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TRACES

n° 30 BELGIQUE - BELGIË
PP
Décembre BRUXELLES X
2018 1/9464

DE MÉMOIRE
PÉDAGOGIE ET TRANSMISSION
CENTRE D’ÉTUDES ET DE DOCUMENTATION
MÉMOIRE D’AUSCHWITZ ASBL
| TRIMESTRIEL N° 30 | OCTOBRE - NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2018
| BUREAU DE DÉPÔT : BRUXELLES X | N° AGRÉGATION P 801056

SOMMAIRE

AVANT-PROPOS/INTRODUCTION
p. 2

APPROFONDISSEMENT 1
Les Baccarne et les Deschepper,
histoire d'une famille séparée
par une ligne de front
p. 4

APPROFONDISSEMENT 2
La Première Guerre mondiale
redessine les cartes d'Europe
(et celles du monde)
p. 10

CHRONOLOGIE
p. 14

INTERROGATION
Réfugiés, apatrides et
mouvements de populations
p. 16
+ che pédagogique p. 17

SAVIEZ-VOUS QUE... © Alle rechten voorbehouden


… pendant la Première Guerre

© DR
mondiale, près de 60 000 Juifs
ont servi dans les
armées allemandes ?
p. 18

PORTFOLIO
p. 20

RÉFLEXION
Nouvelles
Comment « lire » un monument
p. 22

AUSCHWITZ
frontières
La naissance de la caserne
militaire à Zasole
p. 24
Cette année, nous commémorons la fin de la
VARIA
p. 26 Première Guerre mondiale. Dans ce numéro, qui a vu le jour
avec l’aide du musée In Flanders Fields, nous revenons sur
Éditeur responsable
Henri Goldberg cette période d’après-guerre au cours de laquelle de
nouvelles frontières ont été tracées.
ASBL Mémoire d’Auschwitz
Rue aux Laines 17/Boîte 50 - 1000 Bruxelles
AVANT-PROPOS ET INTRODUCTION

Chère lectrice, Une


Cher lecteur, brève
Personne ne peut l’ignorer : 2018
introduction
est l’année de commémoration
de la n de la Première Guerre In Flanders Fields est un musée
mondiale. centré sur l’être humain, égale-
L’ASBL Mémoire d’Auschwitz se ment en temps de guerre. C’est
doit d’être présente, en partant pourquoi l’histoire de la Première
d’une autre perspective, qui n’est Guerre mondiale y est racontée
pas pour autant dénuée d’intérêt. par le biais de témoignages per-
Nous souhaitons proter des com- sonnels. La génération qui a con-
mémorations pour rappeler à nu ce conit ayant aujourd’hui
chacun que la période qui suivit la disparu, son dernier témoin est le
n de la Première Guerre mon- paysage. C’est pourquoi le « mu-
diale se caractérise par le durcis- sée intérieur » resserre fortement
sement de la pensée nationaliste ses liens avec le « musée exté-
xénophobe. rieur », à savoir les cimetières, les
Le dénouement de la Première monuments et les vestiges de
Guerre mondiale sonne le glas guerre.
d’une certaine vision impérialiste In Flanders Fields sert d’introduc-
du monde : des États disparais- tion à la Première Guerre mon-
sent, d’autres se créent. Ces bou- diale et la guerre de positions
leversements auront un impact si- dans le Westhoek en particulier. Il
gnicatif sur la géographie euro- est une première étape pour les
péenne (et mondiale). Les cartes personnes qui se rendent préci-
sont rebattues, au propre comme sément dans le Westhoek a-
au guré. De nouvelles frontières mand pour en apprendre plus sur
sont tracées, avec toutes les con- le thème de la Première Guerre
séquences qui en découlent. mondiale. Le parcours du musée
Ce numéro a été rédigé en colla- présente le front de la plage de
boration avec le musée In Flan- Nieuport à la Lys, près d’Armen-
ders Fields. Au nom de toute l’é- tières, y compris donc le secteur
quipe, nous les remercions pour belge et le morceau de territoire
ce travail conjoint et nous vous de la commune de Comines-
souhaitons une lecture enrichis- Warneton.
sante. On y découvre quatre ans de
guerre dans le Westhoek, mais
Frédéric Crahay
© Wendy White

aussi cent ans de commémora-


Johan Puttemans tion / traitement de ces événe-
Rédacteurs en chef ments, à nouveau en relation
ASBL Mémoire d’Auschwitz avec le paysage actuel, avec en
Traduit par Ludovic Pierard ligrane l’idée que l’attention

2 TRACES DE MÉMOIRE
Wendy White, Poppies and Soldier
Painting 2017.
portée à cette guerre du passé L’exposition permanente du mu-
exige de s’intéresser aussi à la sée In Flanders Fields montre les
gestion actuelle des conits. ravages de la guerre, comment
Une visite ne s’apparente toute- les plaies ont ensuite été pansées
fois pas à une leçon d’histoire. Le et ce qu’il en reste. Le paysage
musée In Flanders Fields ne ra- du Westhoek belge est marqué
conte pas toute la Première par les tombes, les monuments
Guerre mondiale, mais il la pré- commémoratifs, les vestiges et la
sente tel qu’elle peut être ex- reconstruction (presque) com-
posée au moyen de sa collec- plète d’une ville et d’une région.
tion : des objets, des images, des Vu les nombreuses traces visuelles
personnes et des récits en lien et les nombreux contacts interna-
avec l’endroit où il se trouve. tionaux, les personnes qui y vivent
Ypres n’est pas Bruxelles et la aujourd’hui sont bien conscientes
Belgique n’est pas la Grande- de la responsabilité qui leur in-
Bretagne, l’Allemagne ou la combe face à ce chapitre de
France, ni aucun autre État im- l’histoire mondiale. L’objectif du
pliqué dans la Première Guerre musée est de partager cette
mondiale. histoire commune entre les habi-
Il existe cependant un lien réel tants (anciens et nouveaux) et les
entre ce musée et plus de visiteurs. L’exposition permanente
soixante pays impliqués dans le nous montre les traces de la
conit. Des millions de personnes guerre et évoque une partie de
sont venues pour prendre part à son histoire. Ce n’est pas un ha-
des combats, souvent sans issue. sard si elle est présente dans les
Beaucoup sont tombées ici, où Halles aux draps, d’abord dé-
elles sont enterrées et commé- truites puis reconstruites avec
morées jusqu’à ce jour. Ypres et soin. Ce n’est pas un hasard si le
toute la région du front restent visiteur peut admirer la ville et
intimement liés dans la mort et le une grande partie de l’ancien
souvenir à chacun des pays d’où front depuis le beffroi. Ceux qui
provenaient des soldats, et par- sont jadis venus du monde entier
fois même des civils. Dans cette jusqu’ici nous accompagnent à
ville, la perspective est d’abord travers des images, des objets,
celle du front et des victimes. des textes et des exposés qui
C’est également la nôtre, même montrent à quel point cette
si nous savons que d’autres sont guerre continue à nous inuencer
tout aussi importantes : celle des aujourd’hui et fait de nous ce
territoires sous occupation mili- que nous sommes, en tant
taire, des pays d’origine, de qu’êtres humains, européens,
l’échelle géopolitique d’un pre- citoyens du monde.
mier conit mondial. Mais à
© Wendy White

Ypres, c’est l’image de la des- Dominiek Dendooven


truction engendrée par la vio- Chercheur scientique
lence qui a touché les hommes In Flanders Fields Museum
et la terre qui prime. Traduit par Ludovic Pierard

N° 30 - DÉCEMBRE 2018 3
APPROFONDISSEMENT 1
Ligne du front le 20 octobre 1914,
qui sépara les familles Baccarne et
Deschepper à Poelkapelle et Langemark.

