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TRACES 31 BRUXELLES X
1/9464
DE MÉMOIRE
PÉDAGOGIE ET TRANSMISSION
UNE PUBLICATION TRIMESTRIELLE DE N° 31 | JANVIER - FEVRIER - MARS 2019
AVANT-PROPOS
page 2
ACTUALITÉ
La propagande raciste avant et pendant
le génocide des Tutsis du Rwanda de 1994.
page 3
DÉFINITION
Sept éléments clefs pour décrire
un crime sans précédent.
page 6
NO COMMENT
Déogratias de Jean-Philippe Stassen.
page 9
APPROFONDISSEMENT
L’histoire du Rwanda contemporain.
page 10
L’INTERROGATION
Dire un mot pour un autre :
lapsus, déni masqué ou racisme résiduel ?
page 19
+ fiche pédagogique page 23 © Teun Voeten Photographers and wounded Hutu.
Kigali, Rwanda 1994.
SAVIEZ-VOUS...
… que dans le cas du génocide au Rwanda,
vous devez faire attention aux termes
ACTUALITÉ
que vous utilisez ?
page 24
RÉFLEXION
Tutsis, Hutus et Twas.
La propagande raciste
Comment des êtres humains ont été
divisés en groupes ethniques.
page 26
qui a contribué
VARIA
page 28
au génocide des Tutsis
du Rwanda
Éditeur responsable Entretien de Mélanie Moreas avec
Henri Goldberg
ASBL Mémoire d’Auschwitz
Félicité Lyamukuru, présidente d’IBUKA-Belgique,
Rue aux Laines 17/Boîte 50 - 1000 Bruxelles sur le rôle de la presse dans le génocide.
Bureau de dépôt BRUXELLES X
Numéro d’agrégation P801056
avant-propos
Cette année nous commémorons le 25e anniversaire de l’horreur qui a frappé le Rwanda en 1994.
Chère lectrice
Cher lecteur
© DR
L
a formule des thèmes an- mergés quotidiennement. Pen- le massacre de près d’un million
nuels a prouvé son efca- sons à la profusion d’absurdités sur de personnes.
cité : le nombre d’abon- les réseaux sociaux (les fameux in-
nés augmente chaque mois, ce fox ou fake news ) que nos en- Centre d’Études et de Documen-
dont nous vous sommes recon- fants, futurs citoyens adultes, ac- tation qui ne se penche pas uni-
naissants et ce qui renforce notre ceptent parfois sans se poser de quement sur la Shoah, mais aussi
conviction que l’ASBL Mémoire questions... sur des questions plus larges tou-
d’Auschwitz joue un rôle impor- En 2019, les quatre numéros de chant aux génocides, aux mas-
tant en matière d’éducation à la votre bulletin pédagogique fami- sacres et aux violences de masse,
mémoire en Belgique. lier Traces de mémoire aborde- l’ASBL Mémoire d’Auschwitz a dé-
Le thème choisi pour l’année 2019 ront les chapitres suivants : cidé de consacrer l’entièreté de
est « la propagande ». Selon le La propagande qui conduisit ce premier numéro de 2019 à la
nouveau Petit Robert, la propa- au génocide au Rwanda ; commémoration du génocide
gande est une action exercée sur La propagande dans l’Alle- des Tutsis au Rwanda.
l’opinion pour l’amener à avoir magne nazie ;
certaines idées politiques et so- La propagande sous le com- Au nom de toute l’équipe, je vous
ciales, pour soutenir une politique, munisme ; souhaite à tous un thème annuel
un gouvernement, un représen- La propagande contempo- instructif et intéressant.
tant. raine.
En tant qu’enseignant, je n’insiste- En avril 1994, il y a un quart de Johan Puttemans
rai jamais assez sur le fait que le siècle, ou pour le dire autrement, Coordinateur pédagogique
siècle passé ne fut pas la seule ère un demi-siècle après la Shoah, ASBL Mémoire d’Auschwitz
de la propagande. Nos jeunes l’humanité était une nouvelle fois Traduit du Néerlandais
d’aujourd’hui aussi en sont sub- confrontée à un génocide, avec par Ludovic Pierard
2 TRACES DE MÉMOIRE
actualité
LA PROPAGANDE
RACISTE
AVANT ET PENDANT LE
GÉNOCIDE
DES TUTSIS
DU RWANDA DE 1994
Interview de
Félicité Lyamukuru
© DR
Présidente d’Ibuka-Belgique
Quand et comment la propa- les chants. C’était un moyen sour- du Rwanda de « passer au-des-
gande raciste à l’encontre des nois. Et ceux qui « entendaient » sus » de ces discriminations ou de
Tutsis s’est-elle installée au bien, comprenaient qu’il s’agis- ces massacres tel un conditionne-
Rwanda avant le génocide ? sait de discours contre les Tutsis. ment d’aller de l’avant et de ne
Ensuite, il y a eu une accalmie de pas relever les nouvelles manières
C’est toute la période avant le 1962 jusqu’au coup d’État de de discriminer.
génocide de 1994. Les pogroms 1973 quand Habyarimana a pris le À l’école primaire, je me souviens
anti-tutsis ont existé très tôt, depuis pouvoir soutenu par les Hutus du que mes parents étaient effarés
1959 « avec les incendies systé- Nord. Les événements ont pris une de ce que nous apprenions à
matiques des maisons, suivis de autre tournure. En effet, Juvénal l’école ! Nous apprenions que les
pillages des biens et de mas- Habyarimana qui venait du Nord Tutsis tuaient les Hutus. Nous ap-
sacres de Tutsis. De ces troubles orchestre un coup d’État et il ren- prenions aussi que la reine mère
est né l’exil des Tutsis qui n’allait se verse le pouvoir de Grégoire Kayi- (tutsie) devait planter une lance
terminer qu’en 1994 avec le re- banda qui vient du Sud. Dès lors, dans le corps de bébés hutus pour
tour au pays de ces réfugiés 1 . » ce n’était plus les Tutsis contre les garder son trône. C’était écrit
Avec ces pogroms, il y a eu une Hutus mais une séparation entre le dans les manuels d’histoire et
sorte de propagande mise en Nord et le Sud. À ce moment, les nous pensions que c’était comme
place, notamment la façon d’en- souffrances des Tutsis sont voilées cela. En somme, c’est une façon
seigner l’histoire du Rwanda dans par ce changement. Ce qui ne si- de dire que ce qui est enseigné
les écoles. Par exemple, quand gnie pas que la propagande soit est vrai parce que c’est écrit.
on parlait de la monarchie, on la arrêtée puisqu’il y avait des discri- Cette discrimination a engendré
disait meurtrière pour culpabiliser minations dans les écoles, au tra- des quotas dans les écoles et
les Tutsis. C’est une propagande vail, etc. À cette période, on dirait dans les domaines de l’emploi.
qu’on retrouvait surtout à travers qu’il y avait une volonté des Tutsis « Suite aux violences de 1973,
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dont un des objectifs était de faire Dans les années 1980, presque façon décontractée, elle dénigre
déguerpir les Tutsis de ces écoles, chaque famille avait un poste de les Casques bleus belges, elle dé-
le régime de la Deuxième Répu- radio. Chaque paysan avait aussi nigre les Accords d’Arusha, etc. Il
blique avait décidé l’application un poste radio. Comme il n’y avait y a eu un vrai tournant ! C’était
rigoureuse des quotas ethniques. que Radio Rwanda qui diffusait, choquant car elle osait ce que
[…] Ces quotas étaient appliqués c’était le seul moyen d’atteindre Radio Rwanda n’osait pas car
dans l’enseignement secondaire le peuple. Donc, tout le monde c’était une radio privée.
et supérieur et dans l’emploi, tant écoutait les mêmes chants, les En parallèle, Radio Rwanda exis-
public que privé2. » mêmes discours, les mêmes pro- tait encore : elle a continué ses
À la n des années 1980, le régime grammes. Cette radio était la voix émissions habituelles. Elle n’a ja-
d’Habyarimana s’est bien solidi- du gouvernement. mais dénoncé les massacres. Ces
é. Les réfugiés qui demandaient De plus, « l’ORINFOR (Ofce rwan- médias étaient complices.
le retour au pays n’obtenaient dais de l’information) veillait à ce Malgré tout, les gens étaient nos-
pas l’autorisation de rentrer. Dans que la presse écrite et Radio talgiques et cette radio nous te-
ses discours, le Président Habyari- Rwanda relaient les appels aux nait compagnie. Il y avait parfois
mana clamait qu’il n’y avait pas meurtres à peine déguisés des dis- de belles émissions. Nous écou-
de place pour eux car le Rwanda coureurs publics, politiques ou mi- tions car c’était notre vie.
