine de la consommation, de la production,
simplement l’essentiel. du transport ou encore des interactions sociales.  

Transition écologique Minimalisme


C’est l’ensemble des changements engagés Vivre avec moins mais vivre mieux, notamment en résistant
pour réduire l’impact environnemental de à ses pulsions d’achat, voilà la philosophie du minimalisme.
la production, de la distribution et de C’est adopter une nouvelle façon de vivre et de consommer
la consommation d’énergie sur un territoire impliquant le désencombrement et une meilleure organisation
pour le rendre plus écologique. de sa maison, de son temps libre et de ses relations. 

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 11


SOUS LES SPOTS
CULTURE

Article de Camille Larbey

L’absinthe,
la fée verte
Après des décennies d’interdiction, l’absinthe a fait
son retour en 2011. Pourquoi cet alcool, enveloppé
de mystère et de fascination, a-t-il fait scandale ? 

Les origines
À l’origine, l’absinthe est un alcool local produit en
Suisse, dans le canton de Neuchâtel, au début du
xix e siècle. À quelques kilomètres, en France, des dis-
tillateurs commencent à en produire dans la ville
de Pontarlier et dans la région environnante, la
Franche-Comté. L’absinthe est fabriquée avec des
plantes distillées : l’anis, le fenouil, la mélisse, l’hysope,
ainsi que la grande absinthe et la petite absinthe, qui
donnent leur nom à cet alcool. Les premières années,
l’absinthe est consommée uniquement dans son lieu
de production : en Franche-Comté et en Suisse. Tout
change en 1830 quand la France colonise l’Algérie. gouttes de cet alcool purifie l’eau. Les soldats prennent
Afin d’éviter les maladies, l’armée française fournit à goût à l’absinthe et, à leur retour en France, la font
ses soldats des bouteilles d’absinthe : l’ajout de quelques découvrir dans leur région d’origine. D’abord réser-
vée à une clientèle bourgeoise en raison de son prix
élevé, elle devient rapidement une boisson très
LE « CARBURANT » DES ARTISTES populaire dans toutes les classes sociales, au fur et à
ET DES POÈTES mesure que les distilleries ouvrent à Paris, Bordeaux,
Marseille, etc. C’est sa couleur qui va lui donner le
À la recherche de nouvelles sensations, les artistes et poètes surnom de « fée verte ».
de la Belle Époque ont trouvé dans l’absinthe un formidable
stimulant. Mieux, une muse ! Les peintres Vincent Van Gogh, Tout un rituel
Édouard Manet, Edgar Degas et Pablo Picasso la font apparaître
dans leurs tableaux. Toulouse-Lautrec avait une réserve à Son service requiert un cérémonial comme pour le
absinthe dans sa canne creuse ! Les poètes comme Charles thé. On verse une petite dose au fond du verre. Ensuite,
Baudelaire, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine ou Oscar Wilde lui on place une cuillère plate et trouée sur le verre. On
rendent hommage. « J’aime ta forte odeur et ton flot d’un vert pose un morceau de sucre sur la cuillère. L’alcool est
sombre qui laisse s’élancer, au milieu de son ombre, des feux versé sur le sucre à l’aide d’un goutte-à-goutte appelé
couleur de sang tout le long du cristal », écrit Alfred de « fontaine à absinthe ». Le sucre se dissout progressi-
Musset. Pour le grand public, l’absinthe est donc souvent vement et révèle les saveurs de cet apéritif. On peut
associée à la figure de l’artiste maudit. aussi faire flamber le morceau de sucre trempé au
un carburant fuel un feu (here) radiance préalable dans l’alcool. L’absinthe aura alors un goût
creux (here) hollow le sang blood caramélisé. À la fin du xix e siècle, l’absinthe est l’apé-
un flot flood le grand public general public
s’élancer (here) to set off maudit cursed
ritif le plus consommé en France. C’est LA boisson de
une ombre shadow la Belle Époque – période de l’histoire de France de
1871 à 1914.

une fée fairy une goutte drop au fond de at the bottom of


une décennie decade prendre goût à to develop troué (here) slotted
le fenouil fennel a taste for se dissoudre to dissolve
la mélisse lemon balm au fur et as trempé (here) soaked
éviter (here) to prevent à mesure que au préalable beforehand
fournir to provide with verser to pour

12 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


LA PLUS VIEILLE DISTILLERIE D’ABSINTHE
Fondée en 1890 à Pontarlier, la « capitale de l’absinthe »,
la distillerie Émile Pernot doit s’adapter pour ne pas disparaître
au moment de l’interdiction de la « fée verte » en 1915.
L’entreprise prend le nom Les Fils d’Émile Pernot et se lance
dans la production d’autres apéritifs : des anisés, des liqueurs
et des eaux-de-vie. Le vieux Pontarlier, un apéritif à base d’anis
distillé, fait la renommée de l’entreprise. En Franche-Comté,
on l’appelle tout simplement « Le Pont ». Depuis la réautorisation
de 2011, Les Fils d’Émile Pernot a repris la production d’absinthe
en utilisant sa recette traditionnelle et les deux alambics
centenaires de la distillerie.
© Les Fils Émile Pernot

se lancer dans (here) to go into une recette recipe


la renommée reputation un alambic still

Une molécule accusée… Un nouvel essor


puis innocentée !
La dénomination « absinthe » est autorisée de nou-
Ce succès va entraîner la fin de l’absinthe. L’Église et veau en 2011. Le but est alors de contrer la tentative des
les ligues de vertu l’accusent de favoriser l’alcoolisme. producteurs suisses de s’approprier cette appellation.
On parle même à cette époque d’« absinthisme ». Les Depuis une dizaine d’années, l’absinthe connaît un
scientifiques démontrent alors que la thuyone, l’une nouvel essor. Les scientifiques ont prouvé que ce n’était
des molécules de l’absinthe (la plante), rend fou. Le pas la thuyone qui rendait fou, mais la mauvaise
lobby des producteurs de vin, qui souffrent de la qualité de l’alcool utilisé pour la fabrication de l’ab-
concurrence de cet apéritif, finance une campagne de sinthe et, surtout, une trop grande consommation, tout
diffamation. Son slogan : « Tous pour le vin, contre simplement ! Il faut rappeler qu’au xixe siècle l’absinthe
l’absinthe. » La fée verte est finalement interdite en titrait à… 70 ° ! Aujourd’hui, la plupart des bouteilles
1915, mais elle continue d’être consommée en cachette vendues dans le commerce titrent à 50 °. La produc-
tout au long du xx e siècle grâce à des distilleries clan- tion française est actuellement de 800 000 litres par
destines. Dans la région de Pontarlier, l’interdiction an, contre 10 millions de litres en 1900 rien qu’à
de l’absinthe chamboule le tissu économique local. La Pontarlier. Bien qu’elle ne soit pas aussi dangereuse
plupart des distilleries mettent la clé sous la porte et qu’on le pensait, la « fée verte » a toujours cette aura
peu réussissent leur reconversion en produisant de mystère et de fascination ! n
d’autres spiritueux.

En 1988, un décret européen autorise et réglemente


la présence de thuyone dans les boissons et l’alimen-
tation, ce qui permet de produire à nouveau de
l’absinthe en toute légalité. En 1999, la versinthe
verte est la première absinthe française produite
depuis 1915. Son apparition et son étiquetage, sur
lequel figure le nom « absinthe », mettent en évidence
l’illogisme entre le décret de 1988 et la loi de 1915, La prononciation du mot « anis » diffère de région en
toujours en vigueur. L’absinthe est finalement auto- région. Dans la plupart des régions de France et au Canada,
risée de nouveau à la production et à la vente en 1988 on prononce \a.nis\, mais en Bourgogne Franche-Comté,
par un décret européen, mais uniquement sous en Rhône-Alpes et en Belgique, on prononce \a.ni\. Faites
l’appellation « spiritueux à base de plantes d’absinthe », votre choix !
avec un taux de thuyone limité à 35 mg/l.

entraîner (here) to lead to chambouler to disrupt une tentative attempt


même (here) even un étiquetage labelling rappeler (here) to remember
une concurrence competition un taux (here) level titrer à to measure alcohol
la diffamation slander un essor boom by volume
en cachette secretly contrer to counter actuellement currently
grâce à thanks to

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 13


L’HISTOIRE EN MARCHE
CULTURE

Article de Camille Larbey

Besançon,
Johanna Daniel_Peccadille/CC-BY-SA-4.0

la fabrique du temps
À Besançon, quand on parle du « temps », on ne parle pas seulement de la météo
mais aussi du temps qui passe. Normal pour la « capitale française de l’horlogerie ».

De la Suisse à la France apportant avec eux leur savoir-faire. Un premier


atelier de fabrication d’horloges est fondé par Laurent
Tout commence, comme souvent, par une histoire de Mégevand – une rue du centre-ville porte aujourd’hui
migration. En 1793, plusieurs centaines d’horlogers son nom. La municipalité, consciente des opportunités
suisses sont chassés de leur pays pour avoir soutenu la économiques de cette manufacture de pointe, offre aux
Révolution française quelques années plus tôt. Ils horlogers suisses des subventions pour s’installer. Malgré
traversent la frontière et s’installent à Besançon, la jalousie de quelques artisans et commerçants
bisontins1, les Suisses se fixent à Besançon. La cité
franc-comtoise2 se spécialise alors dans l’horlogerie.

Une première école d’horlogerie est créée à Besançon


en 1801, permettant à la population locale d’intégrer
cette industrie. Grâce aux progrès techniques en
miniaturisation, la montre « à gousset » (pour la mettre
dans sa poche de veste) et la « montre-bracelet » (pour
l’attacher à son poignet) se démocratisent. La produc-
tion à Besançon augmente considérablement. Au
milieu du xix e siècle, la ville gagne le titre de « capi-
tale française de l’horlogerie  ». Malgré une crise
économique en 1880, qui entraîne la fermeture de
nombreux ateliers, Besançon réalise 90 % de la fabri-
cation des montres françaises en 1900. Au xx e siècle,
la « science horlogère » est enseignée à l’École natio-
nale d’horlogerie, qui forme des générations d’horlo-
© DR

gers jusqu’en 1988. 


Atelier d’horlogerie à Besançon, xixe siècle

l’horlogerie (fém.) clockmaking une subvention subsidy se démocratiser (here) to become


chassé (here) expelled s’installer (here) to set up shop more accessible
soutenir (here) to support malgré despite entraîner (here) to lead to
conscient de aware of une montre à gousset gusset watch enseigné taught
une manufacture de pointe leading edge production le poignet wrist

14 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


Un serpent à l’heure 
Besançon ne veut pas être seulement la fabrique du
temps. La ville veut aussi être celle qui le mesure.
En 1882, un observatoire du temps est créé, dont la

© Bourgogne-Franche-Comté Tourisme
fonction est de calculer, grâce à la lunette méridienne
(sorte de télescope qui calcule le passage des étoiles),
l’heure la plus exacte possible. Les montres et les
horloges des concurrents suisses sont réputées pour
leur précision. Cet observatoire permet donc aux
horlogers de Besançon de produire, à leur tour, des
montres les plus précises possibles. Le musée du Temps, à Besançon

À partir de 1897, les montres et les chronomètres qui


passent les épreuves de précision et de stabilité de
l’observatoire reçoivent un poinçon en forme de tête
de vipère. Ce poinçon vipère est synonyme de quali-
té et d’excellence. La généralisation des montres à
quartz, dans les années 1970, rend cette expertise
inutile. Toutefois, depuis 2007, l’observatoire a repris
ses activités de contrôle chronométrique pour les
montres de luxe, et le poinçon vipère a fait son grand
retour. De nos jours, l’observatoire mesure le temps
grâce à trois horloges atomiques. Pourquoi trois pré-
cisément ? Si l’une des trois vient à se tromper, les deux
© DR

autres permettent de repérer l’erreur. Leur précision


L’observatoire de Besançon, xixe siècle est incroyable : on passe du dixième de
seconde, avec la lunette méridienne, au
LIP : LES MONTRES CULTES dix millionième de seconde. Satellites,
Donner l’heure « avec élégance » : c’est le slogan de l’horlogerie radars et GPS font aussi appel aux horloges
Lip fondée à Besançon, en 1867, par Emmanuel Lipmann. atomiques de l’observatoire pour leur fonc-
L’entreprise se distingue par son goût de l’innovation : le cadran tionnement. 
pour lire l’heure dans l’obscurité, mis au point avec l’aide de
Pierre et Marie Curie en 1904  ; une montre spécialement conçue Le temps s’expose
pour le célèbre aviateur Jean Mermoz dans les années 1930 ; dans un musée
la première montre électrique commercialisée en 1958 ;
la première montre étanche à 200 m sous l’eau... Mais la marque Parfois, une bonne idée prend beaucoup
connaît des difficultés économiques à partir des années 1970. de temps à se réaliser. Même à Besançon !
Après vingt-cinq années de délocalisation de la production à Dès la fin du xix e siècle, un projet de musée
l’étranger et des montres bas de gamme, Lip se réimplante à de l’horlogerie est à la réflexion. Ce musée
Besançon en 2015. Depuis ce retour à la maison, Lip a renoué du Temps voit finalement le jour en 2002
avec la qualité. Grâce à la réédition de ses modèles classiques dans l’un des plus beaux palais du centre-
des années 1930 à 1960, la marque profite de l’engouement ville. Il abrite une incroyable collection
pour tout ce qui est vintage.  d’appareils à mesurer le défilement des
heures (montres, sabliers, cadrans solaires,
le cadran (here) face bas de gamme bottom of the range
mis au point developed renouer avec to take up again etc.) ainsi qu’un fonds d’œuvres diverses
conçu (here) designed profiter de (here) to take (peintures, sculptures, mobilier, tapisse-
étanche (here) waterproof advantage of ries, etc.) qui ont pour thème principal le
la délocalisation relocation l’engouement (here) enthusiasm
temps.

une fonction (here) purpose repérer to spot un défilement passage


un concurrent competitor faire appel à to rely on un sablier hourglass
une épreuve (here) test même (here) even un cadran solaire sundial
un poinçon (here) hallmark être à la réflexion to be under consideration un fonds collection
venir à (here) to happen to abriter (here) to house le mobilier furniture
se tromper (here) to be wrong

