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Siréas asbl

Service International de Recherche , d’Education et d’Action Sociale

Année 2007

Analyses et études

CO-RESPONSABILITES DANS LE GENOCIDE


RWANDAIS : ESSAI D’ANALYSE.

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Co-responsabilités dans le génocide rwandais : essai d’analyse.

Introduction

Beaucoup de livres et d’articles ont été écrits sur le génocide du Rwanda. Certains
soutiennent des thèses tout à fait opposées, des plus sophistiquées aux plus simplistes
lorsqu’on aborde la question de la planification ou des niveaux de responsabilités dans ce
génocide. Néanmoins, tous ceux qui tentent de comprendre la guerre du Rwanda et le
génocide qui s’en est suivi reconnaissent que l’attentat contre l’avion présidentiel qui a coûté
la vie aux Présidents Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi a
été la cause immédiate du génocide.

Cet article se veut une réflexion sur les co-responsabilités dans ce génocide. Dans le cadre de
notre réflexion, nous aborderons ce problème de co-responsabilités sous deux angles. D’abord
sous l’angle de deux parties qui étaient en guerre depuis le 1er octobre 1990, ensuite sous
l’angle des puissances étrangères, notamment les instances onusiennes qui n’ont pas su réagir
adéquatement face à ce drame.

Bref aperçu de l’histoire du Rwanda

Il importe ici de commencer par un petit rappel historique des événements historiques qui
peuvent être considérés comme des causes lointaines du génocide rwandais.

Le Rwanda est un petit pays, de 26 338 km2 situé au cœur de l’Afrique centrale, dans la région
des Grands Lacs. La population rwandaise est composée de trois ethnies, les Twa estimés à
1%, les Tutsi 14% et les Hutu 85%.

Comme son voisin le Burundi, le Rwanda a été un royaume dirigé par des monarques absolus
« de droit divin »(monarchie féodale) issus de la minorité tutsi pendant de nombreux siècles .
Du temps de la colonisation, il a d’abord été sous protectorat allemand avant de passer sous
tutelle belge en 1916. Il a connu une Révolution sociale en 1959 et acquis son indépendance
le 1er juillet 1962, avec instauration du système républicain. Avec l’avènement de la
République, les Hutu ont accédé à la gestion du pouvoir. Les troubles de la révolution et des
années d’indépendance ont occasionné un exode de nombreux Tutsi vers les pays voisins mais
aussi vers l’Occident.

Depuis lors, les Tutsi vivant en exil, souvent concentrés dans des camps de réfugiés en
Ouganda et en Tanzanie, ont essayé de reconquérir le pouvoir par force mais sans succès

1
(notamment entre 1963 et 1967). Ils attaquaient sous l’acronyme « INYENZI1 ». Les deux
premières républiques se sont heurtées à ce problème de réfugiés rwandais mais elles n’ont
pas réussi à lui trouver une solution adéquate. Revenant sur la problématique des réfugiés
rwandais sous la deuxième république, le Président Juvénal Habyarimana en était une fois
arrivé à déclarer que le Rwanda était trop petit pour permettre le rapatriement de tous les
réfugiés rwandais. Cela avait créé beaucoup de mécontentement surtout du côté des réfugiés
qui se trouvaient en Ouganda et qui se faisaient refouler par les Ougandais.

Certains de ces réfugiés ont combattu en Ouganda aux côtés de Yoweri Museveni, au sein de
la National Resistance Army, la « NRA », et ont occupé des postes de responsabilités dans
les hauts organes de l’Etat ougandais et de son armée. Néanmoins, leur omniprésence dans
l’administration centrale et notamment la cruauté du chef du service de renseignement
ougandais le Major Paul Kagame ( alors surnommé « Kagome » c’est-à-dire le méchant, par
les Ougandais) les ont rendus indésirables en Ouganda. Forts de leur expérience militaire et
politique, ils ont réussi à fonder un front uni, le Front Patriotique Rwandais ( le FPR) avec sa
branche armée l’Armée Patriotique Rwandaise (l’APR) composée essentiellement des
éléments de la NRA. Leur retour au Rwanda allait ainsi être possible. Même si les chances de
rentrer au Rwanda par voie de négociation n’étaient pas épuisées, le FPR a privilégié la voie
des armes d’autant plus qu’il avait l’assurance d’être soutenu par la NRA et par le président
Yoweri Museveni de l’Ouganda.
D’octobre 1990 à avril 1994
Le 1er octobre 1990, le FPR-Inkotanyi et sa branche armée « l’APR » issue de l’armée
ougandaise, lance sa première attaque contre le Rwanda. C’est le début d’une guerre qui
durera 4 années marquées parfois par des pauses de négociations à divers endroits de la
planète, notamment à Arusha en Tanzanie entre le gouvernement rwandais et le FPR en vue
d’arriver à un accord pour une paix durable.

À partir de sa première attaque jusqu’au 6 avril 1994, jour de l’attentat contre l’avion
présidentiel, le FPR a excellé dans les exactions contre la population rwandaise, les crimes de
guerre et les crimes contre l’humanité. Cela a d’abord été décrié par les déplacés de guerre et
les soldats du FPR capturés sur le champ de bataille, et ensuite par les réfugiés qui ont
survécu à cette guerre dont le point culminant officiel a été le génocide et les massacres
ethniques de 1994 . Plusieurs témoins, notamment les témoins occidentaux qui étaient sur
place, ont également dénoncé les méthodes meurtrières du FPR à l’encontre des populations

