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LE CONTINUUM CRÉATIF

LE
CONTINUUM
CRÉATIF
Aider l’enfant
artistiquement doué

Peter Fritz Walter


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Business Filings Incorporated

108 West 13th St., Wilmington, DE 19801

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Table des
Matières
Préface 7
Nouvelle Éducation pour une Nouvelle Ère 7

Introduction 13
Cinq Principes pour le Développement du Talent Précoce 13
L’Approche Individualisée 13
Mettre l’Accent sur la Qualité 14
Promouvoir l’Intelligence 15
Une Approche Holistique à l’Enseignement 17
Le Cadre de l’École Privée 18

I 21
L’Enfant ‘Penseur Systèmes’ 21

II 29
L’Artiste Enthousiaste 29

III 33
L’Enfant Communicatif 33

IV 37
Émotions et Cognition 37

V 41
Développer le Talent Musical 41

VI 55
Embrasser la Technologie 55

VII 59
Enseigner la Sagesse de Choisir 59
LE CONTINUUM CRÉATIF

VIII 63
La Nature Guérit 63

IX 67
La Valeur du Silence 67

X 79
Concentration ou Contemplation? 79

XI 83
Faciliter l’Acceptation de Soi 83

XII 89
Éduquer le Cœur 89

XIII 97
Art, Créativité, et Spontanéité 97

XIV 103
Une Approche ‘Brainsmart’ à l’Apprentissage 103

XV 123
Formation Avancée des Enseignants 123

Le Curriculum Créatif 135


Une Approche Intégrale à l’Éducation 135

Bibliographie 151
Bibliographie Contextuelle 151

Notes 169

6
Préface
Nouvelle Éducation pour une Nouvelle Ère

Nous traversons actuellement une période de


grands défis et d’aventures qui nous ouvre de nou-
velles voies pour redécouvrir et intégrer la sagesse
holistique éternelle des civilisations anciennes dans
notre paradigme scientifique moderne. Ces civilisa-
tions étaient florissantes avant que le patriarcat ne
mette la nature à l’envers.
Avec l’avènement de la société mondiale en réseau
et de la théorie des systèmes comme paradigme scien-
tifique, nous nous trouvons dans un monde différent,
avec une montée des structures ‘horizontales’ et ‘vi-
ables’ tant dans notre culture d’entreprise que dans la
science, et enfin dans l’éducation.

—Un paradigme, du grec ‘paradeigma,’ est un modèle de


choses, une configuration d’idées, un ensemble de croyances
dominantes, une certaine façon de voir le monde, un ensemble
LE CONTINUUM CRÉATIF

d’hypothèses, un cadre de référence ou une lentille, et même une


entière vision du monde.

Bien que la plus grande partie de cette nouvelle et


pourtant ancienne voie n’ait pas encore été tracée,
nous ne pouvons plus ignorer les changements qui se
produisent pratiquement tous les jours autour de nous.
Invariablement, en tant qu’étudiants, scientifiques,
médecins, consultants, avocats, dirigeants d’entreprise
ou éducateurs, nous sommes confrontés aujourd’hui à
des problèmes tellement complexes, enchevêtrés et
nouveaux qu’il est impossible de les résoudre sur la
base de notre vieux paradigme et de notre ancienne
façon de penser. Comme l’a dit Albert Einstein, nous
ne pouvons pas résoudre un problème au même
niveau de pensée qui l’a créé, d’où la nécessité de
changer notre vision des choses, du monde et de nos
difficultés personnelles et collectives.
Ce qui semblait encore improbable il y a environ
une demi-douzaine d’années est en train de se pro-
duire autour de nous: nous redécouvrons de plus en
plus de fragments d’une sagesse intégrative et holis-
tique qui représente le trésor culturel et scientifique de
nombreux tribus et royaumes anciens qui étaient basés
sur une tradition perpétuelle selon laquelle tout dans
notre univers est interconnecté et interrelié, et que les

8
NOUVELLE ÉDUCATION POUR UNE NOUVELLE ÈRE

humains sont venus dans le monde pour vivre en ac-


cord avec la sagesse infinie inhérente à la création
comme tâche majeure pour mener à bien leur
développement!
Cela se produit en science, depuis l’avènement de
la théorie de la relativité, de la physique quantique et
de la théorie des cordes, en neurosciences et en théorie
des systèmes, en biologie moléculaire et en écologie, et
par conséquent, comme la science est un moteur ma-
jeur de la société, cela se produit maintenant à une
vitesse croissante dans le monde industriel et commer-
cial et dans la façon dont nous élevons nos enfants.
De plus en plus de gens commencent à réaliser que
nous ne pouvons pas honnêtement continuer à détru-
ire notre planète en ignorant la loi naturelle de l’au-
torégulation, à la fois extérieurement, en polluant l’air et
l’eau, et intérieurement, en tolérant que nos émotions
soient dans un état de répression et de turbulence.
L’autorégulation fait partie intégrante de la fonction
de la vie et peut être considérée comme un modèle co-
hérent dans le mode de vie des peuples autochtones
du monde entier. Elle est semblable à nos immenses
facultés intuitives et imaginaires qui ont été minimisées
pendant des siècles d’obscurité et de fragmentation, et
qui émergent à nouveau comme des pierres clés ma-

9
LE CONTINUUM CRÉATIF

jeures dans une vision du monde qui place l’humain


tout entier en première ligne, un humain qui utilise
tout son cerveau, et qui sait équilibrer ses émotions et
passions naturelles afin d’arriver à un état de paix in-
térieure et des relations synergétiques avec autrui qui
apportent un bénéfice mutuel.
Pour que des changements durables se produisent,
cependant, pour paraphraser Jiddu Krishnamurti, nous
devons changer le penseur, ce qui signifie que nous
devons subir une transformation qui fait de notre moi
supérieur le gardien de notre vie et non notre ego con-
ditionné. D’où la nécessité de vraiment aller au-delà
des conditionnements sociaux, culturels et raciaux
pour adopter une vision intégrative et holistique de l’édu-
cation qui ne se limite pas à la résolution de problèmes.
Nous sommes libres de nous contenter de méth-
odes traditionnelles d’éducation qui ne tiennent pas
compte de la vraie personne de l’enfant et qui sont en
contradiction flagrante avec la façon dont notre
cerveau apprend, ou nous pouvons nous risquer à
créer une nouvelle éducation pour nos enfants qui soit
intelligente, systémique et conforme à la véritable mis-
sion de chaque enfant, et basée sur les dons et talents
réels d’un enfant comme âme individuelle.

10
NOUVELLE ÉDUCATION POUR UNE NOUVELLE ÈRE

Ces dons et ces talents que les enfants apportent


dans leurs nouvelles incarnations sont comme des
graines qu’il faut arroser et mettre au soleil pour
qu’elles deviennent des fruits mûrs qui puissent nour-
rir les gens.
En tant qu’éducateurs et administrateurs en matière
d’éducation, il est de notre responsabilité commune de
découvrir, d’étudier et de mettre en œuvre les pro-
grammes éducatifs les meilleurs et les plus novateurs
qui existent aujourd’hui. Ce livre en présente un.

11
Introduction
Cinq Principes pour le Développement du Talent Précoce

I
L’Approche Individualisée

L’éducation institutionnelle ne sert pas l’enfant tal-


entueux puisqu’elle ne reconnaît pas l’existence des
enfants individuels et doués individuellement. Pour l’édu-
cation de masse, il y a une masse, un troupeau, une
quantité d’humains à éduquer, et non une variété d’in-
dividus uniques.
Dans la société en réseau sophistiquée d’aujour-
d’hui, il est relativement plus facile qu’auparavant dans
l’histoire d’offrir des services éducatifs non pas de
façon standard, mais d’une manière personnalisée afin
de répondre réellement aux besoins et aux attentes de
l’élève individuel.
LE CONTINUUM CRÉATIF

Il en résultera une grande efficacité éducative, une


meilleure gestion des ressources et une plus grande
motivation d’apprentissage de chaque élève inscrit à
une école, à une classe ou à un programme d’études.
Ce nouveau système éducatif est peut-être plus
coûteux, mais l’efficacité et le taux de réussite plus
élevés de cette approche permettront de rentabiliser
l’investissement dans un délai raisonnable.

II
Mettre l’Accent sur la Qualité

L’éducation classique se concentre sur un certain


nombre d’enfants à scolariser, et elle mesure la réussite
scolaire en s’intéressant à des groupes d’élèves, au
niveau scolaire, régional ou même national. La mesure
se fait à l’aide de méthodes statistiques, sans tenir
compte de la qualité de la réussite ou de l’échec sco-
laire individuel.
Se concentrer sur chaque élève n’est possible que
si, dès le départ, nous avons une approche qualitative
et non quantitative de l’éducation. La démarche qualité
n’exige pas l’efficacité, mais des solutions intégrées au

14
CINQ PRINCIPES POUR LE DÉVELOPPEMENT DU TALENT PRÉCOCE

service de chaque enfant. L’étape suivante consiste à


maintenir les établissements d’enseignement centrés
sur la qualité, c’est-à-dire à évaluer la réussite scolaire
individuelle en termes de satisfaction, de motivation,
de compétences et de réussite de l’apprentissage, d’une
manière générale, sans mettre l’accent sur l’évaluation
du contenu de l’apprentissage.
Le contenu de l’apprentissage est de plus en plus
relatif, car notre information totale a depuis longtemps
dépassée la capacité du cerveau humain individuel,
d’où la nécessité de produire des apprentis excellents
et très motivés, et non des super-cerveaux déprimés.

III
Promouvoir l’Intelligence

L’éducation classique est axée sur l’accumulation de


connaissances, alors qu’elle ne comprend pas vraiment
ce qu’est l’intelligence. La plupart des gens confondent
l’intelligence avec la connaissance et l’intellectualisme
sans comprendre que l’accumulation de connaissances
n’est que mécanique et non un signe d’intelligence. Le
savoir avait de la valeur dans le passé, lorsque les car-
rières étaient telles que l’on pouvait traverser la vie

15
LE CONTINUUM CRÉATIF

avec une seule éducation, rafraîchissant les lacunes


grâce à la formation professionnelle et à des sémi-
naires.
Aujourd’hui, le savoir est encore plus important,
mais pour la plupart, il n’a pas besoin d’être mémorisé
parce qu’il est disponible partout, à travers des réseaux
informatiques, des banques de données et de l’Inter-
net.
L’intelligence est complètement différente de la
connaissance. Elle n’est pas mécanique, mais un sous-
produit naturel de l’intégrité et de la plénitude émo-
tionnelles: grandir en bonne santé signifie ne pas être
fragmenté et être plutôt intuitif.
Notre esprit rationnel (hémisphère cérébrale gauche)
ne fonctionne à pleine capacité que lorsqu’il est con-
necté à notre esprit émotionnel (hémisphère cérébrale
droite) de sorte que les processus intellectuels/analy-
tiques et intuitifs/synthétiques de pensée vont de pair.
Alors, régulièrement, la partie rationnelle et la partie
émotionnelle de nous sont bien équilibrées et nous
faisons l’expérience d’un état de paix intérieure
durable.
Par conséquent, le nouveau paradigme met l’accent
sur la promotion de l’intelligence par la conception

16
CINQ PRINCIPES POUR LE DÉVELOPPEMENT DU TALENT PRÉCOCE

d’un environnement d’apprentissage qui est multi-vec-


toriel, où les valeurs émotionnelles sont respectées et
où les quatre quadrants de l’intelligence sont dévelop-
pés: l’intelligence logique, intuitive, séquentielle et émo-
tionnelle.
Quiconque est vraiment intelligent, peut gérer les
connaissances de manière à optimiser la production
créative dans n’importe quel domaine d’étude. De plus,
ce nouveau paradigme favorise la santé et la santé psy-
chique parce qu’il réduit considérablement le stress et
l’anxiété liés à l’apprentissage.

IV
Une Approche Holistique à l’Enseignement

Le danger de l’approche mécaniste de la science est


qu’elle ignore plus ou moins complètement la nature,
et impose des concepts à la nature, au lieu de chercher
à comprendre la vérité inhérente à la nature.
Il en va de même pour l’éducation. Lorsque l’édu-
cation est réductionniste et ne tient pas compte des
valeurs de l’âme, et qu’elle n’est pas ancrée dans l’in-

17
LE CONTINUUM CRÉATIF

tégrité émotionnelle, elle est destructrice, génératrice


de peurs, de dépression et même de suicide.
La pensée holistique va de pair avec l’intégrité émo-
tionnelle. L’intelligence, la sensibilité et la compréhen-
sion des fonctions complexes de la vie ne peuvent être
développées que lorsque la cognition est ancrée dans la
vie émotionnelle de l’enfant et est donc le résultat de l’in-
tégrité et non de la fragmentation.
Comme la nature elle-même est codée dans des
modèles holographiques, l’approche holistique est la
meilleure pour comprendre la vérité inhérente à la na-
ture, facilitant ainsi des solutions éducatives qui sont
intégrées et compatibles avec la nature, et qui sont
durables.

