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Département de Français

Université Blida 2
Matière : Littérature Francophone III
Niveau : MASTER 2
Enseignante chargé de la matière : Mme S. BOUANANE
Année universitaire : 2023- 2024.

Aperçu sur la littérature québécoise :

La littérature québécoise est une littérature qui s’affirme d’année en année. Certes
cette littérature existe depuis des siècles, du fait que le premier ouvrage québécois a été publié
en 1545 par Jacques Cartier1 et intitulé : Bref récit et succincte narration de la navigation
faite en 1535 et 1536 par le capitaine Jacques Cartier aux îles de Canada, Hochelaga,
Sagnenaye et autres.
Cependant, la littérature québécoise n’a été réellement reconnue en tant que telle qu’après
« la révolution tranquille » en 1960, qui inaugure une ère marquée par de multiples
changements touchant les différents plans de la vie québécoise et entraînant des modifications
politiques, sociales, culturelles et surtout une évolution au niveau des mœurs et des idées.
Les insolences de Frère Untel, de Jean Paul Desbiens, paru en octobre 1960 et dans lequel le
religieux frère Untel dénonce l’entrave à la liberté d’expression et de pensée au Québec,
marque le début d’une littérature québécoise de langue française réprimée par l’élite littéraire
de l’époque, qui dénigre le français langue nationale au Québec, préférant le repli sur soi et
l’idéologie conservatrice du régime de Maurice Duplessis.2
La littérature canadienne traverse trois étapes : la première engendre les récits de
voyages et témoignages historiques relatant la conquête des nouveaux territoires ; parmi ces
œuvres : Les voyages de la Nouvelle-France occidentale (2 volumes, 1632), de Samuel
Champlain fondateur du Québec en 1608.
La deuxième étape de la littérature canadienne, est marquée par l’avènement d’une littérature
"autochtone". Cette deuxième période coïncide avec le début de la domination anglaise en
1763 et se poursuit jusqu’au début de la 2 ème guerre mondiale. En cette période le but de
certains écrivains était d’affirmer la réalité de l’identité française par rapport à la domination
politique et culturelle anglaise.
La littérature québécoise représente la troisième période de la littérature canadienne.
Cette étape commence avec les premières lueurs de la deuxième guerre mondiale et poursuit
son évolution jusqu’à nos jours. La littérature québécoise s’est imposée d’abord à travers la
poésie, car au début, le roman au Québec était « un enfant malvenu »3. D’ailleurs les auteurs
de l’époque refusaient d’admettre qu’ils écrivaient des romans d’où les propos de Philippe
Aubert de Gaspé :
« Consigner quelques épisodes du bon vieux temps, quelques souvenirs
d’une jeunesse éloignée, voilà toute mon ambition »4
La littérature québécoise se caractérisait alors par les emprunts à la littérature
française, comme toutes les littératures des pays colonisés par la France, même si cette

1
Explorateur français qui prit possession du Canada en 1534.
2
Elu Premier ministre à la tète de l’Union Nationale de 1936 à 1942.Puis retourne au pouvoir en 1944 et y
demeure jusqu’à sa mort en 1959.
3
Gilles Marcotte, Op.cit, p.34.
4
Idem, p.33.
colonisation remonte au XVIème et XVIIème siècle, au temps où le Canada était « la Nouvelle
France »5.

Ainsi elle a commencé à se frayer un chemin en tant que littérature nationale dès la
fondation du Québec au XVIIème siècle, en 1608 mais ce n’est qu’au début du XX ème siècle
qu’elle s’est affirmée comme telle. Par ailleurs la dite littérature avait besoin d’un support
favorisant son épanouissement et le véritable coup d’envoi est signé par l’Ecole littéraire de
Montréal. Cette dernière a été fondée par le poète, Jean Charbonneau (1875-1960) en 1895,
et les écrits de ses adhérents montraient une vive influence des parnassiens et des symbolistes
français. Cette école a joué un rôle important dans la floraison de la littérature québécoise
jusqu’en 1935, année qui marque la disparition de l’Ecole littéraire de Montréal. Mais cette
littérature n’a pris toute son ampleur qu’en 1977, date à laquelle le français est proclamé
langue officielle au Québec, malgré l’hostilité de certaines personnalités politiques
québécoises.
Après avoir emprunté plusieurs caractéristiques de la littérature française, la littérature
québécoise a voulu s’imposer en tant que littérature autonome, nationale.
On a déjà dit que la naissance de la littérature canadienne s’est faite grâce à la poésie :
le maître mot était « l’audace », oser parler et décrire la société québécoise et ses affres à
travers les poèmes :
«Peuple, pas un seul nom n’a surgi de ta cendre ;
Pas un pour conserver tes souvenirs, tes chants… »

