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Les mythes identitaires en

Belgique francophone
1. 1830-1920

Le mythe de “L’Âme belge”


1. 1. Union, cohésion interne et individualisation face aux
puissances étrangères

Eh quoi! la littérature belge serait la littérature


française, à savoir celle qui semble vouloir défigurer le
siècle et l’entraîner dans le tourbillon d’une anarchie
morale, dont quelques grands génies...sont impuissants
à maîtriser la furie? La littérature belge serait la
littérature allemande, c’est-à-dire l’alliance d’une
philososphie mystique et d’un radicalisme sans
application actuelle? Non. La littérature belge peut être
indépendante ; ce serait un malheur pour elle d’adopter
le désolant scepticisme de la littérature française, ou le
mysticisme imcompréhensible de la littérature
allemande; elle doit se tenir plus près de la véritable
utilité et de la véritable honnêteté.
Faider, Revue belge, 1836, p. 515
1.2. L’influence de l’Allemagne et
de la France
“[…] placée entre l’Allemagne et la France,
participant du génie de l’un et de l’autre, la
Belgique réunit les conditions désirables
pour se créer une littérature propre”
Thonissen, 1872, cité par Liebrecht, 1910 p.192.
1.3. La fusion de l’esprit latin et de l’esprit
germanique
La recherche, la découverte de cette chose essentiellement fluide, fuyante,
cachée dans les mystérieuses cavernes des psychologies nationales [...] cette chose
cosmique lentement façonnée au cours des temps par les influences historiques,
sortie de la race [...] s’indurant en une immuable source, inépuisable alors, de
pensées, de sentiments, d’efforts et d’oeuvres; se manifestant en un “Caractère”
désormais visible [...].

Carrefour, oui! Arène d’aboutissement pour les rendez-vous des peuples,


oui! LE CHEMIN DES NATIONS […] La Belgique, située au confluent de la France et
de l’Allemagne dans leur zone de pénétration réciproque […] procède de l’âme
germaine et de l’âme latine, ces deux variétés les plus saillantes de la race
aryenne, “essentiellement progressive, indéfiniment éducable, irrésistiblement
colonisatrice”, si superbement épanouie dans les nations européo-américaines [...]
communauté de nature qui forme le fond véritable et qui est le résidu précieux et
immuable de la communauté bimillénaire dans la destinée historique. [...]

La vérité est que l’amalgame des psychologies est beaucoup plus


avancée que la fusion des langues […] L’âme belge! oui, elle se manifeste, multiple
en ses facettes, mais unique en son noyau.
Picard, “L’âme belge”, Revue encyclopédique, 1897, pp.89-98.
Caractéristiques
La pérennité de la Belgique et la nécessité
de son existence en tant que nation
indépendante se justifient par les clichés
suivants :

• Son unité profonde : L’âme belge


• La dualité qui la fonde
• Le caractère unique du mélange entre les
génies latin et germanique
1.4. “Soyons-Nous!”
“ Voulez-vous être un grand écrivain? Sachez être original, ou renoncez-y.
Voulez-vous avoir une littérature nationale? Sachez encore être original, en
quelque idiome que vous écriviez.”

“Avenir de la Littérature en Belgique”, dans Revue nationale de Belgique, t.1, 1839, p. 63

“Nous faisons de la Littérature et de l’Art avant tout. La Jeune Belgique ne


sera d’aucune école. Nous estimons que tous les genres sont bons s’ils
restent dans la modération nécessaire et s’ils ont de réels talents pour les
interpréter. Nous préférons le naturalisme de Daudet à celui de Zola; celui-
ci peut choquer, le premier jamais. Nous invitons les jeunes, c’est-à-dire les
vigoureux et les fidèles, à nous aider dans notre oeuvre. Qu’ils montrent
qu’il y a une Jeune Belgique comme il y a une Jeune France, et qu’avec
nous ils prennent pour devise : Soyons-nous.
La Jeune Belgique (1881-1897)
Les écrivains flamands de langue
française
• Théodore Hannon,
1851-1916.