V
Le Cadre de l’École Privée

Dans la plupart des pays, la majeure partie du cycle


éducatif est entre les mains des gouvernements, que ce
service soit gratuit ou payant.
L’expérience a montré que les gouvernements ont
l’habitude de travailler plutôt lentement et inefficace-

18
CINQ PRINCIPES POUR LE DÉVELOPPEMENT DU TALENT PRÉCOCE

ment, qu’ils gaspillent les ressources plutôt que de les


utiliser économiquement, qu’ils suivent des principes
de gestion idéologiques plutôt que fonctionnels et
qu’ils ont souvent des années de retard sur le niveau
général du développement social. De plus, lorsque tout
est offert ‘gratuitement,’ les élèves ont tendance à tenir
tout cela ‘pour acquis’ et la motivation d’apprentissage
diminue.
Donner le développement des talents aux écoles
privées permettra une éducation de qualité plus pro-
fessionnelle, des enseignants et des professeurs
meilleurs et plus qualifiés, une plus grande motivation
des élèves pour l’enseignement reçu et des résultats
d’apprentissage plus élevés en général.

19
I
L’Enfant ‘Penseur Systèmes’

J’ai inventé l’expression ‘alphabétisation systémique’


dans le cadre d’une éducation orientée vers la com-
préhension des systèmes vivants et la logique fonc-
tionnelle des réseaux.
Nous savons ce que c’est que la compétence
écologique (ecoliteracy), mais je crois que sans avoir
préparé les enfants à être alphabétisés dans la pensée
systémique, ils ne peuvent pas devenir des penseurs
écologiques. Le premier est la base du second.
L’écologie n'est pas une branche de la science mais
une tentative urgente de redéfinir la science. Toutes les
branches de l’arbre de la science doivent être
‘écologiques,’ car cela signifie simplement qu’elles sont
tenues de respecter la nature et de comprendre la
structure de la nature.
LE CONTINUUM CRÉATIF

—Notez que le terme écologie vient du grec ‘oikos’ qui signi-


fie ‘ménage’ ou ‘foyer.’ L’écologie concerne donc notre foyer, le
foyer de la planète terre.

Il y a un certain nombre de distorsions importantes


de la vision systémique naturelle de la vie que notre
patrimoine culturel a créées. J’expliquerai en quelques
paragraphes comment cette perception fragmentée est
née historiquement.
—Il y a environ 2500 ans, l’homme s’est détourné
de la vision mystique de la vie, jusqu’alors valable, et a
commencé à intellectualiser la perception, fragmentant
la compréhension holistique du monde. C’est ainsi
qu’est née la vision conceptualisée et compartimentée
du monde.
La division de cette unité de perception a été mar-
quée dans le monde hellénique par l’École Éléatique qui
a assumé un Principe Divin se tenant au-dessus de
tous les dieux et de tous les hommes. Ce concept s’est
par la suite transformé en ce qui marque peut-être le
plus les religions monothéistes: l’hypothèse d’un Dieu
masculin, omniscient, dominant et monolithique.
—En même temps, la pensée et la logique déduc-
tives ont assumé un rôle plus important que l’intuition
et la logique associative, donnant ainsi plus de valeur
aux qualités de notre hémisphère cérébrale gauche et

22
L’ENFANT ‘PENSEUR SYSTÈMES’

au yang, le principe masculin, au détriment de


l’hémisphère cérébrale droite et au yin, le principe
féminin.
—Cette fragmentation intérieure reflétait de plus en
plus la vision du ‘monde extérieur,’ considéré comme
une multitude d’objets et d’événements distincts. C’est
ainsi qu’il est devenu tout à fait possible que des élé-
ments organiques évidents dans l’organisation de la
nature soient considérés comme des parties distinctes
sujet à être objet de recherches par des branches dis-
tinctes de la science; en même temps, le monde était
divisé en nations, races, religions et groupes politiques
différents.
—La conceptualisation de la vie s’est développée en
une vision limitative dans toute observation scien-
tifique de la nature. C’est ainsi que la représentation
mentale et intellectuelle de la réalité est devenue plus
importante que la réalité elle-même. Ceci est très bien
exprimé par le dicton Zen qui dit que le doigt qui
pointe vers la Lune, n’est pas la Lune. En d’autres ter-
mes, la perception déformée de la réalité a conduit à
une confusion entre le terrain et la carte qui le décrit.
L’étape suivante de ce ‘traitement’ de la réalité con-
sistait à développer une vision mécaniste de la nature,
à côté d’un déterminisme rigoureux. L’univers était

23
LE CONTINUUM CRÉATIF

représenté comme une machine géante ou un mouve-


ment d’horlogerie que l’on imaginait complètement
causal et déterminé. Ce point de vue, à son tour, a
conduit à une division fondamentale entre ‘Ego’ et
‘Réalité.’
—Cette distorsion supplémentaire de la perception
a conduit à supposer que la nature et le monde pou-
vaient être décrits objectivement, sans que le biais
mental de l’observateur ne joue un rôle significatif.
—Au lieu de comprendre que les attributs mas-
culins et féminins sont des éléments de la personnalité
humaine, la division entre l’Ego et la Nature a conduit
à un ordre statique où les hommes étaient censés être
masculins et les femmes féminines. Dans le même or-
dre d’idées, les hommes se voyaient confier le rôle
principal et les femmes étaient censées de suivre en
tant que servantes soumises.
—Cette attitude a entraîné une suraccentuation des
aspects yang dans l’organisation humaine, tels que l’ac-
tivité, la pensée rationnelle, la logique déductive, la
compétition, l’agressivité, et ainsi de suite, alors que les
modes de conscience yin, ou féminins, comme intu-
itives, religieuses, mystiques, occultes, psychiques ou
la logique associative, ont constamment été supprimés.

24
L’ENFANT ‘PENSEUR SYSTÈMES’

Cependant, au cours des dernières décennies, cette


vision scientifique et religieuse déformée du monde, de
la nature et de l’organisation humaine, qui se reflète
dans nos programmes éducatifs hautement fragmentés,
a commencé à changer.
Avec l’avènement de la théorie de la relativité
d’abord, puis de la physique quantique, nous avons
appris que tout est lié dans l’univers et que nous pou-
vons changer notre vision du monde fragmentée et
adopter une vision intégrative de la vie et de la nature.
La séparation rigoureuse entre Ego et Réalité a été con-
sidérée comme incompatible avec la vérité, délivrée par
la physique quantique, selon laquelle rien ne peut être
observé sans prendre en considération l’observateur.
Il faudra au moins une décennie de plus avant que
les programmes d’enseignement soient réécrits dans le
sillage de la vision du monde intégrative restituée et
revitalisée qui était par ailleurs l’approche cognitive
originale de l’homme en regard de la nature et qui a
maintenant été reformulée comme la ‘vision sys-
témique de la vie.’

—Voir seulement Fritjof Capra, The Systems View of Life: A


Unifying Vision, avec Pier Luigi Luisi, Cambridge: Cambridge
University Press, 2014.

25
LE CONTINUUM CRÉATIF

Voir la vie composée non pas de parties ou d’élé-


ments séparés, mais de modèles organiques dans un
tout – ou comme des systèmes au sein de systèmes –
est le point de départ d’une science véritablement
écologique.
Il ne peut y avoir alphabétisme écologique sans al-
phabétisme systémique; logiquement, je dois adopter
la vision systémique de la vie avant de pouvoir prendre
soin de notre ménage, de notre écologie, d’une quel-
conque façon. En d’autres termes, l’écologie est un
terme inventé pour le développement de la science
holistique, tandis que l’alphabétisation systémique est
un terme que j’ai inventé pour le développement de
l’éducation holistique.
Les enfants sont des penseurs systémiques de par
nature. Ils sont des observateurs passionnés. Ils veulent
savoir comment la nature fonctionne et comment les
choses se font. Leur jeu reflète leur souplesse mentale
et leur ouverture à comprendre des interrelations de
plus en plus complexes à mesure que leur intelligence
et leur conscience émotionnelle mûrissent.
C’est en mettant l’accent sur un concept éducatif
basé sur l’intellect que les systèmes scolaires enseignent
aux enfants une vision largement déformée de la na-
ture dans laquelle tout est séparé et fragmenté.

26
L’ENFANT ‘PENSEUR SYSTÈMES’

Permettez-moi de mentionner seulement la façon


dont la lecture et l’écriture sont encore aujourd’hui en-
seignées aux enfants dans les écoles publiques, et
même dans la plupart des écoles privées. Les lettres
sont collées sur des cartons carrés et accrochées à un
mur. Cette procédure et des procédures similaires
donnent aux enfants l’impression que les lettres, les
mots, les phrases, l’orthographe et la grammaire sont
tous des éléments séparés du langage, alors qu’en réal-
ité le langage est un tout complet, et ces ‘parties’ du
langage sont en vérité des éléments organiques de la
logique systémique de la langue.
Enseigner ce qui est entier en fragments n’est vrai-
ment pas intelligent parce que les mêmes enfants qui
vont apprendre à lire et à écrire ont déjà appris à parler
sans tous ces outils, simplement en apprenant la
langue parlée autour d’eux – leur langue maternelle.
La recherche sur la façon dont les enfants appren-
nent leur langue maternelle montre clairement que les
enfants n’apprennent pas les éléments abstraits d’une
langue, mais l’ensemble de celle-ci, y compris la syn-
taxe et la grammaire, et sans savoir ce qu’est une syn-
taxe et ce que la grammaire signifie.
Par conséquent, l’apprentissage d’un enfant est de
par nature holistique et systémique.

27
LE CONTINUUM CRÉATIF

Lorsque vous enseignez aux enfants que nous


sommes séparés de la nature, quelle que soit la façon
dont vous justifiez une telle vision, vous agirez contre
la compréhension naturelle et intuitive qu’un enfant a
de la vie et du monde. Pour un enfant, rien n’est séparé
parce que par nature ils ont une compréhension intégra-
tive de la vie et de la nature. Ils regardent le monde à
nouveau, les yeux émerveillés. Pour les jeunes enfants,
le point de vue diviseur, fragmenté et déformé qui ob-
serve des systèmes vivants comme on démantèle une
horloge, n’est pas intelligible.
Par conséquent, ce n’est pas tant en faisant quelque
chose de spécifique, mais plutôt en ne pas faisant beau-
coup de choses que l’éducation conventionnelle fait que
nous développons chez les enfants la vision systémique
de la vie, ou la perspective de l’alphabétisation sys-
témique.
Cet enseignement est avant tout basé sur une ob-
servation innocente de la nature et de notre planète
considérée comme un être vivant. La deuxième étape
consiste à expliquer aux enfants que le monde vivant
est constitué de réseaux imbriqués, de systèmes vivants
qui sont intégrés dans des systèmes plus grands et en-
core plus grands, et qu’il existe un flux constant d’in-
formations entre tous ces systèmes.

28
II
L’Artiste Enthousiaste

Apprendre à se connaître en développant une créa-


tivité innée n’est qu’un des nombreux domaines de
l’expérience authentique dans laquelle l’enfant grandit
et se familiarise au fil du temps, sans se soucier le
moins du monde si les parents le veulent ou non, le
savent ou le soutiennent.
Ce que l’enfant apprend d’abord par la création
artistique, c’est la dimension et l’importance de l’extase
dans la vie, et l’extase à son tour conduit à l’éveil de
l’enthousiasme, qui, comme nous le savons par la
recherche artistique, est un déclencheur essentiel de
créativité à long terme.