LES BACCARNE
ET LES
DESCHEPPER,
HISTOIRE D'UNE
FAMILLE SÉPARÉE
PAR UNE LIGNE

© IFFM
DE FRONT
Généralement, les traits tirés sur Le moment de décision monde est déjà parti.
des cartes dans un contexte de Sur le chemin du retour, ils enten-
guerre n’apportent rien de bon. Lorsque la guerre débute dans le dent au loin la clameur de la
Qu’il s’agisse de lignes de front, Westhoek en octobre 1914, Pe- brutalité de la guerre qui
de lignes d’attaque ou de nou- trus Baccarne hésite sur la con- s’approche, ils parviennent à
velles frontières, elles sont souvent duite à adopter. Son ls aîné, Al- rejoindre leur ferme de Poelka-
lourdes de conséquences pour bert Baccarne, combat les Alle- pelle à temps. Et soudain, il est
de nombreuses personnes, qui mands avec l’armée belge, et trop tard. Avant même que Pe-
n’avaient pourtant rien deman- Petrus pense que son ls, dans le trus, Sylvie et leurs enfants aient
dé. Dans le Westhoek, celles de sillage de la retraite des troupes pu s’enfuir vers l’ouest, de nom-
la Première Guerre mondiale ont belges, passera par la gare de breuses troupes allemandes tra-
scellé à tout jamais le destin de Poelkapelle, située juste à côté versent Poelkapelle pour livrer
millions de personnes, que ce de sa ferme. L’idée de ne pas bataille aux unités britannique et
soient les militaires du monde être là lorsque son ls aîné s’y française stationnées quelques
entier qui ont combattu dans la rendra le retient de s’enfuir. Des centaines de mètres plus loin. Le
région ou la population locale centaines de réfugiés sont déjà front s’empêtre entre Langemark
qui y vivait ou y travaillait lorsque passés devant leur porte, colpor- et Poelkapelle, puis se stabilise
leurs villages et leurs prés ont été tant des histoires de meurtres et après de féroces combats (la
transformés en champ de ba- d’incendies. Sylvie Deschepper, première bataille d’Ypres). Petrus
taille. Dans la soirée du 20 oc- la femme de Petrus, se promène Baccarne, Sylvie Deschepper et
tobre 1914, la ligne de front sépa- depuis plus d’une semaine vêtue leur progéniture se retrouvent de
rant les troupes allemandes, de ses plus beaux atours, après ce fait en zone allemande et
d’une part, des Français et des avoir cousu des objets de valeur séparés de leur famille qui a fui
Belges d’autre part s’est immobi- entre les plis de sa jupe. Au cré- Langemark. Ils vivront toute la
lisée au nord de Langemark et puscule du 20 octobre 1914, elle guerre en territoire occupé, in-
de Poelkapelle, séparant les décide d’envoyer ses trois plus certains du sort de leurs proches
fermes des familles Baccarne et jeunes ls, Jeremie, Octaaf et et de leur ls aîné, Albert, enga-
Deschepper. Les familles des Maurice, prendre des nouvelles gé dans l’armée belge.
parents et des frères de Petrus de son père, Alexander Des-
Baccarne et Sylvie Deschepper chepper, et de son frère, Désiré Évacuations obligatoires
se trouvaient du côté allié de la Deschepper, dont les fermes ne
ligne de front. Le couple et leurs sont distantes que de deux kilo- Malgré la proximité du front, la
six enfants, eux, étaient dans la mètres. Les enfants empruntent famille Baccarne reste dans un
zone allemande. Cette ligne a en toute hâte un petit sentier qui premier temps vivre à Poelka-
dispersé les familles et tiré un trait longe la voie ferrée pour se pelle, louvoyant entre les caves
indélébile sur leur avenir à tous, rendre dans leur famille. Sur solides d’une maison située un
jusqu’à ce jour. place, ils constatent que tout le peu plus loin dans la rue et la

4 TRACES DE MÉMOIRE
© IFFM

© IFFM
Famille de Petrus Baccarne et Sylvie Deschepper, Famille de Désiré Deschepper et Marie-Louise
1920. De gauche à droite : Gaston, Octave, Petrus, Capelle. Debout, de gauche à droite : Octave, Oscar,
Emandie, Maurice, Albert, Sylvie, Jéremie. Jules et Remi. Assis, de gauche à droite : Julia,
Désiré, Marie-Louise, Achille.

fosse à purin (nettoyée) de leurs gaz à grande échelle de La dernière année de guerre
animaux, qu’ils ont aménagée l’histoire, le 22 avril 1915, au nord
en véritable tanière. Le tumulte d’Ypres. À Moorsel, les Baccarne doivent
des combats résonne toujours en La situation va encore changer une fois de plus s’intégrer dans un
arrière-plan. Lorsqu’il devient au cours de l’été 1917. Les Alliés nouvel environnement. Pour eux,
clair, au début du mois de dé- ont prévu de lancer leur grande ce sera plus facile que prévu, car
cembre 1914, que le front offensive de l’été dans la région ils ont la chance de pouvoir
d’Ypres est devenu une impasse, d’Ypres, dans l’espoir de forcer compter sur des voisins compré-
les Allemands et les Alliés se pré- une percée. Pendant les prépa- hensifs. Dès septembre 1917, le
parent à un état de siège de ratifs, les positions allemandes et petit Maurice retourne à l’école.
longue durée. Dans la zone mili- l’arrière-pays du saillant d’Ypres Au cours de cette période, il
taire, il n’y a pas de place pour sont pilonnés pendant des se- commence à tenir un cahier de
les citoyens qui habitent trop près maines. Staden se trouve à por- dessins, où il rassemble toutes
du front et qui doivent donc être tée de tir de l’artillerie alliée et les sortes d’impressions : des souve-
évacués. La famille de Petrus Allemands décident d’évacuer nirs des périodes de Poelkapelle
Baccarne déménage à la rue toute la zone pour optimiser les et de Staden (la ferme, un soldat
d’Ypres à Staden : Petrus et Syl- défenses de leur position. Avec français, un avion éclairé par des
vie, Gaston, Octave, Jeremie et de nombreuses autres familles, projecteurs...), ainsi que les fa-
Maurits. Emandie, leur lle aînée, Petrus, Sylvie et leurs enfants sont çades de la maison de Moorsel,
travaillait déjà à Bruxelles comme de nouveau évacués, cette fois- ou encore des cartes et des des-
employée de maison avant la ci en direction d’Alost. Ils arrivent sins qu’il copie de ses livres sco-
guerre. Elle y restera pendant n juillet à la gare de la ville, où ils laires.
toute la durée du conit. sont réceptionnés pour être Toutefois, la vie à Moorsel est
À Staden, les Baccarne font pour transportés à Moorsel. dure, comme dans toutes les
un mieux, malgré tout. Ils y mè-
nent une existence relativement
calme et les enfants peuvent
même fréquenter l’école.
Comme Staden est située à
proximité du front, bien qu’à une
distance relativement sûre, de
nombreuses troupes allemandes
y séjournent, au repos ou en ré-
serve. Jef Baccarne, ls de Mau-
rice Baccarne, se rappelle en-
core quand son père racontait le
survol des avions, les Allemands
© IFFM

qui se divertissaient, et les


grandes cargaisons de cylindres
École communale de Staden, année scolaire
métalliques qu’il voit un jour arri- 1916-1917, avec Octaaf Baccarne au centre de
ver à la gare. Âgé d’une dizaine la rangée inférieure (indiqué par un rond), et
d’années, Maurice ne peut alors Maurice Baccarne au milieu de la rangée
centrale (marqué d’une croix).
comprendre qu’il s’agit des fa-
© IFFM

meux réservoirs de gaz qui vont Dessin de Maurice Baccarne,


servir à la première attaque au période 1917-1918.

N° 30 - DÉCEMBRE 2018 5
Gaston Baccarne

autres communes de l’Etappen- sieurs fronts, dont la Belgique. Ce


gebiet, à savoir l’espace situé à qu’on appellera plus tard
l’arrière de la « zone militaire » (le l’offensive nale ou de la libéra-
front) qui, pour les Allemands, tion est déclenchée le 28 sep-
doit être entièrement dédié « au tembre 1918 le long d’un front
soutien » de la Militärgebiet (ce partant du sud de Dixmude
qui veut dire qu’il doit être pressé jusqu’à la frontière franco-belge,
comme un citron). Les conditions avec une armée composée de
de vie deviennent épouvan- troupes belges, françaises et
© IFFM

tables à la n de l’année 1917, britanniques, rejointes plus tard


avec une pénurie de denrées par des Américains. Albert Bac-
alimentaires, de médicaments et carne, le ls aîné de la famille de
de combustibles. Il n’y a pas Petrus et Sylvie, est toujours en
qu’en Allemagne que le blocus vie. À l’aube du 28 septembre, il
maritime imposé aux Allemands est prêt à attaquer. Son unité, le
par les Britanniques commence à 2e régiment de carabiniers, est
produire ses effets, il étend éga- stationnée au sud de Poelka-
lement son ombre sur les terri- pour servir comme « Zivilarbeiter » pelle. Il ne se trouve qu’à trois
toires occupés. Tous les biens derrière les lignes allemandes. Les petits kilomètres de la maison de
disponibles doivent d’abord pro- conditions de travail, dures et ses parents ! Mais après quatre
ter aux militaires, puis seulement épouvantables, auront de ans de guerre, la région est de-
après aux citoyens. Au cours de lourdes conséquences sur la san- venue méconnaissable.
cette période, Maurice Baccarne té de Gaston, qui sera renvoyé Le premier jour de l’offensive
souffre d’un trouble de la crois- pour maladie à maintes reprises. nale, est une réussite, mais par-
sance dont il portera les séquelles Il sera malgré tout encore réquisi-
tout au long de sa vie. tionné à différentes périodes en
« Ici Poelkapelle », 12 décembre 1918.
Mais ce n’est pas tout. Pour 1918 pour le travail obligatoire,
compenser le manque croissant jusqu’à ce qu’il soit nalement
d’hommes dans les armées alle- révoqué en octobre de la même
mandes et les rangs des ouvriers, année.
les Allemands introduisent en Entretemps, la guerre est arrivée
octobre 1916 le travail obligatoire à un stade où elle tourne déniti-
pour les jeunes hommes dans les vement à l’avantage des Alliés.
territoires occupés. Ils y ont dé- Les offensives allemandes du
tecté un « réservoir inépuisable printemps, et leurs soubresauts
de main-d’œuvre » : du travail jusqu’à l’été 1918, ont pu être
bon marché pour aménager des stoppés et les contre-offensives
routes, des voies ferrées, des repoussent désormais les Alle-
positions de défense, etc. C’est mands, pas à pas. Fin septembre
© IFFM

ainsi que Gaston Baccarne est à 1918, les Alliés lancent une offen-
son tour arrêté à l’automne 1917 sive de grande ampleur sur plu-

