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L¿ Voie des matques I.

I--a lloie des mau¡ae¡ chapitre x 9i9


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0n méconnait ainsi qu'avant l'ère coloniale et 1es siècles
d'obtenir la richesse, nous croyons avoir établi que, chez
les Kwakiutl, 1es cuivres - ces-richesses,suprêmes - sont
d'a&ion deStruótrice à'diStance que, même dans les régions
les mieux protêgées, le monde occidental a exercée par ses
t" Á¿tupftoté du swaihwé, et que ce doublá jeu rhétorique
ramène'au sens proPre d'où I'on était parti' çrmes pathogènes et ses produits exportés, ces popula-
tions ph¿s nombreuses étaient davantage aussi au coude à
coude. A quelques exceptions près, rien de ce qui se pâs-
I1 serait donc illusoire de s'imaginer> comme tant d'eth-
sait chez l'une n'était ignoré de ses voisines, et les modali-
noloEues et d'historiens de l'art le"font encore aujourd'hui'
tés seion lesqueiles chãcune s'expliquait et se représentait
qrl'ui masq.,e et, de façon plus générale, une sculpture ou
l'univers étaient éiaborées dans un dia.logue ininterrompu et
un tableau, þoisse.tt êue interprétés chacun pour son compte'
véhément.
par ce qu'ili représentent ou-par l'usage eSthédque ou nruel
äuquel on les ãestine. Nous -âvons vu qu'au contrare, un
A ceux qui nous contestent le droit d'interpréter les
ãr"q". n'existe pas en soi ; il suppose, touiours présents à nythes ou les ceuvres d'art d'une population en les compa-
tant aux mythes et aux æuvres d'autres populations, et qui
.es .lôtér, d'autrés masques réeliôu possibles qu'on aurat
úennent pour seule légidme la méthode consiStant à rappot-
nr-, choisir pour les lui súb*ituer' En discutant un problème
tu, disons les mythes d'un groupe à I'organisatìon socia-le, à
tardctrlier,'nous espérons avoir montré qu'un masque n'e$ lavie économique et âux croyances religieuses de celui-ci, on
iar d'rbotd .. q,r1il représente mais cé qu'il ttansforme' Épndra : sansãoute, il faut commencer par 1à, et demander
ããst-a-¿it. choisii de ,ipos représenter. Com99 un m¡he,
d'abord à l'ethnographie du groupe consiãéré tout ce qu'elle
un mâsque nie autant qotil affir*e ; il n'eSt pas fait seulement
croit-dire, mais de ce qu'il exclut' Peut foumir. C'eSt, d'ailleurs, ce que nous n'avons pas cessé
-- ce qú'il dit ou
de
de faire dans nos recherches sur lâ mythologie améiicaine en
Ñ.å eSt-il pas de même Pour toutè æuvre d'art ? En ptenant soin, pour chaque groupe, de nous entourer de toutes
réflé.tri.trot t,ir qo.lq,,et tlpies de masques.de peuplades
Ies informauons de ce t\,pe recueillies pâÍ nous-même et
américaines, norrs äurións alóis posé un problème beâucoup
d'autres sur le terrain, ou äsponibles daris la littérature. Ces
plus vaSte, qui est celui du Style. Des Styles contemporars
'ne ùtnières sont les seules qu'õn puisse utiliser dans Ie cas de
s'ignoreni pas muruellement. Même chez ies peuples dtts
goupes physiquement disÞarus ou dont la culture s'eSt effon-
ndmi"úfs- und certaine familiarité se noue à I'occasion des
drée au cours des ans, vi&imes d'un sort qui ne saurait juSti-
's";r.*:*"i;s de pillage, des cérémonies intetribales, des
6er cet autre crime, cette fois d'ordre scientifique, consiStant
Érariases. des marèhés, des échanges commerclâux occâ-
à faite comme s'ils n'avaient pas exiSté. Seuli mésestiment
rio""Ëfr'ú".iginalité dê chaque stfle n'exclut donc.pas les notre déférence presque maniaque envers les faits ceux dont
emorunts : elle s'exÞlique plutôt par un dêsu consctent ou
toute la culture ethnologique se réduit au groupe qu'ils ont
i".å"i.l"ti, ¿e s'affiit,ät ditret""i de choisir parmi tous les pasonnellement étudié; comme si, aujourd'hui encore, on
oossibles certains que I'art des peuples voisins a ¡efusés
ne travaillait pas de \a fzçon la plus ptofitable et la plus
'C;i;;l *rii stvles qì'i de s"ccèdent' Le $yle
b;, )Õ/ pt;longe"t"i'd.s
le styleîouis XIV, et le style Louis XVI ûeuve sur une littérarure grecque, latine ou hindoue viei-lle
de_plusieurs millénaires, legs dê peuples encore plus irrévo-
orolonse 1è stvieioois ÎV; mais, en même temps, chacun
sienne, il dit cablement disparus que ceux qutn ñous reprocñe d'érudier
ié.rrr."f"rr,r..'D'une façon qu'il veut faire ce
á travers ieurs æuvres et sâns nous rendre parmi eux, ce qui,
que disait dans son langage le Style antérieur, et il dlt aussl
pow les trois quarts des cas sinon même davantage, ne ser-
.ttã.. que celui-ci"n."dit^i, pas et qu'à Ia muette, il l'in-
"1"". vtrait pas ce genre d'enquête, dans i'état de délabrement où
vttzU.t à énoncer.
I'irruprion de la civüsation mécanique les a placés'...
il J", les plus pernicieuses que nous- ait
"od"". et qrri ti.ttt
léguée
La vraie queStion n'eSt pas là. Même dans la meilleure
le fon6tionnalisme, encore tant d'ethnologues
rorr. ro" empire, .st ..1i. de peuplades isolées, fermêes sut
des hlpothèJes celle d'uïe culture encore vivante, avec
-
des croyances et des pradques bien préservées l'étude
elles-mêmesf vivant chacune Pour son comPte ProPre une -,
des corréladons internes entre Ia m¡,thologie ou l'art et tout
expérience parti culière d'ordre èsth é¡ique. mythique ou noeL
I. L¿ l''oie des nasques, chapitre xr 98r
du cuivre, florissante dès le V" millénaire dans la région des
G¡ands Lacs et dont, en conséquence de changements cli-
matiques survenus vers le III'
millénaire, les premiers repré-
sentants auraient émigré vers le nord pour suivre le recul
de la forêt boréale, .i d. ru faone qui formait leur gibier
habiuel.
Par I'intermédiaire d'opérations logiques qui projettent à
distance, transforment ou inversent les représentations, une
histoire à l'échelle des mi-llénaires, qui s'eSt déroulée dans
l'extrême Nord, viendrait donc s'imbdquer avec une autre
plus récente et de périodicité plus courte: celle que, loin
vers le sud, attesteni les migrations salish du continent vers
liÌe, puis de lle vers le continent, ainsi que les conflits et
les aüiances de ces mêmes SaLish avec les Kwakiutl méridio-
naux: déveloÞpements dont les traditions locales préservent
le souvenir,
-brn. ri elìes les transfigurent en éiénements
m,lthiques. Sur une long:eur de près de uois mille kjlo-
roètres, des Struótures idébiogtques se sont échafaudées, res-