—Voir, par exemple, Michelle Cassou, Life, Paint and Pas-


sion (1996), Andrew Flack, Art & Soul (1991), Pam Grout, Art
& Soul (2000), Shaun McNiff, Trust the Process (1998), Tony
Pearce Myers (Ed.), The Soul of Creativity (1999).
LE CONTINUUM CRÉATIF

L’enthousiasme se développe dans la vie de l’enfant


en fonction de l’extase au quotidien, et l’extase se
nourrit du processus très progressif et expansif de la
connaissance de soi. L’acquisition de la connaissance de
soi doit être graduelle et non pas soudaine, car si l’éd-
ucateur tente d’accélérer ce processus chez l’enfant,
cela pourrait entraîner une rupture dans le continuum
naturel de l’enfant, et alors les choses pourraient s’em-
brouiller et s’emmêler au niveau de l’inconscient.
L’idéal est le déroulement graduel et en douceur de
l’expérience du monde, et des sentiments générale-
ment agréables, dans la vie de l’enfant. Ces sensations
de plaisir contribuent à l’éveil de l’extase lorsqu’il y a
suffisamment de latitude dans l’atmosphère éducative
pour que l’enfant apprenne que l’enthousiasme et
l’abondance sont des expansions naturelles de soi et ne
devraient pas créer la culpabilité et la honte.
Avec le processus d’éveil progressif et l’expérience
quotidienne de l’extase à travers la rencontre avec l’art,
les enfants développent leur appareil cognitif parce que
la perception et le sentiment, et donc la cognition di-
recte, sont grandement améliorés par le flux naturel de
leurs émotions, car les émotions ne sont que la force
vitale elle-même. Il y a un sentiment de connectivité
qui va de pair avec le fait de devenir un créateur pré-

30
L’ARTISTE ENTHOUSIASTE

coce; c’est un sentiment d’expansion et d’étreinte, un


sentiment d’amour chaleureux envers le monde. C’est
vraiment l’expérience la plus positive qu’un enfant
puisse vivre en grandissant, mais elle doit s’inscrire
dans un espace de liberté personnelle et artistique qui
soit respecté par les parents et les éducateurs.
Cela signifie aussi que les éducateurs donnent
chaleur, empathie et compréhension, et qu’ils évitent
soigneusement la manipulation, la violence éducative
et les abus.
L’enthousiasme se développe alors naturellement et
est partagé avec l’éducateur qui, à son tour, reçoit un
encouragement pro-vie en étant entouré d’enfants ent-
housiastes; c’est une situation d’enrichissement mutuel
et, idéalement, c’est aussi partagé avec les parents.
C’est ce que nous appelons la joie de vivre, et la joie
de vivre est toujours plus abondante quand elle est
partagée avec les autres. Ce sentiment d’abondance, de
plénitude, est très important pour l’enfant, car il con-
tribue à la richesse matérielle plus tard dans la vie; il
n’y a pas de sensation aussi importante pour le succès
matériel que d’expérimenter l’abondance tôt dans la
vie.

31
LE CONTINUUM CRÉATIF

Pour que cela arrive, il n’est pas nécessaire


d’acheter pour l’enfant des jouets coûteux et les par-
ents n’ont pas besoin d’être riches eux-mêmes; il suffit
d’accorder à l’enfant leur espace personnel et leur
temps pour développer un sens authentique de soi; alors
l’expérience joyeuse de l’abondance se développe na-
turellement dans la vie de l’enfant.

32
III
L’Enfant Communicatif

Communiquer, c’est partager! Et le partage est une


activité liée au cœur. Les enfants sont naturellement
communicatifs, et ils partagent; s’ils ne sont pas com-
municatifs et refusent de partager, quelque chose leur
est arrivé émotionnellement, ou ils ont grandi dans
une famille muette et sans communication – ce qui est
malheureusement toujours une famille violente.
Lorsque la communication entre les parents et l’en-
seignant est bonne et constante, les enfants ont ten-
dance à se sentir à l’aise et à établir facilement la confi-
ance. De plus, dans n’importe quelle situation de crise,
ce flux de communication porte ses fruits!
Un autre élément du continuum éducatif est la
gratitude; un éducateur qui est récompensé par un flux
émotionnel intact avec les enfants et leurs parents
développe un sentiment naturel de gratitude.
LE CONTINUUM CRÉATIF

C’est quelque chose de miraculeux à observer, car


la gratitude est vraiment un sentiment expansif, qui se
développe, quand il est constant, en une attitude qui
embrasse le monde et les autres.
La gratitude est donc plus forte que la compassion,
car elle donne la liberté aux autres, tout en les accueil-
lant sans porter de jugement et sans créer de dépen-
dance. C’est très important dans la relation éducateur-
enfant; le bon éducateur est capable d’éviter que le lien
de complicité ne glisse dans la codépendance parce que
c’est à peu près le pire qui puisse arriver dans les rela-
tions tutélaires, et c’est généralement le terrain des
abus.
De plus, l’enfant sentira bien sûr ce sentiment de
gratitude du côté de l’éducateur, alors qu’il ne parle
pas régulièrement de ses perceptions. Dans ce con-
texte, il est important de réaliser qu’il est dysfonction-
nel d’avertir les enfants d’être reconnaissants, ce qui
conduit à ce que l’adolescent plus tard sera un ingrat.
On ne peut pas forcer la gratitude aux enfants; on
ne peut pas la pousser à s’épanouir. La seule chose à
faire est d’être reconnaissant soi-même, parent ou édu-
cateur, pour que les enfants ‘apprennent’ à être recon-
naissants, parce qu’ils sentent à quel point cela fait du
bien, et combien ce sentiment est expansif et mer-

34
L’ENFANT COMMUNICATIF

veilleux. En général, les enfants ne parlent presque ja-


mais de ces choses, et le sage éducateur ne les manip-
ulera pas à verbaliser les réalités psychologiques.
L’enthousiasme se développe par le partage; il peut
s’agir du partage dans un jeu, ou d’une activité éduca-
tive, ou encore de l’activité de partage en tant que telle,
sans plus. Le partage est une chose merveilleuse à faire
entre les gens, et pour les enfants, c’est l’une des
choses les plus importantes à apprendre tôt dans la vie.
Cependant, j’ai observé le plus souvent avec des
enfants de familles de haute classe que leurs parents
s’immisçaient dans leur capacité naturelle de partage.
Ces enfants sont souvent bloqués dans leurs émotions,
parce que leurs capacités de partage ne sont pas
développées. Ils sont inhibés et maladroits dans le
partage des activités, et ce, en raison des attitudes hy-
per-égoïstes qu’ils ont intériorisées à la maison. Pour
être vrai, la capacité de partager est l’un des plus
grands dons que nous avons reçus en tant qu’êtres
humains. Le partage apporte une rétroaction directe de
l’univers, un flux chaud qui remplit le cœur, et qui
élargit le thorax, et l’esprit.
Les gens pris dans l’égoïsme peuvent être pris en
pitié parce qu’ils ne vivent leur vie qu’à mi-chemin; ils
sont malheureux et souvent ils n’ont tout simplement

35
LE CONTINUUM CRÉATIF

pas appris le don du partage dans leur enfance; ce


n’était peut-être pas de leur faute. Il n’est pas exclu que
même les égoïstes les plus durs puissent changer un
jour, après un acte spontané de partage et les senti-
ments inconnus qu’ils apprennent à travers cette ex-
périence.
Je pense que le partage est un besoin viscéral et en
même temps une vertu pour les humains et quand il
est contrecarré, les pathologies psychiques ne sont pas
loin d’apparaître. Cela peut sembler idéaliste, mais je
ne parle pas ici d’un idéal social, mais de quelque
chose d’aussi naturel que respirer et dormir. Nous
sommes tous égoïstes par ignorance, et seulement par
ignorance – l’ignorance de la vraie joie, qui est tou-
jours liée au partage!
Un éducateur sage ne parlera jamais de vertu et ne
poussera pas l’enfant à partager, car il sait que cela
rendra l’enfant hypocrite. La seule façon d’enseigner le
partage est de partager, et de le faire comme un mou-
vement naturel, spontanément; alors l’enfant adoptera
cette faculté, par observation.

36
IV
Émotions et Cognition

La contrepartie naturelle de l’intégralité est la pen-


sée holistique. L’intelligence, la sensibilité et la com-
préhension des fonctions complexes de la vie ne peu-
vent être développées que si la cognition est ancrée
dans la vie émotionnelle de l’enfant et résulte donc de
l’intégrité et non de la fragmentation.
Les capacités cognitives qui sont ancrées dans la
santé mentale émotionnelle ne peuvent croître que sur
la base de la préparation et de la maturité émotion-
nelles. Un enfant accepte volontairement l’enseigne-
ment une fois qu’il est prêt sur le plan affectif, et dans
aucune autre circonstance. Et je parle ici de la maturité
individuelle d’un enfant, et non d’un concept standard,
puisqu’il n’y a tout simplement pas de normes dans ce
domaine.
LE CONTINUUM CRÉATIF

L’éducation doit logiquement se dérouler dans une


relation et une interaction individuelles entre l’éduca-
teur et l’enfant, car ce n’est qu’alors que le caractère
unique de l’enfant peut être validé. Le lien émotionnel
dans cette relation est d’une importance capitale. Seul
l’amour peut être le pont pour la transmission des
valeurs.
L’éducation collective est donc une quête impossi-
ble. Elle semble être plus efficace, alors qu’elle l’est
beaucoup moins, car l’enfant, dans un groupe, est
traité à un niveau inférieur et non en fonction de sa
complexité émotionnelle et intellectuelle totale.
L’approche intégrative de l’éducation souligne
également que l’éducation doit être terre-à-terre si l’on
veut éviter un intellectualisme de ‘tour d’ivoire’ en con-
séquence. Autrefois, on appelait cela ‘l’éducation du
cœur.’ Cela se fait en donnant de l’esprit aux activités
quotidiennes et en les accomplissant non pas comme
des tâches ordinaires, mais comme des tâches enchan-
tées qui servent à apporter ordre et sobriété non
seulement à l’environnement, mais à celui qui regarde,
l’âme.
Quand la nature n’est pas perturbée, les enfants ont
un corps souple, un esprit ouvert, apprennent facile-

38
ÉMOTIONS ET COGNITION

ment et avec joie, et sont très équilibrés émotionnelle-


ment.
L’intellect de l’enfant, l’esprit rationnel, se dévelop-
pera naturellement lorsque sa vie émotionnelle sera
équilibrée et libre de blocages énergétiques et d’an-
goisses. C’est ainsi parce que nos facultés mentales ne
peuvent être séparées de notre vie émotionnelle.

39
V
Développer le Talent Musical

La musique joue un rôle important dans notre


équilibre psychique. Une bonne musique met de l’or-
dre dans notre esprit et fait naître un esprit sensible et
ouvert. La mauvaise musique, par contre, conduit le
psychisme à un état de surexcitation; cet état d’esprit
est comme une boucle fermée dans le sens où il nous
empêche d’accéder à notre centre, à l’infini en nous.
Un esprit régulièrement bombardé de musique mod-
erne ne peut être atteint par la sagesse éducative parce
qu’il ne connaît pas le silence et ne dispose pas d’es-
pace intérieur de repos et de contemplation tranquille.
Cela conduit à une structure de pensées superfi-
cielle et à un manque de compréhension de la vie et du
monde; un tel esprit reste à la périphérie des choses et
des événements.
LE CONTINUUM CRÉATIF

L’effet de la musique sur l’esprit de l’enfant peut être


évalué sous deux angles, actif et passif. Nous souffrons
tous passivement de la musique à certains endroits, au
café, au cinéma, au supermarché, dans les grands mag-
asins et de nos jours aussi dans les aéroports, les bu-
reaux de poste, les salles publiques et les stations de
métro, sans même parler des boîtes de nuit et des dis-
cothèques où une musique forte et agressive est con-
sidérée comme une stimulation.
Et pourtant, il semble que la plupart des gens ne se
soucient jamais de la façon dont cette musique affecte
leur psychisme! La recherche sur la guérison par le son
a montré que la musique affecte directement nos émo-
tions, notre esprit et nos pensées.

—Voir, par exemple, Jonathan Goldman, Healing Sounds


(2002) et Manly P. Hall, The Secret Teachings of All Ages
(1928/2003).

