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Les secrets
du génocide
rwandais
Ouvrages du même auteur :
Bokassa
Ascension et chute d'un empereur 1921-1996
Paris, Editiolzs Duboiris, 1998
L'assassinat de Norbert Zongo
Crime d'Etat contre un journaliste
Paris, Editiolzs Milzsi D.S., 1999
Ouvrage collectif
Manuel pour les journalistes africains,
Journalisme d'investigation,
Washilzgton,World Press Freedom Conznzittee, 2000
Charles ONANA
avec la collaboration de Déo Mushayidi

Les secrets
du génocide
rwandais
Enquête sur les mystères
d'un président

Editions MlNSl
O Editions MlNSl
«Toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le
consentement de l'auteur, ou de ses ayants-droit, ou ayants-cause, est illicite
(loi su I I mars 1957, alinéa l e r de l'article 40). Cette représentation ou
reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon
sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. La loi du I I mars
1957 n'autorise, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, que les copies ou
reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à
une utilisation collective d'une part, et, d'autre part, que les analyses et les
courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration».
ISBN : 2-9 11150-03-1
Ce livre est dédié à toutes les victimes du drarne rwandais et à
leurs fanlilles: principalement à l'équipage français du Falcon
50, aux présidents rwandais et burundais puis à leurs
collaborateurs tués dans l'attentat du 6 avril 1994, aux dix
casques bleus belges assassinés, aux prêtres occidentaux tués,
aux officiers français Didot et Maier; aux exilés tutsi et hutu, aux
Congolais qui meurent depuis six ans dans le silence et le secret,
etc. Bref à tous ceux qui souffrent et meurent loin des cameras de
télévision et de la propagande macabre sur le génocide rwandais
fortement alinzentée par le régime de Kigali.
Pour toutes ces victimes oubliées, nous disons que le souvenir
vaut mieux que l'amnésie. Elles aussi ont droit à la vérité et à la
justice.
Mes remerciements vont :
- à tous les Rwandais qui ont accepté de témoigner en déclinant
leur identité ou en gardant l'anonymat ;
- aux Français qui m'ont aidé à comprendre certains événements
qu'ils connaissaient ;
- aux amis rwandais qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour
m'aider à chaque étape difficile d e mon enquête (ils s e
reconnaîtront tous et ils doivent savoir qu'ils ont toute ma
gratitude) ;
- à mes confrères rwandais (hutu et tutsi) qui m'ont guidé et
éclairé à des moments décisifs (leur soutien a été parfois
déterminant face à mes doutes) ;
- à d'autres amis africains qui se sont donnés beaucoup de peine
pour faciliter ma compréhension du dossier rwandais ;
- à mon confrère Tshitengue Lubabu, qui a accepté de relire ce
manuscrit et d'y apporter des critiques et des améliorations ;
- à un ami Tumba Tutu de Mukose pour son aide au sujet de la
République démocratique du Congo (RDC) ;
- à maître Rety pour son soutien, sa connaissance approfondie de
la RDC m'a évité quelques confusions ;
- à mon ami et frère Jean-Pierre Djemba qui m'a soutenu et
travaillé longuement sur le manuscrit ;
- à mon confrère Jean-Pierre Mugabe qui m'a encouragé et éclairé
sur certains points ;
- à Pierre Claver Kanyarushoki, ancien ambassadeur du Rwanda
en Ouganda, dont les conseils et la connaissance approfondie du
dossier rwandais m'ont évité des erreurs certaines ;
- à Joseph Sebarenzi, ancien président du parlement rwandais qui
m'a beaucoup encouragé. Sa grande disponibilité à répondre à
mes interrogations est inoubliable ;
- à Pierre Célestin Rwigema, ancien Premier ministre rwandais,
qui a accepté de répondre à mes questions. Le temps qu'il m'a
souvent consacré a été très encourageant ;
- à Pierre Péan dont l'expérience, les conseils e t les
encouragements m'ont aidé à avancer méticuleusement dans cette
enquête.
Avant-propos
Au moment où des démissions et des accusations s e
multiplient autour du président rwandais, il était nécessaire de
cerner sa personnalité et son parcours. Impassible et presque
énigmatique, Paul Kagame est actuellement au centre de
controverses sur l'assassinat de l'ancien président Juvénal
Habyarimana et sur le soutien du Rwanda à l'une des rébellions
qui mènent la guerre en République Démocratique du Congo.
Depuis le début du génocide de plus de 800 000 tutsis et hutus
en avril 1994, Paul Kagame, qui dirigeait le Front patriotique
rwandais (FPR), a pris le pouvoir à Kigali (capitale du Rwanda)
dans le sang et la douleur. D'abord considéré comme l'homme
providentiel d'un pays ravagé par la violence et la haine, ensuite
soutenu par les Etats-Unis et l'Ouganda, il a fini par s'illustrer
comme un fossoyeur de l'unité nationale et un assoiffé de
pouvoir.
Quel homme est réellement ce chef d'Etat qui a longtemps
cumulé le portefeuille de ministre de la Défense avec la fonction
de vice-président du Rwanda ?
En reconstituant l'itinéraire de ce chef de guerre au regard
froid et sévère, nous avons tenté de montrer le vrai visage de
celui qui cultive aujourd'hui le mystère et la peur sur l'ensemble
du territoire rwandais.
Nous avons surtout voulu contribuer à rompre le silence
complaisant de la communauté internationale sur un régime qui
fait encore ses choux gras sur le génocide de plusieurs millions de
Rwandais.
En désignant des coupables et des responsables en Europe, ailx
Nations Unies et chez les seuls hutu, Paul Kagame et certains tutsi
Les secrets du génocide ~warzdais

ont très vite tiré le rideau sur leur propre comportement au


moment où le sang de leurs compatriotes se répandait sur le sol
rwandais et au Congo voisin. Cette façon de se dérober derrière
les fautes et les erreurs des autres a permis au dirigeant de Kigali
d'échapper à toute expertise rigoureuse, honnête et impartiale.
Observons aussi que même l'attentat qui a déclenché le génocide,
et qui a coûté la vie au président Juvénal Habyarimana et à son
équipage français, n'a pas encore fait l'objet, plus de six ans
après, d'une investigation sérieuse. Seul le juge français, Jean-
Louis Bruguière, tente aujourd'hui de démêler les méandres de
cette ténébreuse affaire.
Plusieurs années après les massacres, la situation reste confuse
au Rwanda. Les hutu et les tutsi peinent toujours à vivre
ensemble. Si des tutsi ont pris le pouvoir à Kigali, Beaucoup
d'entre eux sont, curieusement, devenus des cibles du régime de
Kagame. Pour comprendre les raisons qui poussent les Rwandais
à fuir leur pays, à s'entre-déchirer et à sombrer dans la violence et
la haine, il fallait franchir quelques barrières consensuelles,
traquer le non-dit et remonter le cours d e l'histoire. Cette
démarche est celle d'un journaliste indépendant, qui a accepté la
collaboration d'un autre journaliste indépendant rwandais, ,de
surcroît, victime du génocide. Il s'agit de Déo Mushayidi, qui a
été pendant quatre ans (1997 à 2000) président de l'Association
rwandaise des journalistes, aujourd'hui réfugié en Belgique après
avoir été menacé de mort par le régime de Kigali. Ensemble, nous
avons décidé de dire ce que nous savons désormais de Kagame et
de son entourage.
Les révélations apportées ici sur l'assassinat des présidents
Habyarimana du Rwanda et Ntaryamira du Burundi ou sur
l'exécution par balles de l'ancien ministre de l'Intérieur, Seth
Sendashonga, au Kenya et sur d'autres assassinats de Rwandais
Avant-propos

ou d'occidentaux, montrent qu'il était indispensable de ne plus


garder le silence sur les métliodes brutales et meurtrières qui se
pratiquent aujourd'hui par le pouvoir militaire de Kigali au nom
du génocide. En secouant la xénophobie du "tutsi power", nous
avons voulu montrer qu'elle rivalise avec celle du "hutu power".
Le pouvoir tutsi et le pouvoir hutu ont au moins quelque chose en
commun: l'abus du pouvoir. Ils sont tous les deux habités par la
haine, la vengeance et l'instinct de mort. Aucun n'a encore eu le
c o u r a g e d ' a s s u m e r s e s actes. Hutu et tutsi rejettent
systématiquement la responsabilité de leur forfait sur les autres.
Pour le pouvoir hutu, ce sont les Américains qui sont la source de
leurs malheurs. Pour le pouvoir tutsi, les Français portent le
génocide d e leur peuple dans la conscience. Aucun d e ces
Rwandais ne veut voir sa main ensanglantée qui a fermement
tenu la machette pour trancher le cou de son voisin ou le mollet
de son frère. Aucun d'entre eux n'entend se souvenir exactement
d e ce qu'il faisait le 6 avril 1994 au moment où l'avion du
président Habyarimana est abattu par un missile d'origine russe.
Beaucoup aimeraient dire et peut-être même jurer, la main sur le
cœur, qu'ils n'étaient pas au Rwanda ce jour-là.
Quand le "pouvoir hutu" et le "pouvoir tutsi" abandonnent.
l'arme à feu et l e coupe-coupe, ils pratiquent la dérobade,
l'esquive, la dissimulation et le mensonge. Certains hutu et
certains tutsi sont toujours prêts à falsifier l'histoire, à la réécrire,
chacun à sa manière.
Notre travail tente donc de rétablir la vérité des faits. Celle
qui, jusqu'ici, a été occultée, ignorée ou étouffée par certains
observateurs et par les différents protagonistes, en particulier le
général Kagame. Si notre enquête met davantage l'accent sur les
tutsi, c'est simplement parce que nous traitons de l'itinéraire de
Kagame, d e ses méthodes et d e sa gestion du pouvoir. D e

11
-
-
-
-

Les secrets du gérzocide rwarzdais

nombreux travaux ayant é t é consacré aux hutu et à leurs


-. - - = .;. -il ' *.''ilç
responsabilités dans le génocide, nous ne voyions pas l'intérêt de _ 6- 5-

- - -
faire un livre de plus sur les accusations portées à leur égard. En -- - -. N
-
d
_h.1~r.ï~~
u-.
revanche, l'attitude de Kagame et celle de certains tutsi n'ayant .k .,- r ,e--u
':TI
jamais fait l'objet d'une étude approfondie, il nous est apparu
nécessaire d'interroger cet aspect du problème. Nous pensons
d o n c q u e cette enquête va apporter un complément
d'informations à ceux qui veulent vraiment savoir ce qui se passe
au Rwanda.
Tout au long de ce travail, nous avons découvert, aussi bien
chez les tutsi que chez les hutu, des Rwandais d'envergure.
. - - - -
Imprégnés pour la plupart d e valeurs démocratiques, ces L .-z! .IL -.
Rwandais nous ont invités à travailler contre l'amnésie et pour ---
-.
-.<.?: y

l'avènement d e la paix dans leur pays. Nous tenons à les


remercier ici solennellement et souhaitons vivement que la paix
revienne au Rwanda. Nous ne savons pas si notre travail a
-- >- - -.,T? zrA 5'
vocation à contribuer à cela. Nous espérons cependant que ces .

Rwandais, tout comme les Français, les Belges et les Américains


- 2 -,J,y
de bonne foi, comprendront le sens profond de notre démarche. - y - =
A

Notre conviction est qu'on ne peut rien construire dans le


mensonge et l'hypocrisie. Nous cherchions à montrer, sans parti
pris, sinon celui de la vérité, ce qui se passe dans ce pays depuis
1994 et même avant. Nous avons essayé de mettre un peu de
lumière sur quelques zones d'ombre afin que chacun se fasse une
opinion sur la réalité du problème rwandais.
Nous croyons aussi que toutes les victimes de cette tragédie,
qu'elles soient rwandaises, belges ou françaises, méritent du
respect. Ceux qui, par le silence, tentent de mettre un deuxième
voile sur ces morts ont certainement leurs raisons. Mais, nous ne
pouvions pas nous taire devant ces milliers d e cadavres qui
interrogent nos consciences. Nous ne pensons pas que les
7

Avniit-propos

B Rwandais vont se réconcilier sans vérité et sans pardon. C'est


t pour cette raison que nous nous sommes permis d'entrer au cœur
h du "pouvoir tutsi" pour cerner les mystères de son chef.
it Notre objectif n'était pas d'accuser ou d'incriminer. Même s'il
P est incontestable que certains faits accusent ou incriminent. Nous
L avons tenté d'élucider et de faire comprendre, en prenant le soin
t de dire les choses de façon honnête et équitable, sans masquer ou
c pervertir la réalité Il fallait surtout empêcher les manipulateurs
du camp hutu et ceux du camp tutsi de continuer à nier leurs
I atrocités et leurs responsabilités. Lorsqu'on accepte de massacrer
ou de laisser massacrer ses propres compatriotes pour des motifs
L avoués ou cachés, il faut avoir le courage d'en assumer les
r conséquences devant l'histoire. L'épreuve de vérité est parfois
L difficile, mais il faut l'affronter au lieu de l'évacuer.
I Chacun doit assumer ses erreurs dans ce drame africain. Tout
I le monde en sortira d'ailleurs grandi. Pour ce qui nous concerne,
l l'histoire dira si nous avons failli à cet exercice de vérité. Nous
l croyons, malgré nos imperfections et nos insuffisances, avoir
tenté de faire correctement notre travail de journaliste. Nous en
assumons donc l'entière responsabilité.
Charles ONANA

13
Genèse d'un
homme de pouvoir
Paul Kagame, l'actuel président du Rwanda, est né le 23
octobre 1957 dans la province de Gitarama, sud-ouest de Kigali
(la capitale rwandaise), dans une famille de six enfants bercés au
catholicisme. Il prend très tôt le chemin de l'exil lorsque ses
parents fuient, en 1959, les premiers massacres de la communauté
tutsi dont ils sont issus. Ils s'installent en Ouganda, dans un camp
de réfugiés. L'enfance de Kagame sera extrêmement rude et
difficile. Cet exil ougandais marquera, de fait, la première grande
déchirure entre la communauté hutu et tutsi dont le colonisateur
belge tirera le plus grand profit.
Soulignons que ces deux groupes ne sont pas deux ethnies
différentes. Ils ont une même langue (le kinyarwanda), une même
culture, un même pays. Mais s'il existe tant de similitudes entre
eux, on est bien fondé de savoir pourquoi hutu et tutsi s'entre-
déchirent autant. L'histoire coloniale est passée par-là avec sa
logique de valorisation et d e dévalorisation des populations
africaines. A ce propos, comprenons-nous bien, ce n'est pas la
colonisation qui a forcé les tutsi et les hutu à s'entre-tuer
systématiquement ou à se haïr indéfiniment. Elle a néanmoins
réveillé, chez les uns et les autres, l'animal meurtrier qui
somnolait en eux. Cet animal féroce a non seulement fini par
échapper à ses propriétaires mais il est surtout devenu fou, hutu et
tutsi s'en veulent désormais à mort. Jusqu'où iront-ils ? Ils sont
seuls à le savoir.
-
Les secrets du génocide rxmdais -- . ,.
. . -

Tout commence en 1926 lorsque les colons belges décident de scientifiques, ü = i 5 : - ~ : t . i t


créer un système discriminatoire qui classe les riches en tutsi et origines les plus 274
.-:;'

les pauvres en hutu. Les colonisateurs vont habilement utiliser, à Indes. des jardizi :Z
travers ce procédé, des frictions historiques pour exacerber la historique a l a q - s 1 -
haine entre les deux communautés. Lorsque les colons sont
arrivés en 1895, les hutu, généralement agriculteurs, et les tutsi,
souvent éleveurs, n'avaient pas d e problèmes graves. Lcs
nombreux tutsi. A-:--IL
prouver la parsr::
occidentaux pas pli: I - :
- :lm.

mariages étaient fréquents entre eux et leurs rapports étaient ou les lèvres lippu? i E 1-
plutôt cordiaux voire fraternels, au sens africain du terme. ou économique.
Cependant, tout n'était pas rose. II y avait. sur le territoire Ces différences r.1 ; ri:

Rwanda-Urundi, des luttes de clans entre le Nord et le Sud. Ce définition que les ::-- r
n'était pas ce qu'on appelle généralement des tensions ethniques. pygmées en les qua::<:-
C'était surtout des antagonismes régionaux comme il en existe la chasse et de la î;:c.:._-
partout. Cependant, les éleveurs tutsi. qui avaient entre leurs critique des hutu et 22: r--
mains la royauté et le pouvoir militaire, avaient beaucoup de ont. jusqu'ici, donnPs ::=
considération aux yeux d e la population. Les hutu, qui se et l'autodestruction. . L:. 5.d
consacraient davantage aux activités agricoles, n'avaient pas politique coloniale t.3.;;- a
toujours la même considération. Ils étaient brimés par les rois alliance tantôt avec lcc ?--- PI
tutsi qui tenaient à garder sur eux une influence certaine. Les tutsi et les autres étaient PL T Li
vont ainsi contrôler les activités économiques et le Rwanda- bien en cela que ;ti
Urundi va devenir un royaume centralisé dirigé d'une main de fer développement d'un? ;r - ;i
par un monarque tutsi. cependant reconnaîtrs ; , -5 1
Les hutu, de leur côté, vont accumuler des humiliations et fait pour se démarqusr :-
beaucoup de frustrations en attendant des jours meilleurs. C'est existence et ne fait ql;? .f-r
dans ce contexte que les colons belges vont dessiner leur propre années.
carte sociologique dans laquelle les hutu et les twa seront Pour revenir à Ka;-:?
considérés comme des gens inférieurs avec des caractéristiques
physiques totalement saugrenus comme le nez plat, les lèvres 1 - Ce groupe de populatii- :.
lippues, etc. Les tutsi étant, pour leur part, présentés comme composé d'hommes et de i?--
morphologiquement proches des occidentaux et donc considérés individus mesurant aussi bier- --
comme supérieurs. Sous de vagues analyses prétendument Un grand noriibre d'études :IL-.
scienti&clue approximative \.oirt:
Gelz2se d'un Ilol~z~le
de pouvoir

Sde scientifiques, des ethnologues et des historiens trouveront des


i et origines les plus diverses aux tutsi, ils viendraient d'Ethiopie, des
,à Indes, des jardins d'Eden ou de l'Atlantide. Une absurdité
la historique à laquelle croient malheureusement encore de
int nombreux tutsi. Aucune recherche sérieuse n'étant capable de
bi. prouver la parenté sociologique qui existe entre tutsi et
es occidentaux pas plus qu'on a réussi à prouver en quoi le nez plat
nt ou les lèvres lippues étaient synonymes d'infériorité intellectuelle
le. ou économique.
Be Ces différences morphologiques, bien qu'aussi stupides que la
:c définition que les ethnologues occidentaux ont donné des
S. pygmées en les qualifiant d'hommes de petite taille qui vivent de
tc! la chasse et de la cueillette1, n'ont pas beaucoup éveillé le sens
CS critique des hutu et des tutsi. La seule réponse significative qu'ils
le ont, jusqu'ici, donnée à cette manipulation historique est la haine
ie et l'autodestruction. La situation s'est envenimée lorsque la
l.5 politique coloniale belge a commencé à naviguer dans une
ES alliance tantôt avec les hutu tantôt avec les tutsi selon que les uns
si et les autres étaient ou pas inféodés au système colonial. C'est
1- bien en cela que les colons belges ont été nocifs au
5 développement d'une conscience nationale rwandaise. Il faut
cependant reconnaître que les Rwandais eux-mêmes n'ont rien
fait pour se démarquer du poison tutsi-hutu qui pollue leur
existence et ne fait que les détruire et les abîmer depuis des
années.
Pour revenir à Kagame, après ses premiers pas l'école

1 - Ce groupe de population qu'on rencontre en Afrique équatoriale est


composé d'hommes et de femmes de tailles variables. On y trouve des
individus mesurant aussi bien un mètre quarante qu'un mètre quatre-vingt-dix.
Un grand nombre d'études ethnologiques les concernant sont d'une valeur
scientifique approximative voire douteuse.
Les secrets du génocide ,wandais

primaire de Ntare School, le jeune homme entre à l'école


secondaire de la Old Kampala School. Une fois sa formation
terminée, il rejoint en 1979 l'Armée de résistance nationale
(NRA), un mouvement armé, en lutte contre le dictateur
ougandais Milton Obote. Entre 1981 et 1986, il agit dans les
rangs de la guérilla ougandaise. Pendant près de six ans, Kagame
vit dans le maquis. C'est dans la brousse qu'il va acquérir et
perfectionner les techniques de guérilla aux côtés de Yoweri
Museveni2 et de son ami Fred Rwigema. Ce dernier, réfugié
rwandais comme Kagame, fut un combattaht remarquable. En
1981, il menait avec Museveni une attaque fulgurante contre un
poste de police non loin de Kampala, la capitale ougandaise.
Cette offensive militaire marquera le début de la lutte armée qui
conduira Yoweri Museveni au pouvoir quelques années plus tard.
Avant de rejoindre la guérilla ougandaise, Kagame avait déjà
en tête qu'il fallait trouver une solution à l'ostracisme qui
!frappaient les tutsi : "Au début, il y avait cette confusion en nous.
Il y avait du ressentiment. Nous sentions que nous étions des
étrangers en Ouganda et que nous nous trouvions confrontés à
certaines limites dès lors que nous voulions faire respecter nos
droits. Or tout en éprouvant ce sentiment, nous ne savio~zs
comment faire pour dépasser cette situatio~zde frustration. Je
parle du début des années soixante-dix. Par la suite, nous avons
toujours imaginé qu' à un rnomerlt donné, il faudrait faire
quelque chose pour résoudre ce problème rwatzdais. Et ce
sentiment a grandi, avec le temps, à mesure que s'éternisait notre
condition de réji~giés" Au fur et à mesure qu'il acquiert de
l'expérience dans le maquis, la solution au problème des réfugiés

2 - 11 est actuellement le présiderit de la République d'Ouganda


3 - Cf. Misser, François, Vers un nouveau Rwanda ? Entretiens avec Paul
Kagame, Bruxelles, Editions Luc Pire, 1995.
Geizèse d'zltz ho~nnzede pouvoir

tutsi va s'affiner et se préciser dans son esprit. Le choix de la


prise du pouvoir par la force devient alors la seule option qui
vaille. Il le révèle lui-même en ces termes : "J'ai lu des ouvrages
à propos des luttes an Mozanzbique et au Zinzbabive et nzênze des
livres sur Mao-Tsé Toung. Au bout du compte, a ce rno??lent
charnière de 1979 avec Fred j'aboutissais à la conclusion qu'il y
avait deux solutions possibles au problèrrze du Rivanda, et que
pour obtenir un succès dans l'une des éventualités, il nous fallait
aussi être préparé pour l'autre. Dans bien des discussions, javais
cozitunze de dire : la solution est politique. Mais les solr~tiotzs
politiques tze sont pas toujours garanties. En eret, si vous vous
contentez de parlenzenter avec quelqu'un qui se trouve en
position de force tandis que vozis êtes vous-nzênze en position de
faiblesse, vous n'êtes pas sûr d'obtenir quelque chose de lui. Soit,
il va vous i~îlposerses conditioïzs, soit il va tout sirîzplement vous
ignorer. Notre sentinzerzt était donc celui-ci : ai)ançons une
solution politique! Mais au cas où cette solution politique ne
marche pas, qu 'adviendra-t-il de rzous ? Faut-il laisser tonîber
C'est pourquoi nous devions soutenir nos propositions par une
option militaire, et cette option ?nilitairene pouvait exister; et être
couronnée de succès, que si nous rzous y préparions, et même si
nous cherchions d'abord des solutions politiquesr'.4
Dans ces propos, Kagame évoque la solution politique mais
on sent bien qu'il n'y croit guère. Il doute tellement de l'option
pacifique qu'il va se consacrer entièrement au domaine qui
semble, à ses yeux, présenter une meilleure garantie de réussite:
la guerre. Sa religion est donc faite à ce sujet: "Mon sentinzerzt
personnel était que, s'il ne pouvait y avoir de solutiorz paczj?que,
quelque chose devrait être fait, même si cela devait entraîner

4 - Cf. Misser, op. cit.


Les secrets du génocide rwandais

l'usage de la force. C'était nza convictiorz. Mais corninent faire


usage de la force si vous n'y êtes pas préparé? Cornn~erztutiliser
la force si vous ne savez pas comment cornbattre? Or beaucoup
de choses arrivaient à ce nzolnerzt par le sirizple fait que nous
étiorzs erz Ouganda depuis longtemps" 5.
L'école de la guérilla ougandaise fera donc de Kagame un vrai
soldat de la brousse, un maquisard impitoyable, un destructeur :
"Nous étiorzs très destructeurs, nous causions beaucoup de
dommages à l'eiznenzi, alors même que nous n'avioizs encore
rassemblé qu'un effectif modeste de quelque 200 honznzes. Nous
avions l'lzabitude de nous diviser en groupes d'une trentaine ou
d'une quarantaine d'hommes ou même de quirzze, selon le type de
travail à faire" 6.
Dans ce discours qui raconte les exploits de guerre, on peut
noter une certaine froideur face la violence. L'homme semble
insensible aux atrocités de la guerre. On peut imaginer que toute
la violence refoulée de son enfance, dans les camps de réfugiés,
réapparaît en pleine guérilla. En fait, il n'est plus victime de la
brutalité des autres, il est désormais leur bourreau. Contrairement
à beaucoup de soldats qui répugnent parfois à raconter les actes
dramatiques qui se déroulent sur les terrains de combats,
Kagame, pour sa part, n'a pas d'état d'âme: "Nous montions des
embuscades contre les véhicules nzilitaires, nous les détruisions.
Je me souviens du jour où nous avons causé le premier
dommage, à un endroit appelé Kabanda, en 1981, où nous avions
monté une embuscade. Nous étions juste vingt-cinq personnes.
Nous avons détruit trente véhicules remplis de soldats, l'un après
l'autre. Si vous aviez pu voir le montant des dégâts commis, vous

5 - Cf. Misser, op. cit.


6 - Cf. Misser, op. cit.
7 - Cf. Misser, op. cit.
Genèse d'un homme de pouvoir

auriez pu inzaginel- qu'ils étaient l'auvre de tout ui7 bataillon" 7 .


Si cette narration contraste avec les apparences inoffensives du
longiligne et futur chef de l'Armée patriotique rwandaise (APR)s,
elle dévoile bien la personnalité et le caractère de l'intrépide
président qui dirige aujourd'hui le Rwanda. Ce qu'il faut savoir,
c'est qu'à cette époque, Kagame n'est pas simplement un
maquisard qui détruit et tue de sang-froid, il est surtout, malgré sa
discrétion et son introversion, un homme ambitieux, très
ambitieux. Il raconte :"Les Ougandais comnzerzçaient à devenir
dzflcile à notre égard. Le gouvernement du Rwanda n'acceptait
pas que nous retournions chez nous. (...) Les Rwandais étaient
confrontés à des limites dans le cheminement de leur carrière en
Ouganda. II y aurait eu des limites à notre épanouissement, ils
auraient encore considéré Kagame comme un Murzyarwanda et
dit :"vous devez vous arrêter à un certain point" 9 .
Or, cet homme-là ne voulait pas que quiconque lui fixe des
limites ne pas franchir.
Lorsque Museveni (l'actuel président de l'Ouganda) renverse
le régime Obote en 1986, il tient à récompenser ses alliés du
maquis. C'est-à-dire tous les réfugiés rwandais qui l'ont aidé à
prendre le pouvoir. Ils représentent à l'époque 20 % des effectifs
de la National résistance army (NRA) dirigée par Museveni. Si
les tutsi rwandais se sont alliés à ce dernier, c'est aussi parce que
le dictateur ougandais Milton Obote avait pris la décision en 1982
d'expulser tous les banyarwanda (les réfugiés rwandais) du
territoire ougandais. Il considérait qu'ils outrepassaient
l'hospitalité qui leur était accordée en soutenant les guérilleros de
Museveni. Le problème est qu'à cette époque, ces réfugiés ne

8 - C'est la branche armée du Front Patriotique Rwandais crée en 1987.


9 - Cf. Misser, op. cit.
Les secrets drl génocide rwarzdais

pouvaient même pas retourner dans leur pays puisqu'ils couraient


là-bas le risque d'être inquiété. Les tutsi rwandais ou
banyarwanda, comme les appellent les Ougandais, vont. malgré
tout, tenter de s'intégrer en Ouganda. Paul Kagame fera ainsi son
entrée dans l'armée nationale ougandaise avant de devenir, en
1989, directeur adjoint du service de renseignements militaire. 11
est toujours resté muet à propos de cette fonction dans l'armée
ougandaise. Et pour cause, son rôle consistait à assurer la sécurité
du régime de Museveni. Il va pour cela traquer les opposants et
faire éliminer tous ceux qui essayent de contester le pouvoir de
son mentor. Les Ougandais lui donneront le surnom d e
"Kagome". Ce qui signifie en kinyarwanda le monstre ou le
méchant absolu. "Kagome" était né au moment où Kagame avait
décidé de donner un tour de vis effrayant à la sécurité ougandaise.
Il occupait, à cette époque, un immeuble au quartier général des
renseignements militaires qu'on appelait "Basima House". C'est-
là qu'il accomplissait ou faisait accomplir toutes les basses
missions du régime. On y torturait des Ougandais sans état d'âme.
Cette politique avait reçu la bénédiction du président Yoweri
Museveni. Celui-ci avait choisi de confier sa sécurité aux réfugiés
tutsi parce qu'il savait que ces derniers, n'étant pas Ougandais, ne
prendront jamais l'initiative de le renverser comme l'aurait peut-
être fait ses propres compatriotes. "Basima House" était donc
devenu le lieu d'expérimentation des actes de violence et de
torture que les futurs agents de l'Armée patriotique rwandaise
vont, plus tard, appljquer dans leur pays le Rwanda.
Quant à Fred Rwigema, l'ami de Kagame, il sera nommé chef
d'Etat-major et plus tard vice-ministre de la Défense. D'autres
tutsi seront également promus à de nombreux postes de
responsabilité dans l'armée et l'administration. Ce prodigieux
retour d'ascenseur ne sera pas apprécié des Ougandais qui vont
Genèse d'un honzrne de pouvoir

considérer que Museveni accorde une part trop belle à ses alliés
rwandais. Le paradoxe des tutsi d'Ouganda naîtra donc de cette
double attitude que les Ougandais affichent à leur égard. D'un
côté, on reconnaît que leur appui à Museveni a été une bonne
chose pour chasser le dictateur Milton Obote, de l'autre, on ne
supporte pas de les voir occuper presque massivement des
fonctions importantes au cœur du pouvoir et dans
l'administration. Dès lors, une seule idée va les hanter: aller
prendre le pouvoir au Rwanda, leur pays d'origine.
Ce que Kagame a toujours caché jusqu'à ce jour, c'est qu'il est
souvent retourné au Rwanda, clandestinement. Nous en avons
obtenu la preuve grâce à une rare photo prise en juillet 1978 en
compagnie de sa tante, la reine Rosalie Gicanda (voir photos 1 et
2). 11 a été photographié dans l'appartement de l'épouse du
Mwami Rudahigwa situé à proximité du bureau de poste de la
ville de Butare. Ce document inédit prend à contre-pied les
déclarations du guérillero de Museveni qui a toujours affirmé
n'avoir jamais remis les pieds au Rwanda depuis 1959.
Il a souvent recouru à des phrases de ce type pour jouer au
martyr : "Rester dans des camps de réfugiés pendant vingt ans
nous paraissait certainement conzme une perspective
inacceptable. Nous n'étions pas devenus Ougandais, nous
n'étions pas Rwandais. Nous étions juste condanzizés à rester des
réfngiés pour toujours ". Des anciens agents de renseignements du
régime de Habyarimana reconnaissent que leurs autorités savaient
que Kagame et d'autres tutsi entraient clandestinement au
Rwanda, mais elles préféraient fermer les yeux, pour des raisons
politiques, sur ces voyages discrets.
Il est vrai que la condition de nombreux réfugiés rwandais en
Ouganda était très difficile, mais si Kagame effectuait des
missions secrètes au Rwanda, c'était dans l'objectif d'y mener un
Les secrets du génocide ru~arzdais

jour une lutte armée. N'oublions pas que lors de cette visite
secrète chez la reine, Kagame se préparait déjà à entrer dans la
guérilla de Museveni et que son ami Fred Rwigema était sur le
point de créer la RANU, l'ancêtre du Front patriotique rwandais
(FPR) qui prendra plus tard le pouvoir au Rwanda.
Entre-temps, Museveni avait décidé de calmer la colère de ses
compatriotes l'égard des tutsi. En 1989, il limoge Fred Rwigema
de son poste de vice-ministre de la Défense et fait obtenir à Paul
Kagame une bourse d'études pour l'Amérique. Pour le petit
réfugié tutsi qui a effectué toute sa scolarité en Ouganda, ce
départ outre Atlantique a le goût d'un second exil. Sa conviction
profonde sera bientôt faite. Dores et déjà, il se dit que la seule
façon de s'en sortir c'est de retrouver sa terre natale. En réalité, il
y songeait depuis longtemps.
En 1989, il commence donc son stage de formation aux Etats-
Unis, précisément à la prestigieuse Ecole militaire d e Fort
Lawenworth (Kansas) où a été formé George W. Bush, l'actuel
locataire de la Maison Blanche. Là, il est remarqué par les
officiers du Pentagone qui le considèrent comme un garçon
laborieux. Seul véritable lacune, son anglais est, selon certaines
sources, d'un niveau moyen. Si Kagarne manie bien les armes et
les grenades, il manie fort peu les concepts et la langue de
Shakespeare. Il aurait gardé une grande frustration de n'avoir
jamais mis les pieds à l'université. Cependant, il va travailler
d'arrache-pied pour devenir un militaire de haut niveau. Pour
l'ancien ambassadeur rwandais, Pierre Claver Kanyarushoki, qui
était très proche du chef de 1'Etat ougandais,"Kagame et ses
partisarls gorzflerzt dénzesurénzent son c z ~ r r i c i ~ l uvitae,
~?~
relativenzent pauvre, lorsqu'ils prétendent qu'il a obtenu des
diplônles de je lie sais quelles académies militaires aux Etats-
Unis. Il a effectué zirz stage d'environ trois mois au lieu des neuf
Genèse d'un honznze de pouvoir

,irr douze nlois prévus.


;li-a~ztd'avoir achevé un trimestre, il est revenu à Kanzpala
pour faire la guerre. Le Kaganze des grandes écoles ou des
-randes académies rrzilitaires aux Etats-Unis est donc un nzythe,
m e fiction, que tentent de construire ses thuriféraires et autres
coz~rtisans. 10
"

Au bout de quelque temps, Kagame est effectivement revenu


prendre la tête de l'Armée patriotique rwandaise (APR)ll, un
mouvement armé en exil qui, à l'époque, veut s'emparer du
pouvoir au Rwanda. Son ambition est de mener l'assaut contre le
régime majoritairement hutu du président Habyarimana, soutenu
par la France. Arrêtons-nous quelques instants sur le brusque
retour de Kagame des Etats-Unis. Jusqu'ici, on n'a jamais su
pourquoi, à la mort de Fred Rwigema, patron de lfAPR, c'est
Kagame - et non un autre membre de 1'APR- qui prend la tête de
la rébellion. Rwigema (un d e s fondateurs d e cette armée
constituée essentiellement de réfugiés tutsi) a été tué au début des
combats en octobre 1990 près de la frontière rwando-ougandaise.
La lumière n'a jamais été faite sur les circonstances exactes de sa
mort.
Nous avons tenté de savoir ce qui s'est réellement passé afin
de comprendre pourquoi tous les responsables de 1'APR sont
morts avant l'arrivée de Kagame. Un exercice pas facile. Nous
avons décidé de prendre comme "guide" Kagame lui-même. Ce
choix est capital pour saisir les non-dit, les incohérences et les
explications parfois acrobatiques de l'intéressé. Commençons
donc par son ami Fred Rwigema qu'il considère comme une

10 - Entretien avec l'auteur.


11 - Les Rwandais d'Ouganda ont lancé leur première attaque contre le régime
de Kigali le ler octobre 1990.
Les secrets du génocide ~warzdais

victime d e la coalition des armées française, zaïroise e t


rwandaisel2.
Kagame raconte :"Selon nies investigations, je suis certain de
ce qui s'est passé. Je suis à peu près certain, disons à 90 %, en ce
sens que j'attr-ibue les autres 10 % au fait que je n'aie pas été là.
Peut-être, si j'avais été dans les parages, j'aurais été sûr à 100%.
Mais à partir de mes enquêtes, à partir de nzorz analyse, des
tén~oignagesdes différentes personnes à qui j'ai parlé, Fred a en
e f e t été abattu par l'ennemi. J'ai reconstitué la scène. J'y suis allé
nroi-même, j'ai interrogé les gens. Mais bien sûl; des histoires
sont nées. D'abord, c'est dans la nature de certaines personnes.
Ils parlent, ils imaginent, ils créent des histoires. Deuxièmement,
il y a le fait qu'il soit inimaginable qu'au nzolnerzt ~ n ê n ~oùe
coinnzence la guerre, le conz~nandanten chef vienne à mourir
subitenient. Oui! C'est inimaginable en d'autres circonstances,
parce que les gens pensent que le commandant se tient toujours
en retrait du frontV13.
Dans ce discours décousu et un peu chaotique, retenons que
Fred Rwigema a été tué par l'ennemi. C'est la phrase clé. Voulant
donner des détails sur ses investigations, Kagame nous révèle que
son ami a été abattu parce qu'il a mal apprécié la situation :"Vous
poziviez voir qu'il avait été abattu à partir de la ligne de front,
parce qu'il a été atteint d'une balle dans le front et que l'escorte
qui était avec lui rn'a ~nontréoù il se trouvait, où le combat se
poursuivait, et ainsi de suite.( ...) Je pense qzi'il y avait aussi une
erreur de notre côté, parce que l'endroit où Fred se tenait était
prémonitoire. Aussi, aurait-il pu constituer une cible facilev14.

12 - Ces trois armées s'opposaient à I'APR au moment où cette dernière


attaquait le Rwanda en 1990.
13 - Cf. Misser. op. cit. p. 55.
14 - Cf. Misser, op. cit.
Genèse d'un hol?zvzede pouvoir

Quant aux autres officiers supposés remplacer Fred Rwigema


à la tête de 1'APR après sa disparition, Kagame affirme : "Les
deux autres oflciers, le major Peter Bayingana et le ntajor Chris
Bn~lye~zyezi sont 17zorts le rnênze jour, le 23 octobre 1990. La
réalité, si je puis dire, est que cela a été le résultat de leurs
propres erreurs" 15. Eux aussi, bien qu'étant des combattants
aguerris, ont, comme leur chef Fred Rwigema, commis des
erreurs graves d'appréciation en quelques jours d'intervalle. On
constate que tous les officiers, censés diriger I'APR, sont décédés
presque systématiquement pendant les combats. Pour Kagame, ils
n'étaient que des bons à rien, puisqu'ils ont, tous, péri par leur
propre faute. Cependant, les conditions précises dans lesquelles
ils ont trouvé la mort restent confuses pour ne pas dire
totalement obscures. L'argument principal "d'erreurs" concernant
Rwigema n'est pas très convaincant. Comment cet officier, qui a
formé Kagame à la lutte armée, peut-il avoir commis des erreurs
stratégiques au point de mourir si prématurément au début de la
guerre, alors que Kagame reconnaît avoir travaillé avec lui dans
le moindre détail à Bruxelles avant l'attaque de 1'APR en 1990 ?
Ecoutons Kagame : "En fait, il est venu à Bruxelles, utilisant la
couverture dtine mission ofSicielle. Il est venu spécialenze~ztpour
cela et nous avons eu une coniiersatiorz au téléphone, au cours de
laquelle nous avons passé en revue tous les détails" 16. Kagame
insiste : "Nous avons discuté dans le moindre détail et puis, Fred
est rentré" 17.
Alors, après tous ces efforts et tout ce travail, ce que
Rwigema, l e chef d e l l A P R , a trouvé bon de faire était
uniquement de commettre des erreurs pour se faire tuer au début

15 - Cf. Misser, op. cit.


16 - Cf. Misser, op. cit.
17 - Cf. Misser, op. cit.
Les secrets du génocide rwarzdais

des combats ? Parmi les officiers que nous avons interrogés,


aucun n'accorde le moindre crédit à cette version des faits.
Sans se soucier de ses déclarations parfois incohérentes,
Kagame continue sa présentation des faits sur la mort de l'officier
qui a succédé à Rwigema : "Bayingarza est parti, il a forzcé droit
dans l'enzbuscade avec son pick-up. En fait le preinier tir a fait
nzouclze. Les eizrzernis ont touché le véhicule, d'abord le
cotzducteur. Je crois qu'ils l'ont eu dans la poitrine; il a perdu le
cotztrôle du vélticule. Aussitôt, 120s gars ortt sauté. Ils se sont
d'abord embrouillés, pensant qu'ils se faisaient tirer dessus par
leurs propres camarades, jusqu'à ce qu'ils réalisent" 18. Sur
l'insistance du journaliste à propos de la mort de cet officier,
Kagame corrige la première version : "Mais pas sur le pick-up. Il
était avec un jeune gars qui a survécu, qui l'escortait. Ce dernier
a tenté de l'aider. Quand il a vu que Bayingana aussi avait été
touché, je crois, juste en plein cœuq le jeune garçon a tenté de le
porteK Je crois comprendre qu'ils étaient poursuivis. Je pense que
1, l'ennemi a réalisé que quelqu'un, un blessé, se faisait emmeneK
Bayingana, selon le jeutze homme, lui a dit qu'il n'arrivait plus à
bouger. Et il lui a dit de sauver sa vie. Finalement le jeune
homnze est arrivé à se sauver" l9. Malgré ces détails, le fil
conducteur de sa mort reste indéchiffrable. Kagame poursuit
néanmoins en disant: ''Moi, à ce tnotneizt-làje n'étais pas encore
très habitué à la situation sur le terrain. Si bien que je ne
~îz'irzgeraispus trop dans les opérations en cours. J'avais laissé
ces officiers mener les choses" 20.
Poursuivant dans cette logique d'opacité, il évoque de manière
tout aussi confuse les conditions de son arrivée à la tête de 1'APR :

18 - Cf. Misser, op. cit.


19 - Cf. Misser, op. cit.
20 - Cf. Misser, op. cit.

-
-
-
-
E EE
-
-
-
-
-
-
-
=
-
-
%
Gerzèse d'un ho~~zine
de pouvoir-

es. "Quarzd ces ofJiciers sont morts, l'urgence était de penser à établir
zirze structure de cor~znzalzdenze~ztbien définie. A leur ilzort, il iz'y
es, erz avait pas. Ces ofSiciers atterzdaierzt nzêlne rrzolz arrivée pour
ier que une structure de cornmande~îzerztbien définie. A leur mort, il
vit n'y en avait pas. Ces oficiers attendaient même mon arrivée pour
hit que nous tenions urze réunion et décidions qui prendrait le
le comnzander~zerztdes forces. Au inonlent précis de mon arrivée,
le Bayirzgarza assumait cette clzarge à titre temporaire, attendant
Mlt soit d'êfre confir~~zéà ce poste, soit que quelqu'urz d'autre occupe
Ur cette fonction. Aussi, quand Bayingana et Bunyenyezi sont morts,
hur tous les comnzanda~ztsse sont réunis trois jours plus tard afin de
er. désigner un comrrzandarzt en chef des forces et ztrz haut
n commandemerzt qui 2 'assisterait pour conduire les opérations. Ce
kr n'était pas tout. Il y avait aussi l'aspect politique de la question.
hé Fred était mort. Il était le président du FPR et erz même temps le
le co~~zmandant des forces à l'époque. Bayi~zgarlaet Buizyerzyezi
w étaient morts aussi. Si bien qu'il y avait un vide à combler erz
PT: termes de co~nrnandementmilitaire et de direction politique. " 21
b Malgré ses contorsions verbales, Kagame laisse derrière lui
EP des contradictions, des incohérences, beaucoup de zones d'ombre
El et des questions sans réponses claires. Il affirme dans son dernier
at propos que les officiers l'attendaient pour tenir une réunion et
K? désigner la personne susceptible de prendre la direction de 1'APR.
IB Précisons qu'il a néanmoins pris, en 1990, à la fois la tête de
re' I'APR et la vice- présidence du FPR. Tous ces chefs n'étant plus
là, il ne reste q u e ses paroles contre leur éternel silence.
Soulignons tout de même que lorsque Kagame est arrivé sur le
terrain des combats, les deux officiers Bayingana et Bunyenyezi
ne l'attendaient pas du tout. Il était certes un bon soldat mais

21 - Cf. Misser, op. cit.