6 TRACES DE MÉMOIRE
Albert Baccarne (indiqué par une croix) à l'hôpital de
campagne L'Océan 2, Vinkem, octobre 1918.
© IFFM

ticulièrement sanglante. Le 28 Albert Baccarne est mis en sécu- permis de savoir qui se trouvait
septembre 1918 reste gravé rité par plusieurs soldats, qui plus ou moins où. Emandie Bac-
comme le jour le plus meurtrier l’installent à côté d’un bunker carne, la sœur aînée qui vit à
dans l’histoire de l’armée belge. allemand qui vient d’être pris. La Bruxelles, fut une plaque tour-
Plus de mille hommes perdent nuit, lorsque la bataille se calme, nante importante dans ce ré-
alors la vie. Les jours suivants, les on vient le chercher pour seau. Fin novembre 1918, après
combats se poursuivent, achar- l’évacuer dans l’arrière-pays, l’armistice, une correspondance
nés, avec à chaque fois de d’abord dans un poste de pre- intense se met en place entre
lourdes pertes, également au miers secours de Poelkapelle, différents descendants des deux
sein du 2e régiment de carabi- puis à l’hôpital de campagne familles, entre les « réfugiés » et
niers. Entre le 29 septembre et le L’Océan 2 à Vinkem. Quelques les militaires, sur le terrain ou à
1er octobre 1918, 74 hommes de semaines plus tard, le 11 no- l’hôpital. Pendant tout ce temps,
l’unité tombent, 145 sont portés vembre 1918, l’armistice est si- Petrus et Sylvie ignorent com-
disparus et 407 sont blessés, dont gné. Albert se trouve alors à La ment vont leur ls Albert et les
Albert Baccarne. Cent ans plus Panne, dans l’implantation prin- Deschepper, dont ils savent ce-
tard, son ls, Robert Baccarne (93 cipale de l’hôpital de la Croix- pendant qu’ils vivent en exil en
ans), raconte : « L’unité de mon Rouge, L’Océan... France. Au cours de cette pé-
père faisait partie de la deu- riode de correspondance ani-
xième vague d’assaut. À un mo- La guerre est nie ? Où sont les mée, Julia Deschepper, la lle
ment donné, alors qu’ils mar- autres ? cadette de la famille de Désiré
chaient pour rejoindre leurs posi- Deschepper, joue un rôle impor-
tions d’attaque, ils ont été pris Entretemps, les familles Baccarne tant. Elle demande les adresses
sous le feu de mitrailleurs. Une et Deschepper sont séparées de chacun et les transmet à tout
balle a transpercé le genou droit depuis plus de quatre ans. Pen- le monde. Dans une lettre du
de mon père, qui s’est affalé sur dant la guerre, des échanges de 31 décembre 1918, écrite depuis
son genou gauche. Il a eu de la courrier difciles et réduits au Plouyé (en Bretagne), où elle est
chance, car si le tir avait été un strict minimum (sorties et entrées réfugiée, elle résume avec préci-
rien plus haut... Le commandant sporadiquement en fraude en sion les pérégrinations des Des-
qui marchait à ses côtés a été passant par les Pays-Bas, chepper depuis cette journée
tué sur le coup. » l’Angleterre, la France...) ont dramatique du 20 octobre 1914.

N° 30 - DÉCEMBRE 2018 7
Que réserve l’avenir après une
guerre ?

Alors qu’en France, on négocie


la paix, les frontières et un nouvel
ordre mondial, des millions de
personnes attendent avec anxié-
té ce que leur réserve l’avenir.
Les Deschepper se trouvent tou-
jours en Bretagne. Leurs ls qui
© IFFM

servent dans l’armée sont passés


par le Westhoek, dont ils ont pu
Lettre de Julia Deschepper
envoyée de Plouyé (Normandie) à voir l’état. Ils font clairement sa-
Petrus Baccarne et Sylvie Deschepper à voir que la région est totalement
Moorsel, le 31 décembre 1918. dévastée et n’offre que peu de
perspectives. En France par
contre, notamment en Bretagne
et en Normandie, plusieurs fermes
sont « vides » et les champs « at-
tendent des mains amandes
Julia Deschepper.
pour les travailler. » Après la dé-
© IFFM

mobilisation en 1919, les Des-


chepper retournent dans
l’Hexagone pour retrouver leurs
En voici un extrait : Beaucoup de soldats erraient parents Désiré et Marie-Louise
« Le 20 octobre 1914, nous aussi là-bas à l’époque, et la ‘maladie’ Capelle.
sommes partis de la maison, en pensant que hantait la région. De nombreux civils ont dû À Moorsel, la famille de Petrus et
ce ne serait que pour quelques jours. Nous s’en aller. Nous sommes alors partis vivre en Sylvie Baccarne rééchit égale-
avons tout caché et enterré : argent, vête- France, près de Caëstre. Nous y louions une ment à la possibilité de rentrer
ments, papiers... nous avons encore nourri petite maison avec une autre famille du dans sa région natale. Eux aussi
les bêtes, emporté quelques couvertures et côté maternel. Nous y étions depuis à peine ont entendu dire que plus grand-
vêtements, assez pour quelques jours, puis trois semaines qu’une troupe d’Anglais est chose ne tient debout dans les
nous sommes partis avec notre cheval et arrivée et que nous avons de nouveau dû « Verwoeste Gewesten », les con-
notre charrette. Il y avait quatre autres prendre la route ! Ils nous ont évacués avec trées dévastées. Leur situation est
familles. des voitures, nous avons dû abandonner cependant pire que celle des
Nous sommes partis en direction presque tout, nos ustensiles, notre char- Deschepper en France. De par
de Reninge, où nous avons vécu pendant rette... nous avons voyagé en train pendant ses blessures aux genoux, Albert
sept mois chez Eugénie et Leo Six, entre quatre jours et quatre nuits... pour arriver ici, Baccarne est devenu invalide de
Woesten et Oostvleteren. Il y avait cin- en Bretagne. C’est une contrée misérable, guerre, ce qui l’oblige à exercer
quante autres réfugiés avec nous. Nous pour les hommes et les bêtes, mais la terre un métier assis. Il a pu suivre une
dormions un peu partout, dans le grenier, se travaille bien. » formation de cordonnier aux frais
dispersés dans la maison, nous devions tout de l’armée. Son plus jeune frère,
acheter nous-mêmes, à manger pour nous Au cours de la guerre, trois frères Maurice, a souffert d’un pro-
et pour les bêtes, et après deux mois, nous de Julia seront réquisitionnés pour blème de croissance, ce qui
n’avions plus d’argent. Nous avons dû rejoindre l’armée belge. Le l’oblige également à choisir un
emprunter ! Nous ne voulions pas vendre 28 septembre, lors de l’offensive métier assis. Il entre en apprentis-
notre cheval, car nous pensions toujours nale, l’un d’eux se serait même sage chez Albert et devient aussi
pouvoir retourner à la maison. Mais nous trouvé à 500 mètres d’Albert cordonnier. Pour Gaston Bac-
n’avons pas eu le choix, nous l’avons quand Baccarne. Tous ont survécu à la carne, le frère qui était revenu
même vendu, avec une perte de 100 francs. guerre. très malade à la maison après ses

8 TRACES DE MÉMOIRE
Nous adressons nos plus vifs remerciements à Jef Baccarne,
ls de Maurice Baccarne, et Robert Baccarne, ls d'Albert Baccarne,
qui ont partagé leur histoire et leurs archives familiales. Le récit est
disponible dans une version plus longue et animée dans le cadre
de l'exposition temporaire To End All Wars? Un bilan de la Première
Guerre mondiale (Ypres, 27 octobre 2018 – 15 novembre 2019).

périodes de Zivilarbeiter, la situa-

© IFFM
tion dégénère rapidement. Fin
janvier 1919, il succombe aux
conséquences d’une double
pleurésie « en exil » à Moorsel. Il
Paysage dévasté près
fut ainsi l’une des quelque de Poelkapelle, 1918.
8 000 victimes civiles qui perdront
la vie des suites du travail obliga-
toire effectué pour les Allemands.
Avec un ls décédé et deux inva-
lides, il est exclu que Petrus Bac-
carne, qui a pris un sacré coup Réunion familiale en France
regroupant les descendants des
de vieux, exerce à nouveau le
familles Baccarne et Deschepper, 2009.
métier de fermier. Mais la famille
continue à espérer un retour
dans sa région natale.

© IFFM
L’occasion se présente nale-
ment en 1922, lorsque Petrus
reçoit l’opportunité de louer une
maison du programme de re-
construction, où est installée la
cordonnerie d’Albert et Maurice, avec les récits et les cicatrices de début des années 2000, il devient
les deux invalides. Tout le monde leurs parents, sans oublier, pour la président de la Confédération
met la main à la pâte et, lente- branche restée dans le West- européenne de la Chaussure,
ment mais sûrement, les Bac- hoek, les traces indélébiles dont fonction qui lui permettra de
carne rebâtissent leurs vies. la guerre a imprégné le paysage. rassembler de nombreuses per-
De leur côté, les Deschepper Quelques « enfants » sont toujours sonnes par-delà les frontières. À
décident de s’installer déniti- en vie. Ils ont préservé et perpé- l’instar de son cousin Robert, il
vement en France, où ils estiment tué l’histoire de la famille de dif- recueille au l des ans de nom-
avoir plus d’opportunités et de férentes façons. Robert Bac- breux courriers et photos des
chances. Ils dénichent quelques carne, le ls d’Albert, deviendra familles Baccarne-Deschepper.
fermes inoccupées en Norman- maître d’école et racontera Avec sa sœur Anna, il est un des
die (la guerre a coûté la vie à l’histoire de la Première Guerre moteurs qui cherchent à réunir
10 % de la population masculine mondiale à plusieurs générations les différentes générations de
française), où ils se construisent de jeunes. Celle de sa famille et Baccarne et Deschepper, a-
de nouvelles vies.... et devien- les souvenirs de parents lui servi- mandes et françaises, pour main-
nent français. ront alors de boussole. Lors de ses tenir le contact et transmettre
temps libres, Robert étudie inten- l’histoire de leur famille.
Une guerre qui ne s’efface jamais sivement le passé de guerre de Cette histoire n’en est qu’une
sa région, sur lequel il écrira au parmi des centaines de milliers
Une ligne de front qui a séparé total cinq livres. d’autres, vécues par de simples
deux familles en octobre 1914 a Jef Baccarne, ls de Maurice Belges et Européens dont la vie
donc pour conséquence nale Baccarne, apprend également sera marquée à jamais par la
qu’une branche devient fran- l’histoire de son père, de son Première Guerre mondiale.
çaise, tandis que l’autre de- oncle et de la « famille fran-
meure amande. Ils resteront çaise » dès son plus jeune âge. En
néanmoins en contact, comme hommage aux cordonniers de sa Pieter Trogh
c’est d’ailleurs toujours le cas famille, il choisit lui-même à Chercheur scientique
aujourd’hui. La génération qui seize ans le métier de cordonnier, In Flanders Fields Museum
suit celle de la guerre grandit qu’il apprend de son père. Au Traduit par Ludovic Pierard