1
Contrairement aux affirmations actuelles véhiculées pour appuyer les thèses de la planification du génocide
rwandais, Inyenzi veut originellement dire : le combattant de la milice Ingangurarugo qui s’est donné comme
objectif d’être le meilleur » ; Entretien avec Ngurumbe Aloys ; sur (sur l’origine du terme « Inyenzi »)
(Twaganiriye na Muzehe Ngurumbe Aloys » par Rangira et Kalinganire, Kanguka n°52, 5ème année, 12 février
1992, traduit du kinyarwanda par Eugène Shimamungu) ;
http://www.geocities.com/rwandanet/UbuhamyaBwaNgurumbe.pdf

2
civiles2. Dans leur enquête publiée en 1995 sur les horreurs commises par le FPR et intitulée :
« Rwanda. Les violations des Droits de l’homme par le FPR/APR. Plaidoyer pour une
enquête approfondie. », le père Serge Desouter et le professeur Filip Reyntjens affirment que
le « FPR/APR a tué au moins des dizaines de milliers de Rwandais, et cela dans le plus grand
silence et à l’abri du regard d’observateurs étrangers. » Ils évoquent l’ « élimination
planifiée d’une partie de l’élite hutue », « l’élimination physique de personnes sur base
ethnique », le maintien de la population sous une « terreur continue ». « Tout ceci est exécuté
avec une grande cruauté. Des formes de torture reviennent régulièrement, et certaines portent
l’étiquette ‘Inkotanyi’ »3 .
Les méthodes utilisées par le FPR pour tuer les gens depuis sa première attaque en 1990
jusqu’à sa victoire ont cultivé la haine et exacerbé les tensions ethniques. Quelques-unes de
ces méthodes ont notamment été décrites par le lieutenant Abdul Ruzibiza4, Pierre Péan5 et le
père Serge Desouter6.
Il apparaît que ces méthodes cruelles ont été appliquées par le FPR dès le début de la guerre
en 1990, soit 4 ans avant le génocide rwandais de 1994. Les populations déplacées qui
échappaient à ces tortures en parlaient aux concitoyens qui les accueillaient. Ainsi, au fil des
jours, l’ensemble de la population a fini par connaître les méthodes d’extermination utilisées
par les agresseurs. Certains Hutu commençaient déjà à en vouloir aux Tutsi car le FPR était
essentiellement composé d’anciens réfugiés Tutsi.

Le sort réservé aux corps des victimes


Tous ceux qui se sont intéressés au génocide rwandais ont un point de convergence quant aux
méthodes utilisées par les parties belligérantes pour tuer.

D’une part, les Interahamwe se servaient de gourdins, de machettes, de flèches, de lances, de


grenades et de balles. Ils pouvaient laisser leurs victimes sur place comme ils pouvaient aussi
les entasser, les jeter dans des fosses sceptiques ou dans des fosses béantes qu’ils trouvaient
parfois chez certaines victimes. Ils ont commis l’irréparable par leur cruauté à l’encontre des
Tutsi et des Hutus qui avaient une physionomie tutsi7.

2
Bernard Lugan, RWANDA : Contre-enquête sur le génocide. Editions Privat, Toulouse, 2007 ; p.121
3
Pierre Péan, Noires fureurs, blancs menteurs, Rwanda 1990-1994 ; éditions Mille et une nuits, Paris, 2005,
p.260
4
Lieutenant Abdul Joshua Ruzibiza. RWANDA. L’histoire secrète. Editions du Panama, Paris, 2005.
5
Pierre Péan, op.cit. pp.261-262
6
Serge Desouter, RWANDA : LE PROCES DU FPR. Mise au point historique. Editions L’Harmattan, Paris,
2007, pp.183-196.
7
Lire l’ouvrage d’Edouard Kabagema, CARNAGE D’UNE NATION- Génocide et Massacres au Rwanda 1994-
, Editions l’Harmattan, Paris, 2001.

3
D’autre part, le FPR/ APR se servait aussi bien de petites houes usagées que d’armes à feu. À
la différence des Interahamwe qui ne prenaient pas le temps de s’occuper de leurs victimes, le
FPR prenait le soin de charger les cadavres à bord des camions pour aller les incinérer, loin
des caméras et des regards indiscrets, notamment dans les forêts des parcs nationaux, dans la
forêt naturelle de Nyungwe, etc. Pour s’assurer de la disparition totale de traces, les cendres
étaient dispersées dans les rivières. Au cas où les corps n’étaient pas incinérés, ils étaient
ensevelis dans des fosses communes8.

Dans certains endroits, les corps n’ont pas été enterrés et ravivent toujours de mauvais
souvenirs pour les gens qui ont perdu les leurs, par exemple lors des simulacres de réunions
où l’APR bombardait des villages entiers après les avoir invités à participer à des réunions.
Aujourd’hui, les corps de gens tués par le FPR/APR sont mélangés avec ceux des
Interahamwe, ce qui biaise les chiffres des victimes du génocide tutsi. A ce sujet, le
témoignage du missionnaire Santos Ganuza est éloquent :

‘« En 1994, les Interahamwe sont arrivés et ont tué les mille Tutsis qui s’étaient réfugiés dans
l’église, sans que je puisse rien faire pour l’éviter. Peu de jours après, les militaires tutsis
sont arrivés et ont tué dix mille Hutus. Les télévisions occidentales ont projeté les images de
ces Hutus assassinés dans ma paroisse, les identifiant comme Tutsis. »’9
Bernard Lugan10revient sur les statistiques biaisées des victimes du drame rwandais et
démontre que les deux ethnies ont été sensiblement visées. Il conclut en ces termes : « Les
Tutsi n’ont donc pas été les seules victimes des tragiques événements du Rwanda. Reyntjens
donne ainsi l’exemple d’une colline dans la région de Gisenyi où, sur 27 personnes tuées, une
seule était tutsi (TPIR, 98-41-T, 21 septembre 2004, s.p.) .»

Comment expliquer le drame rwandais?