était un pays trop petit. Une autre litaires 3 . » Depuis 1990, cet orga-
forme de violence pour ces per- nisme était dirigé par Ferdinand En quoi consistait la propagande
sonnes qui avaient leur famille au Nahimana, « un brillant historien ». raciste qui s’afchait dans des or-
Rwanda. C’est un discours auquel Après les Accords d’Arusha, il de- ganes de presse et sur une radio
personne ne s’opposait. Les gens viendra Ministre de l’Enseigne- proche du pouvoir d’Habyari-
avaient peur. ment supérieur et de la Culture. Il mana ?
À nouveau, il y avait plus de mas- fera partie des fondateurs de la
sacres comme avant. Nous ap- RTLM. En 1996, il sera arrêté au Ca- Dès les premières attaques du FPR
prenons beaucoup de choses de meroun et sera condamné à per- en 1990, il y a eu la naissance de
cette époque maintenant. Les pétuité par le Tribunal pénal inter- plusieurs partis politiques. Au
anciens pensaient qu’il fallait se national pour le Rwanda. même moment apparaissent des
taire pour s’en sortir. La Radio/Télévision Libre des Mille journaux. Nous avions l’impression
Quant aux médias, citons la radio Collines (RTLM) apparait en juillet que c’était une ouverture sur la li-
nationale « Radio Rwanda » qui 1993. Elle a été créée à l’image berté d’expression. Par exemple,
diffusait lesdits chants et mes- du processus génocidaire qui se le journal Kangura voit le jour.
sages ainsi que le journal catho- mettait déjà en place. Au début, C’est la version écrite de la radio
lique Kinyamateka pour lequel les tout le monde aimait bien cette RTLM. Ce journal publiait des cari-
articles racistes ne pouvaient pas radio. Quand j’étais jeune, j’ap- catures. Leurs chiffres de ventes
être censurés car cette presse préciais son humour décontracté, étaient énormes car nous étions
écrite avait des liens amicaux ses grossièretés, elle passait les nous-mêmes obligés d’acheter
avec l’État. tubes du moment. Elle était bien ce journal. Quand je sortais de
pensée. Elle était très attirante ! l’école, je m’organisais pour pas-
Quels médias alliés à la propa- Elle était branchée ! ser à la boutique pour acheter un
gande raciste ont vu le jour avant Ses premières diffusions musclées exemplaire et je le « dévorais ».
1994 ? Existait-il des médias et/ou correspondent au moment des Nous avions l’impression que ce
une forme de propagande qui s’y Accords d’Arusha. Elle change de qui allait nous arriver était écrit.
opposait ? visage : elle diffuse des insultes de Ce journal donnait l’information
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C’est depuis cet immeuble que la Radio Télévision Libre des Mille Collines
diffusait sa propagande pendant le génocide.
nous entendions à la RTLM un tuer. » Je pense que si cette radio tance au Rwanda.
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Définition
7 ÉLÉMENTS CLEFS POUR DÉCRIRE
UN CRIME SANS PRÉCÉDENT
Qu'est-ce qu'un génocide et
en quoi se distingue-t-il
du crime contre l'humanité ?
Le génocide s'en distingue par au moins
sept caractéristiques spécifiques.
1°) Un crime collectif qui vise un pénale internationale au titre de « race » et celui qui vise une
groupe. « crimes contre l'humanité ». classe, tient à ce que nul ne peut
Le génocide est au groupe ce échapper à sa race (pour les na-
que l'homicide est à l'individu. Il se 3°) Un contexte de haine raciale ra- zis, le Juif étant marqué par ses
caractérise par le refus du droit à dicale. « gènes », même les convertis au
l'existence d'un groupe humain. La caractérisation (pseudo) biolo- catholicisme sont gazés), tandis
C'est la simple appartenance gique du groupe cible explique la que changer de classe reste en
théorique au groupe visé qui dé- radicalité de toute entreprise gé- théorie toujours possible. L'aver-
termine le destin individuel du per- nocidaire. Le génocide constitue sion des bolcheviks pour la Po-
sécuté et ce, quand bien même le point d'aboutissement – logique logne et pour la noblesse en gé-
ce groupe « en tant que tel » n'est mais non obligatoire – d'une wel- néral, n'a pas empêché le Conseil
souvent qu'une construction fan- tanschauung (conception du des commissaires du peuple (Sov-
tasmatique des persécuteurs. Il se monde) raciste (Empire colonial narkom) de coner la Tcheka, puis
distingue ainsi du crime contre allemand, Allemagne nazie, le Gépéou à Félix Dzerjinski, rien
l'humanité par l'introduction de la Rwanda) ou ultranationaliste moins qu'un membre de la pe-
notion de groupe et par la vo- (Jeunes-Turcs). Ce n'est pas sans tite... noblesse polonaise. C'est à
lonté de détruire le groupe en raison que les nazis utilisèrent l'ex- l'Ukrainien Khrouchtchev qu'il re-
tant que tel. pression « Solution nale » pour vint de succéder au bourreau de
caractériser le processus de des- l'Ukraine. Aussi faut-il se garder de
2°) La caractéristique « communau- truction des Juifs européens. Le recourir, selon nous, aux termes
taire » du groupe persécuté. génocide signe, en effet, la dispa- de génocide « de classe » et ce,
Les victimes d'un génocide doi- rition dénitive de l'objet maudit, même, lorsqu'il s'agit d'évoquer
vent faire partie d'un « groupe na- détesté, haï. Il n'y a pas de com- l'épisode tragique de la Grande
tional, ethnique, racial ou reli- promis possible avec l'Autre « ra- famine de 1932-33, dont on sait
gieux ». Si les actions impliquées cial » ou « ethnique » ; une fois en- aujourd'hui qu'elle a été parfaite-
sont dirigées contre des individus, clenché, le génocide ne peut ment orchestrée par Staline.
ce n'est pas dans leur capacité in- qu'aller à son terme à moins d'un Dans les cas de génocide, il ne
dividuelle mais comme membres effondrement (défaite). L'ennemi doit en principe rien rester de l'en-
du groupe « communautaire ». à abattre est ainsi systématique- tité ennemie ; d'où le double pro-
Sont donc exclus les groupes poli- ment déshumanisé : il est un re- cessus parallèle d'effacement des
tiques (trotskistes), culturel (ethno- présentant d'une sous-humanité traces matérielles (ici, destruction
cide des Grecs d'Anatolie), so- dont l'existence ne se justie plus de synagogues, là, de monas-
ciaux (victimes des Khmers (Herero), un corps étranger dont il tères) et de réécriture négation-
rouges), sexuels (triangles roses), faut absolument se débarrasser niste. Tout génocide s'accom-
socioéconomiques (la « classe » (Arménien), un principe micro- pagne nécessairement d'une dy-
des koulaks). D'autres concepts bien (Juif), un cancrelat (Tutsi). namique négationniste.
s'appliquent à ces crimes : « mas- Aucun compromis, aucune con-
sacre de masse », « politicide », version, aucune échappatoire 4°) L'intention d'extermination to-
« ethnocide », « épuration eth- n'est envisageable. La différence tale du groupe visé.
nique », tous passibles de la Cour entre un crime qui vise une Le génocide ne procède pas
6 TRACES DE MÉMOIRE
Cet arrêt sur image montre
durant les premiers jours le
massacre au Rwanda.