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 15


L’HISTOIRE EN MARCHE
CULTURE

Article de Camille Larbey

MATY, UNE MARQUE PIONNIÈRE


Créée en 1951, Maty a été la première entreprise française
de vente directe d’horlogerie. Très tôt, l’entreprise se
lance dans la vente par correspondance de montres,
puis de bijoux. C’est un succès immédiat. En 1978, Maty
décide de concevoir ses pièces en interne et crée la SFM,
la Société française de manufacture. Les plus grandes
marques de luxe lui envoient des commandes.
Maty conçoit et fabrique 100 % de ses collections.
© Christophe Finot/CC-BY-SA-3.0

C’est encore aujourd’hui l’un des quatre plus gros


fabricants de joaillerie en France. Après quelques années
tumultueuses et la fermeture de certaines boutiques
en 2021, Maty souhaite aujourd’hui doubler le nombre
de ses lieux de vente d’ici à cinq ans. L’entreprise se lance
LEROY 01, la montre à complication aussi dans la vente de produits d’occasion.
une marque brand une commande (here) order
« L’industrie horlogère de Besançon et de se lancer dans to get into la joaillerie jeweller’s craft
la Franche-Comté représente actuellement la vente par mail order
correspondance
80 % de la production française. »

La star du musée est la Leroy 01, surnommée « montre dans ce secteur, contre trente mille personnes en
la plus compliquée du monde pendant près d’un Suisse. Les filières des deux pays sont liées étroitement
siècle  ». Créée en 1900 dans les ateliers L.Leroy à puisque les ateliers français effectuent la sous-traitance
Besançon, elle est composée de neuf cent soixante- et une partie du service après-vente pour les fabricants
quatorze pièces et de toutes les complications connues suisses. Si les candidatures binationales sont rares,
à cette époque – soit un total de vingt-quatre. En c’est pourtant ensemble que la Suisse et la France ont
horlogerie, une « complication » désigne n’importe déposé une candidature commune auprès de l’Unesco
quelle fonction accessoire : chronographe, calen- pour faire reconnaître le savoir-faire en mécanique
drier, réveil, phases de la Lune, indication des sai- horlogère de l’Arc jurassien (région économique franco-
sons, solstice, équinoxe, etc. Les visiteurs peuvent suisse qui va de Belfort à Lausanne, en passant par
également admirer un gigantesque pendule de Fou- Besançon). Son inscription au patrimoine mondial
cault de 13 m de haut. est décidée en 2020. « Cette inscription au patrimoine
immatériel de l’Unesco renvoie curieusement à une
Reconnaissance par l’Unesco réalité très concrète de compétences, de formations,
de transmission de savoir-faire, de musées, de manu-
L’industrie horlogère de Besançon et de la Franche- factures, d’innovation et d’invention », s’enthousiasme
Comté représente actuellement 80 % de la production dans le journal L a Tribune Anne Vignot, maire de
française. Trois mille neuf cents personnes travaillent Besançon.

Si l’industrie horlogère bisontine est moins f lo-


rissante qu’autrefois, les savoir-faire dans le domaine
de la précision ont permis le développement d’entre-
prises dans la microtechnique, la micromécanique
et le génie biomédical, qui font aujourd’hui de Besançon
Suivie d’un infinitif passé, la préposition « pour » introduit
un pôle économique majeur. n
une idée de cause : « Ils ont été chassés de leur pays pour
avoir soutenu la Révolution française » (parce qu’ils avaient
soutenu la Révolution française). La préposition « pour » 1
Adjectif qualifiant une personne ou une chose originaire de
suivie d’un nom peut aussi introduire une idée de cause : Besançon.
« Il a été condamné pour vol » (parce qu’il avait volé). 2
Adjectif qualifiant une personne ou une chose originaire de
Franche-Comté.

soit (here) or effectuer to carry out concret concrete, solid


un pendule pendulum la sous-traitance subcontracting une formation (here) training
une filière (here) sector, industry une candidature application autrefois before, previously
lié étroitement closely related auprès de to

16 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


AU QUOTIDIEN
ACTUALITÉS

Article de Axelle Négrignat

Le marché de l’électricité
en France
Le prix de l’énergie est au centre des préoccupations
des Français. Comment le marché de l’électricité
fonctionne-t-il donc en France ?

L’ouverture du marché

L’ouverture du marché de l’électricité a été


progressive. Le processus a commencé en 1999,

© GERARD BOTTINO/Shutterstock.com
avec la libéralisation du secteur de l’industrie, et a
abouti à l’ouverture globale en 2007. Résultat ?
Il existe de nombreux fournisseurs d’électricité, qui
se livrent à une grande compétition à travers leurs
offres. Cette ouverture du marché de l’énergie
n’est pas limitée à la France mais s’inscrit dans
un mouvement européen global, l’objectif étant de
créer un grand marché commun. Cette ouverture à sont indexées sur les tarifs réglementés. Ainsi, en
la concurrence a favorisé l’apparition d’une trentaine cas de hausse ou de baisse de ces tarifs, le prix des
de fournisseurs alternatifs d’électricité aux côtés du offres indexées variera aussi. Bien que l’ouverture
fournisseur historique EDF. Ils achètent à EDF les du marché de l’énergie à la concurrence ne date
mégawatts à un prix préférentiel pour les revendre pas d’hier, beaucoup de Français ignorent encore
aux particuliers ou aux entreprises. qu’il est possible de choisir un autre fournisseur
qu’EDF, qui conserve donc sa position dominante
Les différentes sources d’énergie en France.
L’énergie produite en France provient du nucléaire Les compteurs Linky
à 69 %, de l’hydraulique à 12 %, de l’éolien à 7 %,
du thermique à combustible fossile à 7 %, du Depuis 2015, des boîtiers jaunes appelés « Linky »
solaire à 3 % et du thermique renouvelable et sont apparus dans les logements des Français.
des déchets à 2 %. Ce sont des compteurs intelligents qui permettent
de relever à distance la consommation d’électricité.
Les offres proposées Le déploiement de ces compteurs est inscrit dans
la loi relative à la « transition énergétique pour
Aujourd’hui, les Français ont le choix entre deux
la croissance verte », en application de directives
types d’offres : une offre au tarif réglementé
européennes. Le Linky fait l’objet de controverses
proposée uniquement par EDF, et les offres de
de la part de particuliers et d’associations de
marché librement fixées par les fournisseurs
consommateurs qui lui reprochent son surcoût
alternatifs. Bien sûr, la plupart des offres d’électricité
caché, l’émission d’ondes, la non-protection de
la vie privée et des risques d’incendie.

La loi NOME

En 2010 a été votée la loi NOME, la nouvelle


organisation du marché de l’électricité, qui, au
départ, devait assurer la libéralisation des prix de
l’énergie. Depuis cette loi, les fournisseurs peuvent
accéder (moyennant un prix régulé) à un volume
© pixinoo/Shutterstock.com

maximal de 25 % de l’électricité produite par EDF


dans ses centrales nucléaires. Cependant, ce
système a atteint ses limites et ne suffit pas à
satisfaire la demande. 

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 17


DESTINATION FRANCOPHONIE
VOYAGE

Article de Pascale H. Roche

 Suisse   Genève et le renouvellement énergétique


La ville de Genève, comme l’ensemble de la Suisse, a déjà commencé à chercher des solutions pour
réduire sa dépendance énergétique (aujourd’hui, le pays est dépendant du gaz russe à 45 %).
Depuis une dizaine d’années, la cité genevoise a pris des mesures de sobriété énergétique, tout en
favorisant le développement des énergies renouvelables. Parallèlement, GeniLac s’étend dans la ville.
Il s’agit d’un vaste réseau hydrothermique écologique qui fonctionne avec l’eau du Léman* et de
l’électricité 100 % renouvelable. Le puisage, à 45 m de profondeur, et le refoulement de l’eau, en
surface, se font sans agresser le biotope du Léman. L’installation, pensée à l’origine pour produire
du froid afin de remplacer les climatiseurs trop gourmands en énergie, va aussi pouvoir produire du
chaud grâce à des pompes à chaleur. Les habitants de certains quartiers de Genève profitent déjà
de ce système, tout comme certaines grandes entreprises implantées dans le canton. D’ici à 2045,
GeniLac devrait se raccorder à trois cent cinquante bâtiments.
Encore en construction, ce réseau hydrothermique devrait
permettre, à terme, une réduction de 70 GWh d’électricité par an,
soit la consommation annuelle de 27 000 ménages genevois.
GeniLac devrait également permettre une diminution de 70 000 t
de gaz à effet de serre par an pour le canton de Genève. Un bel
exemple d’économie circulaire !

* Les Suisses disent plutôt « Le lac de Genève ».

un réseau network se raccorder à to be hooked up to


le puisage drawing à terme eventually
un refoulement (here) backflow soit (here) or
un climatiseur air conditioner un ménage (here) household
une pompe à chaleur heat pump le gaz à greehouse gas
profiter de (here) to benefit from effet de serre emissions

 Québec   L’écovillage de Ham-Nord


Installée près de Montréal, la Cité écologique est le plus grand écovillage du Québec.
Les membres s’y soucient d’éducation, de développement durable et de protection
de l’environnement. Leur mission est clairement expliquée sur leur site internet :
« Développer un mode de vie respectueux de la Terre, harmonieux et multigénérationnel
inspiré par la nature. » Travaillant avec divers organismes écologiques de la région,
l’écovillage ouvre ses portes aux stagiaires et aux visiteurs qui souhaitent adopter ce
mode de vie durable. Plusieurs projets entrepreneuriaux ont aussi été mis en place
au sein de la Cité écologique pour permettre aux membres de travailler sur place :
école alternative, ferme maraîchère bio pour la consommation et la vente de produits,
boulangerie, cuisine communautaire, épicerie, fabrication de cadeaux éthiques,
conception 3D, recyclage, etc. Installée depuis bientôt quarante ans, la Cité écologique
défie tous les pronostics et prouve qu’il est possible de passer de l’utopie à la réalité
en créant une autre économie, plus respectueuse de l’homme et de l’environnement.

se soucier de to be concerned with


le développement sustainable
durable development
un stagiaire intern
au sein de within
© DR/La Cité Écologique

sur place on site


maraîcher (adj.) (here) market gardening
bio organic
défier tous to surpass all
les pronostics predicted results

18 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


13-16

 Côte d’Ivoire  Enjeux écologiques à Abidjan  


Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, a vu sa population

© Agre guy thony roger/Shutterstock.com


exploser en cinquante ans. Avec 5 millions d’habitants, elle est aujourd’hui
la ville la plus peuplée de l’Afrique de l’Ouest francophone. Son expansion
économique (le district d’Abidjan représente à lui seul 40 % du PIB du
pays) est telle que le « Manhattan de l’Afrique », comme on appelle
communément cette capitale, doit faire face à d’énormes défis
environnementaux. À titre d’exemple, Abidjan produit 3 000 t de déchets
par jour !

La Côte d’Ivoire a donc réservé un site « pilote » dans le sud de la ville afin de mettre en œuvre un programme
d’économie circulaire. Ce site sera exploité pour « le recyclage et la réutilisation d’ordures ménagères,
la valorisation des biodéchets, la création d’un centre de collecte des eaux de pluie pour l’irrigation, et
la sensibilisation des élèves sur les enjeux de l’économie circulaire », a expliqué un responsable. L’économie
circulaire devrait permettre de lutter contre la dégradation de l’environnement. Elle devrait aussi créer plus
de trente-cinq mille emplois, notamment au profit des jeunes et des femmes. Créé il y a peu en partenariat
avec l’Institut national de l’économie circulaire (INEC) en France, l’Institut de l’économie circulaire d’Abidjan
(IECA), le premier institut du genre en Afrique, a pour mission de faire la promotion et la vulgarisation
de l’économie circulaire en Côte d’Ivoire et dans toute l’Afrique.
un enjeu (here) issue mettre en œuvre to implement lutter contre to fight against
le PIB GDP les ordures ménagères household refuse notamment in particular
tel que (here) such that les biodéchets organic waste au profit de in aid of
un défi challenge la sensibilisation (here) to raise awareness la vulgarisation popularisation
des déchets (masc.) waste

 Sénégal   Vive l’ESS ! 


Au mois de mai, Dakar accueillera la sixième édition du Forum mondial de l’économie sociale et
solidaire (ESS). Organisé pour la toute première fois en Afrique, ce forum mondial entend rassembler
trois mille personnes provenant de tous les continents sous le thème « La transition de l’économie
informelle vers des économies collectives et durables pour les territoires ». Ce grand rassemblement
permettra des connexions et des échanges de pratique entre élus, dirigeants du monde entier,
experts internationaux et agents de développement qui ont pour ambition de promouvoir cette
nouvelle économie centrée sur l’humain et le respect de l’environnement. Dakar est une ville bien
choisie pour ce rendez-vous puisque selon la ministre de la Microfinance et de l’Économie sociale et
solidaire du gouvernement sénégalais, Victorine Anquediche Ndeye, « ce secteur polarise la moitié
des actifs du pays et peut constituer un véritable accélérateur de croissance ». Aux yeux de plusieurs
économistes, l’ESS est le modèle de développement qui convient
aux Sénégalais, car il a déjà fait ses preuves à travers le pays.
Comme Victorine Anquediche Ndeye le précise encore : « La lutte
contre le sous-emploi, l’exclusion, l’exode rural et l’immigration
irrégulière se gagnera lorsque l’économie sociale et solidaire
servira de cadre d’inspiration, d’orientation et d’impulsion des
politiques de développement. »
© Anton_Ivanov/Shutterstock.com

solidaire (here) sustainable, promouvoir to promote


interdependent polariser (here) to cover
entendre (here) to intend les actifs (masc.) workforce
un rassemblement gathering la croissance growth
un élu elected official faire ses preuves to prove your worth
un dirigeant (here) leader un cadre (here) framework

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 19


L’INTERVIEW
RENCONTRES

Interview de Waléry Doumenc

Yoann Combronde,
le producteur de bonheur
Parti de rien, l’homme est à présent à la tête de sept théâtres, créés sans subventions
publiques. Travailleur, courageux et audacieux, Yoann Combronde est un passionné qui fait
passer le plaisir du public avant tout. Son instinct et sa persévérance l’ont conduit à implanter
avec succès la comédie et des spectacles « jeune public » dans des villes qui en manquaient
cruellement, comme à Besançon, où il vient d’ouvrir un théâtre.

