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TRACES

n° 25 BELGIQUE - BELGIË
PP
Septembre BRUXELLES X
2017 1/9464

DE MÉMOIRE
PÉDAGOGIE ET TRANSMISSION
CENTRE D’ÉTUDES ET DE DOCUMENTATION
MÉMOIRE D’AUSCHWITZ ASBL
| TRIMESTRIEL N° 25 | JUILLET - AOÛT - SEPTEMBRE 2017
| BUREAU DE DÉPÔT : BRUXELLES X | N° AGRÉGATION P 801056

SOMMAIRE Comment
INTRODUCTION
Une visite préparée du Fort de Breendonk
visiter aujourd’hui
p. 2
un lieu
AVANT-PROPOS
Comment (et pourquoi) visiter un
lieu de Mémoire tel Breendonk ?
de Mémoire
p. 3
avec des
APPROFONDISSEMENT 1
Auffanglager Breendonk 1940-1944
p. 4
jeunes ?
APPROFONDISSEMENT 2
Breendonk après la Seconde Guerre
mondiale
p. 9

CHRONOLOGIE DE BREENDONK
p. 12

PORTFOLIO
p. 14

AUSCHWITZ
Des Juifs de Breendonk an de pouvoir
rendre possible le Transport IX vers Auschwitz
p. 16

INTERROGATION
La vie au quotidien à Breendonk
+ che pédagogique
p. 17

RÉFLEXION 1
Parmi les humbles
p. 20

RÉFLEXION 2
Les facteurs bruxellois de la chambrée 7
p. 22

SAVIEZ-VOUS QUE... 1
...qu’à Breendonk, un prisonnier sur
deux n’a pas survécu à la guerre ?
p. 23

SAVIEZ-VOUS QUE... 2
...23 suspects comparaissent devant le
Conseil de guerre pour répondre des crimes
commis dans le centre de détention SS ?
+ che pédagogique
p. 24

VARIA
p. 26 + couverture

Éditeur responsable
Henri Goldberg
Mémoire d’Auschwitz ASBL
Rue aux Laines, 17 bte 50 - 1000 Bruxelles
varia
En novembre 2016, l’ASBL Mé-
moire d’Auschwitz, organisait un
nouveau projet : une journée con-
sacrée à la musique sous le Troi-

La Musique sous sième Reich.


Lors de cette journée, l'accent
avait été mis sur le caractère artis-

le Troisième Reich tique et patrimonial de cette mu-


sique qui a survécu aux camps
nazis. Dans l’après-midi nous
avions proposé plusieurs témoig-
Thème 2017 : « Une jeunesse perdue » nages audiovisuels de survivants
de l'orchestre d'Auschwitz, la pro-
jection du documentaire récom-
pensé d’un Oscar The Lady of
Number 6 qui mets en scène la
pianiste de Theresienstadt Alice
Herz-Sommer, et des conférences
de M. Herman Van Dormael, con-
servateur honoraire du château
de Gaasbeek et de M. Olivier Op-
debeeck, directeur de la Maîtrise
de Caen. Cette journée a été clô-
turée par un concert de Helios
Azoulay et son Ensemble de Mu-
sique Incidentale. Ils nous ont joué
la musique de leur CD « ...même
à Auschwitz ».
Nous avons décidé de faire de ce
projet un événement annuel dont
nous vous présenterons la deu-
xième édition ce 9 novembre
2017. Le programme comprendra
cette année une lecture artistique
sur la vie de Janusz Korzcak, pré-
sentée par l’actrice Mieke Felix,
suivie d'une performance lmée
de l'opéra Brundibár et d’une
conférence de Mme Naliwajek-
Mazurek autour des enfants et la
musique pendant la Seconde
Guerre mondiale en Pologne.
Nous terminerons la journée par
un concert de chansons pour en-
fants en Yiddish, par un chœur de
25 enfants de Łódź, en Pologne.

9 novembre 2017
14 h - 20 h
Atelier Marcel Hastir
Rue du Commerce 51
1000 Bruxelles

Informations et réservations :
georges.boschloos@auschwitz.be

2 TRACES DE MÉMOIRE
TRACES
DE MÉMOIRE
PÉDAGOGIE ET TRANSMISSION
CENTRE D’ÉTUDES ET DE DOCUMENTATION
MÉMOIRE D’AUSCHWITZ ASBL

NUMÉRO HORS SÉRIE

une visite
préparée du
fort de breendonk
« Il n’y a rien à voir à Breendonk, si on ne sait pas ce qu’il y a à voir. » Sans préparation, sans une
mise en contexte de la visite, une visite du Fort de Breendonk ne peut que manquer ses objectifs,
voire se révéler contreproductive.
Éditeur responsable
Henri Goldberg
Mémoire d’Auschwitz ASBL
Rue aux Laines, 17 Bte 50 - 1000 Bruxelles
introduction

Une visite
préparée du
Fort de Breendonk
La douve qui entoure le fort fut utilisée par les SS pour y noyer des détenus.
Et n’est-ce pas là, au fond, le but
principal ? Éviter que de jeunes ci-
toyens ne se laissent prendre au
piège.
Frédéric Crahay et moi-même
vous souhaitons une visite instruc-
tive au Fort de Breendonk ainsi
qu’une bonne préparation.

Johan Puttemans
Rédacteur en chef
Traduit par Cathérine De Wilde

Le manuel pédagogique

Cette édition hors-série est consti-


tuée de quatre parties :

L’ objectif principal du
bulletin pédagogique
Traces de mémoire est
rences morales, sauront ainsi
mieux prendre la mesure des
crimes commis – lesquels (on l’es-
Partie 1 : Introduction à cette édi-
tion.
Partie 2 : Approfondissement /
Auschwitz : l’histoire générale du
de transmettre les leçons tirées du père pour eux) se heurteront vio- Fort de Breendonk. Ces rubriques
passé pour ne plus voir se repro- lemment à leurs sentiments et leur proposent à l’enseignant(e) une
duire les atrocités de la guerre et confort social – ce qui leur per- documentation supplémentaire
des crimes contre l’humanité. mettra ainsi de devenir des ci- pour la préparation d’une future
L’enseignant en est un maillon in- toyens (plus) responsables. visite au Fort de Breendonk.
Partie 3 : Interrogation / Saviez-
dispensable. Ce rôle revient éga- Tant l’enseignant débutant qu’ex-
vous que… / Réexion en classe :
lement aux musées et mémoriaux périmenté a le droit de se faire as- Ces rubriques peuvent être utili-
que nous pouvons visiter. En orga- sister pour organiser de façon op- sées comme devoir en classe ou à
nisant une visite de classe, l’ensei- timale une visite de classe. Surtout la maison. Celles-ci sont pourvues
gnant trouvera un soutien pré- à une époque où l’organisation d’applications pédagogiques et
cieux grâce au matériel didac- des visites semble se heurter à peuvent être utilisées par l’ensei-
tique mis à disposition. quelques difcultés d’ordre pra- gnant(e) avant de visiter le Fort de
En ma qualité de guide, je recom- tique (Ne faudrait-il pas réduire les Breendonk.
Partie 4 : les varia sont des informa-
mande vivement de ne visiter le coûts ? Peut-on utiliser les trans-
tions utiles qui procurent à l’ensei-
Fort de Breendonk qu’après une ports en commun ? Etc.), alors gnant(e) un soutien pratique lors
préparation pédagogique. Les même que des discours extré- de sa préparation de la visite du
adolescents, notamment ceux mistes se font à nouveau en- Fort de Breendonk.
qui possèdent déjà des réfé- tendre !

2 TRACES DE MÉMOIRE
avant-propos
Dans la salle des urnes se trouvent plus
de 3 500 noms d’anciens détenus du
Auffanglager Breendonk sur les murs.

Pourquoi
(et comment)
visiter un lieu de
Mémoire tel
Breendonk ?

S’il l’on devait résumer l’intérêt de


la visite d’un lieu de mémoire tel

U
que Breendonk, nous pourrions le
ne petite provocation vrent et ne sachant pas le situer résumer ainsi :1
pour commencer : pa- correctement tant dans le temps - La visite d’un lieu de mémoire
raphrasant Annette que dans l’espace. offre une opportunité particulière
Wieviorka s’exprimant à propos Il faut être conscient que le site d’apprentissage, différente de
présenté de nos jours aux visiteurs celle vécue en classe. L’occasion
d’une visite à Auschwitz, on pour-
d’étudier des objets originaux sti-
rait dire : « il n’y a rien à voir à n’est plus le lieu original, même si
mule l’intérêt et permet d’établir
Breendonk, si on ne sait pas ce sa préservation est exception- un lien clair et précis avec le
qu’il y a à voir … » Il nous faut en nelle. Rien ne nous permettra non passé, lien très difcile à repro-
effet insister sur la préparation plus de revivre exactement le duire en classe.
d’une telle visite dans le cadre vécu des anciens détenus. Nul ne - Le lieu de mémoire offre une at-
scolaire. Sans cette préparation, pourra jamais imaginer la terreur mosphère unique, à même de
sans une mise en contexte de la qui envahissait les détenus péné- susciter un désir d’apprentissage
visite, cette dernière ne peut que trant pour la première fois ce lieu et d’évoquer des émotions parti-
manquer ses objectifs, voire se ré- dont très rapidement nul n’igno- culières.
véler contreproductive. Un mini- rera la sinistre réputation ; nul ne - La préparation doit clairement
établir que ce lieu de mémoire
mum de données historiques sont peut s’imaginer réellement le sen-
possède sa propre histoire en tant
à maîtriser avant d’entamer la dé- timent des détenus confrontés
que mémorial et que sa visite
marche consistant à se rendre sur quotidiennement ou presque à la mène donc non seulement à étu-
un lieu de Mémoire tel le mort, la violence aveugle et dier le passé, mais également à se
SS-Auffanglager Breendonk. Ainsi, inique, la torture, le non-espoir de le remémorer et à le commémo-
même si plus de 400 détenus juifs survie. Cependant, la visite per- rer.
ont transité dans le camp, le site met de se rendre compte que - Une visite d’un lieu de mémoire
n’en est pas pour autant lié direc- « c’était vrai », créant ainsi une ex- doit se centrer sur l’histoire de l’en-
tement à la destruction des Juifs périence particulière, forte et droit. Les étudiants pourront en-
d’Europe (la caserne Dossin illustre émotionnelle. suite utiliser ce site comme preuve
historique pour explorer d’autres
parfaitement cette dernière). En-
thèmes. La visite n’est pas seule-
n, une approche rapide du lieu Olivier Van der Wilt
ment l’opportunité de répondre à
apparaît intéressante. Conservateur du Fort de Breendonk
des questions historiques (com-
Cette préparation évitera outre ment et pourquoi ?), mais égale-
de fastidieuses explications in situ 1 Basé sur un travail réalisé par la Task ment un stimulus offrant la possibi-
qui empièteront sur la visite pro- Force for International Cooperation on lité d’aborder d’autres questions
prement dite de se retrouver Holocaust Education . Consultable sur
morales et/ou éthiques, plus tard
https://www.holocaustremem-
avec des étudiants désarçonnés, brance.com/sites/default/les/visi- en classe.
surpris par l’endroit qu’ils décou- ting_holocaust-related_sites-1english.pdf