29
Les secrets du géizocide nvaizdais

personne ne voyait en lui un messie venu d'Amérique pour sauver a pli


les rebelles en déroute. Ces officiers agissaient en chef de troupes.
Puisqu'il affirme lui-même qu'ils sont morts à la suite de leurs
propres erreurs stratégiques. En outre, il dit qu'à leur mort, il y
avait un vide en terme de commandement militaire et de direction
politique. Ce qui prouve une fois de plus qu'on ne l'attendait
point. En revanche, leur disparition "accidentelle" n'était plus un
obstacle à la réalisation de son rêve. Elle lui ouvrait un boulevard
vers l e pouvoir. Il reconnaît lui-même: "Coinine je veizais
d'arriver, je ne voulais pas coitlmeizcer à ii7zposer certaines de SqYmi
mes décisions. Je peizsais que je devais les laisser prendre par de foi
ceux qui coiîlpreizaient irzieux que moi la situation, qui la vivaient
depuis plus de delu seinairzes. Mais je les ai avertis. Je leur ai dit
qu'ils étaient engagés dans un mouveinent très dangereux et
qu'ils ne devaient pas se contenter simplement de croire qu'il y
avait une bonne volonté de l'autre côté. Je ne corrzprerzais pas ce n'était
que des pourparlers avaient à faire à ce moment particulierrQ2. Bayin;
A la lecture de ces propos, on peut constater que "l'autorité" de dispa
Kagame n'a jamais été automatique au sein d e l'APR, que Kagar
l'homme est assez intransigeant, qu'il sait se faire tout petit et du cô
laisser planer la peur dans son propre camp afin qu'on lui confie précal
les rennes du pouvoir. Sa stratégie consiste à rester d'abord en unis,
retrait tout en attendant son heure. Cette démarche est une terrai1
constante dans son parcours. bien II
Selon notre enquête, il apparaît, d'après plusieurs témoignages, penni
que la description que fait Kagame de ces exécutions est très
contestable. Ceci d'autant plus qu'il est l'héritier direct des
fonctions qu'occupaient les victimes. Son ami Fred Rwigema n'a
jamais été abattu par un conseiller militaire français. Il n'a pas 13 - Er
14 - C
l'ONU
22 - Cf. Misser, op. cit. 75 - C

3O
Genèse d'la1 lzonznze de pouiloir

ter non plus été tué en sautant sur une mine de l'armée française
ts. comme certains l'ont affirmé. L'ancien ambassadeur rwandais à
us Kampala nous l'a confirmé: "L'annéefrançaise n'était pas encore
ly arrivée à la nzol-t de Fred Rwigyema. Elle est arrivée aux
bn environs du 10 octobre. De plus, personne lzrauraiteu le temps de
Pit placer des vzirzes avant puisque l'attaque était une initiative du
on FPR. Il aurait fallu placer cette mine avant le l e r octobre 1990.
rd E12Jilz,c'est une a b s ~ r d i t é . "Selon
~ ~ des sources proches du FPR,
ils Fred Rwigema a été assassiné sur la base d'un plan établi et
de supervisé par de hauts responsables du FPR. Des sources dignes
nr de foi nous ont confirmé qu'il était impossible à Kagame de
nt s'imposer au sein de 1'APR tant que son chef charismatique était
lit vivant. De plus, Fred Rwigema était un tutsi qui prônait une
et solution négociée entre les milieux monarchistes en exil et les
I Y
hutu opposés à la dictature de Habyarimana. Cette approche
n'était pas du tout celle de Kagame24. C'est ainsi que Kagame et
Bayingana, l'adjoint de Rwigema, se seraient arrangés pour faire
disparaître leur ami et patron Fred Rwigema. Seulement,
Kagame, qui contrôlait bien les services de renseignements tant
du côté ougandais que dans la diaspora tutsi, va prendre des
précautions. Lorsqu'il accepte de partir pour un stage aux Etats-
Unis, il connaît par cceur tout le dispositif qui sera déployé sur le
terrain : "Mon analyse, en raison du fait que je connaissais très
bien la situatiorl qui prévalait avant et après la mort de Fred, m'a
perïnis de rassembler les éléments et de tirer une corzclusion à
propos de ce qui s'est passe 75.
"1

La première précaution est que la mort de Rwigema aura lieu

23 - Entretien avec l'auteur.


24 - Cf. Nguidjol Gilbert, Autopsie des géizocides waildais, buruizdais et
l'ONU, Paris, Présences Africaine, 1998.
25 - Cf. Misser, op. cit.
sur le champ de bataille, ensuite elle va survenir à son absence. Certaines sources ont aff7-7-":d
Ces deux éléments sont suffisamment pertinents pour le laver de par un conseiller milita^? 5
tout soupcon. Deuxième précaution, cette disparition est un l'armée d e Mobutu. 1 ~ I.
prétexte pour l'inciter à venir immédiatement sur le terrain des élimination aurait été LI-i
opérations. Et, c'est-là que sera organisée l'élimination de son Kigali en voulaient aux ai; 1
deuxième ami Bayingana, le successeur de Fred Rwigema, avec n'ont aucune responsabil:?
l'aide des services de sécurité ougandais. Selon des sources fait, l'ennemi dont parle ELI-
proches du FPR, Yoweri Museveni, le chef de 1'Etat ougandais. façon explicite est aussi 11 4
serait intervenu personnellement à ce moment précis pour aux côtés d1Habyarimar1i
imposer Kagame à la tête de I'APR. En réalité, Bayingana aurait François Misser au s-2:
été exécuté par l'armée ougandaise au cours d'un simulacre de comprendre sa rage CI: r.
procès à Kampala. Soulignons que la mort de Fred Rwigema n'a
été signalée qu'un mois après son exécution. Selon l'ancien
ambassadeur rwandais, Pierre Claver Kanyarushoki, qui était en
poste à Kampala, au moment de ces événements, "Rivigeïïza était
très populaire el2 Ouganda. Sa mort était presque un de~lil
respoïzsabilité, parce qii .
années soixante-dix je rt TA'
in$?uence. Je ne vois pax I-+
l-

leur in$?uence ici, draii:r:.-d


sont pas clairs. l
I
national dans ce pays." Je comprends qu'ils xr 711
-
Pour revenir à sa vie de stagiaire aux Etats-Unis, on peut se intérêt. Mais vous ne pu!+-5
demander si le séjour de Kagame au milieu des officiers du dépens de la aie dtaz<trt rd
Pentagone n'a pas aiguisé son désir refoulé de s'opposer aux eux-mêmes. Les Frank L::.id
Français, qui ont toujours montré une préférence pour les hutu relation avec le Rnaï?:- 1
q u e pour les tutsi ? U n e chose est certaine, i l ne porte responsabilité en ce sen' ;
particulièrement pas la France mitterrandienne dans son cœur. travaillé aijec elle trèx r-'.d!
Elle non plus. Cette rancœur prend ses racines lorsque l'armée clairement qu'il y avait li7-= $
française décide d'intervenir aux côtés des Forces armées Si la France a c o m ~ i rid
rwandaises (FAR) pendant l'attaque de I'APR contre le régime de Habyarimana, elle ne ss~r-14
Kigali en 1990. Mais, Kagame a toujours laissé croire qu'il en péchés du Rwanda. Nul 7 s a
voulait aux Français parce qu'ils seraient responsables de la mort en faveur d e ses intértr; d
de son ami Fred Rwigema. Dans son entretien avec le journaliste Rwandais de tirer objr.: 4
François Misser, il affirme :"Fred a été abattu par l'enrzemi" 26.
26 - Cf. Misser, op. cit. 27 - Cf: Misser, op. cit.

32
Genèse d'urz Izornnze de pouvoir

bence. Certaines sources ont affirmé que Fred Rwigema aurait été abattu
b e r de par un conseiller militaire français qui assistait, à l'époque, avec
.est un l'armée d e Mobutu, les Forces armées rwandaises. Cette
min des élimination aurait été une preuve de plus que les Français de
d e son Kigali en voulaient aux tutsi. Nous avons montré que les Français
P. avec n'ont aucune responsabilité dans la disparition de Rwigema. En
lources fait, l'ennemi dont parle Kagame et qu'il ne cite pas toujours de
pndais, façon explicite est aussi la France. Du moins, celle qui se trouve
a pour aux côtés dlHabyarimana. 11 suffit de suivre son propos avec
i aurait François Misser au sujet du drame qu'a connu son pays pour
r r e de comprendre s a rage contenue: "Oui, les Francais ont une
m a n'a respolzsabilité, parce qu'ils sont venus an Rwanda et, partir des
ancien années soixante-dix je pense, ils o~ztcom~ize~zcé à corzsolider leul-
b i t en influence. Je ne vois pas pourquoi les Belges leur ont aba~zdo~zrzé
ro était leur influelzce ici, d'ailleurs: c'est une clzose dolzt les i?zotifs ne
I deuil sont pas clairs.
Je compre~îdsqu'ils se sont uniquenzerzt souciés de leur propre
a=ut se intérêt. Mais vous ne pouvez pas vous soucier de votre intérêt aux
ers du dépens de la vie d'autres persolznes, en l'espèce, des Rwandais
er aux eux-mêmes. Les Français auraient dû au nzoi~zsfonder leur
s hutu relation avec le Rwanda sur une base morale. Ils ont une
porte responsabilité en ce sens qu'ils ont promu une dictature ici. Ils ont
mur. travaillé avec elle très étroitement, même lorsqu'il est apparu
'mée clairement qu'il y avait une oppression, et des assassilzats" 27.
mées Si la France a commis des "fautes" en s'illustrant aux côtés de
& de Habyarimana, elle ne saurait cependant porter la croix de tous les
il en péchés du Rwanda. Nul ne peut l'empêcher ou lui reprocher d'agir
r mort en faveur d e ses intérêts propres. Il appartient surtout aux
diste Rwandais de tirer objectivement les leçons d'un drame dans
,-
26.

27 - Cf. Misser, op. cit.


- I_ --

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E Les secrets du génocide rwandais
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-
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lequel ils ont accepté d'être le jouet des intérêts qui n'étaient pas
forcément les leurs.
Après l'élimination de tous ses amis, la seule obsession de
Kagame sera de prendre le pouvoir à Kigali. Va-t-il pour cela
contribuer à l'avènement du génocide de son peuple en 1994 ?
Les informations dont nous disposons permettent d'affirmer que
son attitude, sur cette tragédie, est compromettante à bien des
égards. Mieux, nous savons maintenant qu'il ne pouvait pas
ignorer l'imminence d'une extermination massive de tutsi et de
hutu opposés au régime de Habyarimana. Pourquoi ne l'a-t-il pas
évité ? Il faut dire que cela ne faisait pas partie de ses priorités.
Nous allons le démontrer.
Ce qui n'a pas été souligné avec force jusqu'à présent, c'est que
tant du côté du gouvernement dirigé par Habyarimana que du côté
du Front patriotique rwandais (FPR) dirigé par Kagame, tout le
monde se préparait secrètement à la guerre tout en affichant une
volonté de paix. Le génocide était donc évitable si on le voulait.
Pis, Kagame signe le 20 décembre 1993 avec le ministre rwandais
de la Défense M. Augustin Bizimana, en présence du général
Dallaire, un engagement concernant la consignation des armes à
Kigali (voir annexe 1). Malgré ce document dans lequel les deux
parties s'engagent à faire respecter le protocole d'Arusha et la
mission des Nations Unies, sur le terrain, chacun fera à sa tête et
finalement personne ne respectera sa parole, du moins sa
signature. C'est ainsi qu'on va se préparer à la guerre dans les
deux camps.
Du côté d e Kagame, des émissaires étaient envoyés en
Erythrée pour acheter des armes au profit du FPR. Un responsable
de la direction du renseignement militaire de I'APR dirigée par
Kagame sera chargé de convoyer des armes jusqu'à Kigali. Le
FPR s'approvisionnait également e n Ouganda. Plusieurs
Genèse d'un Ilorllrlle de pouvoir

cargaisons de fusils d'assaut et de mortiers étaient transportés


dans des camions appartenant au FPR. La plupart des armes
lourdes étaient démontées au départ de Kampala puis, arrivées à
la base militaire du CND (Parlement rwandais où siégeait un
contingent du FPR), elles étaient remontées et ensuite stockées.
Comme tout bon chef de guerre, Kagame a mis en place des
programmes de formation. Ses hommes vont ainsi suivre un
encadrement intensif au centre d'entraînement de Karama (Est du
pays). Il va obliger tous les cadres de son mouvement à suivre
une formation militaire dans le même centre. Pendant les
négociations dfArusha, il envoie près de six cent militaires en
civil dans la capitale rwandaise. Selon des sources proches du
FPR, il y avait plus de trois mille combattants infiltrés dans la
ville de Kigali. Ils seront chargés d'effectuer des missions de
repérage afin de préparer si possible des opérations commandos
contre des hutu. En clair, il s'agissait de provoquer des actes de
violence contre des hutu et aiguiser ainsi leur haine à l'égard des
tutsi. Ce qui renforçait les extrémistes des deux camps. Plusieurs
témoignages confirment que ce comportement a exacerbé les
atrocités commises à l'égard des tutsi pendant le génocide.
Quelques jours avant les massacres, 4000 hommes de l'Armée
patriotique rwandaise se trouvaient déjà à Kigali. Pourquoi n'ont-
ils pas sauvé les tutsi programmés à l'extermination? Pourquoi
n'ont-ils pas déclenché une campagne internationale pour
empêcher l'irréparable ? Mystère.
Du côté gouvernemental, en plus de l'assistance militaire
française, les autorités rwandaises achetaient des armes en Égypte
puis les acheminaient à Kigali par un cargo britannique. Ces
armes ont été distribuées aux miliciens hutu (Interahamwe) avant
l e génocide. 11 f a u t également souligner q u e toutes les
informations recueillies par les services de sécurité rwandais au
Les secrets du génocide rwalzdais

sujet du FPR montraient que Kagame n'était pas disposé à Washington, un officier da
négocier. Certains observateurs notaient un énorme décalage entre une photo en compagnie dz
l'attitude d u F P R pendant les pourparlers et l'abondante relations n'a pas manqué d2
acquisition d'armes sophistiquées qu'il accumulait sur le terrain. l'ancien gendarme de l'El?-
Les autorités rwandaises allaient à leur tour multiplier des 1'APR étaient formés er #

initiatives dans le même sens. Dès le mois de décembre 1990, le américains en l'occurren
ministre rwandais de la Défense sollicitait trois gazelles roquettes dénonce surtout la pol
en Egypte. Au même moment, il commandait à l'URSS du d'investigation, n'apporte c
matériel d'artillerie sol-sol et sol-air. En 1992, les Forces armées affirmations.
rwandaises (FAR) obtenaient des obus, des mortiers et des L'Ouganda a, pour sa
grenades de l'Afrique du Sud. militaire au FPR. Si le
Durant toute la période qui va précéder le génocide, la France réalité de ce soutien devan
restera le meilleur fournisseur d'armes et de conseils des FAR. nous tentons ici d'apport
Quant aux Américains, ils vont contribuer à la formation d'une ougandaise, dans laquelle i
douzaine d'officiers, au moins, de 1'APR à travers un programme pas restée neutre dans l'ol
de coopération avec l'Ouganda. Il s'agit du programme IMET Rwanda. Lorsque le 17 f 6 ~
(International Military Education and Training) qui a permis à dans une embuscade tendue!
Kagame de suivre son stage aux Etats-Unis. D'après certaines l'immatriculation: UWT 86%
sources proches du Pentagone, un autre programme, supervisé par a été retrouvé, il est sign
la marine américaine, l'armée de terre et les forces aériennes, a Benon Tumukunde (voir
permis à des officiers tutsi de perfectionner leur formation Tumukunde était le co
militaire. C e programme, appelé Joint Combined Exchange Kampala. De plus, des cc"
Training (JCET), dans lequel participe des forces spéciales, les a FAR, lors des combats, onr
initiés aux techniques de camouflage, à la mobilité des petites preuve d e ce soutien es
unités, à l'entretien du matériel de guerre et à la navigation récupérées au moment de 1'
nocturne. Plusieurs de ces officiers rwandais ont frauduleusement 3). Il s'agit bien de soldats L
utilisé des cartes d'identité ougandaises pour suivre leur formation Au regard de ces élémc
aux Etats-Unis. Un des responsables américains de ce programme dlArusha se déroulaient daus
de formation était précisément le major Tom Marley. Il était et de mensonge caractériri.
également membre d e l a délégation américaine lors des
négociations de paix à Arusha. Selon des sources diplomatiques à
Gerzèse d'urz horîznze de pouvoir

Washington, un officier du Pentagone a même gardé en souvenir


une photo en compagnie de Kagame dans son bureau. Ce type de
relations n'a pas manqué de donner du zèle au chef du FPR. Pour
l'ancien gendarme de lfElysée, Paul Barril, les officiers tutsi de
1'APR étaient formés et conseillés par les services secrets
américains en l'occurrence la CIA28. Monsieur Barril, qui
dénonce surtout la politique élyséenne et le journalisme
d'investigation, n'apporte cependant aucun détail significatif à ses
affirmations.
L'Ouganda a, pour sa part, officiellement contesté tout appui
militaire au FPR. Si le préfet Jacques Dewatre a confirmé la
réalité de ce soutien devant la Mission parlementaire française,
nous tentons ici d'apporter la preuve que la NRA, l'armée
ougandaise, dans laquelle le FPR avait beaucoup d'amis, n'était
pas restée neutre dans l'offensive militaire de 1'APR contre le
Rwanda. Lorsque le 17 février 1993, un camion ougandais tombe
dans une embuscade tendue par les FAR à Ruhengeri, il porte
l'immatriculation: UWT 868. Un document identifiant ce camion
a été retrouvé, il est signé par un officier de l'armée ougandaise:
Benon Tumukunde (voir annexe 2). en fait, le lieutenant-colonel
Tumukunde était le commandant de la police militaire de
Kampala. De plus, des combattants de la NRA, arrêtés par les
FAR, lors des combats, ont reconnu qu'ils appuyaient le FPR. La
preuve de ce soutien est fournie par les cartes de service
récupérées au moment de l'arrestation de ces soldats (voir annexe
3). Il s'agit bien de soldats de l'armée régulière ougandaise.
Au regard de ces éléments, il est clair que les négociations
d'Arusha se déroulaient dans un contexte de méfiance réciproque
et de mensonge caractérisé. Ce qu'il faut noter, à ce niveau, c'est

28 - Cf. Guerres secrètes à I'Elysée, Paris, Albin Michel, 1996.


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Les secrets du gérzocide vntalldais


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qu'il y a bien une guerre secrète qui oppose la France aux Etats-
Unis et à la Belgique dans cette région. En dépit des éternels
démentis des uns et des autres, ces trois pays, qui se livrent à une
redoutable lutte d'influence en Afrique Centrale, ne sont pas tout
à fait neutres dans la tension qui existe entre Kagame et les
Forces armées de Habyarimana. Ajoutons à cela un détail
important pour illustrer notre propos: leurs positions respectives
sur le zaïre de Mobutu Sese Seko.
Très convoité par les Belges et les Américains. ce très riche
pays, frontalier du Rwanda, sera également courtisé par les
Français qui souhaitent, depuis toujours, élargir leur zone
d'influence dans les Grands Lacs. Malgré la longue présence des
Belges dans cette région aux abondantes ressources minières, les
Américains, à la fin de la guerre froide, ont décidé de contrôler le
Rwanda et le zaïre jusque-là sous influence belge. Mais, le
véritable problème sera le président zaïrois Mobutu Sese Seko.
Rejeté par les Américains et les Belges qui ne cachaient plus leur
désir de le voir quitter le pouvoir, son seul soutien ne sera plus
que du côté français. En résumé, il y a donc, d'une part, les Belges
et les Américains aux côtés du FPR de Kagame et des opposants à
Mobutu, et d'autre part, les Français qui soutiennent le régime
rwandais et le président zaïrois. Nous sommes ainsi, malgré les
apparences, devant une crise africaine sur fond de rivalités
occidentales et particulièrement franco-américaine.
Ceci explique, quelque part, la paralysie des Nations unies tout
au long de la crise du Rwanda et du Zaïre. L'ONU a essuyé les
critiques les plus acerbes pendant le génocide mais, on a un peu
vite oublié qu'elle n'est rien sans la volonté politique des Etats. Et
en particulier celle des plus influents. Dans le cas du Rwanda,
l'ONU ne pouvait pas ignorer les divergences française, belge et
américaine sur ce dossier. Pour s'en convaincre, il suffit
Gerzèse durz homrne de pouvoir

6- d'observer la timidité, voire l'embarras qu'elle affiche à la veille


tls du génocide. Le 11 janvier 1994, le général canadien Roméo
ne Dallaire, commandant des casques bleus au Rwanda (NIINUAR),
iut envoie un télégramme au siège des Nations unies pour informer le
les secrétaire général Boutros-Boutros Ghali de l'imminence des
iil massacres et d'une guerre probable entre hutu et tutsi. Le général
RS Dallaire, informé de l'existence d'importantes caches d'armes à
Kigali, demande au secrétaire général une autorisation pour
effectuer une saisie sur les armes. Il va essuyer un refus
catégorique au motif qu'il s'agit-là d'une action qui dépasse le
mandat de la NIINUAR. Pourtant, dans le rôle dévolu à l'armée
onusienne pendant les accords d'Arusha, il était clairement dit que
les casques bleus devaient rechercher les caches d'armes et
neutraliser les bandes armées. Le secrétaire général prendra quand
même le soin de préciser au général Dallaire de communiquer ses
infoimations aux autorités rwandaises mais aussi, et c'est le plus
intéressant, aux ambassadeurs de Belgique, de France et des
Etats-Unis. Ceci signifie que si ces trois pays, concernés par
l'affaire rwandaise comme nous le mentionnions précédemment,
sont d'accord, alors l'ONU peut établir un mandat pour saisir les
armes. Dans le cas contraire, il n'y a strictement rien à faire. Les
trois pays ont gardé un silence de mort. C'est ce silence, ce
laissez-faire, qui aboutira à l'assassinat du président rwandais
Juvénal Habyarimana et au génocide de 1994.
Dans ce drame où plus d'un million de Rwandais ont péri,
Kagame est loin d'être au-dessus de tout soupçon.
Photo 1 - Paul KAGAME (à droite) en compagnie de sa tante la reine Rosalie
GICANDA (à gauche). Il rend une visite secrète à cette dernière dans son appar-
tement à Butare en 1978 (document inédit).

Photo 2
Paul KAGAME (à droite)
et sa tante Rosalie
GICANDA (à gauche).
Document inédit - 1978.
Photo 3 - La carlingue ou ce qu'il en reste s'est écrasée sur la clôture du palais présidentiel.
. -

Photo 4 - Un bout de l'épave du Falcon 50 aprks le crash.


Photo G - Une tête ensanglantée d'un pilote français après i'attentat.
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Photo 7 - Paul KAGAME (à droite) et son ancien premier ministre Pierre Célestin . .-.O10
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RWIGEMA (à gauche), actuellement réfugié aux Etats-Unis.
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'~~4331&2 u!lsap3 aJ.Ia!d aJls!u!ur ~a!ura~d
uapueJ : al!oIp ? aq3n-es a a - 8 oloqd
Photo 9 - Paul KAGAME (actuel president du Rwanda) au cours d'un discours.
Photo 10 - Le président rwandais (tué dans l'attentat le 6 avril 1994),
Juvénal HABYARIMANA, assis dans son bureau.
' ( ~ 6 6 1~ J A E9 np l e ~ u a n is?w~ p an])
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Assassinat des présidents


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africains et des pilotes français


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Le 6 avril 1994, il est 20 heures 30 quand l'avion privé du chef -
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de 1'Etat rwandais Juvénal Habyarimana, un falcon 50, est abattu -
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par un missile antiaérien SAM-16. Dans le même avion se trouve -
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le président du Burundi Cyprien Ntaryamira. L'équipage est -
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composé d'un pilote, d'un copilote et d'un officier mécanicien, -
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I tous Français. Ils périront dans l'avion avec les deux présidents. -.
p --
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C'est juste après cet attentat que s'est déclenché l'un des plus --
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p.
grands massacres de l'histoire du continent africain. Que s'est-i.1 -
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donc passé? Plusieurs hypothèses ont été formulées. En voici -
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quelques-unes: -
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1 - L'attentat serait commandité par des extrémistes hutu et -


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PM

exécuté par des mercenaires français. Cette thèse est soutenue, à --


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des degrés divers, par l'historien belge Filip Reyntjens (Rwanda, ---- -

Trois jours qui ont fait basculer l'histoire, Paris, l'Harmattan, ---
--
1995), le chercheur français Gérard Prunier (Rwanda 1959-1996, --
--
Histoire d'un génocide, Paris, Dagorno, 1997) et la journaliste -
--
--
belge Colette Braeckman (Rwanda, Histoire d'un génocide, Paris, ----

-- -
Fayard, 1994). -

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2 - L'attentat serait un acte des opposants burundais qui visaient --

davantage leur président Cyprien Ntaryamira que son hoiilologue --

du Rwanda.
3 - L'attentat serait commis par le FPR de Paul Kagame avec
l'aide de militaires belges.
Cette thèse a été soutenue par le journaliste français Stephen
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Les secrets du génocide rwandais

Smith29 e t par Bernard Debré30, l'ancien ministre de la


Coopération dlEdouard Balladur.
Ces trois hypothèses, souvent évoquées, n'ont jamais fait
l'objet d'investigations approfondies. La Commission sénatoriale
belge tout comme la Mission d'information des parlementaires
français n'ont pas permis, après leurs enquêtes sur le génocide
rwandais, d'en savoir davantage ou de dégager un consensus sur
les auteurs de l'attentat. Le brouillard le plus total pèse donc sur
cette affaire.
Au regard de ces différentes pistes, il apparaît clairement que
ni la France, proche du défunt président rwandais, ni la Belgique,
ancienne puissance coloniale du Rwanda, mise en cause dans la
presse, ni même les Etats-Unis, soupçonnés à travers la CIA,
n'ont montré une quelconque hardiesse à enquêter sur cet attentat.
Quant à l'ONU, présente sur le terrain, par le biais des casques
bleus, au moment des faits, elle s'est lavée les mains comme
Ponce Pilate en se réfugiant derrière le mutisme diplomatique. La
d e m a n d e timide du général canadien Roméo Dallaire,
commandant de la MINUAR, n'y changera rien. Dans une lettre
datée du 2 mai 1994, il tente, sans grande illusion, de remuer
l'inertie de la communauté internationale en proposant aux
autorités rwandaises d'établir une liste de pays susceptibles de
participer à une commission d'enquête internationale sur
l'assassinat d e Habyarimana (voir annexe 4). L a réponse
laconique et très malicieuse du Premier ministre rwandais Jean
Kambanda sera d'un enthousiasme mesuré :
"Morz gérzéral, eri réponse à votre lettre du 2 mai 1994, je fais
parvenir des ilzforrrzations que vous avez demandées concernant
la cor7zposition de la Collzt~lission internatiorzale sitr l'attentat

29 - Cf. Libération du 29 j~iillet1994.


30 - Cf. Le retour du Mwaini, Paris, Ramsay, 1998

42
Assassinat des présidents africaiizs et des pilotes français

nzortel pei-pétre' contre l'avion présiderztiel en date du 06 avril


1994 à l'Aéroport Interizntio~zal Grégoire Kajlibanda de Kigali.
(...) Ladite Coinitzissioir serait composée par les Etats et
Organismes ci-après :
1. La France colnitle étant à la fois 1'Etat constructeur de
l'appareil et 1'Etat d'origine des victimes. 11 est proposé que la
France assure la présidence de la Coinmission ;
2. Le Rwanda (...) ;
3. Le Burundi (...) ;
I
4. La Tanzanie (...) ;
5. L'ONU dont les Forces militaires étaient clzargées de ln
sécurité de l'aéroport; 6. L'organisation de l'ai~iatioizcivile
1 Internationale (OAC1)".
Derrière les phrases très diplomatiques du Premier ministre
rwandais, il y a surtout une pirouette et une certaine ambiguïté à
T
l'égard des autorités françaises. Pourquoi proposer à la France
d'assurer la présidence d'une hypothétique commission d'enquête
alors qu'elle sera plus tard accusée d'avoir participé au génocide?
t
i
Et Paul Kagame dans tout cela ? Bien que soupçonné, lui
aussi, il n'a jamais daigné demander la moindre investigation sur
ce "mystérieux" attentat. Retranché derrière le génocide tutsi, il a
toujours balayé d'un revers de main toute allusion sur
l'implication du FPR dans cet "accident". Mieux, il ne se prive
pas d'assortir sa contestation systématique d'une accusation de
révisionnisme du génocide. Un étrange raccourci. Dans un
entretien accordé à l'hebdomadaire Jeune Afrique L'intelligent, il
a une fois de plus botté en touche en exhumant le dossier de la
mort de Fred Rwigema alors qu'il était interrogé sur l'éventualité
d'une enquête internationale sur l'attentat contre Habyarimana.
Voici ses propos : ''Mais en 1990, le leader du FPR a été tué par
les forces a r m é e s d ' H a b y a r i m a n a . S'il y a une enquête
Les secrets du gélzocide ~walîdais

ilzterrzatioi~ale,elle devra porter sur tous les assassilzats


politiques".3l En 1995, lors de son entretien avec le journaliste
Jean-François Misser, Kagame disait pourtant tout l e
contraire: "Nous n'avons pas les nzoyerzs d'urze telle enquête. Nous
cherchons à nous doter de la capacité de le faire. En fait, ~zous
ailneriorzs que l'ONU ~ î o u sassiste dans cette tâche. Mais elle n'a
rien fait à ce joul: Ce sera notre priorité". 32
En cinq ans, son point de vue a évolué ou plus exactement
changé. L'attentat n'est plus à l'ordre du jour, ce n'est plus une
priorité. Alors, fuite e n a v a n t , embarras, malaise o u
échappatoire? Il y a un peu de tout cela dans sa réponse à la fois
évasive et allusive à Jeune Afrique L'intelligent. Traduisons : si
on veut une enquête internationale sur la mort de Habyarimana, il
faut aussi enquêter sur la mort de Fred Rwigema. C'est-à-dire sur
le principal soutien de l'armée rwandaise en 1990, notamment la
France. A vrai dire, dans ce chantage ou du moins dans cette
menace à peine voilée en direction de Paris, Kagame veut
brouiller les pistes et tromper la vigilance du public. La mort de
Fred Rwigema n'a pas engendré l e génocide. Celle d e
Habyarimana l'a incontestablement déclenché. D'où vient alors
cette attitude de Kagame ? Aprés avoir longtemps claironné sur le
génocide des tutsi, pourquoi, soudain, Kagame le tutsi, victime du
génocide, se met à reculer ? Pourquoi traîne-t-il les pieds ?
Pourquoi se livre-t-il à ce jeu compliqué sur deux cadavres
rwandais ? Pourquoi mélange-t-il malicieusement la mort du
rebelle Rwigema et celle du président Habyariinana ?
Le but recherché à travers ce comportement est le silence.
Kagame essaye de nous dire : circulez, il n'y a rien à voir.

3 1 - Cf. Jeune AfriqueIL'intelligent no 2064 du ler août 2000.


Cf. Vers un nouveau Rwanda ? Op. cit. p. 79.
32 - Cf. Misser, op. cit.
Assassilzat des pl-éside~ztsa$-icailzs et des pilotes fratzçais

Pourquoi donc imposer le silence si l'on n'a rien à se reprocher ?


Les informations dont nous disposons permettent d'éclairer son
rôle au moment de l'attentat, même si un rapport confidentiel des
Nations Unies, que nous avons obtenu et qui a été publié
récemment dans le journal canadien «National Post d 3 , le met
directement en cause.
En 1998, une enquête trés documentée de deux journalistes
français, Pierre Péan et Jean-François Bizot, est passée inaperçue
dans la revue « Actuel d 4 . Elle évoquait déjà la piste du FPR et
observait que personne ne pouvait imaginer que l'Armée
patriotique rwandaise de Paul Kagame pouvait avoir les moyens
de mener une opération d'une telle envergure contre l'avion de
Habyarimana. Cette piste, jusqu'ici peu explorée, présente
pourtant de sérieux indices quant au rôle qu'aurait joué Kagame et
son parti (FPR) dans l'attentat contre Habyarimana et sur le
génocide rwandais. Pour mieux illustrer notre propos, il faut
opérer un retour en arrière.
Le double jeu du FPR commence, comme nous l'avons vu au
chapitre précédent, pendant les négociations d'Arusha en
Tanzanie. Dès juin 1992, le gouvernement rwandais dirigé par le
Premier ministre Dismas Nsengiyaremye du Mouvement
démocratique républicain (MDR), un parti d'opposition, entamait
des pourparlers directs avec le parti de Paul Kagame (FPR). Ces
pourparlers allaient aboutir un mois plus tard à la signature d'un
accord de cessez-le-feu. Le document paraphé par les deux partis
prévoyait un partage du pouvoir entre la minorité tutsi (14%) et la
majorité hutu (84%)35. Jusque-là, les hutu dominaient l'échiquier

33 - Cf. "Explosive" leak on Rwanda genocide, march 01, 2000.


34 - Cf. La longue marche de l'empire tutsi, in Actual Almanach.
35 - Le groupe Twa, une autre minorité, considéré comme proche des Hutu,
constitue 1 % de la population rwandaise.
Les secrets du gélzocide rwarzdais

politique et militaire du pays. Les deux parties admettaient donc


qu'un gouvernement de transition serait mis en place et que les
soldats du FPR seraient intégrés dans l'armée rwandaise. On
pouvait croire, dans ce consensus apparent, que le climat
politique s'était apaisé. Eh bien, non! Les concessions faites au
FPR n'arrangeaient pas tout le monde, y compris le FPR lui-
même. Ses premiers ennemis étaient d'abord. les représentants de
la Coalition pour la défense de la République (CDR), un parti
d'opposition créé brutalement en mars 1992 par des hutu
extrémistes. Ce parti n'acceptait aucun compromis avec le FPR. Il
fustigeait la mollesse du gouvernement au sujet des tutsi et
exhortait les hutu à la guerre. Se voyant écarté du gouvernement
de transition, la CDR va lancer une campagne virulente, agressive
et discriminatoire contre les tutsi et le FPR. Plus tard, on
découvrira que ses responsables étaient les "cerveaux" du
génocide. A côté de ces ''idéologues", il y avait aussi l'étrange
comportement de certains membres du FPR et précisément celui
de son responsable, Paul Kagame.
Au moment où se déroulaient les négociations dlArusha sur le
partage du pouvoir, des massacres de tutsi survenaient dans le
Nord-Est du Rwanda. Le cessez-le-feu, déjà en vigueur, sera
rompu par le FPR qui décidera de lancer une offensive militaire
totale le 8 février 1993. En quelques jours, les soldats du FPR,
dirigé par Kagame, vont se retrouver à vingt cinq kilomètres de
Kigali, la capitale rwandaise. Selon plusieurs sources, cette
attaque n'était pas le fait d'une simple riposte au massacre des
tutsi. Elle était le résultat d'un plan minutieusement élaboré par
Kagame pour prendre le pouvoir. Nous avons tenté de
comprendre cette attitude. Deux éléments plaident bien en faveur
de la thèse d'un plan prédéfini.
Dans la stratégie de conquête du pouvoir par le FPR, l'option
Assassinat des présidents africains et des pilotes fiancais

militaire a toujours été prépondérante. Kagame savait que le


partage du pouvoir allait être difficile à mettre en pratique car la
tension était forte entre les tutsi et les hutu. Les ambitions
politiques des uns et des autres pouvaient à tout moment faire
basculer les accords dlArusha. De plus, il savait que, sans le
ui- soutien de la France, le régime de Habyarimana ne pesait pas
lourd militairement face au FPR. Sa puissance de feu était donc
un atout susceptible de lui assurer une victoire sur le pouvoir
hutu. Grâce à son armée, il pouvait se forger un destin politique
difficile à obtenir dans le cadre des négociations d'Arusha. Son
comportement sur ce plan était visible à l'œil nu. Selon Jean-
:nt Christophe Belliard, qui représentait l a France en qualité
n-e d'observateur lors de ces négociations, "La délégation du FPR
était une délégation unie qui parlait d'urze seule voix. Le
président en était Pasteur Bizinzurzgu, (...). Lorsqu 'on faisait Lrrze
proposition à cette délégation rwarzdaise, elle disait toujours on
vous répondra demain': Entre-temps, un contact était opéré avec
M. Paul Kaganze, qui se trouvait à l'époque à Mulirzdi. En fait, la
délégation du FPR, c'était Paul Kagarne. Paul Kaganze décidait
et Pasteur Bizim~rnguparlait" 36.
Un détail important apparaît donc lors de l'offensive du FPR
en 1993. Les soldats de Kagame, une fois lancés dans la guerre,
s'arrêtent à une vingtaine de kilomètres d e l a capitale et
proclament un cessez-le-feu unilatéral le 20 février. Pourquoi
agissent-ils ainsi alors qu'ils sont à deux doigts de prendre le
pouvoir par les armes ? La raison est simple. A cette époque,
l'armée française protège le régime de Juvénal Habyarimana. Dès
1991, le président Mitterrand avait envoyé un détachement de
l'armée française auprés du chef de 1'Etat rwandais conformément
36 - Cf. Mission parlementaire française, Erzquête srrr la tragédie rivarzdaise
(1990-1994),Paris, Assemblée national, 1998, 3 tomes.
Les secrets du génocide rwandais

aux accords de défense en vigueur entre les deux pays.


Dans un premier temps, l'armée française sera chargée
"dlassurer-la sécurité et la protection des ressortissarits~ançais".
Mais, sous la forte pression du FPR qui frappe aux portes de
Kigali, Juvénal Habyarimana demande un effort supplémentaire à
la France. Le 18 janvier 1993, François Mitterrand envoie une
lettre à son homologue rwandais pour lui signifier l'aide et le
soutien de son pays (voir annexe 5 ) . On assiste donc à l'opération
"Noroît". L'ordre de mission de cette opération est précis: faire
face à toute action surprise du FPR sur Kigali tout en assurant le
contrôle de l'aéroport ; effectuer des missions de renseignement
sur les mouvements du FPR à proximité de la capitale rwandaise;
infiltrer si possible l'armée du FPR.
Cette mission sera doublée d'une autre plus engagée encore:
"l'opération Chimère". Celle-ci va beaucoup plus loin. Elle a
pour objectif de former et d'encadrer les officiers des Forces
armées rwandaises (FAR), peu performantes devant les experts
militaires du FPR formés, pour leur part, en Ouganda. C'est ici
que le péché rwandais de la France prend ses racines. Le rapport
de la mission parlementaire est sur ce point éloquent. Il affirme :
"Si la France n'est pas allée aux conlbats, elle est toutefois
intervenue sur le terrain de façon extrêmement proche des FAR.
Elle a de .façon continue, participé à l'élaboration des plans de
bataille, dispensé des conseils à l'état-nzajor e t a u x
conznzundements de secteurs, proposant des restructurations et
des rzouvelles tactiques. Elle a envoyé sur place des conseillers
pour instruire les FAR aux marzienzerzt d'arnzes perfectionnées" 37.
Sachant que l'armée française était bien aux côtés du chef de
1'Etat rwandais, à travers "Noroît" et "Chimère", le FPR va

37 - Cf.Mission parlementaire française, op. cit.

48
Assassilzat des pl-ésidelzts africains et des pilotes fi-ançais

prendre son mal en patience. Kagame et ses hommes vont bientôt


considérer qu'ils n'ont pas un adversaire mais deux : Juvénal
Habyarimana et la France. Surtout que Kagame garde de ce pays
un souvenir amer. Lorsqu'en septembre 1991, il se rend à Paris
pour rencontrer Jean-Christophe Mitterrand, conseiller à 1'Elysée
e t chargé des questions africaines, il est accueilli sans
enthousiasme. Pis, en regagnant sa chambre d'hôtel, il reçoit la
visite de policiers de la DST (Direction de la surveillance du
territoire) qui l'accusent d'être un terroriste et l'embarquent manu
militari. Kagame et les membres du FPR qui l'accompagnent
passeront treize heures de garde à vue à la préfecture de police de
Paris, avant d'être relâchés sans explication. L e rapport
confidentiel que les diplomates français feront de cette visite
discourtoise sera pourtant positif (voir annexe 6). Quant à Paul
Kagame, l'humiliation est dure à avaler. Il va choisir le silence
tout en ruminant sa colére. Il faut attendre 1997 pour le voir
exprimer son écœurement : " U n matin a l'aube, ils ont fait
irruption, le revolver a la main, dans ma chambre d'hôtel (Hiltolz
de l'avenue Suffren, NDLR), ils ont crié : "vous êtes en état
d'arrestation" et ils ont commencé a tout fouiller . Certains des
membres de notre délégation avaient acheté des treillis dans un
surplus américairz. Les policiers nous ont dit : "vous êtes ulz
groupe de terroristes". Je leur ai alors expliqué qu'o~zétait la
dans le cadre d'une irzvitation officielle, jai mentionné les noms
des différentes personnalités officielles que j'avais rencontrées.
Rien n'y fait. Je ne sais vraiment pas ce qu'ils avaient dans la
tête". 11 ajoute : "Nous avons été maltraités, ma délégation et
moi-même".38
Une autre information moins vérifiable circule aussi sur un

38 - Interview accordée au quotidien français le Figaro du 2211 111997

49
Les secrets du génocide rwandais

projet d'assassinat à son encontre par des mercenaires à Paris39.


Interrogé à ce sujet par le journaliste François Misser, Kagame
choisit le silence et l'ironie :"Cela souléverait de nouveau
beaucoup de poussière et causerait ici et là beaucoup de
pt-oblènzes. Aussi ai-je décidé de laisser cela de côté. Puisque je
ne szlis pas mort (rire), il est préférable de ne pas erz parler" 40.
On peut imaginer dans ces phrases la difficulté de parvenir un
jour à des rapports de confiance avec la France. L'une des erreurs
de François Mitterrand à propos du FPR est probablement d'avoir
trop écouté ses stratèges militaires notamment l'amiral Lanxade et
le général Huchon. A l'Elysée, leurs rapports et leurs analyses
étaient infiniment plus importants que ceux des diplomates
chevronnés. Si ces officiers voyaient juste lorsqu'ils taxaient le
FPR et Kagame de "tribalistes" e t d e "revanchards", ils s e
trompaient toutefois en s'imaginant que ces derniers ne réussiront
jamais à prendre le pouvoir parce que minoritaires au Rwanda.
Cela dit, la vengeance du FPR contre ses deux ennemis
démarre donc pendant les accords dfArusha. Voyant que ces
derniers constituaient un obstacle à son destin présidentiel,
Kagame va organiser la stratégie du négociateur-armé. Pour
mieux dissimuler ses intentions, il va laisser ses amis du FPR
négocier avec le gouvernement pendant qu'il prépare et organise
l'option militaire. Après la signature de l'accord de paix le 4 août
1993, Kagame alerte ses hommes : "Nefaîtes pas confiance à ces
accords, ils ne vont pas résoudre notre problème". Plusieurs
équipes se tiennent prêtes pour faire la guerre. Au même moment,
quatre officiers sont envoyés en Ouganda pour se former au
maniement d e missiles portables sol-air. Ces missiles d e

39 - Cf. Krop Pascal, Le génocide franco-africain, Paris, Lattès, 1994.