Très vite, la magie a opéré. Défonce de rire, votre


premier théâtre, a fidélisé un grand nombre de
spectateurs. Quelle a été la recette de ce succès
immédiat ?

C’était déjà d’amener quelque chose de nouveau : un


nouveau type de spectacles et la possibilité de man-
ger et boire un verre en regardant ce spectacle-là. Le
concept a été proposé dès le départ et il a réussi à fédé-
rer le public. Les gens venaient donc pour une soirée
complète, en petits groupes, entre amis, etc. Ça a vite
drainé du monde.
© Waléry Doumenc

Dans la kyrielle d’artistes de votre programmation,


vous rencontrez alors l’auteur et comédien Julien
Yoann Combronde Sigalas, avec qui vous vous associerez par la suite.
Comment s’est déroulée votre première rencontre ?

Bonjour, Yoann. Après une carrière dans la Il a frappé un jour à la porte du théâtre, car lui aussi
photographie, vous avez quitté Lyon pour créer un voulait ouvrir un lieu de spectacles sur Clermont. On
projet fou : ouvrir une salle de spectacles dédiée à la a eu l’idée en même temps, même s’il cherchait des
comédie, à Clermont-Ferrand.  locaux alors que, pour ma part, je venais tout juste

Oui. J’étais un peu usé par la photo et le côté


alimentaire qui prenait le dessus. Je ne faisais pas
la photo qui me plaisait, celle de mes rêves.
Parallèlement, j’étais un gros consommateur
de spectacles et j’avais vu qu’il y avait un vrai
manque à Clermont, car la ville était dépourvue
de théâtres spécialisés dans la comédie. C’est
pour ça que j’ai voulu ouvrir un lieu de spec-
tacles dans la cité clermontoise1. À la base,
c’était juste un projet. Je voulais seulement me
renseigner. J’ai regardé, et à un moment, j’y ai
DR© DR

cru.

une subvention subsidy dépourvu de lacking réussir à to succeed in


dédié à dedicated to à la base in the beginning drainer du monde to draw a crowd
usé (here) worn out fidéliser to win over un comédien actor
alimentaire (here) to pay the bills une recette (here) recipe, secret se dérouler (here) to take place
prendre le dessus to take over dès le départ from the start alors que while

20 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


17-19

Pour cette saison 2022-2023, vous avez


inauguré la comédie de Besançon, avec Julien
Sigalas et son associé Didier Oliviero, mais
aussi avec la comédienne Sandra Bellapianta,
dans un lieu chargé d’histoire, juste à côté des
demeures de Victor Hugo et des frères Lumière.
Est-ce que ça a été compliqué de vous installer
dans la cité bisontine2 ?

Administrativement, ça a été très long, et


quand tout s’est enfin débloqué, c’était l’été,
et plus personne ne travaillait. Les délais de
travaux ont été considérablement rallongés.
On avait en plus plein de problématiques,
puisqu’on est installés dans un bâtiment
historique qui date au moins du xiiie siècle,
avec même des murs qui appartiendraient à
l’époque mérovingienne. On a dû prendre
© DR

énormément de précautions durant les tra-


vaux de rénovation, pour respecter ce lieu,
d’ouvrir Défonce de rire. Quand il a vu que ce lieu dans sa beauté comme dans son histoire.
était ouvert, il a laissé tomber Clermont et a décidé
d’ouvrir un théâtre à Saint-Étienne. J’ai ensuite Comment trouvez-vous le public de Besançon ?
programmé ses spectacles, car il avait déjà deux
théâtres :  un à Grenoble et un autre à Aix-en- C’est un public content ! [Rires.] Dès l’ouverture, on a
Provence. En discutant tous les deux, on s’est rendu eu beaucoup de retours positifs, les gens sont heureux
compte qu’on pouvait faire quelque chose ensemble. qu’on arrive et nous remercient parce qu’on leur
C’est comme ça qu’on a ouvert un nouveau théâtre, apporte une offre dont ils étaient dépourvus. Cer-
à Metz, six mois avant le premier confinement. Le tains spectateurs reviennent même chaque semaine.
concept était nouveau, avec un théâtre de cent places, Il y a une vraie effervescence autour de l’ouverture
la location d’un appartement pour loger les artistes, de ce lieu.
un seul salarié en CDI sur place, et une communica-
tion 100 % digitale. Comme ça a bien marché, on a
décidé d’ouvrir d’autres salles ensemble.

En plein confinement, vous avez fait un petit tour de


France à la recherche de lieux à transformer pour
accueillir des spectacles. Rennes, Brest, Toulouse,
Tours, et Besançon... Vous aviez la même marche à
suivre pour ces villes ?

À vrai dire, on a un peu fonctionné au coup de cœur :


Brest, c’était un rêve. On y est allés, on a vu la région,
et on s’est dit que ça serait vraiment bien d’avoir un
théâtre dans cette ville, que ça nous donnerait l’oc-
casion d’y revenir… En plus, on sentait qu’il y avait
un potentiel, parce qu’il n’y avait rien autour, et ça
nous donnait une légitimité pour y aller autrement
que pour y passer des vacances. Les autres villes, c’est
© DR

différent, car ce sont des métropoles qui n’avaient


pas d’offres en comédie et en spectacles jeune public. Sandra Bellapianta et Yoann Combronde

se rendre compte que to realise that bien marcher to go well plein de a lot of
un confinement lockdown une marche à suivre procedure appartenir à (here) to date back to
un CDI permanent contract un coup de cœur (here) whim dès from, as soon as
sur place on site rallongé extended un retour (here) feedback

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 21


L’INTERVIEW
RENCONTRES
17-19

Dans toutes vos salles de spectacles, vous avez privilégié UNE HISTOIRE DE COUPLE
le confort des spectateurs comme celui des artistes, là
où d’autres auraient raboté le budget pour rentabiliser Yoann Combronde produit également des spec-
leur projet plus rapidement. D’où vous vient cette tacles, comme La Mécanique du couple, dont il a
chaleur dans l’accueil ? commandé l’écriture au prolifique auteur Julien Siga-
las. Après avoir vu passer beaucoup de comédies
Avant d’avoir des théâtres, j’ai été spectateur aussi, dans sa salle de Clermont-Ferrand, Yoann savait
et j’ai passé de très mauvais moments dans des salles exactement ce qu’il voulait : une comédie sur un
où j’étais mal assis. Ça m’enlevait toute envie de regar- thème universel, avec des émotions pour que les
der le spectacle. Et surtout, ça ne me donnait pas envie répliques et les questionnements restent longtemps
de revenir. Je sais que le confort du spectateur est un en mémoire. Pari réussi : la pièce tourne énormé-
point très important. En ce qui concerne les artistes, ment dans toute la France. Chaque histoire d’amour
on travaille ensemble, donc il est normal qu’ils se est unique et donc extraordinaire. Le texte puissant
sentent bien. C’est vrai qu’entre nous, il pourrait et intelligent de cette comédie romantique drama-
y avoir un rapport de force, mais l’équité, à tous les tique, la complicité et l’engagement des deux
niveaux, c’est vraiment important à mon sens. On talentueux comédiens (Sandra Bellapianta et Mickaël
collabore, on a besoin les uns des autres, et je pense Coinsin), et la mise en scène  poétique d’Irina
que travailler dans la bienveillance est la meilleure des Gueorguiev en font un moment dans lequel chacun
solutions. se retrouve, entre rires et larmes. C’est aussi ça, le
génie de Yoann Combronde : savoir réunir les
Vous allez fêter vos 40 ans. Que peut-on vous souhaiter talents, et les emmener très loin, sans jamais se
pour la suite ? mettre lui-même en avant.
une réplique (here) line tourner (here) to be
[Rires.] Déjà, il faut que je me rende compte que je un pari réussi winning bet played
vais avoir 40 ans ! Aujourd’hui, je suis quand même très la pièce (here) play puissant powerful
présent sur les salles et c’est un travail très prenant.
Quatre-vingt-dix heures par semaine, forcément, en faisant plus de la stratégie, de la communication
ça commence à devenir dur ! Pour le coup, je les sens, et du développement, parce que c’est ce qui m’inté-
les années qui ont passé ! Je pense essayer de me resse le plus aujourd’hui : pouvoir aller d’une salle à
positionner différemment dans la vie des entreprises, l’autre, comprendre les problématiques et pouvoir les
résoudre. L’idée, c’est de trouver quelqu’un qui puisse
me remplacer au quotidien à Clermont, pour me laisser
un peu plus de liberté.

Merci beaucoup, Yoann, et longue vie à vos théâtres !

1
Adjectif qualifiant une personne ou une chose originaire de
Clermont-Ferrand.
2
Adjectif qualifiant une personne ou une chose originaire de
Besançon.

L’adverbe « forcément » introduit une conséquence


naturelle et inévitable : « En travaillant quatre-vingt-dix
heures par semaine, forcément, ça commence à devenir
dur », donc inévitablement, obligatoirement ou
naturellement. Pour dire qu’une conséquence n’est pas
inévitable, on dira « pas forcément ».

raboter (here) to cut back on à mon sens in my opinion p our le coup (familier) as it happens
rentabiliser to make profitable la bienveillance goodwill sentir (here) to feel
enlever (here) to remove souhaiter to wish résoudre to solve
surtout above all quand même (here) all the same au quotidien on a daily basis
un rapport de force power struggle prenant demanding

22 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


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DÉCOUVERTE
VOYAGE

Interview de Camille Larbey

Besançon,
la ville aux
sept collines

Même si Dijon, devenue « capitale » de la nouvelle région


Bourgogne-Franche-Comté en 2016, lui fait de l’ombre,
Besançon a beaucoup d’atouts. 
didjip/CC-BY-SA-4.0

une colline hill


faire de l’ombre to overshadow
un atout (here) asset

24 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


Place à la nature !
Située aux portes de la Suisse, entre le massif du Jura
et les plaines de Franche-Comté, Besançon offre un
cadre de vie très agréable. Avec plus de 240 ha1 d’es-
paces verts et de parcs, la commune a longtemps été
considérée comme la « première ville verte de France ».
Sa volonté de protéger et de faire connaître la nature
lui a valu en 2018 le titre de « capitale de la biodiver-
sité ». L’été, les Bisontins (les habitants de Besançon)
se retrouvent au parc de la Gare-d’Eau, le long du

© Agathe Vincent
Doubs (la rivière qui traverse la ville), pour pique-
niquer ou assister à de nombreux événements cultu-
rels programmés. Le parc Micaud est également ap- Vue sur le Doubs et la citadelle 
précié pour ses espaces ombragés et sa vue sur le
Doubs. À la sortie de la ville, les 1 780 ha des forêts pierre sèche : ce sont des cabordes, des abris où les
de Chailluz et de Bregille sont le poumon vert de vignerons du Moyen Âge rangeaient leurs outils. Eh
Besançon. Si la météo le permet, pensez à louer un oui ! Les collines boisées de Besançon étaient autre-
vélo : en quelques coups de pédale, vous vous retrouve- fois recouvertes de vignes.
rez en pleine nature grâce aux nombreuses pistes
cyclables aménagées le long du Doubs. Un patrimoine très riche
Les collines de Besançon Outre sa douceur de vivre, Besançon se distingue par
la richesse de son patrimoine architectural. Il y a bien
Très peu de villes de plus de 100 000 habitants sûr la citadelle de Vauban2, inscrite à l’Unesco, qui
peuvent offrir un tel cadre naturel. On peut même domine la ville, et la cathédrale Saint-Jean, avec ses
randonner sans sortir des limites de la ville grâce aux deux absides : une première, de style roman, qui date
sentiers balisés aménagés sur les sept collines de du Moyen Âge, et une seconde, ajoutée au xviiie siècle.
Besançon. Le sentier du fort de Chaudanne vous Entrez à l’intérieur de la cathédrale pour admirer
permettra de découvrir la colline de Chaudanne au l’horloge astronomique. Ce chef-d’œuvre de l’horloge-
départ du centre-ville. Les deux heures de marche de rie bisontine3 se remonte à la main chaque jour. L’hor-
cette randonnée seront récompensées, car depuis le loge activait aussi les cinq cadrans de la cathédrale.
fort, la vue sur la ville et la boucle du Doubs est très
belle. Si vous aimez l’architecture militaire, d’autres De place en place
forts vous attendent au sommet des collines environ-
nantes. Sur la colline de Rosemont, ne soyez pas Le centre-ville de Besançon se visite de place en
surpris de voir des constructions circulaires en place : la place Granvelle et son kiosque, nichés entre
le musée du Temps, le théâtre Ledoux et la salle de
spectacles du Kursaal ; la place du 8 septembre, où
l’office de tourisme fait face à l’église Saint-Pierre ;
et la place de la Révolution, au cœur de La Boucle, le
quartier historique de la ville4. Avant d’arriver sur
cette place qui abrite de nombreux cafés, faites un
détour par la galerie commerciale des Passages Pasteur.
Inauguré il y a quelques années à l’occasion d’un
grand plan de piétonnisation du centre-ville, l’endroit
© CC-BY-SA-4.0

est intéressant du point de vue architectural, car il


mêle des bâtiments anciens richement restaurés à une
verrière très moderne. Pour finir votre promenade,
Les jardins de la Gare-d’Eau, le long du Doubs

un cadre de vie living environment un sentier balisé marked path se remonter (here) to be wound
une volonté willingness récompensé rewarded un cadran dial
valoir (here) to earn un abri shelter niché nestled
assister à (here) to attend un vigneron winegrower abriter (here) to be home to
ombragé shaded un patrimoine (here) heritage une galerie commerciale shopping centre
un coup de pédale pedal stroke outre in addition to la piétonnisation pedestrianisation
une piste cyclable bike path une abside apse mêler to mix
aménagé developed, fitted out une horloge clock une verrière glass roof

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 25


DÉCOUVERTE
VOYAGE

LA FRANCHE-COMTÉ DANS UN MUSÉE


Dans les années 1980, cinq très vieilles maisons
menacées de destruction sont démontées, transportées
et reconstruites dans un parc de 16 ha à Nancray,
à 15 km de Besançon. Aujourd’hui, ce musée à ciel
ouvert abrite trente-cinq maisons du xviie siècle au
© Philip Bird LRPS CPAGB/Shutterstock

xixe siècle et une collection de plus de vingt mille


objets permettant de découvrir la vie rurale et
folklorique dans la Franche-Comté d’autrefois.
Le poète Alphonse de Lamartine (1790-1869) disait
que les maisons dans le Jura étaient si vastes
qu’un cheval et une calèche pouvaient circuler dans
le grenier ! Quand on voit la ferme La Pastorale, plus
La place Granvelle
grande que l’église du village, on se dit que le poète
traversez le pont Battant et longez les quais, en pre- n’exagérait pas ! Le musée des Maisons comtoises,
nant la direction que vous souhaitez : le quai Veil qui propose de nombreuses animations toute
Picard vous conduira aux bâtiments modernes de la l’année, est à découvrir en famille.
City, tandis que le quai de Strasbourg vous mènera à démonté (here) dismantled une calèche horse-drawn
la tour de la Pelote, une fortification du xv e  siècle d’autrefois of olden times carriage
reconstruite après l’incendie dont elle a été victime en le grenier attic
2013.

