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de la BD belge
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Aux Musées des Beaux-Arts (MRBAB), l’exposition Regards croisés de la BD belge présente
le travail de vingt auteurs, scénaristes et dessinateurs, représentatifs des courants actuels
de la bande dessinée dans notre pays (Cauvin, Van Hamme, Hermann, Sokal, Comès, Yslaire,
Schuiten, Geluck, etc.). Conçu par Jean-Marie Derscheid et Didier Pasamonik, dans le cadre
de l’année de la BD à Bruxelles, ce panorama de la création contemporaine permet de mieux
définir le neuvième art en Belgique, tant par rapport à ses fondateurs (Hergé, Franquin, etc.)
qu’aux pionniers de la bande dessinée mondiale. Créations insolites liées à l’exposition, une
série d’installations, inspirées de la tradition du bricolage surréaliste et du ready-made, met
en scène des objets hétéroclites, tirés de l’univers intime de chacun des vingt auteurs expo-
sés. Introduction à l’exposition, les thématiques d’un espace historique tentent de cerner les
spécificités de la BD belge et jettent les bases d’un véritable dialogue avec le passé.
ROLAND BAUMANN
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plus de ces bandes dessinées édifiantes en d’identité nationale. Les ketjes bruxellois
Belgique que dans d’autres pays francopho- Quick et Flupke ne passent pas vraiment
nes. Nous intitulons donc cette partie de la frontière, tandis que Suske et Wiske per-
l’introduction historique Le triomphe de la dent leur accent anversois lorsqu’ils sont
croix, reprenant le titre d’une bande dessi- publiés pour le marché hollandais. Les fi-
née de Pilamm, publiée par Casterman en gures identitaires de l’histoire belge pré-
1950 ; un évangile BD à la Bob et Bobette qui sentes dans les premières publications de
fut largement diffusé en Belgique. » l’après-Guerre (Godefroid de Bouillon, Thyl
Ulenspiegel, etc.) disparaissent. Tout en
Le scoutisme catholique contribue à la
se voulant pédagogique, comme Les belles
transmission des valeurs chrétiennes vers
histoires de l’Oncle Paul, la BD doit être dis-
la jeunesse. La biographie de Baden Powell
trayante et dépourvue d’attaches nationa-
par Jijé, de même que La patrouille des cas-
les belges. Les années soixante marquent
tors (Jean-Michel Charlier et MiTacq) do-
l’apogée du modèle belge à l’étranger. On
cumentent les liens étroits entre bande des-
efface tout particularisme, nationalité ou
sinée et scoutisme confessionnel dans notre
ethnie trop marquée. L’adaptation de la
pays. Les publications belges de BD explo-
production des bandes dessinées aux nor-
sent sous l’Occupation, puis se diffusent sur
mes industrielles joue aussi un rôle majeur
le marché français après la Libération. Le
dans ce processus d’internationalisation de
succès éditorial des hebdomadaires Spirou
nos héros de papier. Dès lors, l’identité bel-
et Tintin en France à l’aube des années cin-
ge ne transparait plus, sinon « en fi ligrane,
quante assure progressivement le rayonne-
voire en creux » : l’imaginaire traditionnel
ment mondial de la bande dessinée belge.
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françaises de presse (1947). La loi française Parmi les autres thèmes mis en valeur par
de juillet 1949 sur les publications pour Pasamonik dans son essai de définition his-
la jeunesse vise surtout à combattre l’in- torique de la BD belge, citons : la centralité
fluence de la bande dessinée américaine de la royauté et de la figure royale, l’entre-
dans la presse pour la jeunesse, mais favo- prise coloniale, les valeurs conservatrices et
rise l’essor en France de la BD belge, plu- bourgeoises « typiquement belges », la tradi-
tôt bien-pensante. Les éditeurs belges font tion feuilletoniste et la reprise des stéréoty-
donc irruption sur le marché français face pes de la littérature populaire (Rouletabille,
à des concurrents affaiblis et avec l’avan- modèle de Tintin, Bob Morane, Ric Hochet,
tage de disposer de dessinateurs chevron- etc.), le prestige de l’Amérique « matière
nés, formés pendant la guerre, lorsque le première à bien des récits d’aventures »
marché belge était fermé aux publications (« Hollywood terre promise »), et enfin
françaises. En effet, l’Occupation mit alors l’importance de l’utopie et de l’absurde.