Les rimes de joies,


recueil illustré par
Félicien Rops, 1881.
• Camille Lemonnier
(1844-1913)

Nos flamands, 1869


Un mâle, 1881
• Georges Eekhoud,
(1854-1927)

• Kees Doorik, 1883


• Les nouvelles
kermesses, 1887
• Cycle patibulaire,
1897
• Georges Rodenbach
(1855-1898)

• Bruges-la-morte,
1892.
• Maurice Maeterlinck
(1862-1949)

• Pelléas et Mélisande
1892
• La vie des abeilles,
1901
Selon José Fontaine, il y a une double aliénation au
XIXème siècle en Belgique :

• Aliénation vis-à-vis de • Aliénation de leur


la langue pour les culture pour les
flamands, vu que les wallons, vu que les
intellectuels et thèmes traités en
écrivains flamands littérature sont des
écrivent en français. thèmes de préférence
“nordiques”
2. 1920-1980

Le mythe du “lundisme” :
“Notre patrie, c’est la langue. Notre langue
est la langue française, donc notre patrie,
c’est la France”
2.1. Le manifeste du lundi
“Il est apparu à quelques écrivains composant le “Groupe du lundi”, que la situation
présente des lettres belges réclame une prompte et nette mise au point.
D’abord en ce qui concerne la définition même de ces lettres. Une opinion tend en
effet à prévaloir qui attribue à l’ensemble des oeuvres littéraires produites en Belgique le
caractère d’une littérature nationale […] On prétend représenter notamment les auteurs belges
écrivant en français comme constituant un groupe spirituel autonome, foncièrement distinct de
l’ensemble des auteurs français, la communauté de langue n’établissant entre ceux-ci et ceux-là
qu’une relation tout extérieure. […] Il semble que le mot d’ordre de la “Jeune Belgique” : “Soyons-
nous même”, mot d’ordre qui, dans son sens individuel et positif, est la devise de toute création
artistique, soit compris de plus en plus par certains dans un sens collectif et négatif.
S’il est vrai, d’une part, que les faits géographiques et psychologiques au milieu
desquels nous vivons ne sont pas sans agir d’une manière assez caractéristique et constante sur
le tempérament et l’activité de nos écrivains […] il tombe sous le sens que les conditions
essentielles de la création littéraire ne sont pas différentes dans notre pays de ce qu’elles sont
dans n’improte quel autre pays de langue française.
L’éducation générale, l’atmosphère spirituelle, les moyens d’information et de
formation, le mode de constitution et d’expression des idées, le goût esthétique, le sentiment
artistique à l’égard des oeuvre anciennes et nouvelles – la culture, en un mot- sont pour un
écrivain de langue française vivant en Belgique, du même ordre que pour son confrère parisien,
breton, canadien ou suisse. […] les hasards de l’histoire, le voisinage, les relations spirituelles, le
caractère éminemment universel et attractif de la culture française ont réduit au minimum, entre
les littératures des deux pays, les nuances de la sensibilité.
[…] Il est absurde de concevoir une histoire des lettres belges de langue française en
dehors du cadre général des lettres françaises.”

Charles Bernard, Hermann Closson, Hubert Dubois, Paul Fierens, Marie Gevers,
Michel de Ghelderode, Eric de Haulleville, Franz Hellens, Pierre Hubermont, Arnold de Kerchove,
Grégoire Le Roy, Georges Marlow, Charles Plisnier, Robert Poulet, Camille Poupeye, Gaston
Pulings, Marcel Thiry, Henri Vandeputte, Horace Van Offel, René Verboom, Robert Vivier.
Conséquences du “lundisme”
• Expatriation des écrivains vers Paris
• Nationalisation française de nos écrivains
• Effacement de tout trait ayant à voir avec
l’origine belge
• Acculturation des citoyens belges
Michel Seuphor (1901-1999)
"Fernand, Dit Nant ofte Nan-Nan
alias M. Seuphor ou Seuphor tout
court. Autrefois sous-nommé
Berckelaers lire
Berrekkellaaarrrrsssse"

Diaphragme intérieur et un drapeau,


Mortemart, Rougerie, 1994 (rééd.)