40 - Cf. Misser, op. cit.
Assassirzut des présidents africains et des pilotes fralzçais

fabrication soviétique sont utilisés depuis longtemps dans l'armée


ougandaise. Une fois leur formation terminée, les militaires
reviendront immédiatement à leur base de Mulindi où ils seront
placés sous le commandement du lieutenant Kayumba Joseph "'.

Kagame prévoit donc une action militaire de grande envergure.


Ces informations ont été confirmées par des sources militaires
nn proches du FPR. Un document extrêmement détaillé a d'ailleurs
CS été produit par un ancien journaliste et officier de renseignements
tir rwandais sur les préparatifs de l'attentat. Son auteur. Jean-Pierre
et Mugabe, que nous avons interrogé, est actuellement réfugié aux
es Etats-Unis32.
PS Deux détails permettent cependant de comprendre l'attitude de
le Kagame. Le premier est qu'en dépit du fait que les accords
K dlArusha ne lui donnaient aucune chance, en tant que militaire,
nt d'exercer le pouvoir suprême, il y avait surtout l'obstacle des
élections. Il savait qu'un scrutin juste et transparent donnerait le
pouvoir à la majorité hutu avec laquelle il ne pouvait pas et ne
voulait pas s'entendre. Le deuxième élément est que tous les
ingrédients de la violence et du meurtre étaient déjà distillés par
les extrémistes hutu à travers "les médias de la haine" comme le
journal Kangura ou la Radiotélévision libre des Mille Collines.
Ces médias, qui prônaient l'élimination des tutsi, montraient bien
que les efforts d'Arusha étaient vains. Kagame savait donc que le
massacre de la communauté tutsi et des hutu conciliants était plus
que probable. La propre radio du FPR (Radio Muhabura), qui ne
brillait pas non plus par la pondération, répétait sans arrêt que des
miliciens hutu (Interahamwe) étaient armés et entraînés, qu'ils
avaient des listes avec les coordonnés précises des familles qu'il

41 - Pendant la guerre, i l était le chef de la Direction du renseignement


militaire .
42 - Voir à son sujet le chapitre sur la fuite des hutu et des tutsi du Rwanda.
Les secrets du génocide rwaïzdais

fallait éliminer. Kagame l e savait. Pour le spécialiste du


renseignement qu'il est, dire le contraire serait plutôt surprenant.
Mais, la question essentielle était moins le massacre des tutsi
et des hutu que celle du pouvoir. Fallait-il renoncer ou pas à la
prise du pouvoir par la force ? La réponse du FPR et de Kagame
était facile à deviner. Il fallait aller de l'avant. Soulignons tout de
même que le prix du sang que Kagame voulait absolument payer
pour arriver au pouvoir n'était pas accepté par tous les membres
du FPR et ses partenaires. Quelques-uns ont été éliminés pour les
scrupules qu'ils avaient devant les vies humaines. C'est le cas de
Gatabazi Félicien (ancien ministre des Travaux publics) qui a été
assassiné par les hommes de Kagame pour avoir refusé de
soutenir tout complot contre le président Habyarimana. Lorsque
les tutsi seront massacrés, par la suite, par des miliciens hutu, le
signal est suffisamment fort pour indiquer ce qui attend
l'ensemble des tutsi si jamais un "accident" arrivait au président
Juvénal Habyarimana. Ces clignotants étaient malheureusement
insignifiants pour le FPR. Kagame n'en avait cure. Ce qui
l'intéressait c'était la conquête du pouvoir, quitte à marcher sur les
cadavres de tutsi et de hutu en même temps. En mars 1994, deux
semaines avant l'attentat, Paul Kagame ordonne aux dirigeants du
FPR résidant à Kigali de regagner Mulindi. La stratégie consiste à
ne pas attirer l'attention des services de renseignements rwandais
à travers un mouvement massif des membres du FPR. Ils
s'éclipseront individuellement et par petits groupes. Kagame va
aussitôt dépêcher son émissaire, le colonel James Kabarebe43, en
Ouganda pour qu'il ramène des armes au CND (des missiles
auraient été transportés en même temps), la base du FPR située

43 - II a été secrétaire général de Kagame puis son aide de camp et plus tard le'
cominandant de l'unité du commandement de Mulindi. Cet homine de main est
actuellement chef d'état-major adjoint de 1'APR.
Assassinat des présidents africains et des pilotes français

non loin de l'aéroport. Des officiers du FPR vont ensuite solliciter


les conseils d e quelques transfuges hutu d e l'armée d e
Habyarimana, passés au FPR, pour obtenir des précisions sur
l'emplacement des missiles. Ces transfuges, qui seraient selon des
sources dignes d e foi, les colonels Kanyarengwe Alexis et
Lizinde Theoneste, vont donner des éléments d'information sur le
mouvement des avions au décollage comme à l'attenissage. Ces
informations visaient à obtenir le maximum de détails afin de
réaliser une attaque sur l'avion présidentiel avec une précision
presque mathématique. Il n'est pas exclu que des Occidentaux
aient aussi pris indirectement part à ce crime. Soulignons au
passage que le colonel Lizinde Theoneste a été assassiné en 1996
à Nairobi, au Kenya, à la suite d'une évasion. Se sentant traqué, il
avait fait une déclaration avant sa mort pour dénoncer les
pratiques meurtrières du FPR et la responsabilité de Kagame dans
la mort du chef de 1'Etat rwandais. Un témoin gênant a ainsi été
éliminé. Nous y reviendrons plus tard.
Dès que tous les éléments ont été rassemblés près de l'aéroport,
une équipe restreinte a commencé à analyser les informations
recueillies. C'est de-là que naîtra le plan visant à abattre l'avion
présidentiel. Une fois le dispositif en place, il ne manquait plus
que l'opportunité permettant de réaliser l'attentat. Pour cela, le
FPR va prendre une initiative politique visant à discuter des
modalités d'application des accords dlArusha. Il exigera d e
trouver en même temps une solution à la crise du Burundi. Cette
manœuvre dilatoire sera destinée à brouiller les pistes. Il fallait
vraiment être naïf pour croire à cette initiative politique.
Malheureusement, certains y ont cru. C'est pourtant-là que le
piège sera tendu. On verra des équipes de lobbying tenter de
convaincre le président tanzanien, Hassan Mwinyi, d'organiser un
sommet régional sur la crise des Grands Lacs. Le président
rwandais Juvénal Habyarimana et son homologue du Burundi.
Cyprien Ntaryamira, vont hélas participer à ce sommet prévu
initialement le 5 avril puis le 6 avril 1994 en Tanzanie. Précisons
que la convocation de ce sommet est lancée le 29 mars, soit huit
jours avant l'attentat. Il n'y a cependant ni ordre du jour ni liste
des participants. Le communiqué de cette étrange réunion n'a
jamais été rendu public. Avant de se rendre à Dar-es-Salaam,
l'ancienne capitale tanzanienne, Habyarimana, inquiet et plutôt (
méfiant, passe d'abord à Gbadolite chez son ami zaïrois, le
maréchal Mobutu Sese Seko. Il demande au président zaïrois de
l'accompagner à ce sommet où il se sent un peu isolé face aux
pays anglophones qui soutiennent le FPR. Le président zaïrois
refuse, pour des raisons de sécurité, de se rendre à cette rencontre
de dupes. Il conseille aussi à Habyarimana d'éviter ce voyage.
Pendant leur entrevue, Habyarimana demande surtout au
président Mobutu de lui fournir des experts du renseignement
pour l'aider à apprécier des informations faisant état d'un probable
assassinat de sa personne. Voici à ce propos le témoignage de
Honoré N'gbanda, l'ancien conseiller spécial du chef de 1'Etat
zaïrois : "Le séjour du président Habyarimana ù Gbadolite avait
été consacré prirzcipalement aux inquiétudes sur sa sécurité
physique. Il avait lolzguenzent expliqué à sorz collègue les fortes
pressions qu'il subissait de l a part d e lu conzmunauté
internationale. Mais su grande peur portait sur des "nzenaces ù
peine iloilées" qu'il recevait, selon ses propres confidences, de la
1
part des Arrzéricains et des Belges." Je 1ze fais que recevoir des

,
I
I
menaces des Américains et des Belges. Ils rrze demandent chaqrre
jour de lâcher plus, alors que du côté de nres adversaires
politiques, ils n'exigent absolument rien !"44. Honoré N'gbanda,
1
I
1

44 - Cf. N'gbanda Honoré. Ainsi so17tzele plas. Paris. G i d e ~ ~ 1998.


e.
Assassinat des présidents africains et des pilotes français

Mi, qui n'a jamais été entendu ni par la Mission parlementaire


IL5-u française ni par la Commission sénatoriale belge, souligne : "Lors
bns de leurs erztretierzs en tête-à-tête, le président nvandais a aussi
Cuit corzfier au nzaréclzal Mobutu son inquiétude sur urz complot qui
kte vierzdrait de Bruxelles. Je l'ai su parce que le président Mobutu
n 'a nz'a fait verzir en pleirz milieu de leur corzversation pour rrze
m. delrzarzder d'aller voir le président Habyarirnana à Kigali, dès
rôt notre retour de Tanzarzie, erz vue de l'aider à exanziner et à
le vérifier d'urgence des documents contenant des ir~formatiorzs
de importantes sur la menace de sa sécurité ; il s'agissait d'un

.
U'i cornplot qui se préparait contre lui à partir de l1Ougarzda,par les
~is Ar?zéricairzs et les Belges. C'est tout ce qui m'a été dit à ce nzomeizt
tre là. Mais le président r~iarzdaisa réagi en suggérant que, de
. Tarzzarzie,je revienne avec lui directement à Kigali, pour gagner
LU du temps. "La situation est très grave et très urgente", insista-t-il
nt avec beaucoup de sérieux. Le président Mobutu accepta la
dc proposition. J'étais donc ainsi '@rogrammé"pour prendre le vol
k? de la mort avec Habyarimana."45
at La première clé qui permet de comprendre l'absence d'une
ns enquête internationale sur l'assassinat du président rwandais est
ri' donnée en partie par ce témoignage. Les Américains et les Belges
!S d'un côté fricotent avec Kagame le tutsi, les Français soutiennent,
s quant à eux, leur poulain Habyarimana le hutu. Au milieu de tout
6ï cela : les Nations unies, tenues en laisse par ces trois pays
6 influents. Il ne restera plus grand monde pour empêcher l'attentat
S contre le président rwandais. Dans la nuit du 6 avril 1994, vers
c' 20h 30, quatre militaires du FPR, sur les instructions du colonel
Y James Kabarebe, placé lui-même sous les ordres de Paul Kagame,
abattent d'un missile antiaérien le Falcon 50 de Habyarimana,

45 - Cf. N'gbanda Honoré, op. cit.


Les secrets d ~génocide
i rwarzdais

avec son équipage français, au-dessus de l'aéroport de Kigali.


L'appareil, atteint, s'écrase dans les jardins de la résidence du chef
de 1'Etat située non loin de l'aéroport (voir photo 3). L'élément
important est qu'à ce moment-là, les casques bleus des Nations
unies sont chargés de la protection de l'aéroport. Leur contingent
est constitué de militaires belges, ghanéens et bengladais. La
deuxième clé du silence qui pèse sur cet attentat est ici. L'ONU
(les casques bleus belges en particulier) pouvait-elle assurer la
protection de l'aéroport sans savoir que des missiles se trouvaient
à proximité ? Admettons que tout le monde était myope à ce
moment-là, même les satellites espions, qu'est-ce qui justifie tant
de silence sur cette affaire ?
Nous pouvons aujourd'hui lever un coin du voile sur le cas de
la Belgique. Nous avons obtenu une correspondance troublante
sur l'attitude des Belges à Kigali. Dans un document confidentiel,
daté d'avril 1994, que le ministre rwandais des Affaires étrangéres
et de la coopération, Jérôme Bicamumpaka, adresse à son
homologue du Royaume de Belgique, on peut lire :
"Depuis le 13 avril 1994, les élénzents de l'arnzée belge
chargés de l'évacuation des Belges qui résidaierzt au Rwanda ont
déchargé sur l'aéroport international Grégoire Kayibarzda des
ar~ne~nents lourds tels des chars de cor7zbat, et par la suite ils ont
procédé à leur déploiement dans les différents qitartiers de la
ville de Kigali. Ces opérations se font, alors que l'action
d'évacuatiorz des ressortis.rants belges semble être terminée. Il
avait été corzverzu à cet e f e t entre rzos deux gouverrzenlents que
ces opératiorzs se limiteraient e.uclusivement à l'évacuation des
ressortissarzts belges. Il est étonnant que l'arnzée belge se soit
livrée à des actes contraires à notre eelztendement et en violatiorz
flagrante de l'art-ar~genzentcoizclu entre nos d e ~ i xgouverneinents.
En effet, Mo~zsieut- le nlinistre, des informations concordantes
Assassinat des présidents afi-icairzs et des pilotes fi-arzçais
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di. révèlent que l e s élérîzeizts d u contingent belge coiîzmis à ---


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62f l'évacuation de vos ressortissarzts participent activerîzent azix --


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élénlents de l'arnzée belge qui s'ingèrent dans le conflit rwandais -
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Cette lettre lui sera fatale. L'ancien ministre des Affaires -
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étrangères rwandais est aujourd'hui incarcéré à Arusha (TPIR) ; -


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apparemment, on lui reproche d'être responsable du génocide. -
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Etrange ! L'intéressé avait d'ailleurs demandé un visa d'entrer en -


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Belgique qui lui avait été refusé sans explication. -


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soir du 6 avril 1994, juste après la chute d e l'avion de -


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Habyarimana, un aéronef C130, identifié comme étant celui des
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Forces armées belges, tente d'atterrir à l'aéroport de Kanombe. -


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Que vient-il faire là à ce moment précis ? Mystére! Les autorités -


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rwandaises vont s'opposer à son atterrissage et elles vont -


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immédiatement placer les militaires belges stationnés à l'aéroport -


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sous haute surveillance. Le lendemain, c'est-à-dire le 7 avril, dix -


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militaires belges sont tués au camp Kigali et personne ne -


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comprend rien. La Commission sénatoriale belge n'a pas donné -


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d'explications pertinentes sur les motifs de leur élimination. Elle -


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s'est contentée de reproduire les comptes-rendus et les notes des -


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ministères de la Défense et des Affaires étrangères. On ne peut -


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Les secrets du génocide ~warzdais

pourtant pas se satisfaire de la description d e la hiérarchie


militaire si l'on veut saisir les raisons pour lesquelles ces braves
soldats ont été tués en pleine tension à Kigali.
Nous avons quand même essayé de comprendre pourquoi la
mort des casques bleus belges n'a pas d o n n é lieu à d e s
investigations plus approfondies. Il semblerait, selon notre
enquête, qu'ils avaient pu mener d'autres missions que celles
strictement prévues par les Nations unies h Kigali. C'est une
hypothèse que nous formulons au regard des éléments que nous
avons recueillis. Voici les trois points qui sous-tendent notre
analyse :
1) Le 6 avril 1994 au matin, cette section des casques bleus aurait
reçu pour mission de conduire les officiels du FPR à l'hôtel
Akagera (Est du pays) alors que tout déplacement des officiels du
FPR demeurait réduit tant qu'un gouvernement à base élargie
n'était pas mis en place. Dans la soirée du 6 avril, la même section
aurait effectué un déplacement à l'aéroport de Kigali alors qu'elle
ne faisait pas partie de l'unité chargée de circuler dans ledit
aéroport. Elle aurait quitté l'aéroport vers 3h00 du matin pour se
rendre chez la Première ministre Agathe Uwilingiyimana. Cet
horaire n'est pas trés éloigné d e celui signalé par le rapport
sénatorial belge (2h 40). Ce qui est incompréhensible dans ce
voyage, c'est qu'il semble très dangereux à cause de l'existence de
multiples barrages qui entravent le parcours des casques bleus
jusqu'au domicile de la Première ministre. Pourquoi le lieutenant
Lotin et son équipe s'obstinent-ils donc à aller chez Agathe
Uwilingiyimana alors que leur propre sécurité est en péril dans
cette mission? L e rapport sénatorial belge est muet sur cette
question.
2) Il a été dit que le groupe du lieutenant Lotin, chef de la section
belge, se rendait chez la Première ministre pour, à la fois, assurer
Assassirzut des présidents afiicairzs et des pilotes français

sa protection et lui permettre de faire une déclaration à la radio.


Question : Pourquoi cette équipe intervient-elle pour protéger
madame Agathe Uwilingiyimana alors que, la veille, cette tâche
avait été confiée à une autre équipe notamment la seizième
compagnie des casques bleus ? En outre, quelle était la nature de
la déclaration que devait faire la Première ministre pour justifier
une telle prise de risques ? Là encore le rapport des sénateurs
reste étrangement silencieux. Ajoutons que si la déclaration de la
Première ministre était si importante pour ramener le calme, dit-
on, dans la capitale, nul n'ignorait que l'autorité de cette femme -- -
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était contestée par beaucoup de Rwandais y compris dans son -
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circonstances, de laisser les représentants de l'ONU s'exprimer à -
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la radio, c'est-à-dire M . Jacques-Roger Booh Booh, le --.........................
. - ..
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représentant spécial du secrétaire général ou le commandant en -
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............ -
.................
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chef de la MINUAR, le général Dallaire ? -


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3) Pourquoi les Rwandais, qui se sont acharnés sur le groupe du -
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i lieutenant Lotin, ont-ils été plus indulgents avec l'observateur de -


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1 l'ONU, le capitaine togolais Apédo, et avec les cinq Ghanéens ~
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qui faisaient partie de l'équipe du lieutenant belge ? Compte tenu -


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de l'état de colère et de la fougue qui régnaient dans les rangs des --


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soldats rwandais, on aurait pu croire qu'ils allaient abattre les -


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Ghanéens car ils faisaient bien partie de l'équipe Lotin. Cet
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acharnement sélectif paraît bien curieux. -.


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Il y a aussi des contradictions qui viennent conforter notre
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hypothèse. Deux principales ont retenu notre attention. La -


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première concerne le colonel belge Dewez. Il a d'abord expliqué -


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à la Comn~issionsénatoriale qu'il n'a jamais désigné le lieutenant


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Lotin pour escorter madame Agathe Uwilingiyimana. Il va par la


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suite affirmer avoir dit plus tard au lieutenant Lotin que le -


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peloton Mortiers que dirigeait ce dernier, "devait escorter Madarne -


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Les secrets du génocide rwandais

Agathe Uwililzgiyirlzarza de sa rnaisorz jusqu'à celle de la radio" 46.


Une autre contradiction nous est apparue intéressante. Le général
Dallaire avait déclaré n'avoir pas été mis au courant des menaces
qui pesaient sur les casques bleus belges de l'équipe Lotin. Le
colonel belge Marchal a, pour sa part, un point de vue contraire. Il
atteste avoir informé le général Dallaire du danger que couraient
le lieutenant Lotin et son groupe. Alors qui ment ? Dans ce
cafouillage entre le général en chef de la MINUAR, Dallaire, et
son adjoint, Marchal, le secrétaire général des Nations-Unies,
Boutros Boutros Ghali, leur patron, tente une mise au point : "Le
7 a v r i l , l a présidente d u R w a n d a p a r irztérir~z,A g a t h e
Uwilirzgiyimarza, cherche à se réfugier dans les locaux d u
Progranzr~zedes Nations-Unies pour le Développernerzt (PNUD).
Le général Dallaire e n v o i e d e s b l i n d é s p o u r assurer sa
protection, mais ceux-ci sont bloqués par des barrages routiers.
O r les forces des Nations-Unies ne sont pas autorisées, aux
t e r m e s d e l e u r m a n d a t , à forcer le passage."47 D e c e t t e
déclaration du secrétaire général de l'ONU, il se dégage que le
général Dallaire, qui a pris la décision d'envoyer les casques bleus
belges chez la Première ministre, ne peut prétendre tout ignorer
des risques que couraient ces derniers. De plus, il semble qu'il tpi ut contnk -z i-
leur était interdit de forcer les barrages. Apparemment, ils n'ont casques b l e u i t 5 .
pas respecté cette règle. kmroriale bels: _ ;d
Dernier élément, le rapport sénatorial belge fait état de six wa le ,oénociZr r.d
indices permettant de considérer que la mort des casques bleus
belges procède d'une "action préméditée" des FAR ou des mutins.
Cette analyse est également celle du général Dallaire. En fait,
ledit rapport critique le laxisme du général Dallaire à propos du

46 - Cf. Rapport du sénat belge, op. cit.


47 - Cf. Boutros-Ghali, Mes années à la maison de verre, Pans, Fayard, 1999.
Assassinat des présidents africains et des pilotes,fra~îçais

E massacre d e s c a s q u e s bleus au R w a n d a , mais il partage


&II néanmoins le point d e vue du même Dallaire sur le fait que
es l'assassinat des victimes relève d'un "plan délibéré". Difficile de
R comprendre pourquoi avoir laissé des soldats belges mourir dans
Il de telles circonstances alors que l'on considère que leur mort était
nt programmée. A vrai dire, la clarté est réellement hypothétique dans
x ce dossier. En 1995, un chroniqueur du journal belge La Libre
et Belgique notait déjà avec beaucoup de pertinence : "Un alî aprés
S. les faits, les enquêteurs belges ~z'oiztpas e~zco~-epu e~ztendi-eni le
P capitailze togolais, n i les c i ~ z qGhanéens accompagnant les
te Belges, ni le général Dallaire. Apparemment, l'ONU s'opposerait
il à son audition. " 48. Un autre fait étrange est apparu durant notre
1. enquête. Le major Ntuyahaga, qui avait conduit les casques bleus
O au camp Kigali au moment où ils ont été tués, avait demandé de
r. son propre gré à être entendu soit par la justice belge soit par le
x TPIR. Personne n'a voulu donner suite à sa demande. Au
e contraire, il a été arrêté et incarcéré dans une prison anonyme en
e Tanzanie au motif qu'il était en situation irrégulière. Il s'y était
5 pourtant rendu croyant que son témoignage permettra de savoir la
r vérité. Pourquoi la Belgique ne s'intéresse-t-elle pas à cet homme
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E qui peut contribuer à mieux comprendre les raisons de la mort des -- ----
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c casques bleux belges ? Ceci d'autant q u e la Commission - --
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sénatoriale belge l'a nommément mis en cause dans son rapport - ---- -- -- --- -
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-- - -
L sur le génocide rwandais. Selon ce document,"En arrivant à -- -- - --
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destination - soit a u camp militaire de Kigali - les quilzze - -- - - -- - -
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militaires auraient été obligés, sur ordre du major Ntuyahaga, de - - -- - - --- -

quitter le véhicule et de s'asseoir sur le tarmac situé à l'entrée du --- - - A- -

canzp. Immédiatement, le major rwandais aurait fait circuler la


rumeur parmi les FAR vassemblés dans le camp que les soldats
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48 - Cf. La Libre Belgique, 8-9 avril 1995. -
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61

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Les secrets du génocide rwarzdais

belges avaient abattu l'ai~iorzprésiderztiel. " 49 Voilà des accusions pour étouffer la ic:r-
graves. aussi bien pour la rumeur qu'aurait fait circuler le major
rwandais au sujet des casques bleus que la mise en cause dont il
est l'objet dans le rapport des sénateurs belges (même si ces &mandé et obtsnli ::
derniers utilisent le conditionnel). Pour lever le doute et clarifier maior Ntuyahasa. L t r
défitivement cette affaire, les autorités belges auraient dû, depuis p p r e chef, initii -:;1
1994, chercher la vérité en demandant à la justice d'entendre le Jit la cour d'Appsl -5
major Ntuyahaga. Ce qui, pour les familles des victimes, aurait été
moins long, moins pénible et surtout apaisant. Car, elles ont le
droit de savoir ce qui s'est réellement passé à Kigali. Nous avons gmxidure judiciairt 3

obtenu le témoignage de cet officier rwandais que la justice belge


ne veut pas entendre. 11 s'agit d'un document manuscrit signé par
l'intéressé le 26 janvier 1996. 11 y déclare :"Je sous.~igrzé,
Ntzlyahaga Bernard, déclare être prêt à r~zeprésenter allx @ablement i n t i r s
juridictiorzs belges pour me justiJler et pour nze déferzdre contre sixnble vouloir 53 :t3
les accusations rnerzsongères portées contre ma per.rolzne auprès d g i e u s e s nvand;li;ts-
de la justice belge coizcenzalzt une prétendue irnplicatiorz dans pius important 2: ;ni
l'assassi~zatdes dix casques bleus belges. +-stérieuse des a:r 7,'
Je souhaiterais rile présenter librement et je denlalzde au juge Bsigïque. désom;i:r
d'irzstructioiz de lever le mandat internatioual à ma charge. Avec
ce docunzent je sollicite donc officiellemer~tle visa à remettre à sr son sol. El12 z
mon avocat M. Luc De TEMMERMAN. " (voir annexe 7). ~ aqui
r lui~ cont=.s:-i
L'attitude des autorités belges reste étrange dans cette affaire. crimes dz SE-2
Pourquoi éprouvent-elles tant d e gêne devant l a mort
apparemment suspecte de leurs concitoyens ? Voici pourtant un concito>.ens &-I
dossier dans lequel elles devraient déployer toute la hardiesse k familles dss 1 - 1-.
pour rechercher la vérité. Nous observons au contraire que la m
-ii
ir2
.
Belgique exerce des pressions secrètes sur le gouvernement
tanzanien pour empêcher le major rwandais de s'exprimer. Nous il faudra qu'lx :r t z .
pouvons affirmer, d'après nos informations, qu'elle manœuvre Lr ': awil 1994. -.r_;
- - *\-en[ à la rs::<:-~:';
49 - Cf. Rapport du Senat belge, op. cit

62
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-
Assassitzat des présiderzts africairzs et des pilotes finriçais
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pour étouffer la vérité. Elle ne veut pas avoir à s'expliquer ni -


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devant son opinion publique ni devant les familles des victimes. -


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L'exemple le plus significatif est que les autorités belges ont -


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demandé et obtenu le dessaisissement du TPIR sur le dossier du --


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major Ntuyahaga. Les autorités belges avaient pourtant, de leur ---


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propre chef, initié une procédure contre l'officier rwandais auprès


de la cour d'Appel de Bruxelles. Après s'être ravisées du danger
que ce dossier représentait pour la classe politique, elles ont -
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décidé d e le tuer dans l ' e u f . C'est-à-dire, d e bloquer toute -


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procédure judiciaire en Belgique et d'empêcher la libération du --


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major Ntuyahaga en Tanzanie. On berce les familles des victimes -


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d'espoir alors que l'affaire est point mort. -


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Un procès sur la mort des casques bleus belges seraient -


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probablement intéressant à suivre à Bruxelles. Mais, personne ne -


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semble vouloir sa tenue. Le dernier procès très médiatique des -


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religieuses rwandaises, payé aux frais du contribuable belge, est-il - ----
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plus important qu'un éventuel procès s u r la mort encore -
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mystérieuse des citoyens belges au Rwanda ? Espèrons que la -
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Belgique, désormais dotée d'une justice à compétence universelle,
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aura suffisamment de courage pour exiger la tenue d'un tel procès - ----- -
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sur son sol. Elle a, dans ce dossier, l'occasion de prouver à tous - -
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ceux qui lui contestent le droit de juger des chefs d'Etat étrangers, -
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pour crimes de guerre et crimes de génocide, qu'elle a aussi la J. - .-- -
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même audace lorsqu'il s'agit de rechercher les causes de la mort de - -
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ses concitoyens dans le conflit rwandais. Nous allons tenter, pour -
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les familles des victimes, de lever un coin du voile sur cette


affaire.
Revenons un peu sur ce qui s'est réellement passé ce jour-là.
car il faudra qu'un jour, une partie de la vérité, au moins, soit dite.
Le 7 avril 1994, vers 3 heures du matin, dix casques bleus belges pp

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arrivent à la résidence de la Première ministre, à bord de trois -
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Les secrets du génocide lwnizdais Assassiizat des prksidt

jeeps ILTIS d'escorte. Dès leur arrivée à l'entrée de la résidence, lieutenant Lotin demand? 2
ils essuient une rafale de tirs dont la provenance semble difficile à tztorquent qu'ils n'ont 01" a
déterminer. Les casques bleus se jettent immédiatement au sol. uns fois de plus à sa h i t a
Une jeep quitte les lieux à toute vitesse alors que les deux autres snisemblablement sur ir!sa
restent sur place. L'un des casques bleus rampe jusqu'au portail et armes. Une partie t r s ' i
dit à la sentinelle qu'ils sont là à la demande de la Première
ministre. La sentinelle appelle son chef de poste qui demande aux
casques bleus ce qui justifie leur présence à la résidence à cette minutes plus tard, un
heure de la nuit. C'est à ce moment-là que le lieutenant Lotin
déclare qu'ils viennent chercher la Première ministre Agathe
Uwilingiyimana. Cette dernière, qui suit la scène depuis sa
fenêtre, demande au chef de poste de laisser entrer les casques
bleus. Le portail s'ouvre, une jeep entre et l'autre reste stationner
sur l'avenue Paul VI. Le lieutenant Lotin s'approche d e la
Première ministre et lui dit qu'il est là pour la conduire à la maison rn21nejeep va 5 2-2
de la radio afin qu'elle délivre un message à ses compatriotes. La bb de l'aéropon L-.- T1

Première ministre réagit en disant qu'elle a plutôt demandé du


renfort pour la sécurité de sa résidence. Elle insiste pour que le
lieutenant Lotin et son équipe restent auprès d'elle pour assurer sa
protection. Le lieutenant répond que ce n'est pas l'objet exact de sa
mission. Il prend immédiatement contact avec sa hiérarchie et
l'informe de la situation à travers la radio installée à bord de la
jeep. Il va par la suite mettre en place son équipe à l'intérieur de la
cour de la Première ministre. Les cinq casques bleus ghanéens f ~ n d .5 1 ~ L
5
restent groupés dans un coin. Vers 9h 00, un groupe de militaires
rwandais se déploie autour de la résidence et tente de la prendre
d'assaut. Amassés devant le portail, les assaillants demandent aux
casques bleus de déposer les armes. Peu après, la Première
ministre s'échappe en escaladant le mur, avec sa famille, et
trouve refuge chez un voisin employé du PNUD (Programme
des Nations Unies pour le Développement). Au même moment, le

64
Assassirzat des présidents africairzs et des pilotes~?ançais

lieutenant Lotin demande à parler au chef des assaillants qui lui


rétorquent qu'ils n'ont plus de chef. L'officier belge rend compte
une fois de plus à sa hiérarchie puis ordonne à ses hommes,
vraisemblablement sur instructions de ses supérieurs, de déposer
les armes. Une partie des assaillants pénètre aussitôt dans la
résidence et trouve les casques bleus ghanéens groupés. Ils seront
désarmés et conduits à l'extérieur avec les Belges. Quelques
minutes plus tard, un minibus arrive. Il est conduit par le major
Ntuyahaga. Ce dernier va conduire les casques bleus belges au
Camp Kigali où ils seront tués entre 12h00 et 14h00. Un fait
étrange nous a été rapporté à propos d e ce même groupe d e
casques bleus. L e soir d e l'attentat, vers 19h30, une jeep
mitrailleuse de la MINUAR est aperçue vers Masaka. Elle semble
correspondre à celle du lieutenant Lotin. Après le crash de l'avion,
la même jeep va s'arrêter à proximité de la colline de Ndera (non
loin de l'aéroport) avant d'ouvrir le feu à plusieurs reprises. On va
la retrouver plus tard au stade national Amahoro où elle tente de
forcer le portail gardé par le contingent bangladais d e la
MINUAR. Ce dernier va refuser d'ouvrir le portail à ses collègues
belges au motif qu'il vient d'apprendre l e crash d e l'avion
présidentiel. Pour des raisons de sécurité, les Bangladais vont s'en
tenir aux consignes officielles. Nerveux, le contingent belge va
rebrousser chemin.
Au fond, faire la lumière sur les raisons pour lesquelles ces
casques bleus belges ont été tués est probablement encore un
exercice difficile, peut-être prématuré, pour la classe politique
belge. Il reste qu'un jour il faudra le faire, tôt ou tard.
Certains Belges, et non des moindres, ont déjà commencé cet
exercice de vérité. Nous avons pu obtenir une correspondance
privée du colonel belge d e la MINUAR Luc Marchal. C e
document, qui est adressé à un de ses amis, M. De Brouwer, est
Les secrets du génocide rwatzdais Assassitzat des pl-tl::+

une confession. C'est un bilan critique de ce qu'il a vécu au Unis. Si cet officier bel,=r
Rwanda. Il est étonnant : combien l'ont été depu15 Q
"J'ai lu avec beaucoup d'irztérêt les documents que vous avez eu publiquement ?
l'amabilité de me transmettre. J'ai ainsi pu faire la part des Pour revenir à lla[rra
choses entre les éléments d'inforrnatioa que je que je possédais plusieurs sources aux 13
au moment de rejoindre le Rwarzda en décembre 93 et ceux qui que le président Paul K s
auraient dû faire partie de mon backgrourzd. Cela corzfimze bien comme dans celle du si3
le sentiment que j'ai très vite éprouvé au cours de ma nzissiotz, à message codé du FPR 2 A
savoir que nombreux étaient les éléments qui me faisaierzt défaut officier martelait : "1 r
et qui auraient pu nze permettre de procéder à une arzalyse plus escadron renforcé s'es: -1 .
pointue des événements que je vivais sur le terrain. Cornbien de MRND-CDR et le F R 0 2
fois n'ai-je pas répété au Gen Dallaire que j'avais l'impression dzc pays du sud a succor :L
d'avancer dans le brouillard, tant nous nous sentions parfois Conzmurzications. Da~zT .a
étrangers à ce qui se passait sous nos yeux. nces. Nous contiauorls i: A
C'est vous dire l'intérêt réel que m'a procuré la lecture de votre dzc Sud pour vous dori-n
contribution à une lrzeilleure connaissance et compréhension de regagné Kafnpala salz 1
ce dossier (complexe s'il en est). Vous dirai-je encore que je services avec nos élenar
partage sans réserve votre analyse des implications du FPR, que meilleures conditiolzs ei CI
ce soit avant ou après le déclenchement du drame. Je le dis avec er les éléments du pa) 1 3
d'autant plus de conviction que j'ai moi-même été dupe de leur la réussite de notre nzi:n
propagande accrocheuse durant les négociations d'Arusha. Une Courage, notre réussirt t
fois sur place à Kigali, j'ai pu me rendre compte qu'il y avait un dorzner rendez-vous torr: d
gouflre entre le discours et sa réalisation. Une machine à broyer, L'authenticité de c2 TI
voilà ce que représente exactement ce mouvement à caractère officiers. Nous avons sirri
totalitaire. " des conversations des ifl
Avec mes salutations les meilleures sont édifiants : "Noris
Signé Marchal (voir annexe 8) disant que le tyrarl t-: h
accident inopiné (... i . .';i
Nous pouvons dire, sans courir un grand risque d e nous
tromper, que cette analyse du colonel Marchal est probablement 50 - Informations reçues 7-1
aussi celle de quelques personnes aux Nations unies et aux Etats- renseignements du r w a n d ~5 (
a i n i 1994.
Les secrets du génocide rwandais Assassinat des pré-\i

profondeur. La victoire v e ~ l tdire avantage, remporter la guerre personnels ".52 Certair


sur autrui". 51 Un autre message daté du 7 avril 1994 et intercepté français de la Défenss
à 7h20 souligne : "La réunion qui devrait avoir lieu à M~llindice conditions dans lesqu?
jeudi 07 avril 94 est a~znulée.Je vous rellzercie et vous félicite de discrétion des autontés 1
l'opération d'hier. La récompelzse est à vous pour le nzol~zelzt. Kagame : "J'ai été ins,
Toutes les unités doiselzt se mettre en état d'alerte. La guerre français, de TV5je clz+
conznzence." Dans cette poussée d'euphorie, un second message journaliste m'a expliqrft
intercepté le même jour à 7h55 conclut : "Vous confie la mission Paris. Celui-ci lui aix:T
de terminer le projet comllze je vous l'ai précisé. Le plan est étions accusés du merrri
presque tenniné. Les gorilles ont échoué et les bergeronnettes ont où étaient ces officiers 1

gagné le match." ce qu'ils faisaient. LA


Il y a aussi eu une étrange surprise. Deux Français, dont on ne général semblait c o n r
veut pas parler, ont été assassinés un jour aprés la mort du français près du CA-D.
président Habyarimana. Il s'agit de M. Alain Didot, adjudant- que vous a dit le génÉr~
chef de gendarmerie, spécialiste des écoutes et transmissions ma connaissance, I L ,
radio, e t d e M. Réné Maier, lui aussi, adjudant-chef d e parties. J'ai dit : "qzlcm
gendarmerie. Ces sous-officiers français ont été tués, selon des sont ces officiers et c t 4
sources dignes de foi, par le FPR. Monsieur Didot, qui habitait à de Kagame sur l'idcn
proximité d e la base militaire du FPR, travaillait comme activité, on peut se cl?
coopérant auprès des Forces armées rwandaises. Il a été tué avec interrogations répétit15-i
son épouse Gilda, d'origine italienne. Il aurait suivi toutes les de voir disparaître di
communications avec l a tour d e contrôle au moment d e témoigner contre lui. !
l'assassinat du président Habyarimana. Ces sous-officiers, étaient rwandaises, que ces cff
-vraisemblablement des témoins gênants d e l'"accident". services secrets fran2s
D'ailleurs, un compte-rendu de la mission d'assistance militaire à tenté de comprendr? iz
Kigali, daté du 19 avril 1994, souligne qu'après le crash de l'avion 7 avril, un jour a ~ r t
présidentiel, il y a eu vers 22h15 : "Ouverture du réseau radio par pénètrent chez M. Dd
A / C D I D O T - c o n s i g n e à domicile est d o n n é e à t o u s l e s
52 - Cf. Mission parlerr,s-a
53 - Cf. Vers un nou\ e x fL
54 - Direction généra's 2
5 1 - Message transcrit vers 7 heures du matin le 7 avril 1994. renseignement extérieur $2
Assassinat des présidents africains et des pilotes fiançais

perso~z~zels ".52 Certaines sources affirment que le ministère


français de la Défense ne souhaite pas que l'on remue trop les
conditions dans lesquelles ils sont morts. Pour comprendre la
discrétion des autorités françaises, il faut revenir sur les propos de
Kagame :"Jraiété interviewé à Byunzba, par un jour~zaliste
fi-alzçais, de TV5 je crois, ?naisje ne me rappelle plus son nom. Ce
jourllaliste ?n'a expliqué qu'il s'était entretenu avec un général à
Paris. Celui-ci lui avait parlé de deux de leurs ofJiciers dont nous
étions accusés du meurtre. Quand j'ai entendu cela, j'ai deinandé
où étaient ces ofJiciers au monzelzt de leur mort, qui ils étaient et
ce qu'ils faisaient. Le journaliste m'a dit : 'lje ne sais pas . Mais le
général semblait contrarié que nos forces aient tué des ofJiciers
français près du CND. C'est alors que j'ai demandé : "sel011ce
que vous a dit le général, que faisaient ces ofJiciers ? "Parce qu'à
ma co~znaissance,la plupart des troupes françaises étaient
parties. J'ai dit : "quand vous rentrerez, demandez au général qui
sont ces ofJiciers et ce qu'ils font. "53 Dans la question redondante
d e Kagame sur l'identité des sous-officiers français et leur
activité, on peut se demander s'il ne savoure pas à travers ces
interrogations répétitives et un peu malicieuses un plaisir secret
d e voir disparaître des personnes qui auraient pu, un jour, -
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témoigner contre lui. Nous savons, selon des sources militaires ==-.==-=
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rwandaises, que ces officiers de gendarmerie travaillaient pour les ..- .......... - .-
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services secrets français et notamment la DGSE54. Nous avons -

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tenté de comprendre ce qui s'était réellement passé ce jour-là. Le -


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7 avril, un jour après l'attentat, une vingtaine de militaires --


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pénètrent chez M. Didot. Fougueux et agressifs, ils bousculent .


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52 - Cf. Mission parlementaire française, op. cit. .. --
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53 - Cf. Vers un nouveau Rwanda ? op. cit. -
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54 - Direction générale de la sécurité extérieure. Ce service est chargé du --

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renseignement extérieur stratégique et des opérations clandestines. -- -. -
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Les secrets du gérlocide 1walzdais Assassinat des p r k d

tout sur leur passage et demandent à Gilda, son épouse, si d'autres Bruguière, qui a m e n i
personnes se trouvent dans la maison. Il y avait chez eux : l'attentat contre l'a\-ion
l'adjudant-chef Maier et deux jeunes rwandais qui étaient venus coupables devant la jari
chercher refuge. Les militaires vont demander à ces derniers de l'enquête, un mandat d'an
décliner leur identité et vont les conduire précipitamment à l'hôtel contre le chef de 1'Etat m
Le Méridien où se trouvaient les casques bleus de l'ONU. Ils vont justice le dira. Toutefois.
demander à Didot et à Maier de présenter leurs armes de service de la justice française. L d
ainsi que l'ensemble du matériel d'écoutes qu'ils utilisaient. Bruguière. Dans un entra
Pendant toute cette agitation, le chef du peloton va garder la octobre 2000, il déclarant
liaison avec ses supérieurs grâce à son talkie-walkie. Il va décrire les responsables plu' p
minutieusement tout ce qu'il voit chez M. Didot. Quelque temps Rwanda. " Comme chaq
après, vraisemblablement sur ordre du FPR, M. Didot, son épouse s'insurge : "Pourquoi n a
Gilda et l'adjudant-chef Maier seront abattus par ce groupe de responsables de l1atte1i;a
militaire de I'APR. Leurs corps seront dissimulés dans le jardin et commis le génocide Ià a
précisément sous la bananeraie de la propriété des Didot. Ces bien, la stratégie de KJJ;
corps ont été, par la suite, récupérés par le ministère français de la France. Il n'a toujours p
Défense qui s'est chargé de faire une cérémonie très discrète à conscience, d'interrog
l'aéroport militaire du Bourget. responsabilités dans les 21
Pourquoi la France n'a-t-elle pas soustrait ces officiers des Il est vrai que cet attcn
griffes du FPR avant que le pire n'arrive ? Mystére. Des Rwandais nécessité une longue prit
qui connaissaient bien M. Didot nous ont affirmé que les de I'APR, les armes du a
militaires belges de la MINUAR surveillaient de très près ses Il semble que le premia
activités. Ils savaient que ce dernier était une mine d'informations avait été transporté à U
pour l'armée française à Kigali. quartier général du FPR
N'eut été la plainte déposée en octobre 1997 par Sylvie semble-t-il, par les FAR
Minaberry, la fille du pilote assassiné, auprès des tribunaux pour cela, été envoj+s ;
français, la disparition des officiers du Falcon 50 serait aisément formation à la défen3i
passée pour un banal "accident" de brousse. Celle de Didot et de appartenaient à la garde
Maier en fait malheureusement déjà partie. Puisque personne n'en sous le commandement
parle. d'entre eux étaient des t
Beaucoup espèrent cependant que l e juge Jean-Louis groupe des soldats de 3li
1
Assassinat des présidents afïicains et des pilotes français
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Bruguière, qui a mené des investigations approfondies sur -
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l'attentat contre l'avion présidentiel, finira par traduire les -


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coupables devant la justice. Selon des sources proches de --
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l'enquête, un mandat d'arrêt international sera probablement lancé -
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contre le chef de 1'Etat rwandais, Paul Kagame. Pourquoi lui ? La <-- ..........
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justice le dira. Toutefois, Kagame, désormais dans le collimateur --~. -


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de la justice française, a déjà sa petite idée sur le travail du juge -


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Bruguière. Dans un entretien accordé à l'Agence France Presse en -
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les responsables plus près, là où il se trouve, plutôt qu'au -~-


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Rwanda." Comme chaque fois qu'on lui parle de l'attentat, il ....... ::: .: :. :: ~-
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s'insurge : "Pourquoi n'a-t-il [NDLR le magistrat] pas trouvé les -.