3
approfondissement 1

Auffanglager
BREENDONK
1940 - 1944
« Je suis resté un an à Breendonk posent les armes. Pendant les mois qui suivent, la population du
et le 6 mai 1944, j'ai été transféré quatre années suivantes, la Bel- camp atteint quelques dizaines
au camp de Buchenwald. Pour gique subit une administration mi- de personnes. Au début, les déte-
moi, ce camp était le paradis par litaire allemande dirigée par le nus appartiennent à deux caté-
rapport à Breendonk. » C'est le dé- général Alexander von Falken- gories : d'une part, les Belges arrê-
tenu politique Lucien Michel qui hausen. Sa tâche principale était tés pour leurs convictions poli-
fait cette déclaration devant un le rétablissement de l'ordre public tiques et d'autre part, des Juifs
tribunal belge en 1945. Michel est pour que le potentiel écono- pour lesquels la cause de la dé-
un des 3 600 détenus au Fort de mique de la région puisse être ex- tention peut être raciale, politique
Breendonk durant la Seconde ploité de façon optimale au prot ou les deux.
Guerre mondiale. Cette forteresse de l'industrie de guerre alle- Quelle que soit la catégorie à la-
militaire, construite entre 1909 et mande. À cette n, l'occupant quelle ils appartiennent, tous les
1914 pour défendre la ville por- fait alors appel aux services de la détenus subissent dès leur arrivée
tuaire d'Anvers a, pendant quatre police militaire, mais également au camp un processus de déshu-
ans, fait fonction de camp de au Sicherheitspolizei-Sicherheits- manisation. Sur le pont de la porte
concentration pour les dissidents dienst (Sipo-SD), un service de po- d'entrée, les SS attendent les nou-
politiques, les résistants et les Juifs. lice civile dépendant des SS et veaux venus pour les bousculer
La faim qui les tenaillait, les tra- spécialisé dans la lutte contre les violemment dans le tunnel cen-
vaux forcés vains, le manque opposants politiques au régime tral. À cet endroit ou sur la place
d'hygiène s'ajoutent aux humilia- nazi. intérieure occidentale, les gar-
tions, aux mauvais traitements et Au cours de l'été 1940, la Sipo-SD diens du camp rassemblent les
aux exécutions. Ceux qui survivent reçoit de l'administration militaire détenus en rangs, le visage tourné
à « l'enfer de Breendonk » en sor- l'autorisation de convertir le Fort vers le mur pendant que les coups
tent marqués à vie. évacué de Breendonk en Auffan- pleuvent. Chaque détenu est ins-
glager (A-Lager), un camp d'ac- crit dans le local administratif où
Aux mains des SS : l'origine du cueil pour les prisonniers politiques on le dépouille de touts ses biens
Auffanglager de Breendonk et les Juifs. Pour l'administrer, le et où on lui attribue un numéro
premier commandant du camp, d'identication. Ensuite, il est con-
Lors de l'invasion allemande du 10 le major des SS, Philipp Schmitt, se duit à l'atelier du tailleur où il
mai 1040, Breendonk servait de fait assister de quatre SS alle- échange ses vêtements civils pour
Quartier général de l'armée mands. Parmi eux, le lieutenant SS un uniforme usé de l'armée belge.
belge. C'est à partir du fort que le Arthur Prauss qui sera responsable Sur la poitrine, au-dessus de la
roi Léopold III informe la popula- de la surveillance journalière et poche gauche, gure son nu-
tion de l'invasion et qu'il dirige les deviendra la terreur des prison- méro d'identication et un insigne
opérations militaires des Forces niers. Pour la surveillance, Schmitt qui indique la catégorie de déte-
belges en tant que commandant peut faire appel à une trentaine nus dont il fait partie. À la n de ce
en chef. Suite à l'avancée rapide de militaires allemands de l'armée processus, le nouvel arrivé est dé-
des troupes allemandes, le 17 mai de terre. possédé de toute dignité hu-
1940, le roi déplace son Quartier Le 20 septembre 1940, les quatre maine, il n'est plus qu'un numéro.
général vers Saint-Denis-Westrem. premiers détenus arrivent à Breen- Les premiers mois, le régime à
Onze jours plus tard, les Belges dé- donk. Dans les semaines et les Breendonk est dur mais suppor-

4 TRACES DE MÉMOIRE
Signes à Breendonk
(Source : Patrick Nefors, 2004, p. 47)
Général : Ruban jaune pour les Juifs / Ruban blanc pour les Aryens / *à certaines periodes

01 Fraudeurs et escrocs
02 Prisonniers politiques
1 10 03 Juifs (qui ne sont pas
soupçonnés d’appartenir à
7 un parti de gauche)
2 04 Traquants d’armes et faux-
monnayeurs
3 05 Anglophiles
06 Anglophiles juifs
07 Résistants*
4 08 Terroristes
09 Terroristes juifs
10 Résistance lors de
l’arrestation, élément
8 11 dangereux, tentatives
5 d’évasion
11 Prisonniers arrêtés lors de
raes collectives* (par
exemple, Russes et
personnes d’origine russe
9 12 en juin et juillet 1941)
6 12 Prisonniers juifs arrêtés lors
de raes collectives* (par
exemple, Russes et
personnes d’origine russe
en juin et juillet 1941)

table. Vers la n de l'année 1940, Un camp pour les résistants et les 300 communistes, des militants
les choses changent : la discipline opposants politiques d'extrême gauche et des exilés
devient plus stricte et les rations russes dont une grande partie est
plus maigres. En outre, la popula- Une nouvelle période s'annonce envoyée à Breendonk.
tion du camp dépasse pour la pour Breendonk lorsque le Au cours des mois qui suivent
première fois la barre des cent 22 juin 1941, l'Allemagne nazie juin 1941, la population du A-La-
détenus. Un mois plus tard, le envahit l'Union soviétique. Simul- ger double et les conditions de vie
17 février, un premier détenu dé- tanément avec le début de l'opé- se détériorent. En juillet de cette
cède. Julius Nathan, un immigrant ration Barbarossa, l'occupant même année, l'occupant enre-
juif un peu plus âgé succombe lance en Belgique l'opération gistre six décès et quatre en août.
aux effets combinés de l'asthme, Sonnewende. Lors d'une action La direction du camp tente de re-
du carcan de la discipline et des de police à grande échelle, les médier au manque de dortoirs en
travaux forcés. Allemands arrêtent plus de construisant deux baraques en

5
APPROFONDISSEMENT 1

bois « les baraques à Juifs » sur la camp pour les opposants poli- tous les chômeurs et les travail-
place intérieure occidentale. tiques et les résistants. Peu à peu, leurs estimés non indispensables
Mais nalement, la déportation les Juifs qui, au début de la partent travailler en Allemagne.
apparaît comme la seule guerre, représentaient une partie Cette mesure frappe presque
solution pour alléger le camp. importante des prisonniers dispa- toutes les familles et suscite l'émoi
Le 22 septembre 1941, un premier raissent du fort. Cette évolution général. De nombreuses per-
convoi de 105 prisonniers poli- est la conséquence de la poli- sonnes prennent le maquis et se
tiques part vers le camp de con- tique antisémite de l'occupant. rallient à la Résistance. En outre,
centration de Neuengamme. Entre octobre 1940 et septembre les aléas de la guerre sont deve-
Breendonk n'est plus la destination 1942, l'administration militaire en nus défavorables aux Allemands
nale de la plupart des détenus, Belgique édicte dix-sept ordon- et attisent encore davantage la
mais devient un arrêt intermé- nances dont le but est d'enregis- résistance contre l'occupant. Ce
diaire dans leur déportation vers trer les Juifs, de les isoler, de les dé- dernier réagit par une répression
le Reich. pouiller de leurs biens et de leur toujours plus sauvage, marquée
Pour faire face à la brusque aug- imposer le travail forcé. Le dernier par la déportation, les exécutions
mentation de la population du pas de la Judenpolitik étant la dé- et les mauvais traitements.
camp et au manque de troupes portation vers un camp d'extermi- Fin 1942, la Sipo-SD installe une
allemandes pour en assumer la nation. Le 22 juillet 1942, la Sipo-SD salle de torture dans l'ancien bun-
garde après l'invasion de l'Union procède à l'arrestation d'environ ker à munitions du fort où l'occu-
soviétique, l'occupant envoie à 120 Juifs, dont plusieurs femmes. pant peut faire subir aux résistants
partir de septembre 1941 des SS En attendant leur déportation, la arrêtés « un interrogatoire mus-
amands à Breendonk. Ils y assu- police les enferme provisoirement clé ». Ofciellement, Breendonk
rent des tâches administratives et à Breendonk. Lorsque l'occupant est le seul endroit en Belgique et
la garde des prisonniers. Les SS a- transforme la caserne Dossin à dans le nord de la France où la
mands les plus tristement célèbres Malines en Judensammellager, la police allemande peut forcer les
sont de loin Richard De Bodt et Sipo-SD commence le transfert détenus à passer aux aveux sous
Fernand Wyss. Tous deux sont su- des prisonniers juifs de Breendonk la torture. L'interrogatoire est
perviseurs des travaux au camp et vers le nouveau camp. Entre le mené par les membres de la
se livrent régulièrement à des vio- 4 août 1942 et le 31 juillet 1944, les Sipo-SD du Quartier général local
lences à issue fatale. En 1946, un convois partent de Dossin vers de la police. La torture est le fait
tribunal militaire belge condamne Auschwitz. des gardiens du A-Lager. Pour
par contumace Richard De Bodt faire parler les prisonniers, la po-
à la peine de mort pour 6 meurtres La radicalisation du régime con- lice utilise des nerfs de bœuf, un
et 4 homicides. Wyss se voit iniger centrationnaire presse-papier pour écraser les
la même peine pour la mort d'au doigts et un appareil improvisé
moins 16 prisonniers et les mauvais La conversion du A-Lager en pour administrer des secousses
traitements inigés à au moins camp pour les résistants est étroi- électriques. Une méthode parti-
167 autres, dont 133 en garderont tement liée aux développements culièrement efcace consiste à
des séquelles toute leur vie. qui se produisent durant l'occupa- menotter le prisonnier dans le dos
Au cours de l'année 1942, Breen- tion de la Belgique. Le 6 octobre et à le hisser ensuite à l'aide d'une
donk devient davantage un 1942, l'occupant ordonne que corde qui passe par une poulie.