Lecture élementaire, Mortemart, Rougerie,


1989 (rééd.)
Henri Michaux (1899-1984)
• Un barbare en Asie,
1933.
• L’espace du dedans,
1944.
• Épreuves,
exorcismes, 1940-
1944.
Configuration littéraire en Belgique

Les avant-gardes: La paralittérature :

• Dadaisme : Clément • Le roman policier :


Pansaers (1885-1922) George Simenon
• Surréalisme bruxellois: • Le roman fantastique :
Paul Nougé et René Jean Ray et Thomas
Magritte Owen
• Surréalisme du Hainaut : • La bande dessinée
Achille Chavée
• Cobra : Christian
Dotremont et Pierre
Alechinsky
3. 1980-2000
1. La Belgitude 2. Le Manifeste pour la
culture wallonne

“De la difficulté d’être belge”


“Une autre Belgique” dans Les
Nouvelles Littéraires, 4-11 nov.
1976.
1.1. “De la difficulté d’être belge”
1. L’effacement de l’Histoire
“Comme on peut voir, le Belge n’a pas meilleure conscience qu’il n’a bonne
réputation. Nous avons tous encore dans l’oreille les investives de
Baudelaire et en mémoire une phrase de René Leys : Il était commerçant et
Belge de surcroît… Et beaucoup d’entre nous subissent leurs modestes
origines telle une circonstance aggravante du crime originel d’exister! C’est
que la Belgique, comme la Suisse n’est pas “au-dessus de tout soupçon”.
Elle excelle cependant à oblitérer ce qu’elle commet de pire comme ce
qu’elle réalise de mieux. Une catastrophe minière envisagée telle une
catastrophe naturelle, l’assassinat d’un député communiste […] le
monstrueux gâchis d’une dérisoire épopée coloniale, constituent des
événements qu’assez commodément la Belgique réussit à évacuer de son
Histoire : dans quel manuel y sera-t-il jamais fait allusion? Mais aussi,
quand donc appréciera-t-on à sa juste valeur l’attitude de notre peuple à
l’égard des Juifs durant la guerre? Ou, dans un autre ordre d’idée, quand
donc rendra-t-on vraiment au surréalisme belge l’hommage qu’il mérite?”
2. La non-identité et l’exil intérieur

“Et de là bien des choses découlent au


plan des mentalités et d’un état d’esprit qui fait si
souvent de l’intellectuel d’ici, en particulier, un
non belge, un anti-belge, ou un a-belge. Sois
Belge et tais-toi.
No man’s land ou cul du monde? Absurdie
ou mini-Cacanie? Tant d’entre nous se sentent
dispensés de partir pour trouver l’exil: ne l’ont-ils
pas découvert d’emblée ici et maintenant? Quel
voyage pourrait encore accroître leur
déracinement?”
3. La dépendance vis-à-vis de Paris

"Seulement voilà : un écrivain francophone de


Belgique, s'il n'est édité à Paris, se voit privé de
toute existence intellectuelle. [...] Du coup on
ne se définit plus, dans la réaction aussi bien
que dans l'adhésion, que par rapport à l'Autre,
soit qu'on donne dans l'imitation servile, soit
qu'on se retranche dans une récusation
outragée. Quand nous ne sombrons pas dans le
conformisme le plus épais, nous pratiquons avec
brio le terrorisme intellectuel : seule l'authenticité
nous ferait-elle donc peur ?"
4. L’annonce d’un changement
"Et pourtant. Cela pourrait bien changer. […]
"Quand donc saurons-nous vivre comme un privilège notre
bâtardise, notre statut de fils de personne ?"
"Quand donc découvrirons-nous le bonheur de ne devoir
de comptes à aucune culture et celui d'être situés au
point d'intersection de toutes les influences ? [...] Tel
serait -si l'on peut rêver- le "défi belge". N'étant plus
tributaire de personne, nous serions enfin de nulle part
et de partout.“
“Il nous faudrait tenter d’être Belges. Marginaux peut-être,
minoritaires certainement, exilés à coup sûr […]”
“Nous n’aurions plus à rester dans ce pays parce qu’il nous
fascine mais nous y pourrions demeurer aussi dans la
mesure où il nous fait horreur. Un écrivain n’est pas s’il
n’est pas contre.”
1.2. L’impact de la “Belgitude”
-“Six personnages en quête de Belgitude”, La Libre Belgique, nov.
1978.
"On nous a demandé, au début de ce débat, de préciser
nos carrefours d'identité. Il ressort du tableau donné par chacun
qu'un culturel dans ce pays, est un bâtard qui entend le reconnaître
et en tirer sa force et son identité labile"
Marc Quaghebeur.
-Lettresbelges de langue française. Lettres belges de langue
néerlandaise. Exposition Europalia, Palais des Beaux-Arts,1980.