Jamais, on ne saura comprendre ce qui s’est passé au Rwanda en 1994, si on ne se base pas
sur le contexte socio-politique d’alors. Avec cette guerre, nombre de gens se sont improvisés
experts de la société rwandaise. Ils s’ingénient à démontrer les diverses responsabilités dans
l’hécatombe qui s’est abattue sur le peuple rwandais. Néanmoins, à ce jour, très peu de gens
ont fait un effort d’analyser objectivement les raisons qui ont amené un groupe ethnique à
s’attaquer à un autre groupe frère.

Nous n’avons pas la prétention de tout expliquer dans les quelques lignes de cet article.
Toutefois, pour mener jusqu’au bout notre analyse, quelques éléments-clefs mériteront une
attention particulière.

8
Serge Desouter, op.cit.pp.185-190 et Abdul Ruzibiza, op.cit..
9
Pierre Péan, op.cit., p.263
10
Bernard Lugan, 2007, op.cit., p.120

4
Primo, par ses méthodes de torture et les atrocités qu’il a commises à l’encontre des
populations civiles des zones conquises, le FPR/ APR à dominance tutsi s’est taillé une image
de bourreau et a créé et attisé une haine ethnique « hutu contre tutsi ».

Certes, aucun Rwandais qui est né et a grandi au Rwanda n’ignore qu’il y a toujours eu entre
les deux groupes ethniques des attitude de méfiance datant de l’époque monarchique. Il faut
entendre par ici que les Hutu et les Tutsi ne se haïssent pas comme tel mais qu’ils ne
parviennent pas à partager mutuellement le pouvoir. Il importe de rappeler encore une fois
que ces conflits qui opposent les deux ethnies n’empêchent pas leurs membres respectifs de
nouer des amitiés et de contracter des mariages. C’est là la complexité de la société
rwandaise.

Secundo, en octobre 1993, l’assassinat par les militaires Tutsi du président hutu Melchior
Ndadaye, premier président démocratiquement élu au Burundi et de ses proches
collaborateurs11, a vivement secoué les peuples des deux pays. Là encore, il est inutile de
signaler que les Hutu burundais et rwandais se sont sentis particulièrement concernés. Cet
acte ignoble ravivait les sentiments séculaires d’humiliation que les Hutu avaient entretenus
sous les monarchies féodales. Pour la plupart des Hutu, cet assassinat prouvait que les Tutsi se
considéraient toujours supérieurs et ne toléraient pas la présence d’un Hutu à la tête du pays.
Ce fut une occasion pour les Hutu à tendance extrémiste de le devenir davantage12. Faisons
remarquer que la communauté internationale n’a pas réagi convenablement face à ce putsch
qui a plongé le Burundi dans une guerre civile, car il a fallu 12 ans pour y envoyer les forces
onusiennes. La même négligence avait été constatée lors des massacres tristement célèbres de
1972 qui ont coûté la vie à plus de 200 000 Hutu burundais.

Enfin, en plus des assassinats politiques contre les personnalités Hutu au Rwanda durant toute
la période de guerre de 1990 à 1994, l’attentat contre l’avion présidentiel qui a coûté la vie à
deux présidents hutu Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi
ainsi qu’à une série de hautes personnalités qui les accompagnaient, a servi de détonateur au
génocide rwandais. Même si à certains endroits les populations hutu ont attendu l’ordre des
autorités avant de s’attaquer aux Tutsi (le cas le plus souvent cité est celui de la préfecture de
Butare), dans la plupart des régions du Rwanda , les populations hutu ont spontanément et
systématiquement procédé à la chasse et aux massacres des Tutsi, de ceux qui leur
ressemblaient, de ceux qui les défendaient, de ceux qui étaient considérés comme pro FPR
(complices) ou de ceux qui étaient soupçonnés d’être des infiltrés13.

11
http://www.arib.info/Grandshom.htm
12
Filip Reyntjens, Rwanda. Trois jours qui ont fait basculer l’histoire. (Cahiers Africains n°16). Editions
l’Harmattan, Paris, 1995, p.16.
13
Ce point de vue est partagé par de nombreux Rwandais qui étaient au Rwanda au moment du génocide. A
titre exemplatif, Edouard Kabagema, CARNAGE D’UNE NATION- Génocide et Massacres au Rwanda 1994-,
Editions l’Harmattan, Paris, 2001.

5
Pendant que les miliciens Interahamwe pourchassaient les Tutsi et leurs complices, le FPR/
APR était parallèlement à l’œuvre, massacrant des villages entiers sur son passage, tirant
impitoyablement sur toute âme qui bougeait car il considérait que les survivants étaient soit
Hutu, c’est-à-dire des tueurs, ou étaient pro MRND, le parti de Juvénal Habyarimana. Abdul
Ruzibiza, ex-officier dans l’APR l’a déclaré en ces termes : « Les Tutsi qui formaient la
branche armée des Inkotanyi ont tué le plus grand nombre de Hutu possible, je veux parler
de tous ceux qui ont été repérés ou de tous ceux dont on pouvait trouver les moyens de les
éliminer. Ce crime est imputé à près de 23 000 militaires, la plupart l’ont commis sur ordre,
d’autres l’ont commis pour leur plaisir, sur autorisation expresse de Sieur Kagame .»14
Si nous devions comparer les tueurs des deux bords en termes d’organisation et de respect des
ordres hiérarchiques, nous pourrions dire que le FPR/APR était mieux organisé que les
Interahamwe. En effet, il procédait tantôt aux tueries sélectives, tantôt aux massacres. Il
convoquait tout un village dans une prétendue réunion et personne ne retournait chez lui. Il
avait des méthodes propres à lui de tuer sans attirer l’attention des observateurs étrangers. Il
incinérait les corps et éparpillait les cendres dans les rivières ou dans les forêts comme il en
dissimulait aussi un grand nombre de différentes façons, notamment en les mélangeant avec
ceux des victimes des Interahamwe.15
C’est d’ailleurs ces massacres à grande échelle perpétrés par le FPR contre la population
civile qui poussent aujourd’hui certains observateurs et analystes à affirmer qu’il n’y a pas eu
qu’un seul génocide-celui des Tutsi- mais un double génocide. Qui plus est, les statistiques
actuelles montrent que depuis l’attaque du FPR en octobre 1990 jusqu’à ce jour, il y a eu
autant de Hutu massacrés (ou même plus) que de Tutsi16.