6 TRACES DE MÉMOIRE
Davantage d’éxecutions
suivront si la
Résistance ne met pas
Ensuite, les interrogateurs le lais- durant la journée. Après l'appel,
sent retomber sur deux poutres en les prisonniers ont droit au café fin à ses attentats
bois de forme pyramidale. qui, vu la durée de l'inspection, est
L'interrogatoire dans le bunker est souvent déjà froid. Vers neuf 27 novembre 1942, huit prisonniers
généralement précédé d'un sé- heures, au moment où les autres sont amenés devant le peloton
jour dans une cellule d'isolement prisonniers sont déjà au travail au d'exécution. Ces otages paient
pour une durée qui peut aller d'un chantier, les SS les sortent de leur de leur vie une série d'actes de
seul jour à plusieurs mois. Depuis cellule. Le gardien les amène la violence non élucidés commis
1942, les cellules d'isolement se tête couverte d'une cagoule contre des collaborateurs. L'an-
trouvent dans deux chambres bleue vers les toilettes pour y vider nonce de leur exécution est pu-
converties en blocs cellulaires. leur pot de chambre (Kübel). bliée par tous les journaux comme
Chaque cellule héberge un dé- Comme celui-ci n'est vidé que le un avertissement : davantage
tenu pour lequel l'enquête est en- matin, une puanteur écœurante d'exécutions suivront si la Résis-
core en cours. En séparant stricte- règne dans toutes les cellules. tance ne met pas n à ses atten-
ment les détenus, l'occupant veut Après la visite aux toilettes, les dé- tats. Néanmoins, la première exé-
éviter qu'ils ne puissent se concer- tenus passent devant les lavabos cution n'a pas l'effet escompté.
ter. Contrairement aux cham- où ils peuvent se rafraîchir rapide- Entre novembre 1942 et août
brées des travailleurs, les cellules ment le visage et le torse. À midi 1944, 305 otages sont fusillés en
hébergent également des et le soir, les SS procèdent à un Belgique, dont plus de la moitié à
femmes qui ne sont amenées à nouvel appel des détenus suivi Breendonk. Pendant toute l'Oc-
Breendonk que pour la durée de d'un maigre repas. De même que cupation, plus de prisonniers per-
l'enquête. pour les prisonniers des cham- dront la vie devant un peloton
La vie dans les cellules est rude : brées réservées aux travailleurs, le d'exécution qu'à cause des priva-
tout est calculé pour briser les pri- déjeuner est constitué d'une tions ou des mauvais traitements.
sonniers dans l'espoir qu'ils avoue- maigre soupe et le repas du soir Au printemps 1943, un échafaud
ront plus rapidement. Le mobilier de café et de pain. La journée se en bois avec trois gibets est cons-
d'une cellule d'isolement se com- termine vers vingt heures. Mais il truit à côté des poteaux d'exécu-
pose d'une planche en bois qui n'est toujours pas question de se tion. Les premiers résistants seront
sert de lit et une boîte de con- reposer. Des SS ivres ou les cris de pendus la même année, car con-
serve qui sert de pot de chambre. douleur de la salle de torture inter- trairement aux otages, les parti-
Bien que les détenus soient rompent régulièrement le repos sans Maurice Raskin, Arnaud Frai-
exemptés du travail, leur journée nocturne. En outre, chaque cel- teur et André Bertulot ont parti-
se déroule selon un schéma strict. lule est équipée d'un interrupteur cipé à une série d'attentats en
Entre cinq heures et demie et six pour allumer la lumière ce qui per- tant qu'auteurs. Entre mai 1943 et
heures, le gardien les réveille pen- met aux SS de priver le détenu du avril 1944, l'occupant procède à
dant qu'un SS fait l'appel et passe sens de la journée ou de la nuit. la pendaison de 23 « terroristes ».
à l'inspection des cellules. À l'aide Suite aux violences accrues Tous condamnés à mort par un tri-
d'une barre de fer, un gardien ra- contre les militaires allemands ou bunal militaire pour des actes de
bat les lits de l'extérieur vers le mur contre les collaborateurs locaux, violence politiquement motivés
si bien que les détenus ne peu- l'occupant aménage un terrain contre l'armée allemande ou ses
vent plus s'asseoir ou se coucher d'exécution à l'arrière du fort. Le collaborateurs.

7
APPROFONDISSEMENT 1

C’est en 1947
que fut apposée une plaque
commémorative qui évoque
les milliers de victimes du
régime nazi à Breendonk.

L'évacuation du camp

Au printemps de 1944, sous la me- inoccupé. Il ne reste que allemand à Anvers des suites des
nace du débarquement allié, les quelques traces des horreurs qui mauvais traitements, des priva-
Allemands commencent à éva- se sont déroulées pendant quatre tions, de la maladie ou d'un sui-
cuer les installations pénitentiaires ans dans cet enfer. Quelque cide. Au cours de toute la guerre,
belges. En effet, ils craignent que temps avant leur fuite vers la fron- à peine la moitié des presque
les résistants enfermés en Belgique tière allemande, les gardiens du 3 600 prisonniers identiés de
ne reprennent les armes à la Libé- camp ont, non seulement, dé- Breendonk a survécu à la capti-
ration. Le 6 mai 1944, une pre- mantelé la place d'exécution et vité.
mière évacuation a lieu à Breen- la salle de torture, mais ont égale-
donk. Des 967 prisonniers poli- ment mis le feu à la quasi-totalité
tiques que les SS vont déporter à des archives du camp.
Buchenwald, 638 viennent du Le 30 août 1944, les SS déportent Dimitri Roden
Auffanglager. Comme l'invasion nalement les derniers prisonniers Traduit par Cathérine De Wilde
se fait attendre, après la première vers les camps dans le Reich :
évacuation, les SS y enferment en- 146 déportés vont à Neuen-
core de nouveaux prisonniers. Le gamme, 131 autres passent par Dimitri Roden (Lic. histoire KULeu-
10 juin 1944, quatre jours après le Vught pour aboutir à Sachsen- ven, 2004) est docteur en histoire
débarquement des Alliés en Nor- hausen. (UGent) et en sciences sociales et
militaires (Ecole royale militaire,
mandie, l'occupant transfère en- Mais si la Belgique est libérée
Bruxelles). Pour sa thèse In naam
viron soixante prisonniers de presque totalement en sep- van het Duitse volk! Het Duitse
Breendonk au pénitencier de tembre 1944, les déportés eux, de- krijgsgerecht en de openbare orde
Saint-Gilles d'où ils sont ensuite dé- vront encore attendre le prin- in bezet België (1940-1944) [Au
portés vers Buchenwald par les SS. temps de 1945. Pour bon nombre nom du peuple allemand! Le droit
Ce même camp de concentra- d'entre eux, la libération arrive militaire allemand et l'ordre public
tion est également la destination trop tard : plus de 1 200 prisonniers en Belgique occupée (1940-1944)]
du convoi qui quitte la Belgique le de Breendonk décèdent après il obtint en 2016 le « Prix Fondation
Auschwitz ». Depuis 2005 il est lié
8 août. À bord de ce train, se trou- leur déportation dans les camps
aux Mémorial national du Fort de
vent encore 65 déportés du allemands. Breendonk a coûté la Breendonk. Il travaille actuellement
A-Lager. vie à 301 prisonniers : 207 nissent en tant que chercheur postdoctoral
Lorsque les chars britanniques li- leurs jours sur la place d'exécu- attaché à la chaire professorale de
bèrent Willebroek le 4 septembre tion, 94 autres succombent dans droit à l'Ecole royale militaire.
1944, le Fort de Breendonk est le A-Lager ou à l'hôpital militaire

8 TRACES DE MÉMOIRE
APPROFONDISSEMENT 2

BREENDONK
Après la Seconde
Guerre mondiale

Les derniers soldats allemands la population belge, avec la Résis- secteur « Petit-Brabant » est sous
quittent le Fort de Breendonk à tance, est à l'avant-garde de l'ar- le commandement du sous-lieu-
l'aube du 4 septembre 1944 et, restation des citoyens suspects, tenant de réserve Maurice Ma-
peu de temps après, les premiers entraînant ainsi de nombreux in- riotte. Le commandant est le lieu-
riverains pénètrent dans le bâti- ternements illégaux. On retrouve tenant Baron Léopold De Mees-
ment qu'ils commencent à piller. cette répression d'État dans tous ter. L'adjudant Frans Brabants, du
Leurs allées et venues incessantes les pays libérés, elle sert d'exutoire Mouvement national belge,
sont remarquées par des tanks bri- aux sentiments de colère et de exerce la fonction de 1er chef.
tanniques, qui libéreront rapide- frustration qui continuent à bouillir Accompagné de membres de
ment dans la matinée le port au sein de la population après l'Armée secrète, il va cueillir des
d'Anvers en empruntant un dé- quatre années d'une occupation suspects à leur domicile, entre
tour sécurisé à travers Willebroek. longue et éprouvante. Ces arres- autres à Willebroek, Breendonk et
tations s'accompagnent donc Londerzeel, pour ensuite les em-
Une prison, à nouveau aussi souvent de violences et de mener au fort. Il déclarera plus
sévices. En Belgique, la répression tard que « les inciviques se rappel-
Dès ce jour, le Fort de Breendonk d'État conduira à la mort de di- leront longtemps leur séjour au
sert à nouveau de centre péniten- zaines de personnes, un chiffre fort » et que, grâce à leur action,
tiaire. Des prisonniers de guerre al- peu élevé en comparaison de la « de nombreux inciviques incon-
lemands y sont emprisonnés mo- France. Au total, entre 50 000 et nus ont été appréhendés. » Sa
mentanément, avant d'être trans- 70 000 individus atterriront en pri- femme, arrêtée et déportée par
férés quelques jours plus tard dans son ou dans des bâtiments affec- l'occupant allemand en raison
des camps spéciaux installés au- tés à cet effet. des activités de résistance de la
tour de Bruxelles. Parallèlement, la Quelque 750 collaborateurs des famille, est morte dans un camp
police, la gendarmerie et les mou- environs immédiats de Willebroek de concentration.
vements de résistance y enfer- sont amenés dans le fort à partir Ces résistants mettent en place
ment les premiers suspects de col- du 4 septembre. La direction et la de nombreuses pratiques inad-
laboration avec l'occupant. surveillance sont entièrement missibles, dont les détenus seront
Qu'elles soient fondées ou non, entre les mains de la Résistance. souvent et plus d'une fois victimes.
ces suspicions sont à la base de L'Armée secrète utilise le fort Il est à nouveau question de vio-
leur internement administratif ou comme base arrière locale, bap- lences, de travaux forcés, d'exer-
de détentions provisoires sans tisée « le refuge de Breendonk », cices punitifs et de faim. Le
mandat d'arrêt, lancées par le les partisans armés se chargeant 5 octobre, Maurice Mariotte af-
gouvernement Pierlot depuis son principalement de la surveillance rme à l'inspecteur des camps
exil à Londres pour protéger les ar- extérieure. d'internement que la maltrai-
mées alliées et favoriser l'ordre pu- La semaine du 12 septembre, tance des internés est inévitable,
blic dans le pays. 25 gardiens se présentent pour car les surveillants proviennent
Le chaos généré par la rapidité leur prêter main-forte sur ordre du des communes environnantes et
de la Libération, ainsi que le ministre de la Justice, mais ils se re- savent ce qu'il s'est passé ici pen-
manque d'effectifs et d'arme- tireront tous après une dispute dant l'Occupation. En outre, pour-
ment au sein de la police et de la entre des membres de la Résis- suit-il, beaucoup de prisonniers ar-
gendarmerie expliquent pourquoi tance et leur chef. Dans le fort, le rivent dans un piteux état en rai-