-Paul EMOND, Lettres françaises de Belgique. Mutations, 1980.


"Si, si, il y a un retour au pays. (...) Mallet-Joris, Rolin,
Moreau tôt ou tard, se sentent de nouveau bien ici. C'est
simplement parce que la planète s'est rétrécie et qu'on peut très
bien être à Paris tout en étant à Bruxelles. Il y a aussi le téléphone,
la télévision, la radio. Il n'est pas indispensable de s'exiler"
Jacques De Decker, p. 23
-Jacques Sojcher, La Belgique malgré tout, revue de
l’Université de Bruxelles, 1980

La Belgique n’existe pas


• « Donc, je suis d’un pays qui n’existe pas, ce qui me donne les quelques
certitudes grâce à quoi vivre est possible »
Joseph Noiret, p.371
• « Oui, j’aime vivre ici. Dans un pays qui n’existe presque pas [...]. Je n’ai
pas la nostalgie d’appartenir à une Nation. Au contraire. Je hais les nations
[...] J’aime le « non-Etat » qu’est ce pays. J’aime sa « non-violence ». Nos
querelles volent bas, tant mieux.»
Paul Willems, p.487
• « De nulle part, j’invoque un autre nulle part qui est cette nation dont mes
papiers officiels portent les marques [...] C’est que la Belgique [...] est un
pays en creux. [...] En creux : la Belgique est un trou sur la page du monde.
Le vide n’existe pas, et pourtant il existe, mais en creux. »
Claude Javeau, p.211
• « Il est des mondes qui n’existent point sur la carte »
Marc Quaghebeur, p.391
Son histoire est occultée
• « Le Belge qui a tué Julien Lahaut, allons allons c’est de l’histoire ancienne
et puis c’était un stalinien »
Paul Emond, p.159
• « Les poètes ne parlent pas du Centre atomique de Mol, ou de zones
vertes.
Ni de l’année 1951, lorsque Baudouin Premier devint roi.
Pendant que le roi était couronné
Le Sénateur Lahaut de Liège cria : « Vive la République ».
Quelques jours plus tard, deux messieurs sonnèrent à sa porte
Et vidèrent leurs chargeurs dans sa tête, ses épaules et son foie.
Nonobstant une enquête approfondie la justice
Ne retrouve pas les criminels. »
Hugo Claus, p.34
• « Un jour, pourtant, il aurait fait la belle et sans que rien, en apparence, ne
distingue ce trajet de tous ceux qui l’avaient précédé, il aurait su que, cette
fois, il avait franchi le pas, qu’il ne serait plus désormais, à ses propres yeux
au moins, celui qui, vivant dans la première de ces villes, ne cessait de s’en
aller vers la seconde, mais qu’il était devenu celui qui, ayant choisi la
seconde, ne pourrait s’empêcher de retourner vers l’autre [...] »
Benoît Peeters, p.381
La Belgique est une société anonyme