© Dark Stories
d'une simple volonté d'expulser la destruction du groupe. Le gé- voir de fait. Seul le pouvoir d'un
des civils d'un territoire donné nocide des Tutsi du Rwanda fut État avec son armée, sa police,
(épuration ethnique). L'objectif soigneusement préparé (achats son administration, ses divers relais
est de détruire le groupe dans sa massifs de machettes, constitution dans la société permet le déploie-
totalité, hommes, femmes, vieil- de milices, création de média ment d'une entreprise criminelle à
lards et surtout enfants, sans la pousse-au-crime). Comme tout grande échelle. Ce pouvoir dis-
moindre possibilité de fuite. Toutes génocide, il eut son moment zéro pose en général des moyens né-
les actions visent à détruire les fon- (l'attentat du 6 avril contre Juvé- cessaires pour légaliser ses actes
dations mêmes de la vie du nal Habyarimana) où tout bas- après coup, ce qui justie le re-
groupe cible. Dans ce contexte, cula sans possibilité de retour. Plus cours à une législation internatio-
on comprendra que les enfants, d'un million de Tutsi périrent en- nale d'exception (Ternon). Les
parce que porteurs d'avenir, sont suite en près de 100 jours. Pour massacres commis par des
les cibles prioritaires des tueurs. Le chaque génocide, ces moments bandes ou organisations illégales
fait que des enfants arméniens clés sont connus : mai 1904 (arri- relèvent de la justice nationale or-
aient été kidnappés et convertis vée de von Trotha en Namibie), dinaire, sauf s'il est prouvé que ces
de force n'enlève rien à la volonté 24 avril 1915 (600 notables armé- bandes ont été organisées et sou-
jeune-turque d'en terminer déni- niens sont assassinés sur ordre du tenues par le pouvoir en place.
tivement avec le peuple armé- gouvernement), juillet et octobre
nien. C'est ce qu'exprime le terme 1941 (extermination des Juifs so- 7°) Un processus continu et dyna-
de phrase « tout ou partie » dans viétiques puis européens). mique.
la convention de 1948. À défaut Presque systématiquement, la Tout génocide est constitué par
de la totalité, c'est bien la « part guerre est l'élément clef qui ouvre une multiplicité d'actions qui, lé-
substantielle » du peuple cible qui l'espace entre l'intention et le pas- tales ou non létales (i.e. transfert
doit disparaître à jamais, de ma- sage à l'acte. C'est la guerre, co- d'enfants), visent, toutes, à dé-
nière telle qu'il ne puisse plus assu- loniale (Herero), internationale truire les bases de survie du
rer sa reproduction. A contrario, si (Turquie), idéologique (opération groupe en tant que groupe. De
un groupe humain est éliminé sans Barbarossa) ou encore civile par son caractère systématique,
que personne n'ait eu l'intention (Rwanda) qui permit la libération un génocide se construit sur des
de le faire, ce n'est pas un géno- des pulsions meurtrières : « Le milliers de crimes de masse. Un
cide (Amérindiens). séisme rompt les barrières mo- crime isolé, même aussi odieux
rales. Le potentiel de destruction que celui de Srebrenica en Bos-
5°) La mise en œuvre systématique accumulé au cours des décen- nie, ne peut dans ce cas consti-
(donc préméditée) de la volonté nies par un État contre un groupe tuer à lui tout seul un crime de gé-
génocidaire. se déchaîne brusquement » (Ter- nocide. Il est tout évident qu'une
Pour qu'il y ait génocide, le plan non). fois enclenché, un génocide ne
concerté doit nécessairement prendra n qu'au seul cas d'une
être complété d'une décision. Un 6°) Un crime d'État. défaite militaire (Rwanda). Son
génocide n'a rien de spontané. Il Le terme de génocide ne s'ap- caractère monstrueux, même aux
ne peut se comprendre que dans plique qu'à des crimes ordonnés yeux de ses instigateurs, oblige à
le cadre d'un complot qui vise à par un gouvernement ou un pou- aller jusqu'au bout et ce, notam-
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© str8talk Magazine
Un génocide ne fait pas de différence : les hommes, femmes,
enfants, adultes et vieillards sont massacrés.
ment pour éviter, dixit Himmler, qu'il soit à la guerre, le génocide ment pour ce qu'il est, un être nui-
que les « enfants ne deviennent ne se confond pas avec celle-ci sible (crime immotivé).
un jour les vengeurs de leur père. » et peut même lui être antagoniste Enn, la haine absolue dont sont
Il en est différemment dans le cas puisqu'il peut jusqu'à contrarier la l'objet les victimes d'un génocide
des crimes contre l'humanité. conduite des opérations. En 1945, explique en quoi ses effets sont
Toute meurtrière et surtout crimi- alors qu'ils savaient la guerre per- toujours irréversibles : il ne reste
nelle qu'elle fut (cinq millions de due, les nazis ne songèrent nulle- plus que 60 000 Arméniens en Tur-
morts, dont au moins quatre mil- ment à interrompre le processus quie soit 8 fois moins qu'en France,
lions d'Ukrainiens), l'Holodomor, d'extermination des Juifs. tout au plus 20 000 Juifs en Po-
cette famine organisée n'a pas logne sur les 3,3 millions qu'elle
pour objectif de supprimer jus- Il ressort de ce qui précède que, comptait en 1939, quelques di-
qu'aux derniers les paysans contrairement aux idées reçues, zaines de milliers de Tutsi dits de
d'Ukraine mais bien de leur briser un génocide n'implique pas né- l'intérieur au Rwanda. Quant à
l'échine. C'est Staline qui y mit n, cessairement un critère quantita- l'ethnie des Herero, autrefois ma-
c'est-à-dire à sa propre politique tif. Si le génocide des Herero ne joritaire, elle ne constitue plus au-
d'extermination par la faim, dès concerna « que » 60 000 individus, jourd'hui que 7 % de la mosaïque
qu'il jugea la leçon comprise. Et il faut parler de génocide dans la ethnique namibienne. C'est pour
tout rentra effectivement dans mesure où ceux-ci constituaient cette raison que les Juifs ont choisi
l'ordre... stalinien : les Ukrainiens 80 % de la population herero to- le terme Shoah pour caractériser
acceptèrent le joug soviétique et tale. De même, si on évalue à en- leur génocide. Ce mot tiré de la
kolkhozien. Contrairement au gé- viron soixante millions le nombre Bible, sans être pour autant de na-
nocide, le politicide à une visée de morts pendant la Seconde ture religieuse, désigne une catas-
rédemptrice. Il ambitionne avant Guerre mondiale, parmi ceux-ci trophe irréversible, après laquelle
tout à une reconstruction socio- seuls les six millions de Juifs, et sans rien ne saurait plus être comme
politique précise, certes, par une doute les Tsiganes, doivent être avant. Ce caractère irréversible
pédagogie de la violence ex- considérés comme victimes du n'est pas systématique dans le cas
trême. L'objectif avoué et insensé génocide nazi. Seul le million de des autres crimes contre l'huma-
des Khmers rouges était bien de Tutsi exterminés doivent être con- nité : toutes profondes que purent
régénérer leur peuple, pas de le sidérés comme victimes d'un gé- être les saignées en Ukraine, en
détruire. nocide ; les milliers de Hutu démo- Bosnie et au Cambodge, ces trois
Ainsi, si un crime contre l'humanité crates furent, eux, victimes d'un peuples sont toujours majoritaires
traduit bien la subordination des « politicide », au sens de Ted Gurr dans leur pays.
moyens à une n (soumission d'un et de Barbara Harff, c'est-à-dire
peuple ou contrôle exclusif d'un d'un massacre dirigé contre une
territoire), il en est tout autrement opposition supposée ou réelle. Joël Kotek
(lic. histoire contemporaine et
avec le crime de génocide. Le L'Hutu modéré est un opposant.
dr. sciences politique) est professeur
crime de génocide est une n en On le tue individuellement pour d'université. Ses intérêts se tournent
soi. La destruction de l'Autre cons- ce qu'il a fait (crime motivé) ; le vers l'antisémitisme et les génocides
titue même le but de guerre prin- Tutsi est intrinsèquement inno- ainsi que vers le nationalisme
cipal. En cela, tout intimement lié cent : on l'extermine collective- et la construction européenne.