Les traces de l’histoire La culture avant tout

Dans un de ses poèmes, Victor Hugo comparait la cité L’offre culturelle de la cité franc-comtoise5 est alléchante.
de Franche-Comté à une « vieille ville espagnole ». Eh En plus du musée du Temps6, l’un des sites les plus
oui ! Durant le Moyen Âge, Besançon a appartenu visités de Besançon, la ville possède plusieurs musées
pendant un temps à la couronne espagnole par le jeu d’importance : le Fonds régional d’art contemporain
des alliances et des mariages royaux. Aujourd’hui, de Franche-Comté (FRAC) installé dans un ancien
vous ne verrez aucune trace architecturale qui pour- entrepôt du port fluvial réaménagé en bâtiment mo-
rait rappeler l’Espagne, car, en réalité, les Espagnols derne par le célèbre architecte japonais Kengo Kuma,
n’ont pas été nombreux à venir vivre ici. Vous retrou- ou encore le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie
verez en revanche des vestiges de l’époque gallo- (MBAA) situé dans une ancienne halle aux grains sur
romaine, comme les colonnes antiques du square la place de la Révolution. Ce dernier est le tout pre-
Castan, les voûtes de pierre de l’ancien aqueduc d’Arcier mier musée municipal de France puisqu’il a ouvert
ou l’arc de triomphe de la porte Noire, datant de ses portes en… 1694 ! Nous parlions plus haut de
l’empereur Marc Aurèle. Victor Hugo. L’auteur des Misérables est né à Besançon,

En flânant dans La Boucle, on peut admirer les belles


façades en pierre gris-bleu des demeures des xvie et
xvii e siècles. À cause de la rivière qui encercle le quar-
tier, les nobles et les bourgeois ont dû, au fil des
© Philippe Sonderegger/Shutterstock.com .

siècles, faire construire leurs hôtels particuliers en


hauteur. Les cours intérieures révèlent donc des trésors : 
escaliers en pierre, en métal ouvragé, en bois sculpté,
à colonnes, etc. Pendant votre balade du côté de la rue
des Granges et de la Grande Rue, n’hésitez pas à pous-
ser la porte des hôtels particuliers si vous en voyez
une entrouverte. Une merveille architecturale vous
attend certainement de l’autre côté ! La porte Noire et l’église Saint-Jean

tandis que whereas une voûte arch, vault une balade (familier) stroll
mener to lead ancien (here) former entrouvert ajar
un incendie fire flâner to stroll alléchant tempting
appartenir à to belong to un hôtel particulier mansion un entrepôt warehouse
par un jeu de through une cour intérieure inner courtyard un port fluvial river port
rappeler (here) to remind of ouvragé wrought une halle aux grains grain market

26 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


le 26 février 1802. S’il s’est risqué à une comparaison
avec l’Espagne, c’est sûrement parce qu’il ne connais-
sait pas du tout sa ville natale : la famille Hugo dé-
ménagea six semaines après sa naissance ! Mais la
ville de Besançon n’est pas rancunière, car l’endroit où
il est né a depuis été renommé « place Victor Hugo »,
et sa maison natale abrite à présent un musée en
son honneur. Vous n’y trouverez pas d’objets ou de
meubles lui ayant appartenu, mais une scénographie
intelligente présentant son œuvre, ses idées et ses
combats politiques, pour la liberté d’expression ou les
droits des enfants, et contre la pauvreté.

Un accueil chaleureux
Besançon se distingue par la qualité d’accueil de ses © CC-BY-SA-2.0

habitants. Déjà dans son roman L e Rouge et le Noir


(1830), Stendhal écrivait : « Besançon n’est pas seule-
ment l’une des plus jolies villes de France, elle abonde La tour de la Pelote au bord du Doubs
aussi en gens de cœur et d’esprit. » Cette générosité se
retrouve aussi dans l’assiette. Il vous faudra goûter LES TROIS VIES DE RHODIACÉTA
à la griotte bisontine (confiserie à base de chocolat,
de cerise et de kirsch), aux fromages locaux (comté, Un lieu, trois histoires. Au commencement, Rhodiacéta
morbier, cancoillotte, etc.), aux charcuteries (jambon était l’une des plus grandes usines textiles de France
de Luxeuil, saucisse de Morteau, etc.)7, aux plats durant les années 1960. Des gens de toute la Franche-
typiques (la croûte aux champignons, le poulet au vin Comté – souvent des hommes – venaient pour y
jaune et aux morilles, etc.), et aux desserts tradition- travailler. L’usine était alors le plus gros employeur
nels, comme le Téméraire (gâteau avec des fruits secs de la ville avec 3 300 salariés. Mais après la crise
et de la pomme), le gâteau de ménage (tarte briochée du textile, en raison de la concurrence des pays où
couverte de goumeau), ou la galette franc-comtoise, la main-d’œuvre est moins chère, Rhodiacéta ferme
qui a une texture de flan et est parfumée à la fleur en 1982. La friche commence sa seconde vie en
d’oranger. On repartira de Besançon sûrement le devenant, pendant près de trente-cinq ans, le paradis
ventre lourd, mais le cœur léger ! n des graffeurs et tagueurs. Après la destruction
d’une partie de la friche, la municipalité achète le site
1
Abréviation d’« hectares » ; 1 ha = 2,47 acres. en 2015, le transforme en un parc urbain et installe
2
Voir la rubrique « Un artiste, une œuvre », p. 30 de ce même aussi une salle de concert baptisée « La Rodia »
numéro. en hommage à la mémoire industrielle des lieux.
3
Adjectif désignant une personne ou une chose originaire de
Besançon.
une usine factory une friche (here)
4
Le quartier est appelé ainsi, car le Doubs fait une boucle à cet la concurrence competition brownfield
endroit-là. la main-d’œuvre workforce
5
Adjectif qualifiant une personne ou une chose originaire de
la Franche-Comté.
6
Voir la rubrique « L’histoire en marche », p. 14 de ce même
numéro.
7
Voir la rubrique « Cuisine et Gastronomie », p. 44 de ce même
numéro.
© Camille Vincent
© Agathe Vincent

Le quai Veil Picard en fin de journée

être rancunier to hold a grudge une confiserie sweet (UK), candy (US) la croûte (here) crust
la liberté d’expression freedom of speech une cerise cherry une morille morel
de cœur et d’esprit warm and witty le jambon ham le ventre lourd with a full stomach
une griotte morello cherry

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 27


SOYONS CURIEUX
LANGUE

Article de Pascale H. Roche

Curiosités de-ci de-là...


Le comté de Bourgogne a pris officiellement le nom de « Franche-Comté » en 1478. Trois hypothèses
existent pour expliquer ce nom. À l’époque où la Franche-Comté s’appelait encore le comté de Bourgogne,
le comte Rainaud III (1126-1148) revendiqua son indépendance. Comme il refusait toute allégeance à
l’empereur d’Allemagne, on le surnomma « Franc Comte », d’où le nom de « Franche-Comté » donné
à la province. Une autre hypothèse mentionne la situation particulière du comté de Bourgogne après
son rattachement à l’Empire germanique. Comme le comté était exempté de taxes et pouvait conserver
sa langue et ses traditions, c’était un comté libre, donc franc, et cette autonomie lui aurait valu le nom
de « Franche-Comté ». Une troisième explication fait cas de la comtesse Marguerite. Héritière du comté
de Bourgogne, elle aurait utilisé cette expression pour la première fois en 1336 dans des documents
officiels, voulant ainsi affirmer que la région convoitée par l’Empire germanique, était un comté français.
Au xve siècle, le nom « France-Comté » serait devenu « Franche-Comté », car les actes officiels étaient
alors rédigés aux Flandres, où le « c » se prononçait « ch ». Faites votre choix parmi ces hypothèses !

Avez-vous remarqué que l’on parle des « Francs-Comtois »


mais pas des « Franches-Comtoises » ?  En fait,
si « franc » s’accorde en nombre au masculin,
il reste invariable au féminin, aussi bien
au singulier qu’au pluriel. On aime donc
les paysages francs-comtois si on a des
origines franc-comtoises.

Lorsque Jules César découvre Besançon, en 58 av. J.-C.,


la ville s’appelle « Vesontio ». Ce nom celtique a été latinisé
au ive siècle en « Bisontium ». On comprend ainsi pourquoi
les habitants de la ville s’appellent les « Bisontin(e)s ».
Plusieurs variantes et orthographes ont cours au fil des siècles,
jusqu’à « Besançon », choisi en 1243. Pour la petite histoire, si vous
êtes de la région, vous appellerez sûrement la ville « Besac » !

Il n’y a qu’en Franche-Comté que vous aurez meilleur temps de faire quelque chose ! «
Avoir meilleur temps » signifie « être préférable », « valoir mieux » : « Je vais prendre le train
plutôt que la voiture... – Oui, tu as meilleur temps ! »

D’autres expressions s’entendent en Franche-Comté comme dans d’autres régions


de l’est de la France. On vous demande si vous voulez faire les quatre heures ou
les dix heures ? On veut savoir si vous souhaitez goûter ou prendre un encas en milieu
de matinée. On vous propose un cornet ? Il s’agit d’un sac en plastique. Vous avez avalé
de travers ? Les Francs-Comtois vous diront que vous avez avalé par le trou du dimanche...
L’imagination est au rendez-vous !

« Tu as deux minutes ? » ; « Tu as 5 minutes ? » ; « Attends deux secondes ! » :


ne prenez pas ces expressions au sens littéral, montre en main. Elles sont utilisées
pour parler d’un laps de temps très court. De fait, si un ami vous dit : « Tu as cinq
minutes ? », il veut savoir si vous avez un peu de temps à lui accorder. Et si vous
entendez « On n’est pas à cinq minutes près », c’est une invitation à prendre
votre temps et à ne pas vous presser.

28 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


LA BOÎTE À OUTILS
LANGUE
20-21

Article de Pascale H. Roche

Exprimer la notion de temps


Pour exprimer une durée longue par rapport au moment présent,
vous pouvez dire : 
– Ça fait très longtemps qu’on ne l’a pas vu.
– Ça fait un bail que je ne suis pas allé à Paris !*
– Je ne l’ai pas vu depuis une éternité !
– Ils ont quitté Marseille il y a des années !

Pour exprimer une durée longue, vous pouvez dire :


– Ça va durer longtemps ! Ça va être long !
– Ça va durer un certain temps. Dans la rue
– J’ai perdu un temps fou à trouver une place. « Léo ! Ça, par exemple ! Ça fait longtemps
– Ne m’attends pas, j’en ai pour un bon moment. qu’on ne s’est pas vus !
– Oui, ça fait un bail ! La dernière fois, c’était
Pour exprimer une durée courte par rapport au moment présent, pour les 20 ans de Clara, donc ça date ! Ça va,
toi ? Tu as le temps de prendre un café ?
vous pouvez dire :
– Non, je dois filer, mais je te laisse mon
– Je l’ai quitté il y a deux minutes. numéro et on se voit très vite ?
– J’en ai pour cinq minutes ! – Ça marche ! »
– On est arrivés il y a tout juste un mois. À la maison
– On est là depuis un mois, à peine. « Marie, dépêche-toi !
– Attends, je change de robe. J’en ai pour cinq
Pour exprimer une durée courte, vous pouvez dire : minutes.
– Pourquoi tu mets toujours une éternité à te
– C’est trop court ! Ça passe trop vite ! préparer ?
– Ça ne dure vraiment pas longtemps. – Tu exagères !
– En général, ça ne fait pas long feu. – Non, ça te prend toujours un temps fou et
résultat, on est toujours à la bourre !
Pour dire que vous n’êtes pas pressé(e), vous pouvez dire :  – Allez, ne râle pas, monsieur « j’ai un chrono-
mètre dans la tête ». Promis, je fais vite ! »
– Aujourd’hui, j’ai le temps.
Sondage
– Le week-end, je prends mon temps.
« Bonjour, vous avez cinq minutes ?
– Je ne suis pas pressé(e), j’ai tout mon temps.  – Non, désolée, je n’ai pas le temps !
– Il faut parfois savoir le prendre... Allez, cinq
Pour dire que vous êtes pressé(e), vous pouvez dire :  minutes ?
– Désolé(e), je n’ai pas le temps. – Non, vraiment...
– Deux minutes, alors ? Promis, juré, ça ne
– Je dois filer.* durera pas longtemps !
– Je suis à la bourre.* – Bon, OK, mais faites vite, je suis déjà en
retard. »
* Familier.
Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 29
UN ARTISTE, UNE ŒUVRE
CULTURE

Article de Catherine Antoine Pour une immersion totale dans la langue française, le vocabulaire difficile
de cette rubrique est expliqué et non traduit.