9
APPROFONDISSEMENT 2

son des mauvais traitements subis site et les prisonniers sont transfé- Des paquets alimentaires et de
lors de leur arrestation. rés à la caserne Dossin de Malines, vêtements sont envoyés de Liège
Le personnage le plus célèbre sur contrôlée par l'administration pé- tous les quinze jours. Les prisonniers
la scène du Fort de Breendonk, de nitentiaire. Lors d'une réunion du qui n'en reçoivent pas se voient
triste mémoire, est Jeanne Conseil des ministres restreint, te- remettre une livre de carottes à la
Hoekmans, originaire de Molen- nue plus tard en octobre, le mi- place. Pendant ce temps-là, trois
beek-Saint-Jean. nistre de la Justice, Maurice Ver- substituts de l'auditorat militaire
« Tante Jeanne », de son surnom, baet, citera le Fort de Breendonk de Liège se rendent au fort pour
porte le voile bleu de la Croix- parmi les centres d'internement traiter les dossiers de « leurs » déte-
Rouge belge et une gabardine sous le contrôle de la Résistance nus.
de la même couleur affublée de qui furent le théâtre de graves sé-
trois étoiles de capitaine sur le re- vices. Les 113 femmes partent le
vers. Elle se rend à diverses reprises 8 janvier 1945 pour Malines. À par-
au fort avec sa suite de résistants Un centre d'internement tir de février, de plus en plus
pour humilier et brutaliser des dé- d'hommes retournent à Saint-Léo-
tenus. Photographiée et lmée Le 31 décembre 1944, le ministère nard. Le nombre d'incarcérations
par plusieurs personnes, son ac- de la Justice reprend le contrôle continue toutefois de varier. Par
tion la plus connue sera de raser du Fort de Breendonk et le réamé- exemple, le 23 juin 1945, le contin-
le crâne d'une femme d'Hingene, nage en centre d'internement, gent de prisonniers écroués dans
puis de lui peindre une croix gam- car l'offensive allemande en cours le fort explose pour passer de
mée sur le front, la poitrine, le dans les Ardennes entraîne un dé- 323 à 624. Plus de 300 détenus ar-
ventre et les cuisses devant une placement de détenus pour évi- rivent temporairement du centre
foule déchaînée dans la cour in- ter que les Liégeois suspectés et d'internement de Hemiksem, ra-
térieure du fort. Pour terminer, et arrêtés ne tombent entre les vagé par un grand incendie. La
l'effrayer encore plus, « Tante mains des nazis. L'administration plupart d'entre eux y retourneront
Jeanne » ordonne à deux autres pénitentiaire du ministère de la à la mi-décembre 1945 et, jusqu'à
prisonniers de la coucher dans un Justice transfère donc 538 per- la n du mois de mars 1946, il ne
vieux cercueil, qui est ensuite re- sonnes arrêtées et 300 suspects reste plus qu'une petite centaine
fermé à moitié. de la prison Saint-Léonard vers le de prisonniers. Le 15 avril 1946, la
Les sévices couramment subis par fort vide de Breendonk. Ils sont caserne Dossin ferme ses portes
les détenus ternissent eux aussi le transportés dans des wagons à en tant que centre d'internement
nom du Fort de Breendonk dans la bestiaux, sans aération, jusqu'à la et Breendonk reprend dès la n
période d'après-guerre. L'auditeur gare de Willebroek. Beaucoup du mois de mars une grande par-
général Walter Ganshof van der prendront la poudre d'escam- tie de ses détenus (plus de 200).
Meersch demande le 11 octobre pette en chemin. Finalement, un À la mi-janvier 1947, le site est af-
une intervention urgente contre groupe de gendarmes, de mili- franchi de son rôle de centre
les excès auxquels s'adonnent les taires et de gardiens de prison lié- d'internement et, le 18 janvier
gardiens. Le même jour, les Alliés geois accompagne les quelque 1947, les 37 derniers prisonniers
exigent de prendre possession du 750 détenus restants jusqu'au fort. sont transférés à Hemiksem.

10 TRACES DE MÉMOIRE
comme s'ils s'étaient trouvés au
sommet des dunes de nos
plages. »
La création d'un Mémorial natio-
nal n'est pas le fruit du hasard.
Le Fort de Breendonk s'était vu
allouer un rôle de lieu du souvenir
dès la Libération. Le premier
pèlerinage se déroule le
24 septembre 1944. Des soldats
britanniques viennent le visiter, à
la demande du commandement
de l'armée, pour se rendre
compte des atrocités qui y ont été
commises et de quoi les SS étaient
capables. Les mauvais traite-
ments inigés aux détenus de
Breendonk les incitent à se
plaindre auprès du ministre de la
Justice. Même après la reddition
de l'Allemagne nazie en mai 1945,
Lawrence Van Haecke est his- la RAF continuera à envoyer un
torien (UGent) et archiviste maximum de troupes visiter le Fort
Des gens soupçonnés de de Breendonk, accompagnées
(VUB). En 2014, il a défendu collaboration sont emmenés
avec succès son doctorat sur la vers la cour intérieure occidentale d'un guide. La population belge
du Fort de Breendonk. aussi montre un vif intérêt pour ce
répression de la collaboration
(Ugent) lieu tristement célèbre, ce dont
témoignent les indications du
« Register van Uitschrijvingen » du
Le Mémorial national du Fort de fortement contrarié lors d'une cé- centre d'internement, où sont
Breendonk rémonie commémorative de dé- consignés, à partir du mois de
couvrir une énorme foule impa- mars 1946, les jours auxquels des
Le 2 juillet 1946, le parlementaire tiente et nerveuse se pressant groupes s'y rendent et le nombre
Gaston Hoyaux (BSP) dépose une pour pénétrer dans la place, non de personnes qui les composent.
proposition de loi créant le Mémo- pour les commémorations, mais
rial national du Fort de Breendonk, pour voir et insulter les détenus et
sa principale motivation étant de les condamnés. Il écrit entre
préserver le caractère de lieu du autres : « Des enfants couraient sur Lawrence Van Haecke
souvenir de l'endroit. Il avait été les glacis du Fort de Breendonk, Traduit par Ludovic Pierard

11
CHRONOLOGIe DE breendonk

A Ancien corps de garde 25 D’abord latrines, puis atelier des 38 Douches (à partir de l’été 1941)
F Entrée du fort tailleurs et magasin 39 WC de la Wehrmacht
1-7 Chambrées des détenus d’habillement et plus tard stocks 40-41 Corridor avec lavabos
8-9 Cellules d’isolement (à partir de 26 Cellules obscures 42 Local des cercueils
1941-1942) 27 Bureau 43 Chambre de torture (« bunker »)
10-12 Chambrées des détenus 28 Bureau du SS Prauss (après 1941) 44 Terrain d’exécutions
13-14 Revier (inrmerie, 1941 – n 1943) 29 Interrogatoire des arrivants 45-47 Chantier
15-18 « Baraques des Juifs » (après 1941) 46 Clapier
19 Nouveaux sanitaires 30 Bureau du SS Schmitt (après 48 Bureaux pour premiers
20 Bureau des SS (1940-1941) 1941) interrogatoires par la Gestapo
ensuite imprimerie 31 Bureau du SS Müller (après 1941) 49 Locaux de la Wehrmacht
21 Cantine, utilisée aussi comme 32 Forge 50 Baraquements avec atelier des
salle de tribunal 33 Remise à outils tailleurs et magasin
22-23 Salles de provisions 34 Menuiserie d’habillement
24 Douches (1940 – été 1941), 35-36 Écurie et étable 51 Place d’appel
ensuite cuisine 37 Porcherie 52 Revier (inrmerie, début 1944)

Avant 1940
- Juin 1906 : loi concernant la création de la seconde ceinture fortiée d’Anvers (« Réduit national ») dont Willebroek
(Breendonk) est le fort le plus méridional
- 1907 à 1909 : construction du Fort de Breendonk
- 4 août 1914 : début de la Première Guerre mondiale
- 8 octobre 1914 : après de sévères bombardements, le Fort de Breendonk capitule

1940
- 9 au 18 mai : le Fort de Breendonk est utilisé comme Haut-Quartier Général de l’Armée belge. Le Roi Léopold III et son
état-major y tiennent leurs réunions
- 10 mai : l’Allemagne nazie attaque la Belgique
- 28 mai : la Belgique capitule. Elle est placée sous administration militaire allemande
- Fin juin : la Sipo-SD (la police idéologique de la SS) s’installe en Belgique
- Septembre : le major de la SS Philipp Schmitt est nommé commandant du camp de l’Auffanglager Breendonk
- 20 septembre : les premiers détenus y sont enfermés
- Octobre : arrivée du SS Prauss à Breendonk

1941
- Février : première évasion à Breendonk
- 17 février : Julius Nathan est le premier détenu du camp qui meurt suite au régime sévère
- Février : les chambrées 13 et 14 sont installées et servent d’hôpital
- Juin : construction des « Baraquements juifs »
- Été : la chambrée 8 reçoit quelques cellules pour y emprisonner des « Arrestanten »
- 4 juillet : premier détenu tué par un gardien allemand
- Septembre : premiers gardiens SS amands, parmi eux Fernand Wyss
- 22 septembre : première déportation directe de détenus (direction Neuengamme)

1942
- Été : l’ancien magasin à poudre est transformé en salle de torture
- 4 août : la Caserne Dossin à Malines commence les déportations
- Septembre : arrivée du SS Kantschuster (homme cruel)
- Août : arrivée du SS amand Richard De Bodt
- Novembre : Wyss tue son premier détenu
- Mi-octobre : premier « interrogatoire poussé » (torture)
- 27 novembre : première exécution de détenus par peloton d’exécution en représailles

1943
- 10 mai : première pendaison (après un faux procès)
- Septembre : Foyer Léopold III (distribution de colis alimentaires)
- Novembre : Schmitt est remplacé par Schönwetter

12 TRACES DE MÉMOIRE
CHRONOLOGIe DE breendonk

46

50

52 39

48
49 49

Source : Nefors, p. 374 (complété par Johan Puttemans)

1944
- 6 mai : évacuation de la plupart des détenus concentrationnaires de Breendonk vers Buchenwald (ceci est une
première déportation, presque générale, de l’Auffanglager Breendonk)
- 30 août au 1 septembre :
évacuation dénitive des détenus vers l’Allemagne-nazie
- 2 septembre : l’Auffanglager Breendonk est évacué
- 4 septembre au 11 octobre :
« Breendonk II »
- 24 septembre : premier pèlerinage au Fort de Breendonk
- 31 décembre : ouverture du centre d’internement de Breendonk (une prison qui dépend de l’État belge)

Après 1945
- Juin 1946 : proposition de loi par Gaston Hoyaux visant à la création du Mémorial
- 17 janvier 1947 : le dernier prisonnier quitte le centre d’internement de Breendonk
- Juin 1947 : fermeture ofcielle de la prison à Breendonk
- 19 août 1947 : approbation du parlement de la proposition de loi au sujet de la création du Mémorial national du Fort
de Breendonk
Johan Puttemans
Coordinateur pédagogique
ASBL Mémoire d’Auschwitz

13
portfolio

Bien que la douche fût assez rare,


elle pouvait signifier une véritable
torture pour de nombreux détenus.