Activement, la musique joue un rôle important


dans l’éducation en enseignant la structure musicale, la
notion de temps et comment le temps transforme l’es-
pace émotionnel; c’était même un sujet cher à l’éduca-
tion traditionnelle, à une époque où la lecture de parti-
tions et la pratique d’un instrument musical étaient en-

42
DÉVELOPPER LE TALENT MUSICAL

core considérées comme bonnes et utiles pour l’éduca-


tion des enfants des familles de haute bourgeoisie.
Mais malheureusement, dans la plupart des pays
aujourd’hui, cette tradition positive et importante s’est
presqu’entièrement perdue. La raison de ce change-
ment au pire est probablement le fait que les enfants
d’aujourd'hui n’ont que rarement un piano, un violon-
celle ou un violon à leur disposition, et la plupart des
parents trouvent les instruments de musique acous-
tiques encombrants, bruyants ou trop chers.
Comme la tradition domestique musicale du 19ème
siècle a trouvé sa fin, la plupart des parents ne voient
pas l’intérêt d’envoyer leur enfant à des cours de
musique. De plus, comme la télévision est devenue un
substitut aux soins donnés aux enfants, il s’agit claire-
ment d’une détérioration culturelle majeure qui aura
des conséquences sur le niveau général d’éducation et
le niveau de sensibilité de l’ensemble de notre popula-
tion.
Avant de commenter davantage au sujet de l’éduca-
tion musicale active, j’aimerais parler brièvement de
l’influence passive de la musique sur notre équilibre
psychique. La musicologie et la psychologie ont établi
que la musique a un impact sur notre psychisme et nos
émotions beaucoup plus grand que le grand public ne

43
LE CONTINUUM CRÉATIF

le sache; les effets de la musique que nous endurons


passivement dans les lieux publics sont pour le moins
considérables, sérieux et stupéfiants.
De là à la manipulation de l’esprit, il n’y a vraiment
qu’un tout petit pas, car des messages subtils peuvent
facilement être intégrés dans le tapis musical, même
sans utiliser de subliminaux; un clip sonore peut dé-
clencher des émotions, ou empêcher certaines émo-
tions de se manifester.
De nombreuses recherches ont été menées sur les
effets de la musique dans des endroits stratégiques
comme les grands magasins, et il a été constaté que
même sans l’utilisation de subliminaux, qui est légale-
ment interdite dans la plupart des juridictions mod-
ernes, la musique peut avoir un effet sur le volume des
achats. Il serait trop long d’en expliquer les détails ici,
mais le fait en tant que tel est corroboré par la science.
La musique est aujourd’hui activement utilisée dans
les médias, dans la plupart des lieux publics, dans les
grands magasins et les boutiques de mode pour influ-
encer et stimuler positivement la motivation d’achat
des consommateurs. Comme la plupart de ces connais-
sances sont cachées au public et ne se trouvent que
dans des publications spécialisées, accessibles à un
public scientifique et aux bureaux de marketing et

44
DÉVELOPPER LE TALENT MUSICAL

agences de publicité, le consommateur moyen est à


peine conscient de ce genre de manipulation subtile
par le biais de tapis sonores et de musique à la mode
qui ne sert point à des fins musicales.
La recherche scientifique sur le son et la mémoire a
montré que lorsque deux stimuli sonores différents ont
un impact sur notre psychisme, notre subconscient en-
registre le stimulus sous-jacent, pas le dominant.
Le Dr Georgi Lozanov, un psychiatre bulgare, a util-
isé positivement cette caractéristique spécifique de
notre cerveau pour concevoir une méthode révolu-
tionnaire d’apprentissage des langues étrangères, ini-
tialement appelée Suggestopedia, et aujourd’hui vendue
sous la marque Superlearning®.
Les étudiants sont mis dans un état d’esprit déten-
du, assis dans des fauteuils confortables et écoutent de
la musique baroque pour cordes. Sur ce tapis musical
qui est le son dominant, l’enseignant récite des textes
dans la langue étrangère, en tant que son sous-jacent,
lorsqu’on dit aux élèves de ne pas écouter le discours,
mais de se concentrer sur la musique, et de respirer au
rythme de la musique.

45
LE CONTINUUM CRÉATIF

Avec cette méthode révolutionnaire, les gens ap-


prennent des langues difficiles comme l’arabe, le russe
ou le chinois sans accent en deux mois.
Lozanov a utilisé la technique à l’origine pour en-
seigner la lecture et l’écriture aux écoliers et a constaté
que, dans le cas normal, un enfant apprendrait à lire et
à écrire parfaitement en environ six mois seulement.
Ce qui se passe, c’est que le cerveau enregistre pas-
sivement non seulement les mots de la langue
étrangère, mais des modèles entiers, qui comprennent la
grammaire, la prononciation, la syntaxe et tout ce qui
est nécessaire pour parler et comprendre cette langue,
et tout cela sans rien ‘étudier.’ Le contenu de l’appren-
tissage est d’abord passif, et à la fin du cours sera activé
par la conversation dans la langue étrangère.
Il n’y a pas de traductions, il n’y a pas de gram-
maire à apprendre et il n’y a pas d’erreurs à faire; tout
le processus est fluide et aucun effort n’est nécessaire
pour apprendre des langues complexes.
La clé de l’apprentissage rapide est notre subcon-
scient, et aussi notre accès, pendant l’auto-hypnose (re-
laxation profonde), à la bibliothèque universelle de
l’inconscient collectif où toutes les grammaires sont
stockées, et beaucoup plus de connaissances.

46
DÉVELOPPER LE TALENT MUSICAL

Mais ce que la plupart des gens ignorent, c’est que


nous sommes souvent involontairement dans un état
de rêverie qui est semblable à l’état d’hypnose – aussi
appelé ‘état alpha,’ la longueur d’onde prédominante
caractéristique de la relaxation profonde, de l’hypnose
et de l’auto-hypnose.
La recherche a également montré que les enfants
sont naturellement plus souvent dans l’état alpha, et
même dans l’état thêta, que les adultes; ainsi, dans ces
moments-là, leur esprit est facilement accessible par des
stimuli extérieurs qui s’y imprègnent. Ainsi, dans ces
moments-là, les enfants sont facilement influencés et
manipulés par le contenu télévisé.
C’est l’une des principales raisons pour lesquelles
les médecins, les psychologues et les organisations de
parents ont de plus en plus recours à l’activisme et à la
sensibilisation du public contre les dangers de la vio-
lence dans nos émissions de télévision.
Les éducateurs qui aiment les enfants dont ils s’oc-
cupent feront tout ce qu’ils peuvent pour les protéger
d’un tel conditionnement négatif et dangereux à la vio-
lence, et ils doivent trouver un modus vivendi avec leurs
élèves pour contrôler leur alimentation télévisée.

47
LE CONTINUUM CRÉATIF

La meilleure façon d’éviter qu’un enfant ne soit mis


en danger par un certain type de musique ou un cer-
tain type d’émission de télévision est de détourner sub-
tilement l’attention de l’enfant, en lui offrant des alter-
natives, et pas seulement de fausses alternatives, mais
des choses que vous savez que l’enfant sera enthousi-
aste à entreprendre.
La seule raison pour que la plupart des parents et
des éducateurs n’utilisent pas cette stratégie, c’est parce
qu’elle exige du temps et des efforts. Il est plus facile
de laisser les enfants profiter de ce qu’ils aiment et
d’avoir confiance que parce que ‘tout le monde le fait,’
ça ne peut pas être si terrible, après tout.
Par exemple, lorsque vous savez que les enfants de
votre classe aiment courir dehors sous la pluie et que
vous les détournez d’une émission de télévision vio-
lente en leur suggérant de ‘sortir sous la pluie et jouer,’
vous faites partie du jeu et vous ne pouvez vous em-
pêcher de vous mouiller. C’est la simple raison pour
laquelle la plupart des éducateurs et des parents ne
font pas ce qu’ils savent être juste. Ils ne veulent pas se
mouiller, faire du vélo sous le soleil qui tape, nager
dans l’eau froide, sortir la voiture du garage pour se
apporter l’enfant à l’arène de patinage et ainsi de suite.
Le pouvoir de la télévision serait nul si nous pouvions

48
DÉVELOPPER LE TALENT MUSICAL

offrir aux enfants des alternatives naturelles et saines de


façon consistante.
En ce qui concerne l’éducation musicale active, ce
que j’ai observé aujourd’hui, c’est qu’il est assez diffi-
cile d’accompagner un enfant musicalement doué,
quand la famille n’est pas musicale et ne se donne pas
la peine de mettre en place quelque chose comme une
‘culture musicale’ dans sa vie familiale quotidienne.
Ensuite, ce qui se passe – et ce qui m’est arrivé à moi –
l’enfant se sentira rapidement comme un monstre mar-
ginal dans son contexte familial.
C’est pourquoi je pense qu’il vaut mieux, dans de
tels cas, ne pas pousser les enfants à la pratique musi-
cale active, sans être assuré de la pleine collaboration
de leurs parents, mais plutôt de leur montrer la beauté
de la musique en écoutant de la bonne musique, et en
faisant cela régulièrement.
Je suis conscient du fait que dans ce contexte, par-
ler de ‘sensibiliser’ les enfants à l’apport musical,
comme je l’ai entendu exprimé souvent dans les fo-
rums éducatifs, est une préoccupation ridicule car les
enfants naturels sont de toute façon sensibles, et ils
sont particulièrement sensibles à la musique. Ce que les
éducateurs doivent faire, c’est de protéger cette sensi-
bilité naturelle de l’enfant contre une culture très in-

49
LE CONTINUUM CRÉATIF

sensible qui notamment désensibilise systématique-


ment les enfants et les adolescents.
C’est encore plus vrai dans le cas des enfants doués,
et c’est après tout de ces enfants dont je parle dans ce
livre, car les enfants ordinaires ont très peu d’intérêt à
investir temps et énergie au fil des ans pour apprendre
à maîtriser un instrument de musique.
L’expérience m’a appris que si les enfants ne sont
pas vraiment doués musicalement, c’est une torture
pour eux d’apprendre à jouer un instrument car,
comme nous le savons tous, l’interprétation musicale
exige beaucoup de sacrifices, de pratique cohérente et
en plus, une maîtrise de base du trac et des émotions
négatives sous forme de frustrations récurrentes.
Ce n’est que lorsque l’enfant éprouve un plaisir au-
thentique avec la musique qu’il acquiert l’endurance
nécessaire pour maîtriser un instrument de musique
avec tout ce que cela implique sur de longues périodes
de temps.
Quand le talent est présent, l’enfant n’a pas besoin
d’être encouragé beaucoup, car le génie a une capacité
inhérente de se faire réaliser. Un autre avantage essen-
tiel qui vient avec l’étude de la musique est que les en-
fants apprennent la logique musicale qui est pure

50
DÉVELOPPER LE TALENT MUSICAL

logique cosmique comparable à la logique mathéma-


tique, et l’esprit de l’enfant gagnera en clarté et capacité
de communication claire.
Au cours de mes longues années d’expérience dans
l’interprétation et la composition musicale, et après
avoir rencontré de nombreux musiciens dans ma vie,
je peux affirmer que parmi toutes les personnes possi-
bles de toutes les cultures possibles que j’ai rencontrées
dans ma vie, les musiciens sont de loin les personnes
les plus claires, les plus intelligentes, les plus sages et
aussi les plus harmonieuses. Leur vie émotionnelle est
équilibrée.
Il y a un autre avantage pour les enfants qui ap-
prennent un instrument de musique; ils deviennent
plus humbles parce qu’ils apprennent que toute grande
maîtrise doit être payée en ‘sueur et en larmes.’ Bien
que le génie soit certainement inné, il a besoin d’être
développé par la maîtrise, l’expression de soi et beau-
coup de persévérance! Cela explique pourquoi les en-
fants qui réussissent tôt dans la vie, et d’autant plus
quand ils sont prodiges, sont plus disciplinés, plus ma-
tures et plus sensibles que l’enfant moyen. Ils ont aussi
tendance à être plus responsables dans leurs relations
quotidiennes avec les autres, et ils comprennent mieux
les autres que les enfants ordinaires.

51
LE CONTINUUM CRÉATIF

En revanche, un enfant qui ne fait que jouer toute


la journée et n’a jamais été exposé aux rigueurs de la
vie, qui n’a pas appris l’autodiscipline pour maîtriser
un instrument, un sport, un ordinateur ou quoi que ce
soit d’autre de valeur, n’atteindra jamais la brillance et
l’élégance des enfants qui sont sur le chemin du génie.
Dans la plupart des cas, ces masses d’enfants restent
des consommateurs médiocres qui considèrent la vie
comme un concept résiduel, ou un ensemble de com-
portements standard, sans pénétrer dans la profondeur
de la vie et de l’âme, et sans participer au drame cos-
mique de tous les temps.
C’est pourquoi l’apprentissage d’un instrument de
musique et l’engagement à long terme dans l’interpré-
tation musicale est l’un des meilleurs et des plus intel-
ligents moyens de devenir un être humain complet.
En fait, j’ai constaté que beaucoup d’enfants ordi-
naires et beaucoup d’enfants névrosés et hyperactifs
ont du talent artistique, mais le problème est qu’ils
sont trop agités et trop superficiels pour faire les choses
de manière cohérente. Il ne suffit pas qu’un enfant soit
doué pour la musique ou les arts si les parents sont in-
différents à son caractère unique et si les enfants eux-
mêmes en sont venus à apprécier la crème glacée et la

52
DÉVELOPPER LE TALENT MUSICAL

télévision plus que l’apprentissage. Dans un tel cas,


l’essence précieuse de l’innocence est perdue à jamais.
J’en suis venu à croire, au fil des ans, que le signal
du génie est plus de nature d’une révolte que d’une
adaptation. Les enfants qui s’adaptent facilement au
statu quo et qui acceptent toutes sortes de condition-
nements adverses, sans exprimer leurs besoins pour
une fois, deviendront souvent dépressifs plus tard dans
leur vie. Car la dépression n’est rien d’autre que l’inca-
pacité d’exprimer sa volonté la plus profonde et ses
émotions!
Albert Einstein est un exemple frappant qui me
vient à l’esprit, car il montre que quelqu’un qui aime la
musique et a été un brillant violoniste n’a pas besoin
de ‘faire une carrière musicale.’ Mais le génie Einstein
est impensable sans le musicien doué au-dedans du
physicien, et le monstre rebelle au-dedans du musi-
cien.
C’est cela le secret du génie, ce n’est pas l’unilatéral-
ité, mais une configuration intérieure cosmique qui em-
brasse en quelque sorte toute la création en un éclair
de perspicacité qui dure toute une vie!