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responsables de l'attentat contre l'avion ou rnêrîle ceux qui ont --
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commis le génocide là où il vit [NDLR en France] ". On le voit


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bien, la stratégie de Kagame consiste depuis 1994 à accuser la =


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France. Il n'a toujours pas le courage de faire son examen de -.--..--..- =~---
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nécessité une longue préparation. Car, selon des sources proches ____=_.___i____==...-.-=~7.=~~=
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de llAPR, les armes du crime étaient déjà à Mulindi depuis 1993. --


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Il semble que le premier objectif de l'armement antiaérien qui -


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quartier général du FPR et de sa Radio "Muhabura" menacée, -


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semble-t-il, par les FAR. Quelques militaires de 1'APR avaient, -


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pour cela, été envoyés à Kampala dès 1992 pour suivre une -
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formation à la défense antiaérienne. Ces militaires, qui ~-
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appartenaient à la garde rapprochée de Kagame, étaient placés


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sous le commandement du lieutenant James Kabarebe. Trois .p


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d'entre eux étaient des tireurs d'élite. Ils avaient été isolés du --

groupe des soldats de Mulindi et placés ensuite dans des locaux . --


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71
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Les secrets du génocide ~ w a ~ z d a i s Assassinat des prr7

spécifiques appartenant au colonel Kayumba Nyamwasa55. Une avaient été répertorit-


fois à Kigali, ils ont été pris en charge par le lieutenant-colonel sources concordantes
Charles Kayonga56. Peu après leur arrivée à Kigali. ils vont immédiatement one
occuper l'appartement du Major Rose Kabuye57. Dans cet Kanombe et Mont
appartement, se trouvait un étrônge personnage dont les aspects FAR et de la garde p
physiques sont décrits comme ceux d'un ressortissant du Maghreb le FPR avait un rap
(précisément libyen). Son teint foncé est à l'origine des rumeurs fois que l e chef de 1
relayées par certains journaux qui ont cru voir des militaires l'étranger, cette zon
fran~aisoriginaires des Antilles. Cet individu, vraisemblablement présidentielle. Agir
un mercenaire, va cohabiter avec les trois tireurs d'élite chez le thèse d'un complot or.
major Rose Kabuye en attendant le jour de l'attentat. c e q u i s'est passé. :1

Après plusieurs recoupements, il apparaît que huit personnes fonctionné. D'ailleurs.


au moins étaient au courant des différentes phases de l'attentat. Il dans une précipitatio
s'agit du général Paul Kagame, du colonel Kayumba Nyamwasa, a v e c l e s FAR, éli
du lieutenant-colonel James Kabarebe, du lieutenant-colonel précipitation, ceux a
Charles Kayonga, du colonel Karenzi Karake, du major Rose aujourd'hui en maul-
Kabuye et des capitaines Charles Karamba et kwikiriza. En fait, vitesse avec laquelle '
en dehors de Kagame, aucun militaire ne disposait d'informations midi d u 7 avril 1 4
sur l'ensemble de l'opération. Chaque militaire n'avait entre les s'attendait au soir du
mains que le fragment qui le concernait en fonction du rôle qu'il en est qu'après l'atten
devait jouer dans le puzzle. Ce procédé, selon certaines sources, rejoint leurs bataill
aurait empêché des "fuites". l'attention des FAR.
Nous avons surtout cherché à comprendre pourquoi l'attentat a bataillon "Alpha", din
été commis à la ferme de Massaka alors que d'autres endroits renfort pour un grand
Déjà, le jour-mêmz
un étrange remue-ml
soldats de 1'APR Cr?'
55 - Il a été chef de la Directorate of military intelligence, le service de
renseignements militaires du FPR
56 - c e t officier est soupçonné dans l'assassinat des sous-officiers français 58 - Selon des sources r
Didot et Maier. Ndera, Gikoro, Bicumtii 3
57 - Ex-préfet de Kigali, cette femme de fer est considérée comme proche de de l'avion. Mais il valait
Kagame. du FPR.
Assassinat des prészderzts af-icaz~zset des pzlotes fi-ançazs

avaient été répertoriés et même visités a ~ p a r a v a n t Plusieurs


~~.
sources concordantes affirment que le choix d'autres sites aurait
immédiatement orienté les soupçons vers le FPR. Or, Massaka,
Kanombe et Mont Kigali appartenaient à la zone de sécurité des
FAR et de la garde présidentielle. Ainsi, nul n'aurait imaginé que
le FPR avait un rapport, même lointain, avec l'attentat. Chaque
fois que le chef d e 1'Etat rwandais se rendait e n voyage à
l'étranger, cette zone était toujours sous le contrôle de la garde
présidentielle. Agir dans ce site ne pouvait donc que créditer la
thèse d'un complot organisé par la garde présidentielle. Au vu de
c e qui s'est passé. on peut dire q u e l a supercherie a bien
fonctionné. D'ailleurs, après le crash, certains n'avaient pas hésité,
dans une précipitation extrême, à considérer que les hutu ont,
a v e c l e s FAR, éliminé "leur président". Avec la même
précipitation, ceux qui ont rapidement accusé la France sont
aujourd'hui en mauvaise posture. La vérité paraît tout autre. La
vitesse avec laquelle le FPR a déclenché la guerre dans l'après-
midi d u 7 avril 1994 n'est pas l e fait du hasard. Kagame
s'attendait au soir du drame à une reprise des hostilités. La preuve
en est qu'après l'attentat, tous les militaires stationnés au CND ont
rejoint leurs bataillons vers minuit à pied pour ne pas attirer
l'attention des FAR. Kagame a immédiatement donné l'ordre au
bataillon "Alpha", dirigé par le colonel Sam Kaka, de préparer du
renfort pour un grand déploiement de 1'APR sur Kigali.
Déjà, le jour-même de l'attentat, vers 18 heures 30, il y avait
un étrange remue-ménage au sein du bataillon "Alpha". Les
--- -- ---
soldats de 1'APR croyaient qu'ils allaient être attaqués par les -- - - --
- -- --- -
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58 - Selon des sources proches de I'APR, les sites non surveillés tels que --
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Ndera, Gikoro, Bicumbi présentaient aussi d'excellentes possibilités d'attaque ---

de l'avion Mais il valait mieux les éviter pour épargner tout soupçon à l'égard --

du FPR - -
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73

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Les secrets du génocide rwandais

FAR. Ces informations sont confirmées par plusieurs sources


proches du FPR. La coïncidence est d'ailleurs troublante entre nos
informations et le message radio, capté le 7 avril 1994 par les
FAR, cité plus haut et qui dit : "Toutes les unités doivent se
mettre en état d'alerte. La guerre commence". Ces éléments
pourront-ils encore longtemps continuer à subir la censure des
auteurs de l'attentat ?
Les secrets du génocide I-walzdais

suspicion sur des personnes ou des organisations précises. La zones de rassemblems- -


mort du chef de 1'Etat rwandais ne doit rien au hasard. le représentant des FliS
La première réunion évoquant l e projet d'assassinat du diront que le présidenr
président Habyarimana s'est tenue en Ouganda (Kabale) dans les véritable obstacl? -
locaux de l'évêché dirigé par Mgr Harerimana. Quel étrange exprimeront leurs r e s - c
endroit ! Mgr Harerimana était un des soutiens les plus actifs du des FAR.
FPR en Ouganda. Plusieurs autres réunions du même type vont Le 3 avril 1994. :c
se tenir dans le même pays précisément à Entebbe et à Mbarara secrétaire général d?- ';
en août et septembre 1993. A la même époque, un document Roger Booh Booh, d? :
interne du FPR intitulé : "Situation actuelle et perspectives à le risque d'être abattu F:
court terme" préconisait déjà l'élimination de Habyarimana en Cette volonté de
ces termes : " Le leitmotiv du discours politique du FPR, de toujours été une obse>r.
l'édz~catio~z politique populaire du FPR sera toujours axé sur par être éliminé ?
l'élimi~zatio~z de la dictature (ilzcarlzée par M Habyarimalza Tout commence le 6,:
Juiléilal, son parti MRND et ses pions)". Un étrange sommet r2-
Soulignons qu'il y a eu, par la suite, quelques tentatives réelles australe sans ordre du j
) :1

d'éliminer Habyarimana. En décembre 1993, un message radio rwandais et son voisin t~


du commandement du FPR basé à Mulindi indiquait au colonel les principaux invités Ls
Charles Kayonga un plan d'assassinat du président de l a devait faire partie du _ET:
République et des autorités civiles et militaires en ces termes : de sécurité. En fait. >Ir
"Le but général est de faire de rzouileaux états d'arrestatiolzs des farce. Il savait surtout q-
principales personlzalités du régime Jzfilénal et de liquidations choisir de rester chez l r .
physiques de certailzes autorités militaires et civiles à la date et Dans la salle où SC r 4
aux ordres précis, la liste des victimes vous parviendra après, parlait et reparlait de t~; 4
mais le numéro UN est justement connu." obscures, ce sommet i ~ 4
Le 5 janvier 1994, le FPR a manqué d'assassiner Habyarimana la situation du B u r u r l d
lors de sa prestation de serment au Parlement (CND). Le coup ougandais Yoweri 4
aurait été dé.ioué par la présence massive et la vigilance de la multiplier les généralitsi
garde présidentielle. Quelque temps après, lors d'une séance de
négociations organisée à Ngondore (Est du pays), par l a
paix. Le Rwanda tienù::
chef de 1'Etat du Bunir_: 4
a
MINUAR, entre le FPR et les FAR, sur la détermination des Habyarimana, voyan: -4
L'attentat qui gêne Kagarîze et l'ONU

a zones de rassemblement, deux officiers du FPR ont pris en aparté


le représentant des FAR, le colonel Ntiwiragabo Aloys. Ils lui
I diront que le président Habyarimana doit être tué car il est le seul
s véritable obstacle à l a prise d u pouvoir ~ U F P R Ils . lui
F exprimeront leurs regrets de ne pouvoir disposer d'alliés au sein
D des FAR.
~t Le 3 avril 1994, c'est au tour du représentant spécial du
a secrétaire général des Nations unies, le Camerounais Jacques-
B Roger Booh Booh, de dire au président Habyarimana qu'il court
à le risque d'être abattu par des officiers du FPR.
B Cette volonté de se débarrasser du président rwandais a
r toujours été une obsession au sein du FPR. Comment finira-t-il
T par être éliminé ?
P Tout commence le 6 avril 1994 à Dar-es-Salaam, en Tanzanie.
Un étrange sommet réunit plusieurs chefs dlEtat de l'Afrique
5 australe sans ordre du jour ni plan de travail précis. Le président
a rwandais et son voisin du Burundi, le président Ntaryamira, sont
i les principaux invités de la réunion. Le chef de 1'Etat zaïrois
L devait faire partie du groupe mais il s'est désisté pour des raisons
de sécurité. En fait, Mobutu savait que cette réunion était une
F farce. Il savait surtout qu'elle se terminerait plutôt mal. Il va donc
F choisir de rester chez lui, à Gbadolite. 7
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h Dans la salle où se réunissaient les présidents africains, on .-..=


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parlait et reparlait de tout et de rien. Pour des raisons totalement -- -


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obscures, ce sommet sans tête ni queue, qui prétendait traiter de -- --

la situation du Burundi, n'en finissait plus. Le président


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3 ougandais Yoweri Musevni, arrivé avec deux heures de retard, va --


t multiplier les généralités et les digressions sur la démocratie et la ---
paix. Le Rwanda tiendra longtemps la vedette au point que le - -

t chef de 1'Etat du Burundi passera son temps à se tordre d'ennui. -


-
i Habyarimana, voyant le temps s'écouler, va demander au --
P
..

-
77 -
Les secrets du génocide rwarzdais

président tanzanien Mwinyi, qui accueille la réunion, si son J'ai imnzédiate~rzent5;;q


homologue burundais et lui peuvent passer la nuit en Tanzanie. hiérarchique qui en i
Le chef de 1'Etat tanzanien lui répondra que rien n'a été prévu sécurité du présiderzr. ,YB
dans ce sens. C'est alors que Habyarimana dit au président 21 h00, l'arnbassadeic r -
burundais Cyprien Ntaryamira qu'il vaut mieux partir pour éviter Munyaileza nous a i7:
d'arriver trop tard. Cette réunion de dupes va se terminer comme d'être abattu. Dès le ;t TPd
elle avait commencé : dans le brouillard et l'improvisation. Voici Tanzanie. C e c i jrtr~ilr
d'ailleurs le premier témoignage public sur cette rencontre. Il tanzaizieizrzes avaierlr 7
nous a été fourni par un membre de la sécurité rapprochée du Rwanda. Nos armes e; -4
président Habyarimana qui était. ce jour-là, à Dar-es-Salaam : Pour quitter Dar-e -.G \

"La réurziorz devait conznzerzcer L? 13h00 et les présiderzts devaierzt tanzanierzne. Selaler1ze7;-1
entrer dans la salle, selorz des règles protocolair-es, en forlctiorz délégations du FPR L ,::
de leur ancieizrzeté au pouvoiz Airzsi, 1 'arrivée de rzotre président première est arrivée c i 4n
devait être précédée de celle du clzef de 1'Etat ougandais, Yoweri tarzzanierz. Elle étal; a
Mzaseveni. Mais, ce derrziel; à 161100, n'était toujours pas arrivé. seconde est arrivée er;
C'est pourtant à cette heure-là que le président Habyarimana va Kanyarelzgwe. Norr ri
faire son entrée dans la salle. Il sera accueilli par son hôte, le tanzanienne grâce ar~:.-1
président Hassan Mwinyi et Ntaryamira, qui était déjà-là a pu mener avec les a;br.;a
quelques minutes plzatôt. Découvrant que la TB
Peu de temps après, le chef de lrEtat ougarzdais est arrivé et Salaam, les deux chcf5 d
la réunion a pu cor~~rnencez Pendant les discussiorzs, les pilotes précipiter à l'aérop - ia
français de l'éqlaipage du président Habyarimana ont pris d'embarquer, on leur 1 2 1
corztact avec le major Désiré, à l'époque responsable du qu'ils y apposent leur. sy
protocole, polar lui dire qu'il serait imprudent de rentrer dans la Il est presque 1 E.E>
nuit et de survoler l'aéroport de Karzorlzbe en pleirze rzuit. Après président Juvénal H2t)
la réunion, ~zorcsavorzs vu ( m e s collègues et moi) rzotre douze passagers à bar: 1
président, mécontent, se diriger vers l'aéroport et entrer darzs : l e major Jacky Ht:i
son avion avec le présiderzt bl~rlindaisNtaryamira. Au mênre Minaberry (copilot? e
nzornent, j'ai alors erztendu le chauffeur de Gasana Anastase (officier m é c a n i c i ? ~ii
[NDLR, actuel ambassadeur du Rwanda aux Etats-Unis] dire à Ntaryamira, un hutL a
d'autres chauffeurs présents, eiz larzgue swahili : "Zls seront tués': accompagné de deux. r; 1
-

L'attentat qui gêne Kagarlze et l'ONU

J'ai imnzédiatenzerzt sigrzalé cette observation à rnorz supérieur


hiérarchique qui en a infornzé le responsable du service de
sécurité du président. Hélas, ce que je craignais va arrivec Vers
21h00, l'anibassadeur du Rwanda en Tanzarzie, M. Tlzonzas
Murzyarzeza nous a arznoncé que l'avion du président verzaif
d'être abattu. Dès le lendenzazrz, nous sonznzes restés bloqués erz
Tanzanie. C e c i jusqu'au 14 juillet 1994. Les autorztés
tanzanzenrzes avaient refusé que rzous puissiorzs refourrzer au
Rwanda. Nos amzes et nos radios émettrices orzf été corzfisquées.
Pour quztter Dar-es-Salaai~z,il a fallu l'aide de la presse
tanzanierzrze. Seulenlerzt, pendant notre séjour darzs ce pays, deux
délégations du FPR ont été reçues et cela rzous a intrigué. La
prenzière est arrivée erz avril 1994 et a été reçue par le président
tarzzanzen. Elle étazt corzduite par Patrick Mazinzpaka. La
seconde est arrivée erz juin 1994 et elle était corzduite par Alexis
Kanyarerzgwe. Nous avons finalemerzt quitté la capitale
taizzaizieizne grâce aux pourparlers que l'ambassadeur rwarzdais
a pu nzener avec les autorités tanzaniennes."
Découvrant que la nuit tombait progressivement sur Dar-es-
Salaam, les deux chefs d'Etat du Rwanda et du Burundi vont se
précipiter à l'aéroport pour prendre l'avion. Juste avant
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d'embarquer, on leur tend un communiqué rédigé à la hâte pour --
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qu'ils y apposent leurs signatures. Ce sera fait immédiatement. -


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Il est presque 18h30 lorsque le Falcon 50 No 9XR-NN du -
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président Juvénal Habyarimana décolle de Dar-es-Salaam avec - - --
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douze passagers à bord. L'équipage est composé de trois français ----
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: l e major Jacky Héraud (pilote), le colonel Jean-pierre -

Minaberry (copilote) et l'adjudant chef Jean-Marie Perrine -


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(officier mécanicien). L e président burundais Cyprien -


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Ntaryamira, un hutu comme son homologue rwandais, est
accompagné de deux de ses ministres : Bernard Ciza et Cyriaque -
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Les secrets du génocide rwandais Mort des +cid

Simbizi. Quant au chef de 1'Etat rwandais, Juvénal Habyarimana, nous répondre.


il est flanqué du chef d'état-major de l'armée, Nsabimana, d e Nous avons donc i n 1 2 4
Juvénal Renzaho, conseiller à la présidence, d'Elie Sagatwa, Luc Habyarimana. Etar.: cm
szcrétaire particulier du président, du Docteur Emmanuel un des rares témoins d:r-
Akingeneye, médecin du président, d e Thadée Bagaragaza, son témoignage: 'ilféru- lli
officier. Tout ce monde quitte la Tanzanie sans savoir qu'il rnère, mes sœurs et 1?1t ~a
savoure les derniers instants de la vie. Après environ deux heures de rentrer de vacanct - dl
de vol, l'avion présidentiel arrive à Kigali. Au moment où il piscine qui se trouvarr ,;.--niii
amorce son atterrissage sur l'aéroport Kayibanda, un tir d e la piscirze et, soudailr. - i r
missile le cueille en plein vol. Il semble cependant que deux J'ai dit à mes cousill~ 7
missiles aient été tirés et qu'un seul a touché sa cible. Ces décidé d'attendre de I t .~
missiles étaient partis d'une ferme située à Massaka, près de la Dès que j'ai aperçu le
route Kigali-Kibungo. Ce que les auteurs de l'attentat n'ont pas espèce de balle tracari;~4
prévu c'est le lieu de chute de l'appareil. 11 s'est écrasé dans le l'appareil. Je crois i;., c7 P
jardin de la résidence du chef de 1'Etat (voir photo 4). Comme si trajectoire après ai90ir-Lf
le destin voulait que ce dernier achève sa course dans l'enceinte radar. I~n~nédiaternent :-4
du palais. C'est bien-là que les choses se compliquent. Car la même lunzière puis zrrz rr )id
garde présidentielle va immédiatement se précipiter sur l'épave et a explosé et l'épave r 2 d
interdire tout accès à l'appareil. Objectif : s'emparer de la boîte cousins, qui étaient j:t ~4
noire. Nous y reviendrons plus tard. 1 'avion de papa." Nori\ .d L-

Dès cet instant, l'attentat contre l'avion présidentiel va prendre la maisorz pour mettre
un tournant confidentiel. Tous les jeux obscurs entre-les multiples lui ai dit que l'avion rit - h g

services de renseignements rwandais, belges et français vont et m'a dit : "Ce n'es; ;;sq
s'intensifier et personne ne saura plus exactement ce qui se passe avion". En fait, elle : 4
autour de l'épave. Les Nations unies qui disposaient aussi d'un pas dans cet avion. iZf: a1

staff militaire et civil sur place seront évidemment au courant de Je suis rentré dans ~d
toute cette agitation à l'aéroport. Mais qui se souvient, avec et une lal~zpede nuit, r.
précision, de ce qui s'est passé ce jour-là ? A peu près personne. trouvait l'épave. A;-]- P J1
Aucun militaire des FAR n'a accepté de nous fournir des détails l'appareil, du sang, L:K i
sur ce moment clé de l'histoire du drame rwandais. Certains, membres calci~zés,etc.
incarcérés et placés sous haute surveillance au TPIR, ne pouvaient garde présidentielle aii
Les secrets du génocide rwandais Mort des - r

corps. Nous avons retrouvé le corps de nzon père. Seul le buste et l'ancien ministre des -1iC
l e s j a m b e s étaient facilenzelzt identifiables. La tête était d'une rencontre au Zairo
totalerrzent déformée et calcinée (voir photo 5). C'est alors que je tutsi de l'intérieur. D'apr
me suis nzis à prendre des photos. A ce moment-là, les militaires Néanmoins, pour c
sont tombés en sanglots. Mais, comme ils ont remarqué que je ne d'assassinat du prés12
pleurais pas, ils ont décidé de se calmer et de continuer la employer la stratégie a?
recherche des autres corps. Les corps des ofJiciers français ont projections et dans le pz
été retrouvés plus tard. Nous sommes restés à l'intérieur de la offensive qui ne durera
résidence avec les corps. Nous avons comnzencé à faire la prière. vrai. Malheureusement
Quinze minutes après l'attentat, nous avons été assaillis par des non pas 500 victimes
tirs à larnze légère. Ces tirs venaient de la colline de Ndera non victimes rwandaises.
loin de Massaka. La garde présidentielle s'est mise à riposter: ça chiffre de 800 000 1 a;
s'est calmé mais, dix minutes après, les tirs ont repris" 59. probable que ce chiffrz
La décision d'abattre Habyarimana aurait été prise lors d'une réalité.
rencontre secrète à Entebbe. Certains tutsi auraient tenté de mettre Jusqu'ici, on a con11
les hauts responsables du FPR en garde contre l'effet désastreux l'œuvre des extrémistt
d'une telle initiative à l'égard de tous les tutsi du Rwanda. Leurs C'est en partie vrai. f
observations étaient fondées sur la tension qui régnait à ce près à l'attitude et à 1,
moment-là dans l'ensemble du pays, principalement entre tutsi et 1994. Tout se passe 21
hutu. Pour les stratèges du FPR, l'analyse était différente. Les tutsi capables de déclencher
résidant au Rwanda étaient certes importants mais ils n'avaient massacres de tutsi qui z
pas vécu et enduré les mêmes difficultés que ceux de la diaspora, l'ont fait avec d'autres
sous-entendu ceux d'Ouganda. Pis, ils étaient même perçus par croire que tous les tutci
certains membres du FPR comme des collaborateurs d'un régime vérité est que le diabl? t
corrompu et raciste. L a vie de ces tutsi qui avaient "courbé D'ailleurs, lorsque le
l'échine" sous le pouvoir hutu ressemblait quelque part à une discours au Parlemen: 2
trahison pour Kagame et les siens. Seulement, il fallait le cacher et les destructions rzz
pour ne pas affaiblir la revendication collective des tutsi. Nous l'éradication des 1 n - 2 3 ~
avons eu un témoignage selon lequel Kagame aurait affirmé à demander si de tels prst?
A vrai dire, ceux --_
dans c e pays, e t q ~ :
59 - Entretien avec l'auteur.

82

"
Mort cles présidents et des pilotes français

l'ancien ministre des Affaires étrangères, Casimir Bizimungu, lors


d'une rencontre au Zaïre. qu'il ignorait totalement l'existence des
tutsi de l'intérieur. D'après lui, ces tutsi n'avaient aucun intérêt.
Néanmoins, pour convaincre les tutsi inquiets du projet
d'assassinat du président hutu, le FPR fera savoir qu'il va
employer la stratégie de la guerre éclair et qu'il y aura, selon ses
projections et dans le pire des cas, 500 victimes civiles pour une
offensive qui ne durera que trois jours. Il savait que ce n'était pas
vrai. Malheureusement, la guerre va durer plusieurs mois et fera
non pas 500 victimes mais entre 800 000 et un million de
victimes rwandaises. En l'absence d'une véritable enquête, le
chiffre de 800 000 victimes est provisoirement retenu. Il est
probable que ce chiffre soit franchement ridicule et très loin de la
réalité.
Jusqu'ici, on a considéré que le génocide était exclusivement
l'œuvre des extrémistes hutu et des barons de l'ancien régime.
C'est en partie vrai. Mais, il va falloir aussi s'intéresser de très
près à l'attitude et à la responsabilité des extrémistes tutsi en
1994. Tout se passe comme si des tutsi n'auraient jamais été
capables de déclencher ou même d'organiser, à leur manière, des
massacres de tutsi qui ne pensaient pas comme eux. Si des hutu
l'ont fait avec d'autres hutu, il serait imprudent et démagogique de
croire que tous les tutsi sont vraiment des anges ou des saints. La
vérité est que le diable est malheureusement dans les deux camps.
D'ailleurs, lorsque le 20 janvier 1998, Kagame affirme dans un
discours au Parlement européen que les pertes en vies humaines =
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et les destructions matérielles étaient le prix.à payer pour -


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l'éradication des maux du passé, on est bien en droit de se -


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demander si de tels propos ne méritent aucune attention.


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A vrai dire, ceux qui souhaitent le retour d'une paix durable -
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dans ce pays, et qui espèrent voir des Rwandais émerger - - ---
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Les secrets du génocide r-ivalldlris

finalement du hutu et du tutsi, doivent avoir le courage de ne


caresser personne dans le sens du poil. Il faut que tous les
responsables du génocide soient identifiés et poursuivis. Ils sont
Avouons que la 2 ' :
dans cette affaire. sl:t
cesse de la culpabilis;:
-
apparemment dans les deux camps : à la fois hutu et tutsi. Soyons dans ces événemenri ;
très clairs ! Des hutu ont préparé le génocide d e leurs et le FPR ne sont pas 2.
compatriotes tutsi et hutu. Ils les ont massacrés comme du bétail. Puisque personns K=
Mais, des tutsi savaient ce qui allait arriver et ils n'ont rien fait abandonné aux conis;
pour empêcher l'hécatombe. Certains ont même préféré assouvir s o u v e n t le cas d z r .
leurs ambitions personnelles au lieu d'éviter un traumatisme à des immédiatement jet? i-r
familles entières. Des tutsi ont payé un lourd tribut mais ils ne chercheur belge Phi;!;
sont pas les seuls60. Des hutu ont aussi péri dans ce même affirmant dans son li; r
génocide et d'autres ont été horriblement massacrés par les ce qu'on peut établir G
éléments de llAPR, dirigée par Kagame, au cours de la même type SAM-16 GIMLiET
période. Il faut avoir le courage de le dire pour ne pas donner telles aunes dails le[!..-
l'impression que tous les hutu sont des génocidaires et que tous 1990 : 1 'Angola, In B:ti
les tutsi sont des victimes. Les victimes tutsi sont Horzgrie, l'lraq, le 3-ic;
incontestablement nombreuses, très nombreuses. L'impartialité et l'ex-Uïzioïz soviétiqr!~
l'honnêteté intellectuelle exigent qu'une enquête internationale lettre du 1 0 décemkr
indépendante soit menée sur le génocide de 1994 pour rétablir la française :"Je vous cc.--;-
vérité et la confjance entre tous les Rwandais. Il est cependant à des larzceurs SA-16 Li=
craindre qu'une enquête de ce genre ne se fasse jamais. Certains rwandaises] et pllrs ;--:
hutu et certains tutsi la redoutent absolument. Dans ce cas, les par le biais de lfr~i*oc:r.-
Rwandais devraient, eux-mêmes et avec le concours d'Africains ces coordorznées 111c5 ' ~-:-I
et d'occidentaux neutres, trouver une solution de paix et de là. Il ajoute : "Je saisi. '

réconciliation. Il faut aussi savoir que la réconciliation sera que je ~ ~ o ai u sdit lot-Y_i,
difficile si personne ne veut dire la vérité. h-diiz. que nzes ar[cic;-:
corzf-ïnlzé (nzn sourz-e
leurs reizseigrzenzeiirc. :.
60 - M. Gilbert Nguidjol, qui était en 1994 l'assistant de I'érnissaire spécial du
secrétaire général de l'ONU au Rwanda, a publié dans son ouvrage. Autopsie 6 1 - Cf. Rivaizrlci, ti.i,::
des génocides nva~îdais,b~rr-undaiset l'ONU paru chez Préserice africaine, une
L'Harinattan, 1995.
liste de 66 victimes hutu identifiées dans la nuit du 6 au 7 avril 1994.
Mor? cles présideizts et des pilotes.ji-arzgais -
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Avouons que la communauté internationale s'étant défaussée -
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dans cette affaire, elle a laissé un boulevard à Paul Kagame qui ne


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cesse de la culpabiliser et d'empêcher que son rôle soit mis à nu -
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dans ces événements atroces. Pourtant, dans ce dossier, Kagame


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et le FPR ne sont pas blancs comme neige. -


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Puisque personne ne veut parler de cet attentat, le dossier a été -
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abandonné aux conject~reset aux débats d'experts comme c'est -

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souvent le cas dans ce type d'affaire. L e doute a été -


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immédiatement jeté sur le missile qui a abattu l'avion. C'est le p- - -

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chercheur belge Philip Reyntjens qui va prendre l'initiative en -


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affirmant dans son livre, par ailleurs bien documenté, que :"Tout -

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ce qu'or~peut étrrblir avec certitude est qu'il s'agit de rrzissile de - --


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type SAM-16 GIMLLET ". Officiellernerzt, dix p c l s possédaierzt de
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telles arrlzes durzs lerlrs stocks dans la prenzièl-e nioitié des arzizées - - -
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1990 : l'Angola, la Bulgal-ie, la Corée du Nor-d, la Firzlarzde, la -
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Horzgr-ie, l'Iraq, le Nicaraglta, la Pologrze, la Tclzécoslovaquie et _-


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l'ex-Union soviétique" 61. Il réitère ses affirmations dans une -- -- -


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lettre du 10 décembre adressée à la mission parlementaire --
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française : "Je vous corlfirr~leque j'ai obtenu les niinzéros cle série - -
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[les lanceurs SA-16 de lu part des FAR [NDLR Forces arnzées ---
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~wandnises]et plzls particulièrement le colorzel Bagosora. C'est
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par le biais cle l i ~ i ~ o cde
a t ce dernier Me Luc De Tenmîerrrzarz, qzte -
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ces cool-données rue sorzt parvenues". M . Reyntjens ne s'arrête pas
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là. 11 ajoute : "Je taisis l'occa viorz pour vous confir-illerpar écrit ce - - ---- -- -- -
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que je vozls ai dit lors [le izotr-e dernier erztretien ri Br.uxelles, c'est- --
-=-
- - .- ---

h-dire que rnes arîcienrics soztrces britanniques et belges m'ont -- --- - ..


ph - -- - - -- -- -. - .-
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confirnié (nza source britaizizique ajoute "adanzarztly") qrle d'après - .-- - . . - --- --
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leztls renseigrzernerzts, ces rnissiles font partie d'urz stock prélevé -
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6 1 - Cf. Rwarlda, rrols jc3urA qui oizt fazt b u ~ t r ~ l el'histoire,


r Paris,
L'Harmattan, 1995.

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Les secl-ets du génocide rwandais Mort ai:

par la France en Irak". Ces déclarations de Reyntjens ont le allusion au missil: "r
mérite de tenter une clarification sur l'arme du crime mais elles Reyntjens a trouvé !i 4
engagent aussi le débat dans une voie sans issue ou, du moins, livre. Ce ne sont F r : d
dans le brouillard. On notera que les pays cités par le chercheur cette information p1.ri:qd
belge ne sont pas les alliés naturels du FPR. M. Reyntjens lui a été remis par s Z s I
brouille-t-il alors inconsciemment les pistes ou est-ce qu'il engage Il semble cependaa:
réellement ce dossier dans une impasse ? Remarquons aussi que britanniques soit dss sa
la France qui aurait "prélevé" les missiles SAM 16 en Iraq, selon Cependant, on Fer3
M. Reyntjens, ne figure pas non plus sur cette liste. Qui lancera vraisemblablement 12. ii
de réelles investigations sur l'origine de ces missiles et sur leur les missiles utilisés p l i
itinéraire jusqu'au Rwanda ? Peut-être le juge francais Jean-Louis prélevé par la F r a n : ~
Bruguière. En fait, si les numéros qu'évoque le chercheur belge complicité éventusl:? 1
sont exacts, les conclusions qu'il en tire sont plutôt ambiguës. En comme vendeur ou f c ' s
réalité, les numéros de série correspondent bien à la note que lui a Cette troublant? sl
fournie le colonel Bagosora, actuellement incarcéré au Tribunal Français. La répons? 3
pénal international pour le Rwanda à Arusha (Tanzanie). Ces cet aspect du dossier d
informations provenaient du rapport établi le 25 avril 1994 par le la Défense, datée dr: 7
lieutenant ingénieur rwandais Munyaneza. Ce dernier, qui avait parlementaire f r a n ~
suivi sa formation en ex-URSS, avait été sollicité par l'armée récupérer quelque1
rwandaise pour identifier les engins trouvés après l'attentat. C'est l'occasion des conlb;us
précisément parce que les inscriptions figurant sur ces engins ofleelzsive lancée par i; 1
étaient en langue russe que ce lieutenant a été chargé d e les (nord-est du territoire . a
identifier. Nous avons obtenu la copie du document que M. sur le terrain en 1 1 0 . ?a
-
Munyaneza a remis à Me Luc de Temmerman. 11 dit exactement préserzce de ce ~ p t -2 r
7

ceci :"Les 2 lance-missiles se troiriient dans un lieu. Signé Colorzel (rwandaises ? ougar_&i
Bagosora. " c o n f i r m é en avrir -4
IdentiJlcation de l'arme (lance niissile type russe. Utilisation d'apparence neirve &ri
dans l'assassinat du chef de 1'Etat le 06/4/94" (voir annexe 9). major des forces ar7?:,=a
E n lisant donc attentivement l e rapport du lieutenant du 18 mai 1991) I / I r - a
Munyaneza, nous pouvons observer qu'il ne parle pas de missile document conclut : - L
mais de "lance niissile type russe". A aucun moment, il ne fait d'autres missiles iL;ra
Les secrets du génocide rwandais Mort rle -7 :

ir<forrnatiorz n'utteste la pr-éserlce de lancelli-s sol-air dans missiles ne fait ~ L ~ C U T .


l'éq~~ipenzeni des FAR erztre 1991 et 1994 (les nlurritioiis de gros la seconde catégorir
calibl-e étaient gérées par- 1111 assistal?t teclzizique français du observateurs remarq;~
carnp de Kanorllbe). " d'autres types de iniii
La formulation très diplomatique de cette note ne permet pas constater, dans u r :
de savoir si les affirmations de M. Reyntjens sont fondées ou pas. rwandais établi le 1-
En d'autres termes, ce document ne dit pas si le chercheur beige a militaire belge, l'tij;
raison ou pas lorsqii'il affirme que le missile qui a abattu l'avion MINUAR, avait infc
du chef de 1'Etat rwandais provenait d'un stock prélevé par la généraux de Kigali. JI
France en Irak. Cependant, il appâraît plus nettement que 1'APR lourdes (lance-roqu?::
dirigée par Paul Kagame utilisait, depuis au moins 1990, des SAM 7. Ce qui mon::
missiles sol-air et que ces armes n'existaient pas chez les FAR du utilisé par les soldats t r
moins entre 1991 et 1994. D'autre part, les services secrets En focalisant don; :
français semblent affirmer que l'armée ougandaise disposait de utilisé et en prépar:::
missiles SA 16. Ce qui n'est pas l'avis de M. Reyntjens si on en autour de cet aspect r-
croit la liste des pays détenteurs de cette arine qu'il donne dans aux questions essenrit:_
son témoignage cité plus haut. Le cafouillage commence bien ici. du président rwandais -
Il est quand même utile, à ce stade, d'apporter quelques le rôle des Nations L X
clarifications au sujet des pièces à conviction découvertes après sécurité de l'aéroport
l'attentat. Les engins retrouvés sont en réalité des lanceurs de panique aussi bien dsrs
missiles et non des missiles. En fait? le lanceur contient le inissile l'ONU à New York. 5:
comme le fusil contient une cartouche. Cependant, à la différence la gêne de l'ONU. Kc-5
du fusil qui est vendu séparément des cartouches, le missile est verbale du ministkr,
livré avec le lanceur. En outre, contrairement au fusil qui peut adressée le 11 a ~ r i i1 -I

servir plusieurs fois, le lanceur devient inutilisable une fois que le unies pour attirer 5: r
missile est lancé. Si on a donc retrouvé des lanceurs ou conteners présidentiel. Son con;t:
après l'attentat, c'est tout simplemenl parce qu'ils ne servaient plus darzs la soirée, il es: ~ir-c
à rien. Néanmoins, les inscriptions qu'ils affichaient permettaient clzef des casques i::, . -
bien d'identifier le type de missile utilisé. Pour certains officiers, Grégoire Kayiba1l'i.r = -
ces inscriptions correspondent plutôt aux missiles SAM 7 et non perrnis à des crinli~;:
au missile SAM 16. Si la possession de la première catégorie de que le contingent de $3;.

88

w
Mort des présidents et des pilotes.fr-nnçnis

rnissiles ce fait aucun doute dans les stocks d'armement du FPR,


la seconde catégorie est plus discutable. En réalité, certains
observateurs remarquent que rien n'empêchait le FPR d'avoir
d'autres types de missiles dans ses cargaisons. Nous avons pu
constater, dans un rapport des services de renseignements
rwandais établi l e 14 février 1994, qu'un ancien coopérant
militaire belge, l'adjudant chef D.. qui faisait partie de la
MINUAR, avait informé le chef de section des renseignements
généraux de Kigali, M. Ntamagezo. que le FPR disposait d'armes
lourdes (lance-roquettes, mitrailleuses) et surtout des missiles
SAM 7. Ce qui montre que ce type d'armement a toujours été
utilisé par les soldats de L'APR.
En focalisant donc l'attention du public sur le type de missile
utilisé et en préparant une polémique pompeusement savante
autour de cet aspect du dossier. on évite simplement de répondre
aux questions essentielles : Qui a commis l'attentat contre l'avion
du président rwandais ? Qui a fourni l'arme du crime ? Quel a été
le rôle des Nations unies (MINUAR) qui avaient la charge de la
sécurité de l'aéroport ? Voilà trois petites questions qui sèment la
panique aussi bien dans les rangs du FPR que dans les bureaux de
l'ONU à New York. Notre enquête apporte un petit éclairqge sur
la gêne de l'ONU. Nous sommes en mesure d'affirmer qu'une note
verbale du ministère rwandais des Affaires étrangères a été
adressée le 11 avril 1994 au représentant spécial des Nations
unies pour attirer son attention sur l'attentat contre l'avion
présidentiel. Son contenu est le suivant :"El1 date du 6 avril 1994,
dans ln soirée, il est apparu des défnillarzce~ilzexplicables dans le
chef des casques bleus chargés de ln sécurité de l'aéroport
Grégoire K u ~ i b n ~ z deta de ses erzilirorzs, d~faillnilcesqui ont
pernzi,~à des cl-iininels d'abattre l'avion présidentiel". Précisons
que le contingent de sécurité des casques bleus de l'aéroport était
Les secrets du génocide rwandais Mort dt-s

composé d'une section du bataillon belge. Cette section était aussi vrai dire, l'ONU et E t
chargée du ravitaillement en carburant des véhicules de l'ONU. que le FPR disposai;
S'agissant du FPR, malgré la prudence des experts du ministère de renseignements rs
français de la Défense, nous savons désormais que 1'APR a FPR était en possessai
souvent utilisé des missiles avec l'aide des Ougandais. En octobre Dans l'attentat CO:
1990, grâce au missile S A M 7, 1'APR a abattu un avion de jusqu'ici, dans l'ornh
reconnaissance BN 2a-21 des FAR. Un autre missile SAM 14 a moment où il est a
détruit, le 23 octobre, un hélicoptère Gazelle SA 342 M des d'atterrissage, unc :
mêmes FAR. Nous avons retrouvé l e seul rescapé d e ces supprimée concernzir
opérations meurtrières. 11 s'appelle Jacques Kanyamibwa. Selon piste 10 avec atterr
lui, lors de cette attaque,"Un pilote a été tué et un autre (nzoi) trouvait le bâtiment d
grièvement blessé. Harcelé par les attaques des FAR ce 23 troupes de 1'APR i i
octobre 1990, les tireurs n'ont pas pu emporter avec eux les mois avant le drarnc.
lanceurs de ces missiles". Il précise :"C'est au cours de cette demander q u e ccrI
contre-offensive de fin octobre que les militaires des FAR ont l'atterrissage des a\ ;
découvert les débris et les corps des deux pilotes de l'avio~zabattu appareil qui survcai:
dans la zone de Z'APR le 07/10/90. Ils ont trouvé dans la même d'interdiction n'était
zone des lanceurs de missiles avec lesquels on l'a abattu. Ces exécution en déclcm
lanceurs, avec d'autres armes récupérées sur Z'APR, ont été 130 belge en missi
longtemps exposés à lrEcole supérieure militaire de Kigali". 62 Ce cependant pas destm
témoin, un pilote professionnel, a été brûlé au troisième degré et les Nations unies FSL
soigné à l'hôpital des grands brûlés de Clamart en France. va donc proposer dr
Au fond, le lien entre les missiles, le FPR et l'Ouganda n'est exigences du FPR. i
plus un secret. En août 1992, l'ambassadeur d'Ouganda à service : celle de i
Washington, Stephen Kapimpina-Katenta-Apuli et le secrétaire atterrissage (directiar
particulier du président ougandais, Innocent Bisangwa-Mbuguje, 50 a été abattu. Se1c.h
ont été arrêtés à Orlando, en Floride (USA). Au moment de leur leur avait été don3
interpellation par la police américaine, ils essayaient d'acheter s'aventurer sur l'axc ;
clandestinement des missiles Tow pour le compte de 1'APR. A n'était pas une sirnplc
ce pilote, sur des t
renseignements ci\ ?K
62 - Témoignage recueilli par l'auteur. P

90
Mort des présidents et des pilotes frajzçais
Les secrets du génocide rwandais Mort dt-r -7

missiles dans le bâtiment du CND. Un témoignage recueilli circonstances mystsni


auprès d'un autre pilote rwandais atteste que le copilote de l'avion Dismas Nsengiyarsn?
présidentiel, le Francais Jean-Pierre Minaberry, avait été mis au préoccupation lors
courant par un coopérant francais qui travaillait en étroite - : 'FI!;
sénatoriale belge
collaboration avec l'aviation militaire rwandaise. Ce témoignage il pas au sujet de ce: C-I

est confirmé par la lettre que le même pilote francais du Falcon dis que si les g e n ~;
50, Jean-Pierre Minaberry, qui a péri dans le crash, a envoyé à sa chose. Il existe q r i e l ~ ~ d
hiérarchie en France. Dans ce document manuscrit du 28 février rien dire. Je n'ai pir A

1994, il attirait l'attention de son confident sur l'attitude du FPR et pourrait toutefois
le risque encouru par l'avion présidentiel. Nous sommes à moins concernées par cet i;.-
de deux mois du drame :"Avec le FPR au CND c'est-à-dire à l k m de 1'Etat rwarzdai> L
de la tour et avec le parti pris que tu connais par l'ONU alias puissances inter: 6
MINUAR nous sornrnes quasi certains qu'il y a des missiles, SAM évacuations et qri;
7 et autres qui nous menacent. Que peut-on faire pour ne pas se infornzations. Je der?:
faire prendre ? "(voir annexe I l ) . Cet appel de détresse est événement. En effeî. i
apparemment resté sans réponse. gravité
- du génocidt
- c;
Quelles que soient les précautions avec lesquelles il faut nous s o ~ n m e scorztr~-
prendre ce document du fait qu'il émane du camp opposé au FPR, Faustin Twagiramc
il contient néanmoins des informations dignes d'intérêt que nous rwandais et aujourd E:
avons soigneusement recoupées. Le silence de Paris, Washington aux parlementaires I
et Bruxelles sur l'assassinat de Habyarimana et sur l'équipage Prenzier ministr-e.
francais relève de la raison d'Etat et non de la méconnaissance de internationale sur I .;r
la vérité. président et nzirzistrc
Si Paul Kagame hésite donc à demander, avec enthousiasme, répondu que cette e7:
une enquête internationale sur l'attentat contre Habyarimana, c'est que pour les a u t r ~ r
qu'il a probablement des choses à se reprocher. En voici la
preuve. En 1995, le ministre rwandais de la Justice, Alphonse 63 - Ce ministre, qui 2. --
Nkubito, demande à sa hiérarchie (le président Bizimungu et le que son téléphone a l a . s
vice-président Paul Kagame) d'étudier la possibilité de créer une surveillé par les agent< i?
commission d'enquête sur la mort de Habyarimana. Il essuie un service après avoir r:- -
refus catégorique. Quelque temps après, il est assassiné dans des 1
association des Droit< cz
64 - Cf. Rapport du 5:--
$

92

"
Mort des pr-ésiderzts et des pilotes~fr-arzçais

circonstances mystérieuse^^^. L'ancien Premier ministre rwandais,


Dismas Nsengiyaremye, n'a pas manqué d'exprimer, lui aussi, sa
préoccupation lors d e son audition devant la Commission
sénatoriale belge :"Pourquoi le gouverrzenzerzt actuel n'erzquête-t-
il pas au szljet de cet événernent ?- Tout le nzorzde se dérobe. Je r?ze
dis que si les gerls agissent ainsi, c'est qu'ils sai)erzt quelque
clzose. Il existe quelque part des gerzs qui saverzt et qui ne veulent
rierz dire. Je rz'ai pas la capacité de les approcher: Une erzquête
pourr-ait toutefois être rrlerzée par les per-sorznes plus ou nlo irzs
corzcernées par cet attentat et qui se trouvent au plus /laut niveau
de I'Etat rwandais actuel, par les Natiorls urlies ou par les
puissarzces inter-verzues rzotarnrneizt p o u r procéder a u x
évacuations et qui orzt certairzenlerzt eu accès à certaines
infornzations. Je derrzarzde que la lumière soit~faiteau sujet de cet
événernent. Erz effet, on rze pourra pas expliquer l'ampleur et la
gravité du génocide si ce point n'est pas élucidé. Apparenunerzt,
nous sommes confrontés à une conspiration du silence" 64.
Faustin Twagiramungu, également ancien Premier ministre
rwandais et aujourd'hui réfugié en Belgique, confiait à son tour
aux parlementaires français :"Moi-rnêrne, lorsque j'étais encore
Premier ministre, j ' a i soulevé l a q u e s t i o n d ' u n e erzquête
irzternationale sur l'attentat au Conseil des ministres, et le vice-
président et nzirzistre de la Défense [NDLR Paul Kagame] m'a
répondu que cette enquête n'était pas une priorité pour le pays et
que pour les autres Rwandais assassinés aucune enquête de ce

63 - Ce ministre. qiii avait gardé de bonnes relations avec l'opposition, ignorait


que son téléphone avait été placé sur table d'écoute dès mars 1995. Suivi et
surveillé par les agents de la DMI, il a été étranglé par les tueurs de ce même
service après avoir remis un rapport sur les exécutions de Rwandais à une
association des Droits de l'Homme et à un diplomate belge.
64 - Cf. Rapport du sénat belge, 1997.
Les secrets du génocide rwandais

genre n'a été non plzis menée". Nous avons demandé à M. les envoyel; je sais rt

Twagiramungu les raisons d'une telle attitude d e la part d e


Kagame, il nous a affirmé qu'il s'agit simplement du mépris : "Il kinyalwaizda que je ;F
veut banaliser cette affaire. Tout argzinzerzt qui peut donner que rzozis avons qzcil;~
nzatière à sous estinzer cet attentat ou ii lui donner zirz caractère conseillé, quelqzles
ridicule sera forcénzerzt utilisé" 65. palais, de ne plus 11:t
Il semble effectivement que cette affaire irrite beaucoup avoir d'ennuis" 66.
Kagame. S e l o n d e s sources proches d e s services d e Nous avons essa! 2
renseignements rwandais, Kagame n'a jamais hésité à s'emporter et la confusion qui
chaque fois qu'on lui a parlé d'une enquête sur la mort d e "mystère" de la boite
Habyarimana. Voici le témoignage exceptionnel d'un ancien
responsable des services de renseignements du président Kagame. le mystère d e la ch
Il raconte :"Un jour, j'avais naïvenzent suggéré au général trouve. Du côté des F$
Kagame qu'il était opportun dès lors que j'étais pourvu de de la garde présidenni
moyens humains sufisarzts et forrnés, d'affecter urze petite équipe boîte noire. Pourtant-
de 3 ou 4 personnes (composée d'inspecteurs des renseignernerzts
militaires et civils) pour rassembler toute documentation utile confidentiel du Dép=
concernant les circonstances de l'attentat contre l'avion probablement été r t L
présidentiel du 6 avril 94, afin de fournir à l'autorité une
information outillée, au cas où la presse ou l'un ou l'autre O U ,d'après des soidr
partenaire bilatéral soulèveraient cette question. Le lieutenant français qui, plus tc;r~
colonel K. est témoin de la façon dont il nz'a regardé comme si je le corps du pilote f r ~
venais de dire urze énormité, se levant de son fauteuil avec un
regard qui m'a tétanisé et sa réponse rzewezise : "tu n'arrives
nzênze pas à nous renseigner suffisamment en ce qui concerne les noire. Ils ont été vi\ e
Irzternhaniwe qui continuent le génocide et maintenant tu veux Reyntjens :"Pozcr c

t'occuper de la mort de Habyarinzana ! Qu'est-ce qu'il est par


rapport au nzilliorz des nôtres massacré dans le génocide ? Si tu de secteur de Kignir
es en contact avec des gens intéressés par cet attentat, il faut me une section du dérat ?