Vue sur la cour intérieure À leur arrivée, les personnes


occidentale où l’on plaçait étaient conduites par l’entrée
les gens lors de leur arrivée. principale pour être enfermées
dans l’Auffanglager Breendonk.
Dans la salle des urnes se trouvent 15 urnes
contenant des cendres venues de différents
camps de concentration et centres d’extermination.
C’est un lieu de contemplation et de respect.

Des membres du
maquis de Senzeilles furent
condamnés à mort dans le
« Casino » début 1944. Le plus
jeune n’avait que 19 ans.

14 TRACES DE MÉMOIRE
portfolio

Plus de cent détenus furent


exécutés à Breendonk en guise de
représailles pour des actes de
résistance en Belgique.

Après un faux procès, les condamnés à mort


Les personnes arrêtées n’étaient furent pendus sur la place des exécutions.
pas mises dans des chambrées
normales, mais dans des cellules
d’isolation.
Les chambrées donnaient sur un couloir, qui était
également un lieu épouvantable pour les détenus.

Les poteaux d’exécutions


placés symboliquement,
rappellent le sort funeste
des personnes fusillées.

15
auschwitz

Des Juifs de Breendonk


afin de pouvoir rendre
possible le Transport IX vers
Auschwitz
L e 12 septembre 1942, le
« Transport IX » quittait
le Sammellager für
Jüden de Malines à destination
d’Auschwitz, emportant avec lui
1 000 déportés Juifs (498 hommes
et 502 femmes). Parmi ces der-
niers, 716 Juifs arrêtés durant la
troisième grande rae anversoise,
228 lors d’actions isolées et 56 qui
furent livrés par le Fort de Breen-
donk. Ces derniers furent transfé-
rés par le SS-Sturmbannführer
Philipp Schmitt qui, à cette
époque, commandait les deux
camps (Breendonk et Dossin), an
de pouvoir atteindre le chiffre de
1 000 déportés, ce qui permettait
le départ du convoi. On mesure
ici la valeur d’une vie de détenu
juif pour les SS : obtenir le compte
exact an d’accélérer le départ !

En route, le convoi fera une halte


à Kosel où les plus valides durent
descendre du train et furent af-
fectés au travail obligatoire à
Blechhammer où se trouvait un
camp de travail pour Juifs
Alter Szurek, d’origine polonaise, arrive en Belgique
(Zwangsarbeitslager für Juden -
en août 1939 après avoir fui les persécutions par les
nazis. ZAL). Seuls une femme (Chuma
Arrêté, il est amené à Breendonk, avant d’être Gus, n° 218) et 29 hommes de ce
transféré à la Caserne Dossin. Le 5 septembre 1942, convoi survécurent ; parmi ces
il y est inscrit sur la liste du Transport IX. Il est déporté derniers, Henri Kichka (n° 605).
le 12 à Auschwitz-Birkenau.
Alter Szurek, chirurgien-dentiste de 43 ans, n’a pas Source : Dossiers ARA-VP
résisté plus de trois jours aux conditions extrêmes de
survie à Auschwitz.
Nos remerciements au Dr Laurence Schram Olivier Van der Wilt
Conservateur du Fort van Breendonk

16 TRACES DE MÉMOIRE
INTERrOGATION

La vie au
quotidien
à
Dans le couloir se trouvaient les lavabos où les détenus pouvaient se laver de façon primitive.
Breendonk

A près son inscription, le


détenu est affecté à
une des quatorze
emploi de temps
Paul M.G. Lévy (1910 – 2002) a été 14 h 45 Présentation au lieute-
casemates, des pièces de 12 m incarcéré de novembre 1940 à nant et au major
sur 5,5 m permettant d’accueillir novembre 1941 en tant que 14 h 55 Délé et retour à la cham-
au maximum 48 personnes. Le Häftling n° 19. Ci-dessous, l’horaire brée
mobilier se compose de huit lits journalière lors de l’été 1941 com- 15 h 00 Lavage des mains
triples superposés, d’une série de ment Paul Lévy l’ait vécu. 15 h 05 Appel dans les cham-
tabourets et de tables, de brées
quelques armoires murales, d’un Heure Activité 15 h10 Repas, vaisselle
poêle et de deux seaux à char- 15 h 30 Reprise du travail pour les
bon servant de pots de chambre 04 h 00 Lever équipes de l’après-midi
improvisés (Kübel). Les prisonniers 04 h 05 S’habiller, se laver (tailleurs, cordonniers, cui-
n’entrent dans cette pièce que 04 h 10 Vider les seaux de nuit et siniers, punis, chargés de
pour manger ou dormir, passant WC collectif corvée)
le reste de leur temps aux travaux 04 h 20 Bettenbau (faire son lit) 15 h 45 Nettoyage des cham-
forcés. Les SS font déblayer par les 04 h 30 Appel dans le couloir et brées
détenus, à l’aide de pelles, de nettoyage des cham- 18 h 00 Appel du soir
pioches, de brouettes et de brées 18 h 30 Essen holen (aller cher-
bennes basculantes, les quelque 04 h 50 Essen holen (aller checher cher à manger)
250 000 m³ de terre qui recouvrent à manger) 18 h 45 Café
les structures du fort. Six jours sur 05 h 00 Appel dans la chambrée 19 h 30 WC collectif
sept, huit heures par jour, ils effec- 05 h 05 Petit déjeuner ou toilette 19 h 55 Appel dans la chambrée
tuent des travaux lourds et totale- 05 h 25 Sortie de la chambrée 20 h 00 Coucher
ment inutiles, dont l’unique but est 05 h 30 Gymnastique (Source : Nefors, P. ; p. 53)
de les briser et pendant lesquels ils 05 h 50 Rassemblement et appel
sont livrés aux caprices de leurs par chambrée travail
gardiens. Un petit groupe de pri- 05 h 55 Arrivée du lieutenant, pré-
sonniers en sont dispensés. Les sentation Témoignage d’Edgard Marbaix
« privilégiés » travaillent dans le 06 h 00 Répartition du travail, dis- Citations du livre de Marbaix :
camp comme tailleur, forgeron, tribution des outils, départ « Breendonck-la-Mort »
menuisier ou porcher. Contraire- par équipes au chantier
ment aux équipes d’ouvriers, ils ef- 14 h 00 Fin du travail À l’époque de notre emprisonne-
fectuent leurs tâches à l’intérieur 14 h 10 Nettoyage des outils et ment (avril 1943) les travaux con-
et ne sont généralement pas sous des vêtements sistaient à rectier les berges du
le contrôle permanent des gar- 14 h 20 Rassemblement canal au moyen de sable em-
diens. 14 h 30 Appel prunté au revêtement des cou-

17
INTERROGATION

Dans les chambrées, prévues à l’origine pour 12 soldats belges, les nazis entassaient 48 détenus.

poles et aux talus surélevés des NOURRITURE cuillerées de marmelade à


champs de tir. étendre sur le pain sec. Ou bien
Les débris de béton et de pierre Selon la Commission pour les encore, au commencement de
arrachés des coupoles désaffec- crimes de guerre, la ration au chaque mois, une once de
tées servaient d’assise et de con- cours de la dernière année d’oc- graisse ou de margarine. Mais
solidation aux talus des berges. cupation se compose ainsi : c’était la grande faveur, et, lors-
Enn, l’espace ouest compris Le matin : café ; que la population du camp gon-
entre les bâtiments et le canal de À Midi : soupe assez épaisse ; ait démesurément, faute de
ceinture était transformé en ter- Le soir : 400 à 500 g de pain, 25 g pouvoir donner sa ration chacun,
rain de culture. de beurre (ce qui est difcile à on n’en distribuait pas du tout.
Dès lors, les détenus étaient répar- croire, car c’était une denrée rare Peu de temps avant mon arrivée
tis en plusieurs équipes : déblaie- en Belgique occupée), 25 g de au camp, on avait brusquement
ment des terres, construction des fromage et 5 morceaux de sucre. cessé la livraison des colis de six ki-
berges, transport des terres, bê- Source : Nefors, P. ; p. 73 los de vivre que les familles des
chage du sol, déblaiement et détenus avaient été autorisées à
transport des pierres. En outre, une Témoignage de Frans Fischer envoyer tous les quinze jours aux
équipe spéciale d’Israélites était Citations du livre de Fischer : prisonniers de Breendonck, traités
chargée des corvées les plus « L’enfer de Breendonck » pareillement à ceux détenus dans
dures et les plus repoussantes. les maisons d’arrêt ou autres lieux
(p. 15) Le camp de la famine. de captivité. (p. 83 – 84)
(…) [les] aliments distribués Il nous arriva plus d’une fois, pour
Il s’agit maintenant de déplacer chaque jour à ces forçats : calmer nos crampes d’estomac,
les rails du Decauville pour les rap- Deux demi-tartines de pain de sol- de nous étendre le ventre par
procher du talus à déblayer. Nous dat, de l’épaisseur d’un pouce, terre et de manger de l’herbe,
sommes quatre pour 5 mètres de l’une à l’aube, l’autre le soir, ce comme ruminants sur un pré. Mais
rails, soit environ 125 kg. Ce ne se- qui pouvait bien représenter une gare à qui était surpris par les sen-
rait rien si le poids en était unifor- ration de cent grammes ; une tinelles en cette posture de bête
mément réparti entre les quatre double assiettée de soupe, repré- herbivore ! Il se trouvait mis en
porteurs ; mais comme il n’en est sentant dans son mélange toute joue, noté comme « Grünfresser »
rien, les plus grands supportent notre ration de pommes de terre, (mangeur de vert) et dénoncé au
toute la charge, et cela devient de grain, de légumes et, paraît-il, Lieutenant. (p. 85)
très pénible à certains moments, de viande hachée. Et c’était tout,
notamment quand il y a lieu de absolument tout. Dimitri Roden
grimper un talus ou de franchir Il arrivait bien qu’une fois par se- Johan Puttemans
une tranchée. (p. 30) maine on distribuât aussi quelques Traduit par Ludovic Pierard

18 TRACES DE MÉMOIRE
APPLICATION
Devoir en classe (individuel ou en groupe) ou à la maison
PÉDAGOGIQUE

N o M
cLASse
Vous trouverez chaque trimestre dans votre TRACES DE MÉMOIRE une application pédagogique avec une fiche didactique à utiliser en classe ou à conserver

Rends-toi sur le site www.getuigen.be/Fr/Fr-fr/index.htm et clique sur « Breendonk ». Dans la colonne


de gauche, tu trouveras plusieurs témoignages dans les langues nationales.