53
VI
Embrasser la Technologie

Notre vieille idée d’une ‘culture générale’ ne peut


être raisonnablement maintenue parce que la quantité
de connaissances aujourd’hui est si immense qu’aucun
être humain ne peut jamais, même de loin, tenter de
l’adopter.
C’était certainement différent il y a encore deux
cent cinquante ans, à l’époque des Lumières où un
homme comme Denis Diderot pouvait écrire une ency-
clopédie qui embrassait presque l’intégralité du savoir
entier de l’époque.
Une approche éducative extrémiste qui tente d’ex-
clure la technologie est cependant aussi erronée qu’une
approche qui met tout son espoir dans les technologies
modernes de l’information. Nous avons certainement
besoin des ordinateurs comme outil créatif et nous de-
vons les utiliser judicieusement; c’est ce que nous de-
LE CONTINUUM CRÉATIF

vons montrer aux enfants. Surtout aujourd’hui, à une


époque où la technologie fait partie de la technologie de
réseau que nous utilisons pour interconnecter le
monde, toute approche d’évasion qui tente de mettre
en scène le ‘retour à la nature’ de Rousseau est une il-
lusion et ne fonctionne pas dans la pratique.
Et plus important encore, ce n’est pas utile pour les
enfants que nous éduquons; ils ont besoin de grandir
au dedans le monde, pas hors du monde, et ceci en
traitant avec sagesse tout ce qu’ils ont, y compris l’hy-
per-technologie.
Je sais que beaucoup de parents de haute classe ai-
ment l’idée de école ‘New Age’ au coin de la rue où les
enfants sont invités à manger des plats végétariens et à
jouer avec des jouets en bois, où il n’y a ni télévision ni
ordinateurs, et où ils sont informés des ‘dangers de la
vie moderne.’ Les réunions de parents se tiennent bien
sûr dans une salle éclairée à la chandelle parce que
‘c’est de priver les enfants des pays pauvres des
ressources nécessaires si nous utilisons trop d’électric-
ité.’
J’honore la simplicité, mais pousser l’éducation vers
l’extrémisme n’est vraiment pas utile. Nous n’avons pas
besoin de l’extrémisme pour donner à nos enfants une
éducation saine; l’extrémisme, quel qu’il soit, est aussi

56
EMBRASSER LA TECHNOLOGIE

insensé que l’orgueil patriarcal, même si tout cela est


très décent, intelligent et naturel. Nos bureaux ne fonc-
tionnent pas à la chandelle, et l’innocence des enfants
n’est malheureusement pas un facteur d’emploi
lorsqu’ils ne savent pas utiliser un ordinateur. Ce que
fait l’extrémisme, c’est de déformer le bon sens inné
des enfants. Avez-vous jamais vu un enfant extrémiste?
Oui, bien sûr, quand ils imitent leurs parents qui
sont membres du parti communiste et ne mangent
donc que de la nourriture rouge, ne respirent que de
l’air rouge, ne portent que des vêtements rouges et ne
pensent que des pensées rouges! Mais pas un enfant na-
turel. Jamais.
Les enfants sont étonnamment équilibrés, ils ne re-
jettent rien, ils utilisent la technologie quand elle est
utile et quand c’est amusant de l’utiliser. Après tout,
c’est là une attitude bonne et productive! Tous les
artistes, tous les intellectuels ont la même attitude, sauf
qu’ils ont juré de se venger de la ‘société’ parce qu’ils
projettent tous leurs problèmes d’enfance sur les autres
au lieu de s’en prendre charge.
Une bonne éducation n’est pas une telle qui exclut
les choses, n’est pas une telle qui rend les choses, les
pensées, les sentiments ou les comportements tabous,
mais une éducation qui embrasse le monde, tout en

57
LE CONTINUUM CRÉATIF

enseignant, au quotidien et pas à pas, la sagesse


d’utiliser tout ce que nous avons.

58
VII
Enseigner la Sagesse de Choisir

La télévision contient de nombreuses émissions


utiles et de qualité, de l’information sur la technologie,
sur les événements culturels, sur des peuples intéres-
sants, sur des cultures que vous ne visiterez peut-être
jamais dans votre vie à cause du climat rigoureux qui y
règne, ou sur des endroits trop éloignés pour les visiter
sans éprouver un grand inconfort.
Et il y a des émissions utiles pour les enfants parce
qu’elles ne ciblent pas les enfants. Je crois que les enfants
préfèrent instinctivement l’information sérieuse à l’in-
formation préparée, cuite et épicée pour les enfants; ils
n’aiment pas être pris pour des ‘enfants’ mais simple-
ment pour des spectateurs, aux côtés des spectateurs
adultes.
Et honnêtement, je ne vois pas à quel point les
dessins animés stupides, insensés, violents et frivoles de-
LE CONTINUUM CRÉATIF

vraient être ‘éducatifs’ ou ‘bons’ pour les enfants? C’est


un commerce mondial gigantesque entre les mains de
quelques sociétés puissantes. C’est tout ce qu’il y a à
savoir à ce sujet. Avec la télévision, tout est choix;
quand il y a choix, la télévision est bonne chose,
quand il n’y a pas de choix, la télévision est chose
mauvaise; c’est aussi simple que cela.
Plus votre éducation est basée sur la conscience et
moins elle est autoritaire, mieux c’est pour la capacité
de choix de vos enfants. Car la sagesse de faire des
choix doit être apprise: ce n’est pas une faculté innée.
Faire de bons choix dans la vie est, selon le Yi Jing,
le véritable nœud de la vie et où les gens ordinaires et
les sages diffèrent le plus dans leurs attitudes et leurs
capacités. Le Livre des Changements définit un sage
comme une personne qui sait faire des choix bons,
sains et bénéfiques pour elle-même et pour des autres,
tandis que les gens ordinaires ont tendance à faire de
mauvais choix, qui entraînent la défaite, la perte et
l’échec.
Souvent, nous ne savons pas avec certitude si un
certain choix est bon ou non, car nous ne connaissons
pas toutes les implications de nos décisions; cepen-
dant, quelqu’un avec une vision vraiment spirituelle de

60
ENSEIGNER LA SAGESSE DE CHOISIR

la vie et beaucoup d’expérience connaît ces facteurs


invisibles et peut donc faire des choix bons et viables.
Maintenant, quand vous considérez comme il est
déjà difficile pour nous autres adultes de faire de bons
choix, combien cela doit être difficile pour des enfants
jeunes et inexpérimentés! C’est effectivement l’un des
sujets les plus importants dans le domaine de l’éduca-
tion que d’aider les enfants à développer progressive-
ment une capacité de choix saine.
Cela exige deux choses de la part des éducateurs, et
elles doivent être présentes simultanément: la première
est qu’il mène une vie où les choix fondamentaux sont
justes et sains, et dont il se souvient avec une certaine
gratitude, et deuxièmement, que l’éducateur a assez de
patience pour que les enfants fassent beaucoup de
mauvais choix au début; car si vous ne les laissez pas
faire des mauvais choix, des choix qui font mal, com-
ment pensez-vous qu’ils puissent faire des bons choix
par la suite?
Ou faites-vous partie de ceux qui choisissent pour
les enfants, tout en prétendant que c’était le choix de
l’enfant? Cela, excusez-moi, est tout simplement mal-
honnête. Une fois que vous aurez découvert cela, vous
comprendrez qu’être éducateur est un défi parce que

61
LE CONTINUUM CRÉATIF

les enfants ont tendance à refléter vos mauvaises qual-


ités; ils peuvent commencer à douter de votre intégrité.
Les éducateurs médiocres se fâchent souvent dans
ces moments-là, et c’est ce qui les distingue de ces éd-
ucateurs passionnés qui sont vraiment doués pour leur
travail. Les bons éducateurs réagissent en se réjouissant
momentanément mais en se demandant par la suite s’il
y a dans leur comportement un résidu d’apitoiement
sur soi, d’orgueil ou d’arrogance?
Lorsque vous pratiquez cette approche, elle peut
vous servir à faire une évolution personnelle qui ne
sera pas mineure. Et elle vous rajeunira et vous
relèvera de toute dépression dans laquelle vous pour-
riez être coincée; en outre, vous ferez de vraies décou-
vertes sur vous-même.

62
VIII
La Nature Guérit

La nature et la vie naturelle ont sans aucun


doute un attrait particulier pour les enfants; bien
qu’il soit sain et agréable aussi pour les adultes
d’être à l’extérieur et de profiter de la nature, l’im-
portance de la vie naturelle pour les enfants ne
peut être surestimée.
J’ai constaté que les enfants perturbés et ‘diffi-
ciles’ se calment et s’améliorent spontanément
après avoir passé quelques heures en plein air, à
profiter du vent et du soleil et à bouger leur corps
autant qu’ils le peuvent. Il semble que ce simple
fait soit peu connu des enseignants.
Une simple pluie, un orage, de la neige et de la
glace, une promenade au bord de la rivière,
marcher dans la boue, courir sur le sable de la
LE CONTINUUM CRÉATIF

plage, cueillir des fleurs au bord de la route –


toutes ces activités, que la plupart des adultes tien-
nent pour acquises sans voir leur dimension pour
l’enfant, ont des qualités curatives.
La nature guérit. C’est aussi simple que ça. La
nature élargit l’espace intérieur, elle dénoue les
nœuds intérieurs, elle guérit le stress émotionnel et
nous laisse respirer profondément, ce qui en soi est
déjà un puissant déclencheur de guérison.
De plus, il faut voir que, contrairement à beau-
coup d’adultes, les enfants ne font aucune discrim-
ination en ce qui concerne les conditions
météorologiques; ils prennent la nature telle qu’elle
est et tirent de la joie de n’importe quel temps, et
l’éducateur devrait apprendre à faire de même.
Je n’ai jamais rencontré un enfant qui n’aimait
pas une excursion au bord de la mer ou d’un lac.
De plus, la forte ionisation et l’air salin près de
l’océan sont bien sûr très bénéfiques pour la santé
des enfants, car ils purifient notre système
bronchique, et rechargent nos batteries vitales.
Généralement, l’océan a une forte qualité mé-
taphorique; il est associé dans le subconscient à la

64
LA NATURE GUÉRIT

matrice, et l’éternel féminin, au flux cosmique, et à


la sexualité. Les enfants adorent chercher des co-
quillages et des escargots qui symbolisent leurs
parties intimes, et ce faisant, ils sont évidemment
rassurés quant à leur identité sexuelle.
J’ai toujours observé que les enfants gagnent in-
croyablement en expressivité lorsqu’ils sont près de
la mer, qu’ils sont exubérants et pleins de joie, én-
ergisés, et que même lorsqu’ils viennent de condi-
tions familiales sombres ou abusives, ils peuvent
vraiment oublier leur triste milieu pendant
quelques heures à la mer et se détendre.
La valeur intrinsèque de l’océan et, en général,
de la nature sauvage et intacte pour les enfants,
c’est qu’ils peuvent exercer leur désir de décou-
verte, d’expansion du connu. Les enfants ont beau-
coup moins peur du nouveau, de l’inconnu, que la
plupart des adultes; c’est pourquoi ils sont
généralement plus courageux que les adultes.
Quand ils explorent quelque chose, que ce soit
la nature autour d’eux, que ce soit la nature en
eux, ils veulent aller aussi loin que leur courage le
leur permet. Il se peut qu’ils ne viennent pas au

65
LE CONTINUUM CRÉATIF

bout, mais si c’est comme cela, c’est leur choix à


eux, et devrait relever de leur propre discrétion, et
non de celle de l’éducateur.