Vauban
et la citadelle
de Besançon

Le génie militaire
Sébastien Le Prestre de Vauban naît en 1633 dans
une famille de la petite noblesse bourguignonne. Talents multiples
À 17 ans, il entre dans le régiment du prince de
Homme d’action infatigable, Vauban s’illustre aussi
Condé et se fait rapidement remarquer par son
par ses écrits, souvent visionnaires. Vauban a un avis
courage. Il espionne les lignes ennemies, participe
sur tout, de la colonisation de l’Amérique à l’élevage
à des sièges et est blessé plusieurs fois. En 1653,
des cochons. Ses lettres, notamment celles adressées
il est fait prisonnier et passe au service de Louis XIV.
au roi Soleil, le prouvent. Les messages qu’il lui
Il y restera pendant cinquante-trois ans. À 22 ans,
adresse sur l’état des campagnes du royaume
il obtient son brevet d’ingénieur ordinaire du roi.
témoignent de son attention et de son humanité.
Il conçoit et codifie une méthode de siège des
Longtemps avant l’euro, il imagine aussi une monnaie
places fortes et améliore les fortifications pour
unique pour la chrétienté. Dans son dernier ouvrage
rendre la tâche des assaillants plus compliquée.
(qui a été interdit), il propose une réforme fiscale
Ayant vu mourir ses compagnons, Vauban multiplie
abolissant les privilèges des puissants. Il ose aussi
les travaux de construction pour économiser
demander au roi de faire la paix et de revenir sur
des vies. Il s’occupe de tout, se préoccupant
la révocation de l’édit de Nantes, qui a dressé
du bien-être des hommes, calculant les matériaux,
les pays protestants contre la France. Louis XIV,
négociant les prix, etc. La renommée de Vauban
qui est entouré de courtisans, apprécie la franchise
grandit et en 1678, il devient commissaire général
de Vauban. Le 14 janvier 1703, Louis XIV le fait
des fortifications du royaume. Un dicton voit alors
maréchal de France, pour ses services rendus au
le jour : « Ville défendue par Vauban, ville imprenable.
royaume. Vauban meurt le 30 mars 1707 à Paris,
Ville attaquée par Vauban, ville prise ! »
à l’âge de 74 ans. Son corps est enterré dans l’église
paroissiale de Bazoches, dans la Nièvre. En 1808,
son cœur est transporté dans l’église des Invalides
à Paris.
Hors norme
Ingénieur, militaire, économiste et essayiste, Vauban est un homme d’exception.
C’est l’une des seules personnalités de son époque à penser une France différente,
ouverte aux transformations et aux réformes. Infatigable, il est intervenu sur plus de
cent soixante sites aux frontières du royaume de Louis XIV. Si vous visitez la France
et la Belgique, vous trouverez de nombreux ouvrages dont il est l’auteur, à commencer
par son chef-d’œuvre, la citadelle de Besançon.

30 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


La citadelle de Besançon
Sous le règne de Louis XIV, Vauban fait construire Au cours des siècles, la citadelle a servi de lieu de
cent soixante citadelles, chacune d’elles étant située casernement, de lieu de formation des futurs offi-
sur un lieu stratégique afin d’empêcher d’éventuelles ciers, de prison et de pénitencier militaire. Pendant
invasions. La citadelle de Besançon est l’une des plus la Seconde Guerre mondiale, elle a connu un évé-
remarquables. Sa construction commence en 1674 nement tragique avec l’exécution de cent résistants
lorsque Louis XIV demande à Vauban de sécuriser arrêtés dans les environs et condamnés à mort
cette région nouvellement rattachée au royaume après leur procès. Depuis 1959, la citadelle appar-
de France. À l’époque, le royaume est en conflit avec tient à la ville de Besançon. Inscrite au patrimoine
l’Espagne.  mondial de l’Unesco depuis 2008, elle a été désignée
« monument préféré des Français » en 2014. De nos
Composée de remparts et de bâtiments servant de jours, on y trouve le musée de la Résistance, le
casernes pour les soldats qui surveillent la ville et musée Comtois et même un zoo ! Le lieu accueille
la frontière, la citadelle forme un ensemble impres- deux cent soixante-dix mille visiteurs par an. n
sionnant ! « Vos murailles de Besançon, ce n’est pas
avec de la pierre que vous les édifiez, mais avec de
l’or ! », aurait dit Louis XIV à Vauban devant le coût
du chantier.

L’idée de Vauban n’est pas de bâtir pour attaquer,


mais de construire pour dissuader les attaques. En
esthète, l’architecte aime que ses citadelles épousent
le paysage, c’est pourquoi il choisit le mont Saint-
Étienne pour y bâtir son édifice. L’ensemble de la
place est terminé en 1684. Ses fortifications sont
étagées selon le relief, et les chemins de ronde sont
particulièrement remarquables : longs de près de
600 m, larges de 5 à 6 m et hauts de 15 à 20 m, ils
offrent un magnifique panorama sur la ville de
Besançon et ses environs. En outre, au xviie siècle,
la plupart des citadelles et places fortes de Vauban
possèdent des souterrains. Ceux-ci permettent aux
soldats de circuler à couvert des feux. À la citadelle
de Besançon, la galerie souterraine, appelée « Com-
munication 110 », a une longueur de 127 m.

« En esthète, l’architecte aime


que ses citadelles épousent
le paysage. »

espionner : chercher à voler des secrets dresser contre : (ici) opposer un chemin de ronde : chemin sur les
concevoir : créer, élaborer empêcher : éviter remparts pour surveiller l’attaquant
une place forte : une citadelle une muraille : un mur épais et défensif un feu : (ici) un tir
témoigner de : prouver, démontrer bâtir : construire un casernement : un bâtiment militaire
un ouvrage : (ici) un travail écrit épouser : (ici) suivre les formes un pénitencier (vieilli) : une prison

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 31


CONVERSATIONS PRATIQUES
LANGUE

Article de Axelle Négrignat

Les habitats participatifs

Vivre ensemble mais d’une manière différente : voilà l’état d’esprit des habitats
participatifs. Ces structures, fondées sur des valeurs écologiques et citoyennes,
proposent une nouvelle manière d’habiter, souvent pour moins cher.

A
dopter un mode de vie communautaire étant Que ce soit en achetant ensemble un grand terrain à
à la mode dans les années 1960 et 1970, de la campagne pour y construire un écovillage, en
nombreuses expériences ont été tentées dans restaurant de vieilles bâtisses ou en réhabilitant des
le Larzac, l’Ariège ou les Pyrénées. Les confinements immeubles en ville, de plus en plus de personnes se
successifs que nous avons connus ces dernières an- regroupent pour gérer leurs habitats de manière
nées ont remis au goût du jour les habitats participatifs, collective, tout en gardant une certaine autonomie.
car ils permettent une mixité intergénérationnelle  
et sociale que nous semblons de plus en plus nom- La plupart de ces lieux fonctionnent autour du principe
breux à rechercher aujourd’hui. « vivre ensemble, chacun chez soi », car si certaines
décisions nécessitent une concertation (en particulier
pour les espaces et équipements partagés), la vie collec-
tive n’implique pas nécessairement de tout partager.
 
Les habitats participatifs sont encadrés par la loi dite
« Alur » (2014), et peuvent se constituer en association
ou en société de droit privé (de type SCI, SAS, etc.). Le
mouvement Colibris, créé en 2007 à l’initiative de
Le groupe verbal « vivre ensemble »  a tendance à devenir Pierre Rabhi, est sans doute l’association la plus mé-
un groupe nominal. Par « le vivre-ensemble », on désigne diatique mettant en œuvre des écovillages. Fondé sur
un mode de vie synonyme de tolérance et de savoir-vivre l’action citoyenne, le mouvement Colibris encourage
(autre groupe nominal). Il s’agit probablement d’une l’habitat participatif et le qualifie même d’« oasis »,
ellipse, et « l’art/le fait de vivre ensemble » pourrait être c’est-à-dire de havre de paix, qui rassemble et réalise
l’origine de cette locution que réfute l’Académie française. des rêves collectifs et invite à dépasser ses besoins pour
aller à la rencontre de ceux des autres.

un habitat participatif cohousing une bâtisse building encadré (here) regulated


un état d’esprit state of mind réhabiliter to refurbish une société de private company
citoyen (adj.) civic gérer to manage de droit privé
un confinement lockdown tout (+ gérondif) while un colibri hummingbird
remettre au to bring back fonctionner to operate un havre de paix safe haven
goût du jour into fashion partagé shared dépasser ses besoins to go beyond
que... ou... whether... or impliquer (here) to imply one’s own needs

32 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


22-25

Écoutez maintenant les dialogues suivants, tout


d’abord sans l’aide de l’écrit.

Envie de changement

Paul : Je n’en peux plus de vivre en ville et dans cet


immeuble où nous ne connaissons personne ! Et si on
tentait quelque chose de vraiment différent ?
Mathilde : Euh... Qu’est-ce que tu veux dire par
« vraiment différent » ?
Paul : Qu’est-ce que tu penses des habitats participa-
tifs ou des écovillages ? Je crois que j’aimerais bien
l’état d’esprit. Ça nous permettrait d’être plus en ac- Déjà un mois !
cord avec nos valeurs...
Mathilde : À voir... C’est vrai qu’on pourrait vivre Marie : Nous sommes réunis ce soir pour faire le
une vie plus solidaire. Ça nous permettrait aussi de point avec Mathilde, Paul, Mia et Malo sur leur premier
réduire notre empreinte écologique. Bon, mais il nous mois passé aux Châtaigniers, savoir si l’aventure leur
faudrait un lieu où il y ait d’autres familles. Mia et plaît et si cette nouvelle organisation à douze familles
Malo ont besoin d’avoir d’autres enfants autour convient à tout le monde. Qui veut prendre la parole ?
d’eux ! Et puis, on n’y connaît pas grand-chose, à part Thierry : Je trouve que la famille s’est extrêmement
ce qu’on lit ou ce qu’on entend dans les médias. vite adaptée à la vie en commun. Mathilde est une
Paul : Eh bien, je te propose qu’on se renseigne sur excellente jardinière. Ses bons conseils et ses connais-
les lieux déjà créés dans la région et qu’on aille les sances vont peut-être nous permettre d’arriver à
visiter pendant le week-end ! l’autosuffisance alimentaire que nous avons comme
objectif. De plus, ils ont l’air de se plaire ici. N’est-ce
Visite d’un écovillage pas ?
Paul : Oui, votre village répond vraiment à nos at-
Léo : Bienvenue au hameau des Châtaigniers. Nous tentes. Vivre au contact de la nature avec des gens de
sommes un village de douze logements avec un potager tous âges et de tous horizons, tout en gardant un
de 700 m2 et aussi quatre espaces partagés. chez-soi, c’est vraiment ce qu’on cherchait !
Mathilde : C’est génial d’avoir un jardin aussi grand ! 
Qui s’en occupe ?
Léo : Tout le monde ! On aide tous au printemps,
quand le potager demande beaucoup de soins. Le reste
de l’année, chaque personne s’en occupe quand elle
a le temps et l’envie, mais nous partageons toutes les
récoltes. Nous l’exploitons en permaculture depuis la
création de l’écovillage en 2017, et il commence à
donner de beaux fruits et de magnifiques légumes !
Paul : Et ce bâtiment, qu’est-ce que c’est ?
Léo : Ce sont des chambres qu’il est possible d’occu-
per quand vous avez besoin de loger des amis ou de
la famille de passage, un peu comme des chambres
d’amis ! Et au rez-de-chaussée se trouve une très grande
bibliothèque partagée, où les enfants se retrouvent
souvent pour faire leurs devoirs. C’est plus sympa que
chacun dans sa chambre sur son bureau !

je n’en peux plus (here) I can’t stand it un potager kitchen garden sympa (familier) nice
anymore génial (familier) wonderful prendre la parole to speak
et si (+ imparfait) what about un soin care un conseil advice
solidaire sustainable une récolte harvest arriver à to reach
une empreinte écologique ecological footprint de passage visiting une attente expectation
pas grand-chose not much le rez-de-chaussée ground floor tout (+ gérondif) while
un hameau hamlet les devoirs (masc.) homework

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 33


LE COIN ÉCO
ACTUALITÉS

Article de Waléry Doumenc

L’innovation frugale,
quèsaco ?
On entend de plus en plus d’économistes parler d’innovation frugale, mais qu’est-ce
que cela signifie exactement ?

le « Jugaad » représente une « importante voie de sortie


à la crise économique actuelle dans les économies
développées, et est porteur de nombreuses leçons pour
les économies émergentes ».

En phase avec la réalité


En moyenne, on estime à 85 % le nombre d’innovations
échouant moins d’un an après leur lancement. En
cause, le décalage entre l’ingénieur installé dans son
bureau d’études et le consommateur. Plus économe,
l’innovation frugale permet la mise en place de pro-
duits en phase avec la réalité du terrain.

Définition Le « Jugaad » est apparu en Europe avec la crise sani-


taire de la Covid-19, car, comme le rappelle Navi
L’innovation frugale consiste à utiliser les ressources Radjou dans le magazine We Demain, le vide institu-
à disposition pour répondre à un besoin, en respec- tionnel a fait émerger la résilience créative de la base.
tant des principes et des contraintes non négociables : Un exemple ? Le masque de plongée de Decathlon*
le produit doit être simple d’utilisation, facilement adopté par les soignants du monde entier. Ce simple
fabricable, à moindre coût, fiable, voire désirable. Le tout masque de plongée est devenu, grâce à l’ingéniosité de
doit faire partie d’une démarche de développement certains, un masque d’urgence pour les respirateurs
durable. Navi Radjou, universitaire franco-indien, a hospitaliers (des imprimantes 3D ont été utilisées
été l’un des premiers à théoriser ce concept de « com- pour fabriquer les raccords nécessaires aux tubes
ment faire mieux avec moins », qui surfe aujourd’hui d’hôpital). 
sur la vague des prises de conscience de l’épuisement de
certaines de nos ressources naturelles.