Bref, comme l’on peut le constater, la folie humaine qui est à l’origine de plus d’un million de
morts au Rwanda s’explique globalement par le contexte socio-politique d’alors qui s’était
complètement détérioré en raison des méthodes de guérilla utilisées par le FPR.

L’attentat du 6 avril 1994 et le Génocide

Des co-responsabilités
Le 6 avril 1994, un missile sol-air pulvérise le Falcon 50 du Président rwandais Juvénal
Habyarimana. Cet attentat qui lui coûta la vie ainsi qu’à son homologue burundais, déclenche
un génocide sans précédent dans lequel périssent plus d’un million de Tutsi et de Hutu. Dès

14
Abdul Ruzibiza cité par Honoré Ngbanda Nzambo. Crimes organisés en Afrique Centrale. Editions Duboiris,
Paris, 2004.,p.268
15
Pour en savoir plus, Abdul RUZIBIZA, op.cit. et Serge Desouter, op.cit.
16
http://www.musabyimana.be/index.php?option=com_content&task=view&id=51&Itemid=44 et Bernard
Lugan, op.cit., pp.119-120.

6
les premières heures de l’attentat, deux forces rivalisent à verser le sang des innocents qu’elles
considèrent comme leurs ennemis respectifs. Il s’agit d’une part de la milice Interahamwe et
des FAR pilotées par la Garde présidentielle, et d’autre part, des militaires du FPR,
notamment son bataillon cantonné au palais du Conseil National de Développement (CND)
ainsi que ses éléments infiltrés quelques jours voire quelques mois avant le 6 avril.

Certes, le génocide rwandais a été possible dans le contexte de blocages de la mise en


application du processus de paix d’Arusha17 et d’une suite d’événements inextricables
entourant la guerre qui opposait le Gouvernement et le FPR, notamment des assassinats
politiques qui avaient sensiblement détérioré le climat socio-politique du Rwanda et l’attentat
du 6 avril 1994. Cet attentat a été comme une goutte qui fait déborder le vase. Les
responsabilités dans cette hécatombe qui a emporté des centaines de milliers de vies humaines
devraient être partagées par les deux antagonistes. Les propos du capitaine Amadou Deme
alors membre de la Mission de l’ONU au Rwanda (la MINUAR) en disent plus quand il décrit
la situation qui prévalait après les quelques jours qui ont suivi l’attentat :

« Justement. Pendant la période terrible des tueries, les forces gouvernementales n’ont pas
cessé de demander une trêve pour pouvoir rétablir l’ordre. Pour sa part, le FPR a toujours
refusé la trêve parce que sa machine de guerre était déjà en route. Les forces
gouvernementales n’étaient simplement pas en mesure de faire face à une armée offensive,
destructive, rapide, bien appuyée et approvisionnée, et, en même temps, de se concentrer sur
la reprise du contrôle à l’intérieur du pays et sur la répression des tueurs. L’armée rwandaise
ne pouvait pas faire les deux. En outre, le FPR aurait dû accepter la demande de trêve pour
des raisons humanitaires, vu les tueries massives de personnes qui appartenaient aux deux
groupes ethniques. Le fait d’avoir refusé la trêve a sûrement été un crime contre l’humanité.
Tout simplement immoral18. »
Bernard Lugan confirme aussi que la demande de cessez-le-feu des forces gouvernementales
(les FAR) avait été rejetée par le Front Patriotique Rwandais (le FPR) :

17
Bernard Lugan, op.cit., p.136 :
« Dans les semaines et même dans les jours qui précèdent l’attentat du 6 avril 1994, ce n’est donc pas du camp
présidentiel mais celui du FPR que vinrent les blocages. L’intransigeance du FPR s’explique par l’impasse
politique dans laquelle il se trouvait alors car, de fait, il était au piège du processus d’Arusha. Les accords lui
faisaient certes et en théorie la part belle, mais ce n’était qu’une illusion puisque le suffrage universel allait le
ramener à la réalité électorale imposée par la mathématique ethnique. La seule issue pour lui était donc de
changer la nature du problème en reprenant les hostilités. La victoire par les urnes lui étant interdite, il allait
donc chercher celle des armes. Voilà qui explique la suite des événements et du drame dont il est le principal
responsable »
18
Robin Philpot, RWANDA. Crimes, mensonges et étouffement de la vérité. Les Editions des Intouchables,
Montréal, Québec, 2007 ; p.102

7
« Un télex du général Dallaire adressé à M.Annan, également le 12 avril 1994, signalait que
le haut commandement des FAR proposait un cessez-le-feu inconditionnel à partir du 13 avril
à midi. (TPIR, 98-41-T, DNT 108). Le FPR ne donna aucune suite à cette demande. »19
Nul doute, les deux parties en conflit partagent la responsabilité du drame rwandais. D’une
part, le côté gouvernemental qui est tombé dans le piège tendu par les agresseurs en
permettant les massacres à grande échelle de Tutsi et de Hutu dits « modérés » qui allaient
tourner en un génocide de Tutsi; d’autre part, le FPR qui a voulu conquérir le pouvoir par tous
les moyens, en procédant aux massacres systématiques et souvent sélectifs de Hutus qui ont
toutes les caractéristiques d’un génocide de Hutus20 et, si l’on en croit aux nombreux
témoignages et aux résultats de l’enquête du juge français Jean-Louis Bruguière, a osé
commettre l’attentat qui allait déclencher le génocide d’avril 1994.