65 - Entretien avec l'auteur. 66 - Témoignage accorcr L -


94
Mort des présidents et des pilotes français

les elzvoyei; je sais ce que je leur répondrai et vous rz'avez rien à


nz'apprendre"! Sa réplique était ulz nzélarzge d'anglais et de
klnyarwarzda que je traduls librenzerzt. C'est sur cette déclaration
que rzous avons quitté son bureau. Le lleuterzarzt colonel K. r7zra
conseillé, quelques jours plus tard au restaurant Caprice des
palais, de ne plus nze r7zêler de ces lzistoires si je ne voulais pas
avoir d'enlzuis" 66.
Nous avons essayé d'aller plus loin pour comprendre la gêne
et la confusion qui entourent cette affaire. Il y a d'abord le
"mystère" de la boîte noire qui, dit-on, reste introuvable. Depuis
le 6 avril 1994, jour de l'attentat, la boîte noire du Falcon 50 est
le mystère de la chambre jaune. Personne ne sait où elle se
trouve. Du côté des Forces armées rwandaises et des membres
de la garde présidentielle, nul ne sait ce qui est advenu de cette
boîte noire. Pourtant, au moment du crash, ils étaient bien sur
place avec quelques officiers français. Selon un rapport
confidentiel du Département d'Etat américain : "La boîte noire a
probablernetzt été récupérée par les ofSiciels du gouvernernent
rwandais qul corztrôlaierzt l'aéroport quarzd l'aviorz a été abattu
ou, d'après des sources izoiz confirmées, par les lnilitalres
français qui, plus tard, protégeaient l'aéroport et avaient rétiré - -- - --
- - -
le corps du pilote français de l'aviorz dlHabyarimana après le -
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crash. " (voir annexe 12). Du côté de la MINUAR, l'implication -
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des casques bleus belges a été évoquée au sujet de cette boîte -


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noire. Ils ont été vivement défendus par le chercheur belge Filip -
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Reyntjens :"Pour ce qui est d e s Belges qul orzt tenté de


récupérer la boîte noire '>ar la force", c'est le cor~wnarzder?zent
de secteur de Kigali de la MZNUAR qui a denzarzdé d'erzvoyer
une section du détachement aéroport ("groupe airfield") sur les -
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66 - Témoignage accordé à l'auteur. -- --- ---
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95

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lieux du craslz. But de la rnissiorz :corztrôler que 1'011 ne ?îzod$e
pas l'état des lieux et rîzorzter la garde autour de l'épave jusqu'à
l'arrivée d'urze Corîirriissiorz de cor~trôle.Le corrzinar~darztde
secteur; le colorzel Luc Marclzal, arzrzorzce que l'état-nzajor des
FAR est avisé et que celui-ci corzfactera la garde du carlzp de
Karzonibe. Mais lorsque, le 7 avril vers 41115, la sectiorz du vais nz'erî référer- C
sergent Maufroid arrive au cor-ps de garde, elle est refoulée avec indiqué que le golc:.t
agressivité. Il n é s t dès 101-s aucur~enientquestion d'accéder 'bar- suis alors rendu 21 A-:
la force" à l'épave ; sz voyant refuser l'accès aux lieux, la Je le~irai deinandé :
sectiorz Maufroid sést retirée sans conzbats 11i victirrzes" 67. Le
coup le plus spectaculaire sur cette affaire est, sans doute, celui savez ce qu'ils rîz'orz:
porté par le capitaine Paul Barril. En juin 1994, en plein journal boîte noire se trol/i.r c
de 13 heures sur la chaîne de télévision publique France 2, il mêrîzes, vous êtes des
exhibe un étrange engin sur le plateau qu'il qualifie de boîte 1 'a pas, il faut voir c,'
noire. D a n s l a foulée, il affirme pêle-mêle détenir des
enregistrements de vols, des bandes magnétiques, des boîtiers avoir la boîte - i.oii5
électroniques, etc. Puis il déclare avoir récupéré de nombreux demandé aux Narit-1
autres documents à l'aéroport de Kigali. Il est probable et même cornnlission drerzqr~E
certain que Monsieur Barri1 ait obtenu des informations sur faire les recherclzex.
l'attentat compte tenu des relations étroites qu'il entretenait avec
la famille d e Habyarimana et avec des éléments de la garde civil, mais un aiio~:
présidentielle. Cependant, le kilo de ferraille qu'il a présenté au d'enquête. Je l'ai L
journal télévisé ce jour de juin n'avait rien d'un Cokpit Voice
Recorder ou boîte noire. Plusieurs spécialistes ont attesté que rwandais m 'avait I;'t
l'engin de Barri1 était tout sauf la boîte noire du Falcon 50 du lunzière d ce szijt?;.
président Juvénal Habyarimana. Une part de la vérité e t justement, je tire iz
l'explication du silence qui plane sur la mort de Habyarimana se
trouve probablement dans cette boîte noire. Le rapporteur spécial nzairzterzant. Si bir?:
des Nations unies, Degni-Ségui, donne à ce sujet un témoignage rnes rrzissiorzs ailur?.-q

67 - Rwanda, trois jours qui ont fait basculer l'histoire, op. cit.

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Assassinat des présidents africains et des pilotes frarzçais

troublant :"Dès que j'ai pris nzes forlctiorzs, je me suis rendu à


Genève. J'ai eu erz audience l'anzbassadeur de Fr-auce par-ce que
rîzorz rnarzdat spécifiait bien que je devais fair-e la lulnière sur ce
sujet. J'ai denzarzdé si la France pouvait mettre à rrza dispositiorl
la boîte noire de l'aviorz présidentiel. Il rrz 'a dit : "j'ai conzpris, je
vais nz'erz référer à rîzorz gouverrzenzerzt ': Par la suite, il nz'a
indiqué que le gouvenzerrzerzt n'avait pas cette boîte noire. Je me
suis alors rendu à Kigali, ozi j'ai rerzcontr-é 1'Etat-major nil lit aire.
Je leur ai dernandé : "Est-ce que je peux avoir la boîte noire ? " Il
y avait là quatre nzilitaires, le clzef d'état-major et d'autres. Vous
savez ce qu'ils m'orzt répondu ? Le clzef d'état-uzajor nz'a dit : "La
boîte noire se tr-ouve chez les rrzilitaires". Je lui ai dit : "Mais vous
nlêr7zes, vous êtes des nzilitair-es': Etfifinalernerzt,il m'a dit :"On ne
l'a pas, il faut voir avec la France': J'ai donc été renvoyé de l'un
à l'autre, et firzalei~zerzt, il y a eu urz certain Barri1 qui a prétendu
avoir la boîte - vous avez dû suivre cela darzs les journaux - et j'ai
demandé aux Nations unies de mettre à ma disposition une
conzmission d'enquête avec un expert en balistique, en vue de
faire les recherches. En effet, entre-temps, on a dit que 1'OACI ne
pouvait pas faire 1 'enquête, parce que 1'aviorz n 'était pas un aviorz
civil, mais un avion militaire. Et il fallait donc urze comr7zission
.......................
- -
-

d'enquête. Je l'ai demandée a u x Nations unies, e t l'on in 'a --


-
.....................
..............
-. - .- -
-
-

répondu qu'il n'y avait pas de budget pour cela. Le gouvei-nemerzt p.p---..---
-
-
--
-.
- - -----.--.. ----
.-..-. -

.........-
-
--
--
-

rwandais nz'avait demandé également de tout tenter pour faire la -


~
- -
--
-
.- -
lumière à ce sujet. Et dans l'urz de mes rapports, je rappelle .
.. -

justement, je tire la sonnette d'alarme, pour dire de fair-e vite pp


..-..
.--...... -

avant qu'il rze soit trop tard. Je crains même qu'il ne soit trop tard --
--
nzairzteizarzt. Si bien que, jusqu'ici, je n'ai pas acconzpli l'une de -
p
.
-
-
.
-
-
-
.
.
-
-
- -.

mes nzissiorzs avant que l'on me dise de partir:" 68


A-

-.
.

-.
68 - Cf. Rapport du Sénat belge op. cit. p
.
.-
. ---

97
L .

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-- - ---
- -
-p

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.......

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-- -
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-- --
--
-- A-

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Les secrets du génocide rwandais Assassinat de5 =-:.

Après ce témoignage édifiant, tout semble prouver qu'on est, discriminatoires et 1; zi-
dans cette affaire, au cœur de la raison dlEtat. Il est tout de même 199411 intitulée "Li
difficile de croire que l'ONU ignore où est passée la boîte noire demandait qu'une c . 1 1 .
car, selon notre enquête, une note verbale du ministère rwandais sur les événements ;-.
des Affaires étrangères, en date du 15 avril 1994 et soumise à dont l'attentat contrc 1
l'attention des missions consulaires et diplomatiques du Rwanda, Peu d e temps apr5i
mentionne que :"Trois suspects de ce même colztirzgerzt belge Commission des dr; .Ir
[NDLR les casques bleus de la MINUAR] ont été appréhendés au Degni-Ségui, cité Pr?: 2
moment où un groupe de trois casques bleus de la MINUAR le même attentat. SL ; :
tentaient de récupérer par la force la boîte noire sur l'épave de dirait qu'elle était ?:it
l'avion". La même note précise aussi : "Les résultats et les que la Commission 2,
analyses de la boîte noire seront versés dans l'enquête, mais en que le bureau du sec:,
attendant cette expertise, il serait hasardeux de tirer une rapport confidentitl
conc2usion définitive sur les auteurs de l'attentat qui a coûté la Hourigan69, est pub::?
vie au président Habyarimana. " la panique s'empare :ts
Certains observateurs nous ont affirmé que ce type d'avion ne de trois pages, qui r t r
dispose pas d e boîte noire. Nous avons interrogé un pilote dans l'attentat contre i
français qui travaille chez Falcon Service. Il nous a déclaré :"Tout dans la soupe onuskr-
appareil Falcon 50 est nécessaireitlent rtlurzi d'un enregistreur de par les révélations d: &
!

conversations et de paranîètres. " En d'autres termes, on ne peut ler août 1997. Il a\ t:r
pas dire que le Falcon 50 du président Habyarimana ne disposait rangé dans un tiroir. F rl

pas de boîte noire. De plus, cet avion, qui avait appartenu au document, c'est q~ :l
président Mitterrand avant qu'il ne soit cédé au président "Aujourd'hui, nos t.-:
rwandais, répondait aux normes internationales. La confusion qui l'actuel régime tzr7.Y:
règne donc autour de cette fameuse boîte noire montre bien que commando d'élite se: -= -
Kagame n'est pas du tout seul à éprouver d e la gêne sur ce par un gouverneuztji:: 1
dossier. Beaucoup de personnes ont, sur cet attentat, quelque affirment que le p;,::
chose à cacher. Kagame le sait et il joue sur les complicités
nationales et internationales. 69 - Cet avocat canadisr 1-
Aux Nations unies, le même malaise est perceptible. En 1994, Rwanda et était respons;: 5
la Sous-commission d e la lutte contre les mesures Cette équipe était charse: 1
70 - Op. cit.
Assassi~zatdes présidents africains et des pilotes fraizçais

discriminatoires et la protection des minorités adopte la résolution


199411 intitulée "La situation au Rwanda". Cette résolution
demandait qu'une commission d'experts mène des investigations
sur les événements qui ont conduit aux massacres du Rwanda
dont l'attentat contre l'avion des présidents rwandais et burundais.
Peu d e temps après, l e rapporteur spécial désigné par la
Commission des droits de l'Homme des Nations unies, l'Ivoirien
Degni-Ségui, cité précédemment, préconisait déjà une enquête sur
le même attentat. Sa proposition ne suscitera aucune réaction. On
dirait qu'elle était tombée dans les oreilles de sourds. Il est vrai
que la Commission des Droits de l'Homme était plus enthousiaste
que le bureau du secrétaire général à ce sujet. En 2000, lorsque le
rapport confidentiel des Nations unies, rédigé par Michael
Hourigan69, est publié dans le journal canadien National Post70,
la panique s'empare des diplomates de New York. Ce document
de trois pages, qui met directement en cause le FPR et Kagame
dans l'attentat contre l'avion présidentiel, arrive comme un cheveu
dans la soupe onusienne. Aux Nations unies, on semble surpris
par les révélations de M. Hourigan. Le rapport date pourtant du
ler août 1997. Il avait été remis au secrétariat général et on l'a
rangé dans un tiroir. Pourquoi ? Mystère. Ce qui dérange dans ce
document, c'est qu'il révèle dans son paragraphe IV ceci :
"Aujourd'llui, nos enquêtes ont trouvé 3 sources au sein de
l'actuel régime tutsi qui déclarent avoir été membres d'un
commando d'élite secret connu sous le non1 de Network qui, aidé
par un gouvernelnent étranger; a abattu l'aviolz présickrztiel. Ils
affirment que le général P a ~ l lKagame était respo~lsablede

69 - Cet avocat canadien travaillait pour le Tribunal Pénal International pour le


-_
-

-
-=
-~
-
-
-
-
Rwanda et était responsable de l'équipe d'enquêteurs appelée "National Team".
Cette équipe était chargée d'enquêter sur les suspects du génocide.
70 - Op. cit.

99
Les secr-ers du gérzocide rwarzdnis Assassinat clt. ;-

l'opératiorz et ils orzt décrit de façon très précise le dérz>ulernerlt I'aéropot-t" (Voir -1:s
de l'ol~ératiorz.Cette itzforlwutiorz recoupe les dires rl'e-xt~.él~zistes été subitement intsri -
ht~tusselorz lesquels c'est le FPR qui a abattu l'avion pl-ésidentiel. fameux contingent ?-i
Deux de ces sources étaient prêtes à coopérer avec les eltqllêterrrs eu une réaction si r---,
si leur sécurité était gararztie". 71 Qui ignorait véritablement ces obscurs qu'une en<-+:>
informations dans les hautes sphères de la diplomatie mondiale ? dire q u e presqEr 1
A peu près personne. immédiatement cc:: 5.
La véritable angoisse des Nations unies tient au fait que personne n'a voulu ri
l'opinion sait désormais que l e bureau de renseignements préfère "oublier" c c 3
militaires de la MINUAR était régulièrement informé, à travers le et de trois Francai; -
général Dallaire, d e tout c e qui s e passai: à Kigali. Les rapidement tous ;ri
informateurs étaient aussi bien des hutu que des tutsi. Des génocidaires. Beauc r --
documents internes des Nations unies recueillis par le "National de crimes contre l ' h ~ r .
Team" montrent que le général Dallaire était au courant de n'est pas la règle dan- :1
beaucoup de choses et qu'il informait aussi le secrétariat général. Nous avons pu r=?;
Un diplomate des Nations unies, qui était en 1994 au Rwanda. au sein du Tribuna1 1-
nous a dit que le général Dallaire ne pouvait pas ignorer les On se rappelle que c? :
comportements du FPR avant pendant et après l'attentat. M. Hourigan à la 3-:s:
L'embarras des Nations unies dans ce dossier est de plus en plus connaissance dans :?
compréhensible. L'organisation internationale ne parvient pas à l'attentat. Nous avons i
avouer qu'elle connaît la vérité sur l'attentat mais qu'elle est un complément d'en<--
incapable de la dire. Car, ce dossier est, pour elle, encombrant et été demandé par 1 ' ~
explosif. S e s craintes sont confirmées par un document génocide.
confidentiel du département d'Etat américain qui souligne que : Tout est parti d'~::
"La missiorz des Nr~tionsunies pour le nzailztien de lu paix, l'avocat en question. i-r
MINUAR, s'était rendu sur le lieu du crash, mais les ~wilitaires 1998. Dans cette r2;-
rwarzdais avaierzt interdit a ~ i xNatiolzs rilzies tout accès sur le lieu d'enquête sur l'attent:: ii
de l'accident. Les nzilitaires rwanrlais avaient égalelrzent tenté de En réalité, sa deinailit
désarmer le contingent belge de la M I N U A R stationi7é à Selon lui :"Cet c r r r t i : :
gordien du gérzocil-
nza.ssacres, toutes tri::.;
71 - Tiré du document confidentiel des Nations Unies obtenu par l'auteur.
Assassir~atdes pl-ésiderzts africains et des pilotes fi-arzçais

lfae'l-oport" (Voir annexe 13). Pourquoi le site de l'attentat a-t-il


été subitement interdit aux Nations unies par les Rwandais ? Et ce
fameux contingent belge, pourquoi les militaires rwandais ont-ils
eu une réaction si particulière à son égard ? Voilà autant de points
obscurs qu'une enquête internationale aurait pu éclaircir. Il faut
dire que presque tous les militaires rwandais ont été
immédiatement considérés comme des génocidaires. Résultat :
personne n'a voulu ni les entendre ni les interroger. Tout le monde
préfère "oublier" cet "accident" malgré la mort de deux présidents
e t de trois F r a n ~ a i s .Un exercice-facile qui de juger
rapidement tous les hutus en les qualifiant aussi tous de
Les secrets du génocide nvandais

planification et de l'exécutiorz desdits inassacres sans procéder au


préalable à des investigations claires sur cet accident relèverait
d ' u n e l o g i q u e judiciaire partiale, partielle et aboutirait
irzéluctablenlent à une injustice". Voyant une faille dans la
~nissiondu TPIR, Maître Degli assène :"Aussi parado-ual que cela
puisse paraître, bien que d'aucuns vont même jusqu'à affirnzer
que les planijicateurs du 'génocide" rwandais sont ceux qui ont
abattu l'avion du président Habyarirnana, personne ne semble
a~ijourd'huise préoccuper de l'enquête sur cet attentat qui a coûté
la vie au-dit président et qui a été le détonateur du drame
rwandais. Il paraît donc indispensable, conclut-il, que la l~imière
soit faite sur cette affaire et qu'une véritable justice soit rendue au
peuple rwandais. " La réponse du procureur sera sans concession :
"Il appartient à l'accusé de faire ses propres enquêtes en vue de
se di.rculper des charges pesarzt contre lui". Le procureur donne
cet argument après avoir précisé que l'enquête sur l'attentat ne
relève pas des compétences du TPIR. Il va déclarer en définitive
que cette requête est non fondée. Il sera suivi par le tribunal qui
rendra sa décision dans les mêmes termes le ler juin 2000. Inutile
de dire que cette logique judiciaire n'a rien de cartésien.
En décembre de cette même année, le ton a commencé à
changer au TPIR. Lors d'une conférence presse à Arusha, le
procureur Carla del Ponte, pressée par les journalistes, va donner
sa position au sujet de l'attentat : " Quand je suis arrivée au
Tribunal, j'ai su que l'enquête n'avait pas été ouverte parce qu'il y
avait un problènze de juridiction. Est-ce que nous avons une
juridiction pour ouvrir Lrne enquête sur l'attentat contre cet avion
? Est-ce que ça constitue un acte de préparation de génocide ?
Apparemment ça va dans cette direction, mais naturellement si on
n'a pas établi qui sont les auteurs de ce crime, c'est dificile d'en
savoir plus. Conznze vous le savez, le juge Bruguière a ouvert à
Assassinat des présidents africains et des pilotes français

Paris une enquête e t a demandé notre c o o p é r a t i o ~ zpour


interroger les détenus dans notre prison. Moi je coopère avec le
juge Brugziière, il va d'ailleurs revenir bientôt à Arzisha pour de
nouvelles auditiorzs, et rzaturellenzent, je suis de très près cette
enquête parce que les résultats rne permettrorzt de décider si le
bureau du procureur de ce tribunal doit ouvrir une enquête lui-
même. Et cela, je pense, pourra se faire prochainernent. Et avec le
juge Bruguière je viens d'avoir une rencontre à La Haye ;je
pense qu'au début de l'année, o n pourra faire une décision
motivée, c'est-à-dire :ou bien or2 ouvre une enquête ou bien on ne
l'ouvre pas, ?nais cette décision sera motivée, on rendra public
pourquoi on l'a fait ou on ne l'a pas fait". Malgré le discours très
diplomatique du procureur du TPLR, on ne peut s'empêcher de
remarquer que cet attentat est un véritable boulet pour Kagame et
l'ONU. Depuis décembre 2000 que Mme Del Ponte a promis de
faire une déclaration sur l'ouverture ou non d'une enquête sur
l'attentat du 6 avril 1994, plus de neuf mois après, silence radio.
Ce qui est insoutenable et même aberrant dans cette affaire, c'est
que depuis 1994, aucune enquête n'ait été menée et encore moins
demandée ni par 1'Etat rwandais ni par l'organisation de l'aviation
civile internationale (OACI). Pourtant, la convention relative à
l'aviation civile internationale 'du 7 décembre 1944
(communément appelée convention de Chicago), stipule dans son
article 26 sur les enquêtes et accidents que :"En cas d'accident
survenu à un aéronef d'un Etat contractant sur le territoire d'urz
autre Etat contractant et ayant entraîné mort ou lésiorz grave ou
révélé de graves défectuosités teclzniques de l'aéronef ou des
installations et services de navigatio~zaérienrze, 1'Etat dans lequel
l'accident s'est produit ouvrira une enquête sur les circonstances
de l'accident, en se confornzant, dans la mesure oli ses lois le
permettent, à la procédure qui pourra être recommarzdée par
Les secrefs du génocide r72;arzdais

lfOrgarzisatiorz de l'aviatiorz civile irrterrzatiorzale." De plus, la


directive no 94/56/CEE du 21 novembre 1994 d e l ' u n i o n
Européenne régissant les enquêtes sur les accidents et les
incidents dans l'aviation civile fait obligation à tout Etat membre
victime de procéder à une enquête dans son article 4. Il est donc
étrange que l'absence d'une enquête sur l'attentat contre le Falcon
50 dans lequel des Français ont été tués et pour lequel des Belges
semblent avoir été tués au Rwanda n'ait jamais suscité plus
d'interrogations ou d'intérêt depuis sept ans.
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Kagame et la guerre -

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des diamants au Congo -


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Dès son arrivée au pouvoir en 1994, le général Kagame, alors -
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perçu par ses compatriotes comme l'homme providentiel, se lance -
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dans une lutte sans merci contre les ex-Forces armées rwandaises -
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réfugiées au Zaïre. Ces Rwandais, majoritairement issus de la -- -- -


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communauté hutu, seront considérés, sans exception, par le -- -
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régime d e Kigali, c o m m e d e s "génocidaires". Ils seront -
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pourchassés jusqu'à l'intérieur des frontières zaïroises. -
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Profitant de la torpeur de la communauté internationale et du -
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choc provoqué par les images d'horreur sur le génocide du -


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Rwanda, Kagame lance un avertissement à l'ambassadeur de - - -


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l'Union européenne, M. Aldo Adjello :"Si la conzr~zunauté -


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intesnatiorzale ne fait rien pour résoudre le problèrîze des ex-FAR -


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par~niles réfugiés basés au Zaïre, je ~n'erzcllargerai à nza façorz".


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A l'époque, le président zaïrois Mobutu Sese Seko est encore au -.-

pouvoir. Très vite, Kagame décide de passer à l'acte. Evoquant la --


sécurité d e son pays, il aide Laurent-Désiré Kabila, un vieil -
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opposant au maréchal Mobutu, à prendre le pouvoir. En mai

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1997, une colonne d e près de cent mille hommes venus du -
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Rwanda et de Ouganda pénètre au Zaïre et renverse Mobutu. Un


an seulement après cet appui à Kabila, nouveau chef de 1'Etat de -
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l a République démocratique du Congo (RDC), Kagame se -
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retourne contre son allié d'hier. En août 1998, il envoie des
soldats rwandais occuper le Kivu à l'Est du Zaïre. L'argument
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105

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Les secrets di4 génocide rwandais

sécuritaire est toujours à l'ordre du jour. En quelques mois, la


RDC devient, sous Laurent-Désiré Kabila, le théâtre d'une guerre
atroce.
Les soldats rwandais n'hésiteront pas à commettre là-bas des
actes de barbarie et des crimes horribles à l'égard des populations
civiles du Kivu. Après avoir nié toute participation à la guerre du
Congo. l'homme fort du Rwanda va finir par admettre que ses
troupes combattent aux côtés des rebelles congolais. Veulent-elles
renverser celui qu'elles ont porté au pouvoir à la place de Mobutu?
Certainement. En janvier 1998 lorsque Paul Kagame se rend en
visite à Bruxelles, il avoue en privé sa déception à l'encontre de
Kabila. Pour lui, le chef de 1'Etat congolais n'est pas capable de
diriger son pays et de rétablir l'ordre sur l'ensemble du territoire.
Son analyse sur la personnalité de son ancien allié était un peu
courte. Son excès de confiance l'avait poussé à trop sous-estimer
son ex-allié de Kinshasa. Kagame prenait vraisemblablement
Kabila pour une marionnette qu'il pouvait faire danser à sa guise.
Après l'avoir aidé à prendre le pouvoir, il lui a collé quelques
Rwandais aux chevilles. Il s'agit de M. Déogratias Bugera,
secrétaire général de 1'AFDL72, M. Bizirna Karaha, ministre des
Affaires étrangères, etc.
Ainsi, dans le premier gouvernement de Laurent-Désiré Kabila,
des Rwandais, très proches de Kagame, ont occupé des postes clés
en RDC. Ce n'est pas tout. L'armée zaïroise de l'ex-maréchal
Mobutu, totalement discréditée, sera remplacée par une mosaïque
de miliciens et de soldats venus du Rwanda et du Burundi. Cette
étrange armée "nationale", dont se méfieront longtemps les
Congolais, sera dirigée par James Kabarebe, le bras droit de

72 - Alliance des forces démocratiques de libération du Congo, un mouvement


politico-militaire créé avec l'aide de l'Ouganda et du Rwanda pour renverser le
chef de I'Etat zaïrois Mobutu.
Kaganze et la guerre des dianlalzts au Colzgo

Kagame.
Tous ces Rwandais espéraient jouer un rôle majeur en RDC.
Ils vont ronger le régime Kabila de l'intérieur. La partie la plus
visible d e c e travail d e sape sera perceptible en politique
étrangère. Brouillonne e t particulièrement tapageuse, la
diplomatie congolaise manquera longtemps de lisibilité. Des
déclarations à l'emporte-pièce de Kabila lui-même, où il fustige la
francophonie et les sommets des chefs d'Etat francophones, à
l'expulsion des diplomates de l'ONU, on verra la République
Démocratique du Congo exprimer des positions incohérentes et
malhabiles à l'égard des pays occidentaux. La cerise sur le gâteau
sera le refus du président Kabila de rencontrer le Révérend Jesse
Jackson, l'émissaire spécial du président américain Bill Clinton.
Tout donnait à penser que la diplomatie congolaise était conduite
par un bourgmestre aveugle et incompétent.
En réalité, le chef de 1'Etat congolais, entouré d'une flopée de
conseillers rwandais proches de Kagame, n'était pas très rassuré
par ses ministres et son armée. Sa méfiance sera confirmée en
juillet 1998 lorsqu'il décide de se rendre en voyage à Cuba. A la
veille de son départ, James Kabarebe, le commandant rwandais
de l'armée congolaise, est surpris avec un revolver dissimulé dans
ses vêtements alors qu'il demande une audience au président
Kabila. De retour de voyage, le chef de 1'Etat congolais apprend
par ses services de sécurité qu'une quarantaine de soldats tutsi se
cachent devant son bureau. Ces militaires, en civil, seraient venus
quelques jours plutôt de Goina, non loin du Rwanda, en tenue de
sport, avec pour inission d e l'abattre. S i plusieurs projets
d'élimination d e Kabila ont été bel et bien envisagés par la
coalition rwando-ougandaise, ces accusations contre des tutsi
proches d e Kagame étaient plutôt fantaisistes. Elles ont été
répandues par des Congolais qui considéraient simplement que
Les secrets du génocide m)nlzdnis

l'entourage tutsi de Kabila avait beaucoup de pouvoir. Pour éclate


écarter ces tutsi, il valait mieux brandir le spectre d'une menace Ce
sur la sécurité du président. Il reste tout de même qu'il y a eu de congo
nombreuses tentatives d'assassinats contre Kabila. Au début de chaos
l'année 1998, il y a eu l'opération "chicken heads" (têtes de sembl
poulets) dans laquelle des mercenaires européens devaient faire la Ceper
peau au chef de 1'Etat congolais. Au même moment, un coup rwanc
dlEtat militaire se concoctait par les Rwandais et les Ougandais qui O
pour éliminer Kabila. Kigali avait infiltré les Banyamulenge qui diama
se trouvaient à l'Est du territoire congolais. Les Rwandais avaient que 1t
également pris contact avec d'anciens mobutistes pour dissimuler Cons
leur complot. Ces derniers, en particulier les ex-officiers des l'un d
Forces armées zaïroises et une partie de la Division spéciale cause
présidentielle (DSP) nourrissaient aussi des plans d'éviction de des g
Kabila. Ils lui reprochaient son arrogance et surtout le fait de les COllZll

avoir humiliés avant de les écarter totalement du pouvoir. On a Kabil


souvent évoqué des complots d'Occidentaux contre le régime de Dans
Kabila. Il est certain que la priorité accordée à ses voyages 1'UN1
officiels en Chine, à Cuba ou en Libye n'avait rien de rassurant e t so
pour les Occidentaux. Son discours aux relents communistes et Rwan
anti-impérialistes sonnait mal dans les oreilles de Paris, Bruxelles part,
et Washington. Nous avons appris sa mort le 16 janvier dernier nzoin,
alors que nous achevions l'écriture de ce livre. Le mystère qui et dé
pèse sur sa disparition laisse la place à toutes les hypothèses. d 'cl717
Pour revenir à ses rapports difficiles avec le Rwanda, ne avec
voulant pas laisser trop longtemps la menace de Kagame prendre Victo
de l'ampleur, le chef de 1'Etat congolais va prendre la décision, le 1 'occt
28 juillet 1998, de renvoyer tous les militaires rwandais à Kigali. en vz
En quelques jours, tous les hauts cadres tutsi, proches de Kagame, s'éta
vont soudain prendre des vacances ou improviser des urgences Clut01
professionnelles hors du Congo. C'est ainsi qu'on verra la guerre
73-C
Kaganze et la guerre des diamants au Congo

éclater à l'Est puis à l'Ouest de la RDC.


Cette guerre, pilotée conjointement par les rebellions rwando-
congolaises et ougando-congolaises, va plonger l'ex-Zaïre dans le
chaos. Mené au départ contre le pouvoir de Kinshasa, ce conflit
semble s'éterniser et nul ne sait quand et comment il prendra fin.
Cependant, plus que le rejet de Kabila et la sécurité des frontières
rwandaises, ce sont les mines de diamants du Congo (ex-Zaïre)
qui ont toujours intéressé Kagame. L e trafic d'armes et des
diamants qui a lieu dans cette région est devenu plus important
que les simples considérations politiques. Il a même poussé le
Conseil de Sécurité de l'ONU à se pencher sur le dossier. Dans
l'un de ses rapports, il n'hésitera pas à mettre explicitement en
cause Paul Kagame dans le trafic d'armes et de diamants au profit
des guérilleros d e I'UNITA. Selon c e document, "L'intérêt
commun de I'UNITA et du Rwanda de provoquer la chute de
Kabila les a, apparemment, incités à coopérer plus étroitement.
Dans le cadre de cette coopération, Savimbi ( l e patron de
lfUNITA)a notamment fourni une batterie antiaérienne (SAM 16)
et son personnel pour appuyer les rebelles soutenus par le
Rwanda dans la République Démocratique du Congo. Pour leur
part, les Rwandais auraient permis a I'UNITA d'opérer plus ou
moins librement a Kigali en vue d'organiser la vente de diamants
et de prendre contact avec des internzédiaires pour l'achat
d'arrnes. Le Rwanda aurait égalenlent mis I'UNITA en rapport
avec certains intermédiaires auxquels il faisait appel, notamment
Victor Bout. Le groupe d'experts a appris de diverses sources qu'à
l'occasion de l'établissement de contacts avec des intermédiaires
en vue de l'achat d'armes et de la vente de diamants, Karriça
s'était rendu fréqueinnzent 13 Kigali avec l a protection des
alltorités rwandaises". 73
73 - Cf. Rapport du Conseil de sécurité des Nations unies du 10 mars 2000.
Les secrets du génocide rwandais

C e Karriça, d e son vrai nom Marcelo Moises, était l e


représentant de 1'UNITA au Zaïre. Quant à Victor Antolevic Bout,
c'est un homme d'affaires russe qui est propriétaire d'une
compagnie aérienne dénommée Air Cess. Ses avions ont servi à
transporter les armes et les diamants de la guerre congolaise au
profit du Rwanda. Le rapport de l'ONU va jusqu'à observer que
les services de renseignements rwandais couvrent bien tous les
trafics et les trafiquants d'armes ou d e diamants à Kigali :
"L'UNITA n'a pas de bureau dans ce pays, nzais ses représentants
exercent leurs activités au su et au vu, et sous la protection des
autorités rwandaises, et rzotanzmerzt des autorités responsables
des services de rerzseignements et de sûreté nationale." 74
U n g r o u p e d'experts d e l ' O N U a constaté q u e l ' a r m é e
rwandaise tire ses principales ressources de la guerre du Congo.
Selon ces experts : " L'armée rwandaisefinance sa guerre de cinq
façons :
a ) la participation directe à des activités commerciales ;
b ) les ressources qu'elle tire des parts qu'elle détient dans
certaines sociétés ;
c ) les paiements efectués directement par le RCD-Goma ;
d ) les impôts collectés par le "bureail-Congo", ainsi que les
versements effectués par des individ~1sen contrepartie de la
protection de leurs entreprises armées par l'armée rwandaise ;
e ) les prélèvemerzts directs opérés par l'armée sur le pays. "
La guerre de la République démocratique du Congo rapporte
donc beaucoup au FPR et à Kagame. L'APR participe directement
ou indirectement à des activités commerciales. Par exemple, elle
contrôle une part non négligeable de l'extraction et la vente du
coltan via deux entreprises : Rwanda Metals et Grands Lacs
Metals.
74 - Cf. Rapport du Conseil de sécurité, Op. cit.
Kagarne et la guerre des dianzarzts au Corzgo

Ce minerai intéresse au plus haut point l'armée rwandaise et


l'entourage du président Kagame. Une étude des Nations unies a
fait des découvertes intéressantes dans ce domaine : "Du côté
rwarzdais, la plupart des sociétés poursuivarzt des activités
importantes liées à l'exploitation de ressources naturelles de la
République Dénzocratique du Congo appartierzrzerzt soit au
gouvernenzerzt, soit à d e s personrzes très proches d e s
collaborateurs du présiderzt Kagarne. Rwanda Métals, par
exemple, est une société liée au commerce du coltarz. Elle achète
ce minerai et l'exporte hors du corztirzent. Le groupe d'experts
dispose d'irzfonnatiorzs sérieuses irzdiquant que le FPR corztrôle
cette société. Au milieu de jarzvier 2001, certairzes sources très
fiables ont eu des entretiens avec la direction de Rwanda Métals
à Kigali. A cette occasion, le directeur leur a déclaré que la
société était une entreprise privée qui rz'avait pas de relations
avec l'armée. Il a ajouté qu'il devait rencontrer des partenaires
clefs le matin même.Tandis que les discussions se poursuivaient,
les "partenaires" sont arrivés cornine prévus mais,
malheureusement, ils portaierzt l'urziforrne de l'armée rwarzdaise
et étaient des officiers supérieurs. Cet inciderzt confirr?ze les
informations de différentes sources indiquant que Rwanda Métals
est contrôlée par le FPR. Entre-temps, d'autres éléments ont été
obtenus, indiquant que l'Armée patriotique rwarzdaise (APR)
figurait parmi les actionnaires de la société Grands Lacs Métals,
qui se livre également au cornnzerce du coltan."
A ce stade, on peut s e demander si c e sont toujours les
"génocidaires" q u e l e président rwandais et son a r m é e
poursuivent à des milliers de kilomètres à l'intérieur du territoire
congolais au point d'être considérés par les citoyens de ce pays
comme une force d'occupation. A moins que, la poursuite des
"génocidaires" et l e trafic des diamants soient tout à fait
Les secrets du génocide ~waizdais

conciliables pour ramener la paix aux frontières du Rwanda. Le


plus important est lorsque le chef de 1'Etat en personne, perd toute
dignité. Le rapport du groupe d'experts des Nations-Unies est sur
ce point éloquent : " Bierz que sa position sans l'appareil dlEtat
par rapport a l'exploitatior~de5 re5soltrces ~zatul-ellesde la
République Dénzocratique du Coizgo et a la pozrrsuite de la
guerre ait évolué, sorz rôle est resté décisg Ce rôle se situe szrl-
trois plans : le plan de ses relatiolzs avec les nil lieux d'affaires
iwandais actifs erz République Dénrocl-atique du Congo, le plan
d u corztôle qu'il exerce sur l'arnzée et le plarz des stl-uctzci-e5
ii~zpliquéesdans les activités illégales.
Selolz des source5 fiables, le président Kagarne elztretieizt des
rapports étroits avec des hornr~zesd'affaires rwa~zdaisde prenzier
plan. Ainsi, par exenzple, il entretient de bonnes relatiorzs avec le
"propriétaire" de Jarlzbo Safari, M. Modeste Makubusa. Il est
également proche d'Aljred Khalissa, 'Iforzdateur de la Banque de
Commerce, de Développenzerzt et d'Industrie (BCDI)" et ancien
directeur de la Banque de conzlnerce et de développenzent
(BCD). Les mêmes sources ont déclaré au groupe d'experts que
le président Kaganze est proclze de Tibère Rujigiro, dont le
généreux appui financier au Front patriotique iwarzdais pendant
l a guerre d e 1 9 9 0 - 1 9 9 4 e s t bierî connu. M. Rujigiro e s t
actionnaire de la Tristar I~zvestnzerîtConzpany et entretient des
rapports étroits avec le Front populaire rwandais. Ce proclze
collaborateur du président Kagalne entretient lui-même des
relations d'affaires avec Faustin Mbundu, connu pour 5es
activités de marchand d ' a n t ~ e s .Tous ces hommes d'affaire5
présentent une caractéristique commune : ils sont directenlerît
impliqués dans l'exploitation des ressources ~zatzsrellesdans les
zones sous contrôle rwandais. Des sources variées ont déclaré
au groupe d'experts que chacull d'eux a, a un moment ou à un
Kagarne et la guerre des dianzarzts au Corzgo

autre abérzéficié d'un "coup de pouce" du présiderzt.