8 TRACES DE MÉMOIRE
no comment
Georges Boschloos
DÉOGRATIAS de Jean-Philippe Stassen. ASBL Mémoire d’Auschwitz
N° 31 - MARS 2019 9
approfondissement
RWANDA
Rwabugiri, qui régna de 1853 à 40 chefs twas. Concrètement,
1895. von Götzen devint égale- cela signiait que le pouvoir colo-
ment le premier gouverneur de nial belge s'appuya sur la minorité
l'Afrique de l'Est allemand. En tutsie (14 % de la population) du
CONTEMPORAIN
1899, le roi reconnut la souverai- pays. Selon la tactique coloniale
neté de l'Empire allemand et lui consistant d'une part à corrompre
céda les relations extérieures de les relations entre les gens (dans le
son pays. Quelques années plus cas qui nous occupe, en interpré-
tard, les Allemands créèrent éga- tant les appartenances sociales
lement des bases militaires dans le existantes comme apparte-
Le génocide des Tutsis pays. Cependant, l'ingérence al- nances ethniques) et d'autre part
au Rwanda en 1994 lemande ne fut pas très profonde à favoriser parmi ceux-ci des rela-
porte ses racines dans si bien que les relations sociocultu- tions privilégiées avec les plus
relles entre Rwandais restèrent nantis. Se produisit aussi, dans la
l'histoire récente de la pratiquement intactes. même foulée, un changement de
région. L'ingérence des Cette situation durera jusqu'à la religion, à la religion traditionnelle
Européens à partir de Première Guerre mondiale, au rwandaise (un monothéisme) se
cours de laquelle les colonies alle- substituera la religion des coloni-
1884 a été décisive mandes et belges, suivant la situa- sateurs, et ce avec la collabora-
pour l'évolution de l'an- tion en Europe, se combattront. tion de Léon-Paul Classe, vicaire
tagonisme entre Hutus En 1916, les troupes belges atta- apostolique du Rwanda. Sa vision
quèrent Shangi, dans l'ouest du des Tutsis, qu'il considérait comme
et Tutsis. Vous lirez ici Rwanda. À la suite de cette at- les « leaders naturels » du pays,
un bref aperçu de l'his- taque, le Rwanda tomba entre les joua un rôle important dans les
toire du Rwanda au mains des Belges. Après la défaite décisions des colonisateurs
allemande en 1918, le mandat of- belges. C'est aussi à cette
cours du siècle dernier. ciel belge sur le Rwanda - Urundi époque que furent introduites les
fut conrmé par la Société des fameuses cartes d'identité por-
Nations. Ce mandat aurait nor- tant la mention ethnique hutu,
malement dû durer de 1926 à tutsi ou twa. Ce qui conforta la di-
1931, mais se poursuivra jusqu'en vision de la société.
Comme la plupart des régions in- 1962, quoique (à partir de 1947) Après la Seconde Guerre mon-
térieures africaines, le Rwanda sous le nom ofciel de « territoire diale, la Belgique signa un accord
demeurait une terra incognita sous mandat ». Cela signiait qu'à avec les Nations unies (l'organisa-
pour les Européens. La Confé- partir de ce moment, les Belges tion qui succéda à la Société des
rence de Berlin de 1884-1885 durent préparer la région à l'indé- Nations) pour préparer le Rwanda
changera radicalement la pendance future. Cependant, - Urundi à l'indépendance par le
donne. Les superpuissances euro- l'impact belge sur la société rwan- biais d'un processus démocra-
péennes divisèrent l'Afrique selon daise sera beaucoup plus pro- tique. Dans la pratique, on pensait
leurs différentes sphères d'inu- fond que l'impact allemand ne le que cela prendrait plusieurs dé-
ence. L'Empire allemand obtint le fut jamais. En 1926 eut lieu la « ré- cennies. Les conits entre les Tutsis
contrôle de la région du Rwanda forme Mortehan », du nom du ré- et les Hutus, que les Belges
- Urundi1. Dix ans après l'octroi de sident (administrateur colonial) de avaient attisés pendant toutes
la région aux Allemands, le comte l'époque, Georges Mortehan ces années, réapparurent dans
Gustav Adolf von Götzen (1866- (1883-1955). En plus d'une réduc- l'après-guerre et suscitèrent beau-
1910) passa deux mois au tion drastique du nombre de dis- coup d'émoi chez les Hutus qui re-
10 TRACES DE MÉMOIRE
présentaient 83 % de la popula- Ce manifeste, dont le titre original Il fut considéré par les Tutsis
tion. Mais dans la mesure aussi où était « Note sur l'aspect social du comme une provocation, il re-
les Tutsis manifestèrent les pre- Problème racial indigène au connaissait en effet l'existence de
miers des velléités d'indépen- Rwanda », comportait dix pages deux peuples différents cohabi-
dance, le pouvoir colonisateur, rédigées par neuf intellectuels hu- tant sur la terre du Rwanda, un
opportuniste, changea de parte- tus et adressées au gouverneur peuple majoritaire (les Hutus) et
naire et s'appuya désormais sur les général adjoint du Rwanda. Le un autre minoritaire (les Tutsis) qui
Hutus, exportant par la même oc- manifeste dénonçait l' « exploita- ne pouvait dorénavant en aucun
casion au Rwanda le conit qui tion » subie par les Hutus. La dis- cas bénécier des mêmes droits,
existait à l'époque en Belgique tinction ethnique entre Hutus et alors que jusque-là, comme déjà
entre la minorité francophone ex- Tutsis conduisit progressivement à évoqué, tous les habitants du
ploitant la majorité amande. Le une radicalisation des conits. Ce pays étaient considérés comme
ressentiment des Hutus à l'égard manifeste peut donc être consi- les sujets du Mwami (roi du
des Tutsis se cristallisa en 1957 déré comme le point de départ Rwanda).
avec le « Manifeste des Bahutu ». de l'action politique des Hutus. La création de divers partis poli-
© www.un.org
N° 31 - MARS 2019 11
tiques à partir de 1959 constituera (Union nationale rwandaise) fut seules les troupes françaises restè-
la continuation active des idées fondée au Kenya. Ce mouve- rent sur place : la France se vit de
du manifeste. Le parti le plus im- ment, avec l'aide des opposants ce fait attribuer un rôle privilégié
portant sera le Parmehutu de Gré- hutus au régime Habyarimana, dans la région. Avec ces interven-
goire Kayibanda (1924-1976), qui évoluera vers le FPR (Front patrio- tions étrangères et une armée tut-
deviendra président lorsque le tique rwandais). sie du FPR à ses frontières, le ré-
Rwanda passera d'un régime mo- À plusieurs reprises au cours des gime affaibli de Habyarimana dut
narchiste à un régime républicain années 1980, les pays voisins ten- faire des concessions à ses oppo-
et indépendant en 1962. L'année tèrent de renvoyer les exilés tutsis sants politiques comme à son allié
1959 vit également le début des au Rwanda, mais à chaque fois ils français (conférence de La Baule
affrontements violents entre Hutus furent refoulés par Habyarimana. de François Mitterrand). En 1991,
et Tutsis, car en novembre fut ini- Son régime connaissait à ce mo- la Constitution fut modiée, ce qui
gée la « Toussaint rwandaise », ment aussi d'autres problèmes, de entraîna l'introduction d'un sys-
une série de massacres contre les nature économique cette fois. En tème multipartite et la liberté de
Tutsis qui t environ 20 000 morts. 1989, la crise s'aggrava, les prix la presse. Les partisans de la ligne
Plusieurs dizaines de milliers de sur- des produits d'exportation tels dure des Hutus virent ces évolu-
vivants choisirent de fuir vers les que le café et le thé baissèrent, la tions d'un très mauvais œil. La pro-
pays voisins du Rwanda. Entre corruption augmenta, tout pagande anti-tutsi, telle que les
1959 et 1963, environ 200 000 Tutsis comme les arrestations des oppo- « Dix commandements des Ba-
fuirent vers l'Ouganda, le Zaïre sants au régime. La situation inté- hutu », fut distribuée en masse,
des jeunes liés au MRND com-
mencèrent à former des milices
violentes (dont les fameux Intera-
hamwe). Les meurtres contre les
Tutsis devinrent alors monnaie
courante au cours de l'année
1992. Avec l'approbation de Ha-
byarimana, une campagne de
propagande commence, visant
à aliéner encore davantage les
La radio était le moyen de Hutus des Tutsis. Les Tutsis, en tant
communication par que boucs émissaires, sont crimi-
excellence pour mettre nalisés, une méthode éprouvée
les Interahamwe sur la
© Medium.com
trace de leurs victimes.
qui avait déjà été utilisée par
d’autres régimes dictatoriaux.