À l’origine, le « Jugaad »
L’innovation frugale est inspirée du concept indien
« Jugaad », qui signifie « détournement », en tamoul.
Il peut s’agir d’une réparation ingénieuse, d’un simple
bricolage ou du détournement d’un usage. Le « Jugaad »
fait essentiellement appel à la créativité, pour faire
mieux ou aussi bien, en utilisant moins de res-
sources. Selon Jaideep Prabhu, professeur et auteur,

quèsaco ? (familier) what is it? le détournement (here) repurposing un lancement (here) launch
à moindre coût low cost un bricolage (here) tinkering un décalage (here) gap
fiable reliable une voie way un bureau d’étude design department
voire and even actuel current le terrain field
une démarche (here) approach être porteur de to hold un vide (here) vacuum
durable sustainable en phase avec in touch with un masque de plongée scuba mask
une prise de conscience awareness en moyenne on average un soignant health care worker
l’épuisement (masc.) (here) depletion échouer to fail un raccord (here) connection

34 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


26-27

NAVI RADJOU
Originaire de Pondichéry, en Inde, l’homme est conseiller en innovation et
en leadership, et essayiste. Ce quadragénaire est spécialisé dans l’innovation.
En France, il fait ses études à l’École centrale de Paris, avant de s’installer,
à 29 ans, aux États-Unis. Distingué en 2013 par le prix Thinkers 50 innovation,
donc classé parmi les cinquante meilleurs penseurs au monde, il est l’auteur
de plusieurs publications, dont L’Innovation frugale, comment faire mieux avec
moins, paru en 2015, et Le Guide de l’innovation frugale, publié en 2019, dont
il est coauteur.

De multiples exemples

© DR
En fabriquant la Logan, le groupe Renault avait créé
un véhicule dépourvu d’options multiples, mais solide Navi Radjou
et fiable pour moins de 5 000 euros. General Electric
n’est pas en reste avec son Mac 400, un électrocardio- ment dans les Pays de la Loire et le Grand-Est, avec
gramme portable créé en Inde, léger et simple à des consommateurs, des entrepreneurs et des élus
utiliser, qui coûte cent fois moins cher que son équi- qui s’organisent pour voir émerger un nouveau mo-
valent américain. D’autres innovations sont notables. dèle de société, en utilisant la sobriété pour renforcer
Le Foldscope, par exemple, est un microscope optique la société et la solidarité.
fabriqué à partir de pliage en papier, coûtant moins
d’un dollar en production, et permettant de grossir Faire plus avec moins
jusqu’à plus de vingt mille fois. La lampe frugale, elle,
fonctionne sans pile ni batterie. Alimentée par la seule Pour Navi Radjou, « faire plus avec moins » correspond
force de gravité, elle est dotée d’un boîtier relié à une à « faire plus avec moins de ressources naturelles ».
masse de 12 kg. Il suffit de soulever ce poids quelques Il s’agit surtout de se concentrer sur l’essentiel pour
secondes pour obtenir trente minutes de lumière ! apporter une solution suffisante. L’innovation frugale
Très utilisées dans les bidonvilles, les ampoules à bouteille est un système D nouvelle génération qui propose
d’eau sont souvent rebaptisées « litres de lumière ». des solutions simples, rapides et peu coûteuses : elle
Ce sont des bouteilles en plastique recyclées qui, une est source d’innovations et à la portée de tous les
fois remplies d’une solution à base d’eau de javel, pro- peuples, à condition, bien entendu, d’avoir la volonté
duisent l’équivalent d’une ampoule de 55 W grâce à d’être responsable, tant sur le plan social qu’environ-
la diffraction de la lumière. Au Kenya et dans d’autres nemental. Du côté des entreprises, bien sûr, mais
pays d’Afrique, les échanges et les paiements ban- aussi du côté des consommateurs. n
caires se font par l’envoi de simples SMS. Le système
M-Pesa (« M » pour mobile, « pesa » signifiant « argent » * Chaîne française de magasins de sports et de loisirs, créée en
1976.
en langue swahili) s’implante aujourd’hui en Europe.

Une croissance plus saine


Comme l’explique Navi Radjou dans We Demain, l’in-
novation frugale peut être le levier d’une nouvelle
croissance plus démocratique et plus saine, surtout Le « système D » est une locution très souvent employée
avec des richesses mieux réparties. Les dirigeants associent pour désigner la capacité d’une personne à s’adapter
trop souvent la sobriété avec l’écologie uniquement, rapidement à une situation et à improviser pour résoudre
ce qui est une erreur, mais ce qui se comprend, car des problèmes. Le « D » majuscule fait référence au mot
l’élite actuelle n’a pas envie de voir disparaître le « débrouille », du verbe « se débrouiller », qui signifie « se
modèle économique en place. Selon Navi Radjou, tirer d’affaire par ses propres moyens ».
l’innovation frugale a déjà émergé en France, notam-

dépourvu de without un boîtier case sain healthy


ne pas être not to be relié à connected to réparti (here) distributed
en reste outdone soulever to lift up un dirigeant leader, manager
notable noteworthy un bidonville slum à la portée de within sb’s
un pliage folding une ampoule light bulb reach
une pile battery l’eau de javel bleach tant... que... as much... as
alimenté (here) powered une croissance growth du côté de on the part of

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 35


LE SAVIEZ-VOUS ?
LANGUE

Article de Axelle Négrignat

Des expressions
en temps et en heure
Les expressions en lien avec les heures et les moments de la journée en disent long sur
le rapport au temps des Français. Il est grand temps d’en découvrir quelques-unes…

L’expression « à la bonne heure » s’utilise généralement en début de phrase


pour marquer l’approbation ou le consentement : « Tu t’es enfin décidé à
travailler ? À la bonne heure ! ». Cette expression vient de « à bon hore », utilisée
au xiie siècle, devenue « à la bonne heure » au xive siècle, qui signifiait « à propos »
et qu’on employait pour montrer sa satisfaction concernant une chose qui arrivait
au moment attendu. L’expression a ensuite désigné le bon moment de manière
générale, par opposition à « à la male heure ». C’est entre les xve et xviiie siècles
que l’expression adopte définitivement le sens qu’elle a aujourd’hui. Selon le
contexte et le ton de la phrase, elle peut contenir un peu d’ironie. La ressemblance
entre « bonne heure » et le mot « bonheur » n’est pas fortuite et laisse à penser
qu’une expression a donné naissance à l’autre par contraction.

Quand on prévoit de faire quelque chose à la première heure, on envisage d’être particulièrement
matinal et de le faire dès le lever. Objet très utile pour donner l’heure, la pendule se retrouve dans
plusieurs expressions. Celui qui est « réglé comme une pendule » (ou « comme un coucou suisse »)
est aussi régulier qu’une horloge. Il est particulièrement ponctuel et ne change jamais ses habitudes.
Si quelqu’un « remet les pendules à l’heure », il fait une mise au point ou rétablit la vérité, par
exemple quand il juge nécessaire qu’une discussion reparte sur une base saine.

Née dans la seconde moitié du xxe siècle, « l’heure de pointe » est une expression en lien,
entre autres, avec le développement de l’automobile. Elle désigne le moment de la journée
où les personnes actives se rendent à leur travail ou rentrent chez elles, que ce soit en voiture,
en bus, en train ou en métro. Les heures de pointe désignent les périodes pendant lesquelles
le trafic est le plus important et l’affluence est maximale.

C’est au milieu sportif qu’on doit l’expression « une course contre la montre ».
Au sens propre, il s’agit de réaliser un parcours le plus vite possible. Au sens figuré,
l’expression désigne une action devant être terminée dans un délai très court.

l’approbation (fém.) approval une pendule clock se rendre (here) to go


selon (here) depending on réglé (here) set devoir à to owe to
fortuit accidental une horloge clock une course (here) race
prévoir to plan faire une mise (here) to set things au sens propre literally speaking
envisager to foresee au point straight un parcours (here) course
être matinal to get up early sain (here) sound un délai time
dès as soon as en lien avec having to do with

36 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


Au xviie siècle, « donner le bouillon » voulait dire « empoisonner », car il était facile de mettre du
poison dans une soupe. Ce n’est que plus tard qu’on s’est mis à parler du « bouillon d’onze
heures » pour faire un parallèle entre la dernière heure de la journée (onze heures du soir)
et la dernière heure (de vie) de la personne condamnée à mourir empoisonnée. Heureusement,
la coutume n’existe plus !

Tout droit venu des États-Unis et des années 1970, le « quart d’heure américain » était ce moment
d’inversion des codes où les filles étaient autorisées à inviter les garçons à danser, dans une société
où il était de bon ton que l’initiative vienne des hommes. Rien à voir donc avec le « quart d’heure
français », aussi appelé le quart d’heure de politesse. Celui-ci désigne le léger retard délibéré avec
lequel on arrive à un dîner chez des amis, et qui est considéré comme attendu et convenu. 

Autrefois, il était courant d’avoir un cadran solaire au-dessus de la porte d’entrée de sa maison. Toutefois,
ces ancêtres des horloges pouvaient manquer de précision, et les gens ne lisaient pas tous la même heure
au même moment. C’est ainsi que chacun « voyait midi à sa porte ». Au sens figuré, cela signifie que
chacun apprécie et considère une situation en fonction de ses intérêts propres.

Connaissez-vous une personne qui complique inutilement les choses, même les plus
simples, qui aime chercher un problème là où il n’y en a pas ? Si c’est le cas, vous
pouvez dire de cette personne qu’elle « cherche midi à quatorze heures ». Sous
sa forme actuelle, cette expression date du xviie siècle, mais avant cela, on disait
« chercher midi à onze heures » ou « chercher midi si loin ».

Le « démon de midi » s’emploie pour désigner la crise de la quarantaine (ou de la cinquantaine),


pendant laquelle une personne va être tentée de changer de compagne ou de compagnon
pour quelqu’un de plus jeune. Depuis le xviie siècle, « le démon de » est la personnification
d’une mauvaise tentation (le démon du jeu, de la chair...). Comme midi indique le milieu de
la journée, on l’utilise ici pour désigner le milieu de la vie, où la crise existentielle est la plus
fréquente. Qui sait ? Cette période est peut-être propice aux bains de minuit ! La locution
désigne le fait de se baigner dans un lac ou dans la mer, en pleine nuit, sans maillot de bain
et donc tout(e) nu(e).

Le milieu de l’après-midi donne lieu à un temps bien connu des enfants (mais
aussi de certains adultes !) français, le « quatre heures », qui est le goûter
souvent pris après la sortie de l’école et composé d’un encas sucré. 

un bouillon broth autrefois in the past la quarantaine (here) forties


être de bon ton to be accepted courant common le jeu (here) gambling
rien à voir avec nothing to do with un cadran solaire sundial la chair flesh
léger (here) slight manquer de to lack un goûter afternoon snack
convenu (here) agreed upon propre (here) own un encas snack

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 37


SUR LE BOUT DE LA LANGUE
LANGUE

Article de Camille Larbey

Parlons
sobre !
À l’oral ou à l’écrit, la langue française
est souvent alourdie par des tics de
langage, des exagérations ou de petits
mots inutiles. Et si on passait à un
français plus sobre ? 

Haro sur les tics de langage À force de les entendre sans arrêt, nous laissons les
tics de langage entrer en nous et nous contaminer.
Je dis ça, je dis rien / genre / on va pas se mentir / de Pourquoi ont-ils autant de succès ? «  Ce sont des
ouf 1 / j’ai envie de dire / c’est que du bonheur / y’a pas chevilles qui tiennent le discours. Sans elles, la personne
de soucis / euh / du coup / pour le coup / c’est juste qui parle aurait l’impression que sa phrase est
pas possible / en fait / bref / je te jure / voilà quoi / etc. : bancale », explique Pierre Merle. Mais il est vrai que ces
la liste complète des tics de langage – appelés aussi expressions ne servent à rien puisqu’elles n’apportent
« béquilles » – pourrait remplir plusieurs pages de aucune information supplémentaire. L’interlocuteur
Bien - dire. On les prononce sans s’en rendre compte, risque de se concentrer sur ces béquilles en oubliant
mais lorsqu’on les entend, nos oreilles saignent. Leur l’essentiel. Pire, ces tics de langage peuvent causer du
apparition n’est pas nouvelle, rappelle le sociologue tort à celui qui les utilise. « L’étiquette des tics de lan-
Pierre Merle, auteur de nombreux livres sur le lan- gage est péjorative, car on estime qu’une personne ne
gage : « Balzac2 s’en plaignait déjà… Plus récente est parle pas bien. Or, c’est typiquement français de juger
leur prolifération, issue du syndrome télévision et la façon dont on parle. À l’étranger, on fait beaucoup
radio, où le silence est totalement banni : il faut moins attention ! » analyse dans L’Est R épublicain3
remplir l’espace avec de nombreux mots destinés à Julie Neveux, maîtresse de conférences en linguis-
prolonger la phrase. Pourquoi dire “absolument” ou tique et aussi agrégée d’anglais.
“tout à fait” quand un bref “oui” suffirait ? »

Si elle est suivie d’un nom sans article ou d’un infinitif,


la locution « à force de » exprime la cause associée à l’idée
d’insistance et de répétition : « À force de les entendre sans
arrêt, les tics de langage nous contaminent » (c’est parce
qu’on les entend très souvent que les tics de langage nous
contaminent). « À force de travail, il a obtenu de meilleurs
résultats » (c’est parce qu’il travaille régulièrement qu’il a
réussi à obtenir de meilleurs résultats).

alourdi (here) encumbered se plaindre de to complain about bancal wobbly


un tic de langage verbal tic issu de (here) stemming from un interlocuteur speaker
et si (+ imparfait) what if sans arrêt non-stop causer du tort to cause harm
haro sur outcry against une cheville (here) peg une étiquette label
une béquille (here) crutch word tenir (here) to hold or but
saigner to bleed un discours speech à l’étranger abroad

38 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


Trop de « trop »
Ces dernières années, on remarque aussi que le fran-
çais souffre d’excès. Pour vous signifier qu’elle abonde
totalement dans votre sens, une personne ne vous dira
pas qu’elle est à 100 % d’accord avec vous, mais qu’elle
vous suit à 1 000 %. On ne dit plus « c’est faux », mais
c’est « archi faux ». On ne dit plus « je suis fatigué »,
mais « e suis hyper fatigué ». Archi, super, méga,
hyper, ultra : ces préfixes ont colonisé nos discus-
sions. L’adverbe « trop », qui exprime un excès, est
fréquemment utilisé à la place de l’adverbe « très »,
qui indique une intensité : « J’ai trop faim ! » ; « J’ai
trop aimé ce film ! » ; « Ce burger est trop bon ! ».