Dans ce poème extrait de Histoire du Canada de F.X.Garneau, il y a une indignation qui se


dégage, celle du peuple Canadien, que l’on considérait à l’époque (1852) comme un peuple
sans histoire, donc sans identité.
Il en sera de même dans les romans dont la plupart tendaient vers la satire sociale, qui
exprimait le désarroi et les aspirations d’un peuple en quête de soi, comme le montrent les
propos de Chamberland : « se voir et se montrer tels que nous sommes pour mieux
changer »6.
Certains écrivains veulent même écrire en québécois afin de prouver l’existence d’une
identité québécoise différente de l’identité française.
Après la « révolution tranquille » le parler québécois était encore perçu comme langue
inférieure, comme signe d’infériorité culturelle des Canadiens français, de ce que certains
écrivains de la revue Liberté nommaient : « la fatigue culturelle » désignant par là
l’appauvrissement culturel des Québécois dû au manque de création littéraire.
Quant à la langue dans laquelle devait se faire la littérature québécoise, elle a suscité
beaucoup de controverses. Le groupe d’hommes de lettres de la revue Parti pris lance un défi
aux conservateurs qui voulaient rester fidèles au modèle littéraire français, sous prétexte que
la québécité ne pouvait aller au-delà des frontières canadiennes. Pour ces écrivains de Parti
pris, écrire en « joual » représentait une aventure qu’il fallait tenter. Pourquoi le joual ?

D’abord parce que c’est un parler québécois populaire à base de français fortement
anglicisé. Il se caractérise aussi par une déformation au niveau de l’orthographe et de la
prononciation de certains mots :7 Cataloye, moé, icitte, tu-seul… ; le mot joual lui- même est
"la déformation" de cheval.

5
Colonisation française jusqu’en 1763, date de cession de la nouvelle France à l’Angleterre par le Traité de
Paris.
6
Cité par Gasquy-Resch Yannick, in Littérature du Québec, Paris, Hachette, 1994.p. 149.
7
Cataloye : catalogue, moé = moi, icitte= ici, tu-seul=tu es seul.
On peut dire que l’usage de ce parler signifie une forte volonté des Québécois de s’assumer en
tant que peuple libre, sans se référer à la langue de l’autre : « l’Anglais oppresseur ou le
français qui nous a abandonnés »8.
Ce qui équivaut à transcrire l’oralité québécoise, une oralité héritée en partie du peuple
amérindien, premier habitant du Canada (Avant le XIème siècle).
Il s’agit de tribus qui ne savaient ni lire, ni écrire avant l’arrivée des Européens, mais qui
possédaient une riche culture orale. Cette"joualitude" s’affirme avec la création des Belles
sœurs de Michel Tremblay en 1968. Cette pièce tente de présenter le peuple québécois tel
qu’il est, non comme il doit être :
« Dans sa petitesse, et dans la grandeur de sa simplicité »9