(maintenant la République démo- rieure du pays était déjà très ten- Kangura (Réveille-toi), un journal
cratique du Congo) et le Burundi. due lorsqu'en octobre 1990, les rwandais inuent, a publié les « Dix
Plusieurs épisodes de persécution troupes du FPR commencèrent à Commandements Hutu ». Ceux-ci
des Tutsis au Rwanda suivront en envahir le Rwanda par la frontière xent des règles pour les contacts
1967 et 1973, année où le Hutu Ju- ougandaise, provoquant la re- des Hutus avec les Tutsis.
vénal Habyarimana (1937-1994) prise de la guerre civile. Des arres- « Les dix commandements hutu »
arriva au pouvoir après un coup tations et des massacres de Tutsis visaient à convaincre la popula-
d'État. En 1975, il fonda le MRND suivront. Les puissances étran- tion hutu et que les Tutsis étaient
(Mouvement républicain national gères interviendront également : leurs ennemis par excellence. La
pour la démocratie), qui fut le seul des troupes belges, zaïroises et propagande évoquait des
parti à exister jusqu'en 1991. Ce- françaises apporteront leur aide images de guerre, d'esclavage,
pendant, les Tutsis qui avaient fui au régime de Kigali, mais dans le d'oppression, d'injustice, de mort
à l'étranger ne s'avouèrent pas but prioritaire de mettre leurs et de cruauté. Des images fabri-
vaincus et espérèrent un retour compatriotes en sécurité. En no- quées à partir de dépôts de muni-
dans leur patrie. En 1979, la RANU vembre de la même année, tions inexistants du FPR, par
12 TRACES DE MÉMOIRE
exemple, ou de Tutsis suspects, la station et son style de présenta- Rwanda. Le 6 avril 1994, l'avion du
ont conduit les Hutus à avoir peur tion informel ont encouragé les Président Habyarimana et du Pré-
et à s'armer pour se protéger gens à se mettre à l'écoute. Les sident burundais Ntaryamira, re-
contre l'ennemi tutsi. bulletins d'information de RTLM et venant d'un sommet en Tanzanie,
Malgré une mauvaise distribution, les bulletins de nouvelles locales fut touché par une roquette lors
Kangura a atteint un large public. étaient pleins de ragots et de de son atterrissage. L'assassinat
D'autres journaux et magazines scandales. Les auditeurs étaient de Habyarimana marque le dé-
ont copié des articles parus dans encouragés à appeler la radio et but du génocide des Tutsis au
Kangura. Malgré le fait que seule- étaient mis à l’antenne. Rwanda. Le 7 avril, les membres
ment 66 % des Rwandais savaient L'intelligentsia rwandaise a égale- du pouvoir hutu prennent de
lire, la propagande était très ef- ment été inuencée par la propa- facto le pouvoir et font assassiner
cace : les articles étaient abon- gande. Comme le système édu- le Premier ministre Agathe Uwilin-
damment illustrés par des dessins catif était nancé par le gouver- giyimana (1953-1994), femme
qui transmettaient un message in- nement, la plupart des conféren- hutu modérée, et sa garde com-
dubitablement malveillant. De ciers voyaient peu de place pour posée de dix paras commandos
plus, la culture orale rwandaise si- une position indépendante ou cri- belges. Entre le 7 avril et le 17 juil-
gniait que les dix commande- tique. L'un des professeurs d’uni- let 1994, entre 800 000 et un million
ments hutus étaient transmis à de versité les plus inuents, Léon de Tutsis seront tués à la machette
nombreuses personnes analpha- Mugesera, un propagandiste et à l'arme à feu. Les tueurs pou-
bètes. hutu de la ligne dure, a prononcé vaient être aussi bien des soldats,
En raison du taux élevé d'anal- le fameux discours du 22 no- des miliciens que des voisins. Des
phabétisme, la radio était l'outil vembre 1992 au motif que l'en- postes de contrôle furent installés
de propagande le plus efcace. nemi voulait détruire tous les Hu- à divers points stratégiques des
En 1991, seulement 29 % de tous tus. Certaines parties de ce dis- villes. Après vérication des cartes
les ménages possédaient une ra- cours ont été diffusées, dix-huit d'identité, les Hutus étaient autori-
dio, mais les Rwandais qui mois avant le génocide. sés à passer, mais les Tutsis étaient
n'avaient pas de radio écoutaient En février 1993, le FPR poursuivit assassinés sur place. Outre les Tut-
les émissions dans les cafés locaux son offensive contre le régime de sis, les Hutus modérés devaient
ou ailleurs. Jusqu'en 1992, la seule Kigali dans le nord du Rwanda. également craindre pour leur vie
station du pays, Radio Rwanda Malgré le soutien français au ré- s'ils choisissaient de venir en aide
(NNR), diffusait principalement gime, quelque 750 000 agricul- aux Tutsis. Ici aussi, les Européens
des discours présidentiels, des an- teurs prirent la fuite vers le sud, loin (Belges et Français) choisirent de
nonces gouvernementales of- de la zone de conit. En mettre en sécurité leurs compa-
cielles, des résultats d'examens et août 1993, les Accords d'Arusha triotes en priorité.
des bulletins d'information censu- (en Tanzanie) devaient offrir une Contrairement à l'afrmation, er-
rés. Il n'existait pas de station de issue pacique à la transition dé- ronée, qui interprétait la première
radio indépendante. Quand, en mocratique, mais ce même mois phase des tueries comme une ré-
1991, le FPR a mis en ondes sa les émissions de RTLM, se mirent à action conduisant à un règlement
propre station, Radio Muhabura, il diffuser quotidiennement sur les de compte interethnique, la
s'est rapidement fait connaître ondes la propagande raciste et donne en 1994 était évidemment
des Rwandais. En réponse à cela, violente des extrémistes hutus. très différente. Il s'agissait d'un vé-
le gouvernement a créé la Radio Au début de 1994, le général ca- ritable génocide, patiemment
Télévision Libre des Mille Collines nadien Roméo Dallaire, qui diri- préparé pendant des années
(RTLM). Le musicien très populaire geait la mission de l'ONU au sous forme de propagande et par
Simon Bikindi (1954-2018) et tous Rwanda, informa ses supérieurs à l'achat d'armes à l'étranger. Fina-
les collaborateurs de RTLM étaient New York qu'il avait été mis au lement, la victoire militaire du FPR
issus de l'élite qui entourait Habya- courant que des partisans de la sous la direction du Tutsi Paul Ka-
rimana, l’Akazu (la maisonnée). ligne dure des Hutus (le Hutu Po- game mettra un terme au géno-
RTLM attire rapidement un large wer) préparaient un génocide cide et par la même occasion à
public. La musique entraînante de contre la population tutsie au la guerre civile. Les organisateurs
N° 31 - MARS 2019 13
Première page du
périodique de
propagande Kangura,
juillet 1993.
Frédéric Crahay
du génocide se réfugièrent au naux populaires, appelés gaca- Directeur
Zaïre et ne seront jugés que par- cas pour rendre la justice. Après ASBL Mémoire d’Auschwitz
tiellement. Le 9 novembre 1994, le 25 ans, il n'est toujours pas établi
Conseil de sécurité des Nations ofciellement qui a exactement
unies adopta la résolution 995 por- tiré la roquette sur l'avion prési-
tant sur la création d'une Cour in- dentiel, mais tout indique dans les
ternationale de justice pour le recherches récentes que la garde (1)À partir de 1962, la région se
Rwanda. Mais en raison du grand présidentielle (les partisans de la composait de deux pays :
nombre d'assassins individuels, il ligne dure hutue) a éliminé Ha- Rwanda, capitale Kigali et Bu-
fut décidé de créer aussi des tribu- byarimana, alors politiquement rundi, capitale Bujumbura.
14 TRACES DE MÉMOIRE
Catalogus
TRAIN
DES
2020
L’historique Le nouveau projet
En mai 2020, la Fondation Qui sera dans
Auschwitz et le War Heritage Insti-
1995 tute coorganiseront, avec le con- le train ?
cours de divers partenaires inter-
L
a Ville de Namur et la nationaux (telle la Fédération in-
Fondation Auschwitz or ternationale des Résistants et Elèves de 17/18 ans de
ganisent un grand événe- autres), le déplacement d’un mil- Belgique et d’Europe. Il est prévu
ment mémoriel, le Train des Mille, lier de jeunes de Bruxelles à que les élèves viennent par classe
qui avait emmené 1000 jeunes de Auschwitz, grâce à un train spé- avec leur encadrement profes-
Namur à Auschwitz. cialement affrété par la SNCB soral. Il est à noter que le Train
pour la circonstance : le Train des même amènera physiquement
1000. parlant quelque 750 personnes
mais que ce nombre sera aug-
L
’Institut des Vétérans – jeunes dans les différentes gares place (pour les pays plus proches
INIG et la Fédération In- où il fera arrêt. Il emmènera et ras- d’Auschwitz comme la Répu-
ternationale des Résis- semblera ainsi un millier1 de blique tchèque, la Pologne, la
tants (FIR) organisent le Train de la jeunes Belges et autres Européens Russie, etc)
Liberté. Ce train « spécial » a em- qui commémoreront, en pré- Les élèves seront issus des
mené 350 jeunes Belges (issus de sence des derniers survivants du différents réseaux et types d’en-
toutes les provinces du Royaume), camp, la victoire des forces dé- seignement des 3 communautés ;
ainsi qu’une centaine d’Espa- mocratiques sur l’Allemagne na- en même temps, il sera tenu
gnols, de Français et de Portugais zie. compte d’une répartition géogra-
de Bruxelles à Weimar (Buchen- Outre la Commémoration, le phique aussi équitable possible
wald) en Allemagne. Sur place, voyage présente plusieurs objec- entre les 10 provinces ainsi que la
les 450 jeunes ont rejoint un millier tifs : Région de Bruxelles – capitale.