Pourquoi l’inaction et même l’obstruction à cette enquête ?


L’attentat du 6 avril 1994 est sans conteste l’élément détonateur de tous les événements
sanglants qui ont suivi mais rien n’a été fait pour replacer cet élément dans l’analyse des
faits qui ont entouré le génocide.
À ce jour, seuls ceux qui ont perdu la guerre sont poursuivis et condamnés pour le rôle qu’ils
auraient joué dans le génocide rwandais par les justices pénales nationales ( du Rwanda et de
la Belgique pour ne citer que ces deux pays) et le Tribunal Pénal International pour le Rwanda
se trouvant à Arusha en Tanzanie. En effet, avant le récent mandat d’arrêt du juge Jean-Louis
Bruguière contre 9 personnalités du FPR, aucune instance judiciaire n’avait osé inquiéter les
autorités rwandaises actuelles. Alors, pourquoi la justice ne réagit-elle pas adéquatement face
à ce drame inouï ?

Dans son ouvrage Les secrets de la justice internationale21, Onana s’appuie sur des rapports
des services secrets rwandais, des documents confidentiels des Nations Unies et des
correspondances officielles belges et françaises. Il dénonce le silence assourdissant qui
persiste sur les faits. Il évoque le manque de transparence, les magouilles, l’étouffement de la
vérité par l’ONU et le monde occidental dans les procès du génocide rwandais. Ayant obtenu
des documents inédits du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, du Gouvernement
belge, du Gouvernement Clinton, de l’ONU et de la CIA, Charles Onana démontre que le
TPIR n’a pas de preuve sur la planification du génocide par les Hutu. Pour valider sa thèse
d’un génocide planifié par les Hutu, le TPIR achète des témoins, torture les accusés, menace
les avocats, embauche de pseudo experts, et utilise de faux documents.

19
Bernard Lugan,op.cit., p.104
20
Edouard Kabagema, 2001, op.cit., p.6 et Abdul Ruzibiza, op.cit.
21
Charles Onana, Les secrets de la justice internationale, Paris, Editions Duboiris, 2005.

8
Quant à Pierre Péan,22 il s’efforce d’éclairer les zones d’ombres de la vérité officielle. Il
souligne la responsabilité des rebelles tutsi du Front Patriotique Rwandais (FPR) et de leur
chef Paul Kagame, dans le crash, l’ampleur de représailles exercées par le nouveau pouvoir
contre les Hutu et dénonce le mauvais procès fait à la France, accusé à tort selon lui, de
complicité. Il « ne nie pas ce qui s’est passé, ne remet pas en question le génocide mais le
replace dans une histoire dont il explore la face cachée ».
Par ailleurs, divers reportages et rapports d’enquêtes sur les crimes du FPR, crimes de
génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité ont été faits mais très peu ont été
rendus publics23.

Point n’est besoin d’évoquer que dès le départ, la communauté internationale ainsi que le
TPIR ont adopté une attitude protectrice du vainqueur :
« En août 1994, Sadako Ogata du HCR avait envoyé Robert Gersony au Rwanda afin de se
rendre compte de la situation des réfugiés. À son retour en septembre, Gersony faisait
mention de témoignages de massacres systématiques d’au moins 30 000 personnes dans l’Est
du pays, sans pour autant limiter ce nombre. Ogata avait ébruité cela dans la presse
d’octobre/septembre 1994 ainsi qu’AMNESTY INTERNATIONAL. Suite à cela, elle écrivait
même une lettre à Kigali demandant une réaction à ses inquiétudes. Sur quoi Kagame se
fâcha parce qu’Ogata avait ignoré le DPKO à Kigali. Le DPKO entreprend alors avec son
propre ‘panel of experts’ une investigation, assistée par le FPR-gouvernement. Le même mois
d’octobre le Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies à Kigali,
Shahiyaar Khan, note que Kofi Annan aurait dit :’If this gets out, UN and Kigali will severely
be embarrassed. Prevail on Boutros Boutros-Ghali to reprimand Ogata and to ban further
public info.’24 »(Serge Desouter, 2007, op.cit.,pp181-182).(Le DPKO ) 25

Dès la création du TPIR, la logique aurait voulu que les investigations portent sur les deux
parties antagonistes pour connaître l’auteur de l’attentat et pour traquer véritablement ceux
qui se sont rendus coupables des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes
contre l’humanité pendant au moins la période couverte par ce Tribunal. Pourtant, il a en a été
autrement.

Le juriste australien, Michael Hourigan, mandaté en 1997 par les Nations Unies pour mener
une enquête sur l’attentat, avait même remis à la Procureure Louise Arbour, un rapport

22
Pierre Péan, 2005,op.cit.
23
Lire Robin Philpot, 2007, op.cit.,pp.46-47, pour découvrir la position de l’ancien secrétaire général de l’ONU
Boutros Boutros-Ghali face à cette complaisance de la communauté internationale. Consulter aussi le lien :
http://www.burundibwacu.org/IMG/pdf/COMMUNIQUE-n-3.pdf pour voir les différentes démarches qui ont été
étouffées.
24
Traduction : « Si cela sort, l’ONU et Kigali seront sérieusement embarrassés. Insiste sur Boutros Boutros-
Ghali de réprimander Ogata et d’interdire de le rendre public. » (cfr Serge Desouter).
25
DPKO : Department of Peacekeeping Operations .En français, Le Département des opérations de maintien de
la paix des Nations Unies.