N° 30 - DÉCEMBRE 2018 9
APPROFONDISSEMENT 2

LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE


REDESSINE LES CARTES D'EUROPE
(ET CELLES DU MONDE)

Une rupture avec l’ancien monde portent en elles une perspective tinentaux en Europe. Les attentes
internationale. Peu de temps sont grandes, mais on craint aussi
Lors de la Première Guerre mon- après, en janvier 1918, le prési- d’être fortement déçu. Le Pre-
diale, un ancien ordre mondial dent américain Woodrow Wilson mier ministre français, Clemen-
éclate brutalement et des certi- dévoile au monde son légen- ceau, aurait noté à l’époque
tudes familières sont brusque- daire « programme en quatorze qu’il était plus facile de faire la
ment remises en cause. Le conti- points », où le principe de guerre que d’instaurer la paix.
nent européen a tremblé sur ses l’autodétermination des peuples Chaque pays, ou plutôt chaque
fondations et les vibrations ont joue un rôle central. Cette pen- « peuple » s’est en effet présenté
été ressenties bien au-delà. Les sée donne de l’espoir à de nom- à Paris avec son propre recueil
traces de destruction que cette breuses minorités, mais attise d’exigences. Leurs aspirations
première guerre industrialisée a dans le même temps un large reposent sur des intérêts géopoli-
laissées, visibles et invisibles, sur le éventail de sentiments nationa- tiques ou économiques, les prin-
front ou loin à l’arrière et à travers listes. L’écrivain hongrois Joseph cipes élastiques du droit à l’au-
toutes les catégories sociales, Roth abordera avec justesse cet- todétermination, une soif pure et
sont inédites. L’Europe sombre te période dans son roman clas- dure de pouvoir et d’extension
dans une profonde crise poli- sique Radetzkymarsch (1932) : du territoire, et l’envie des ga-
tique, économique, sociale, spiri- « Tous les peuples créeront leur gnants de prendre leur revanche
tuelle et démographique. Non propre vilain petit État [...] Le sur les perdants. Il est également
seulement des millions de mili- nationalisme est la nouvelle reli- frappant de voir à quel point les
taires et de civils sont morts, sans gion. » parties concernées protent de
compter les innombrables per- l’occasion pour rectier des « in-
sonnes souffrant de traumatismes La conférence de la paix de Paris justices historiques » remontant
physiques ou psychiques, mais en en 1919 bien avant 1914.
outre, les quatre grands empires C’est ainsi que le Premier ministre
se sont effondrés : l’Empire alle- Au cours du premier semestre de italien Orlando contrera un ar-
mand, la double monarchie aus- l’année 1919, des délégations gument d’un adversaire qui se
tro-hongroise, l’Empire russe des issues de 29 pays se rassemblent référait à une frontière de 1815
Tsars et l’Empire ottoman. à Paris pour y discuter d’un nou- par la remarque suivante : « Mais
Le vide du pouvoir ainsi laissé à vel ordre mondial. Les négocia- si on suit ce raisonnement, nous
certains endroits ouvre la voie à teurs, qui font tous partie des devrions revenir aux frontières de
d’autres noms, de nouveaux « vainqueurs » du conit, sont l’ancien Empire romain, ce qui
modes d’administration et des confrontés au lourd dé de trou- veut dire que nous avons droit à
idéologies modernes. En 1917, ver une solution politique et paci- [...] »
Lénine a mené la prise de pou- que à un désordre inédit : La Belgique aussi se distingue
voir socialiste en Russie. Ses idées l’effondrement des empires con- assez bien en la matière. Pays

10 TRACES DE MÉMOIRE
À Paris, des dizaines de commis-
sions spécialisées sont créées
pour étudier, sur la base de
toutes sortes de critères tels que
la culture, l’ethnicité, la religion,
la langue, les liens historiques...
de nouvelles frontières pour les
États successeurs, entraînant
parfois les traits de plume les plus
absurdes sur les cartes. En cou-
lisses, ce sont néanmoins les
« Trois Grands », à savoir la
France, la Grande-Bretagne et
les États-Unis, qui tracent les
lignes. Certaines situations sont
réglées sur le terrain par la vio-
lence. Dans les deux cas, le résul-
tat s’avérera dramatique pour
© IFFM

l’avenir.

« Peace Map of Europe », destinée au public pour suivre plus facilement les évolutions Cinq traités
pendant la conférence de la paix de Paris.

Le premier traité de paix, et le


Carte de « La plus grande Belgique », montrant plus connu, qui sort de la confé-
les territoires revendiqués par la Belgique après rence de Paris est signé le
l'indépendance de 1830. Depuis le rejet de leurs
« victorieux » et durement tou-
accords (traité avec les Pays-Bas de 1839),
ché, elle a jeté son dévolu sur la les Belges entretenaient des ressentiments à
Flandre zélandaise et revendique ce propos. Ils mirent de nouveau la carte sur la
une possession complète de table à Paris en 1919.
l’embouchure de l’Escaut (pour
renforcer encore les intérêts du
port d’Anvers), le Limbourg néer-
landais (pour pouvoir développer
la liaison de l’industrie liégeoise
avec la région du Rhin et de la
Ruhr) et le Grand-Duché de
Luxembourg (pour proter de
meilleurs débouchés dans le sud
de l’Allemagne, en Alsace-
Lorraine, en Suisse et en Italie). La
Belgique remet ainsi sur la table
les frustrations du traité conclu
avec les Pays-Bas en 1839, dans
le cadre duquel elle n’avait pas
obtenu ces régions. Ce que l’on
sait moins, c’est que la Belgique
a également irté avec un man-
dat sur la Palestine pendant tout
© IFFM

un temps, avant et pendant la


conférence de paix.

N° 30 - DÉCEMBRE 2018 11
Réfugiés de la guerre
gréco-turque dans leur
28 juin 1919 à Versailles entre les camp situé près du temple de
Alliés et l’Allemagne. Il compte Thésée, à Athènes, en 1922.
440 articles, dont deux devien-
dront légendaires, à savoir celui
qui rend l’Empire allemand entiè-
rement responsable de la guerre
et celui qui, par conséquent, lui
présente la facture pour la totali-
té des réparations (articles 231 et
232). Des morceaux de l’ancien
empire et ses colonies sont attri-

© IFFM
bués à d’autres (nouveaux) pays,
comme les Cantons de l’Est à la
Belgique, le Schleswig au Dane-
mark, la Prusse occidentale à la
Pologne, l’Alsace-Lorraine à la
France, des parties de la Haute- bourg en deux États croupion, occidentale, Dobruja et plusieurs
Silésie à la Pologne et à la Tché- l’Autriche et la Hongrie. Les traités zones frontalières stratégiques à
coslovaquie, etc. Au total, l’Alle- donnent naissance à de nou- l’ouest, comme Strumica, Bosi-
magne perd 13 % de son territoire veaux États, comme la Tchéco- legrad, Dimitrovgrad et Tsaribrod.
et 6,5 millions d’habitants. Le slovaquie et le Royaume des Le traitement réservé à ces ré-
montant total des réparations est Serbes, des Croates et des Slo- gions montre clairement que le
nalement xé à 132 milliards de vènes, qui deviendront plus tard droit à l’autodétermination des
marks-or. D’éminents écono- la Yougoslavie. Un élément frap- peuples était appliqué de façon
mistes fustigent la folie de ce pant est que l’Autriche « occi- très arbitraire, et surtout au prot
règlement pour la reconstruction dentale » est punie moins dure- des « vainqueurs », étant donné
de l’Europe. La première consé- ment que la Hongrie, où une que la population de ces régions
quence sera une hyperination révolution communiste a éclaté était essentiellement bulgare. Le
en Allemagne. Ce thème de- en 1919. La Hongrie doit céder cas de l’Empire ottoman sera le
viendra récurrent dans la rhéto- près de 70 % du territoire qu’elle dernier à être traité. Alors que les
rique nazie des années 1920 et contrôlait auparavant, et 59 % de débats sur le sort réservé à
1930. Cent ans après, les histo- sa population. Elle perd ses ma- l’empire millénaire s’enamment
riens sont assez d’accord pour tières premières, ses ressources, à Paris, plusieurs acteurs du côté
dire que Versailles fut un traité ses débouchés, son port maritime allié prennent l’initiative d’occu-
fâcheux et revanchard, qui avait (Fiume), son armée et les fron- per des régions turques. En 1919,
suscité énormément de mécon- tières naturelles qui la proté- la Grèce lance une campagne à
tentement. Mais il ne fut pas le geaient. travers l’Anatolie occidentale,
seul : entre septembre 1919 et En outre, le pays est submergé tandis que l’Arménie tente d’éta-
août 1920, les vainqueurs impo- de réfugiés hongrois chassés des blir un État indépendant et que
sent encore quatre autres « trai- territoires perdus par des épura- l’Italie et la France réclament un
tés de paix » aux perdants de la tions ethniques. Le « traumatisme mandat sur de grandes parties
Première Guerre mondiale. de Trianon », resté en travers de de la Turquie. La signature du
Le sort de l’ancienne double la gorge de plusieurs générations Traité de Sèvres, le 10 août 1920,
monarchie austro-hongroise est de Hongrois, perdure jusqu’à entre les Alliés et un sultan turc
scellé dans les traités de Saint- aujourd’hui. affaibli, conrme le pouvoir colo-
Germain-en-Laye (le 10 sep- Alliée de l’Allemagne et de nial britannique et français dans
tembre 1919 avec l’Autriche) et l’Autriche-Hongrie, la Bulgarie est les régions arabes. L’Empire ot-
de Trianon (le 4 juin 1920 avec la également punie avec une dure- toman est démembré et se voit
Hongrie), qui signent le démantè- té exceptionnelle. Elle perd au imposer le paiement d’énormes
lement de l’Empire des Habs- total 11 000 km², dont la Thrace réparations.