66
IX
La Valeur du Silence

Le silence est essentiel pour l’esprit. Sans silence, l’es-


prit se noie dans les turbulences de la vie quotidienne
et de tous nos désirs, pensées et sentiments contradic-
toires.
L’éducation traditionnelle n’a rien compris de ce
fait. Les enfants sont réduits au silence par la force,
maintenus enfermés dans le respect de la loi et de l’or-
dre par le recours à la violence éducative, pour explos-
er en accès de haine et de stupidité, une fois la classe
terminée, et quand ils sortent de l’école.
Le silence ne peut être imposé au mental. C’est une
erreur fondamentale de discipliner les enfants pour le
silence; quand les enfants mènent une vie équilibrée, et
quand leurs émotions sont respectées et rendues con-
scientes, les enfants ne sont pas plus bruyants que les
adultes. C’est typique de notre ignorance moderne de
LE CONTINUUM CRÉATIF

dire quelque chose comme ‘Eh bien, les enfants sont


des enfants, et donc ils sont bruyants.’ Non. C’est une
projection, et un préjugé. Il n’y a aucune raison pour
que les enfants soient plus bruyants et plus indisci-
plinés que les adultes. C’est par la discipline imposée
que les enfants deviennent bruyants et indisciplinés, et
non par une éducation saine et compréhensive.
Tout d’abord, lorsque les enfants sont bruyants de
façon constante, vous pouvez être sûr que leurs par-
ents et leurs éducateurs le sont aussi. La vie moderne
n’a pas besoin d’être bruyante. Avoir une télévision ne
veut pas dire qu’il faut crier. Il en va de même pour
une chaîne stéréo, un jeu vidéo ou autre. Mais j’ai vu à
maintes reprises que les parents qui ont des enfants
bruyants sont tout aussi bruyants, vous invitant à
prendre un verre tout en faisant fonctionner la télévi-
sion à plein volume, puis à vous crier en face parce
que ‘c’est tellement bruyant dans la maison aujour-
d’hui,’ nous devons donc ‘parler un peu plus fort.’
Beaucoup d’entre eux sont tellement habitués à leur
téléviseur constamment en marche qu’ils ne les enten-
dent même plus consciemment; ainsi, par automa-
tisme, ils commencent à crier au lieu de parler. Et puis
je veux voir l’enfant qui n’adopte pas un tel exemple et
devient un rat bruyant!

68
LA VALEUR DU SILENCE

Quand les enfants sont bruyants, vous devez chu-


choter, car cela les remettra sur la bonne voie. Ce qui
aide à long terme, c’est la méditation, ou la relaxation
silencieuse, ou le yoga, toute activité qui n’a de sens
que si elle est faite en silence. Et vous verrez à quel
point les enfants vont commencer à aimer ça, à quel
point ils commencent à l’exiger!
J’ai discuté ce sujet avec des éducateurs des écoles
Krishnamurti en Inde, et ils m’ont dit que d’après leur
expérience, la plupart des problèmes de discipline vi-
ennent d’un état mental trop turbulent, et pour y
remédier, le silence est nécessaire, et seulement le si-
lence! Quand ils commencent leur journée, ils sortent
avec les enfants et regardent le lever du soleil, pas plus
d’une dizaine de minutes, la même chose le soir, ils
sortent regarder le coucher du soleil, pendant encore
dix minutes. Cela signifie vingt minutes de silence par
jour, du vrai silence. Ils m’ont dit que vingt minutes de
silence par jour suffisent pour un enfant et même pour
la plupart des adultes afin de garder l’esprit silencieux
pendant toute la journée!
La recherche a montré qu’un esprit silencieux est
beaucoup mieux coordonné, que les hémisphères
cérébraux sont mieux synchronisés, que l’esprit est

69
LE CONTINUUM CRÉATIF

plus ouvert pour absorber la connaissance et que


l’équilibre émotionnel est plus facile à maintenir.
Je pense que tout le monde peut comprendre cela,
c’est tout simplement logique, et ce n’est point quelque
chose qui ‘fonctionne seulement pour les Asiatiques.’
Les écoles Krishnamurti ne sont pas ancrées dans la
culture asiatique, mais dans la culture internationale.
Dans les écoles ordinaires en Inde, les enfants sont
aussi bruyants qu’en Occident, et ils sont tout autant,
ou même plus, réprimandés de ne pas être bruyants.
Un éducateur n’importe où dans le monde qui, jour
après jour, a des enfants bruyants autour de lui ou elle,
est une personne bruyante, faites ce que vous voulez,
une personne avec un dialogue intérieur dérouté, un
esprit turbulent, et des émotions en état chaotique!
C’est tout simplement une question d’action et de réac-
tion.
Mettez un groupe d’enfants autour d’un sage,
pensez-vous qu’ils sont bruyants même après vingt
minutes être assis dans le silence? Ils ne le seront pas.
Je l’ai vu à plusieurs reprises en Asie, en Indonésie. Le
sage parlera si doucement que chaque enfant, pour
comprendre ce qu’il dit, gardera une posture com-
plètement silencieuse, et vous pourrez entendre une
aiguille tomber sur le sol. Pourquoi? C’est parce que le

70
LA VALEUR DU SILENCE

silence de l’esprit du sage remplit tous les esprits dans


la pièce; c’est son aura, son énergie intrinsèque qui le
fait. Et son attitude. Il parle doucement et tous ses
gestes sont doux et souples, et il sourit. Il n’y a pas un
mot qu’il prononce qui ne soit dit de façon équilibrée,
il n’y a pas un seul mouvement qu’il ne fasse qui ne
soit gracieux et beau à regarder.
Les enfants absorbent l’homme, le mangent
virtuellement avec leurs yeux, dans le plus profond re-
spect, observant attentivement tout ce qu’il fait, dit,
comment il coupe un fruit, pour manger un petit
morceau, et puis offrant le reste aux enfants. Et ils par-
tent rayonnants et silencieux, et leurs visages disent:
‘J’ai reçu un cadeau!’
C’est une expérience enchanteresse que l’on n’ou-
blie jamais et qui enseigne sans un mot que pour une
éducation saine, aucune discipline n’est nécessaire,
mais la sagesse et le silence – ce qui est exactement ce
que Krishnamurti a dit tout au long de sa vie au sujet
de l’éducation.
Et il a également dit que le silence ne peut en au-
cun cas être imposé, car lorsqu’il est imposé, il en ré-
sulte une conduite artificielle, et non un comporte-
ment authentique. C’est généralement le cas, et c’est
encore plus vrai lorsque vous essayez d’imposer le si-

71
LE CONTINUUM CRÉATIF

lence aux enfants. Car vous devrez faire face à l’échec


total, vous verrez que tout va aller dans la direction
opposée et que vous allez chasser le dernier petit si-
lence loin de l’esprit des enfants. Alors ne l’essayez
même pas, mais entraînez-vous tout d’abord à vous
taire complètement, même si ce n’est que pendant cinq
minutes par jour.
Avant que vous soyez capable de faire cela, et le
faire régulièrement, ne pensez même pas que vous
pourriez travailler avec des enfants à moitié silencieux
et en équilibre. Oubliez-le! Si votre esprit est une boîte
à musique, pensez-vous que vous allez mettre de l’or-
dre dans l’esprit des enfants assis autour de vous?
Et gardez ceci à l’esprit, en toutes choses spirituelles,
la coercition ne fonctionne pas. Ce n’est pas important de
savoir comment trouver la paix intérieure, seul le ré-
sultat compte. La seule chose que vous pouvez faire
pour les enfants est de les rendre conscients et sensibles
au bruit, en leur disant parfois d’écouter tous les sons
qui les entourent, et d’identifier chaque son, puis la
symphonie entière. Cela rendra chaque enfant con-
scient des manipulations, de la publicité, de la
musique d’ambiance, etc.
Le silence, tout silence vient spontanément, il ne
peut être invité. Dans le Dao De Jing, Lao-tzu a écrit :

72
LA VALEUR DU SILENCE

‘Si vous voulez étendre une chose beaucoup, vous de-


vez d’abord la contracter beaucoup.’ Lorsque les en-
fants se taisent sous la force de la discipline, ils devi-
ennent hyper-bruyants, chaque fois qu’ils échappent à
la contrainte, chaque fois qu’ils quittent la pièce, vont
aux toilettes ou font quoi que ce soit, rentrent chez eux
ou rencontrent d’autres enfants. Alors ils explosent.
Alors ils se battent, ils se font du mal, ils crient, ils
donnent des coups de pied, ils crachent, ils maudis-
sent, en un mot, ils font tout ce qu’on ne leur permet
pas de faire en classe. Par conséquent, la discipline est
inutile, voire contre-productive, ou disons que toute
discipline est inutile lorsqu’elle est fondée sur la coerci-
tion.
L’autodiscipline n’est pas inutile et n’est pas contre-pro-
ductive. Ce que nous apprenons de cela, c’est que le
but n’est pas d’enseigner la discipline, mais l’éducateur
qui enseigne l’autodiscipline, d’abord à lui-même, puis
aux enfants. Sans avoir appris l’autodiscipline, aucun
éducateur ne peut transmettre aux enfants ce que cela
implique. L’éducateur doit passer de la parole aux actes
avant de s’attendre à la moindre amélioration chez les
enfants dont il s’occupe. C’est d’autant plus vrai que
l’autodiscipline n’est pas vraiment un comportement,
c’est une attitude. Et l’attitude ne se transmet pas ver-

73
LE CONTINUUM CRÉATIF

balement, elle se transmet toujours de façon non-ver-


bale et la plupart du temps inconsciemment.
Lorsque nous abandonnons la coercition dans toute
l’éducation, nous mettons fin au dualisme insensé qui a
imprégné notre culture depuis les débuts du patriarcat.
Car lorsque nous arrêtons la coercition, nous ouvrons
la porte à l’autorégulation, qui est le modus vivendi fonc-
tionnel de tout système vivant. Le dualisme se mani-
feste dans notre histoire culturelle sous forme de dual-
isme corps-esprit, homme-femme, gauche-droite, no-
ble-ordinaire, riche-pauvre, gagnant-perdant et de du-
alisme liberté-contrainte.
Ce dernier est probablement le plus destructeur de
tous ces dogmes, car il va à l’encontre de la vie elle-
même. La vie est liberté, pas contrainte, pas coercition,
pas volonté ou domination imposée, et son moteur est
l’autorégulation.
Il y a une autorégulation à observer partout dans la
nature, dans notre propre organisme, dans les marées
et le climat, dans les cycles de croissance des plantes,
des animaux et des humains, dans le mouvement des
planètes, et même dans notre économie mondiale.
L’autorégulation est considérée comme l’un des
principes les plus importants du fonctionnement des

74
LA VALEUR DU SILENCE

marchés, qu’ils soient nationaux, régionaux ou mondi-


aux.
Les enfants, lorsqu’on les laisse libres, sont na-
turellement autorégulateurs dans tout ce qu’ils pensent
et font. Ils obéissent simplement à la nature, et la na-
ture est autorégulatrice. Et les enfants qui s’autorégle-
mentent sont plus forts et ont un meilleur système
immunitaire, ils sont en meilleure santé et ils peuvent
endurer davantage.
Les enfants qui ont été empêchés de se réguler sont
émotionnellement fragiles et physiquement malades,
grincheux et frêles. Ce sont les bébés qui ont été mis
dans des chambres sombres pour dormir seuls, au lieu
de partager le lit de leurs parents, ce sont ceux qui
étaient accrochés au mur, comme bébés, en bandages,
et ceux dont les mains étaient attachées au lit, pour les
empêcher de s’amuser. Ce sont aussi ces enfants mod-
ernes qui sont réglementés par la télévision au lieu
d’être autorégulés, la télévision ayant été leur gardi-
enne et leur tétine.
Étant autorégulateurs, les enfants font du bruit à
certains moments, mais ce n’est pas le comportement
obsessionnellement bruyant que je signalais aupara-
vant. Ce sont des moments assez courts où l’enfant a
besoin de ‘tirer les registres’ pour ainsi dire, comme un

75
LE CONTINUUM CRÉATIF

organiste tire les registres de l’orgue avant de se mettre


à jouer. Par exemple, lorsque l’enfant rentre de l’école,
il crie souvent, ou il jette sa veste dans un coin, et il le
fait d’une manière ‘bruyante,’ et ce bruit dit quelque
chose. Il dit: ‘Je suis content de rentrer à la maison.’
C’est tout.
Résister au bruit et en réprimer l’enfant, c’est
comme dire au garçon ou à la fille: ‘Je n’aime pas que
tu rentres à la maison, mieux vaut que tu restes à
l’école!’ Et ça fait vraiment mal.
Il n’y a donc aucun problème à ce qu’un enfant tire
un moment les registres en faisant un bruit; c’est une
autre histoire, non pas un bruit déclenché par un es-
prit indiscipliné et turbulent, mais simplement le corps
qui parle un moment pour équilibrer l’esprit.
Avez-vous vu des enfants et des tout-petits sauter
dans les bras de leur mère ou de leur père, et avez-
vous entendu le bruit qu’ils font en faisant cela? Ils
hurlent, ou ils chantent, mais c’est presque jamais si-
lencieux. Ces bruits sont naturels et ne doivent pas
faire l’objet de plainte ou vous dites implicitement à
l’enfant: ‘Je ne veux pas que tu vives!’ Et c’est ce que
j’appelle l’éducation à la mort.