Adjectifs sans demi-mesure missime », « topissime », etc. Cette exagération per-


manente serait-elle l’aveu d’un manque de vocabulaire
Les adjectifs ne sont pas épargnés par la mode de ou d’une paresse aiguë à prendre le temps de trouver
l’exagération : « génial », « top », « sublime », « fabu- le mot juste ?
leux », « énorme », « extraordinaire » (pour dire « très
bien ») sont utilisés à tout bout de champ. Même la chose Dans une chronique pour la radio RFI, l’écrivain
la plus banale (une pâtisserie, une robe, un paysage) Ivan Amar signale qu’ « il faut se méfier du superlatif
peut vite devenir « merveilleux/se », « splendide » ou facile ». À trop utiliser « trop », on perd l’une des plus
« incroyable ». À l’inverse, « horrible », « infernal » ou belles choses  (sans exagération !) que peut offrir une
« atroce » peuvent s’employer pour des situations tout langue : la nuance. n
à fait ordinaires comme un retard de train, une
mauvaise soirée ou une expérience au restaurant, là 1
« Fou », en verlan. Le verlan est un langage oral qui inverse
l’ordre des syllabes ou des lettres d’un mot.
où des adjectifs comme «  mauvais  » et «  pénible  » 2
Honoré de Balzac (1799-1850) est un grand auteur français.
pourraient suffire. Les adjectifs sont prononcés sans 3
Quotidien régional français.
discernement, comme si l’on ne savait plus évaluer
l’intensité d’un ressenti et le traduire par l’adjectif
adéquat. DES MOTS À LA POUBELLE
Cette tendance à l’exagération se retrouve également Le grand amoureux de la langue française et
dans les médias pour le grand public, qui n’hésitent ex-présentateur télé Bernard Pivot publie en 2008
pas à faire de la surenchère. Les titres racoleurs de la le petit livre 100 expressions à sauver. Un an plus tard,
presse à scandale se retrouvent maintenant aussi sur comme une réponse, l’écrivain Jean-Loup Chiflet
Internet sous la forme des « pièges à clics » : « Il fait publie 99 mots et expressions à foutre à la poubelle.
une découverte incroyable dans son jardin ! », « Vingt Certains tics cités dans ce livre ont depuis un peu
cupcakes absolument parfaits vont vous en mettre disparu : « moi, personnellement » ou « ça va
plein les yeux ! », etc. comme vous voulez ? ». Le « tu vois ce que je veux
dire ? » est remplacé désormais par un simple « tu
vois ? ». Cela dit, certaines expressions sont toujours
Génialissime !
tenaces : le pléonasme « au jour d’aujourd’hui » est
Comme si cela ne suffisait pas, il est désormais courant
malheureusement souvent utilisé, et « à plus »
d’ajouter le suffixe « -issime », qui marque la valeur
(ou « A+ », en langage SMS), l’abréviation d’« à plus
tard », est entrée dans le langage courant.  
superlative, à des adjectifs qui signifient déjà l’inten-
sité. Prêtez l’oreille quand vous serez en France : il y foutre (familier) (here) to put
a des chances pour que vous entendiez que quelque toujours (here) still
chose est « génialissime », « sublimissime », « énor-

abonder dans to speak le grand public general public courant common


le sens wholeheartedly with la surenchère exaggeration un manque de lack of
génial (familier) great racoleur sensational, seductive la paresse laziness
à tout at every la presse à scandale tabloid press aigu (here) acute
bout de champ turn un piège trap, bait juste (here) right
infernal horrible désormais now se méfier de to be wary of
sans discernement indiscriminately

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 39


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LA RONDE DES MOTS
LANGUE
28-30

Article de Pascale H. Roche

L’expression du moment
« Bref »
Ce petit mot tranchant a sonné l’heure de la sobriété bien avant
tout le monde ! Depuis une décennie, « bref » vient couper court
à toute conversation... Il a même donné son nom à une série
télévisée, c’est dire ! « Bref » sert de conclusion un peu hâtive et
laisse entendre clairement qu’on n’a pas le temps de s’expliquer
ou de laisser l’autre se perdre en circonvolutions orales... Il peut
parfois s’accompagner de « enfin » : « Enfin bref... Passons ! » Loin
de la sobriété linguistique parfois requise, ce « bref » peut être mal
perçu. En effet, ne traduirait-il pas une forme d’impatience
récurrente dans un monde où tout va trop vite, l’envie d’abréger
abruptement une conversation qui nous ennuie, la volonté de
rester évasif, ou la flemme de donner à l’autre des détails ? Bref,
vous l’aurez compris, voilà un petit mot à utiliser avec parcimonie.

L’expression expliquée
« À la limite »
Synonyme de « à la rigueur », l’expression « à la limite »
permet d’envisager le cas extrême de ce que l’on peut
concevoir, tout en traduisant une certaine réticence :
« À la limite, je peux faire ce travail ce soir. » De nos jours,
l’expression s’emploie aussi de plus en plus comme
VIRELANGUES
un tic de langage : « À la limite, on peut aller chez moi
si le restaurant est fermé. » Elle fait office de suggestion. Ce sont six slips chics  
Il ne faut pas la confondre avec « c’est limite », qu’on et six chics slips.
utilise pour dire que quelque chose est tout juste
acceptable. Cinq gros rats grillent dans  
la grosse graisse grasse.
Trois gros rats gris dans trois
gros trous ronds rongent trois
gros croûtons ronds.

BLAGUES
Deux amis discutent de sobriété : Quel est le comble pour un horloger ?
« L’avion, c’est fini. C’est plus écolo, mais c’est dur : – Chercher midi à quatorze heures !
fini le dépaysement, le décalage horaire...
– Bah, il te reste toujours deux jet-lags par an : ceux
des passages à l’heure d’hiver et à l’heure d’été ! »
L’heure d’hiver, c’est facile : 3 % des gens dorment
une heure de plus et 97 % la perdent en essayant
désespérément de changer l’heure du four.
Une mère s’adresse à son fils affalé sur le canapé
du salon :
« Léo, comment peux-tu être aussi léthargique ?
– Tu n’as rien compris, maman. Je suis juste en mode Quel est le comble pour un cuisinier ?
économie d’énergie ! » – Boire le bouillon d’onze heures !

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 41


QUOI DE NEUF ?
ACTUALITÉS

Article de Pascale H. Roche

Partage interentreprises
C’est une première en France ! après avoir compris que les besoins d’œuvre est bien défini : les salariés
Le Conseil régional des Pays de en ressources et en main-d’œuvre doivent donner leur accord, conserver
la Loire a créé une plateforme variaient selon les pics d’activité. l’intégralité de leur salaire et
gratuite de mutualisation des Les entreprises inscrites sur retrouver leur poste à la fin de leur
ressources entre entreprises pour la plateforme Solutions partage mission. L’entreprise qui bénéficie
redynamiser l’économie locale et peuvent ainsi mettre à disposition du partage verse aussi à l’entreprise
aider les PME et PMI* du territoire. des employés ou des ouvriers qui, d’origine des salariés le montant
Cette entraide entre entreprises est sinon, se seraient retrouvés au des salaires et des charges sociales.
née pendant le premier confinement, chômage partiel. Ce prêt de main- Le matériel, les locaux, les sessions
de formation peuvent aussi se
partager via la plateforme. L’idée
est de mutualiser les coûts. Loin
du monde capitaliste, voilà un bel
exemple de solidarité régionale. n

* Petites et moyennes entreprises ; petites


et moyennes industries.

la mutualisation sharing
un confinement (here) lockdown
la main-d’œuvre workforce
un ouvrier worker
le chômage partiel short-time working
verser (here) to pay
les charges sociales social benefits charges
un local (here) premises
une formation (here) training

Comptoirs d’avenir
Les campagnes françaises se sont progressivement
endormies. Difficile de nos jours de trouver
un commerce, une banque ou un bureau de poste
dans un village. Pour redonner vie à ces communes
rurales, Virginie Hils a créé un modèle de commerce
multiservices. Son nom ? Comptoir de campagne.
Chaque comptoir propose une offre de services très
large : une épicerie avec plus de 75 % de produits
© Comptoir de campagne

locaux, un espace bistrot/restaurant pour se rencontrer


de manière conviviale, un service bancaire, un service
postal, un pressing, un espace presse, etc. Chaque
installation s’adapte au village concerné, en
collaboration avec le maire, pour répondre au mieux
aux besoins des habitants. Les objectifs de cette
entreprise de l’économie sociale et solidaire ? Renforcer de Virginie Hils est de développer des franchises dans
le lien social, développer l’économie locale, créer la France entière pour que ce nouveau modèle de
des emplois sur le territoire et valoriser les forces vives croissance locale émerge au niveau national. n
locales. L’entreprise est implantée dans plusieurs
départements de la région Rhône-Alpes, mais l’objectif www.comptoirdecampagne.fr

le lien social social cohesion


les forces vives lifeblood
la croissance growth

42 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


31-34
QUELQUES CHIFFRES 35

Besançon
Besançon est une ville française depuis
1674.

© DR/Etika Mondo
Après avoir appartenu au Saint Empire
romain germanique (1032-1654), la cité
bisontine fera partie du royaume d’Espagne

Écologie et transmission pendant 20 ans, de 1654 à 1674, avant


de redevenir française.
Écolieu installé dans les Cévennes, Etika Mondo est
une communauté de personnes qui ont choisi de vivre en
symbiose totale avec la nature. L’objectif du collectif est de Besançon se situe à 380 km au sud-est
transmettre ! À travers des stages d’immersion et des ateliers, de Paris. Les deux villes sont reliées par
le groupe partage ses connaissances en écologie, mais aussi une ligne TGV depuis 1981.
en permaculture, en écorénovation et en low-tech à tous
ceux qui le veulent. Etika Mondo propose aussi de collaborer
avec des chercheurs, des agriculteurs ou des ingénieurs La ville compte près de 118 000
pour inventer un mode de vie plus collectif, animé par des habitants. C’est la 33e ville la plus peuplée
valeurs simples, d’écologie, d’autonomie et de partage. n de France.
www.etikamondo.com 
un stage (here) training course Besançon a été la 1ère ville verte de France
un atelier (here) working group
avec 2 500 hectares d’espaces verts,
soit 38 % de sa superficie. C’est aussi
la 8e ville française à avoir décroché le titre
Mode engagée de « capitale française de la biodiversité ».
Produire une mode éthique, écoresponsable et durable est
l’objectif d’Engagés Engagées, une marque créée par deux L’âge médian des Bisontins est de 35 ans.
jeunes entrepreneurs français désireux de contribuer à 28,5 % de la population a entre 15 et
un monde plus radieux. La mission qu’ils se sont donnée ?
Confectionner des vêtements à partir de matières naturelles
29 ans.
certifiées BIO, de fibres innovantes comme la cellulose
d’algues, mais aussi de tissus recyclés. Imaginées en Provence, Besançon possède un climat tempéré :
les pièces sont produites dans un atelier près de Lyon, en
la température moyenne est de 11 °C.
précommande, pour ne pas avoir de surstock. Engagé(e)s ?
Oui, et totalement, puisque les étiquettes de vêtements sont
en polyester et que les emballages d’expédition sont en carton Le taux de chômage est de 11 %.
recyclé et recyclable ! n

www.engagesengagees.fr 86,4 % des Bisontins habitent en


durable sustainable une étiquette (here) tag appartement et 12,4 %, en maison.


une marque (here) label
une pièce (here) item
un emballage wrapping
le carton cardboard
54 % des logements ont été construits
après 1970.
© Engagés Engagées

63,9 % des habitants sont locataires et


36,1 % sont propriétaires.

La ville compte 506 restaurants, 23 hôtels,


7 bibliothèques et 5 cinémas.

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 43


CUISINE & GASTRONOMIE
CULTURE

Article de Catherine Antoine

Délices
franc-comtois1
La Franche-Comté est réputée pour sa
gastronomie. Plats sucrés ou salés, il y en
a pour tous les goûts ! Arrêtons-nous sur

© Maud Humbert/BFC Tourisme


ses fromages et sa charcuterie fumée. 

Les fromages stars


Les Francs-Comtois sont fiers de leurs fromages et il une AOP en 2002. Depuis 2022, et après un long pro-
y a de quoi ! La star, le comté AOP2, est l’un des fro- cès, les fabricants de morbier ont l’exclusivité de la
mages les plus consommés en France. Si le comté d’été raie noire du fromage. N’hésitez pas à utiliser du
a des arômes légers et fruités, le comté d’hiver est morbier pour vos raclettes, vous vous régalerez !
plus corsé, avec des nuances de noisette. 
Le mont-d’or est un autre délice franc-comtois !
Les autochtones vous parleront aussi du morbier, Véritable concentré du paysage du Haut-Doubs, ce
reconnaissable à sa raie noire au centre. Cette ligne fromage porte le même nom que la plus haute mon-
est due à l’utilisation de charbon sur l’une des faces tagne du Doubs qui culmine à 1 461 m d’altitude. Il
de la meule avant le pressage. Par le passé, la suie de est fabriqué uniquement à partir de lait de vaches
chaudron aidait à la conservation, mais aujourd’hui le montbéliardes et simmental. Moulé puis entouré
charbon utilisé est végétal et permet de garder cette d’une sangle en bois, il est ensuite mis dans une boîte
spécificité sans altérer le goût du fromage. La recette en épicéa, qui va lui donner un goût boisé inimitable.
et le savoir-faire traditionnels ont été reconnus par Un mont-d’or à point se reconnaît aux plis sur le dessus
de sa croûte, qui font penser aux montagnes du Jura.
Ce fromage saisonnier (il est commercialisé du
10 septembre au 10 mai) s’apprécie froid ou en « boîte
chaude ».