9
détonant qui mettait en cause le mouvement du Front Patriotique Rwandais de Paul Kagame.
Mais la Procureure et les Nations Unies enterreront le dossier26.

La juge Carla del Ponte, Procureur au TPIR (1999-2003), succédant à Louise Arbour,
reviendra à la charge, estimant que le Tribunal pouvait enquêter sur le crash du Falcon 50.
Elle était persuadée que si un jour il s’avérait que c’était le FPR qui avait abattu l’avion
présidentiel, il faudrait réécrire l’histoire du génocide. Une telle attitude dérangeait
visiblement les grands décideurs politiques. Elle a été désavouée et mutée à La Haye pour
être à la tête du TPIY27.

Néanmoins, il ne fait aucun doute que l’assassinat du Président rwandais fut l’élément
déclencheur de la tragédie rwandaise. Le rapporteur spécial de l’ONU sur le Rwanda, Denis
Ségui, le reconnaît dans son premier rapport28. De même, la commission Sénatoriale Belge
sur le Rwanda, dans son rapport final, abonde dans le même sens à travers la recommandation
n°52 : « Les Nations Unies doivent prendre l’initiative de mener une enquête internationale
sur l’assassinat des Présidents du Burundi et du Rwanda en avril 1994. Le Sénat de Belgique
insiste sur l’opportunité de procéder à une telle enquête parce qu’elle est la seule possibilité
que l’on ait de confirmer ou d’infirmer une ou plusieurs hypothèses avancées. »
Sur cet attentat, plusieurs rumeurs ont circulé et cinq hypothèses possibles sur les
commanditaires et auteurs de l’attentat ont été retenues 29:
Des éléments de l’armée burundaise à forte majorité tutsi hostile au Président Cyprien
Ntaryamira

Des membres de l’opposition politique au Président Juvénal Habyarimana


dits « Hutu modérés » avec des militaires des forces armées rwandaises (FAR)

26
Interviewé par Robin Philpot, voilà ce que le capitaine Amadou Deme, ancien membre de la MINUAR, a
déclaré de cette enquête sur l’attentat du 6 avril 1994 en qualité d’enquêteur du TPIR :
« A partir de février 1997, nous, les enquêteurs du National Team du Tribunal, avons enquêté de façon officielle
sur l’attentat.[…]. Les résultats des enquêtes et les preuves étaient très clairs : le FPR était l’auteur de l’attentat.
Les informations ont fait l’objet d’un rapport succinct dûment présenté par Michael Hourigan, chef d’équipe du
National Team. Après les consultations et les autorisations de la chaîne hiérarchique, notre commandant des
enquêtes, Jim Lyons, anciennement du FBI, et Al Breau, directeur des enquêtes, anciennement de la GRC, nous
ont donné le feu vert. Pour arriver ainsi jusqu’à la procureure Louise Arbour.
A la fin de mars 1997, j’ai pris l’avion avec Michael Hourigan jusqu’à Arusha. Moi, je me rendais en Suisse
pour un séminaire sur la protection des témoins, tandis que Michael Hourigan allait à La Haye pour une
rencontre avec madame Arbour au sujet du rapport sur l’attentat. En Suisse, j’ai été en contact téléphonique avec
Michael Hourigan. Au cours de sa mission à La Haye, madame Arbour a donné l’ordre à Michael Hourigan de
mettre fin à l’enquête sur l’attentat. », Robin Philpot, 2007, op.cit., pp.104-105
27
http://www.aidh.org/Justice/tpir_proc-dept.htm
28
« Le 28/06/1994, René Denis SEGUI, envoyé spécial de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU a
mentionné que l’attentat du 6 avril était la cause des événements du Rwanda, mais qu’ayant sollicité la mise en
place d’une commission d’enquête, il lui a été répondu que les Nations Unies ne disposaient pas de budget pour
une telle commission » in http://www.burundibwacu.org/IMG/pdf/COMMUNIQUE-n-3.pdf
29
Concernant certaines hypothèses avancées dès les premières heures qui ont suivi l’attentat, lire Filip Reyntjens,
1995, op.cit., pp.20-46

10
Des étrangers : Belgique et France

Les membres du clan Habyarimana dit « Akazu »

L’implication du FPR dans la planification et la réalisation de cet attentat.

Le rapport du juge d’instruction français J.L.Bruguière infirme les quatre premières


hypothèses tandis qu’il confirme la 5ème qui désigne le FPR comme responsable de cet
attentat.

En effet, le juge a démontré dans un document de 64 pages daté du 17 novembre 200630, après
8 ans d’instruction à charge et à décharge comme il se doit, que Kagame et ses disciples
FPR/APR ont planifié, organisé et exécuté l’attentat contre l’avion présidentiel du Rwanda à
Kigali le 6 avril 1994. Il a en même temps démontré que les autres parties du conflit
suspectées d’être responsables de l’attentat n’étaient pas impliquées dans les éléments
matériels et témoignages recueillis, et certainement pas les « FAR », les « extrémistes hutu »,
« l’Akazu », la France ou le Burundi.

Derrière l’attentat : le FPR. Pourquoi ?