Devoir : choisis un témoin dans la liste et cherche dans son témoignage comment il/elle à vécu
le travail forcé et/ou la faim.

- rédige un petit résumé (éventuellement en quelques points)

- présente individuellement le témoignage aux autres élèves (ou désigne quelqu’un


dans ton groupe)

Pour t’aider, tu peux utiliser le témoignage de Victor Trido. Il a écrit en 1944 le livre « Breendonk. Le camp du silence, de la
mort et du crime. » Dans le chapitre 7 (Heil pour l’Oberleutenant), il décrit son expérience du travail forcé et dans le
chapitre 13 (La faim) il parle de la famine.

Remarques de l’enseignant/e
TRACES DE MÉMOIRE
est une publication
trimestrielle de
l’ASBL Mémoire d’Auschwitz

www.auschwitz.be

FICHE PÉDAGOGIQUE N° 5 - TRACES DE MÉMOIRE édition spéciale « Visiter le Fort de Breendonk »


rÉFLEXION 1

Parmi les
humbles
La vie concentrationaire tragique
d’Israël Neumann à Breendonk
« Er sieht aus wie ein Affe » (Il ressemble à un singe).
C’est avec ces mots que le SS Prauss décrivit le détenu Israël Neumann.

« Il se trouvait parmi le lot nom-


breux de nouveaux arrivants arrê-
tés, au hasard d'une rae, à An-
vers. Il n'était pas plus haut que
ça ; c'était un nain. Il était si
humble, si timide, si prévenant, si
inoffensif, si effacé. Il avait de
bons yeux doux et tristes. (…) Neu-
mann était un sans-famille.
Jusque-là, il avait passé ses nuits
tantôt sur le banc d'un square pu-
blic, tantôt dans la salle d'attente
d'une gare, tantôt dans quelque
abri de fortune. Les habitués des
terrasses de café le connaissaient
; il leur égrenait des refrains naïfs et
pour quelques sous offrait de pe-
tits jouets suspendus à un bâton.
Comment habiller le bagnard
Neumann ? Il était si petit, si petit.
On raccourcit un pantalon dont le
fond lui tombait sur les talons et on
l'affubla d'une veste dont les
manches lui arrivaient au bout
des doigts. Ainsi accoutré, il était
grotesque et rappelait les nains
du cirque. Un torse, un fond de
culotte et tout de suite d'invrai-
semblables godasses.
Pensionnaire du Zug I, il passa sous
la férule du bestial et répugnant
Obler.
Dès leur arrivée, les nouveaux ve-
nus recevaient une instruction mi-
litaire à la prussienne. Mais com-
ment Neumann aurait-il pu mar-
cher au pas ? Il faisait naturelle-
ment la lanterne rouge du pelo-
ton. Il était si gauche, si comique.

20 TRACES DE MÉMOIRE
Otto Kropf débarque à Breen-
Il fallait également « prouver » les théories racistes concernant donk. Une trentaine de photogra-
le nez busqué jusque dans le Auffanglager Breendonk.
phies témoignent de ce passage.
Neumann y apparaît régulière-
En effet, Israël Neumann, né à ment. Le photographe a-t-il cru
Nisko (Pologne), le 23 octobre voir le prol type du « Untermen-
Ah si Vélasquez l'avait vu. Mais 1900 est de petite taille et semble schen » ? Se rit-il du grotesque de
n'oublions pas que nous sommes à certains un peu simple d'esprit le voir, en compagnie de son
à Breendonck. Ni humour ni pitié... comme le signale sa che d'immi- compagnon d'infortune Abra-
Il reçut des gies et lesquelles ! Des grant à Ellis Island (New York) en ham Feldberg, porter des bidons
coups de pied. Obler pour faire 1921. Il a à ce moment suivi ses de soupe bien trop grands pour
montre de sa force, le prenait à parents vers les États-Unis et pour eux ? Toujours est-il que l'histoire
bout de bras pour le jeter ensuite une raison qui nous est inconnue s'achève tragiquement par le dé-
à terre. revient en Europe et arrive en cès d'Israël Neumann, le 24 juillet
Un service de propagande vint à Belgique en 1927. S'installant à An- 1941.
Breendonk. L'Arbeitslager était un vers, il devient colporteur et vend
modèle. Tout fut lmé. L'esprit ba- des jouets. Il est d'ailleurs arrêté Olivier Van der Wilt
lourd de ces brutes se donna libre par la police pour avoir égale- Conservateur du Fort de Breendonk
cours. Le nain au côté d'un géant ment osé vendre du chocolat
squelettique et grotesque eut les pour survivre... Un autre rapport Réexions éthiques :
honneurs d'une prise de vue. de police nous apprend qu'il a
Son martyre, heureusement, ne déjeuné dans le restaurant de Durant la visite du Fort de Breendonk, le
fut pas long. Neumann était si pe- guide racontera plusieurs histoires
l'Innovation, mais n'avait pas le d’harcèlement brutal. Des détenus
tit, si chétif. sou pour payer.... Il se justie en di- concentrationnaires n’étaient pas
Il t un court séjour à l'inrmerie. En sant qu'il avait faim et qu'il rem- seulement enfermés, mais également
le voyant allongé sur son grabat, boursera. La date de son arresta- victimes d’un harcèlement moral inhu-
on distinguait par l'échancrure de main !
tion ne nous est pas connue : on Rééchis aux questions suivantes :
sa chemise une maigre poitrine constate simplement sa dispari- - Où s’arrête l’humanité ?
extraordinairement velue. tion, le 10 octobre 1940. Il n'a pas - Qu’est-ce qui autorise un être humain
« Er sieht aus wie ein Affe. » Il res- à considérer un autre être humain
disparu ; il est à Breendonk, effec- comme inférieur ?
semble à un singe, dit en ricanant tivement affecté à la chambrée 1 - Comment un tel comportement
le lieutenant, passant près du petit celle de Walter Obler. Ce dé- portant atteinte à l’intégrité d’une
cadavre. Ce fut la seule oraison bardeur, présenté comme une personne a-t-il pu triompher sous un
funèbre de (…) Neumann. » régime dictatorial ? Développe ta
force de la nature, est un chef de réexion éthique !
chambrée redouté ; cette der- Compare tes réponses avec celles des
nière doit toujours être en ordre et autres élèves de ta classe avant de
visiter le Fort.
Jacques, Ochs, Breendonck. Ba- les lits « bien faits ». Neumann en Tu peux également en reparler après la
gnards et bourreaux, Bruxelles, 1947, p. est bien incapable et les coups visite !
42-43. pleuvent... Le 13 juin 1941, un pho-
tographe des services de propa- Johan Puttemans
gande de l'armée allemande,

21
rÉFLEXION 2

Les facteurs
bruxellois de la
chambrée 7 :
des résistants
dans le
Fort
de
Breendonk
L’état physique du facteur
bruxellois François Vanderveken
témoigne des actes
criminels des nazis.

L e 1er septembre 1942,


38 facteurs bruxellois
arrivent au Fort de
Les facteurs logent dans le Zug 7.
Leur chef de chambrée est le mili-
taire de carrière René Hermans.
chef d’équipe. Il est condamné à
mort lors du procès des bourreaux
de Breendonk parce que ses dé-
Breendonk. Les mois suivants, neuf Le sergent est incarcéré en tant lations ont coûté la vie à cinq des
de leurs collègues les y rejoignent. que membre de la Légion natio- facteurs de sa chambrée. Le
Ces facteurs n’ont commis aucun nale fasciste. Son fondateur, Paul 12 avril 1947, il est, d’abord, dé-
attentat, mais ont eu le courage Hoornaert, admire Mussolini, mais gradé et, ensuite, fusillé à la
de s’opposer à l’occupant dans est très opposé à l’Allemagne. caserne Delobbe de Malines.
l’exercice de leurs fonctions. Ainsi, C’est pourquoi sa Légion natio-
ils n’ont pas participé à la censure nale participe à la résistance. Au Lawrence Van Haecke
allemande, ont intercepté des début, Hermans est aimable avec Traduit par Cathérine De Wilde
lettres de délateurs et distribué les les facteurs et les interroge sur
journaux de la presse clandestine. leurs actes de résistance. Les fac-
Montrant la tête de mort sur son teurs bruxellois comprendront ra- Réexions éthiques :
képi, le SS Fernand Wyss déclare pidement que leur chef de cham-
- Si le fait de résister à l’autorité est
aux facteurs lors de leur séjour : brée répète tout aux SS. Il les ex-
mal jaugée de nos jours, pourquoi
« Aucun facteur ne sortira d’ici pose à des punitions et mauvais
pouvons-nous considérer les fac-
vivant. » En effet, ceux-ci paient le traitements supplémentaires. Her- teurs bruxellois (des résistants)
prix fort pour leurs actes de résis- mans bat régulièrement « ses » pri- comme des héros ?
tance. L’un d’eux est fusillé sonniers et ne cesse de les harce- - Dans quelles circonstances la résis-
comme otage le 12 décembre ler lorsqu’ils travaillent sur le chan- tance est-elle permise ?
1942. Cinq autres trouvent la mort tier. - La résistance est-elle toujours un
entre le 12 décembre 1942 et le En novembre 1942, René Hermans acte héroïque ?
3 janvier 1943 suite aux privations est déporté après que son petit - Le chef de chambrée Hermans
et mauvais traitements ; huit sont trac de tabac et cigarettes a été (qui a collaboré avec l’occupant)
déportés vers l’Allemagne. Les découvert. Dans les camps de a-t ‘il mérité sa punition ?
34 restants sont libérés entre no- concentration de Mauthausen,
vembre 1942 et juin 1943. Tous Buchenwald et Dora, il devient ra- Johan Puttemans
sont très amaigris. pidement chef de chambrée ou

22 TRACES DE MÉMOIRE
sAVIEZ-VOUS QUE... 1

...qu’à
Breendonk,
un prisonnier
sur deux
n’a pas survécu
« J’ai été battu par le lieutenant parce qu’il avait jugé
à la guerre ?
que je n’étais pas suffisamment malade (...).»
Témoignage de René Bauduin. (Nefors, p.120)