12 TRACES DE MÉMOIRE
Combats opposant les troupes quie, qu’environ 1,2 million de
bolchéviques russes à leurs
opposants, situation
chrétiens orthodoxes qui vivaient
en février 1919. en Turquie sont échangés contre
quelque 400 000 « musulmans des
Balkans ». Sur cette question, le
Traité de Lausanne valide une
« Convention sur l’échange obli-
gatoire de populations ». Des
États acquièrent ainsi le droit
© IFFM

juridique d’expulser une grande


partie de leurs citoyens sur la
Le Traité de Lausanne seront réglés bien des années base d’une « différence » (race,
plus tard, feront encore des cen- religion, ethnicité...). Le monde
Les revendications alliées se heur- taines de milliers de victimes. découvrira la portée de cette
tent toutefois aux intérêts d’un Celle de Russie donne naissance mesure entre 1923 et 1945.
grand mouvement nationaliste en décembre 1922 à l’Union Ces dernières années, les com-
turc rassemblé par Mustafa Ke- soviétique, qui sera reconnue en mémorations du centenaire de la
mal. Le Traité de Sèvres ne sera 1924 par la communauté interna- Première Guerre mondiale ont
jamais accepté et, durant la tionale. Près de cinq ans après la fortement insisté sur « la guerre
guerre gréco-turque (1919-1922), n de la Grande Guerre à l’ouest, des tranchées de 1914-1918 ». Le
les Turcs parviennent à abroger un nouvel ordre mondial est enn 11 novembre 2018, le conit sera
ses conditions grâce à une lutte établi. Au total, 60 millions de « du passé » pour de nombreuses
acharnée sur le terrain. Mustafa personnes ont changé de natio- instances et amateurs. Dans un
Kemal « Atatürk » apporte la sta- nalité, dont 25 millions sont deve- certain sens, les années qui suivi-
bilité en Turquie et négocie un nues une minorité dans leur rent la guerre sont toutefois peut-
nouveau traité, conclu à Lau- propre pays. être plus intéressantes pour le
sanne le 24 juillet 1923, qui annule Les différents traités se voulaient chercheur que les années de
les réparations à payer et rend être des « traités de paix », mais guerre elles-mêmes, car l’établis-
aux Turcs des zones proches dans les faits, ils portent chacun sement d’un nouvel ordre mon-
d’Istanbul, de Gallipoli et d’Izmir. en eux les germes de nombreux dial eut des conséquences ex-
L’indépendance de l’Arménie est conits qui éclateront au cours trêmes. Il est impossible de com-
abolie et les aspirations kurdes du 20e siècle. À l’instar de celui prendre l’histoire du 20e siècle (et
sont balayées de la table. de Versailles, les autres « règle- même du 21e) sans connaître
Atatürk pose les bases de la Tur- ments » ont aussi engendré des celle de la Première Guerre
quie moderne et Lausanne est un traumatismes qui vont proliférer mondiale. Nous ne pouvons
triomphe diplomatique pour lui et pendant des décennies et ali- qu’espérer que cette période
son pays. menter la haine et la frustration. bénéciera également de l’at-
Ces événements illustrent à mer- Dans ce contexte, il est intéres- tention qu’elle mérite d’un large
veille la façon dont les frontières sant de mentionner un des ar- public.
furent xées dans plusieurs parties ticles du Traité de Lausanne. Dans ce cadre, le musée In Flan-
d’Europe centrale et de l’Est. Dans le sillage de la guerre gré- ders Fields joue les précurseurs en
Alors que l’on négocie et que co-turque, est entériné un véri- proposant une exposition tempo-
l’on trace des lignes sur des table « échange de popula- raire intitulée To End All Wars? Un
cartes à Paris, des combats vio- tions ». Une des traductions (et bilan de la Première Guerre mon-
lents se poursuivent sur le terrain, conséquences) du principe du diale (Ypres, 27 octobre 2018 –
poussés par la révolution bolché- droit à l’autodétermination des 15 novembre 2019).
vique et les aspirations à peuples est l’ambition d’établir
l’autodétermination dans plu- dans l’Europe de 1918-1923 des Pieter Trogh
sieurs pays, comme la Pologne, États nationaux ethniquement Chercheur scientique
les États baltes et l’Ukraine. Les homogènes. Ce qui signie, dans In Flanders Friends Museum
guerres civiles, dont les comptes le cas de la Grèce et de la Tur- Traduit par Ludovic Pierard

N° 30 - DÉCEMBRE 2018 13
chronologie

FIN ET SUITES PROBLÉMATIQUES


DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

17 décembre 1917 Armistice sur le front de l’Est. Deux jours après la signature d’un
cessez-le-feu entre les nouveaux dirigeants soviétiques en Russie
et les Puissances centrales (Allemagne, Autriche-Hongrie, Bulga-
rie et Empire ottoman).

3 mars 1918 La paix de Brest-Litovsk est signée entre les Soviets et les puis-
sances centrales. Une paix semblable entre en vigueur le même
jour entre l’Ukraine et les Puissances centrales.

29 septembre 1918 Armistice (de Salonique) signé entre la Bulgarie et les Alliés. Fin de
la guerre dans les Balkans.

31 octobre 1918 Armistice (de Mudros) signé entre l’Empire ottoman et les Alliés.
Fin de la guerre au Moyen-Orient.

4 novembre 1918 Armistice de Villa Giusti signé entre l’Italie et l’Autriche-Hongrie.


Fin de la guerre sur le front italien.

11 novembre 1918 Armistice signé sur le front de l’Ouest : cessez-le-feu réduisant en-
n les armes au silence après quatre ans.

28 juin 1919 Traité de Versailles signé entre l’Allemagne et les Alliés, considéré
ofciellement comme la n de la Première Guerre mondiale. L’Al-
lemagne est condamnée à payer de lourdes réparations et la
création d’une Société des Nations est envisagée.

10 septembre 1919 Traité de paix de Saint-Germain-en-Laye signé entre l’Autriche et


les Alliés. La double monarchie austro-hongroise est dissoute.

27 novembre 1919 Traité de Versailles de Neuilly-sur-Seine signé entre la Bulgarie et


les Alliés.

21 avril 1920 Traité de Varsovie. Il met un terme à la guerre opposant la Po-


logne et l’Ukraine, deux États nés de l’effondrement des empires
de Russie et des Habsbourg.

14 TRACES DE MÉMOIRE
4 juin 1920 Traité de Trianon. Ce traité signé entre les Alliés et la Hongrie xe
entre autres les frontières de ce nouvel État.

10 août 1920 Traité de paix de Sèvres entre les Alliés et l’Empire ottoman, qui
est démantelé. La nouvelle Turquie de Mustafa Kemal ne le re-
connaîtra toutefois pas.

11 août 1920 Traité de paix entre la Lettonie et les Soviets. Il met un terme à la
guerre d’indépendance des Lettons. La Russie soviétique recon-
naît l’indépendance de la Lettonie.

14 octobre 1920 Traité de Tartu xant les frontières entre la Finlande et la Russie so-
viétique. Quelques mois auparavant, un traité avait été signé
dans cette même ville, par lequel la Russie soviétique reconnais-
sait l’indépendance de l’Estonie.

3 décembre 1920 Traité de paix d’Alexandropol. Il met un terme à la guerre entre la


Turquie et l’Arménie, deux États issus de l’Empire ottoman.

16 mars 1921 Traité de paix de Moscou. Entre la Turquie et la Russie soviétique.

18 mars 1921 Traité de Riga. Il met un terme à la guerre entre la Pologne et la


Russie soviétique.

25 août 1921 Traité de Berlin. Il règle la paix entre l’Allemagne et les États-Unis
après le refus par le Sénat américain de ratier le Traité de Ver-
sailles.

13 octobre 1921 Traité de Kars. Il xe les frontières entre la Turquie et les républiques
transcaucasiennes d’Arménie, de Géorgie et d’Azerbaïdjan.

20 octobre 1921 Traité d’Ankara. Il met un terme à la guerre franco-turque et re-


connaît le mandat français sur la Syrie.

6 décembre 1921 Traité anglo-irlandais. Il met un terme à la guerre d’indépen-


dance de l’Irlande. Toutefois, il ne fait pas l’unanimité et conduit
à la guerre civile irlandaise.

24 juillet 1923 Traité de Lausanne. Il règle tous les litiges entre la Turquie (État
successeur de l’Empire ottoman) et les Alliés. Il est généralement
considéré comme le dernier traité de paix de la Première Guerre
mondiale.