Enfin, la fameuse cancoillotte, connue pour son


orthographe et sa prononciation atypique, est un
fromage obtenu en faisant fondre du lait caillé écrémé
(aussi appelé le « metton »), avec du beurre et du sel.
Sa texture quasi liquide lui permet d’être consom-
mée aussi bien chaude que froide. La cancoillotte est
moins calorique et plus digeste que la plupart des
autres fromages, mais elle reste riche en protéines.
On peut aussi facilement la fabriquer soi-même. n
Alain Doire/BFC Tourisme

1
Adjectif qualifiant une personne ou une chose originaire de
Franche-Comté.
2
L’appellation d’origine protégée est un des labels garantissant
la qualité et l’origine des produits.
Le comté, la star de la région

fier proud une meule (here) cheese wheel l’épicéa (masc.) spruce
il y a de quoi and rightly so le pressage pressing à point ripe
consommé (here) eaten la suie soot un pli fold
corsé (here) full-bodied un chaudron cauldron la croûte (here) rind
une noisette hazelnut la conservation preservation fondre to melt
une raie (here) line se régaler to enjoy le lait caillé curd
le charbon (here) charcoal ash une sangle strap écrémé skimmed

44 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


36-38

L’assiette franc-comtoise
Ce plat se compose d’un assortiment de spécialités locales :
des rondelles de saucisses, de la charcuterie, des pommes de terre,
de la cancoillotte et un peu de salade verte assaisonnée d’une
vinaigrette. Le tout s’accompagne d’un bon vin blanc du Jura.

Mettez les saucisses à cuire dans une casserole d’eau froide pendant 40 minutes
et couvrez. Pendant ce temps, épluchez les pommes de terre et coupez-les en dés
ou en bâtonnets.
Émincez l’oignon et découpez également l’ail très finement. Faites dorer le tout dans
un peu d’huile et réservez.
Dans une poêle généreusement huilée, faites cuire les pommes de terre comme
© DR

des frites. Salez et poivrez. Couvrez, mettez à feu doux et remuez souvent avec
Ingrédients une cuillère en bois. Les pommes de terre doivent être juste dorées.
pour 2 personnes Quelques minutes avant de servir, coupez les saucisses cuites en rondelles. Ajoutez-les dans la poêlée
de pommes de terre avec l’oignon et l’ail. Ajoutez un peu de muscade, couvrez, puis laissez cuire à feu
4 petites pommes de terre doux en remuant jusqu’à ce que la viande soit légèrement grillée.
1 oignon
3 gousses d’ail Préparez la salade verte et la vinaigrette, puis faites chauffer le pot entier de cancoillotte au micro-
2 saucisses de Morteau ondes. Vous pouvez y ajouter la moitié d’une gousse d’ail coupée finement et un peu de vin blanc.
1 pot de cancoillotte Avant de servir, étalez la poêlée dans une assiette et versez la cancoillotte chaude dessus.
un vin blanc typé
Bon appétit !
1 salade verte Alternative
vinaigrette (pour la salade) une rondelle (here) slice émincer to chop
sel, poivre, une gousse d’ail garlic clove faire dorer to brown Mettez un mont-d’or dans le four
noix de muscade la noix de nutmeg à feu doux over low à 200 °C (th. 6). Une fois qu’il est
muscade heat chaud, versez-le sur les patates
éplucher to peel remuer to stir grillées et complétez l’assiette avec
un dé (here) cube une poêlée skillet des rondelles de morteau cuite.
un bâtonnet stick étaler to spread

Les saucisses
Beaucoup de charcuteries franc-comtoises sont fumées dans les tuyés,
ces cheminées fumoirs pyramidales typiques des fermes du Haut-
Doubs. La région est surtout connue pour deux saucisses : « la morteau »
et « la montbéliard ». Toutes les deux sont fumées dans un tuyé, mais
elles ont quelques différences.

De forme cylindrique et régulière, la saucisse de Morteau est à base


de viande de porc. Elle est embossée dans un boyau naturel, fermé à une
extrémité par une cheville de bois. Son arôme fumé est obtenu grâce à
la sciure et au bois de résineux, mais aussi grâce à la lenteur de son
fumage. Plus fine et de forme courbe, la saucisse de Montbéliard a
une couleur ambrée et une peau fine et lisse. On aime son arôme de
fumé et sa texture ferme. Pour les faire cuire, plongez-les dans une
casserole d’eau froide et laissez cuire : 40 min pour une morteau et
20 min pour une montbéliard. Veillez à ce que l’eau reste frémissante à
feu doux. Ne piquez pas les saucisses sinon elles se gorgeraient d’eau. n
La saucisse de Morteau

un fumoir (here) smoker une cheville de bois wooden peg veiller à ce que to make sure that
embossé stuffed la sciure sawdust frémissant (here) simmering
un boyau (here) intestine un résineux pine tree se gorger d’eau to become waterlogged

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 45


CULTURE D’HIER
CULTURE

Article de Waléry Doumenc

Les foires
agricoles,
une tradition
La foire de Beaucroissant au xixe siècle
qui perdure

C
haque foire agricole a sa propre histoire et sa le but étant de ne pas avoir à les nourrir l’hiver.
raison d’être. Leur point commun ? Elles Les foires agricoles permettaient aussi de trouver
datent toutes du Moyen Âge. Leur importance l’outillage et les machines dont les paysans avaient
était primordiale, car un tel événement pouvait faire besoin. Les foires agricoles donnaient également lieu
la renommée d’une commune. C’est encore le cas au- à de nombreuses festivités, et leur organisation a
jourd’hui pour certaines d’entre elles. permis aux cafés et auberges de se développer.

En Isère, la foire de Beaucroissant est aujourd’hui la Avec l’exode rural, l’évolution du monde agricole
plus grande foire agricole de France. C’est aussi la et l’éclosion des grandes surfaces, beaucoup de foires
plus ancienne, puisqu’elle date de 1220 ! Dans la nuit agricoles ont disparu. Pourtant, ces dernières
du 14 septembre 1219, la retenue du lac naturel de années, avec la crise agricole et la crise sanitaire, les
Saint-Laurent se rompt, causant une terrible inondation modèles de circuits courts et l’avènement du bio
qui submerge la ville de Grenoble et fait de nom- contribuent à remettre la tradition des foires agricoles
breuses victimes. L’année suivante, les survivants au goût du jour. Elles allient aujourd’hui tradition et
sont nombreux à se rendre aux commémorations. Ils tourisme. n
attirent aussi une foule de marchands et un village se
constitue pour les accueillir. C’est ainsi que Beau-
croissant et sa foire sont nés. De nos jours, la foire de À BESANÇON AUSSI !
Beaucroissant réunit chaque année un million de
visiteurs et plus de mille cinq cents exposants. En 2022, la foire comtoise de Besançon a réuni
pendant neuf jours plus de 139 000 visiteurs et six
Il ne faut pas perdre de vue que la vie des fermes était cents professionnels. L’événement a lieu en mai et
encore plus que maintenant rythmée par les saisons, existe depuis 1922. À ses débuts, la foire était avant
qui conditionnaient la culture des légumes, les récoltes, tout agricole, comme l’ancienne foire à bestiaux
et la vie des animaux. Pour éviter le surplus de denrées qu’elle a remplacée et qui existait depuis 1590.
agricoles, les paysans se regroupaient sur la place du La foire propose aujourd’hui divers salons dédiés
village, qui prenait alors des allures de foire agricole. au monde agricole, à l’habitat, à l’artisanat, etc.,
On y venait pour vendre, acheter ou échanger du mais aussi une grande fête foraine. Animations,
bétail, des animaux de la ferme, des produits laitiers, échanges, découvertes, démonstrations, rencontres
des légumes, etc. Certains ouvriers se louaient même et dégustations : l’ambiance y est donc très festive !
à l’année pour travailler à la ferme. Les femmes sur-
les bestiaux livestock une dégustation wine/food
veillaient le bétail et essayaient de vendre leurs un salon exhibition tasting
créations artisanales. Les hommes, eux, faisaient le la fête foraine funfair
tour des auberges pour essayer de vendre leurs bêtes,

une foire agricole agricultural fair une foule de masses of une auberge inn
perdurer to persist un exposant exhibitor l’outillage (masc.) tools
propre (here) own une récolte harvest donner lieu à (here) to lead to
une commune municipality éviter (here) to avoid une éclosion (here) boom
la retenue (here) reservoir une denrée product une grande surface supermarket
se rompre (here) to burst le bétail livestock la crise sanitaire health crisis
une inondation flood se louer (here) to put yourself up l’avènement rise
se rendre à (here) to attend for rent remettre au to bring back
goût du jour into fashion

46 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


CULTURE D’AUJOURD’HUI
CULTURE

Article de Waléry Doumenc

© Gilles Reboisson/We Are Media Makers


Le Trail des Forts,
entre sport et patrimoine
Les 12, 13 et 14 mai prochains aura lieu la vingtième édition du Trail des Forts, à Besançon.

E
n 2003, deux employés municipaux, Olivier la France. Au programme ? Des parcours de diffé-
Tiercet et Jean-Marie Baverel, ont l’idée, au rentes longueurs qui permettent de découvrir les
retour d’un entraînement sur les sentiers du bois fortifications et d’avoir accès à la citadelle, dont le
d’Avanne, d’organiser une course mélangeant harmo- passage vertigineux donne vue sur la ligne d’arrivée.
nieusement nature et patrimoine. L’objectif initial ? Le grand parcours de 60 km est limité à mille cou-
Faire découvrir un magnifique terrain d’entraîne- reurs. C’est la formule reine du trail, qui peut aussi
ment en mettant leur ville en valeur. La première se courir en binôme. Ce trail rallie les dix forts qui
édition, en 2004, réunit environ quatre cents parti- protègent la cité Vauban. Son tracé est très technique,
cipants sur un parcours de 32 km. Dix ans plus tard, avec un dénivelé cumulé de 2 300 m.
la course accueillera trois mille deux cents partici-
pants et deviendra une épreuve du Trail Tour National. Le parcours de 30 km propose aussi des points de vue
sur la citadelle et la ville, de la colline de Montfaucon
Aujourd’hui, le Trail des Forts attire six mille parti- à la traversée du château médiéval.
cipants. C’est la plus grande course nature de l’est de
L’allure est plus libre durant le parcours sur 21 km et
ses 700 m de dénivelé positif. Parcours initiatique, le
11 km propose un tour sur les bords du Doubs avant
la traversée de la citadelle. La randonnée de 11 km,
quant à elle, est le format idéal pour découvrir Besançon
sous un jour nouveau.
© Gilles Reboisson / We Are Media Makers

L’engouement pour ces épreuves est croissant. Des


passionnés venus de la France entière trouvent là une
dose d’effort en pleine nature mais aussi une escapade
historique au cœur des fortifications inscrites au
patrimoine mondial de l’Unesco. C’est ce mélange
atypique entre sport et patrimoine qui assure le
succès du Trail des Forts de Besançon. n

un patrimoine (here) heritage un parcours (here) course une allure (here) pace
avoir lieu to take place une épreuve (here) trial un bord (here) bank
un employé municipal municipal officer rallier to join quant à as for
un entraînement (here) run training un dénivelé elevation gain un engouement popularity
un sentier (here) trail une colline hill croissant growing
une course (here) race

Bien-dire n° 147 mars-avril 2023 47



QUI Z
LANGUE

Connaissez-vous bien
la Franche-Comté et la ville
de Besançon ? C’est le moment
de le découvrir.

1. Quel était le nom de la ville de Besançon 8. Pendant combien de temps Victor Hugo a-t-il
à l’époque où César en a fait une colonie vécu à Besançon ? 
romaine ?  a. pendant quelques semaines seulement
a. Utinam b. durant toute son enfance
b. Vesontio c. toute sa vie
c. Chrysopolis
9. Claude Joseph Rouget de Lisle, né en Franche-
2. Quel architecte a conçu la citadelle de Comté, est à l’origine d’un symbole français.
Besançon ?  Lequel ? 
a. Sébastien Le Prestre de Vauban a. Il a conçu le drapeau tricolore. 
b. Claude-Nicolas Ledoux b. Il a écrit l’hymne national, La Marseillaise.
c. Jules Hardouin-Mansart c. Il a choisi le prénom de Marianne pour incarner
la République.
3. Comment appelle-t-on le centre-ville
historique de Besançon ?  10. Quelle boisson anisée originaire de Franche-
a. La Presqu’île Comté ressemble au pastis marseillais ? 
b. La Péninsule a. l’absinthe
c. La Boucle b. le macvin
c. le pontarlier-anis
4. Quelle est la devise de Besançon ? 
a. « Plaise à Dieu » 11. Dans quel département franc-comtois
b. « En temps et en heure » produit-on du vin jaune ? 
c. « Plus haut, plus fort » a. le Jura
b. le Doubs
5. Quelle rivière traverse Besançon ?  c. le Territoire de Belfort
a. la Saône
b. le Rhin 12. Quel fromage de la région a une texture
c. le Doubs liquide et se vend en pot ? 
a. le mont-d’or
6. À quel pays actuel la Franche-Comté b. le morbier
n’a-t-elle jamais appartenu ?  c. la cancoillotte
a. l’Allemagne
b. l’Espagne
c. le Royaume-Uni

7. Quel peintre franc-comtois a réalisé


le célèbre tableau L’origine du monde ? 
a. Gustave Courtois
b. Gustave Courbet
c. Guillaume Courtois

1/b ; 2/a ; 3/c ; 4/a ; 5/c ; 6/c ; 7/b ; 8/a ; 9/b ; 10/c ; 11/a ; 12/c.
Réponses : 

48 Bien-dire n° 147 mars-avril 2023


Prochainement
n°148 mai-juin 2023
9 Le Mont-Saint-Michel : entre patrimoine, business et littérature
9 La Mère Poulard, toute une institution
9 Guillaume Meurice, l’humoriste au grand cœur
9 Les chemins de pèlerinage 
9 Exprimer la difficulté ou la facilité
9 Stéréotypes sur les Français : légende ou réalité ?
9 L’insécurité linguistique, qu’est-ce que c’est ?

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