• « Aujourd’hui, donc, je suis apatride et toujours


membre du personnel de la société Belgique,
très anonyme. Je ne désire pas ardemment
rester l’un ou l’autre »
Jacques Gérard Linze, p.290
• « O ma détestable petite patrie/ tu es le pays le
plus propre à la friponnerie./ Plaque
tournante/roue joyeuse/société
anonyme/l’Europe, mendiant aveugle,/s’appuie
sur toi comme Bélisaire/trop patricien pour être
patriote./ »
Paul Neuhuys, p.369
Ses écrivains sont aphasiques

• « Pourquoi les images, mais aussi et surtout les phrases entendues, les
sonorités de ce pays ou de cette ville ne donnent-elles pas envie d’écrire,
envie de mots, ou alors si rarement, au terme d’une telle conversion de
soi ? Pourquoi ne peut-on y écrire que dans la clandestinité ? »
Françoise Collin, p.49

• « Huit mois jour pour jour j’essayais, ici à Aix-en-Provence, de dire et de


penser mon rapport à la Belgique.
Résultat : un cafouillage innommable. Ça tournait autour :
A) du Nom Propre
B) de l’impossibilité de me situer « textuellement » par rapport à la Belgique
C) de l’imaginaire bloqué sur & à ce sujet
Conclusion : B(elgique) ne fonctionnait ni comme un mythe, ni comme
représentation.
Donc pas de récit. Seulement un cafouillage. »
Marc Rombaut, p.419
L’atmosphère y est irrespirable

• «[son] atmosphère irrespirable »


Claude Bauwens, p.15

• «Le gris qui me coupe la parole. Celui qui, comme couleur éteinte,
me donne peut-être ces extinctions de voix. Mais qui (sans le
savoir) se fait aussi la condition de ma riposte : je noircis du papier,
j’écris pour faire des plaies dans le ciel [...] En somme, écrivant, je
troue le gris. »
Jacques Cels, p.23

• «[…] la dominante mentale aussi est grisâtre »


Stefan Van Den Bremt, p.456

• «[…] ses passions sont sans goût et sans couleur, tels ses
fromages crayeux et insipides »
Marc Lesir, p. 282
Bruxelles est une laide ville
• « J’y ai vu pousser les tours qui ont fait du verbe « bruxelliser » le
synonyme de détruire un tissu urbain »
Claude Javeau, p.213

• « Il ne fallait pas tout de même pas oublier qu’on vivait dans un espace
exigu, sur une terre étroite et que rien, par exemple, sous l’occupation de
Bruxelles, ne s’offrait pour apaiser un sourd besoin de s’identifier à un
territoire. La ville, que des travaux interrompus par la guerre avaient
défigurée, la rivière qui la traversait et qu’on avait voûtée comme un égout
qui fait honte, les rues surtout dans les faubourgs affublées de noms sans
échos, souvent imprononçables ou simplement grotesques (...) »
Hubert Nyssen, p.375

• « Il n’y a rien à voir dans Bruxelles, je n’y vois rien, bien que je regarde.
Depuis vingt-cinq ans que je vis dans cette ville, je n’en suis pas. [...] Je
souffre de Bruxelles comme d’une maladie incurable »
Françoise Collin, p.45
La Belgique sert donc de repoussoir
• « Je suis belge ; je peux donc aller n’importe où, ça n’a pas d’importance, je
suis toujours si éloigné de moi. [...] Un clandestin est toujours ailleurs [...]
solitude d’écrire dans un pays qui, quoi qu’il en dise, n’a pas besoin
d’écrivain, un pays qui s’est mis à l’écart de sa culture, et moi aussi je suis à
l’écart, et je suis un écart, et je suis donc bien de ce pays. »
Jacques Crickillon, p.75-78

• « […] une répulsion instinctive pour qui prétend assigner, désigner,


orienter, répartir, classer, attribuer...Taxonomistes de toutes les espèces,
supprimez-vous ! »
Hubert Nyssen

• « Une violence durablement anti-belge serait sans intérêt. La Belgique, ici,


n’est que le point de départ d’une révolte plus générale, d’un assaut plus
métaphysique : contre la bourgeoisie, contre la société, contre la civilisation,
contre la mort. Brel et Michaux sont belges par leur « étrangeté » en
France. Avec le recul du temps, on s’apercevra, l’indulgence aidant, que
pour cette race-là la Belgique ne fut que le prétexte d’un grand
déchaînement des sens, épargné par la Terreur rationnelle. »
Marcel Moreau, p.357
Les écrivains et leur belgitude