A u cours de la Seconde
Guerre mondiale, quel-
que 3 600 prisonniers se
carcération à Breendonk. 23 pri-
sonniers sont pendus sur la place
d’exécution après avoir été con-
l’Auffanglager de Breendonk à la
n de la guerre (avril-mai 1945).
1 723 d’entre eux sont encore en
sont retrouvés au « Centre d’ac- damnés à mort par un tribunal mi- vie…, mais il est déjà trop tard
cueil (Auffanglager) » de Breen- litaire allemand. 184 se retrouvent pour 1 742 autres prisonniers.
donk. Pour les SS, le fort n’est tou- devant le peloton d’exécution en Le décès de bon nombre d’entre
tefois pas un lieu d’incarcération tant qu’« otages ». Assassinés en eux est dû à leur épuisement au
dénitif d’ennemis du Troisième représailles pour les attentats mor- cours de leur séjour à Breendonk.
Reich. C’est un camp de transit, tels commis par la Résistance L’accablant travail forcé et les pri-
ce qui explique que la durée contre des cibles militaires alle- vations inhumaines ont fait le
moyenne limitée d’emprisonne- mandes. Les 94 autres ont trouvé reste. Le commando Gusen du
ment dans le fort est de trois mois. la mort au cours de leur détention. camp de concentration autri-
La plupart des prisonniers sont en- Les raisons en sont diverses : mala- chien de Mauthausen détient un
suite déportés vers une prison, un dies, privations, famine, mauvais triste record. Il connaît le nombre
camp de concentration ou d’ex- traitements et meurtres. La pre- le plus élevé de morts parmi
termination. mière victime tombe le 17 février les prisonniers de Breendonk :
Pendant la guerre, la direction SS 1941 : Julius Nathan, 62 ans est vic- 228 déportés y ont perdu la vie, un
libère 489 des 3 591 prisonniers time du rythme et de la discipline prisonnier s’y est suicidé. 24 prison-
identiés. Ces libérations sont sou- de travail toujours plus rudes. niers de Breendonk parmi les 8 000
vent la conséquence de la poli- Les autres prisonniers (presque prisonniers des camps de concen-
tique de l’administration militaire 2 800) ont été déportés. 1 580 tration ont perdu la vie le
pendant l’Occupation qui, n d’entre eux sont partis de la gare 3 mai 1945 dans la baie de
1941, a entrepris de remettre en li- de Willebroek en direction d’un Lübeck suite au bombardement
berté certains « cas mineurs », par camp de concentration. Le par la Royal Air Force britannique
exemple, des personnes, dont le 22 septembre 1941, un premier de trois navires à vapeur alle-
seul crime, était d’avoir enfreint le convoi de déportation comptant mands (le Cap Arcona, le Thiel-
couvre-feu ou un autre règlement 105 prisonniers part pour Neuen- beck et le Deutschland IV) ayant
allemand. Bon nombre de ces pri- gamme. Seuls vingt d’entre eux des prisonniers à leur bord. Les in-
sonniers libérés sont des Juifs, cer- verront la n de la guerre. La pre- terminables marches de la mort
tains se retrouvent par la suite à mière évacuation du fort le 6 mai ont aussi causé de nombreuses
nouveau incarcérés à la caserne 1944 mène à la déportation la victimes.
Dossin avant d’aboutir à plus importante. Un train de mar-
Auschwitz. Une cinquantaine de chandises conduit alors 638 pri-
prisonniers a toutefois réussi à sonniers à Buchenwald. Seuls 361
s’évader. survivront.
301 des prisonniers de l’Auffangla- Nous connaissons avec certitude Lawrence Van Haecke
ger décèdent au cours de leur in- le sort des 3 465 prisonniers de Traduit par Cathérine de Wilde

23
... 23 suspects
SAVIEZ-VOUS QUE... 2 comparaissent
devant le
Conseil de guerre
pour répondre des
crimes commis dans Le 12 avril 1947, tous les condam-
nés à la peine capitale sont exé-
le centre cutés, à l’exception de deux
de détention SS ? d’entre eux qui avaient été jugés
un an auparavant « par défaut »,
c’est-à-dire en leur absence.
Après la Seconde Guerre mon- Le « procès de Malines » débute Valère De Vos avait déjà perdu
diale, les collaborateurs belges le 5 mars 1946 et suscite un vif la vie en 1944 dans le camp de
sont jugés dans notre pays par les intérêt. Le premier substitut de concentration de Buchenwald,
tribunaux militaires. Les « bour- l’auditeur militaire M. Hallemans assassiné par son ancien codé-
reaux de Breendonk » doivent se requiert la peine de mort pour tenu du Fort de Breendonk pour
présenter en 1946 devant le Con- vingt prévenus, une condamna se venger de son comportement
seil de guerre de Malines. Les tion légère pour deux SS et cinq abject lorsqu’il était chef de
suspects sont répartis en trois ans de prison pour le chef de chambrée. Une fois son décès
groupes. chambrée Van Borm. Le juge- établi, le tribunal retire sa con-
ment tombe le 7 mai 1946. Cinq damnation à mort. La deuxième
Il y a tout d’abord quatorze SS prévenus sont condamnés à mort exception est le SS Richard De
amands. L’appartenance à la pour meurtre et/ou homicide. Le Bodt, qui a quitté la Belgique et
SS leur vaut une inculpation pour SS Fernand Wyss, tristement cé- séjourne en Allemagne sous le
collaboration militaire et politique lèbre, se voit attribuer onze faux nom de « Richard Verstrae-
avec l’ennemi. La plupart d’entre meurtres et cinq homicides, mais ten ». Il souhaite revenir en Bel-
eux doivent également répondre également 167 faits de coups et gique avec sa femme et son ls,
de préventions de coups et bles- blessures volontaires, dont 113 mais les autorités belges décou-
sures volontaires, et six de ayant entraîné des lésions vrent sa véritable identité alors
meurtre ou d’homicide. Trois permanentes. Son compagnon qu’il demande un passeport en
ouvriers civils qui travaillaient au Richard De Bodt, à la réputation Allemagne. De Bodt est nale-
Fort de Breendonk pour un salaire tout aussi sinistre, n’a pas grand- ment rapatrié à la n de l’année
royal sont aussi accusés de col- chose à lui envier : 6 meurtres et 1951 depuis la zone
laboration politique avec 4 homicides, 125 faits de coups et d’occupation française.
l’ennemi. Ce trio est en outre blessures volontaires. Autre Ne pouvant plus faire appel de
suspecté d’avoir dénoncé des exemple, le chef de chambrée sa condamnation à mort, il intro-
détenus aux SS. Walter Obler, un communiste juif, duit un recours en grâce. Un an
Enn, le dernier groupe rassemble commettra 10 meurtres et 16 faits plus tard, après l’exécution du
les six anciens chefs de cham- de coups et blessures volontaires commandant du camp, Philipp
brée. Les SS en nommaient un pendant sa détention. Le Conseil Schmitt, le gouvernement belge
parmi les prisonniers dans de guerre de Malines prononce décide de commuer toutes les
chaque chambre du Fort, qui également la peine de mort peines capitales en emprisonne-
était responsable de l’ordre et de contre onze autres accusés. ment à vie. Lorsque Richard De
la distribution de la nourriture. Soit Quatre autres sont condamnés à Bodt prote de cette mesure en
il tentait de protéger au maxi- la prison à vie, un à 20 ans de 1952, la colère gronde au sein de
mum ses compagnons de cellule, réclusion extraordinaire et un à la population. Mais rien n’y fait.
soit il choisissait le camp des SS et 15 ans de réclusion ordinaire. Richardt de Bodt décèdera na-
devenait une véritable terreur. Six Enn, le chef de chambrée Henri lement au début du mois de
détenus sont accusés de colla- Van Borm est acquitté. janvier 1975 dans la prison de
boration politique avec l’ennemi Le 17 octobre 1946, la Cour mili- Saint-Gilles.
en raison d’abus de pouvoir qu’ils taire conrme tous les jugements
auraient commis en qualité de ayant fait l’objet d’un appel.
chef de chambrée. Ils doivent Après le rejet du pourvoi en cas-
tous répondre de préventions de sation, le roi réduit la peine de
coups et blessures volontaires, et deux condamnés à mort à un
certains d’entre eux de meurtre emprisonnement à vie à la suite Lawrence Van Haecke
et d’homicide. d’un recours en grâce. Traduit par Ludovic Pierard

24 TRACES DE MÉMOIRE
APPLICATION
Devoir en classe (individuel ou en groupe) ou à la maison
PEDAGOGIQUE

N o M
cLASse
Vous trouverez chaque trimestre dans votre TRACES DE MÉMOIRE une application pédagogique avec une fiche didactique à utiliser en classe ou à conserver

Rends-toi sur le site www.auschwitz.be et clique sur le lien « Pédagogie » en haut. Tu trouveras le texte
« Les bourreaux de Breendonk ».

Devoir : consulte les descriptions de quelques bourreaux qui étaient actifs dans l’Auffanglager
Breendonk. Ainsi tu comprendras la mentalité des gardiens et tu pourras mieux
appréhender la visite guidée.

En tant que devoir en classe, le portrait de quelques SS peut être présenté


par les élèves étudiants.

Tu as le choix parmi les SS belges :


- Fernand Wyss
- Richard De Bodt
- Eugène Raes
- Marcel De Saffel
- Robert Baele

Ou parmi quelques SS allemands :


- Philippe Schmitt
- Arthur Prauss
- Johann Kantschuster

Tu peux également utiliser les témoignages des rescapés


(voir www.getuigen.be/Fr/Fr-fr/index.htm)

Remarques de l’enseignant/e
TRACES DE MÉMOIRE
est une publication
trimestrielle de
l’ASBL Mémoire d’Auschwitz

www.auschwitz.be

FICHE PÉDAGOGIQUE N° 6 - TRACES DE MÉMOIRE édition spéciale « Visiter le Fort de Breendonk »


VARIA

Quelques
directions
pratiques
Mémorial national du Soutien pédagogique : Séminaires pour les profs-guides :
Fort de Breendonk - Audioguide : les visiteurs indivi- Lorsque le nombre de demandes
Brandstraat 57 duels reçoivent un audioguide. est sufsant (10 personnes mini-
B-2830 WILLEBROEK - Guidance : Les visites guidées né- mum), le Fort de Breendonk orga-
cessitent une réservation. Un guide nise une journée de séminaire à
Heures d’ouvertures : (un guide par groupe de maxi- l’attention des enseignants qui leur
Le Fort de Breendonk est ouvert mum 30 personnes) doit être ré- offre l’opportunité de guider eux-
tous les jours : servé une semaine avant la visite mêmes leurs élèves. Pour plus d’in-
- du 1er sept. jusqu’au 30 juin : via le service de réservation. formations, veuillez prendre con-
09h30 – 17h30 Téléphone : +32 (0)3/860.75.24 tact avec le service de réserva-
(dernière admission à 16h30) E-mail : tion.
- du 1er juillet jusqu’au 31 août : booking@breendonk.be
10h00 – 18h00 Internet : Expositions :
(dernière admission à 17h00) http://www.breendonk.be/Fr/in- Dans le courant du mois d’octobre
dex.asp?ID=Reservation 2017, la salle interactive “Je ne suis
Le Fort est fermé le : pas un numéro” sera rénovée et
- 1er janvier, les 24 et 25 décembre Accessibilité : offrira de nombreuses nouvelles in-
- le jour du pèlerinage (normale- - en voiture ou autobus : le Fort de formations concernant les détenus
ment un mercredi durant la se- Breendonk est accessible par les du Auffanglager. De plus, nous
conde moitié de septembre) autoroutes A12 ou E17. inaugurerons deux nouvelles salles
Un vaste parking gratuit aisément qui offriront au visiteur des informa-
Tarifs : accessible (voitures particulières et tions sur la Shoah et le sort des dé-
- 11 € : individuel autobus) vous est réservé à proxi- tenus juifs de Breendonk. Enn,
- 10 € : 6 à 18 ans, 65-plus (sur pré- mité immédiate du Mémorial. une nouvelle plaque commémo-
sentation de leur carte d’identité), rative sera installée sur la place
des étudiants (sur présentation de Le Mémorial possède des places des exécutions. Non loin, une gale-
la carte d’étudiant) et des de parking pour les moins valides rie de portraits de tous les détenus
groupes (hors scolaires) à partir de (s’adresser à l’accueil). décédés au fort durant l’occupa-
10 personnes. - En train : la gare de Willebroek est tion sera placée.
- 4 € : élèves en groupes scolaires située à environ 20 minutes à pied
encadrés par leurs enseignant(e)s. du Mémorial. L’ASBL Mémoire d’Auschwitz offre
[réservation d’un guide obliga- Renseignez-vous auprès de également l’opportunité aux
toire] www.sncb.be écoles d’emprunter les expositions
- en bus public : l’arrêt le plus itinérantes.
Possibilités de paiements : proche est l’arrêt ‘Willebroek-Fort Pour plus d’information, veuillez
En espèces, Visa ou Bancontact Breendonk’. contacter :
Renseignez-vous sur georges.boschloos@auschwitz.be
www.delijn.be