76
LA VALEUR DU SILENCE

Souvent, quand les enfants tirent les registres, ils


font une suite de mouvements rapides avec le bruit
qu’ils font; c’est un peu coordonné, comme un clown
de scène qui répète une de ses rôles, une torsion, un vi-
rage, un clic, un tampon, un cri, un bâillement, et le tout
en succession rapide.
D’après mon expérience, les garçons tirent les reg-
istres plus souvent que les filles. Et ces moments, j’ai
également observé, mettent presque toujours le garçon
dans une humeur souple et détendue, et ce qu’il aime
le plus, c’est d’être caressé et assis tranquillement,
pendant un certain temps, à côté de son éducateur
préféré, ou, à la maison, avec un parent.
Il me semble donc que le fait de tirer les registres a
pour l’enfant un effet relaxant, et c’est peut-être la rai-
son cachée pour laquelle il le fait. Ce n’est pas sans
rappeler le dicton de Lao-tzu que j’ai cité plus haut,
d’abord ils se crispent et se contractent, puis ils se dé-
contractent et se détendent.
Mais je parle ici d’enfants sains d’esprit, et non
d’enfants élevés dans des écoles et des foyers autori-
taires, qui sont bruyants de façon obsédée et névro-
tique.

77
LE CONTINUUM CRÉATIF

En général, on peut dire que l’enfant sain d’esprit


s’exprime d’une manière variée, sans jamais avoir le
même comportement, mais en exhibant une séquence
fluide de mouvements. C’est peut-être ainsi que les en-
fants diffèrent le plus des adultes, car le modèle de
comportement des adultes est beaucoup plus uniforme
lorsqu’on le compare à la riche structure du com-
portement des enfants.
Et cette variété de comportements et la rapidité des
changements de comportement peuvent avoir un effet
d’équilibre sur le psychisme et les émotions, et c’est
peut-être l’une des raisons pour lesquelles les enfants
sont généralement plus équilibrés émotionnellement
que la plupart des adultes.

78
X
Concentration ou Contemplation?

La faculté de se concentrer est directement liée au


silence ou à la turbulence de l’esprit; plus l’esprit est
silencieux, plus la personne est capable de se concen-
trer profondément.
La faculté de se concentrer n’est pas quelque chose
que possède le jeune enfant, et cela nuit aux tout-petits
et aux jeunes enfants lorsque les éducateurs les forcent
à se concentrer.
Les jeunes enfants n’ont besoin d’aucune capacité
de concentration; la faculté de se concentrer est intrin-
sèquement quelque chose qui appartient à l’esprit mûr.
Seul un esprit qui est entraîné, qui est attentif, peut se
concentrer. L’esprit du petit enfant, par contre, est con-
templatif, c’est un esprit toujours frais, et ouvert, c’est
aussi un esprit qui pense de façon holistique parce qu’il
n’est pas encore fragmenté.
LE CONTINUUM CRÉATIF

Krishnamurti disait souvent que la concentration


empêche l’esprit de la contemplation et de la médita-
tion; c’est parce que la concentration est centrée sur un
but, elle est sujet à la volonté, téléologique, tandis que
la méditation survient spontanément lorsque l’esprit
n’est pas atterré par la volonté, ou que la concentration
a été dissoute par la relaxation.
Les jeunes enfants sont la plupart du temps dans ce
mode méditatif, et les en sortir en leur apprenant à se
concentrer est vraiment insensé, car cela les prive de
leur sagesse intrinsèque; en outre, cela peut les rendre
malades et déprimés.
Typiquement, la faculté de se concentrer va de pair
avec le fait que l’esprit contient un observateur. Chez le
petit enfant, il n’y a pas encore d’observateur, autant
que les autres voix intérieures ne sont pas encore con-
struites.
En règle générale, l’observateur est construit
lorsque la conscience sociale commence à se former, et
un sens pour le code de moralité de la société, de l’âge
de sept à douze ans. Avant que l’observateur ne soit
construit, l’enfant est dans un état de béatitude, car
toute sa perception est directe et immédiate, parce que
l’intellect est contourné.

80
CONCENTRATION OU CONTEMPLATION?

Vous pouvez aussi dire que la concentration est liée


à la pensée, et là où il n’y a pas encore de structure de
pensée, parce que l’esprit est contemplatif et perçoit
directement la réalité, aucune concentration n’est
nécessaire.

81
XI
Faciliter l’Acceptation de Soi

Personne ne peut nous apprendre à aimer les autres ou


nous-mêmes. Le croire est naïf. Celui qui s’aime, aime
les autres. Pourquoi l’un s’aime et l’autre se déteste ?
C’est une question de respect de soi. Le respect de soi
ne s’apprend pas. Lorsque les enfants grandissent dans
un milieu où ils sont respectés et aimés, ils ont suff-
isamment de respect d’eux-mêmes.
On ne peut pas quantifier le respect de soi, on ne peut
pas quantifier l’amour. On ne peux pas l’enseigner.
Si vous êtes honnête, vous ne pouvez même pas en
parler. Ce que vous pouvez faire, c’est le vivre, vivre en
étant plein d’amour, en respectant les autres en vous
respectant vous-même, en ayant un grand respect de
soi.
LE CONTINUUM CRÉATIF

Quand vous voyez cela, vous vous rendrez compte


que la seule personne à qui l’on peut s’adresser pour
apprendre ces valeurs, c’est vous-même, l’éducateur.
Les gens qui parlent beaucoup d’amour n’aiment pas.
Les enfants savent aimer, et le font tous les jours, mais
ils n’en parlent jamais. Ils le font spontanément, ils ai-
ment comme ils respirent, comme ils mangent, comme
ils dorment, comme ils jouent.
Aimer est quelque chose de réel, et quelque chose
de vivant pour l’enfant naturel, pas quelque chose dont
il faut s’inquiéter, à quoi il faut penser, de quoi il faut
se soucier. Si vous connaissez les enfants, vous savez
que ce que je dis est vrai.
Quand l’enfant accepte son corps et le connaît, il
s’incarne pleinement dans ce corps, et c’est la condi-
tion pour réaliser une excellente santé physique et
mentale et un équilibre émotionnel.
Les enfants psychotiques ou atteints de schizo-
phrénie ne sont tout simplement pas incarnés dans
leur corps; ils flottent dans l’air, manquent d’ancrage.
Leur premier chakra est bloqué et ils sont à peine con-
scients de leur corps.
Ce n’est que sur la base de l’acceptation pleine et
entière du corps que nous pouvons construire une éd-

84
FACILITER L’ACCEPTATION DE SOI

ucation saine et, par conséquent, une société saine!


Comment développer l’estime de soi chez les enfants
quand leur esprit est imprégné d’une moralité compul-
sive?
Il devrait être évident que l’estime de soi ne peut se
construire sur la honte et le déni du corps, mais sur
l’acceptation. Pour provoquer la santé mentale et émo-
tionnelle, tout déni de la nature doit être rendu con-
scient; une fois que vous êtes conscient que vous tra-
vaillez réellement contre la nature dans tout ce que
vous faites, vous allez changer. La conscience même de
votre attitude de déni apportera le changement, et vous
ouvrira à embrasser la nature en conséquence.
La beauté, la beauté physique, n’est pas non plus
un événement fortuit, mais le résultat soit de l’accepta-
tion du corps, soit du déni du corps. Il n’y a pas de
beauté innée. Nous formons notre corps par nos pen-
sées. Quand nous pensons de belles pensées, notre
corps sera beau, quand nous pensons des pensées
laides, notre corps sera laid. Quand nous fixons notre
attention sur ce qui est laid, nous rendons notre vie
plus laide; à tout moment où nous contemplons la
beauté, nous serons plus beaux en conséquence. C’est
la loi de la conscience, la loi de la résonance; ce sur

85
LE CONTINUUM CRÉATIF

quoi nous concentrons notre attention, nous l’attirons


dans notre vie, nous le réalisons et nous le renforçons.
La plupart d’entre nous ont souffert d’avoir ap-
partenu à la société, à nos parents, aux autorités re-
ligieuses, mais pas à nous-mêmes, dans notre jeunesse,
et c’est pourquoi notre identité est faible et fragile.
C’est pourquoi tant d’entre nous souffrent constam-
ment de stress émotionnel, d’anxiété et de dépressions
récurrentes, c’est pourquoi nous ne sommes positifs
envers la vie que de façon aléatoire, si nous ne sommes
pas complètement négatifs pendant quelques heures
chaque jour.
La santé mentale ne peut être construite sur le sol
d’une vie émotionnelle déformée dès l’enfance, elle ne
peut être construite sur la tombe de la liberté, pas sur
l’oppression et la négation de nos désirs les plus fon-
damentaux.
Il n’y a pas de santé physique à long terme sans une
vie saine et équilibrée où le moi n’est pas imprégné de
culpabilité et de honte, ni d’obsessions et de perver-
sions, mais enraciné dans des rapports sains avec les
autres. Comme slogan, je dirais: ‘Les humains sont
sains d’esprit quand ils sont pleinement humains!’

86
FACILITER L’ACCEPTATION DE SOI

L’enfant autorégulé est manifestement plus intelligent,


plus mature dans ses rapports avec les autres, plus re-
spectueux, plus ouvert, plus sociable et moins égoïste,
et beaucoup plus équilibré que la majorité des enfants
réprimés, émotionnellement déprivés et malheureux
qui sont encore aujourd’hui notre modèle culturel.

87
XII
Éduquer le Cœur

Le guide divin en nous est le cœur, et connecté au


cœur, un effort naturel pour la bonté, pour un impact
positif sur soi et les autres, et pour l’harmonie avec
tout ce qui est. C’est un désir spirituel, en chacun de
nous et en tous les enfants, alors qu’une éducation
basée uniquement sur des conditions ‘matérielles’ ne
satisfera pas l’homme complet.
Non seulement mes recherches sur le chamanisme
et sur les populations autochtones, mais toute ma vie
m’a montré que le désir de religio avec l’ensemble de la
création, qu’on l’appelle Dieu ou non, est en définitive
la quête de la compréhension du sens et du but de l’ex-
istence.
Toutes les cultures autochtones valorisent l’art et la
spiritualité naturelle, alors qu’elles sont considérées
comme ‘pauvres’ selon les normes modernes. En vérité,
LE CONTINUUM CRÉATIF

spirituellement parlant, ils sont plus riches que toutes


les cultures de consommation réunies!
L’âme humaine exprime son originalité toujours en
paradoxes, et elle ne peut être réduite aux seules
valeurs sociales, ce qui signifie que s’occuper d’un en-
fant pour répondre à ses besoins n’est pas seulement
élaborer une éducation saine et consciente, mais aussi
une éducation qui aide l’enfant à découvrir le vrai sens
de la vie, et qui conduit à la joie de vivre, à une direc-
tion déterminée et à des relations sociales har-
monieuses.
Ce serait un malentendu si le lecteur pensait que je
prenais autant de temps pour expliquer comment
répondre aux vrais besoins des enfants, pour réduire
l’ensemble de la quête éducative à la simple satisfaction
des besoins et des aspirations naturelles!
Non, je crois que la satisfaction de nos besoins n’est
pas suffisante pour nous donner la direction spirituelle
et l’accomplissement que nous désirons, comme une
quête naturelle et authentique de l’âme humaine. Les
gens pris dans les détails biologiques, scientifiques ou
sociales de la vie oublient souvent d’ouvrir les fenêtres
de leur maison intérieure pour avoir une vue d’ensem-
ble. Cette vision plus large de la vie n’est pas possible
lorsque l’on reste aux niveaux biologique et social de