d’autres jeunes en provenance Éducatif : permettre à ces Pays participants (sous réserve) :
du reste de l’Europe, représentant 1000 jeunes de visiter le Musée Belges, Français, Hollandais,
tous ensemble 22 nationalités eu- d’Auschwitz et le camp d’extermi- Luxembourgeois, Allemands, Ita-
ropéennes. nation de Birkenau, et de prendre liens, Portugais, Espagnols, Polo-
connaissance de visu du système nais, Hongrois, Grecs, etc.)
concentrationnaire et génoci- Des « Anciens », ex-dépor-
daire nazi tés d’Auschwitz et d’autres camps
Mémoriel : visiter le camp participeront au voyage.
en compagnie de rescapés et de Des experts et autres spé-
L ’IV-INIG et la Fondation
Auschwitz organisent
conjointement un nouveau Train
des Mille pour Auschwitz, en par-
même de la négation absolue
des Droits de l’Homme.
Médiatique : La rencontre
devrait être, comme pour les édi-
taires (de différents partis)
Renseignements
Préparation pratiques
pédagogique Les groupes sont répartis dans 6
différents hôtels de Cracovie.
Les
Tous les repas seront pris en
charge par l’organisation (pen-
organisateurs
Le projet préparatoire s’étale sur sion complète avec repas en hô-
une année et comprend toute la tel ou restaurants lors des journées La Fondation Auschwitz/
période d’activité scolaire de de visite), en ce compris lors du ASBL Mémoire d’Auschwitz
septembre 2019 à juin 2020. No- trajet aller/retour en train de Rue aux Laines, 17 Bte 50
tamment (pour les élèves belges, Bruxelles-Cracovie, au cours du- 1000 Bruxelles
français et hollandais), les activi- quel des lunch-packets et petits
tés suivantes seront mises sur déjeuners seront offerts aux voya- Le War Heritage Institute
pied : geurs, excepté pour le repas du Avenue de la Renaissance, 30
Des visites de Breendonk soir le jour du départ (les partici- 1000 Bruxelles
et de la Kazerne Dossin pants ramènent leur casse-
Des visites de l’espace croûte)
Bordiau III au MRA (consacré à la
n de la 2ème Guerre mondiale et Un compartiment spécial avec Les partenaires
à la Déportation) médecins et inrmiers militaires
Des exposés dans les sera aménagé dans le train. Sur
écoles participantes réalisées par place, une structure médicale vo- La Fédération Internatio-
l’équipe Mémoire de l’Institut et lante sera mise en place. nale des Résistants - FIR, ONG re-
expliquant notamment les ori- Tous les participants seront assurés connue par l’ONU, Franz Mehring
gines du système concentration- par l’organisation. Platz 1D, 10243 Berlin. Celle-ci four-
naire, en ce compris les diffé- nira des groupes de jeunes de la
rences entre la déportation poli- Le coût réel par personne est de plupart des pays européens où la
tique et la déportation raciste. 520,00 €. L’organisation se charge Fédération est représentée (Alle-
Des colloques et autres de couvrir une grande partie de magne, Portugal, Grèce, Hol-
journées d’étude pour les profes- ses frais sur fonds propres et via lande, Espagne, Hongrie, etc)
seurs des subventions. L’Ofce National des An-
La remise d’une docu- ciens Combattants (France) qui
mentation et d’un package pé- La participantion est xé à enverra une trentaine de jeunes
dagogique 250,00 € par élève et par ensei- L’Association nationale
Le soutien pour la réalisa- gnant. des Partisans italiens (la plus
tion de projets pédagogiques di- grande association patriotique
vers (comme la création de pop- Pour plus d’infos et inscriptions : italienne) qui amènera une tren-
up monuments, de concours pho- www.traindes1000.be taine de jeunes issus de toute la
tos, de mini-expos, etc.) jusqu’au 24 mai 2019. péninsule italienne
Programme
05/05/20
- 12h30 : Accueil des groupes à la Gare du midi
- 13h30 : Cérémonie du départ en présence de 600 jeunes et des
autorités dans un endroit dédié à la Gare du Midi
(Présence des autorités belges)
- 14h15 : Embarquement dans le train
- 15h00 : Départ du train
- 15h00 : Accueil des groupes au départ de Namur ou Liège en
gare de Namur ou de Liège (TBC)
- 16h00 : Embarquement à Namur/ ou Liège (TBC)
- 18h30 : Embarquement à Wasserbilig (Grand-Duché) (TBC)
- 23h00 : Embarquement à Francfort (Allemagne)
06/05/20
- Arrivée à Cracovie vers 17h00 et installation dans les hôtels
- Soir : soirée libre
07/05/20
- 7h30 : Départ pour Auschwitz
- 9h00 : Visite du musée
- 13h00 : Déjeuner dans des restaurants d'Auschwitz ;
- 14h30 : Poursuite de la visite jusqu'à 17h00
- 19h00: Spectacle Kamp ; spectacle hollandais de poupées
représentant le processus d'extermination à Auschwitz
(pour 500 jeunes).
- 19h00 : Concert du groupe de musique Kletzmer Kroke (pour les
500 autres jeunes)
08/05/20
- 7h30 : Départ pour Birkenau (descente des cars à la « Jude
rampe » et marche à pieds
- 13h00 : Cérémonie internationale au monument d'Auschwitz II
- 15h00 : Concert du groupe de musique Kletzmer Kroke (pour les
500 jeunes qui, la veille ont vu Kamp)
- 15h00 : Spectacle Kamp (pour les 500 jeunes qui la veille ont vu
Kroke)
- Soir : Soirée festive
09/05/20
- Visite de Cracovie (aspects de la vie juive avant l'extermination)
- 13h00 : Départ pour la Belgique
10/05/20
- 16h00 : Arrivée à Bruxelles Midi (sous réserve des impondérables
du trajet)
DIRE UN MOT
POUR UN AUTRE : interrogation
LAPSUS, DÉNI MASQUÉ OU
RACISME RÉSIDUEL ?
N° 31 - MARS 2019 19
Les Noirs ont prétendument
la machette facile ...
plus douce : une guerre reste une lontaire (dans certains cas), mais quer des tueries rituelles et régu-
guerre, elle tue et fait couler de toutes façons condamnable, lières ! Ce type de discours n’était
beaucoup de sang. Et beaucoup et volontaire (c’est encore le cas pas rare à l’époque. Il ne l’est tou-
d’encre depuis. Il est clair, toute- de la France aujourd’hui) des jours pas.