• « Combien faudra-t-il de temps aux traumatisés de la « belgitude »


pour renoncer à se justifier d’en être ? Allons, allons, les petits
copains, de la tenue, que diable ! Pourquoi enterrer ses dents de lait
belges dans les concessions temporaires du Monde ou du
Magazine littéraire ? Les dégoulinants du complexe ethno-socio-
culturel (beau langage) finiront-ils par raccrocher, avec leur
« belgitude », leurs « vrais belges », leurs « écrivains belges »... ? »
Joseph Noiret, pp.371-372

• “La nouveauté, c’est qu’en ces temps de la contestation des


différences et de la révolte des humiliés bretons ou corses, des
écrivains belges ne veulent plus aller vivre et écrire à Paris mais
veulent écrire et vivre ici. C’est pourtant à Paris qu’ils attendent
qu’éclate la différence de leur belgitude ou de leur wallonité
littéraire. »
André Miguel, p.350
Manifeste pour la culture wallonne, 1983

« Les créateurs que nous sommes se reconnaissent


dans une image positive de la Wallonie et de son peuple.
Cette image qui nous identifie, nous entendons la
représenter, la refléter, la réfléchir. Elle est liée à un long
passé fait d'oeuvres et de produits mais aussi jalonné de
combats et d'actes de résistance. Sans renoncer à ce
patrimoine qui fonde notre identité, nous voulons
aujourd'hui construire une Wallonie moderne qui renoue
avec l'Histoire et la conscience de soi, qui renoue aussi
avec ses paysages, ses manières d'être et ses
symboles. »
-Jacques Sojcher, Belgique toujours grande et
belle, revue de l’Université de Bruxelles, 1998

"Un guide de voyage impertinent de la


Belgique/België, vue par 126 artistes,
intellectuels et autres personnages singuliers du
melting pot belge.
Un nouvel hymne à un pays sans nation?"
"Ce grand mélange carnavalesque est peut-être
notre carte d'identités, notre bâtardise
exemplaire"
Sojcher, p.15
Des thèmes persistants

"Je ne me sens bien nulle part. Cela s'appelle être apatride, j'imagine."
Amélie Nothomb, p. 409
• "Éloge de la bâtardise" (Luc de Heusch)
• "Pourquoi les belges sont-ils si complexés?" (François Perin)
• "L'Orgueil de la banalité" (Gérard Preszow)
• "Portrait de l'artiste en Belge errant" (Guy Goffette)

• "Le pays partagé" (Carino Bucciarelli)


• "La Belgique est un croisement" (Wim Vandekeybus)
• "Je suis né sur une frontière" (Jean-Louis Hennart)

• "Ils continuent à se sentir belges, à avoir un rapport d'amour ou de haine (d'amour


déçu) avec leur terre d'origine! " Frédéric Sojcher, p. 481
• "Le rapport à la Belgique ne peut qu'être d'amour-haine" (France Borel, p. 369)