N° 30 - DÉCEMBRE 2018 15
L’ASBL Mémoire d’Auschwitz pro-
pose un large éventail d’exposi-
INTERROGATION tions itinérantes que les écoles, les
centres culturels et autres orga-
nismes similaires peuvent emprun-
ter gratuitement. Cet article est
issu de l’exposition « Belgique

RÉFUGIÉS, APATRIDES 1914-1945, au cœur de la tour-


mente ». Il est complété par un
catalogue détaillé et une farde
ET MOUVEMENTS DE pédagogique pour les élèves.
Informations et réservations :
POPULATIONS georges.boschloos@auschwitz.be

Réfugiés grecs quittant


Smyrne incendiée, en 1922.

© Maurice Branger/Roger Viollet/Photo News


Hannah Arendt, politologue et d’autres événements. Lorsqu’ils de désarroi des nouveaux grou-
philosophe judéo-américaine, n’y n’ont plus de perspectives d’ave- pes de populations ainsi nés (sou-
va pas par quatre chemins quand nir, hommes et femmes quittent vent sans l’avoir demandé). Ils
elle parle des minorités plongées leur pays pour tenter de trouver le sont en effet également confron-
dans une position politique éprou- bonheur ailleurs. tés à des difcultés lors de leur ar-
vante. « Une fois qu’ils ont quitté Après l’effondrement de l’Europe rivée dans leur « nouveau pays
leur patrie, ils se sont retrouvés à l’issue de la Première Guerre d’accueil ». Les habitants des
sans patrie ; une fois qu’ils ont mondiale, des centaines de mil- contrées où ils se sont réfugiés
abandonné leur État, ils sont de- lions d’Européens ont été affec- n’acceptent pas toujours les
venus apatrides ; une fois qu’ils tés, souvent contre leur gré, par « nouveaux venus ». Ils sont sou-
ont été privés des droits que leur des changements de frontière et vent rejetés, exclus et marginali-
humanité leur conférait, ils se sont d’État. Exclues des nouveaux sés, aussi bien sur le plan social
retrouvés sans droits, la lie de la États créés, subissant les change- que juridique. En outre, de nom-
terre. » ments politiques et démogra- breux réfugiés ont des difcultés à
phiques, de nombreuses per- s’adapter et à s’intégrer dans leur
Les migrations ont existé de tout sonnes furent contraintes d’aban- pays d’accueil.
temps ; les êtres humains ont été donner leur terre.
nomades pendant des siècles. À L’idée de quitter leur pays (où
plusieurs époques, de nombreux elles vivaient depuis plusieurs gé- Johan Puttemans
déplacements de populations nérations et où elles avaient cons- Coordinateur pédagogique
sont provoqués, entre autres, par truit un avenir pour leurs descen- ASBL Mémoire d’Auschwitz
des guerres de religion ou dants) n’est pas la seule source Traduit par Ludovic Pierard

16 TRACES DE MÉMOIRE
APPLICATION fiche pédagogique accompagnant la rubrique interrogation
PÉDAGOGIQUE

Nom et prénom Classe / Cours


Vous trouverez chaque trimestre dans votre TRACES DE MÉMOIRE une application pédagogique avec une fiche didactique à utiliser en classe ou à conserver

Devoir :

Fait une recherche sur les mots suivants :


(Utilise un dictionnaire, une encyclopédie ou internet.
N'oublie pas de mentionner tes sources.)

- Réfugié

- Migration (immigration, émigration et « transmigrant »)

- Sans-patrie

- Apatridie

- Déplacement de populations

- Minorité

Éventuellement comme devoir à domicile :

Après les avoir recherchés, peux-tu indiquer si tu es d'accord avec les définitions trouvées ?
Note éventuellement ta propre définition et tes remarques ou observations.

Il pourrait être intéressant de discuter ensemble de vos définitions pour


parvenir à un consensus.
Attention : les arguments de chacun doivent être entendus et discutés.

Remarques de l’enseignant/e TRACES DE MÉMOIRE


est une publication trimestrielle de
l’ASBL Mémoire d’Auschwitz

www.auschwitz.be

FICHE PÉDAGOGIQUE N° 11 - TRACES DE MÉMOIRE N° 30


sAVIEZ-VOUS QUE...

... PENDANT LA PREMIÈRE GUERRE


MONDIALE, PRÈS DE 60 000 JUIFS
ONT SERVI DANS LES
ARMÉES ALLEMANDES ?

Avec la création de l’Empire en des usuriers de guerre, des lâches cut près de quatre ans dans les
1871, les Juifs allemands ont ob- sans grande valeur et des conspi- tranchées pour être nalement
tenu des droits civils. Ils étaient rateurs internationaux respon- tué le 4 juin 1918. Son plus jeune
par conséquent tenus de faire sables de la défaite allemande. frère, Max, était âgé d’à peine
leur service militaire et beaucoup Elles posèrent une base solide 19 ans lorsqu’il s’engagea à son
ont donc participé à la Première pour l’antisémitisme de l’entre- tour volontairement en 1916. Il
Guerre mondiale. À l’instar des deux-guerres. tombera seulement quelques
aumôniers protestants et catho- La persécution des Juifs alle- semaines plus tard, lors de la
liques, des rabbins étaient inté- mands après la prise de pouvoir Bataille de la Somme, le 11 juillet
grés à l’armée pour veiller à leur par les nazis en 1933 ne fera ra- 1916. Après sa mort, ses parents
bien-être spirituel. Tout n’était pas pidement plus la distinction entre reçurent un document stipulant :
rose pour autant et ofcieuse- ceux qui avaient risqué leur vie « Mort pour l’Empereur et
ment, mais aussi ofciellement, au service de l’armée allemande l’Empire, la patrie vous est rede-
on doutait de la sincérité de et les autres. C’est ainsi qu’Otto vable. » Friedman se demandera
l’attachement juif à la patrie Frank, le père d’Anne Frank, a plus tard, dans ses mémoires, si sa
allemande. À l’instigation de servi en Flandre et dans le nord grand-mère y avait repensé lors-
politiciens antisémites, on procé- de la France pendant la Pre- qu’elle décéda en 1944, à 77
da à un recensement des Juifs mière Guerre mondiale. Un autre ans, dans le camp de concentra-
dans les forces armées alle- exemple tragique est celui de la tion de Terezin. Toutefois, c’est le
mandes n octobre, dans le but famille de Gerald M. Friedman. plus jeune oncle de Friedman,
de démontrer que ces derniers Né en 1921 à Berlin, Friedman Willi Cohn, qui connut le destin le
ne remplissaient pas leurs obliga- s’enfuit à Londres en 1938 et, plus plus tragique et le plus ironique.
tions à l’égard de la patrie et é- tard, devint un professeur de Lui aussi avait servi pendant la
taient proportionnellement moins géologie célèbre aux États-Unis. Première Guerre mondiale. Il
présents dans l’armée. Les statis- Deux de ses oncles du côté ma- survécut, mais il rentra chez lui en
tiques prouvèrent néanmoins le ternel combattant avec l’armée ancien combattant estropié et
contraire, mais l’enquête ne fut allemande étaient tombés au rendu partiellement aveugle par
jamais rendue publique. À la n front dans le nord de la France. l’utilisation de gaz de combat. La
de la Première Guerre mondiale, Julius Cohn, né en 1894, était un suite de son aventure s’avère
toutes sortes de fables circulè- intellectuel qui s’était engagé encore plus ironique. Lorsqu’il se
rent, dépeignant les Juifs comme volontairement en 1914. Il survé- réfugia en France après la prise

18 TRACES DE MÉMOIRE
de pouvoir par les nazis, il ne fut tombes allemandes en France (1) Dans les cimetières allemands
pas reconnu comme réfugié par des étoiles de David et des ins- situés en Belgique, on a utilisé des
les Français et fut rapatrié en criptions en hébreu détonner pierres tombales couchées, ce qui
Allemagne. Justement lui, qui avec les petites croix noires ou empêche toute identication de la
religion.
avait été blessé dans les tran- grises1. Chacun doit à chaque
chées et était devenu invalide fois se demander ce qu’il sera
permanent à cause d’une at- advenu plus tard du reste de la
taque au gaz française. Plus tard, famille.
il sera assassiné avec sa femme
Thea, asphyxié dans les
chambres à gaz d’Auschwitz. Dominiek Dendooven
Aujourd’hui, les visiteurs des cime- Chercheur scientique
tières de la Première Guerre In Flanders Fields Museum
mondiale peuvent voir sur les Traduit par Ludovic Pierard La tombe du Juif allemand
Julius Weinmann, tombé lors de
la Bataille de Messines (7 juin 1917) et enterré
dans le cimetière allemand de Wervicq-Sud.
© IFFM

N° 30 - DÉCEMBRE 2018 19
portfolio

-1- In Flanders Earth. La tranche du tronc


d’arbre au centre de cette scène, provient
du parc du château d’Elverdinge. Ce chêne a
été planté vers 1760 et est mort en 1994. Les
taches noires sur le bois témoignent d'un
bombardement de 1917-18 et sont le résultat

© IFFM
de fragments de grenades.
-2- Gaz ! Après la première attaque au gaz du
22 avril 1915, le gaz toxique était une arme
presque banale sur le front occidental. Un
masque à gaz offrait une certaine protec-
tion, mais il déshumanisait le porteur.
-3- Dessin à l’encre de Frans Masereel com-
mandé par Carl Seelig. L'artiste belge Frans
Masereel s’est réfugié en Suisse pendant la
Première Guerre mondiale. Ce dessin qui
date de mai 1918 est dédié à Carl Seelig, pre-
mier biographe d’Albert Einstein.
-4- In Flanders Fields. Le musée considère le
paysage comme le dernier témoin de la Pre-
mière Guerre mondiale et confronte le visi-
teur au paysage de guerre de cette époque.
-5- La guerre (n’) est (pas) un jeu d’enfants.
Dans les années précédant 1914, les enfants
français apprennent à viser les Allemands
aux jeux de tir dans les kermesses.