Certes, les réponses à cette question pourraient être multiples. Néanmoins, celle qui a été
souvent avancée est que les Accords de paix d’Arusha ne favorisaient pas le FPR-Inkotanyi
lors des élections démocratiques prévues 22 mois après la constitution du Gouvernement de
transition à base élargie31. Le FPR devait alors prendre le pouvoir par la force même en
faisant couler le sang de ses congénères tutsi de l’intérieur du Rwanda. Il importe de signaler
ici que pour Kagame, ces Tutsi de l’intérieur étaient comme des Hutu. C’est dans cet esprit
que les idéologues du FPR, notamment Tite Rutaremara , ont souvent répété que l’on ne peut
jamais manger d’omelettes sans casser les œufs. 32
Voilà la position du père Serge Desouter, expert près le TPIR, en ce qui concerne cet attentat :
« Il est hasardeux aujourd’hui d’affirmer que d’autres que le FPR aient liquidé le président
Habyarimana. En effet, pour le FPR, la suppression du président de la République était la
meilleure manière de créer le vide politique et un chaos favorable à une explosion de haine
ethnique. C’était un assassinat voulu à un moment où aucune institution n’était installée et
dans un contexte où son remplacement selon les clauses des accords d’Arusha n’était pas
possible.
Que la mort du chef de l’Etat allait déclencher des tueries dans lesquelles les populations
tutsi risquaient d’être les victimes les plus nombreuses, le FPR le savait. Il n’a pas reculé et a
refusé toute offre de pacification. Il a même repris immédiatement la guerre pour prendre le

30
On peut lire les 64 pages de l’ordonnance du juge Bruguière sur le lien suivant :
http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/rwanda/PDF/rwanda.pdf
31
Lire entre autres, Bernard Lugan, 2007, op.cit., Serge Desouter, 2007, op.cit. et l’ordonnance du juge
Bruguière.
32
Pour plus de détails, lire Abdul Ruzibiza, op.cit.

11
pouvoir dans le sang. Après avoir commis l’irréparable, il fut le premier à désigner
faussement les auteurs de cet assassinat et à leur imputer la responsabilité de ses
conséquences. Depuis lors, il occupe le devant de la scène, il falsifie les faits, occulte la vérité
et bloque toute enquête sur cet assassinat.
Voilà pourquoi on n’a pas trouvé le plan d’élimination « des Tutsi par les Hutu ». Les faits
présentés ou considérés comme éléments constitutifs de ce plan se retrouvent plutôt dans le
camp des accusateurs : là où on se refuse à aller chercher, là où on est interdit d’accès. »33.
La même position est défendue par Charles Onana dans ses derniers ouvrages, Silence sur un
attentat (2005) et Les secrets de la justice internationale (2005)34.

L’Ouganda derrière le FPR35


Kagame et ses disciples du FPR/APR ont bénéficié d’une aide significative sur le plan
matériel et humain du Président de l’Ouganda Yoweri Museveni, son ancien compagnon et
chef de guerre, notamment la livraison des missiles « SAM16 » utilisés pour l’attentat qui a
déclenché les massacres interethniques au Rwanda à partir du 7 avril 1994. L’armement du
FPR, y compris les moyens anti-aériens, provenait de l’arsenal militaire de l’Ouganda36. Le
Président Museveni a déployé au Rwanda 7 bataillons de la NRA en février 1993 (voir John
Philpot in http://www.grandslacs.net/doc/2950.pdf). Les soldats du FPR/NRA ont lancé des
attaques meurtrières contre les régions de Ruhengeri et de Byumba tuant environ 40.000 civils
dont des femmes et des enfants, créant un exode de près d’un million de réfugiés.

Les liens entre l’Ouganda et le FPR ont été clairement établis par de nombreuses sources.
Paul Kagame, après avoir fui le Rwanda en 1960, avait combattu aux côtés de Yoweri
Museveni contre les Présidents Idi Amin Dada, Milton Obotte et Tito Okelli, et il avait été
promu Major de la « National Resistance Army » (NRA) avant d’être nommé en 1990, adjoint
au chef des services de renseignement militaire ougandais.

Un génocide sans planification

Pour juger les responsables présumés du génocide rwandais, le TPIR est parti d’une thèse de
l’existence d’une planification. À ce jour, il n’a pas encore pu la démontrer37. Pour Bernard
Lugan (2007,op.cit.,p.255) « [les] accusés subissent donc une procédure violant leurs droits,
puisqu’ils sont poursuivis selon un acte d’accusation obsolète. »

33
Serge Desouter, 2007, op.cit., p.11
34
Charles Onana, Silence sur un attentat. Le scandale du génocide rwandais. Editions Duboiris, Paris, 2005 et
Les secrets de la justice internationale. Editions Duboiris, Paris, 2005.
35
Abdul Ruzibiza, 2005, op.cit. explique les relations qui existaient entre le FPR/APR et l’Ouganda
36
Fait confirmé notamment par Abdul Ruzibiza, op.cit., et l’enquête du juge Jean Louis Bruguière.
37
Lire notamment Bernard Lugan, expert auprès du TPIR., 2007, op.cit.et Serge Desouter, témoin et expert près
le TPIR.

12
Le fait d’avoir toujours cherché l’existence d’une certaine préméditation ou d’une certaine
planification provient d’une vision occidentale d’aborder de tels drames.

Cette vision a sans doute été consolidée par certains témoignages que l’on croyait fiables,
comme celui d’un certain Janvier Afrika que l’on retrouve dans le Rapport de la Commission
internationale d’enquête sur les violations des droits de l’homme au Rwanda publié le 8 mars
1993. Aujourd’hui, il s’avère que ce témoin était un agent du FPR comme l’ont confirmé
André Guichaoua et Stephen Smith :
‘« Janvier Afrika, qui avait révélé l’existence d’une structure de planification des massacres
anti-Tutsi à la présidence rwandaise, du vivant de Juvénal Habyarimana, s’est rétracté
depuis en affirmant avoir livré son [faux] témoignage sur le Réseau Zéro à l’instigation du
Front patriotique rwandais (FPR). » 38

Lors de la réunion des représentants des FAR et du FPR organisée le 15 avril 1994 à Kigali
par Roger Booh-Booh, chef de la Minuar, le colonel Gatsinzi39 des FAR jurait que les
massacres qui étaient en cours n’avaient pas été programmés.
« […]. Il affirme que les massacres n’honorent point le Rwanda . Il regrette cependant de
dire qu’il est impossible d’arrêter les massacres tant que les combats se poursuivent. Il jure
que ces massacres n’ont pas été programmés. Selon lui, ces massacres sont le résultat
malheureux de l’excitation de quelques éléments de l’armée qui réagissent à la mort du
président de la République et du chef d’état-major de l’armée ». […]40.