• "La Belgique : non peut-être!" (France Borel),


• "Rien grand-chose" (Marcel Moreau)
• "Nous, on est brol " (Jaco Van Dormael).
• Des musées des ruines des huissiers
• Claude Semal, Noble Belgique, • Des hospices des bureaux de chômage
1986 • dans la patrie des épiciers
• Depuis vingt ans tous les six mois
• Ils votent pour les mêmes abrutis
• Il y a longtemps quand j’étais môme • Mais celui qu’ils préfèrent c’est le roi
• Je chantais mon plat petit pays • Parce qu’il est bilingue et gentil
• Mais plus je regarde l’atomium
• Et plus il me coupe l’appétit
• Avec ses neufs boules immondes • Noble Belgique merdeau chéri-i-i-i-i
• Plus ravagées que la Tour de Pise • Je te laisse ta frontière linguistique
• J’habite dans la seule ville au monde • Et les crassiers de tes aciéries
• Dont l’fétiche soit un mec qui pisse
• Sous l’atomium il y a les Belges • Dans la patrie des centre-avants
• Belge ça ne rime avec rien • La gauche la droite c’est dépassé
• Pour changer d’air je change d’auberge • Aujourd’hui quand on se fait baiser
• Voir au moins s’il y a des terriens • C’est par-derrière ou par-devant
• Devant ‘y a les jeunes gens modernes
• Noble Belgique merdeau chéri-i-i-i-i • Vieux comme la mode en plus ridés
• Je te laisse ton crachin asthmatique • Qui ont si peur qu’on voie leurs cernes
• et ton micro-climat pourri • Qu’ils se mettent du gel dans les idées
• Derrière ‘y a les vieux cons modèles
• Ils sont si fiers de leurs boutiques • La dernière fois qu’ils ont pensé
• De leurs comptoirs en Formica • Ils lisaient les tracts de Degrelle
• Que les bouchers font de la politique • Assis sur le banc d’un lycée
• Pour se payer la Costa-Blanca
• ‘y a plus que des croûtes sous leurs • Noble Belgique merdeau chéri-i-i-i-i
fromages • Je te laisse ton Yser nostalgique
• Le VMO et ses conneries
• • De tous les peuples de la Gaule
‘ils font du jogging le samedi
• • Les Belgavox sont les plus braves
Dans le parking du Brico-Center
• • ‘y a deux mille ans que César rigole
Du coffre ouvert à leur caddy
• • En traversant leurs champs de betteraves
Dans la patrie des supporters
• • Depuis le temps des pithécanthropes
Avec leurs drapeaux et leurs chants
• • L’Autriche la France la Prusse l’Espagne
Leurs écharpes blanches et brunes
• • Tous les culs couronnés d’Europe
Du Heysel jusqu’à Francorchamps
• • Violent leurs filles et leurs campagnes
Ils s’écrasent au pied des tribunes
• • Dans la patrie des collabos
Puis fatigués d’avoir gueulé
• • Depuis que l’OTAN a quitté Florennes
D’avoir sucé leurs munitions
• • ‘y a plus que la Suisse et Monaco
Ils s’endorment devant la télé
• • qui n’aient pas occupé les Ardennes
Pendant l’heure des informations

• • Noble Belgique merdeau chéri-i-i-i-i


Noble Belgique merdeau chéri-i-i-i-i
• • Je te laisse tes campings bucoliques
Je te laisse tes schtroumfs olympiques
• • Ta petite gayole et l’canari
Ton zoo d’Anvers et Walibi

• • Dans la patrie du 11 novembre


Dans la patrie d’Achille Chavée
• • On ne vous aime vraiment que mort
il n’y a plus d’art sans mécénat
• • Ce qu’on aime dans le feu c’est la cendre
On joue Shakespeare dans les travées
• • Ce qu’on chante dans l’amour c’est le remord
Sponsorisé par SABENA
• • Chanson vous avez dit chanson
lis font la fête deux fois par an
• • On va me servir Brel ou ses filles
Au nouvel an au carnaval
• • Avec une paille et deux glaçons
Ils vont mâcher chez leurs parents
• • Comme on sert la bière aux Antilles
Pour qu’ils rigolent ‘faut qu’ils avalent
• • Au lieu de vous congratuler
Dans la patrie des tire-la-gueule
• • Parce qu’il est né dans votre banquise
Pour qu’ils rigolent ‘faut qu’ils soient saouls
• • Vous feriez mieux de vous demander
Pour qu’ils soient saouls ‘faut qu’ils dégueulent
• • Pourquoi il est mort aux Marquises
Chimay Rochefort et Maredsous

• • Noble Belgique merdeau chéri-i-i-i-i


Noble Belgique merdeau chéri-i-i-i-i
• • Je te laisse les plumes d’autruches des filles
Je te laisse ton bonheur en barrique
• • Plantées dans le cul de tes terrils
Danse des canards et pot-pourri

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