Pe&ant toutes les contraintes inhérentes à leu¡ nature men-


tale conformité avec elles, encodent, comme on
et qui, en
drt au¡ourd'hui, les don¡rées du milieu et de l'histoire. Elles
incorporent ces informations à des patadigmes préexiStants,
et elles en engendrent ainsi de nõuveaux sous forme de
$oyances mytfuques, de pratiques rituelles et d'ceuvres plas-
tiques.Sur cette immense étendue, ces croyances, pratìques
et ceuvres restent solidaires les unes des autres quand elles
s'r,nitent, et même, peut-être surtout, quand elles semblent
s'infliger des démeniis. Car, dans l'un ét I'autre cas, elles se
font équilibre par-delà les frontières linguiStiques, culturelles
et politiques ãont toute notre argumentation a prouvê Ia
transparence, à moins que leur fermeture toute relative
n'inStaure une contrainte logique autânt qu'hi$torique, et ne
matque les points où s'opèrent les renversements.
En se voulant solitaiie, I'artiSte se berce d'une illusion
Peùt-être féconde, mais Ie privilège qu'il s'accorde n'a rien
de rée1.
Qgand il croit s'exþrimer-de îaçon spontanêe, fure
æuvre originale, il réplique à d'autres créateurs passés ou pré-
sents, a&uels ou virtuels.
Qg'on le sache ou qu'on l'þore,
on ne chemine jamais seul sur le sentier de la création.

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