fi n à l’hégémonie des illustrés français qui Cela n’étonne pas, en Belgique, « patrie
dominaient le champ de la presse jeune en de l’absurde ». Comme le remarque, sans
Belgique jusqu’en 1940. complaisance, Pasamonik, la BD humoris-
tique belge se déconnecte volontairement
L’expansion des bandes dessinées belges
de l’actualité, tant en raison du caractère
chez nos voisins, dans les années cinquan-
enfantin de son environnement éditorial
te, a pour conséquence une certaine perte
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d’origine que de sa ligne plutôt conservatri- les œuvres de trois dessinateurs flamands.
ce. La satire moderne, sera donc plus socié- Certes, c’est plutôt l’identité belgicaine qui
tale que politique (voir le Chat de Geluck). caractérise Johan de Moor, “héritier malgré
Comme le met en valeur Pasamonik, la lui” de Hergé, dont son père Bob de Moor
notion d’école belge remonte aux années était le premier assistant, et aussi de Willy
soixante. Elle s’affi rme lorsqu’un courant Vandersteen dont il est le fi lleul. J’admire
pasticheur émerge autour des classiques la démarche picturale de Herr Seele qui
LAREVUENOUVELLE - MAI-JUIN 2009
par extension l’âge d’or de la BD belge. Le il écrit des histoires d’une perfection ad-
travail de réflexion sur la bande dessinée mirable, à la John Le Carré. Lui aussi se
qui se développe alors va contribuer aux trouve très loin du système commercial
mutations de la BD moderne. Suit une pé- flamand des studios BD à la Vandersteen
riode de déconstruction des classiques, de ou Marc Sleen. »
bouleversement des codes narratifs et for-
Pasamonik met en valeur le propos histo-
mels, jusqu’à l’ère présente de suprématie
rique et identitaire de l’exposition, loin de
des outils informatiques et d’interaction
la légende dorée des nostalgiques de l’« âge
tous azimuts avec les autres arts de l’image.
d’or de la BD franco-belge », tout n’hésitant
Malgré ces ruptures, Pasamonik retrouve
pas à affirmer une certaine dose de « nos-
les thématiques propres à la BD belge clas-
talgie belgicaine » : « L’historien Joël Kotek
sique dans la création actuelle. Ainsi, le
voit Tintin comme un mythe de rempla-
rapport privilégié au religieux qui s’affirme
cement de la Belgique. Je pense comme
dans Le Petit Spirou, anticlérical et sexué, de
lui que si l’imaginaire belge assigne ce rôle
Philippe Tome et Janry : « C’est le meurtre
central au héros d’Hergé c’est parce qu’il
de Jijé ! Le meurtre du père, nécessaire pour
représente une Belgique qui n’existe plus,
que Spirou soit aimé des nouvelles généra-
la Belgique unitaire d’un âge d’or mythi-
tions et passe au XXIe siècle. »
que, un pays qui comptait sur la scène in-
Faire de l’histoire donc, mais tout en ré- ternationale, grâce à son économie forte et
vélant au public les réalités d’une créa- sa grande colonie d’Afrique centrale, une
tion contemporaine qui s’inscrit dans nation unie par une forte morale catholi-
la tradition de la bande dessinée belge. que et aussi par la mémoire combattante
Comme le souligne Jean-Marie Derscheid : de la Première Guerre mondiale. En élar-
« L’exposition montre surtout une sélec- gissant ce propos à l’ensemble de la bande
tion d’œuvres contemporaines dont elle dessinée belge de l’âge d’or, mais aussi aux
révèle les fi liations. Donc pas de démar- œuvres contemporaines, je pense qu’on
che nombriliste : c’est en confrontant les peut voir que la BD belge unit encore le
auteurs actuels aux grands noms de la BD pays. Elle reste une culture partagée, en
belge et aussi aux plus grands auteurs in- dépit des frontières régionales. C’est une
ternationaux qu’on met en valeur les qua- Belgique commune, qui partage encore des
lités esthétiques indéniables de la BD dans valeurs unitaires et structurantes. » ■
notre pays. » Et Didier Pasamonik ajoute : Exposition :
« L’exposition ne se limite pas au champ Regards croisés de la BD belge, jusqu’au 28 juin 2009,
de la BD belge francophone et montre aussi mardi à dimanche, 10-17h, Musées royaux des Beaux-Arts
de Belgique, rue de la Régence 3, 1000 Bruxelles.
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