© IFFM
© IFFM

© IFFM

 


© IFFM

20 TRACES DE MÉMOIRE
-6- L’armistice. Le 11 novembre 1918, le jour-
nal de gauche français L'Humanité célébrait
non seulement la nouvelle République alle-
mande, mais espérait également une répu-
blique universelle.
-7- Alfred Bastien: L’incendie d’Ypres (huile
sur canevas, 116,5 x 191 cm), vers 1920. Étude
pour le tableau panoramique De Slag aan de


© IFFM

IJzer. L'une des scènes représente l'incendie


des Halles aux Draps d'Ypres le 22 novembre
1914.
-8- La guerre souterraine. Au début des an-
nées 90, une pirogue profonde britannique
a été découverte à Boezinge. Un film docu-
mentaire de cette découverte est projeté
dans l’espace où les objets qui s'y trouvaient
sont exposés.
-9- La paix de Brest-Litovsk. À Brest-Litovsk,
l'Union soviétique et les puissances cen-
trales ont conclu une trêve au début de mars
1918. Cependant, la paix ne met pas fin à la
famine pour le fermier russe.
-10- La grippe espagnole. À la fin de la Pre-
mière Guerre mondiale, une grave épidémie
de grippe se déclara dans le monde entier.
On pensait à tort que la grippe était origi-
naire d’Espagne. Elle frappa en trois vagues.
Finalement, il y eut plus de victimes que pen-


© IFFM

dant la guerre, également dans des pays


neutres, comme ici à Rotterdam (Pays-Bas).



© IFFM


© IFFM
© IFFM

N° 30 - DÉCEMBRE 2018 21
rÉfleXION

Dans cet article nous confrontons deux


monuments qui dénoncent un fait similaire :
une attaque aux gaz toxiques.
Indépendant de l'interprétation historique,
COMMENT
vous découvrirez également comment cette
« représentation imaginaire » à été traitée.
Le texte offre la possibilité de regarder de
LIRE
UN
plus près nos propres monuments locaux et
de réfléchir à des questions telles que :
Qu'est-ce qui est commémoré ?
Quel message cette image transmet-elle ?
Le but du questionnement à la fin de cet
article est d’alimenter une discussion. MONUMENT
HALABJA
© IFFM

Du 15 au 19 mars 1988, l'armée probablement du sarin (gaz


irakienne a lancé une vaste neurotoxique qui mène à la
attaque au gaz toxique contre la paralysie, la dose mortelle pour un
ville irakienne de Halabja, sur être humain est inférieure à un
ordre de son président, Saddam milligramme), du gaz moutarde
Hussein. Cette attaque a eu lieu (liquide qui provoque la formation
pendant la guerre entre l'Irak et de cloques) et du tabun (qui
l'Iran. Plus de 5 000 civils ont été s’attaque au système nerveux et
tués. À cette époque, la ville était respiratoire) et du VX (gaz neu-
contrôlée par des unités de rotoxique le plus puissant). Les
l'armée iranienne et des insurgés pays occidentaux sont éga-
irako-kurdes. lement responsables de cette
Selon des témoins oculaires, 14 situation, car c’est eux qui ont Le 16 mars 1988, Omar, l’une des nombreuses
attaques aériennes ont eu lieu au fourni les matières premières victimes avec son fils nouveau-né.
total, composées chacune de 7 à nécessaires à la pro-duction du L'image du père et de l'enfant est
devenue l'une des icônes de l'attaque aux
8 avions. Lors de l'explosion, des gaz toxique. Par exemple, le gaz toxiques. Le journaliste de guerre turc
nuages de 50 mètres de haut se Néerlandais Frans van Anraat a Ramazan Ozturk a intitulé cette photo
sont formés. La couleur de ces été condamné le 23 décembre « Témoin silencieux ».
nuages évoluait du blanc au noir 2005 par le tribunal de La Haye
et au jaune. pour complicité de crimes de
Parmis les gaz utilisés, il y avait guerre.

22 TRACES DE MÉMOIRE
Halabja Teheran (Iran)

STEENSTRATE

Le 28 avril 1929, en présence du


roi Albert à Steenstrate, un
monument aux victimes de la
première attaque au gaz fut
dévoilé. Il représentait un soldat
© IFFM

© IFFM

qui, debout devant une croix,


touché par le gaz, porte les deux
mains à la gorge, alors que deux
autres soldats ont déjà été
touchés mortellement.
Le 8 mai 1941, le monument fut
détruit par les Allemands qui
occupaioent le pays.
Plus tard, un autre monument a
été érigé, une croix en bois, qui
n’a plus été touchée par les
Allemands.

Wouter Sinaeve
Chercheur éducatif
In Flanders Fields Museum
© IFFM

On retrouve cette statue dans les jardins de l’OPCW


(l’organisation qui défend l’utilisation d’armes chimiques) à La Haye.

En signe de la réconciliation franco-belgo-allemande,


Ali Hassan al-Majid, le neveu de il fut décidé de placer
Saddam Hussein, était, entre un nouveau monument. Le 25 juin 1961,
autres, ministre de la Défense sous la « croix de réconciliation » a été inaugurée.
son régime. Il a été rendu respon-
sable de l'attaque au gaz toxique. Le 28 avril 1929, une statue à la mémoire des victimes
de la première attaque au gaz a été inaugurée.
L'homme a été surnommé « Ali le
chimique » à cause de cette at-
taque. Le 17 janvier 2010, il a été
condamné à mort par la Haute
Cour irakienne. L'exécution a eu
lieu le 25 janvier 2010.
© IFFM

Lors d’un tribunal spécial, Tariq


Aziz, l’ancien ministre des Affaires
étrangères d’Iraq, a déclaré que
l’attaque n’avait pas été com- QUESTIONNEMENT
mise par l’Iraq, mais par l’Iran. Lui En vue d’une éventuelle réconciliation,
aussi a été condamné à mort par ne serait-il pas mieux de remplacer le
la Haute Cour irakienne. monument à la mémoire des victimes
par une imagerie plus neutre que celle
© IFFM

Il meurt cependant en prison le d’Omar et son ls ?


5 juin 2015.

N° 30 - DÉCEMBRE 2018 23
auschwitz

LA
NAISSANCE
DE LA
On voit clairement sur le plan
qu'Oświęcim (Auschwitz)
se situe à proximité
CASERNE
des trois frontières.
MILITAIRE
À ZASOLE

La ville polonaise d’Oświęcim est


connue dans le monde entier sous
© Van Pelt & Dwork, 1997, p. 58

son nom allemand : Auschwitz.


Ce que de nombreux visiteurs du
camp de concentration oublient,
c’est qu’Oświęcim est riche d’une
histoire longue, intéressante et
parfois tumultueuse.
Dès la fin du 12e siècle, le Comté
Soldats polonais à Zasole (1935). d’Oświęcim se voit octroyer des
privilèges urbains et commence à
se développer rapidement ; en 1315,
il devient un Duché indépendant.
Son essor économique attire des
Polonais, des Allemands (qui ger-
manisent le nom de la ville en
Auschwitz), mais aussi des Juifs
(qui utilisent le terme yiddish
‫אשפעצין‬, ou « Oshpetsin »). Une
cohabitation teintée de tolérance
permet à chacun d’y vivre dans une
© Van Pelt & Dwork, 1997, p. 60

certaine quiétude.
Dans cette rubrique, nous retrace-
rons l’histoire de la naissance de la
caserne militaire d’Oświęcim et
nous expliquerons comment
l’endroit à vécu la fin de la
Première Guerre mondiale.

24 TRACES DE MÉMOIRE
Source :
VAN PELT, R.J. & DWORK, D.
Auschwitz – van 1270 tot heden
Amsterdam ; Uitgeverij Boom, 1997
© Van Pelt & Dwork, 1997, p. 167

Les nazis découvrent les anciens baraquements


de l'armée polonaise au printemps 1940.

En 1772, lors de la première Parti- de la double monarchie austro-


tion de la Pologne (voir notre hongroise. Jusqu’en 1918, l’Em-
article dans le n° 27 de Traces de pereur d’Autriche-Hongrie porte
mémoire, mars 2018), Oświęcim le titre de « Duc d’Auschwitz ». En
est annexée à l’Empire des 1889, un bureau de l’émigration
Habsbourg et prend le nom ouvre dans la ville pour les per-