Lorsqu'il était ministre de la Défense, le président Kagaine a
réorgarzisé ou approuvé la réorgarzisation de l'armée rwandaise
et du ~niizistèrede la Défense, qui a débo~~clzé sur la création du
milzistère des Relations extérieures où se trouve le "Bureau
Corzgo". C e bu?-eau a été la clef de voûte des opérations
finalzcières de 1 'Ar~iléepatriotique rwandaise (APR). Le ministre
de la Défense de l'époque ne pouvait inarzquer d'être au couralit
du mode de fonctionrlemerzt de 1'APR et de ses opérations au jour
le jour:
Dellx sources très fiables orzt déclaré au groupe d'experts
qu'en septembre 1998 lors d'une réunion avec des représentants
du RCD et des officiers supérieurs de Z'APR, le pésident Kagarne,
alors vice-présiderzt, avait informé les participarzts de la nécessité
de lever des fonds à hauteur de 50 millions de dollars des Etats-
Urzis pour atteindre Kinshasa en deux ~~zois.
Enfin, lorsqu'il a été confronté à la question de l'imnplicatiorz de
Z'APR d a n s l'exploitatio~zd e s richesses d e la République
Démocratique du Congo, le président a déclaré, dans une
interview a la radio, que certains citoyens rwandais exerçaient à
titre privé d e s activités cor?lrnerciales e n République
Dénlocratique du Congo. Faut-il voir dans cette déclaration une
tentative délibérée d'abuser un certain nombre de partenaires du
Rwanda ou l'efet d'un manque d'information du président sur la
question ? Toujours est-il que le président avait admis a une
occasiolz précédente que le coizflit eiz République Démocratique
du Congo se finançait lui-mênze. Pris ensemble, tous ces éléments
révèlent le degré auquel le président a connciissance de la
situation, s o n approbation i l ~ l p l i c i t ede la p o ~ t r s u i t e de
l ' e x p l o i t a t i o n illégale d e s ressources d e la République
Démocratique du Congo et, d'une certaine façon, sa complicité
Les secrets du génocide rwaildais

airzsi que sa resporzsabilité politique et rnorale. "


Dans cet imbroglio politico-financier, l'ONU et la
communauté internationale sont restées longtemps silencieuses.
On se rappelle pourtant que la même occupation territoriale au
Koweït avait coûté au président irakien Sadam Hussein des
frappes aériennes et une condamnation internationale. Kagame,
lui, n'a rien à craindre. Génocide oblige.
Certains diplomates aux Nations unies regrettent pourtant cette
passivité de la communauté internationale à l'égard du Rwanda.
Ses principaux bailleurs de fonds bilatéraux, dont les Etats-Unis,
le Royaume-Uni, l'Allemagne et la Belgique s'enferment dans un
mutisme surprenant. Leur aide financière à 1'Etat rwandais reste
cependant colossale. Les fonds alloués à ce petit pays enclavé
sont destinés à lutter contre la pauvreté. Les secteurs privilégiés
sont la santé, l'éducation, la justice, les droits de l'Homme et la
bonne gouvemance. A plusieurs reprises, les autorités rwandaises
ont pu bénéficier d' aides directes dans ces différents domaines.
La balance de paiement du Rwanda montre d'ailleurs que le
budget de 1'Etat a largement été soutenu par l'aide extérieure,
passant de 26,l millions de dollars US en 1997 à 5 1,5 millions de
dollars US en 1999. Qu'a-t-on fait de cet argent ? Pas grand
chose. Sur le terrain, la réalité reste effrayante. Les prisons restent
toujours surchargées, l a justice est au point mort, les
établissements scolaires primaires, secondaires et supérieurs sont
à l'abandon, la pauvreté est plus que jamais omniprésente dans la
vie quotidienne des Rwandais. Dans le même temps, on observe
que ce pays consacre près de 29 9% de son budget annuel à la
défense ou plutôt à la guerre en République démocratique du
Congo. Le montant consacré actuellement au budget militaire est,
d'environ 70 millions de dollars US. Ce chiffre, communiqué par
le ministère rwandais de la Défense, est officiel. Pourquoi les
Kagatne et la guerre des diamants au Congo

partenaires bilatéraux du Rwanda ne manifestent-ils aucune


indignation ou inquiètude devant cet usage inapproprié de l'aide
internationale ? Même le groupe d'experts des Nations-Unies qui
a travaillé sur le pillage des ressources en RDC s'est interrogé sur,
cette fois, le silence des bailleurs de fonds multilatéraux et en
particulier la Banque mondiale : "La question se pose donc de
savoir si la Banque nzondiale a pour politique, lorsqu'elle traite
avec ses clients, de faire cornlne si les questions (sensibles ou
non) de gouverrzarzce au sens large n'existaient pas". Les experts
soulignent que :" l'on~breportée par la Banque nzondiale sur le
corzflit en RDC est encore plus apparente sur le plan budgétaire".
Car, précisent-ils :" la balance de paienzeizts de l'Ouganda et dzi
Rwarzda revèle une augnzentation notable de leur endetternent à
long tenne au titre du soutien au Budget".
Ceci veut dire que l'argent que l'on accorde à ces pays et qui
est utilisé à d'autres fins ne contribue pas à leur prospérité. Pis, il
augmente leur dette extérieure à long terme. Ceux qui réclament à
cor et à cri l'effacement de la dette des pays africains n'ont qu'à
ouvrir les yeux maintenant sur ce qui se passe au Rwanda. Dans
vingt ou trente ans, tout le monde va s'étonner de voir ce pays
encore plus pauvre qu'aujourd'hui et sans doute incapable de
rembourser ses dettes. Il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que
Kagame est entrain d'hypothéquer la paix et l'avenir de son pays.
C'est maintenant qu'il scelle l'avenir des enfants rwandais.
Lors du vingtième s o m m e t franco-africain à Paris, en
novembre 1998, le président Chirac avait sorti de ses tiroirs le
projet d'une conférence régionale sur la sécurité dans les Grands
Lacs. Ce projet semble aujourd'hui mort-né. Les rivalités franco-
américaines ont-elles eu raison de cette initiative ? On peut
néanmoins observer que les expéditions militaires de Kagame en
RDC, tout comme les atteintes aux droits de l'Homme dans son
Les secrets du génocide rwandais

pays, n'ont jamais suscité la moindre critique à l'étranger.


Si les Occidentaux ont réagi timidement à l'attaque contre la
RDC, c'est aussi parce que Laurent-Désiré Kabila avait, au début,
adopté une position, pour le moins, ambiguë aux yeux de ses
partenaires rwandais et ougandais.
Lorsque Kagame et Yoweri Museveni avaient décidé de l'aider
à renverser Mobutu, Kabila auraient signé avec eux des accords
secrets qui permettaient au Rwanda et à l'Ouganda de s'incruster
en République démocratique du Congo.
Ce protocole d'accord intitulé "Accords de Lemera" stipulait
dans son article 4 que: "LrAllia?zces'engage à céder 300
kilomètres aux frontières congolaises, à l'intérieur du pays, pour
sécuriser ses voisins ougandais, nilandais et bururzdais corztre
l'insurrection rebelle". Comme on le voit, il était ici question de
céder une partie du territoire zaïrois à l'Ouganda, au Rwanda et
au Burundi pour des raisons de sécurité. Les choses seraient
peut-être simples s'il ne s'agissait que de cela. Mais là où tout
s'est compliqué c'est lorsque l'article 5 du même protocole
affirme :"Dès que l'Alliance aura remporté la victoire, une
rétribution spéciale sera allouée aux alliés. Sa détermination est
de la compétence de l'instance supérieure de l'Alliance". Ce
fragment de texte est devenu la pomme de discorde car il n'a
jamais précisé ni la nature de la rétribution ni qui en seront
explicitement les bénéficiaires. Quand bien même on pouvait
imaginer qu'il s'agirait du Rwanda et de l'Ouganda, rien ne
permet dans ce texte de les identifier. C'est aussi pourquoi Kabila
pouvait à juste titre accuser Kagame et Museveni de pillage en
République Démocratique du Congo. Ajoutons à cela que
l'Alliance a finalement éclaté après la victoire de Kabila. Ces
accords seraient donc l'une des raisons pour lesquelles l'Ouganda
et le Rwanda maintiennent toujours leurs armées en RDC. L'alibi
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Kagame et la guerre des dianzalzts au Congo


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sécuritaire qu'ils utilisent pour justifier leur engagement militaire -


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sur le territoire congolais est donc discutable. La réalité est que ...
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cet accord n'a aucune valeur légale et aucune signification sur le ...-.-..
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plan juridique. C'est un pacte qui a été établi entre des gens qui --
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étaient à l'époque considérés comme des maquisards. ======


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Au moment où ces accords se ficelaient, Kabila prenait -


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également des engagements auprès des entreprises américaines


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avril 1997, un mois avant l'entrée des troupes de Kabila à ...........-


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Kinshasa, que l'AFDL, qu'il représentait, signait trois accords ...........................
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avec 1'American Minera1 Felds Inc (AMFI). Cette entreprise, -
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créée en 1995, est en réalité une multinationale canadienne dont -

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le siège se trouve dans l'Arkansas (Etats-Unis). Le protocole -


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d'accord signé avec I'AFDL visait : -


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1) La réalisation d'un projet d'extraction de cuivre et de cobalt au . ... ...
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Sud du Zaïre, précisément à Kolwezi, une riche ville minière où -
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l'armée française était intervenue en 1978 sur décision du --
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président Giscard d'Estaing. Le montant de ce projet était estimé à -
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200 millions de dollars. -=-
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2) La construction d'une usine d'extraction du cobalt à partir de -
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résidus du cuivre non loin de Kolwezi. Des experts affirment que -


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cette région regorge d'une grande variété de minerais, tous . -
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concentrés sur une superficie réduite et sur une profondeur -
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d'environ 1000 mètres. Le coût de l'opération a été estimé à 30 -.p--.
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millions de dollars ; --
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3) La construction d'une usine de traitement de zinc sur le même


site pour un investissement de plus de 550 millions de dollars.
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Tous ces projets et les sommes en jeu peuvent donner du A


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vertige aux lecteurs et à tous ceux qui ne connaissent pas la RDC. --
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La vérité est que les potentialités de ce pays sont énormes et -

inimaginables. Elles ont toujours aiguisé l'appétit des grandes


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Les secrets du génocide i-ii/andais

entreprises européennes et américaines et ont toujours été une


source régulière de tension aussi bien entre Congolais qu'entre
puissances étrangères.
Pour mener à bien la guerre qui a abouti à la chute du président
Mobutu, 1'AFDL avait bénéficié. l e 2 mai 1997, soit deux
semaines avant la chute du chef de 1'Etat zaïrois, d'une avance
financière d e près d e 50 millions d e dollars. Lorsque les
télévisions internationales montraient les treillis neufs et les
armes des jeunes soldats de l'AFDL, nul ne pouvait, à ce moment-
là, dire avec précision d'où venaient ces importants moyens
militaires. Tout le monde soupçonnait les Américains. Mais quels
Américains ? Dans l'esprit du grand public, c'était probablement
l a Maison blanche qui était derrière Kabila. Pas forcément.
Jusqu'ici, peu de personnes savent que de grandes entreprises sont
désormais capables de provoquer, d'entretenir ou de soutenir des
ccnflits armés dans certains pays en fonction de leurs intérêts. En
1997, lorsque 1'AFDL s'était emparée de la ville de Kisangani
(Nord du Zaïre), les responsables de l'AMFI, en ont profité pour
installer leurs bureaux à Goma, une ville frontalière entre le Zaïre
et le Rwanda. C'est-là qu'ils vont entrer en contact direct avec
Kabila grâce à un colonel belge en retraite : M. Willy Mallants.
Ce dernier était devenu le conseiller militaire de I'AFDL après
avoir été celui de Mobutu. Son rôle sera très ambigu en RDC
pendant cette période. Il a créé, avec un groupe de Congolais, un
mystérieux Conseil de la République Fédérale Démocratique du
Congo dont il est le président (voir organigramme annexe 14).
Dans une conférence de presse tenue le 26 mai 1998 à l'hôtel
Méridien à Bruxelles, il délivrait un étrange message à la presse :
" E n r a p p o r t a v e c r?zor~appel d u 15 inai l a n c é a u peuple
congolais, dans un sz~rsazrt~îationalet ayarlt décidé de prendre
leurs responsabilités, ïn'ont approché et m'ont demandé de
Kaga~îzeet ln guerre des dianzants au Congo

nz'associer à eux dans leur conzbat civil et pacifique pour


l'instauration, an Congo-Kinshasa, d ' u n Etat de droit,
délîzocratique, respectable et responsable". Le paradoxe est que
ce colonel associé aux Congolais est plutôt celui qui dirige les
opérations. C'est du moins ce que prouve l'intégralité du texte de
la conférence de presse (voir annexe 15). Etait-ce donc un parti
politique ou un mouvement aspirant à prendre le pouvoir ?
Toujours est-il que cette initiative se prenait à l'ombre et dans le
dos de Kabila.
Si Kagame s'est facilement incrusté en RDC, c'est surtout
grâce aux Congolais d'origine rwandaise communément appelés
Banyamulenge. Qui sont-ils ? Les historiens considèrent que les
premiers groupes ancestraux des Banyamulenge sont arrivés, il y
a 200 ans dans ce qu'on a successivement nommé le Congo belge
puis le Zaïre, et finalement la République démocratique du
Congo. Ce groupe s'est constitué à partir de trois grandes vagues:
une première vague originaire du Rwanda, une deuxième en
provenance du Burundi, une troisième de Tanzanie. Elles ont
progressivement réussi à s'intégrer comme membres à part entière
de la société congolaise.
Les Banyamulenge résidaient dans la province du Sud-Kivu et,
en 1996, à la veille de la première guerre congolaise, leur nombre
était estimé à 400 000 personnes. Comme on peut le voir, ils ne
sont pas tous des tutsi, même si une majorité affirme avoir des
ancêtres dans ce groupe. Soulignons que le FPR et Kagame ont
utilisé ce groupe de population pour justifier leur occupation et
leur installation en RDC. Il est aussi vrai qu'une partie d'entre eux
a toujours eu des revendications communautaires semblables à
celles du FPR bien que résidant au Zaïre.
Certains Congolais nourrissent aujourd'hui, du fait de la guerre
avec le Rwanda, une animosité certaine à leur égard. Il faut dire
Les secrets du génocide m)arzdais

que le comportement de certains Banyamulenge et de certains Banyamulenge. i j ~r b l


Rwandais n'a pas été exemplaire en RDC. Les massacres et les la campagne millt-5
humiliations qu'ont subis les Congolais depuis l'invasion de la régime Mobutu. r,? -r
RDC par le Rwanda compliquent désormais une cohabitation d u Rwanda au 5 r s
jusque-là pacifique entre les Banyamulengue et les Congolais stratégiques qu'ils 1-
autochtones. les Rwandais von[ -XI
Au cours des deux dernières décennies du régime Mobutu, les régime de Kabila
Banyamulenge ont paisiblement vécu au Zaïre. Leurs soucis ont était conscient qu::-4
réellement commencé lors de la conférence nationale zaïroise où l'armée congolaiss 1- i 4~
certains dirigeants remettaient en cause leur mode d'acquisition de cette politique ds z - x
la nationalité zaïroise en dépit du fait qu'ils étaient reconnus de fait exercé par i s
comme un des groupes appartenant au Congo-Zaïre. En août congolais peut ex;-ql
1996, des jeunes Banyamulenge, qui avaient reçu une formation ne fut promu au 52-r
militaire au Rwanda et déserté des unités militaires zaïroises, ont 1997 e t le mois Z r :
pris les armes pour combattre le régime Mobutu. beaucoup d'entre sr-r -N
Deux mois plus tard, ils se sont mis au service de Laurent- d'accueil. Une pa:
Désiré Kabila qui, en mai 1997, est devenu le nouveau président pour le Rwanda lc-- ~iti:
du Congo, après la défaite des troupes de Mobutu. le Zaïre a toujours czt
Au cours de cette attaque, les Banyamulenge ont été appuyés En juillet 195q. 21
par les troupes rwandaises. D ' a b o r d parce q u e certains prendre le contr6:s
Banyamulenge avaient combattu avec le FPR, contribuant à sa détérioration rapidc YS
prise du pouvoir à Kigali en 1994, et ensuite, au lendemain de sa Rwandais. Les trcli-:es
victoire, le FPR s'est trouvé obligé de pourchasser les FAR et les 1'Etat congolais. c c 3
milices Interahamwe, qui lançaient des attaques à partir du Congo. Lorsque :1 YB
territoire congolais, principalement à partir des provinces du Nord Banyamulenge i - 2 - 3
et du Sud Kivu. principale cible d? .
Une fois au pouvoir e n mai 1997, Kabila a nommé des ministres iront jus<- I 1
officiers rwandais à des postes de commandement stratégiques en tutsi" sous- entend^ 2;
RDC. L'exemple de James Kabarebe qui est devenu chef d'état- et son invasion A - 1.i
major de l'armée congolaise en est la meilleure illustration. 11 va emprisonner des ir:. d
occuper ce poste de mai 1997 à juillet 1998. Les officiers l'ennemi et donc 5-1
Kagar~zeet la guerre des diarnarzts au Corzgo

Banyamulenge, qui avaient pourtant joué un rôle clef au cours de


la campagne militaire des différents pays de la région contre le
régime Mobutu, ne seront pas promus, à cause des visées secrètes
d u Rwanda au Congo. A l'époque, grâce a u x positions
stratégiques qu'ils détenaient dans l'appareil militaire congolais,
les Rwandais vont estimer qu'il leur sera possible de manipuler le
régime de Kabila pendant longtemps. Le gouvernement rwandais
était conscient que certains Banyamulenge, tant des militaires de
l'armée congolaise que des dirigeants politiques, étaient opposés à
cette politique de manipulation secrète. L'opposition au contrôle
de fait exercé par le Rwanda sur une partie de l'appareil d'Etat
congolais peut expliquer pourquoi aucun officier Banyamulenge
ne fut promu au sein de l'armée congolaise entre le mois de mai
1997 et le mois d'août 1998. 11 faut aussi reconnaître que
beaucoup d'entre eux n'ont pas toujours été loyaux avec leur pays
d'accueil. Une partie des Banyamulenge a montré sa préférence
pour le Rwanda lors de l'invasion du Zaïre par le FPR. Pourtant,
le Zaïre a toujours été leur terre nourricière.
En juillet 1998, alors que Laurent-Désiré Kabila tentait de
prendre le contrôle total de l'appareil d'Etat, on assistait à une
détérioration rapide des rapports entre le régime congolais et les
Rwandais. Les troupes rwandaises, qui avaient aidé le chef de
1'Etat congolais, se verront signifier un ordre d'expulsion du
Congo. Lorsque la deuxième guerre a éclaté, en août 1998, les
Banyamulenge (les civils et les militaires) vont devenir la
principale cible de l'armée congolaise. Kabila et certains de ses
ministres iront jusqu'à inciter le peuple congolais à "tuer tous les
tutsi" sous-entendu les Rwandais et les Banyamulenge. Kagame,
et son invasion du Congo, a ainsi contribué à faire tuer ou
emprisonner des individus simplement parce qu'ils représentaient
l'ennemi et donc l'envahisseur. Il est incontestable que des
Les secrets du génocide nvaizdais

innocents ont péri pour avoir été pris pour des Rwandais ou pour
des Banyamulenge. On peut craindre de voir la présence des
Banyamulenge totalement remise en cause après le conflit.
La tournure politico-tribale qu'a pris l'invasion du Congo a fait
perdre à beaucoup de Congolais l'esprit de discernement. C'est
vrai que Kagame a eu, dans son intervention en RDC, une
stratégie tribale et économique. L'armée rwandaise qui a envahi la
RDC était essentiellement composée d e tutsi. Les
Banyamulengue en faisaient parti. Mais pas tous. Les Congolais
ont vite oublié que ces derniers avaient aussi un contentieux avec
Kagame. En 1996, l'APR, prétextant des "raisons de sécurité", n'a
pas hésité à déplacer des Banyamulenge du Sud Kivu vers le
Rwanda. Pour certains d'entre eux, ce départ forcé ressemblait à
une déportation. Quelques officiers Banyamulenge s e sont
opposés à ce voyage obligatoire. Ils ont été arrêtés et emprisonnés
au Rwanda pendant neuf mois sans procès. Au même moment,
des dirigeants Banyamulenge seront écartés des structures
politiques d e ~ ' ~ l f i a n cdes
e forces démocratiques pour la
libération du Congo (ADFL).
La politique de Kagame dans cette région est centrée sur le
chaos. Tous les efforts de paix ou de réconciliation, initiés par les
dirigeants des différents groupes ethniques du Sud-Kivu et
d'autres régions de l'Est de la RDC, ont été systématiquement
sabotés par les militaires rwandais basés dans cette zone. Peut-on
espérer que l'esprit de tolérance va revenir, à la fois, dans les têtes
des Congolais et dans celles des Rwandais pour que chacun
transcende la culture de la haine et de la mort instaurée, avec
succès, par Kagame et les siens dans cette région ? Des innocents
ont péri pour avoir été pris pour des Rwandais ou pour des
Banyamulenge. On peut craindre d e voir la présence des
Banyamulenge totalement remise en cause après le conflit.
àit
Et Assassinats de Rwandais
ne
1a et de prêtres occidentaux
ei
tis La prise du pouvoir de Paul Kagame avait rassuré beaucoup de
e= tutsi mais aussi certains hutu qui avaient cru que le FPR allait
ia instaurer la démocratie au Rwanda. Cet espoir s'est
le malheureusement transformé en cauchemar pour les uns et les
:à autres. Derrière le discours lisse et pondéré qu'utiliseront souvent
nt les autorités rwandaises, on verra d'étranges assassinats toucher
és aussi bien des Rwandais en exil que ceux de l'intérieur.
Lt En 1994, l'armée rwandaise qui accompagnait Laurent-Désiré
ES
Kabila dans sa conquête du pouvoir a procédé à un véritable
la ' nettoyage ethnique dans les camps de réfugiés situés à l'Est du
Zaïre. Grâce à de multiples sources de renseignements, les
stratèges militaires de l'armée rwandaise ont pu étudier les
mouvements exacts de leurs populations réfugiées au Zaïre. Des
centaines de milliers de Rwandais, considérés comme des
"génocidaires", ont ainsi été massacrés puis ensevelis dans des
fosses communes. Des organisations humanitaires comme Human
Rights Watch ont considéré qu'il fallait faire la lumière sur ces
massacres. D'abord silencieuse du fait de sa mauvaise conscience
à l'égard du génocide, la communauté internationale va finir par
réagir en demandant une enquête sur le massacre des réfugiés
hutu au Zaïre. Kabila va opposer une fin de non recevoir à cette
demande. Il ira même jusqu'à expulser les inspecteurs de l'ONU
chargés de mener des investigations dans la région concernée. Il
Les secrets du génocide nvarldais

avouera après sa brouille avec Kagame qu'il y a eu des assassinats était


de hutu dans les camps de réfugiés. Aucune enquête n'a pu établir après
jusqu'ici, l'ampleur de ces massacres. Deux commissions Il
d'enquête de l'ONU avaient néanmoins réussi à tirer la sonnette noml
d'alarme sur les massacres des civils rwandais en RDC. Celle qui tueur
a le plus gêné Kagame et son allié Kabila est incontestablement la plusi
mission conduite en mars 1997 par Roberto Garreton, le tonnt
rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l'Homme préfé
en RDC. Elle avait conclu à la présence de nombreuses fosses Di
communes et à des massacres de grande envergure à l'Est du "Rwz
Zaïre. Le rapport Gerreton citait par exemple :"Birarnbizo (zorze et d'e
de Masisi, Nord-Kivu) : au début de jarzvier, les soldats orzt "De
assiégé la ville, mis les ecfarzts à part et tz~éleurs pareizts devant disp
eux. Les corps orzt été jetés derrière l'église et il a fallu payer 3 les p
dollars pour les récupérer:" 75 metn
Pendant toute cette période, la propagande du FPR allait bon corp:
train. Menée avec une redoutable efficacité, elle a permis à donn
Kagame et à ses militants d'endormir tout le monde. Même sold
Washington n'avait pour eux que les yeux de Chimène. Les hutu
Américains, qui ne voyaient pas ou ne voulaient pas voir que rég ic
l'attitude du gouvernement rwandais était exécrable en matière de avait
droits de l'Homme, vont découvrir avec émoi le rapport du qui c
consultant Robert Gersony. Ce travail, financé par llUSAID, va les cl
faire bondir Washington. Il va révéler que plus de trente mille de ci
exécutions sommaires ont été menées entre juin et septembre ligot
1994. Sans le savoir, M. Gersony venait de jeter un pavé dans la Ce LLJ
mare. Au département dtEtat, comme aux Nations unies, on a Rute,
préféré se taire. Le rapport du consultant américain, précis et riche Kaz6
en témoignages de réfugiés, va disparaître de la circulation. Il prob,
niêm
75 - Cf. Rapport sur la situation des Droits de l'Homme au Zaïre du 2 avril habi
1997.
Assassinats de Rwandais et de prêtres occidentaux

était pourtant le prélude de ce qu'allaient vivre, quelque temps


après, les Rwandais de l'intérieur.
Il est aujourd'hui impossible d'établir une liste exhaustive du
nombre de Rwandais tombés sous les balles des soldats ou des
tueurs du FPR. Les victimes sont si nombreuses qu'il faudrait
plusieurs commissions d'enquête et probablement plusieurs
tonnes de papiers pour constituer les listes des victimes. Nous
préférons évoquer ici quelques cas significatifs.
Dès octobre 1994, un rapport d'Amnesty International, intitulé
"Rwanda, l'armée patriotique rwandaise responsable d'homicides
et d'enlèvements", mettait déjà en lumière le vrai visage du FPR :
"De nombreuses informations ont fait état d'enlèvenzerzts et de
disparitions imputables au FPR depuis avril 1994. On craint que
les personnes enlevées ou disparues n'aient été tuées et que les
rnernbres du FPR ne se soient débarrassés secrètement des
corps." Dans son enquête, l'organisation des Droits de l'Homme
donne des détails plutôt accablants : "Vers lafin de mai 1994, des
soldats de 1'APR auraient procédé à l'arrestation de nornbreux
hutu qui avaient quitté le Burundi pour rentrer chez eux dans la
région de Muhutu. Presque toutes les personnes interpellées
avaient été ligotées selon la nzéthode des "rois liens" [méthode
qui consiste à attacher les coudes au dos et à ligoter les genoux et
les chevilles des victimes]. C'est ainsi qu'une dizaine de soldats et
de civils tutsi armés, récenzment rentrés d'exil, auraient arrêté et
ligoté tous les hornrnes adultes et les adolescents de Muhutu.
Ceux-ci auraient été détenus dans un enclos appartenant à
Rutekeleza avant d'être tués. Parmi les victimes figurait Leodornir
Kazadi, dont la tête aurait été écrasée avec un objet contondant,
probablement une houe. D'autres victimes auraient été tuées de la
nzême façon. Cette tuerie, entre autres, a incité de nornbreux
habitants de la région à s'enfuir au Burundi. Selon certaines
Les secrets du génocide rwandais

sources, des personnes qui tentaient de s 'enfuir- auraierzt été


abattues alola qu'elles traversaient la rii~ièr-eAkarzyarz~,qui forme
la frontière du Bururzdi.
Au début de juin 1994, une centaine d7zonznzes, de fenwizes et
rl'elzfants auraient été arrêtés par- 1 'APR dans la nzêrne région et
détenus dans urz enclos pendant une jounzée. Ils ont ensuite été
enzmenés vers la conznzurze de Muyira, d'où le ténzoin qui s'est
entretenu avec les représentants [le l'organisation et au nloirzs six
de ses proches ont réussi à s'enfz~ir.Tous présentaient des
cicatrices résultant de la méthode des "trois lierzs". Cet honziize et
rl'autres personnes sont revenus dans la région après le départ
des soldats de Z'APR. Ils orzt constaté que plusieurs dizaines de
ceux qui avaierzt été arrêtés par 1'APR avaient été tués. Leurs
corps ligotés étaient entassés dans une fosse à ciel ouvert creusée
dans un enclos appartenant à Gakwayiro. "
11 faut dire qu'à cette période, Amnesty International est parmi
les rares organisations des droits de l'Homme à dénoncer les
horreurs des hommes de Kagame. En 1995, une enquête de la
Commission des Droits de l'Homme des Nations unies menée par
l'Ivoirien Dégni-Ségui avait aussi mis le doigt sur les graves
atteintes aux droits humains du régime de Kigali. Un an après le
génocide, voici ce que constatait le rapporteur spécial des Nations
unies au Rwanda :"Les arrestations et détentions auxquelles
procèdent les autorités ~wandaisessont arbitraires en ce qu'elles
heurtent frontalement tant les règles prescrites par la législatioiz
rwandaise elle-nzême que les nornzes internationales pertinentes.
D'après la procédure pénale rwandaise, l'arrestation d'une
personne présunlée auteur d'une iifractio~zdoit être efectuée sur
la base d'un lnalzdat d'arrêt délivré par le procureur de la
République. La durée légale de la détention est de 48 heures.
Celle-ci peut être prolongée mais la prolongation ne peut excéder
Assassi~zatsde Rwandais et de prêtres occiderztaux

cinq jours. Au-delà de ce délai, si le parquet souhaite illaintenir


en détention la personne arrêtée, il doit la présenter au tribunal
de première instance, qui statue, en chambre du corzseil, sur la
r7zise erz détention préventive qui peut aller jusqu'à un rrzois ou qui
décide de la libération provisoire ou définitive du détenu en cas
de non-lieu. Or la quasi totalité des arrestations et des détentions
opérées depuis la fin des hostilités l'oizt été ai1 nzépris des règles
énoncées ci-dessus, qui, du reste, reflètent les pl-incipes
fondamerztaux des Nations unies relatifs aux traitements des
détenus." Et le rapport de préciser :"Le nombre de personnes
arrêtées puis détenues s'est accru depuis quelques nzois. Au 29
rnai 1995, le nombre de détenus dans les prisons et centres de
détention accessibles aux observateurs des droits de 1'Honznze
était de 29 403. En réalité, la population carcérale sur tout le
territoire rwandais était, fin nzai 1995, estinzée à plus de 42 000,
conzme l'évalue le dernier rapport du Secrétaire général sur le
Rwanda (S/1995/457 du 4 juin 1995). Celle-ci était passée de 25
000 à 42 000 détenus, de fin février à fin nzai, on est passé de 25
000 à 42 000 détenus, soit 17 000 de plus en trois nzois, près de
6000 nouveaux détenus par mois, soit encore 1500 par semaine.
Ces arrestations et ces détentions se déroulent daiîs des
coiîditions telles que les autorités rwandaises elles-mênzes, tout
particulièremerzt l'ancien procureur de la République près le
tribunal de première instance de Kigali, reconnaissent que plus
de 20 à 30 % des prévenus sont innocents." Ce rapport va encore
plus loin lorsqu'il décrit les conditions de détention ,de personnes
dont plusieurs sont innocentes : "Il est extrênzernerzt dificile au
visiteur de se frayer un chenzin à travers cette nzasse humaine
exposée au soleil et aux intenzpéries. C'est ainsi qu'il a été
impossible au Rapporteur spécial, lors de sa visite du 31 mars
1995, de circuler à lfirztérieur de la prison de Gitaranla.
Les secrets du génocide rwandais

Irnnzobilisés et à la nzerci des irztenlpéries, les détenus nzangerzt,


boivent e t défèquerît sur place. Cette situation "tragique"
n'épargrze ni les vieillards, ni les fenunes, ni nzêrne les erzfarzts.
Ces derniers conzpterzt parmi eux des personnes âgées de nzoirzs
de I l ans. C'est ainsi qu'à la prison de Kigali, 011 corlzpte 278
mineurs et 70 erzfarzts acconzpagnés de leurs mères. Le rapporteur
spécial a été affecté de voir à la prison de Kigali un garçon de 7
ans accusé d'avoir participé au génocide." 76
C'est ainsi que le général Kagame et son équipe ont commencé
à "reconstruire" le Rwanda dès leur arrivée au pouvoir. Sans
parler des tortures qui ont trouvé leur mode d'expression le plus
élaboré auprès de ces pauvres prisonniers. Là encore, difficile
d'imaginer que des personnes, en bon état de santé mental,
puissent agir de la sorte :"De la bastonnade se rapprocizerzt les
divers coups assenés par les irzstrzinzerzts autres que des bâtons.
Ce sont notamment des coups de n~acizetteà plat sur les épaules,
les co~ipsde pied, les coups de tournevis dans le dos et sur la tête,
qui provoquent des plaies ; des coups de crosses, qui font des
trous dans les pieds ; les coups de matraque, qui laissent des
marques sur la tête et au dos ;les cozrps avec une chaîne liée à un
cadenas, qui provoquent des blessures ;les coups aux fesses
laissant des blessures ouvertes." 77
Comment les partenaires bilatéraux ou multilatéraux du
Rwanda ont-ils pu se taire devant des atrocités pareilles ?
Comment peut-on croire que Kagame, à l'époque vice-président
de ce pays, ait été considéré comme un digne représentant de la
nouvelle génération des dirigeants africains ? Au fil du temps, la
soif de tuer va s'intensifier et devenir inextinguible.

76 - Cf. Rapport sur la situation des Droits de l'Homme au Rwanda,


E/CN.4/1996/7 du 28 juin 1995.
77 - Cf. Rapport sur la situation des Droits de l'Homme au Rwanda, op. cit.
Assa,s.sirzats de Rwandais et de prêtres occidentaux

Début 1996, une campagne du FPR demandant le retour des


réfugiés rwandais dans leur pays est lancée. Elle tendait à faire
croire que les réfugiés rwandais pouvaient rentrer chez eux sans
crainte. Finalement, elle sera un piège. Une centaine de soldats
des ex-FAR, rapatriés du Gabon en 1997, va l'apprendre à ses
dépens. Une fois à Kigali, ils croyaient que tout allait être
entrepris pour que leur retour dans les casernes se déroule
normalement. Au contraire, dès qu'ils ont atterri à l'aéroport de
Kanombe, ils ont été mis dans des camions militaires et conduits
vers des destinations inconnues. Leur sort a été réglé par des
exécutions sommaires.
La violence de 1'APR n'a pas épargné les Occidentaux. L'église
catholique a payé un lourd tribut après la prise du pouvoir de
Kagame et de ses hommes. Parmi leurs victimes. il y a le père
Vallmajo, de nationalité espagnole. Il a été tué en avril 1994 et la
façon dont il a été éliminé confirme bien les accusations
d'Amnesty International sur les "homicides et les enlèvements de
l'APR1'.Nous avons obtenu le témoignage d'une religieuse de la
Congrégation des Sœurs de Notre-Dame du Bon-Conseil. Pour
des raisons de sécurité, nous avons volontairement dissimulé les
noms de l'auteur et du destinataire de ce document daté du 22
août 1994, soit cinq mois après la prise du pouvoir par le FPR."
En écrivant ces lignes sur les derniers jours du père Joaquirn
Vallmajo, je .suis très érnue car je le se1z.r tellement proche de
Dieu, de ses confrères et de sa.faniille.
Depuis le 7 avril, nous ne pouvions plus sortir du portail
entourant notre terrain. C'était le lendemairi d u jour o ù le
président fut tué. Le père Joaquim était avec nous, s'occupant, erz
rendant yrre1que.s petits .services et en lisant. Le 21 avril, il décida
de faire sa retraite annuelle, en attendant de retourner à Muhura.
Plusieurs fois, il avait demandé aux ofliciers du FPR de le laisser
Les secrets du génocide rwandais

aller là-bas. Il voulait à tout prix y retourner pour y retrouver ses


confrères de qui il était très inquiet. Il désirait surtout aider les
nombreux déplacés du camp. Les officiers lui laissaient toujol~rs
entendre que leurs chefs étudiaient la questiorz. Le 25 avril, des
militaires sont venus. C'étaient des onusiens. Ils verzaielzt à
Byunzba pour rapatrier des religieux belges ainsi qu'une
religieuse brésilienlze qui s'étaient réfugiés à Byunzba, depuis
quelques jours. A notre demande, deux militaires de l'ONU out
accepté de se rendre à Rwesero afin de s'enquérir du sort de nos
onze jeunes sœurs rwandaises qui étaient là-bas. Le père Joaquim
a demandé de les accompagner. Encore, il voulait demander aux
militaires du Front patriotique rwandais si la route était sécurisée
jusqu'à Muhura et même jusqu'à Nyagahanga. A la première
barrière, on a refusé de les laisser passer, prétextant que les
routes étaient minées !
Un FPR, gardien de la barrière, a reconnu le père Vallmajo et
lui dit : "Je te connais, toi, tu es disciple de Mgr André Perraudin
!Dans tes homélies tu as mal parlé de nous à plusieurs reprises,
tu as dit que les FPR seraient damnés tu paieras cela un jour !"
Et il a continué de l'insulter, en présence des onusiens. En nze
racontant cette conversation, le père Joaquim était très
bouleversé et encore sous le choc. Ce jour-là, il aurait pu partir
avec les militaires de l'ONU. "Mes confrères de Mutzura ont
besoin de moi" me dit-il. Je veux mentionner ici que, lors des
visites des officiers, il avait envoyé un message à sa chère maman
et un autre à son supérieur de Kigali pour dire qu'il était vivant et
en sécurité ! Le 26 avril, vers 14 h 40, des oficiers du FPR, ainsi
que 4 militaires armés, sont venus chercher le père Vallmajo. Ils
étaient derrière la maison. Au moment où je suis arrivée, ils
demandaient à une sœur novice d'aller chercher le père. Tout de
suite, l'officier nz'a dit que ses chefs voulaient le voiq car il a vu
Assassirzats de Rwarzdais et de prêtres occirlerztazcx

la surprise et l'irzquiétude sur r~zorzvisage. Tout serrzblait tellemerzt


si rr~j~stérieux !Le père rz 'a pas tardé à venir: L'officier lui a dit de
rrzorlter dans la canziorzrzette apparterzarzt a u C D D (Comité
Diocésairz du Développenzerzt) "Nos chefs veulent vous voir", dit -
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..... -
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l'officier: Le père a souri, il jl avait tellerrzerzt lorzgterrzps qu'il -


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voulait les rencotztrer: -


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Au r~zorrzentde rnorzter rlnrzs la voiture, le père Joaquirrz a fait -
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.......
-..........
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un grarzd signe de croix avec beaucoup de recueillement. Avait-il -
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- -. ...
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........-..
.-.-
urz presserztirnent ? Pensait-il au pire ? Puis il rzous a envoyé la -
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-. ...
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---- ...
main en nous disant : "Je reviendrai darzs quelques r~zirzutes."Un -
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......
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r~zilitairearmé est nzorzté avec lui et rzous ne l'avorzs jamais revu ! -


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Ce même joul; à la même heure, les trois prêtres de la paroisse -


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ont été anlenés et rze sont jamais revenus. (...) -


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Que sorz sarzg, ainsi que celui de tous ceux qui sont rrzorts -
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durant cette guerre, retombe sur ce pays du R~t.iialzrla,afin que -
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fleurissent la paix et l'amour:" -
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Signé sœur Fabienne (voir annexe 16). -
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Le 17 octobre de la même année, ce sera au tour du père -


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Claude Simard, de nationalité canadienne, d'être abattu. Une -


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enquête avait été menée sur sa mort par le capitaine Tim Isberg -
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d'Edmonton. -
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Deux autres prêtres canadiens, le père Duchamp et le père -


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Pinard ont également été tués au Rwanda sous le régime d e -


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Kagame. Ces Occidentaux étaient incontestablement des témoins -


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gênants d'un pouvoir ivre de sang et obsédé par le crime. Cette


obsession criminelle ne s'est jamais arrêtée aux frontières du
Rwanda. L a plupart des exilés rwandais vont être l'objet
d'assassinats jusque dans leur ultime refuge. Ce sont surtout des
-
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personnalités proches du pouvoir et du parti de Kagame qui -
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seront tuées dans des circonstances obscures. Nous nous sommes
penchés sur deux cas significatifs : celui de Theoneste Lizinde et

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Les secrets d u gérzocide iwarzdais

de Seth Sendashonga, tous membres du FPR et très proches de


Kagame.
1- Theoneste Lizinde
Cet homme, comme nous l'avons vu au chapitre 2, avait quitté
les FAR pour travailler avec 1'APR dirigée par Kagame. Il avait
même été nommé préfet de Byumba (Est du Rwanda) après la
prise de pouvoir de Kagame. A la suite d'une mésentente avec le
régime de Kigali, il a quitté le pays et s'est réfugié au Kenya. En
1996, il a été assassiné dans des circonstances mystérieuses. Peu
d'éléments ont été fournis sur sa mort. Selon notre enquête, il a
é t é enlevé a v e c son a m i Augustin Bugilimfura (homme
d'affaires). Le jour de leur enlèvement, dont l'heure se situe entre
20h et 21 h, ils étaient entrain d e discuter au jardin situé à
l'extérieur de l'appartement de Lizinde. Ce dernier avait, selon ses
proches, l'habitude de recevoir ses visiteurs dans son jardin. Cette
attitude se justifiait par le fait que son appartement était étroit et
parce qu'il ne souhaitait pas mêler sa famille à ses discussions
d'ordre professionnel. U n fait important est q u e son ami
Bugilimfura était en contact avec des hommes d'affaires tutsi
basés à Kigali. Ces hommes d'affaires, qui souhaitaient l'aider à
résoudre un contentieux bancaire dans la capitale rwandaise,
travaillaient avec le régime de Kagame. Certains étaient des
informateurs des services de renseignements rwandais. Lorsqu'ils
seront enlevés dans le jardin, ils s'apprêtaient juste à franchir le
portail pour faire un tour à l'extérieur. C'est là que leurs ravisseurs
vont surgir avant de les embarquer loin de la capitale kenyane. T

Peu après, ils seront abattus dans la forêt. Certaines sources


affirment que Lizinde a été tué sur le coup alors que son ami
Bugilimfura a succombé le lendemain. Il aurait crié au secours
toute la nuit sans succès. Car les voisins qui avaient entendu les
coups de feu peu avant n'ont pas osé sortir de leurs maisons. Les
Assassinats de Rwandais et de prêtres occidentaux
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témoignages sur la disparition de Lizinde sont extrêment rares
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dans la mesure où aucune enquête n'a été ouverte pour retrouver


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ses assassins. -
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Toutefois, en dépit du fait que Lizinde était au courant des --
~ ~

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.....*....
détails concernant la mort du Président Habyarimana, il savait
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................
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surtout ce qui s'était passé lors des massacres de la préfecture de .............


--.
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Byumba où il officiait en tant que préfet. Pour le FPR et Kagame, ....=


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il était indispensable de faire taire un ancien collaborateur aussi -


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bien informé que Lizinde. Le même procédé sera utilisé contre
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Seth Sendashonga. -
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2- Seth Sendashonga -
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Il s'agit de l'affaire la plus significative du régime de Kagame ...... -
-
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car la victime était son ministre d e l'Intérieur e t son ami -
-
-
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...............