L’absence de planification du génocide est également relevée par le capitaine Amadou Deme,
membre de la Mission de l’ONU au Rwanda en 1993 et en 1994.

Quand Robin Philpot lui pose la question : « En tant qu’enquêteur, vous deviez également
établir s’il y avait eu planification du génocide. Et dans votre rôle au sein de la MINUAR et
du GOMN, vous avez peut-être eu des indications à ce sujet. Qu’en est-il ? », il donne la
réponse suivante 41:
« Nous n’avons jamais trouvé quoi que ce soit sur une quelconque planification de la part du
gouvernement ou des forces gouvernementales. Il n’y a jamais eu de preuves de planification
étatique. Les forces armées gouvernementales (armée, gendarmerie et garde présidentielle)
étaient toujours sur la défensive. S’il y a eu conspiration, planification, c’est du côté du FPR
qu’il faut chercher. Il y a eu un plan, tous les mécanismes et stratégies militaires sont là, pour
la prise du pouvoir. Mais ils ont sous-estimé l’immensité des conséquences, l’immensité des
dégats. »42

38
Guichaoua et Smith cités par Bernard Lugan, 2007, op.cit., p.142
39
Il a été promu Général et il est ministre de la défense du régime actuel à Kigali.
40
Jacques-Roger Booh Booh, Le patron de DALLAIRE parle.Editions Duboiris, Paris, 2005 ;p.170
41
GOMN: Groupe d’Observateurs Militaires Neutres
42
Robin Philpot, 2007, op.cit., p.105

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Conclusions

Planifié ou pas, un drame comme celui qui s’est abattu sur le Rwanda est innommable. Il est
constitué de deux génocides. Il s’agit en premier lieu du génocide qui a emporté les Tutsi et
les Hutu dits « modérés » et auquel le monde a assisté impuissant En second lieu, il s’agit du
génocide de Hutu qui a consisté d’abord en massacres sélectifs et à grande échelle avant de
tourner en un véritable génocide. Il convient d’indiquer ici que le premier génocide est vite
apparu sous son vrai visage et qu’il est imputable au Gouvernement rwandais d’alors tandis
que le second, qui n’est pas encore officiellement reconnu, a été commis dans la plus grande
discrétion et est toujours présenté sous forme de massacres perpétrés par le FPR. Les deux
génocides n’ont pas épargné non plus les membres de la troisième composante de la société
rwandaise, à savoir les Twa.

Quoi qu’il en soit, la population rwandaise a été victime de deux génocides. Les deux
antagonistes partagent la responsabilité du drame. Certains pays étrangers en particulier et la
communauté internationale en général, par action ou par omission, sont aussi comptables du
malheur qui a frappé le Rwanda. Ignorer cette vérité ou vouloir la transformer, c’est fausser la
réalité et l’histoire. C’est maintenir le sentiment d’une profonde injustice et empêcher la
réconciliation entre Rwandais ou, du moins, la rendre impossible. Seule une justice équitable
pourra rapprocher les familles éprouvées aussi bien du côté des vainqueurs que des vaincus.

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Références bibliographiques

Ouvrages
Booh-Booh, Jacques-Roger, , Le patron de DALLAIRE parle. Editions Duboiris, Paris, 2005
Desouter, Serge, RWANDA : LE PROCES DU FPR. Mise au point historique. Editions
L’Harmattan, Paris, 2007
Kabagema, Edouard, CARNAGE D’UNE NATION- Génocide et Massacres au Rwanda
1994-, Editions l’Harmattan, Paris, 2001.
Lugan, Bernard, RWANDA : Contre-enquête sur le génocide. Editions Privat, Toulouse,
2007
Ngbanda Nzambo, Honoré, . Crimes organisés en Afrique Centrale. Editions Duboiris, Paris,
2004.
Onana, Charles, Silence sur un attentat. Le scandale du génocide rwandais. Editions
Duboiris, Paris, 2005
Onana, Charles, Les secrets de la justice internationale. Editions Duboiris, Paris, 2005.
Péan, Pierre, , Noires fureurs, blancs menteurs, Rwanda 1990-1994 ; éditions Mille et une
nuits, Paris, 2005
Philpot, Robin, RWANDA. Crimes, mensonges et étouffement de la vérité. Les Editions des
Intouchables, Montréal, Québec, 2007
Reyntjens, Filip, , Rwanda. Trois jours qui ont fait basculer l’histoire. (Cahiers Africains
n°16). Editions l’Harmattan, Paris, 1995
Ruzibiza, Abdul Joshua (Lieutenant), . RWANDA. L’histoire secrète. Editions du Panama,
Paris, 2005.

Sources Internet
http://www.geocities.com/rwandanet/UbuhamyaBwaNgurumbe.pdf
http://www.burundibwacu.org/IMG/pdf/COMMUNIQUE-n-3.pdf
http://www.arib.info/Grandshom.htm
http://www.musabyimana.be/index.php?option=com_content&task=view&id=51&Itemid=44
http://www.aidh.org/Justice/tpir_proc-dept.htm
http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/rwanda/PDF/rwanda.pdf
http://www.grandslacs.net/doc/2950.pdf

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