© Van Pelt & Dwork, 1997, p. 91


d’Auschwitz. La ville est ratta- sonnes qui souhaitent émigrer
chée au Royaume de Galice et aux États-Unis.
de Lodomérie, un protectorat au- Au cours de la Première Guerre
tonome de l’Empire d’Autriche. mondiale, une Haute École est
L’allemand devient la langue fondée à Auschwitz et, en 1916,
ofcielle de l’administration. un camp de baraquements est
Après les expéditions militaires construit pour les ouvriers immi-
napoléoniennes naît l’Empire grés dans la banlieue, à Zasole. Il
Oświęcim (Auschwitz) fait partie de la
d’Autriche, comprenant toujours est relié à l’Allemagne par une voïvodie (province) de Cracovie.
Auschwitz. Les changements de voie de chemin de fer directe. Il
frontière décidés au Congrès de était prévu d’y installer un bureau
Vienne (1815) placent la ville au de l’emploi et un poste de con-
carrefour de trois pays : l’Empire trôle militaire. La Deuxième Ré- L’armée polonaise, reconstituée,
d’Autriche, le Royaume du Con- publique de Pologne proclamée jette son dévolu sur les baraque-
grès (Pologne sous la domination en 1918, à la n de la Première ments en briques inoccupés pour
du Tsar de Russie) et le Royaume Guerre mondiale, possède de y abriter un régiment d’artillerie.
de Prusse. Lors de la guerre aus- nouvelles limites territoriales Cette caserne militaire sera trans-
tro-prussienne (1866), Auschwitz claires. La ville redevenue formée en camp de concentra-
devient le champ de bataille Oświęcim n’est plus située sur la tion par les nazis en 1940.
d’un affrontement entre les deux frontière et la caserne perd son
pays. Après la victoire autri- rôle originel de bureau de Johan Puttemans
chienne, l’armée prussienne se l’emploi. Les bâtiments sont éva- Coordinateur pédagogique
retire de la ville. En 1867, cués et restent vides pendant un ASBL Mémoire d’Auschwitz
Auschwitz tombe sous la coupe certain temps. Traduit par Ludovic Pierard

N° 30 - DÉCEMBRE 2018 25
UNE VISITE
varia DE CLASSE AU
MUSÉE
IN FLANDERS
FIELDS
en leur conant une mission ou
non. Le service éducatif a déve-
loppé à cet effet des ches de
travail qui peuvent être photo-
copiées librement. Elles pourront
servir aux élèves de l conduc-
exposition teur dans leur visite pour les « ou-
vrir » à la totalité de l’histoire mu-
LE BILAN DE LA séologique. Vous n’y trouverez
PREMIÈRE GUERRE MONDIALE aucune question testant les con-
naissances. C’est un choix que
© IFFM

nous avons posé délibérément


après avoir constaté que ce type
de question incite à se contenter
de copier les réponses. Le pa-
In Flanders Fields est un musée Vous sentirez qu’il y règne un quet éducatif inclut une ample
interactif, ce qui signie que le certain calme, que nous vous description des différents « par-
visiteur détermine lui-même en demandons expressément de cours » du musée. Il nous semble
grande partie ce qu’il entendra respecter. Nos collaborateurs indiqué d’informer brièvement les
ou verra. Chaque visite est une veillent étroitement à préserver élèves avant la visite du musée
expérience individuelle, que cette ambiance. La meilleure pour qu’ils sachent à quoi
chacun vivra différemment. De façon d’assurer une visite réussie s’attendre.
plus, le musée utilise fréquem- du musée est de laisser aux
ment des applications interac- élèves la possibilité de le décou- Informations et réservations :
tives, des lms et des sons. vrir par eux-mêmes, que ce soit anderselds@ieper.be

Enfermé (de gré, de force ?) dans


SINGE une chambre sommairement
DRAME EN meublée (dans un home, un hôpi-
tal, un asile ?), un personnage so-
DEUX ACTES liloque avec pour seul témoin...
un singe en peluche. Il évoque à
Thierry De Win la façon d'une mélopée son vécu
Né en 1955 (passé, présent, futur ?) d'enfant
Père de trois garçons. caché, la rae, son hébergement
Professeur de français et d’arts d’expression.
douloureux au sein d'un rude or-
Membre de la Commission Pédagogique de Mé-
moire d’Auschwitz ASBL. phelinat, ses désirs d'évasion, ses
Partenaire de projets au Centre Communautaire rêves, ses obsessions et ses an-
Laïc Juif David Susskind. goisses. Le récit, présenté en deux
Membre du Collectif belge pour la prévention des actes, est construit à partir des au-
génocides et la lutte contre le négationnisme. daces permises par la métaphore
Auteur de Terre Glaise, Singe, Terre Mère et de « la tache jaune » associée à
Orages, publiés aux éditions Stellamaris (Brest).
celle de « la coupure » : il con-
Auteur de Amahano ?, joué au CCLJ en mai 2017 en
hommage aux Tutsi assassinés au Rwanda. duira l'enfant au singe à com-
Metteur en scène de Elle racontera notre histoire, prendre et à surmonter une his-
joué au CCLJ en mai 2018, un témoignage portant toire qui ne lui appartient pas et
sur le génocide des Tutsi au Rwanda. qui n'aura de cesse de l'exclure.

26 TRACES DE MÉMOIRE
BULLES
varia
DE
MÉMOIRE
Concours BD pour
les élèves
du secondaire

Une manière originale et pluridis-


ciplinaire d'aborder les deux
Guerres mondiales...

L'Histoire et le 9e Art font souvent


bon ménage. Voilà pourquoi le « Deuxième génération : ce que
War Heritage Institute, dont l'une je n’ai pas dit à mon père » Plus d'informations
des missions est la transmission de du dessinateur Michel Kichka. Le règlement du concours, un
la Mémoire, propose un grand descriptif plus détaillé et des
ches pédagogiques théma-
concours de création de bandes
tiques seront envoyés à chaque
dessinées aux élèves du secon- participant qui s’inscrit avant le 15
daire. mars 2019. Questions et inscrip-
Ce concours a été initié en tions :
France dès 2014 par l’Ofce na- reservation@whi.be
tional des anciens combattants et
victimes de guerre (ONACVG).
Depuis 2017, l’ONACVG a décidé Un timing précis pour coller aux « Après la guerre : se recons-
dans la perspective des commé- commémorations de 2018... truire », une thématique de cir-
morations de la n de la Première constance en 2018-2019...
Guerre mondiale, de s’associer Grace au soutien de Démocratie
avec des partenaires belges et al- ou Barbarie (Fédération Wallonie- 2018 verra eurir une série d'évé-
lemands, à savoir le WHI et le Bruxelles), le concours Bulles de nements pour commémorer la n
Volksbund Deutsche Kriegsgrä- Mémoire a débuté ce 1er octobre de la Première Guerre mondiale.
berfürsorge pour ouvrir le con- 2018. Les personnes désireuses à Dans ce contexte, le thème re-
cours aux jeunes de Belgique et participer doivent se faire con- tenu pour cette première édition
d’Allemagne. naître en envoyant leur nom, pré- du concours est : « Après la
nom, coordonnées complètes guerre : se reconstruire ». Les par-
Un concours pour qui ? ainsi que la catégorie dans la- ticipants ont le champ libre pour
quelle elles désirent s’inscrire et le aborder le concept de paix et de
Le concours s'adresse tant aux nombre de participants (indivi- pacication entre les peuples et
groupes de minimum 4 personnes duel ou collectif), avant le ven- les nations dans le cadre des deux
(classes, mouvements de jeu- dredi 15 mars 2019 par mail à : Guerres mondiales.
nesse, accueil extrascolaire...) reservation@whi.be
qu'aux candidats libres (individuel L’histoire peut se dérouler aussi
ou collectif, jusqu’à 3 partici- Les projets devront être rentrés bien pendant la guerre (souvenir
pants). pour le 27 mai 2019. Un jury de immédiat) qu’après la guerre
spécialistes issus de différents do- (souvenir à court, moyen ou long
Un concours pourquoi ? maines se réunira en juin pour at- terme). Ce peut être un événe-
tribuer les prix. Ceux-ci seront re- ment, une rencontre, un senti-
Le sens du concours est d’initier mis lors d'une cérémonie ofcielle ment (amitié, peur, courage), un
une réexion et développer une qui se tiendra au Musée royal de traumatisme ... À partir de là, les
création sur une thématique liée l'Armée de Bruxelles en novembre participants sont libres de réaliser
au travail de mémoire. 2019. l’histoire de leur choix.

N° 30 - DÉCEMBRE 2018 27
varia

AU-DELÀ DE LA GRANDE GUERRE


Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire
21/09/2018 - 22/09/2019
Le 21 septembre a eu lieu l’ouverture
de l’exposition temporaire « Au-delà
de la Grande Guerre ». Les visiteurs re-
tournent à la période qui suit immédia-
tement la n de la Première Guerre
mondiale. Le service éducatif du War
Heritage Institute offre un éventail
d’options pédagogiques dans le
cadre de cette exposition temporaire.
Des visites guidées et libres sont dispo-
nibles. Des guides expérimentés ac-
compagnent les élèves pendant une
heure et demie. Bien évidemment, ils
s’adaptent au public. Les groupes
sont limités à 15 élèves.
Des visites libres sont également pos-
sibles, mais an de tirer le maximum de
votre visite, nous vous conseillons d’uti-
liser les instruments suivants :

* Pour l’enseignement primaire : le li-


vret-jeu « Au-delà de la Grande
Guerre : L’exposition en compagnie
de Whisky », une histoire racontée par
notre mascotte.
* Un riche dossier pédagogique pro-
posant des pistes d’exploitation
« avant, pendant et après » la visite de
l’exposition.

Pour plus d’informations :


www.warheritage.be
reservation@whi.be

POUR UNE PRISE ASBL Mémoire d’Auschwitz - Tél. : 02 512 79 98 info@auschwitz.be


DE CONTACT Fondation Auschwitz
Rue aux Laines, 17 bte 50 - 1000 Bruxelles
Fax : 02 512 58 84 www.auschwitz.be

Publication réalisée grâce au soutien de

Directeur de la publication : Henri Goldberg


Rédacteurs en chef : Frédéric Crahay, Johan Puttemans
Secrétaire de rédaction : Georges Boschloos
Comité de rédaction : Marjan Verplancke, Thierry
De Win, Yves Monin, Jean Cardoen, Yannik van Praag SPF Sécurité Sociale
Graphiste : Georges Boschloos Services des
Imprimeur : EVM Print Victimes de la Guerre

28 TRACES DE MÉMOIRE - N° 30 - DÉCEMBRE 2018

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