Les belles sœurs a provoqué le désarroi de certains conservateurs qui estiment que l’usage du
joual risque de faire croire à l’infériorité du peuple québécois, car c’est une langue infertile au
niveau culturel et littéraire, de leur point de vue.
La pièce n’en a pas moins connu des représentations dans différents pays du monde pendant
plus d’une dizaine d’années.
Le théâtre n’est pas le seul genre littéraire marqué par l’intrusion du joual, le roman
aussi a connu cette forme de révolte contre le calque de la littérature française, en particulier
grâce à Marie-Claire Blais (Prix Médicis 1966 pour le roman : Une saison dans la vie
d’Emmanuel ) qui trouve que le choix de ce parler populaire relève du besoin de l’auteur de
représenter la société québécoise en mettant en évidence sa spécificité tragi-comique.
A côté de ceux qui ont choisi le « joual » pour s’exprimer, plusieurs écrivains québécois ont
publié des ouvrages écrits en français tel qu’il est parlé au Canada. Un parler québécois plus
facile à lire et à comprendre par rapport au joual qui même s’il est conforme aux règles
syntaxiques du français, reste toujours assez difficile d’accès pour le lecteur étranger.
Parmi ces auteurs québécois, Jacques Godbout qui exprime ce désir de québécité (parler et
écrire sa langue) à travers son roman Salut Galarneau ! (1967), où le personnage principal
tente de « vécrire », il veut joindre son souhait d’écrire un roman à celui de vivre pleinement
chaque moment de sa modeste vie de vendeur de hot-dog.

« Je sais bien que de deux choses l’une : ou tu vis, ou tu écris, moi je veux
vécrire, l’avantage, quand tu vécris, c’est que c’est toi le patron ».10

Chaque littérature est véhiculée par une langue qui rend compte de la personnalité et
de l’individualité de celui qui écrit et du groupe social qu’il représente. C’est pourquoi un
grand nombre d’écrivains québécois estiment qu’il faut se distinguer des autres littératures
francophones sur la scène littéraire mondiale en affirmant leur québecité dans la création
littéraire.
« Nous avons besoin, écrit Godbout, pour entrer dans l’histoire et violer l’espace temps
américain, d’un français plus souple et plus fou et plus utile que le leur, nous avons besoin
d’un français sauvage, le québécois, pour nous civiliser »11

Les auteurs qui ont contribué à l’élaboration d’une littérature québécoise nationale
sont nombreux, mais on ne pourrait parler de littérature canadienne sans citer Joseph Charles
Taché auteur de Forestiers et voyageurs (1863), Gérard Bessette avec son Anthologie(1963),
Hubert Aquin l’auteur de Prochain épisode(1965), Réjean Ducharme avec son célèbre,

8
Gasquy-Resch Yannick, Op.cit.p.153.
9
Idem. p.168.
10
Jacques Godbout, salut Galarneau !, Québec, 1967.
11
Liberté, mai 1974, p.33, cité par Y. Gasquy- Resch in Op.cit.p. 172.
l’Avalée des avalés (1967) ;l’acadienne Antonine Maillet avec Mariaagélas (1973), Ives
Beauchemin avec Le Matou(1981) et Louis Lefebvre avec Guanahani(1992).
Ce sont quelques exemples qui montrent l’importance prise par la littérature
québécoise surtout en ces dernières décennies.

Les écrivains néo-québécois :

La littérature québécoise n’englobe pas uniquement les auteurs d’origine canadienne ;


nombreux sont les auteurs étrangers qui ont trouvé leur chemin vers la création littéraire grâce
à la littérature québécoise et à leur installation au Québec.
Le Québec a été le point de départ de la carrière d’écrivains de différentes nationalités
nommés les « néo-québécois ».
Ce phénomène est le résultat d’une politique d’immigration multiculturelle,une ouverture -
issue de la révolution tranquille- aux différentes ethnies. Les deux littératures, celle de la
migration et la littérature nationale se rencontrent en un lieu qui leur est commun, la langue
française.
En somme le Québec offre cette spécificité de s’ouvrir à l’autre. Cette ouverture a
permis à un grand nombre d’écrivains des différentes diasporas d’embrasser la carrière
d’écrivains, citons parmi eux : Marco Micone(d’origine italienne), Les Haïtiens tel que :
Gérard Etienne et Dany Laferrière, le brésilien Sergio Kokis qui a obtenu trois prix en 1994
pour son Pavillon des miroirs, l’égyptienne Andrée Dahan, auteur de L’exil aux portes du
paradis (1993), pour ne citer que ceux-là.
La littérature québécoise offre ainsi une mosaïque de races, de cultures, et de langues.

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