fois, que la légitimité de l’actuelle pays occidentaux et de leurs mé- Ainsi euriront des expressions et
République du Rwanda ne se dias. Ces petits arrangements des termes qui n’auront d’autre
fonde pas sur la victoire des Tutsis avec l’actualité et puis avec l’his- fonction que de faire écran sur la
contre les Hutus, mais sur le pari toire sont favorisés par la coexis- réalité de l’histoire : plutôt que de
(risqué) de la réconciliation de tence de la guerre et du géno- reconnaître le génocide, on par-
tous les Rwandais. Ce qui n’em- cide. Celle-là pouvant d’une cer- lera de préférence de « mas-
pêche évidemment pas des sen- taine façon dissimuler celui-ci de sacres » ; plutôt que d’identier la
timents de frustrations, de ven- toutes sortes de manières. Le sens cible principale du génocide, à
geance ou autres revanches du mot « génocide » tend alors à savoir les Tutsis, on parlera de « gé-
d’apparaître. Sans compter les se dissoudre dans la relation de nocide rwandais » ; certains, plus
multiples tentatives de vouloir re- faits de crimes de guerre, de mas- avisés, plus habiles, comprenant
faire l’histoire ! sacres, de représailles ou encore sans doute l’inanité de nier le gé-
Bien entendu, le génocide des dans le scénario très répandu de nocide des Tutsis, soumettront sa
Tutsis fut un événement difcile à la réaction populaire par rapport reconnaissance à celle d’un
camouer : couvert au quotidien à certains événements forts. L’at- autre « génocide », celui qui, à
par les caméras de télévision, il fut tentat perpétré contre l’avion de leurs yeux, aurait été perpétré
donné en pâture au public assorti l’ancien Président Juvénal contre les Hutus. C’est la thèse du
d’explications approximatives, Habyiarimana et la propagande « double génocide », véhiculée
souvent malheureuses, désorien- mortifère diffusée par la Radio des notamment par le Président de la
tées par nombre d’idées reçues. Mille Collines en sont de bons République française de
La réalité des exactions, portée à exemples. Ils sont signicatifs à l’époque, François Mitterrand
la connaissance de tous, entraîna plus d’un titre : il est très aisé d’en (« tout le monde tue tout le
(et entraîne encore) du côté des faire des instruments de contre ré- monde », disait-il), qui a encore
thèses négationnistes (sachant cits, des occasions d’occulter à la de beaux jours devant elle ! On
que tout génocide organise tou- fois le processus génocidaire aura du mal à considérer ces dé-
jours son propre effacement) un (commencé pourtant dès 1959 !) tournements de sens comme de
autre type d’argumentaire que et l’organisation effective (et hé- simples « lapsus » !
celui développé pour la négation las efcace) de celui-ci. Extermi- Ainsi, sans formation historique
de la Shoah. Comme il est impos- ner plus d’un million de personnes précise (à faire remonter jusqu’à
sible de dissimuler les traces du en une centaine de jours résiste la période de la colonisation),
génocide des Tutsis, le processus mal à la thèse réactive, mais s’ac- sans formation aux stratégies de
de négation porte sur le choix des commode très bien des relents ra- communication, il y a de quoi, en
mots utilisés, rendu possible par un cistes et méprisants qui courent effet, y perdre son latin, d’autant
détournement de sens des situa- toujours en Europe : les Noirs ont que l’Europe, comme les USA et le
tions concernées. Avec probable- prétendument la machette facile Canada, abritent en leur sein
ment la complicité à la fois invo- et la fâcheuse habitude de prati- quantité de génocidaires qui y vi-
20 TRACES DE MÉMOIRE
Des caméras télé filmaient l’horreur
au jour le jour, on aurait eu du mal à cacher
le génocide en cours.
N° 31 - MARS 2019 21
Tous les mots ne se valent pas :
on l'aura compris, massacres, crimes de guerre,
crimes contre l'humanité,
génocide, ne sont pas des synonymes.
proportionnellement à l’épaisseur
des substrats à partir desquels elle
se diffuse et qui dans cette me-
sure la permettent ! Pays lointain
pour l’Europe, mais proche à la
fois au regard d’une histoire com-
mune, le Rwanda suscite encore,
25 ans après le génocide, des ré-
actions en sens divers, d’autant
que les protagonistes de
l’époque, en particulier celles et
© Therry De Win
ceux qui s’y sont de près ou de
loin compromis, sont pour la plu-
part encore en vie et n’appré-
rique des forces en présence, ce (pas tous spécialistes du Rwanda cient guère de voir leur sommeil
qui fut donné à lire ne permit pas et de l’Afrique des Grands Lacs) ou leur tranquillité d’esprit troublés
de se former une idée précise ou est relative, bien entendu, à par de piquants rappels qu’ils
tout à fait pertinente du drame en l’orientation de la ligne éditoriale n’auront de cesse de démentir !
cours, pas forcément ou immé- des organes de presse, concur-
diatement identié en tant que rents, qui les emploient mais aussi Thierry De Win
génocide d’ailleurs (c’est La Libre à la ligne politique du gouverne- Commission pédagogique
Belgique qui utilisa le terme pour ment belge, à la capacité d’assu- ASBL Mémoire d’Auschwitz
la première fois le 13 avril dans un mer les suites de la colonisation et
éditorial de Jean-Paul Duchâ- de la décolonisation, sans oublier
teau), ne permit pas non plus de le rôle inuent de la famille royale
réaliser clairement le rôle exercé comme celui des intérêts de (1) Emmanuel Freson, « Le géno-
et à exercer par le FPR (cette fois, l’Église catholique dans cette ré- cide au Rwanda et la presse fran-
ce sera Colette Braeckman qui gion du monde. La relation d’un cophone belge de référence :
mettra en évidence le rôle du FPR événement de cette nature se rencontre d’un pays meurtri avec
comme artisan de la résolution du doit de passer par quantité de un média tâtonnant », Re-
conit et de l’avenir du Rwanda). « ltres » avant de revêtir une cherches en communication, n°
La grille de lecture des journalistes forme plus ou moins adéquate, 25, UCL, 2006.
22 TRACES DE MÉMOIRE
application Public cible : classes de 6ème année (rhétorique)
pédagogique
Cours :
Un projet interdisciplinaire avec les cours d’histoire, de français (incluant l’éducation
aux médias) de formation géographique et sociale, de religion, de morale ou encore
de citoyenneté.
Au cours du projet :
Lecture d’extraits (pour les quatre cours) de la revue Dialogue consacrée à la
lutte contre le négationnisme, publiée à Kigali en juin 2014 (n° 206-207), ainsi que de
l’article de J. D. Bizimana, « L’Église catholique et le génocide des Tutsi : de l’idéologie
à la négation », mis en ligne le 21 octobre 2008,
Invitation de témoins et de rescapés du génocide (en contactant Ibuka Mé-
moire - Justice à Bruxelles),
Fourniture de documents cartographiques et géopolitiques du Rwanda et de
la région.
En mobilisant tout cela, demander aux élèves, répartis en groupes, de faire des
recherches complémentaires sur le génocide, le sens du terme, sur les deux premières
Républiques, sur le FPR, sur Paul Kagamé, sur les Casques bleus belges assassinés à
Kigali, sur l’Opération Turquoise, etc., an de proposer une problématique portant sur
la difculté de dire, de raconter le génocide des Tutsis et ses conséquences, au re-
gard des points de vue associés aux quatre cours (proposer un état de la question
suivi d’une argumentation, à déposer par écrit et à présenter oralement).
Après le projet :
Proposer la lecture (pour le cours de français) de Notre-Dame du Nil de Scholastique
Mukasonga ou de Petit Pays de Gaël Faye et ouvrir la discussion sur le racisme latent
ou avéré qui subsiste aujourd’hui par rapport à la population africaine.
www.auschwitz.be
Woluwe-Saint-Pierre : une œuvre est commandée chez le sculpteur belge Tom Frantzen.
… QUE DANS
LE CAS DU © ASBL Mémoire d’Auschwitz/Frédéric Crahay
GÉNOCIDE
AU RWANDA
VOUS
DEVEZ u début des années 2000, comme victime. Or, cette indiffé-
TERMES
Belgique en compagnie des re- moration fut xée au 7 avril, car
présentants du ministre belge des c’est à partir de cette date que
Affaires étrangères et de la muni- les meurtres commencèrent à se
cipalité elle-même. Le panneau répandre rapidement dans la ville
24 TRACES DE MÉMOIRE
La nouvelle plaque à la base du monument « Sous le même ciel ».
N° 31 - MARS 2019 25
réflexion Tutsis, Hutus et Twas
Comment des êtres humains ont été divisés en groupes ethniques
L
orsque les explorateurs ter les impôts. La pression sur les
européens découvrent la Hutus par les Tutsis est ainsi main-
région située entre le lac tenue, sans renvoyer (provisoire-
Kivu et le lac Victoria au 19e ment) à une stratication (raciale)
siècle, ils délimitent les territoires. soi-disant scientique.
© https://slideplayer.com
26 TRACES DE MÉMOIRE
© IBZ
N° 31 - MARS 2019 27
varia
BALISES
POUR LA
CITOYENNETÉ
Nous nous demandons de plus en Toutes les écoles secondaires du Les premières écoles ayant reçu
pays sont contactées et infor- le label (le 26 janvier 2018)
plus souvent comment préparer
étaient :
nos enfants pour qu'ils compren- mées de la possibilité d’être re-
nent ce monde qui bouge sans connues pour leur travail et nous Le Stedelijk Lyceum
*
cesse, comment leur apprendre à les invitons à nous envoyer une Cadix à Antwerpen.
rééchir de façon critique et indé- simple demande de participation * Le Collège du Sacré-
pendante, comment les aider à accompagnée du court ques- Cœur à Ganshoren.
tionnaire ci-joint. * Le Lycée Saint-Jacques
communiquer avec l’autre avec
à Liège.
respect et compréhension.