26 TRACES DE MÉMOIRE
Une conférence comme
préparation d’une visite
Des conférences préparent les élèves d’aujourd’hui à une visite de l’ex-Auffanglager Breendonk.
L’enseignant(e) motivé(e) peut
faire appel à l’ASBL Mémoire
d’Auschwitz an de préparer la vi-
site d’un camp (de concentra-
tion), telle l’ancienne Auffangla-
ger Breendonk. Elle offre des con-
férences gratuites comme prépa-
ration à ces visites. Un membre de
l’ASBL propose une conférence,
adaptée au niveau des élèves,
une intervention qui a pour but de
leur apporter une base solide.
L’ASBL Mémoire d’Auschwitz pré-
sente plusieurs conférences en
classe, mais deux sont fondamen-
tales lors d’une visite planiée du
Fort de Breendonk.
1) La Shoah en Belgique
2) Le camp de concentration ver-
sus le centre d’extermination, un
monde de différence.

Des élèves biens préparés sont à même de mieux


appréhender la signification sous-jacente des actes
criminels commis à Breendonk.

Informations pratiques :

Contact :
info@auschwitz.be
Prix :
gratuit (autant l’intervention que
les frais de déplacement)
Temps :
2 périodes (de préférence en
bloc)
Outil didactique :
présentation PowerPoint

27
varia

Bibliographie &
Sites sur le web
 Démocratie ou barbarie, Le Fort de Breendonk. Le camp de la terreur nazie
en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale (dossier pédagogique),
Racine, 2006.
 Jean-Charles Burkel, Survie au bagne de Breendonk, Vezham, 1986.
 Frans Fischer, L’enfer de Breendonk, souvenirs vécus, Labor, 1944.
 Frans Fischer, Edgard Marbaix, Deux anciens prisonniers racontent l’enfer des
Même s’il est construit au début camps en Belgique, Jourdan le Clerc, 2006.
du XXe siècle dans le cadre de  Adrien Henderickx, Les mémoires d’un prisonnier politique : Breendonk –
l’enceinte fortiée de la ville d’An- Neuengamme 1940 – 1945, 1987.
vers, le Fort de Breendonk est resté  Jacques Ochs, Breendonck, bagnards et bourreaux, Nord, 1947.
dans la mémoire collective  Paul M.G. Levy, Le A-Lager Breendonk et l’étude scientique des génocides
et autres crimes hitlériens, 1983.
comme l’Auffanglager Breen-
 Edgard Marbaix, Breendonk la mort, De Myttenaere, 1944.
donk, un camp de l’occupant  Patrick Nefors, Breendonk 1940 – 1945, Racine, 2005.
nazi pour prisonniers politiques et  D. Piens, Les postiers à Breendonk, Amicale des postiers de Breendonk, 1947.
juifs . L’ASBL Amis du Fort de  Boris Solonevitch, Breendonck, camp de tortures et de mort, Les œuvres
Breendonk aide à la conservation Goemaere, 1944.
et à la promotion de ce site  Victor Trido, Breendonck, camp du silence, de la mort et du crime !, Dupuis,
1944.
unique, aussi bien dans le pays
qu’à l’extérieur ; tout en accor-  Jos Vander Velpen, Breendonk, Chronique d’un camp (1940 – 1944), Aden,
2004.
dant une place importante à la si-
 Mark Van den Wijngaert, Tine Jorissen, Dimitri Roden, Auffanglager
gnication actuelle d’un tel site. Breendonk 1940 - 1944: Les prisonniers de Breendonk Livre-Mémorial, Mémorial
Souhaitez-vous nous soutenir dans National du Fort de Breendonk, 2012.
la réalisation de nos missions ?  Jules Wolf, Le procès de Breendonk, Larcier, 1973.
Alors devenez un(e) de nos Ami(e)s  Démocratie ou barbarie, Le Fort de Breendonk. Le camp de la terreur nazie
et bénéciez de nombreux avan- en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale (dossier pédagogique),
Racine, 2006.
tages ! Pour de plus amples infor-
mations, consultez notre site web www.breendonk.be
ou contactez-nous par courriel : www.jamesdeem.com
vrienden.amis@breendonk.be www.getuigen.be
https://www.ushmm.org/wlc/en/article.php?ModuleId=10005423
www.vriendenfortbreendonk.be http://www.democratieoubarbarie.cfwb.be/index.php?id=15444

POUR UNE PRISE ASBL Mémoire d’Auschwitz - Tél. : 02 512 79 98 info@auschwitz.be


DE CONTACT Fondation Auschwitz
Rue aux Laines, 17 bte 50 - 1000 Bruxelles
Fax : 02 512 58 84 www.auschwitz.be

Publication réalisée grâce au soutien de

Directeur de la publication : Henri Goldberg


Rédacteurs en chef : Frédéric Crahay, Johan Puttemans
Secrétaire de rédaction : Georges Boschloos
Comité de rédaction : Marjan Verplancke, Thierry
De Win, Yves Monin, Jean Cardoen, Yannik van Praag SPF Sécurité Sociale
Services des
Graphiste : Georges Boschloos
Victimes de la Guerre
Imprimeur : EVM Print
Toutes les photos : ©ASBL Mémoire d’Auschwitz/Georges Boschloos (sauf autres indications)

28 TRACES DE MÉMOIRE
Un grand amour
Nicole Malinconi/Jean-Claude Berutti
26.10 > 19.11
Le Rideau @ Théâtre des Martyrs
Theresa Stangl mène une vie pai- la scène le récit incandescent de
sible à Sao Paulo jusqu’à un jour Nicole Malinconi. C’est tout une
de 1971 où une journaliste sonne vie troublée qui se joue là, en à
à sa porte. Gitta Sereny vient la peine plus d’une heure. Janine
questionner sur son mari, au- Godinas sera Theresa Stangl.
jourd’hui décédé, et sur la profes- L’ASBL Mémoire d’Auschwitz s’as-
sion qu’il a exercée. Trente ans socie au Rideau pour proposer
auparavant, Franz Stangl était SS. des animations préparatoires au
Il commandait les camps de Sobi- spectacle (gratuites).
bor et de Treblinka. Une fois seule,
Theresa se repose les questions
qu’a soulevées cette visite inop-
portune. Que n’a-t-elle pas vu ou
n’a-t-elle pas voulu voir ? Qu’a-t- Infos :
elle ignoré tout en le sachant ? Laure Nyssen
Jusqu’où l’amour de cet homme educatif@rideaudebruxelles.be
l’a-t-elle menée ? Tél : 02 737 16 02

©DR
Jean-Claude Berutti adapte pour www.rideaudebruxelles.be

Un voyage d’études au cœur de l’histoire

SUR LES TRACES DE


LA SHOAH EN POLOGNE
Ce voyage d’études a pour but Nous visiterons les villes de Varso-
de retracer l’histoire de la Shoah vie, Łódź, Radom, Lublin, Zamość,
en Pologne : il se déroulera selon Włodawa et Siedlce.
un parcours chronologique et lo- Notre voyage d’études nous mè-
gique. Nous visitons à chaque nera sur les sites de Chełmno nad
étape la ville concernée, l’ancien Nerem, Majdanek, Bełżec, So-
ghetto qui s’y trouvait et l’endroit bibór et Treblinka.
de déportation. Il est important de Les groupes de participants sont li-
présenter la vie, la tradition et la mités à 25 personnes. Les inscrip-
culture juive d’avant la Seconde tions sont possibles jusque n no-
Guerre mondiale : avant de nous vembre.
rendre dans le centre d’extermi-
nation, nous marquons un arrêt sur
le lieu où la population juive a en-
tamé son dernier voyage. La visite
des anciens centres d’extermina- LE VOYAGE AURA LIEU
tion est abordée de façon péda- DU 9 AU 16 JUILLET 2018
gogique, à l’aide de cartes,
d’images et de photos d’archives Infos et inscriptions:
et de témoignages. georges.boschloos@auschwitz.be

N° 25 - SEPTEMBRE 2017 3
varia

Journée d’étude
pour
les enseignants
Depuis le premier mai 2017, le Mé- tation multidisciplinaire en repla- Au cours de cette journée
morial national du Fort de Breen- çant ces sites dans leurs contextes d’étude, nous aborderons
donk fait partie du War Heritage militaire, politique, technologique, les aspects techniques de
Institute (WHI). Celui-ci a pour mis- économique, social et culturel. la Shoah. L’ensemble des
sion de valoriser le patrimoine mili- Transmettre la mémoire de ces atrocités seront analysées
taire belge, la mémoire des con- conits armés en développant en détail an que les ensei-
its armés sur le sol belge ou impli- des activités créatives et stimu- gnants, quelle que soit la
quant des Belges à l’étranger. lantes auprès des différents pu- matière qu’ils enseignent et
Cette mission consiste à gérer, ac- blics gure aussi parmi ses voca- munis d’arguments tech-
quérir, conserver et restaurer des tions. Enn, il mène des re- niques, puissent étayer leurs
collections d’objets, de docu- cherches scientiques à un ni- cours et leurs interventions
ments et de témoignages imma- veau international dans le do- lors des discussions en
tériels pour une période qui maine de l’histoire et du patri- classe parfois difciles au
s’étend du Moyen-âge à nos moine militaires. sujet du judéocide.
jours. À cette n, il gère et coor-
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4 TRACES DE MÉMOIRE - N° 25 - SEPTEMBRE 2017

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