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personnel. Kagame a séjourné chez lui en 1993. Sendashonga a -
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été abattu le 16 mai 1998 à Nairobi (Kenya) où il s'était réfugié -
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après avoir quitté le Rwanda et le gouvernement en août 1995. --

Ce hutu, qui avait rejoint le FPR, croyait que Kagame et les siens -
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avaient réellement envie de démocratiser le Rwanda. Il croyait -


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surtout q u e la haine ethnique allait être combattue voire -


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éradiquée. Sa déception sera à la hauteur de ses espoirs. Dans une


interview qu'il accorde à l'hebdomadaire Jeune Afrique en mai
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1996, Sendashonga raconte les dérives du FPR. Il est surtout -


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désabusé: ''Avant de prendre le pouvoir erz 1994, le FPR avait un ..
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progmrlime acceptable. Il s'en est écarté pour se comporter en -
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arnzée conquérante. " Il précise : "J'ai découvert le vrai visage du -


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FPR en avril 1995. J'ai entendu alors des soldats dire que des -
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fal~zillesentières étaient décimées. J'ai appris encore que de


nombreux assassinats ont été perpétrés par les troupes ~ L FPR au
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stade Aiizalzoro. Dès que j'ai pu lui parler, j'ai fait part de mes -

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inquiétudes au général Kngame. Il m'a prorrlis de faire cesser ces ---


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assassirzats qu'il considérait cornme des bavures. Mais ils ont -


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Les secrets du ,pénocide r-ruandais

corzti1zzlé. 0 1 1 m'a signalé aussi des disparitiorzs darzs rlrz carrip


situé à proxinzité du Q.G. [lu FPR à B~>unzba, 02 l'on ailait
regroupé près de 50 000 persorzrzes. J'err ai parlé an présidelzt du
FPR, Alexis Karzjarelzgit9e. Nous étions tous au courant de ces
crinzes, mais rzozls pelzsiolzs que c'était des actes isolés de
velzgealzce colnrnis par des soldats qui ailaient perdu des proches
au cours du génocide. Nous ai)olzs appris plus tard que des
assassiriats collectifs étaient petpétrés par des troupes encadrées.
A la longue, le fait que Kagalne ~z'aitpas rnis L L I L terme à ces
exactiorzs a fini de lzous convaincre qu'il les approuvait." M.
Sendashonga va encore plus loin dans la description qu'il fait de
l'attitude de Kagame face aux massacres de ses compatriotes:
"Nous avions décidé de tenir des réunions hebdolnadaires avec
des responsables nzilitaires pour faire le point sur ces problèmes.
Nous avons eu trois réunions et, chaque fois, j'ai donné des
infornzatio~zsprécises reçues de l'ad~~zinistration territoriale et
d'autres réseaux, sur des assassinats collectifs, des disparitiorzs,
etc. Les militaires se dressaient alors contre moi, m'accusant de
grossir les faits et de les difamer: Finalement, le général Kagame
n'a plus corzvoqué de réunion. J'ai corztinué à lui parler de ces
questions jusqu'en avril 1995. Mais durant deux mois, le général
vice-président et ministre de la Défense n'avait pas le ternps de
recevoir sorz collègue de l'Intérieur:"
Paul Mbaraga, un.journaliste rwandais, très bien informé, avait
réalisé une longue interview avec Seth Sendashonga le 14 octobre
1995, soit deux mois après son départ du gouvernement. Là
encore, l'ancien ministre de l'Intérieur s'étonnait du silence de
Kagame devant les massacres que commettaient les militaires de
1'APR à l'égard des populations civiles. Ses observations étaient
plutôt inquiétantes : "D'après les rapports qui m'arrivaient par les
préfets, par les bourgnzestres, je faisais la compilation de tout
Assassilzats de Rwandais et de prêtres occidentaux

cela, je donnais un rapport circolzstarzcié pour chaque fait au


président, au vice-président et au Premier nzinistre pour que
personne rze puisse jar~~ais dire qu'il n'a janzais su ce qui arrivait
dans le pays"
Pour avoir vécu de très près la réalité du pouvoir de Kagame
aussi bien à l'intérieur du FPR qu'au sein du gouvernement,
Sendashonga va devenir, dans son exil kenyan, une cible de tout
premier plan pour les tueurs du général Kagame, son ex-ami.
Nous avons mené notre propre enquête sur son assassinat.
Nous dévoilons ici les circonstances exactes dans lesquelles
l'ancien ministre de l'Intérieur de Kagame a trouvé la mort à
Nairobi.
C'est le 26 février 1996, à Nairobi, que Sendashonga sera
victime d'une première tentative d'assassinat. Ce jour-là, il est
accompagné de son neveu Siméon Nsegiyumva. L'homme qui fait
feu sur M. Sendashonga vient de le rater. Il a touché sa cible à
l'épaule. Pris de panique, l'individu s'acharne sur le neveu qui
reçoit deux balles dans l'abdomen. Les secours inferviennent
aussitôt pour transporter le jeune Siméon à l'hôpital. Il sera
interné à Nairobi West Hospital puis à la Coptic Church Clinic. Il
décédera finalement en avril 1997 des suites de ses blessures. Non
loin du lieu où Seth Sendashonga et son neveu ont failli être
abattus, la police kenyane découvre un homme recroquevillé dans
un cagibi. 11 s'appelle Francis Mugabo78. C'est un agent et surtout
un gros bras d e l'ambassade du Rwanda à Nairobi. Il sera
appréhendé avec son pistolet muni d'un silencieux dont il n'a pu
se débarrasser. Il aurait bien voulu le faire mais l'intervention
rapide d e la police kenyane l'en a empêché. Celle-ci va

78 - Il est reconnu comme un membre des escadrons de la mort utilisé par les
services secrets rwandais (DMI). Au moment des faits, il figurait sur la liste
des fonctionnaires de l'ambassade du Rwanda à Nairobi.
Les secï-ets drl génocide ïwaïzdais

s'apercevoir que le canon de son arme est encore chaud et sent le


plomb. La police découvrira par la suite que les balles qui ont été
retirées du ventre d e Siméon correspondent bien à l'arme de
Francis Mugabo. Le flagrant délit est indiscutable.
Selon des sources dignes de foi, l'attentat contre Sendashonga
a été facilité par un Rwandais q u i prétendait détenir des
documents importants sur les escadrons de la mort utilisés par le
FPR. Ce Rwandais, qui avait fixé un rendez-vous à l'ancien
ministre du côté de Nairobi West, habitait chez M. Mugabo. Il
était aussi e n contact étroit avec le chargé d'affaires d e
l'ambassade du Rwanda, M. Alphonse Mbayire. Lorsque la police
kenyane a achevé l'enquête sur cette affaire, elle a remis les
conclusions à ses propres services de renseignements. C'est alors
que les autorités kenyanes vont demander la levée de l'immunité
diplomatique de Francis Mugabo et d'Alphonse M b a ~ i r e Le ~~.
Rwanda va refuser et l'ambassade sera fermée. Malgré cet échec,
les tueurs du FPR ne renoncent pas à leur projet.
Le 16 mai 1998, Sendashonga est, cette fois, abattu à Nairobi
avec une Kalachnikov. L'arme du crime va disparaître de la
circulation. Elle a été soigneusement rangée dans une valise
diplomatique avant d e prendre un vol de l'Ouganda Airlines
dans l'après-midi du 17 mai 1998 à destination de Kampala. La
disparition d e cette pièce à conviction allait rendre la tâche
compliquée aux enquêteurs. En réalité, malgré la réussite de
cette seconde tentative, tout indiquait que les autorités de Kigali
voulaient absolument faire assassiner Sendashonga. L'ancien
ministre et certains de ses amis avaient noté qu'il était filé. Une

79 - Ce dernier a été abattu à Kigali au moment où nous achevions l'écriture de


ce livre. C'est lui qui avait pourtant mis en place au Kenya, un important réseau
de renseignements et d'agents opérationnels pour des missions clandestines.
C'est ainsi que Kigali se débarasse de ses hommes après les services rendus.
Assassinats de Rwandais et de prêtres occiderztaux

semaine avant le crime, deux ambassades occidentales étaient


déjà au courant à travers leurs propres services d'informations.
Quelques diplomates avaient prévenu Seth Sendashonga qu'un
plan visant à l'abattre était imminent. On lui avait dit que ce plan
avait été concocté à Kigali par des agents des services secrets
rwandais, notamment la Directorate of Military Intelligence
(DMI). Nous reviendrons plus tard sur ces services. Lorsqu'il s'est
adressé à la police kenyane. un dispositif de sécurité a été mis en
place avant d'être abandonné deux jours avant le drame, faute de
véhicule disponible, dira-t-on, pour les policiers chargés de sa
protection.
Nous avons pu nous rendre compte au cours de cette enquête
que les seuls vrais ennemis de Seth Sendashonga étaient au FPR.
Son interview à Jeurze Afriqzie en dit assez sur la gêne qu'il a pu
créer, dans l'exercice de ses fonctions. à propos des massacres
orchestrés par les bandes armées du FPR : " J'ai pris soin
d'adresser au président de la République et au vice-président
(NDLR Paul Kagame) un rapport sur chaque cas porté à ina
conrzaissance. Au cours de l'anïzée que j'ai passée au
gouvernement, j'ai adressé au général Kagame plus de 700
lettres, soit environ deux par jour !Je n'ai jamais reçu la moindre
réponse. 80
"

Après avoir longtemps gardé le silence sur la mort étrange de


son ancien ministre de l'Intérieur, nul ne peut imaginer que
Kagame exigera un jour une enquête sur c e "mystérieux"
assassinat. Kigali s'efforce plutôt de freiner les investigations de
la justice kenyane. La preuve de cette obstruction a été fournie à
Nairobi lors du procès sur l'assassinat de Sendashonga. L'officier
de police du Département Criminel d'Investigation (CID), John

80 - Cf. Jeune Afrique no 1847 du 29 mai au 4 juin 1996.


Les secrets du génocide rwarzdais

Kithae, chargé de l'enquête sur l'affaire Sendashonga, avait créé


la surprise au tribunal au mois de janvier dernier en déclarant
devant les juges que l'assassinat de M. Sendashonga était un
"crime politique". Il a clairement soutenu que les efforts de
poursuivre l'enquête ont, plusieurs fois, été "elztraix?~par le
gouverizel7zelzt r ~ ~ ~ a i z d a11
i s 'a~ affirmé
. avoir écrit aux hautes
autorités rwandaises pour demander leur collaboration au sujet de
l'attentat manqué de 1996 contre Seth Sendashonga et dans lequel
étaient impliqués des agents de l'ambassade du Rwanda à Nairobi.
Il a regretté de n'avoir jamais reçu la moindre réponse.
De plus, les trois suspects qui avaient été présentés à la cour
n'étaient pas ceux qui auraient dû se présenter devant les juges.
Plus grave, l'élément le plus important, à savoir l'arme du crime
qui a été présentée aux juges, était un faux. Les experts en
balistique l'ont confirmé en soutenant que le pistolet brandi
comme l'arme dont s'était servi l'assassin n'était pas du tout l'arme
du crime. Nous savons qu'il sera surtout difficile à la justice
kenyane de réorienter l'enquête au sein d'une partie de la police
criminelle. Selon des sources proches du FPR, Kigali s'était
arrangé avec un certain Daniel Seroney, officier de la section
opérationnelle à la brigade criminelle kenyane, pour trouver le
moyen de liquider Sendashonga. Ce contact peut expliquer le
relâchement de la protection policière à l'égard de la victime. II
semble d'ailleurs que les trois suspects arrêtés avaient été remis à
la police par ce même Seroney. Cette information a été confirmée
à la b a ~ r epar l'officier de police John Kithae. Il est difficile de
dire si le parquet va faire reprendre l'enquête à partir des zones
d'ombre et des contradictions du dossier judiciaire.
Malgré ces embûches à la justice, la mort de Sendashonga n'est
pas un mystère pour son épouse. Elle considère que l'élimination
de son mari ne souffre d'aucune ambiguïté :"Le gouverizement
Assassilzats de Rwandais et de prêtres occiderltaux

rivarzdais a élinzirzé 17zorz mari c a r celui-ci se préparait à


ténzoig~zerdevant le Tribunal pénal irzternatiorzal pour le
Rwanda", a-t-elle confié lors du procès. Elle a précisé devant les
juges kenyans que son mari était en désaccord avec Paul Kagame
à propos des crimes commis par le FPR à l'encontre des
populations civiles. Elle ajoute: "Le gouverneinerzt craignait que
?non mari ne révèle leurs points faibles parce qu'il erz corzrzaissait
beaucoup sur le systèiîle".
A l'époque, Seth Sendashonga devait être entendu par la
Mission parlementaire française qui enquêtait sur le rôle de la
France dans la "tragédie rwandaise". Nous pouvons affirmer,
d'après nos informations, que la victime était sur le point de
fournir des preuves accablantes à des enquêteurs français sur
l'attentat contre le président rwandais Juvénal Habyarimana.
L'ancien ministre disait de Kagame :"C'est un tutsi dfOugarzda, et
ces gens qui n'ont connu que le nzaquis ont urze culture de
bandit". Si ce propos peut paraître excessif, il pose tout de même
la question de la conception du pouvoir chez Kagame et de l'idée
que son régime se fait des droits de l'Homme.
Lorsqu'on voit des cadavres se multiplier autour d'un régime
comme celui de Kigali, on est bien en droit de ne pas prendre
toutes ses déclarations et ses objections pour argent comptant.
Depuis l'arrivée au pouvoir du FPR, beaucoup de Rwandais
meurent dans des circonstances troublantes et cela ne semble
émouvoir personne, en tous cas, pas assez les partenaires du
Rwanda. Pourtant la machine à tuer du FPR fait désormais fuir
beaucoup de Rwandais de chez eux : hutu et tutsi confondus.
La fuite des tutsi
et des hutu du Rwanda
Avant de devenir président de la République, Kagame a
longtemps cumulé les fonctions de vice-président et de ministre
de la Défense. Depuis 1994, il est considéré comme le véritable
chef du Rwanda. Derrière ses inséparables lunettes, son regard
froid et sévère scrute tous les faits et gestes de son entourage. Il
n'a jamais cessé d'exercer sur ses collaborateurs une autorité sans
bornes. Allergique à toute critique, il s'est appliqué à écarter
méthodiquement toutes les personnalités susceptibles de lui faire
de l'ombre.
Toujours prêt à faire jouer la stratégie du danger et de la peur,
il n'attend que soumission et obéissance de ses collaborateurs.
Ces derniers, le sachant capable de faire éliminer physiquement
tous ses adversaires potentiels, ont préféré sauver leur peau en
s'exilant, soit en Suisse soit en Belgique, en France ou aux Etats-
Unis. C'est le cas de l'ancien Premier ministre Faustin
Twagiramungu, qui a quitté le pays en 1995 pour se réfugier en
Belgique. Il reprochait à Kagame de l'exclure, en tant que chef du
gouvernement, des décisions majeures de 1'Etat.
M. Twagiramungu est l'un des détonateurs des fuites en
cascade qui ont cours au Rwanda depuis plusieurs années. Le 6
janvier 2000, le président du Parlement, Joseph Sebarenzi, une
personnalité très respectée parmi les tutsi, partait, sans laisser
d'adresse, vers l'Ouganda puis vers la Norvège.
Les secrets du génocide rwandais

Interrogé sur les raisons de son départ de Kigali, M. Sebarenzi


nous a affirmé :"J1aidécidé de partir e1z exil après avoir réalisé
que Kagame nza~zœui)rait personnellenzent pour ma dénzission ".
Nous avons surtout voulu comprendre ce qui a pu conduire à la
mise en danger de la vie du président du Parlement rwandais. et
entraîné son départ à l'étranger. Il raconte :"Alo~-sque je me
preparais à lnener rlne vie de simple citoyen, j'ai appris de
sources sûres et concordantes que Kagame voulais me faire
assassiner; j 'ai alors précipitanznzent quitté le pays.
En avril 1997, j'ai siglzé - contre la volonté du général Paul
Kagame - la loi sur le contrôle de l'action gouvenze~nentalepar
le Parlement. Avant de signer cette loi, j'avais insisté sans succès
pour que la loi soit signée par le président de la République.
J'estimais et j'estime qu'il ne peut y avoir démocratie et bonne
gouvernance sans contrôle réel du gouvernelnent par le
Parlement.
A p r è s la signature de la loi, l'Assemblée nationale a
commencé le contrôle et à plusieurs reprises le FPR s'y est
opposé. Pour contrecarrer tout contrôle de l'action
gouvernenzentale, le FPR a créé ce qu'on a appelé "Forum des
partis politiques" avec pouvoir de révoquer tout membre de
1 Assemblée nationale. C'était au mois de mars 1999. J'ai réagi en
écrivant une lettre de 'rprotestation" a u président de la
République, attirant ainsi son attention sur le caractère
inconstitution~zel de la procédure et sur la nature
antidémocratique de cette pratique.
En 1998, le gouvenzelnent a révoqué le vice-président de la
Cour suprême et président de la Cour de cassation. J'ai protesté
parce que cela est anticonstitutionnel. La loi fondamentale
prévoit que seul le Parlement est habilité à mettre un terme aux
fonctions d e s nzenzbres du g o u v e r n e ~ ~ z e nett des hauts
Lafitite des tutsi et des hutu du Rivaizda
respoizsables de 1'Etat. Eiz effet, qelques iizois avaizt illa démissioiz,
le Parlement veilait de voter une motion de censure contre trois
ministres, et d'exiger la révocation de trois lzauts cadres (un
capitaine de l'armée travaillant dans le fameux relzseignelneizt
extérieur et deux procureurs. Le Parlenzeizt enquêtait aussi sur le
mi~zistrePatrick Mazinzpaka, alors ~niizistreà la présidence de la
République) et plusieurs cadres FPR ; le Parlemelzt s'apprêtait
atrssi à enquêter sur plusieurs autres cas qui allaient, je pense
bien, révéler l'implication de Kagalne dans la corruption et les
détournements de fonds publics. Il a voz~luarrêter ce courant qui,
non seulement, allait le nzettre en difficulté mais aussi
contrebalançait dangereusement son pouvoir de révocation des
meinbres de l 'Exécutg
Le 19 décembre 1999, mon parti (Parti Libéral) allait élire Lrn
nouveau Comité exécutif et j 'allais être élu président de ce parti.
Kaganze, qui voyait en moi un tusti concurrent qui avait
l'avantage d'être à la fois rescapé du génocide et Rwandais "venu
de l'extérieur" (j'ai vécu au Zaïre pendant plus de dix ans, trois
ans au Burundi et une année au Canada et j'étais nzenzbre actif du
FPR avant nzon retour au pays en 1995), ne supportait pl~tsnza
popularité et mon travail au Parlement. Le 18 décembre Kagame
a envoyé une délégation de deus personnes chez 1noi pour exiger
le report des élections au sein du P.L. (pour des raisons de
sécurité). Ces personnes sont Muso~ziProtais, membre du Comité
exécutif FPR et fonctionnaire au nzilzistère de l'liztérieur; ayant la
sécurité dans ses attributions et Denis Polisi, nzenzbre du Conzité
exécutif du FPR et député au Parlement. Nous avons ainsi été
contraints de reporter les élections.
Comme d'autres dictateurs, le général Kagaine voulait un
Parmenzent qui soit à son service et donc une chambre
d'enregistrement des décisions du gouiierizenzent. Et c'est ce
Les secrets du génocide rwandais

Parlenlent qu'il y avait jusqu'à nlon élection le 7 rrzars 1997.


Quaiid le FPR in 'a soutenu à l'élection à la présidence du
Parlement, il ignorait en fait la vision du Parlellzent et r?iorz
attachement à la borzize gouvernante. Quand il a réalisé que le
Parlement devenait fort nzalgré la création du "Forzrm des partis
politiques" et que l ' o p i n i o n nationale et ilzternationale
appréciaient son dynainisnze, il a fait selnblant de le soutelzir. "
En février de la même année, c'était au tour d'un autre Premier
ministre, Pierre Célestin Rwigema, de démissionner de son poste
à la suite d'accusations de corruption portées contre lui. Réfugié
aux Etats-Unis, il a accepté de raconter sa version des faits :"En
tant que Premier ministre issu du Mouilemeizt démocratique
républicain ( M.D.R.), j'ai été fortement malmené par le FPR et
ses alliés politiques pendant l'exercice de nzes fonctions.
Ils ont manœuvré et tout fait par des accusations fausses
d'irrégularitésfinancières et de corruption, que j'ai niées, lorsque
j'étais ministre de lfEducation, du 19 juillet 1994 au 31 août
1995, alors que l'appel des fonds alloués aux projets sectoriels
pour l'éducation et les opérations de décaissenzent des mêmes
fonds concernaierlt l'exercice budgétaire 1997, autrement dit,
deux ans après avoir quitté ce ministère et être deilenu Premier
ministre. Comme la première période de transition allait prendre
fin, le FPR commença à adopter une politique d'éviction des hutu
influents et anciens au gouvernement pour les exclure de toute
alternative probable de se présenter aux frctrcres élections. La
stratégie est la même pour tous les J Z Z L ~ L L membres du
gouvernement, les accuser de 1101, de corruption et pour ceux qui
y échappent recourir à lfinstrui?zentcapital, le génocide. Le FPR
a utilisé comme seule voie possible le fameux Parlement

81 - Entretien avec l'auteur.

144
La filite des tutsi et des hutil du Kwnrzda

n~onoéthniquepour rue salir, me casser politiquernent et me


ren~placerou nze forcer à dénzissiorzrzel: -
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Le 23 décenzbre 1999, c'est l'échec du FPR pour faire tortzber
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le gouverrzemeizt Rwigema. La n~otionde censure entreprise au --
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Parlement n'ayant pu aboutir étant donné la positiolz de l'ancien -
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n7anipulation du FPR. J'ai été ministre de l'Educatiorz pendant -


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treize mois juste après le génocide, c'est-à-dire du 19 juillet 1994
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au 31 aolît 1995, la vraie période d'assistance et d'urgence ou il --


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n)! avait ni projet, ni prograinnze de développenzent à long et à -


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quelconque y conzpris la Banque nzorzdiale.


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Tous les bailleurs de fonds avaient arrêté leurs finarzce~nentsà -
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cause de la guerre et du génocide. Ce que j'ai fait en cette matière


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pendant une année, c'était leur présenter quelques données


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statistiques disponibles après les tragiques événenzerzts et -


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conzmencer les négociations avec eux pour la reprise probable du -


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projet sur des bases no~~velles. L'appel des .fonds et le~irgestion, -


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l'attribution des nzarchés pour la construction et l'équipement des - -

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écoles relèvent de la responsabilité des différents ministres qui


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m'ont succedé. Parmi ces ministres, il y avait un tusti ?, le colonel


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Joseph Knremera du FPR qui a géré seul les deux tiers des .fonds
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et dont l'épouse avait une société de co~~struction à laquelle il a -
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attribué les marchés et a accordé des paiements arzticipatifs. Les


travaux attribués à cette entreprises n'ont jarnais été terirzinks et
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réceptionnés e t pourtant, lui et sa fenznze sont restSs bien


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tranquilles et réconzpensés par un poste d'anlbassadeur e n -


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Afrique du Sud. -
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d'origne pour un lnorztant de 30.000 $US, s'intégraient dans le -
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Les secrets du génocide rwandais

projet en question. Les conununes, la préfecture et le ministère de


1'Educatiorz avaient joué leur rôle respectif pour 1 'attribution et le
suivi des marchés. Juste après rna démission, trois bourgmestres
des communes de Murama, Tambwe et Muslzubati de rna
préfecture d'origine, Gitararna, ont été gratuitement mis en
prison, alors que de soi-disant rapports de contrôle ne
contenaient pas d'éléments probants. Après ma déclaratiorz pour
denzarzder asile aux USA, j 'ai condamné ces injustices pleines de
manipulations et ces bourgmestres ont été immédiatement libérés.
Ce qui montre que c'était bien moi qu'on cherchait. Le second
paragraphe de ma lettre de démission du 28 février 2000
adressée au président de la République dit ceci : "En effet,
Excellence Monsieur le Président de la République, à l'issue des
convocations faites ces derniers mois par L'Assemblée nationale
de transition pour aller expliquer des problèmes d'ordre
technique, les interprétations controversées des sujets de
convocation et les campagnes de médiatisation qui s'en suivent
créent un climat qui entrave le bon accomplissement de mes
fonctions en tant que chef du gouvernement et sont à la base de la
décision d'y mettre un terme."
Un autre élément moins connu est à la base du divorce entre
l'ancien Premier ministre et Kagame. M. Rwigema revèle ceci :
"A plusieurs reprises, j'ai été reçu par le général Paul Kagame
qui m'a demandé de changer le nom du parti M.D.R. car; pour lui
et pour bien d'autres personnes, ce parti rappelle les événements
de 1959. Ce que j'ai refusé et qui a abouti au divorce consommé
et entaché de haine ayant provoqué menace et insécurité pour
moi-même et pour ma famille."
Le coup de théâtre est venu plus tard de Pasteur Bizimungu
qui a cédé, le 23 mars, son fauteuil de chef de 1'Etat à Paul
Kagame. Le 17 avril 2000, le Parlement a officiellement désigné
Ln.fuite des tutsi et des hutu du Rwanda

c e dernier président d e l a République d u R w a n d a . Une


consécration q u e K a g a m e attendait patiemment dans la
pénombre.
Depuis longtemps déjà, des rumeurs couraient que Bizimungu
était le hutu de service dont se servait Kagame pour justifier le
pluralisme du pouvoir au Rwanda. Cette étrange démission a mis
un terme à la comédie du vice-président qui était déjà, de fait, le
véritable chef du Rwanda.
Nous avons voulu comprendre pourquoi ces personnalités, qui
ont accepté de travailler avec le FPR ou de participer à la gestion
du pouvoir sous l'autorité de Kagame, se sont retrouvées presque
systématiquement obligées de fuir ou de s'exiler à l'étranger. En
poussant plus loin nos investigations, nous avons découvert un
système violent et discriminatoire, pire que l'ancien régime.
Derrière l'image du Rwanda traumatisé et en reconstruction se
cache un pays d e discriminations, un pays où la haine et la
violence s'exercent sur presque tous les citoyens. Voici quelques
faits qui permettent de mesurer notre propos.
En 1996 le ministre de la Justice, Marthe Mukamurenzi, quitte
son poste sous la pression de Kagame et part clandestinement en
Belgique. Quelque temps après, c'est au tour d'un autre ministre,
Faustin Nteziryayo de s'enfuir aux Etats-Unis. Le 13 février 1997,
un autre ministre de la Justice, Alphonse Nkubito, est assassiné i?i
Kigali. Plus tard, le président du Conseil d'Etat et vice-président
d e la Cour suprême, Alype Nkudiyaremye, s e retrouve en
Belgique où il demande immédiatement l'asile politique. Le 17
février 1997, Vincent Nkezabaganwa, lui aussi président du
Conseil d'Etat et vice-président de la Cour suprême, est assassiné
à Kigali. En février 1996, Jean-Baptiste Sibomana, substitut du
procureur de la République à Kigali, était passé à tabac par des
militaires. Voulant porter plainte pour coups et blessures, il est
Les secrets du gérzocide rwarzdais

emprisonné en juillet 1997. Dans la même période, le gouverneur


de la Banque nationale du Rwanda, Gérard Niyitegeka, inquiet
pour sa sécurité, quitte précipitamment son pays et se réfugie en
Belgique. Peu après, c'est l'ambassadeur du Rwanda à Kinshasa
(Zaïre), Antoine Nkilinkindi, qui trouve refuge en France après
avoir démissionné d e son poste. Peu d e temps avant,
l'ambassadeur du Rwanda en France, Christophe Mfizi, quittait
ses fonctions à la chancellerie pour devenir réfugié politique dans
le même pays.
Cette longue liste non exhaustive d'exilés et d'étranges
assassinats, est suffisamment éloquente pour observer que les
interrogations sur Kagame et son régime ne sont pas une vue de
l'esprit. Qu'on soit son adversaire, son partenaire ou son ami, il est
évident, au regard de ce qui précède qu'il y a un problème au
Rwanda depuis 1994. Toutes ces personnes abattues ou en fuite
sont-elles vraiment toutes contre Kagame et son parti ?
Certainement pas, puisque beaucoup, sinon toutes, ont accepté de
travailler avec lui. Si la peur s'est installée dans les mentalités et
si de nombreux Rwandais fuient encore leur pays aujourd'hui,
c'est parce que le régime de Kagame n'ajamais voulu travailler
avec tous les Rwandais, aussi bien les tutsi que les hutu.
D'ailleurs, un document confidentiel daté de janvier 1995 et
adressé à Paul Kagame à l'époque vice-président de la République
et ministre de la Défense, par un de ses officiers chargé des
renseignements généraux et militaires, considérait déjà presque
tous les hutu comme des ennemis. Toutes les personnes citées
dans ce document ont été tuées, évincées ou contraintes à l'exil. Il
s'agit entre autres de Théoneste Lizinde, Faustin Twagiramungu,
Valence Munyabagisha (ancien ambassadeur du Rwanda au
Canada), Jean-Marie Vianey Mbonimba (ancien ambassadeur du
Rwanda en Suisse), Eugène Ndahayo (ex-directeur de cabinet au
Lafuite des tutsi et des hutu du Rwaizda

ministère de l'Information), etc. Un autre officier tutsi, le major


Mfurama, révelait dans un autre document confidentiel daté du 23
janvier dernier : "Si tu es hutu et que tu critiques le gouvernement,
tu es traité de génocidaire. Si tu es tutsi et que tu dis ce que tu
penses, tu es traité d'élénzent négatif et de dissident. Si tu es
soldat et que tu émets une critique, tu es accusé de subversion et
de trahisoiz". Cet officier affrimait qu'on avait donc le choix entre
le "silence ou l'exil ". Voilà les bases sur lesquelles s'est contruit le
nouveau régime rwandais dès 1994.
Ceci étant, une question devient pressante : que se passe-t-il
réellement au Rwanda depuis l'arrivée au pouvoir d e Paul
Kagame ?
Notre enquête nous permet de dire qu'il y a une stratégie visant
à éliminer toutes les personnes qui n'acceptent pas la haine et la
gestion autocratique du pouvoir par l'équipe dirigeante actuelle.
Ce sont les journalistes qui ont surtout permis de démasquer le
double langage et le double jeu du FPR.
"La liberté de la presse est totale au Rwanda" déclarait, en
novembre 1999, le directeur de l'Office rwandais de l'information,
un organisme qui avait remplacé le ministère de l'Information. Si
des journaux et des journalistes rwandais ont joué un rôle
déplorable dans l'avènement du génocide de 1994, plusieurs
années après, une race plus respectable de professionnels est
arrivée. Seulement, le régime militaire de Kagame s'accommode
encore mal du travail des journalistes professionnels. Ces derniers
lui compliquent la tâche en mettant à rude épreuve ses méthodes
de gouvernement, sa gestion de 1'Etat et ses nerfs. Face au travail
des médias, Kigali brandit l'intimidation, la prison e t les
accusations fantaisistes. Le chantage et l'exploitation du génocide
ne sont jamais loin. Dominique Mafeli, journaliste à Radio
Rwanda, avait fait les frais de ce chantage permanent. Arrêté le
Les secrets du génocide />vandais

18 septembre 1994 pour incitation à la "haine raciale", il a été


fouetté et hurnilié par les gros bras du régime.
Plusieurs autres journalistes ont quitté le Rwanda pour ne pas
subir tous les jours la violence, la menace et l'humiliation. Tous
sont-ils des acteurs du génocide ? Eh bien non! Beaucoup ont
perdu leur famille pendant le génocide. Ils ne sont pas forcément
hutu mais ils dérangent. Ce sont des Rwandais qui croyaient
exercer leur métier comme des professionnels. Ils ont fini par
constater qu'ils n'ont pas, hélas, leur place dans le pays que dirige
Paul Kagame.
A u début, la situation était différente. L a presse et les
journalistes bénéficiaient d'une plus grande latitude. Tant qu'ils
parlaient du génocide et des massacres, il n'y avait aucun
problème. Mais, dès qu'ils ont commencé à s'intéresser de près à
la gestion d e s affaires publiques et aux pratiques du
gouvernement, les ennuis sont arrivés. L e cas dlEdouard
Mutsinzi, ex-rédacteur en chef du journal Le Messager est assez
significatif et révèle bien les méthodes de gangsters employées
par Kigali pour censurer la presse. Ce journaliste avait échappé à
un assassinat pour avoir dénoncé les dérives du gouvernement de
Kagame. Grièvement atteint de plusieurs balles dans le dos, il est
désormais rendu invalide à plus de 90 %. Réfugié à Bruxelles et
soumis à des soins intensifs, nous avons tenté d'obtenir son
témoignage. En vain : il a perdu l'usage de la parole. En 1998, un
journaliste de la télévision rwandaise, Emmanuel Munyempazi, a
été tué par balles. Plusieurs autres journalistes ont également pris
la fuite pour ne pas être abattus comme des chiens par les agents
des services de sécurité. L'un des plus récalcitrants, Jean-Pierre
Mugabe, ancien rédacteur en chef du journal Le Tribuil du peuple
est devenu le cauchemar de Kagarne. Il a, plusieurs fois, dénoncé
la corruption et l'incurie du régime. Dans l'un de ses articles, une
Lafuite des tutsi et des hutu du Rwanda

lettre ouverte adressée au général Kagame, il soulignait avec


force et précision : "Excellence, vous n'ignorez pas, nzême si vous
n'avez pas encore réagi, que ce qui était jadis le ministère de la
Réhabilitation a été pillé et les aides reçues des pays étrangers et
amis comme l'Espagne, l'Italie, la Chine, le Japon, et de bien
d'autres l'ont été au même titre que l'argent et les diverses
assistances matérielles octroyées par les organisnles
internationaux tels que le Pizud, llUrziceJ et de nombreuses ONG.
Jusqu'à aujourd'hui personne n'a pu démontrer l'usage judicieux
réservé à ces fonds puisqu'aucune action concrète, visible et
vérifiée n'a été réalisée. Ce ministère était dirigé par M.
Mazinzpaka Patrick qui était également vice-président du FPR,
secondé par madame Umutoni Christine, directrice de cabinet et
rnembre d u FPR. L'enquête, diligentée pour connaître la
destination de tous ces crédits fut brusquement suspendue sans
que la moindre raison soit avancée pour justifier cette mesure.
Elle n'a plus jamais été réactivée alors qu'elle n'était pas encore
terminée. J'ai écrit en 1997 pour dénoncer avec véhémence cet
acte de pillage éhonté. En réponse, des assassins ont été envoyés
pour me liquider. Mais la main de Dieu veillait sur moi. J'ai pu
échapper aux balles des bourreaux payés par vos soins. Dans la
conférence de presse que j'ai aninzée le 24/12/1997, je vous ai
encore interpellé au sujet du problème des médicanzents fournis
sous fonne d'aide et qui ont été détournés pour être vendus en
Ouganda après leur envoi au ministère de la Santé dirigé à
l'époque par le colonel Karemera. Aucun effort n'a été fourni
pour en savoir davantage.
Excellence, vous vous souvenez très bien du montant de 500
nzilliorzs de francs rwandais (Frw) l'équivalent de 1 470 588
dollars, que vous avez vous-nzênze détourné au ministère des
travaux publics et de lfEnergie. Ces fonds, étaient destinés au
Les secrets du génocide rwarzdais

projet d'électrificatiorz des zorzes rurales. Vous les avez utilisés à


des fins person7rzelles en corzstruisnr~tvotre fernze privée située
dans la régiolz de Kiburzgo et appelée "Ntebe Far-nz Daiiy". Soyez
courageux et restituez cet argeilt à llEtat pour que vous ayez le
courage d'ordoizrzer d e s poursuites à l'encontre d e vos
collaborateurs accusés de pillage et de détounzer?zeizt des deiziers
publics. Mais ce i z 'est pas tout. Vous savez que vous avez veizdu la
forêt appelée Debougarave, située à Gasyata, au prix de 100
milliorzs de frw, l'équivalent de 294 117 dollars. Depuis que vous
avez coi~zi?lisce folfait en faveur de l'hoinnze d'affaires Gaposho-
Gahuizde, un de vos proches, propriétaire de la SMPRAG, vous
n'avez pas payé à 1'Etat la taxe de 6 %. Conirneizt pourriez-vous
poursuivre toutes les autres persorznes qui ne paierlt pas les taxes
à 1 'Etat ? "
Exilé aux Etats-Unis, le régime de Kigali n'a pas hésité à lui
envoyer des tueurs à gages. Nous l'avons rencontré et il nous a
expliqué que Kagame n'admet pas qu'un Rwandais, quel qu'il
soit, exprime la moindre critique sur son régime. Un ancien
député, André Nkeramgaba, avait, quant à lui, été emprisonné
pour avoir soutenu que I'APR commettait des massacres et des
actes de torture sur les populations civiles. Le 27 février 1999,
c'était au tour d'un ancien responsable des services d e
renseignements et ex-ambassadeur, Bonaventure Ubalijoro, d'être
jeté en prison pour avoir voulu se présenter aux élections sous
l'étiquette d'un parti d'opposition. En mars de la même année,
l'ex-président de la Cour de cassation, le lieutenant colonel
Augustin Cyza, suspendu de ses fonctions depuis mars 1998,
échappe à des tueurs qui voulaient l'exécuter à coup de
mitraillette alors qu'il se rendait chez ses parents.
Cette traque ou ce système de harcèlement meurtrier est
essentiellement l'ceuvre des services de renseignements de
La fuite des tutsi et des lzutu du Rwarlda

Kagame, à savoir la Directorate of Military Intelligence (DMI).82


Cet organisme, créé en Ouganda lorsque Kagame était
responsable des services de renseignements dans ce pays, est
apparu en 1990 avec l'offensive de 1'APR contre le régime de
Habyarimana. Au début, la DM1 était essentiellement chargée de
recueillir des informations susceptibles d'être utilisées pour la
protection et la sécurité des membres du FPR. Ses bénéficiaires
étaient plutôt des officiers de 1'APR qui craignaient des actions
de déstabilisation venant des FAR. Plus tard, elle va servir de
structure de sélection et de recrutement des combattants de 1'APR
sur les territoires rwandais, burundais et zaïrois. C'est pendant
cette période que la DM1 va devenir un appareil violent et
totalement incontrôlable. A ce propos, le témoignage de Deus
Kagiraneza, un ancien agent de la DM1 aujourd'hui réfugié en
Belgique, est éloquent :"Les jeunes qui venaient de se faire
enrôler dans Z'APR et qui venaient du Burundi, du Rwanda ou du
Zaïre, ont été, pour la plupart, exécutés parce qu'ils étaient
suspectés d'espionnage ou d'être lzutu, surtout ceux qui venaient
du Rwanda. Le tort de certains de ces jeunes gens c'est qu'ils
avaient fait des études et qu'ils étaient pressentis, à l'ai1enic pour
diriger au niveau militaire.
Ceux qui étaient suspectés étaient présentés à la DM1 pour 1111
interrogatoire serré sur leur qualité d'espion ou sur le fait d'être
Hutu qui leur était reproclzé. Lorsque la décision était prise, ils
étaient exécutés avec la douille d'une lzoue usagée sur la tête pour
éviter le bruit du fusil dans notre caclzette mais surtout, c'était
pour le secret pour que leurs canlarades ne saclzent ce qui était
arrivé". Après ces révélations, il poursuit son récit ainsi :"Les
jeunes Tutsi que nozrs avons exéczctés pendant l'entraînenlent à

82 - Direction de renseignements militaires.

153
Les secrets du génocide walzdais

Gislzuro, leu]-inort doit être inzpntée au rlzajor Dani Muizyuza et


au lieuteizalzt-colo~zelJackso~zRwahan~a.Ces exécutiolzs ~z'étaieizt
pas sez~le~7ze~zt
faites pal. la DMI, elles se passaient i7zême dans les
ulzités, les jeunes gens en prove~zalzcedes pays fi-a~zcoplzo~zes,
surtout ceux qui avaient fait des études (ils étaient appelés par
dérision "i~ztellectuals")étaient persécutés, et étaiellt exécutés
sous le moindre prétexte. A Z ~ T Z nlonlent dolzné, les jeunes en
provelzailce du Burulzdi se sont éiladés et soizt retournés chez eux
en nonzbre. Leurs parents o ~ z tdlî eiziioyer ut1 énzissailz pour
demander si ce que les jeunes gens racolztaielzt était vrai.
Kagal~zeles a rassurés nzais aucun dirigeant de l'année iz'a été
puni pour cela". Deus Kagiraneza va encore plus loin et donne
des noms et des détails : "Noas avons reçu des directives pour
éliminer tous ceux qui déviaient de la ligne du FPR, eiz prenzier
lieu les Hutu. Cela s'est passé à Ruhelzgeri où j'étais préfet et
c'était pareil dans d'autres préfectures pendant cette période
puisque plusieurs préfectures étaient dirigés par des militail-es.
Cela s'est vu à Gitamma où le préfet nzajor Zigira a fait exécuter
des Hutu à Save et à Kabutare. Nous faisions cette besogne avec
l'aide des dirigeants de l'armée. (...) Très récemment, en 1999, les
soldats Tutsi du clan abarzyigilzya au nonzbre de 70 ont été
exécutés. "
Nous avons voulu savoir l'importance que le général Kagame
accordait a cette fameuse DMI. Nous avons, pour cela, sollicité
un témoin privilégié : c'est un ancien responsable des services
secrets rwandais qui a travaillé avec Kagame. Il raconte le
dispositif de cette puissante machine vue de l'intérieur.
"Pour Kagame, la DMI était le seul service viable, disposant
de moyerzs lzumains illimités, de moyens matériels illimités et
d'une force de frappe. La DMI ilzcluait aussi la police i?zilitaire,
l'auditorat militaire, la banque de données sur les leaders
Lajdite des tutsi et des hutu du Rwanda

militaires et civils à tous les échelons. Je 17ze soz~vierzsqu'au


nzor?zerzt de la mise en place de la Cour suprênze, le conseil des
ministres a donné le feu vert aux cleux services (DMI et SCR)
pour .faire des séances conjointes de screening des candidats
nzagistrats et soumettre une liste définitive, documentée, au
gouvernernent pour décision. La liste conjointe s o ~ ~ ~ npar i s e les
deux services a été acceptée sans examen.
Les autres services de rerzseignenzents étaient dirigés par des
nzilitaires, ofliciers de la DMI. Mênze le service d'immigration.
Ces services utilisaient aussi les moyens nzis à leur disposition
par la DMI. De plus la DMI avait une section qui s'occupait de
nourrir l'arrnée (Welfare) et disposait à cet eflet de plus de 2000
têtes de bétail pillées plus des stocks de riz et d'autres denrées. Je
me souviens qu'après la mise en place du gouvernenzent, en juillet
94, les magasins ne .fotzctionnaient pas encore. Les 17zinistres et
autres hauts cadres puis les .fonctionnaires étaient ravitaillés en
vivres par les services de l'armée (viande, riz, haricots, farines,
huiles, savons, toiletteries, ...). Pour les hauts cadres, le
ravitaillement était fait par leurs agents d'escorte (sécurité
rapprochée). Mais les stocks étaient au départ gérés et
approvisionnés par la DMI. Toutes les voitures confisquées ou
pillées étaient gérées par la DMI, qui les distribuaient aux
différents services. Je me souviens que les prenziers lnoyens de
transport que nous avons utilisés dans le senlice étaient fournis
par la DMI, de mênie que le carburant. La licence de port
d'armes était donnée par la DMI. Les ~zor~zirzatiorzs à tous les
postes de l'adnzirzistration étaient.faites auprès del'security check"
de la DMI. Tout cela faisait de ce senlice une machine infer~~ale,
rendant directement compte au général Kagame. En 1995, les
choses ont conznîericé à changer; car les chefs de la DMI avaient
abusé de ces pouvoirs inzmerzses, s'étaient enrichis, avaient fait
Les secrets du génocide rwandais

des dii.isiorzs dans l'arrnée et l'adrnirzistr.ation, en privilégiant les


anglophorzes, avaient fait des règlenzents de conzptes, etc. Il s'est
avéré que leurs rapports de renseigrzenlerzts n'étaient pas toujours
bien docunzentés. Ils rnanipulaierzt tout le système. C'est alors que
Kagaine a augnzenté les nioyerîs de son service de sécurité et de
rerzseigi~enzents,dirigé par le lieutenant-colonel James Kabarebe
(à l'époque, principal aide de canlp de Kaganze, colnnzandant de
la garde républicairze appelée PPU, et plus tard cornr~~arzdarzt de
Z'APR au Zaïre) et le major Emmanuel Ndahiro (médecin du
général et porte-parole de l'armée). En même temps, il a accru
les pouvoirs du Service civil de renseignernerzts (SCR), pour
essayer d'avoir des rapports plus élaborés g3. Pour l'ancien
Premier ministre Pierre Célestin Rwigema, "ILIsécurité et le
renseignement sont parmi les domaines appelés cornrnunérnent
clzasse gardée d u chef, l n DM1 (Deyartenzent of military
intelligence) est une émanation de l'Ouganda, un selvice que
Paul Kaganle lui-nzême a supervisé quand il était dans ce pays et
qu'il exploite et marzipule à volonté pour faire disparaître ou faire
taire toute personne constituant un obstacle quelconque pour lui.
C'est urz service sans structures organiques connues qui rend
cornpte et reçoit les injonctions directes de Kagarne lui-même. En
général, les rapports sont fait de façon verbale puisque Kagame
n'a pas le temps de les lire. Pendant nzes cinq années de fonction
en tant que Premier nzinistre, je n'ai jarnais reçu aucun rapport
énlarzant de ce service. C'est une organisation militaire qui
exécute les coups et la volonté du FPR". g4
Nous nous sommes aussi penchés sur les opérations

83 - Témoignage accordé à l'auteur par un fin connaisseur des arcanes de la


DMI. Pour avoir directement travaillé avec Kagame, il a accepté de nous livrer
quelques "ficelles" sous couvert d'anonymat.
84 - Entretien avec l'auteur.
La.fuite des tutsi et des hutu du Rwanda

clandestines (enlèvements, assassinats, exécutions sommaires,


etc.) qui font fuir à la fois les hutu et les tutsi de leur pays.
L'essentiel de ces actions est réalisé par la DMI, mais aussi par le
service G2 de renseignements de la gendarmerie. Voici comment
tout cela fonctionne.
Au niveau de la DMI, les services qui montent habituellement
les coups tordus sont les suivants :
- C o u n t e r Intelligence D e p a r t m e n t (dirigé par Charles
Karamba).
Ce département a toujours été celui qui organise et planifie la
plupart des enlèvements et des arrestations arbitraires. Ses
victimes ont souvent été accusées de collaborer avec l'ennemi,
sous-entendu avec les hutu et leurs soutiens. Ce service ne se
prive pas non plus d'accuser ses cibles de "haine raciale" ou d'être
des responsables du génocide.
- Surveillance and Action Force (SAF)
C'est une sous-section du contre-espionnage qui reçoit
directement des ordres de la DM1 pour les actions de surveillance
et de filature, mais aussi des arrestations et des enlèvements. C'est
ce service qui assurait en priorité la surveillance des centres de
détention et procédait aussi aux exécutions sommaires. Au début,
il était dirigé par Joseph Nzabanita, mais il est néanmoins resté
sous l'autorité de Charles Karamba.
Les exécutions de soldats hutu des ex-FAR ou d'anciens agents
des renseignements du régime Habyarimana étaient décidés par le
commandement adjoint de la DMI, à savoir Rwama Jackson
Mutabazi ou le chef de service Karenzi Karake.
C'est cette machine infernale qui démolit et abat les Rwandais
depuis 1994 sans aucune règle ni retenue. La DNII n'a rien d'un
service de sécurité moderne. En dehors de ses infrastructures et de
ses hommes, ses méthodes et ses techniques sont restées brutales
Les secrets du génocide rwandais

à l'image de celle d'une guérilla ou d'une organisation terroriste.