C’est la date de la commémora- Le 28 janvier 2019 nous avons ho-
« Enseigner les valeurs de la ci- tion de la libération du camp noré les écoles suivantes :
toyenneté est aussi important que d’Auschwitz, le 27 janvier, (ou la
veille/lendemain si le 27/01 tombe * Le KTA2 – Villers à
d’apprendre à lire et à écrire. » Hasselt.
un week-end) que nous avons
* Le Onze-Lieve-
choisie pour la cérémonie de re-
L’ASBL Mémoire d’Auschwitz a Vrouwecollege à
mise des labels, et l'Atelier Marcel Oostende.
décidé, en collaboration avec ses
Hastir à Bruxelles pour des raisons Le IC DIEN – HBO Ver-
deux commissions pédagogiques, *
historiques : c’est dans ce lieu que pleegkunde à
la francophone et la néerlando-
trois jeunes gens ont pris la déci- Roeselare.
phone, de mettre en lumière les Le Collège Saint-Roch à
sion d’arrêter le XXe convoi de *
écoles qui font des efforts particu- Ferrières.
Malines vers Auschwitz.
liers dans le domaine de l'éduca-
tion de la mémoire et qui pren- Envie de remporter ce label pour
nent l'initiative d'enseigner tolé- Sans aucun doute l’acte ultime votre école?
rance, respect et responsabilité de citoyenneté !
Envoyez-nous votre demande
civique, en leur attribuant le label avec le questionnaire complété
« Balises pour la citoyenneté ». Pour la remise des prix, nous invi- avant le 1 novembre 2019 à
tons les directeurs, les enseignants l’adresse suivante :
ATTENTION ! et si possible une délégation
Il ne s’agit en aucun cas d’un d’élèves, des écoles choisies. ASBL MÉMOIRE D’AUSCHWITZ
Les ministres de l’Enseignement À l’attention de G. Boschloos
nouveau concours.
Rue aux Laines 17 Boîte 50
de chaque région représentée 1000 Bruxelles
Nous voulons reconnaître chaque seront invités ainsi que les éche-
année les efforts de citoyenneté vins de l’Enseignement des villes Ou par courriel :
qui ont été faits dans les écoles. gagnantes. georges.boschloos@auschwitz.be
28 TRACES DE MÉMOIRE
BULLETIN DE PARTICIPATION POUR DEVENIR ÉCOLE LABELLISÉE
« BALISES POUR LA CITOYENNETÉ » ANNÉE SCOLAIRE 2018-2019
Règlement
Avez-vous déjà participé à cette initiative ?
1. L’école participe ou a participé
de façon active (des dons d’ar-
Si oui, en quelle année ?
gent sans actions entreprises ne
comptent pas comme
participation active) à un ou des
Avez-vous déjà obtenu le label une autre année ?
projets humanitaires, sociaux
et/ou de mémoire. Le projet
sera décrit en détail.
Si oui, en quelle année ?
2. Les projets peuvent être des
collaborations avec d’autres
institutions ou des initiatives Décrivez ci-dessous quel(s) projet(s) vous avez mené cette année.
individuelles de l’école. (Précisez le nom et but du (des) projet(s), s’il s’agit d’une collaboration
3. Chaque école pourra participer avec d’autres associations (précisez) ou d’une (des) action(s)
chaque année, même après uniquement portée(s) par votre école, et le nombre d’enseignants et
avoir été récompensée une an- élèves qui y ont participé).
née antérieure. Si vous disposez d’articles de presse, de photos ou d’autres
4. Les projets n’auront aucun but informations, merci de les ajouter à votre dossier.
lucratif ni pour l’école ni pour
les élèves.
5. Les institutions lauréates s’en-
gagent à être présentes lors de
la remise du label.
6. Les institutions lauréates auto-
risent l’ASBL Mémoire
d’Auschwitz à utiliser leur nom
pour des raisons de communi- Date, signature de la direction et cachet de l’établissement.
cation.
N° 31 - MARS 2019 29
varia
26 mars
PASSEURS
D’IMAGES
Thème de l’édition 2019 :
PROPAGANDE
30 avril
VALLEY OF THE WOLVES: IRAQ
Serdar Akar & Sadullah Sentürk - 2006
30 TRACES DE MÉMOIRE
24 septembre Programmation de notre
L’INTERVIEW QUI TUE (THE INTERVIEW) CYCLE DE DOCUMENTAIRES
Evan Goldberg & Seth Rogen - 2014
29 janvier
SURVIVRE ET RÉSISTER À AUSCHWITZ
Sarah Timperman - Stéphanie Perrin (2019)
29 octobre
LE DICTATEUR (THE GREAT DICTATOR)
Charles Chaplin - 1940 25 juin
VIENNE AVANT LA NUIT
Robert Bober - 2017
En pratique :
Ça se passe où ?
Cinéma AVENTURE
Rue des Fripiers 15
(Galerie du Centre) - 1000 Bruxelles
À 10 minutes à pied de :
Bruxelles Centrale
26 novembre Stations de métro
LA CHUTE DU FAUCON NOIR (BLACK HAWK DOWN) BOURSE et DE BROUCKERE 17 décembre
Ridley Scott - 2001 Parking MONNAIE
TREBLINKA. JE SUIS LE DERNIER JUIF
Guillaume Ribot - 2016
Cycle de documentaires :
Trois films de témoignages de
rescapés de la Shoah.
N° 31 - MARS 2019 31
VARIA
Collection « Paroles d’Archives »
Les témoins racontent...
Les documentaires de la collection « Paroles d'archives » s’inscrivent
dans le cadre d’actions et d’activités participant au projet de reconnais-
sance de la mémoire des victimes de la Shoah et de la terreur nazie,
lancé par l’ASBL Mémoire d’Auschwitz.
On sait que l’on reconstruit la mé- d’une période historique. Volume 1
moire du passé à travers les traces Néanmoins, la particularité de 1930-1942. Mémoire Juive du quartier
laissées par ceux qui l’ont vécu : l’archive visuelle nous place dans Marolles-Midi Bruxelles.
lettres, journaux intimes, photos, un rapport plus intime avec les té- (Marta Marín-Dòmine, 2012)
mais aussi, et surtout, à travers les moins : leur image sur l’écran,
narrations de ceux qui nous font leurs gestes, leurs voix avec ses Volume 2
parvenir leurs souvenirs. propres cadences, ses silences, 1942-1944. La Caserne Dossin à Mali-
C’est pourquoi la Fondation les sourires et, parfois, avec la nes. Des témoins racontent…
(Sarah Timperman et Stéphanie Perrin,
Auschwitz a eu parmi ses princi- rage et la tristesse ajoutant une di-
2013)
paux objectifs la collecte de té- mension actuelle au passé qui
moignages des survivants des nous est raconté.
Volume 3
camps de concentration et des Ce projet a été animé par le sou- Déportés de Malines à Auschwitz. Des
centres d’extermination nazis, ac- hait de faire circuler l’archive, de témoins racontent…
tivité qui, entamée en 1992, a per- redonner vie aux témoignages en (Sarah Timperman et Stéphanie Perrin,
mis de rassembler plus de 235 en- les mettant en rapport avec un 2015)
registrements (1 300 heures). présent qui sait très peu ou
L’archive est un lieu de préserva- presque rien de leur existence. Volume 4
tion de données et de repérages Quatre volumes sont déjà sortis sur Survivre et résister à Auschwitz. Des té-
à travers lesquels on peut recons- DVD, le cinquième (Le retour des moins racontent…
truire, toujours de façon approxi- rescapés) sera présenté début (Sarah Timperman et Stéphanie Perrin,
mative, la vie et les événements 2020. 2018)
Les DVD sont à commander par e-mail à l’adresse suivante : info@auschwitz.be - Prix : 12,50 €/pce + frais d’envoi
POUR UNE PRISE ASBL Mémoire d’Auschwitz - Tél. : 02 512 79 98 info@auschwitz.be
DE CONTACT Fondation Auschwitz
Rue aux Laines, 17 bte 50 - 1000 Bruxelles
Fax : 02 512 58 84 www.auschwitz.be