Ce qui n'a pas été assez dit c'est que cette machine s'est
construite autour d'un noyau dur de militaires que nous appelons
les "six Ku (les officiers Karenzi, ancien chef de la sûreté, Kaka,
ancien chef d'état-major, Kayumba, ex-chef adjoint d e la
gendarmerie, Karemera, ancien ministre de la Santé, Kabuye
(seule femme), ancien préfet de Kigali et Kagame lui-même. Ce
petit cercle de tutsi anglophones a grandi en Ouganda. Ce sont
des camarades de combat qui ont en commun non seulement la
lutte de 1990 contre le régime de Habyarimana mais aussi la
formation militaire et para-militaire du maquis. C'est aussi le
groupe qui a gagné la guerre en 1994 contre les FAR. Ils
contrôlent physiquement le Rwanda même si la gestion politique,
économique et sociale leur échappe totalement. En fait, ils n'en
ont pas les compétences e t c e n'est pas vraiment l e u r
préoccupation. Ils préfèrent contrôler militairement leurs
concitoyens et l'ensemble du pays. 11s savourent en réalité les
avantages du pouvoir. Gravitent autour de ce petit monde, une
flopée de civils et d'associations aux influences variables.
Depuis le génocide de 1994, le régime de Paul Kagame a
bénéficié d'une indulgence internationale qu'on accorde à peu de
dirigeants africains. On dirait qu'on marche sur des œufs lorsqu'on
évoque aujourd'hui le Rwanda. Plusieurs pays occidentaux ont
adopté un "profil bas" avec le Rwanda comme si tous étaient
coupables de génocide. On a l'impression que la moindre critique
ou la moindre observation serait fatale à qui oserait dire qu'il n'y a
pas d e démocratie au Rwanda. L e s Américains (sous l e
gouvernement Clinton) et les Belges, avaient choisi de ne pas
faire de vague. Si les premiers ont, au début, apporté un soutien
appuyé à Paul Kagame parce qu'ils croyaient, à tort ou à raison,
qu'il incarnait une nouvelle génération de dirigeants africains, ils
Lnfuite des tzitsi et des Izutu du Rwanda
ont dû par la suite réviser leur enthousiasme. Kagame n'a rien
d'un jeune dirigeant africain moderne, si peu qu'il en existe. Son
pays est embourbé dans une guerre sans issue à l'intérieur comme
à l'extérieur. La corruption gangrène toutes les strates du pouvoir
et la réconciliation nationale est plus que jamais hypothétique
entre Rwandais. Comment imaginer que ce régime puisse
incarner des valeurs de progrès et l'avenir d'un pays ? La haine
viscérale que Kagame entretient contre les miliciens hutu est sans
issue. Ces hommes, bien qu'enfermés, eux aussi, dans une logique
de guerre, sont néanmoins des Rwandais. On ne pourra pas les
ignorer indéfiniment. Dans tous les cas, le conflit tutsi-hutu est lui
aussi sans issue et sans avenir. L'intransigeance des extrêmistes
des deux camps ne menera à rien.
Si le FPR avait réussi à manipuler les Américains en 1993 en
leur faisant croire qu'il était une chance pour le Rwanda, plus de
cinq années après, on doit constater que son bilan est désastreux.
Que les Rwandais sont déçus et que l'on a été devant une véritable
imposture politique. Les dernières critiques de l'ambassadeur des
Etats-Unis au Conseil de sécurité sur le régime rwandais prouvent
bien que Washington a compris qu'il s'était fait berner par un
groupe de maquisards rompu certes aux techniques de guérilla
mais foncièrement incapable de diriger un Etat avec des méthodes
modernes. Sous l'administration du président Clinton, des voix
s'élevaient déjà au Congrès pour stigmatiser l'attitude belliqueuse
d e Kagame dans la guerre des diamants qu'il poursuit
indéfiniment en République démocratique du Congo.
La Belgique, pour sa part, tente encore de solder ses comptes
sur la colonisation et sur le génocide rwandais. Ce qui n'a jamais
manqué de lui attirer la sympathie du régime de Kigali. Le 7 avril
2000, le Premier ministre belge, M. Guy Verhofstadt, avait
provoqué une grande émotion au Rwanda en déclarant : "Au nom
Les secrets du gérzocide rwarzdais

de r~zorzpays, je rrz'irzclirze dei3nrrt les ~lictirlzesdu gérzocide. Au


rzonl de rrlorz pays, nu rzorrz de rrzorz peuple, je vous derrzarzde
pardorz". Et Kagame de répondre :"Denza~zderpardorz darzs ces
corlditioizs est urz acte de br-avorrr-eV.Le lendemain, le secrétaire
général du Front patriotique rwandais. Charles Murigande. en
L

profite pour lancer une pierre à la France :"Je crois que la Frarzce
a probablenzerzt de plus grnr~dsregrets et uiz plus grarzd pardolz à
exprir~zerau peuple nvarzdais. Je rze crois pas, poursuit-il, que ce
soit darzs la rzature de la Frarice de der~zarzderpardorz, rrzais rzoz~s
l'espérorzs toujours".
Nous avons dans ces propos le condensé démagogique que les
autorités rwandaises font parfois du génocide de leur peuple.
Elles s'arrogent ici le beau rôle en distribuant les bons points et
les sermons. On dirait que, seuls les autres ont à assumer leurs
responsabilités dans les terribles événements d'avril 1994. Et les
Rwandais dans tout ça, où sont-ils ? Que font-ils pour rétablir
leurs responsabilités. toutes leurs responsabilités ? Ils ont pourtant
eux-mêmes, machette à la main et armes au poing, égorgé leurs
compatriotes quand ils ne les exécutaient pas à bout portant. A
l'extérieur, chacun a fait l'effort de comprendre et de reconnaître
sa part de responsabilité. Une commissio~-id'enquête indépendante
a établi la passivité de l'ONU dans le génocide de 1994. Le
rapport sénatorial belge a montré les erreurs et la responsabilité
de la Belgique, le rapport de la mission parlementaire française a
souligné les fautes de la France, et le Rwanda, qu'a-t-il fait ?
Jusqu'à présent, à part son doigt accusateur constamment pointé
sur les autres. rien. Aucune enquête n'a encore été initiée à ce jour
par les Rwandais eux-mêmes pour expliquer leur comportement.
Auront-ils, hutu et tutsi, suffisamment de courage pour le faire ?
Pourront-ils s'élever au-dessus de leurs rancœurs et de leur haine
séculaire pour construire un avenir commun à leurs enfants ? Et
La fuite des tutsi et des hutu du Rwarlda

les intellectuels hutu et tutsi ? Ils semblent avoir démissionné de


leur rôle fondamental pour s e ranger derrière le
communautarisme sectaire qui empêche tout dialogue franc et
sincère. Quant à Kagame, il n'ose toujours pas créer les conditions
d'un retour au pardon entre Rwandais. 11 n'ose pas non plus s'attaquer
à toutes ces frustrations qui empêchent l'amorce d'un dialogue
entre ses compatriotes. 11 est incapable de combattre les démons
de la vengeance dans les deux camps. 11 n'arrive pas à briser cette
spirale infernale du "tu m'as tué, je te tuerai" que chacun rumine
dans son coin. Au contraire, il augmente les frustrations et les
rancœurs chez les uns et les autres. L e Rwanda est, selon
plusieurs sources, désormais peuplé de prisonniers, d'invalides de
guerre, d'enfants et de vieillards. La plupart des Rwandais
dynamiques et compétents ont déjà quitté le pays. Quel pays peut-
on construire dans ces conditions ? Kagame voulait le pouvoir.
Maintenant qu'il détient ce pouvoir, que veut-il en faire ? Mystère.
Annexes
Annexe 1

UINUAR
QG SECPEUR DE KIGALI

2 0 Décembre 1993
NO. KçHQ/OPS/3/2
Annexe : Un Document

Ur le Ministre de la Défense de l a République


Rwandaise
Hr le Secrétaire du Haut Commandement APR
Mr le Comaridant de l a MINUAR
OBJET: Procédure Opérationnelle pour llEtablissement de li
Zone de Consignation d ' l i m e s de KIGALI.

Veuillez trouver ci-joint le document en objet.


Il est soumis a votre approbation.
Veuillez nous retourner cet exemplaire signe.

L. MARCHAL
COL BEM
Commandant d u Secteur XIGALI

KA&E, Paul
Président
Haut Conmandement AeR

General de Brigade
Commandant de la MKNUAR
Annexe 2

' ~ i l tary
i police Hqs
N a t i o n a l ~ e s i s t a n c eA r m Y
F.O. BOX 3384
KMiPALA.
4.

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Ta under my o f f i c t . ~t i s a n spccial d u t i e s ,

A s f i i s t them where r.ea:essary.

LT COL ,.ccG FA*.


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C~MNANDA&P~'~IL~Q~&~.
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Annexe 2

M i l 5 tary p o l i c e Hqe
N a t i o n a l ~ e s i s t a n c eArmY
P.O. BOX 3384
KAP!PALA.
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1s under my o f f i c f . ~t is on s p c c i a l duties.

A s s i e t them where nsceüsûry.

LT COL c-f\ceF~*.
CCMMANDA~~I;~~ILZ@O~&;

...
i'lusiciirs documciits tels quc Irs cnrrcs de service et les
(~rdrcsde bataille repris en photocopie ci-après, constiiucni des
preuves irrefutnblesquecestint des éIPmcnts dc l'armée ré~ulièrc
ugandaise (NRA ) aui ont men(. unc a~ressionnrii>,je ~ , , n [ ~le

--
Rwanda.
Annexe 4

UNITED NATIONS NATIONS UNIES


A ~ A K I uUlWWl rn LWMVA MKWN mrn imrnrucr:AU i w ~ a n ~
-
WMfœ m A R

Kigali, le 2 mai 1994

Monsieur le Premier Ministre


du Gouvernement Rwandais

OBJET: Enquête internationale

Excellence,
Dans le cadre d'une enquête internationale relative à
l'accident ou l'attentat de l'avion présidentiel survenu le
6 avril dernier, )'ai l'honneur de VOLS informer que la MINUAR
est disposée à mettre en oeuvre une Commission ~nternationale
d' enquète.
Aussi, je vous demande de bien vouloir m'infomër sur les
p a y s que vbus ~ouliaitezvoir figurer dans la Commis~ionainsi
'que les modalitea €ventuellee.
voue rapPélie'que laabc&$ au lièu dë l , ~ b = ~ ~ & ~ k - à
toujours été hterdit 2, la MINUAR par l'année uta and aise
entrainant ainsi' rfn retard dans -ce-.volet.
bans Y @attenté d'une
-us prie'dOagréer,-Excel
conaid6ration.

.
. .
Annexe 5/1

Paris. le 18 Janvier 1993

5.8. Lettre du President de la République François Mitterrand au


Président Juvenal Habyarimana, 18janvier 1993, Négociations
d' Anisha

Monsieur le Président,

Votre lettre du 5 decembre a retenu toute mon attention.


-
Je continue a suivre avec un int&r&tpaniculier I'6volution de
la situation que connaît votre pays ainsi que les negociations qui se
déroulent à &usha-

Je suis conscient des diFficultBs que vous rencontrez-pour


mener plus avant I'ouvermre poiitique dans laqueue vous avez eng&.le
Rwanda. La- .réconciliation
. . . . - - . .. nationale
-..- au Rwanda passe. me semble-t-il,
par une période de transition au cours de laquelie toutes les
communautes'et'MrEes politiqkes devraient etre associees a r i e i n du
gouvernement jusqu'tî la tenue d'élections dans des delais rapprochés.
Des pas irnponants ont 4th faits e t je tiens vous réitérer mon s-dutien
dans cette voie.

C'est dans le meme esprit que la France appuie les


négociations d'Arusha qui doivent permeme de définir les conditions de
la transition e t d'en fixer les iirnites dans le temps. Des résultats

Son Excellence Monsieur Juvenal K4BYARL%rAXA


i Président de la République du Rwanda
Annexe 5 /2

encourageants ont déjà été obtenus e t je souhaite que le souci de régler


par la voie politique les différends qui opposent les deux parties
continue a prévaloir. C'est essentiel pour la srabilité de la région e t la
dipiomatie francaise s'emploie à en convaincre rous les intervenants.

Dans ce contexte, je partage vorre préoccupation concernant


le problème des personnes déplacées a la suite des hostilités, qui doivent
retourner très rapidement sur les terres dont elles ont été chassées. Les
accords conclus récemment A Arusha devraient le permettre.

La France est consciente d e la souffrance de ces personnes et


de la lourde charge que cela représente pour l'économie rwandaise. Elle
a , en 1992, fait un effon d'un monrant de quelque 2 M F en supplément
d e s a contribution à l'acrion d e la CEE. Pour l'année 1993, j'ai décidé
qu'un geste significatif serait fait par la France e n faveur des personnes
déplacées e t je saisis les Chefs d'Etat ou de gouvernement des pays
occidentaux observateurs a u x négociations d l h L h a afin qu'ils
contribuent également, sur le ptan financier, à faire face à c e problème.

Vous savez. Monsieur le Président, que je suis attaché à la


stabilité du Rwanda. Une coopération étroite s'est développée entre nos
deux pays ; en outre, depuis octobre 1990, le détachement d e militaires
français présent au Rwanda contribue A l'apaisement e t rassure les
communautés expatriées. J'ai cependant pris note des termes d e l'accord
de cessez-le-feu drArusha. Je ne veux pas qu'on puisse reprocher la
F a n c e d'avoir nui à une b o ~ a p p l i c a t i o nBeJ'accord., mais je souhaite
/

vous confirmer que, - . su -


. r la . ouestion ,de la présence du détachement ..- ,

NOROIT, la France agira en accord-avec ies autontes rwandaises.


. _- .a.. --.- _ .__ _.--- --.-.. . . _ ,

Dans cette période délicate de l'évolution d u Rwanda, je


mesure toute l'importance du rôle que peut jouer l'Ambassadeur de
France à Kigali en tant qu'observateur de la vie politique rwandaise et
instrument de l'action d e la France, c'esr pourquoi j'ai décidé de
prolonger M. MARTRES de trois mois. Je me dois cependant de veiller au
Annexe 5/3

respect des règles en vigueur dans la Fonction pubiique française qui


s'opposent au mainrien en activité d'un fonctionnaire parvenu A l'age de
la retraite er ne peux donc aller au-delà. Mais, je peux vous assurer que
je vetllerai avec une attention particulière au choix de son successeur.

Vous renouvetanc mes meilleurs voeux pour vous-même, votre


famille et le peuple rwandais, je vous prie d'agreer, Monsieur le
Président. les assurances de ma haute considération* de dat-
k 2 w
Annexe 6

5.2. TD Paris, 27 septembre 199 1, Visite A Paris du Major Paul


Kagarne

Déclassifi6

OB3ST : VISITE A PÀRIs W MlWOR -.


LE VICE.PRSSIDENT W FROWl' PATRfOTIQQE S-R A EFFSCIVE WI 17 AU 23 SEPTX4Bm

-
üü VISITE EN FRWCg 311 COlJRS DE W\PWLLg IL A W R- m. JFAN.CHRISiQPHâ
MTIgRRàXD ET PADL DI-. CES REXOUTFSS DOIVENT A CE STADE R -
D
COnPiDEKiIELLES.

l/ LeaaraT DE VISITS ElTUT Dg;


- AS80CIBR LE PPR A üN PROCgçSUS DE IIBWiCIE DS LR eRISE 9[16
PII*TFBRIONS EUL W S O N AVEC LE W R û I S ET LR PRBSIDMCE DP L'OOA.
- LOI FAIRG PARTAQER
-
SVXDATION COWXCPE DES 1-ENT3
DISSIPER ?WT EVERZWELU-
DE LR LUTI'C -.
VISION (RS)coRaLIATRICE BT L'MNER PAIRB VNB
A

~~ L R PLLSSIOü DES 80POATS T F A R X S


-
ACXWELLSMSNT STATIONNES AU RUANDA.
DEHWi'NS @E N W S S-S LES m S DE TOOS U S m S SANS -M. '
21 LE m R IFàOlllbg N'A P99 eRCW SA 8ATISPACFIOIP D'BPRO RBQl UT DBP- 1(L
A ~ I B S ~ ~ W I 9 r P Q L r P 3 Q w D S ~ P R L W C E A D R W A l l O R A ~ ~ ' A P R h ç ~ R P
ChRMXERISEE PAR üN CERTAIW DESEQüILIâRE UT SE FELICïTXT DE LOûCOSIOR QOL M
=AIT WIPH6E DE NCQS APPORTSR ON ECWRRLiE DIPPORFnP S R L& =SE RWANDAZSB. IL A
CERTES DEPLORE CERTAINS ASPECTS DE NOTRB COOPERATION AVEC XIGPLI QüI, S E W N LUI,
AVAIENT PD CONTRIBUER A FATRE CROIlLB AU PRESIDBW HPgYAFS13AIPA QU'ONE SOLUTION .
MILITAIRE ETAXT POSSIBLE., MAIS IL S'EST DECURB WWRT A INITIATIVE QUE KW9
FOüRAIOPIç PRENDRE POUR FACILITER LA =SE EN O S W R E D.üX PROCESSOS DE REû-
NEMCIE.

3 1 tg FPR, LE R((AI(OIZS. ACCûEILLB WnC F A V O R ? a ~ROS


INITIATIVES. tR(B RE- CONFIDLNTISLLE A PARïS. 8003 tWlXE EdXDE. DE HAUl%
RSSWNSABLES W FPR W aOü'VE-W RIIAIIDAZS EST DESORMXCS SOWAIïABLE. ETAKP
ENTENDU QUE NOUS NE YOLTUiNS PAS W ü S AU PRESIDENT DE L'WP. MRLS, A .
L' INVERSE, L'ASSISTER DANS SES EFMRFS.
VOIIDREZ BIEN FAIRE SAVOIR A M. W I i U R BIZI- QOE LE DE?- SP
PROPOSE D'ORGANISER OWE TELLE RENCONTRE DAMS LES S-S QUI ET LUI
DEIONDER A QUELLES DATES IL GTRB DISPONIBLE SE PSNUW A P U S .
LE DOPAR'ïEESKÏ, EN LIAISON A W C NUi'RE -SADE A ICRMPALL. FERA DE SON CQlP O@
-D SEMBLABLE ADPRES DES RSSWNSRBLgS DU FPR. ( W . SIGNE t DI-./.
Annexe 7

* ~ ~ . o h . m o 4 O- W-4.a

m md fir Luc T E 7gnnERnA.


f7
Annexe 8

Cohnis. le 29 jiiillei '9

LE CHEF DD'ETAT-MAJOR

J'ai lu avec b u c o u p d'intérCt Ics docunicnls quc VOUS nvcz eu i'arnabilitd de me


iransiiicitro. J'ai ainsi pu faire dc Ihwn tr&s intércssanic IR pan dcs clioses cntre Ics éléments
d'inl'cinnation que jc posXdais au momcni dc e.ioindrc le Rwanda en d6cembrc '93 ct ceux qu
nureient dd bin vade de mon back ground. Ceia confinne bien le sciilimcnt que j'ai i r b vite
6prouv6 au m i r s de ma tnission. à savoir que noinbrnix étaient Ics 4ltnients qui me faisaient
dCCaut ct qui auraient pu me permettre de procéder A une amlyse plus pointue des 6vénements
qiic je vivais sur le temin. Combien de fois n'ai-je pris r6pett au Cien Dallaire que j'avais
I'inrpression d'avancer dans le brouillard. tant nous noiis sentions parfois 6tranyero'à ce qui se
passni~SOUS nos yeux.
C'cst vous dirc I'iniérdt réel que ni'n proaird la lecture dc volrc contribution à une ineillwre
ci cvrnl)r6heiision dc ce dossier (cmplcxe s'il ai est). Vous dimije encore quej
cnnn~is%?ncc
pnnrge sans rCsrrve voire anilyse ilcs iinplicatiansdu FPK. cltic ce soi( avaiil oii nprb Ic
d~clcnchenicntdii drame. Jc le dis avec (l'alitant plus dc wiiviciion que j'ai moi-inhie 616 diip
dr leiir propagande accrocliciisediirnni les iiégocintiniis d'Arushr Ilne fois siii. place b Kigali,
j'ni riiv ,'riidrc coinptc qii'il y rrait iiiigounic eiiire le diseoiiis et P i ~ n l i s ~ i i vI!iic
ii
rlir<çliinc6 broyer. voilà cc qiis rcpriscnir euitcieiiicni cc iiiuiiveiiicni iicnractcre tutaliiairc.
LLT
LLT
.woüaye egq q s peoofqeqs sredmyeoeed ( u o T 6 ~ e g ~n ) aqa patuiesfp
XTpaqzodex osTe XaeqTTym u e p u e w ~a q j 'aqTs aqa 5 u ~ 3 a a d s u f
mol3 m aqq p 0 7 U e ~ e l dh i a q r ~ q nuspueta8 eqq 3nq ' a q p q s e l ~
eqq 02 peTteaerq 'BI= 'uo'qerado duTdeayeoead aq&
L peq q u e p ~ s e l dypnmna eqq : n ~ s ~ 1 ypunma3
~euemfxeXqeH
veuymexd q 3 w T I P ~ T XU T A xosu a 3 03 p w s s XTpeqrodel
eqq uo UeeTes os
lea uy qyaaonb tauoybaa Xeg-aub 8 m a 3 BuFulnqa3 ezebi sauaprsezd
oaq a w - q s e x î quanbasqns eqq UT p e l t ~ yaaen e a ~ w w f i e ? ~
uey3dÀ3 auapyserd JPunlnE pue eu-eruTaenqeH quepysexd 14204
aeqq pearrodex e a s q ~ ~ e y o ' 3 3 0X x e q ~ ~ r y l'Xepoq ( m y a uoa6uT4Se~
~d OO:&) ecuyq r e î o l yia 0 0 : s 0% zoyzd ewTqemos 3aodare
rie6y)r eqa a s ~ U ~ ~ U03W rofxd T unop aoqs s e n eueiuyzeAqe~
Tenebnr quepysead uepuewn 30 euezd eqenFad eqq aeqa paaaodaz
swq Xxoqyr:m u e p u e a ~eqq ' T T P ~ M ~ 0 x 3sqlodez 03 bu~paooov
mrrsmcJsm
-aoya;sueaa eqa s s n a s r p
oq naxtomoa w 0 0 : s qe wuep.jser s , z o p e s e e ~-9-neqa 3e
s q e m a ~ d ~aaeqsefi
p pue Xreqy~yineqq ueanqeq 6uTqew e pea.lue8lo
ssq e p u e m UT eayqequeseadea IeToeUs ~n aq& -sxeyoeaqe
unouyun Xq uwop qoqs sew eU8Td eqq quqq sqaodea pem1~y3uoaun
0x8 ezeqa *ypunana pue e p u e n ~30 sauepysaaa eqa ao qqoap
eqq UT QelTnaex X~quaxedds seq y ~ e b ~zeeu x qsexo e u e ~ dY
T T O ~ T XB P ~ S W Oq s e r z ~
eueId uy sqaepysela TplAixng QUE uepuenx 30 qaeea :&53JXnS
- r r a ~ s n aeouepnra - .TY :mw
& - 330UXWa 'Il -d :HMCMU
AlX3013W :al#
Annexe 13/1

United States Department of State


." . w4(hh@~.D.C 20520

. .
DECL: OADR .

TO x AF
L --Hr.Hr. Barper
Hoose

SüBJECTr Rwanda - Geneva Convention Violationi,

There ie eubetantial circinsetantial evidende


implicating senipr Rwandan gwernmeat and militarp offiaiale
in the wideepread, eyatematic killing of ethnic Tuteie, and
to a leeeer extent, ethnic FIutue who eupported power-eharing
betwsen the two groupe. The Rwandan Patriotic Front (RPF)
hae aleo ki3led Hutus in battle and hae admitted targeting
extremiet W t u a whom it believes to be reeponaible for
maesacres of Tutaia. Unlike government forces, the RPF doee
not appear to have conimitted Geneva Convention defined
genocidal atrocitiee.

Bloodp, iriter-ethnic atrugglea between Tutaia and Eutue


date back ta the colonial period. +n eetimated 20.000
Tuteie were killdl betveen 1959 and 1964 during the etruggle
for independence when the Tutei monarchy tell, but the
recent killinge far surpaee anything in Rwandawa hietory.
Since the April 6 downing of an airplane carrying Rwandan
President Habyarimana and Burundian Preeident Ntaryamira.
maaeacrea in Rwanda have claimed from 200.000 to 500,000
1 ives, accordin to international humanitar ian
jpO 6
A,{#
organizations. ?We believe 500.000 is an exaggerated 4Kr .
eetimate, but no data is availahle, if aystematic killinge
began vithin houre of Habyarimana'a deatha Host of thoee
children. .
killed have been Tutsi eiviliana, including women and
fhw'
Annexe 13/2

Some Ruandan goverment trwpa, P~tt- nlli;:, z d


extremist Hutu youth sqwds often tral>& or é r w - %
securitg farces are the main perpetrators. Xilli+-s i i ~
gredoniinantly-Tutai 3PF are mach f w e r ia ntazhr d !mec
occurred mainly in battle. There are credible reports th:
the %PF has s.itnmrarily executed Hutu militia allegwd to bave
been fnvolved in the abaasacrea and the BPF h a admitted to
such killinga. a i l e the RPP ha8 generally protected Eutne
within the territory it contzola, hitete behind goverment
lines continue to be LilXed by government supgorted
milftias.
. The 1948 Convention on the
ime and Genacide eatabltsheg
of genocide: 1) killing
i l p or mental h a ~ mto niembers
of the grougr 2 ) deliberately inflicting on the groap
condftiona of life calculated to bring about its ghysical
destruction in whole or in part; and 8 ) impoaing meaeuree
intended to prevent births anà.forciblp tranaferringi
chfldren o f the q o u p u g ~ o another groug.
..
-International arganizatiope, foreign
diplomate and indigsnow eye witnesse~hava regorfeü
eyatematic executions of Tutsis in villages, 8chholisr
Bosgitals, and churcbe8 by Eutu militla, the PrôBidenticil
Gusrd, and military forces. Banp have been Rillea or
gravely injured by machete-otielding dlitia llt~mberebecause
they are etflnic.hitei, bave Tutsi phyaical charaoterfstics,
or support IPutsls. Goveraiaent Zorcee have alsa attacked
site. vhere Tutai civillane have eought refuge, euch a8 the
m-protected. ibuahoro atadftmî in Kigali. Thep have
grevented o#herai f r m leaving a atadicrm in Cgangupu an8 have
selected an& killed aome of those inside.
nunteroue credible reports claim that goverment
officiale, fncludiag national and focal, officiale bave also
exhorted civilfana to garticigate in the mqeeacrea, often
utilizing the militant Eutu xaaio station, Milles Collines.
The new govezmnent.named f 01 lowing Xabpai fmana *a death 1s
comgcised pzfmzily of hsrd line Hu us opposed to cornpromise
with Tutsis and includea Individuali'believed tc have been
involved in Tutsi killinge. X t ha8 taken little, if any
action to halt the killings, motat of which have occurred
behind government lines.
Unbsarable ina condit
oleanaing agaiut%rnteie
.
Campeigna of ethnie
appea%bll-plaMed and eyetematic.
Romea are otten deetroyed and looted after the o~cupants
have been killed. Bosgital ataffs have witneased the
executi< of Tutsi patients. An eetimated one million
peraons have been disglaced and another 350,000 Tutsis and
fiutus have iled the country. Inadequate nutrition and
Annexe 13/3

medical care are clifrnfng additional lives and diseases such


as chalera and hepatitie threaren thoutrands mure. Sources
O£ drinking watsr have becorne polluted bg thousanda of
corpses throvn into rivers, lares and Wells. Goverment
officiais and saldists have denied or limited sccese bp
Interzlktlonal relieP workere to thceatenea.groupa, thus
grewenting theni from obtaining needed faad a.M me8ical cars.
Ocmerment force@ and militia have k i l l e d dozena of ON, Red
Craas and othm relief wrirltezs and a t t a c k e d ambuLaaces
hearing the injured.
T u t s i chZldfen, along with
t h e i ~gaiente, ara being mutilaiad ana rt11ld. fn one t o m-. .
pregnant wamn st a mternity clinfc wexe marssacred.
Inteicmt4onal %umaniCszian agencies estimate f r m eight ta
40 percent oii the T u t s i population niay have pariahed.

Eab
. T h a~saostssoi Prasridenta
never be kmw, "EhB @ae
box tram the airplane haa pr-bfy h s n rticcve~eüby' Rwa
gwr2:OïsenI offiofalrr vPla oantxollaa *&ta airport whea the
pzane was shot d m or, aceordfng te uneonfirme& reporter, by
French rili*arp off3clals Ptho larer aecat~àthe airport d
tem~taathe budp of the manch piLot fzom &byazirnana'a
plane dfter t h g @kaah. Rep~ictsallegfng tbt =tu
gavsrmnt 586df)rl oeatgd lista OF Putrrlrs aad iaoderate
&*US t 0 be ki%&&d be c~&&xLile8r bat ~ ~ f g i 8 1eugaget3
8
in specifie sxeaatieaa of %t8%e and et0aexat.e fXutu o f b i c i a l a
f e p s r t d l y tefetzei! t o tista asd a&dteBees, !ï?kerceere
creàilIle, but: unooxr%i~& zqmrte thaOJ.Huhu olmmtrt in the
rmilitarg ripqbasd Co ri26 Bxnaha meorBe, k i l l e d ~QarfmaniiIn
arder to block khe accozda eXfmfnaàe the iu&s%-d~wti.nated
RPF an% sympathetic Eutus,
Mi USELELEDenk
Simauresde Ressources.des
Infraslruclues el du Bien-Etre Social

-a Mr KIMM Gaoges
E c m i e . Rnances.
Commerce Enhicur,
D&@+xmenl
A Mi KUOZO Jean Flrmln
Indusrie. Mme$
Erwrgie Hydmarbres

-A
MrKA!ALAEug&ne
Hatutal T m u x Publm
Adnagomen1du Toniloie.
Emrtronnemenl %
8
Mr MUONGO Jean-Piema
Rebtions Enbrieums.
Coo~~?ralocn
lnarnationale

Mr lSliONG0 Plus
DOCvmentaliOn Gen6rsk
Mr ROtsrl sa*
Conseils~Expen
StEwAm

Econamique.IndusIriel
Financier el Diplm(ique
-a Mr TSHOKl F h u d
Tfansporis
Mmmun,caiions
T&lecommun~calmn

Mr WMONOA Mema
Educalihl nalionale
Enseignemen1
Conscience rlalmale.
k,
4

-
Mr M ~ M O N E

Mi M O N RPpholl
EmW.%il.
P~nceSoaaIe
Au g h
Ailaires (>ubliqws
Mmnisralim

Mr
Con&llc<
Expen Wiüquc
-P Mr MAKENGELEMaude
Sam6 Hmtene.
Assurance malade

Mi KIDM Emast
Agnwlture.
ALmenlatto~
Tenes el Tllfes h a e r s
Annexe 15/2

Mesdantes et Messieurs,

Beaucoup d'espoir déçus, beaucoup de trahisons, beaucoup d'avidités nous ont durement
appris qu'il ne suffit pas seulement de modifier une structure, mais il faut absolument aussi
assurer et garantir le respect des engagements pris au nom et pour le bien du Peuple.

En rapport avec mon Appel du 15 Mai lancé au Peuple Congolais, un groupe de Congolais,
dans un sursaut national et ayant décidé de prendre leurs responsabilités, m'ont approché et
m'ont demandé de m'associer A eux dans leur combat civil et pacifique pour I'instauration, an
Congo-Kinshasa, d'uu Etat de Droif Démocratique, Respectable et Responsable.

Ce A quoi, j'ai répondu hvorablement, respectant ainsi l'engagement que j'avais librement
fdt le 15 mai 1998, devant vous, celui d*êtreaux côtés des congolais qui combattent toute
forme de dictature au Congo et luttent pour le bien* de leurs £&es et soeurs.

Ceci dif Mesdames et Messieurs,


j'invite a présent le ler Vice-Président du Conseil A prendre la parole.

Je vous remercie
Annexe 16/1

La -don der S- & N o m - D a m e du Bon-Conseil

En hivant m P g v sur lu derniersjours du P&e Iwpuim Volhqlo,


le ICNteUmVm pmche de DIU, de ru m@ru u de safmuile.
Jr suis émue C W J ~

Drpvlr k 7 d i , nous ne poinilonr plus sa& du panail elyoumry narre


remin. C'&ah le Mrmohdujow où k Pr(rIdenf/ur IUC. k Pare J ~ u l m &air orrr
nous. r'ouupaN, en ru&nU qur@uupaUrsem'cu u M &MI. €jure aucru lemuru.
il Y a eu h coune blogmpNe du P t n Dnnilen Coire par Ie C b ï h I D ~ e e i s . I I a tiC
Wd par iu YI* de cu apôtre ef müslonmdre. &fol. i%splrance. la fone, ie
coumge asunouf lafldClûtavvt l u s i a u en m m avec efujusqu'd lafin. rroyyol'rm
un doho a lui. car U nounissmir ces venus dmu son coew.

& 21 M. U i&Ub de fair# w m?aife MNIC~&. en anendm de


ruoumer d Mrùuua. Plurlcw~folr,il I ohand& aux 461cien du FPR de k laisser
a b U*. I I youIo& d rouf prlr y m u n u r p o u r y mmw s u mnfrhs de qui il
dfabub inqulu. Il &mir $unau&r les nombrefu d i p M du W . Lu ofiders
hù &&adan rou/oun enfudr. qru *w ch#s éfndialadi n quuùon.

Lc IrurdliS onll.d u nd111obu &nuvenus. C'Crde~d a anuslem. Ilr


vtmùad d Eymbapwmpenffdu r e l l ~ l bel#tse ~ ainsl p'm reU#ieusebrésilienne
. qds'&aim r4ugitt dùyumba. &pu[lque4uujowt. A
nomdanande, dmmiilrairu
de l'ONU onf aœep11 de se &e d Rwcrem qin de s'enquidr du son de nos ome
jeunu socw nvandaisu qui &aimi iù-bas. it Pare Ioaquh a danand1 de lu
llcwnpu#n#r. êncore. U wuiolt demMdvora ndUtolru du Rom Pcllrioriqru Rwandais
ri h mue &air~CnvimlnjwquOYlJUMu m l n c j y ~ p ' d&08ahamgo. ri la premitre
bonitre, on a r&C de les laissupau~.pr&manI qur lu muru haieN minta!.. .

Un PPR 8 d e n àc h bnni&c a recom le Ptre Vaibda u lui dlr:


J e # reconnais, 101. m u un disclpie dd M8r Aidl( P e d i n l . . . DlUV lu homCtie~ru
as meipanVde aow... d p M a m mp&u, N as dit que iuFPR s e d m dam&...ru
paiemr cd. unJowl. Er ii a confinu4 de l'inmlfer. en p r & w e d u onusiens. h nu
raconfaiucmr convnsoiion, le P t n Jooqnlm &@frrta boulmenC u encoresour le choc.
Ce j o d à , il mmlr pu pnnlr,avœ lu ~ U r a i r de
a l'ONU. d u m t r r r u i u
dCpiac& dr Muhua ON buoin de moi., nu diM. Je vcfu mauionner ici que, iomdu
vin'tu du @den, U & envoy& un mesa## d sa chLn maman cf un U r e d son
supkrieurde Kigati paudire qu'il Im.1 v .
i CI en~ s h r i r t ! C u mcSIa8u ont-iis &Id
reçru... ?
Annexe 16/2

-
Le 26 mn7, vers 1 4 . 4 , des oficicn drr f f R , dmqq u 4~mialoim &,
sont venus dierchw le Pare Vallmajo. JI( &&N dun'k lo &n. Au
suis arnmvCe,ik demMd4iuir d wrc soeurm'ce d ' a h drcrdvr k P h . Tow dc sraie.
I ' 0 W r m'o dit que ses ch@ w&m Ir wir, czu U a M la swptise a ['inquiMe sw
OY je

mon visclge. TOMscmbhit ~~Uement si mystCn'eu! Lc P2re n'a par car& à m i r .


L'oficier hi a dii de monter dans ka c~u'o&erteappanenatu au CDD (Co& Dioc&ain
du DÉvebppemeaI. *Nos c m v e W vous win. da I'OlpFcier. & PPère a souri, il y
avoir reUemenf iongrenyu qu'il wulait lu rencower.
AU uwmm dc monter dans la voiture, te Ptrc Jonquim a fait un gmnd
sigm de cmlr avGc beaircoup dcrecuei1fement. A~41't-Ifun prcssenrtmenr? Pensait-il au
pire? Puis. 51 nout a envoyd la main en disant: J e reviendrai dons quelques minurcs.~
Un miliraire mt est momt avec W... et nous ne l'avons jamais revu! Le soir et les
...
joun qui ont suivi, nous l'avons mendu, ortendu. Comme nous Crions mgoisstes! Ce
mCme jour. à la &ne heure, iu tWtk prttrcs de la paroisse ont lrt! amen& el ne sont
jamais revenus.

Le Pire Joaquim rare donr notre coeur et d m notre mémoire. Nous le


vkn4rons conune wt marqvr er comme M grand apbrre. la suirc du P2re Damien sur
son fle de M o W , 31 a sac#&, &nnt sa vie pour Irr pltu d&htrirIs. II a voulu leur
venir en aidejusqu'au bow en resrnnr avec lux. Je dirais qu'il a Ifé fidLle à cet appel
du Seigneur.

Que son sang, ainsf que ceid de IOUT CW qui 14ni mm d m corc
guerre, rnombe sur ce pays du Rwanda.. afin que rrireurissenf b ei l'omw.

Avec un coeur rempii de sympathies,


Table des matières
1- Genèse d'un homme de pouvoir .......................................... 15
2- Assassinat des présidents africains et des
pilotes français ..................................................................... 41
3- L'attentat qui gêne Kagame et l'ONU .................................. 75
4- Kagame et la guerre des diamants au Congo ....................... 105
5- Assassinat de Rwandais et de prêtres occidentaux .............. 123
6- La fuite des tutsi et des hutu du Rwanda ............................. 141
ACHEVÉ D'IMPRIMER
E N N O V E M B R E 2001
DANS LES ATELIERS
DES PRESSES LITTÉRAIRES
-
À SAINT-ESTÈVE 6 6 2 4 0

D. L. : 4e TRIMESTRE 2001
ND D'IMPRIMEUR : 1 9 2 5 7
Annexes 15/1

MOT D'OUVERTURE DE LA CONFERENCE DE PRESSE

(Par Monsieur W y MALLANTS, Colonel en retraite


Prbldeut du Conseil de la République Fédérale Démocratique da Congo)

Mesdames et Messieurs,

Fa oumant la Conférence de Presse de ce mardi 26 mai 1998 qui fiÿt suite B celle que j'ai
tenue, ici même, il y a de cela onze jours, permettez-moi avant toute chose de m'acquitter
d'un agréable devoir :

D'abord,celui de vons souhaiter d a l e m e n t la bienwu* et de vous r e m d e r d'avoir bien


voulu répondre,nombreux B notre inviîatim. Cela constitue B la fois la marque de confiance
que vous traduisez en notre égard et i ' i i que vous attachez B la République du Congo-

Ensuite,en votre qualité de témoins historiques de la naissance du Conseil de la ~épublique


Fédérale Démocratique du Congo, celui de vous demander à chacun de vous d-'
notre sympathie. En &me temps, nous fondons l'espoir de vous voir faire parvenir le
message de ce jour B traversle Monde jusqu'aux nnS fonds du Congo-Kinshasa

A tout seigneur fout honneur, dit-m. Vous les jounialistes, constituez les sources des
éléments qui ont servi B la cristaliisation des énergies qui ont conduit B i'6vénement que
nous vivons aujourd'hui en ce moment.
d VEBR~m'uiiûüs cYtE SUR LE1
w
Ia
A i
et des Frginpis ont trouvé la mort ? Qus faisait I'ONU pendant

tat et lm massacres qui nt suivi k


4strois a n n k d'investigation SUI CI^

mile sur le silence

&a en 1994.Cm pwt4'Eeece q

Zrner les différentes

'auteur, qui a eu acds aux rappc@p


en& mrïfidentkls de l'ONU

ntaux el m ~ w ~l'ampleur
~re d- '- -- ---L'''*A A--

I
ONkNA est journaliste d'invw' ,a , ,S.- T

de Jean Bedel BOKASSA et d'un@esquate


t e burkinabé Norbert ZONOO.
~ganisationpanafricaine des journalistes inckpendai

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