90
ÉDUQUER LE CŒUR

l’être humain; bien que ces niveaux, pour le répéter,


soient importants, ils ne sont pas assez pour rendre
une vie humaine significative et finalement réussie.
Bien que je ne pense pas qu’il soit utile de parler de
‘spiritualité’ comme d’une quête indépendante spéciale
de l’humain, parce que les valeurs spirituelles ne peu-
vent être séparées des valeurs de notre âme et même de
nos valeurs sociales, il n’y a aucun être humain sur ce
globe, grand ou petit, qui ne soit pas spirituel.
En chacun de nous, il y a une quête intérieure, qui
vit en nous à côté de notre quête pour la satisfaction de
nos besoins, et les deux quêtes ne sont pas contradic-
toires dans le cas idéal. Ils peuvent être contradictoires
lorsque le mental est schizoïde et que les émotions ne
sont pas équilibrées, mais pas dans le cas où la per-
sonne a reçu une éducation positive.
J’ai toujours vu que les gens dont la structure in-
térieure est fondamentalement saine ne mettent pas
l’accent sur la spiritualité ou la religion comme
quelque chose de distinct de la bonté fondamentale, et
dans la plupart des cas, ils ne mentionnent même pas
ces mots dans leurs échanges quotidiens avec autrui.
Tout en vivant ces valeurs par leur attitude, leur façon
de rencontrer et de respecter les autres, leur capacité

91
LE CONTINUUM CRÉATIF

d’écouter vraiment les autres, ils soutiennent spon-


tanément ceux qui en ont besoin.
C’est en fait ce que toutes nos religions nous de-
mandent de faire, c’est-à-dire d’irradier la bonté na-
turelle et de mener des existences positives et significa-
tives qui laissent une trace et apportent la lumière au
monde et aux autres. Seulement que la plupart des
gens prennent le doigt qui montre sur la Lune, pour la
Lune, et ils s’inquiètent des préceptes spécifiques de
leur religion particulière, ne pas comprenant que les
détails sont d’importance mineure par rapport au but
ultime qu’ils contribuent à réaliser.
Alors, comment le faire valoir dans l’éducation,
sans perdre le regard sur l’ensemble de la question,
sans clamer haut et fort qu’il faut donner aux enfants
une éducation ‘spirituelle,’ et sans s’enliser dans les pe-
tits détails du dogme et du rituel religieux? Honnête-
ment, il n’y a pas grand-chose que nous puissions faire
à ce sujet, mais il y a beaucoup de choses que nous pou-
vons arrêter de faire.
Tout d’abord, les éducateurs qui ne sont pas des
humains complets parce qu’ils n’ont pas répondu à
leur désir spirituel, ne peuvent pas faire le travail. C’est
semblable à la guérison chamanique; nos médecins
nous donnent des médicaments pour nous guérir, mais

92
ÉDUQUER LE CŒUR

le chaman prend lui-même le médicament qui va


guérir le patient.
Quand l’éducateur est un être humain à part en-
tière, il n’a pas vraiment besoin de faire quoi que ce
soit pour apporter des valeurs spirituelles aux enfants
qu’il côtoie jour après jour. C’est une question de
charisme personnel, de télépathie ou de résonance
morphologique, quelle que soit la façon dont vous
voulez l’expliquer.
Mais comme je l’ai dit plus tôt, il y a beaucoup de
choses que les éducateurs peuvent arrêter de faire pour
ne pas interférer négativement avec la quête spirituelle
qui sommeille en chacun des enfants. La forme d’in-
gérence la plus dommageable, dans ce contexte, est
d’établir une ‘classe religieuse’ ou même d’appeler l’en-
semble de la méthode éducative ‘éducation religieuse.’
Ceci, à mon avis, détruira d’emblée la semence que
les relations d’amour naturel sèment pour favoriser la
croissance spirituelle. Là où il y a l’amour, la croissance
spirituelle est présente aux deux extrémités de la rela-
tion, et il n’y a rien d’autre à faire, à déclencher ou à
gérer pour que l’enfant devienne une personne spir-
ituelle et plein de sagesse.

93
LE CONTINUUM CRÉATIF

Je pense que c’est un non-sens absolu quand les


parents ou les éducateurs sont soudainement sur la
voie ‘spirituelle’ et dès le premier jour de leur nouveau
style de vie, disent aux enfants qu’ils feraient mieux de
prier tous les jours, de mieux manger végétarien, d’être
toujours gentils et aimants avec les autres, et de tou-
jours faire le bien, car le monde ‘est si mauvais …’ –
c’est simplement ridicule. Le monde ne change pas si
vous êtes un farouche matérialiste ou un sage éclairé; la
seule chose qui change est votre regard sur le monde.
Vous pouvez conserver l’ensemble de votre style de vie
et vous n’avez pas besoin de porter atteinte aux autres
valeurs matérielles, sociales et émotionnelles que vous
chérissiez une fois que vous sentez que vous com-
mencez à adopter des valeurs spirituelles.
Quand vous faites cela, vous menez en fait une ex-
istence divisée. Séparer la vie en une partie spirituelle
et une partie non-spirituelle n’est pas philosophique,
c’est schizoïde, et quand on le fait quand on éduque des
enfants, il vaut mieux changer de métier, ou bien rester
un simple humain, sans prétentions ‘spirituelles.’
Je crois que les religions sont une tentative na-
turelle pour un style de vie intégratif, ni plus ni moins;
c’est une tentative pour cataloguer la spiritualité, pour
la rendre comme un alphabet où l’on peut lire les let-

94
ÉDUQUER LE CŒUR

tres de A à Z, où l’on peut écrire ce qui ne peut être


écrit, ne peut être dit et ne peut être exprimé en lan-
gage verbal.
Donc, en réalité, les religions sont une chose impos-
sible parce qu’elles tentent de faire quelque chose qui
est impossible, c’est-à-dire d’exprimer le divin avec les
paroles du monde que le divin a créé pour se mani-
fester. Naturellement, le divin ne peut s’exprimer que
par lui-même, le divin; par conséquent, il s’exprime
par le langage divin. Cela arrive quand deux sages s’as-
soient ensemble pendant une heure; ils n’ont pas be-
soin de parler, parce que le dieu intérieur de l’un parle
avec le dieu intérieur de l’autre, alors le divin parle au
divin. Dans un tel cas, il y a communication spirituelle.
En écrivant un livre appelé Sainte Bible, ceux qui
l’ont écrit ont certainement voulu établir une commu-
nication spirituelle avec le lecteur; mais cette tentative
est accidentée, parce que les moyens de communication
sont insuffisants.
J’aimerais appliquer cette idée à l’éducation; cela
signifie que les éducateurs ne devraient pas parler de
spiritualité, mais vivre autant que possible en accord avec
les valeurs spirituelles auxquelles ils souscrivent et qu’ils
ont acceptées comme directives pour leur conduite.

95
LE CONTINUUM CRÉATIF

Alors ils apporteront, par suite de résonance positive,


la lumière, la joie et la bonté qui brillent en eux.

96
XIII
Art, Créativité, et Spontanéité

La spontanéité n’est pas seulement l’atelier d’art où


les enfants peuvent dessiner ce qu’ils veulent, et où ils
peuvent composer des formes et des couleurs.
Le sens de la spontanéité dans la vie est un vaste
espace, et ne peut se limiter à des activités spécifiques,
alors qu’il est vrai que la spontanéité peut être renfor-
cée en faisant les choses spontanément, et en faisant
chaque jour plus de choses spontanément. Mais le sens
de la spontanéité connaît une autre dimension.
Permettez-moi de donner un exemple tiré du con-
cept des écoles Krishnamurti, que j’ai mentionné plus
tôt. Dans son livre Education and the Significance of Life
(1978), Krishnamurti écrit à la page 128 sur la spon-
tanéité sans mentionner le mot ‘spontanéité,’ consid-
érant la spontanéité comme un flux direct de
créativité : ‘La liberté de créer vient avec la connais-
LE CONTINUUM CRÉATIF

sance de soi; mais la connaissance de soi n’est pas un


don. On peut être créatif sans avoir de talent particuli-
er. La créativité est un état d’être dans lequel les con-
flits et les douleurs du moi sont absents, un état dans
lequel l’esprit n’est pas pris dans les exigences et les
poursuites du désir.’
C’est une merveilleuse description de ce qu’est
réellement la spontanéité et de la façon dont elle peut
être invitée. C’est de la pure créativité et cela se produit
quand le moi est temporairement mis au repos, et
quand l’esprit est en paix.
Alors, ce que j’aimerais discuter ici, c’est la question
s’il est possible que nous apprenions spontanément. Il est
convenu que la spontanéité est au service de l’expres-
sion de soi et bien sûr surtout de l’expression artistique
et qu’elle fait donc partie de la créativité. Mais le pro-
cessus d’apprentissage, l’activité d’apprentissage, peu-
vent-ils être autorégulés et spontanés?
Je pense que la question est importante pour trou-
ver une alternative aux interminables ‘activités dirigées’
qui imprègnent le programme d’enseignement général
et que moi-même, dans mon travail dans des écoles
maternelles, j’ai trouvé non seulement être un ennui
terrible mais aussi une violation flagrante de l’auto-direc-
tion de l’enfant, et donc une forme de manipulation.

98
ART, CRÉATIVITÉ, ET SPONTANÉITÉ

L’argument que j’ai toujours entendu quand j’ai cri-


tiqué les activités dirigées était que ‘les enfants n’ap-
prennent pas spontanément, mais doivent être amenés
à étudier.’ Je mets en doute cette hypothèse. Peut-être que
tous les enfants n’apprennent pas spontanément, alors
demandons-nous pourquoi certains ne le font pas, et
pourquoi d’autres le font?
Quelles sont les conditions pour qu’un enfant s’en-
gage spontanément sur la voie de l’apprentissage? Y a-
t-il quelque chose qui peut être mis en place pour cela,
ou est-il impossible d’influencer le flux créatif chez
l’enfant?
Maintenant, avant de répondre à ces questions,
permettez-moi de signaler une autre particularité des
écoles Krishnamurti. Le sage écrit dans le livre précité
à la page 41: ‘La plupart des enfants sont curieux, ils
veulent savoir; mais leur curiosité est terni par nos af-
firmations pontificales, notre impatience supérieure et
notre désinvolture. Nous n’encourageons pas leur en-
quête, car nous avons plutôt peur de ce que l’on peut
nous demander; nous n’encourageons pas leur mécon-
tentement, car nous avons nous-mêmes cessé de nous
interroger.’
Le danger, lorsqu’on ‘transmet’ des connaissances
par l’activité d’enseignement, c’est que l’enseignement

99
LE CONTINUUM CRÉATIF

déforme les connaissances; l’activité d’enseignement


doit donc avoir une certaine humilité pour être suff-
isamment discrète, afin que le contenu original, la con-
naissance elle-même, soit transmise telle quelle, et non
pas à travers la perspective personnelle de l’enseignant.
Cela sonne tout à fait théorique et, dans la pra-
tique, il n’est pas possible de faire une distinction aussi
nette. Pourtant, il existe un moyen de contourner l’en-
seignant, et il est pratiqué dans les écoles Krishnamur-
ti. Toutes les matières qui nécessitent une technique,
qu’elles soient artistiques ou relèvent du domaine de
l’artisanat, sont enseignées non pas par des en-
seignants, mais par les artistes et artisans, ou les musi-
ciens, eux-mêmes.
Cela signifie qu’un peintre viendra peindre, un mu-
sicien pour jouer son instrument et un marionnettiste
pour faire des marionnettes devant les enfants. Les en-
fants regardent simplement, s’ils le souhaitent. Ils ne
sont pas serrés sur leurs chaises pour regarder ces gens
faire leur art, leur musique ou leur métier. Ces gens
apportent leur monde à l’école, non pas en enseignant
avec éloquence, non pas en faisant quelque chose spé-
cifiquement ‘pour les enfants;’ ils sont simplement là,
ont leur atelier sur le campus, et ils font ce qu’ils font
tous les jours. Et les enfants savent qu’ils sont là et

100
ART, CRÉATIVITÉ, ET SPONTANÉITÉ

qu’ils peuvent les regarder un moment ou plus


longuement s’ils le souhaitent.
C'est vraiment une façon intelligente d’introduire
l’apprentissage spontané sans l’introduire en tant
qu’activité ‘dirigée;’ par la présence de professionnels
autres que les enseignants, les enfants entrent dans un
champ de résonance avec chacune de ces personnalités
plus ou moins charismatiques ou célèbres, avec cha-
cune de ces personnes particulièrement créatives, avec
chacun de ces exemples vivants de créativité et de
spontanéité. Ainsi, non seulement les enfants appren-
nent ce qu’ils peuvent apprendre, spontanément, en
côtoyant ces artistes, mais ils peuvent aussi apprendre
comment la spontanéité se manifeste dans la vie,
comment elle est utilisée par un artiste, par un créa-
teur, et comment elle se construit dans le processus
créatif et le flux du travail.
Cela donne donc une autre dimension, plus vaste, à
la spontanéité; il montre que la spontanéité est quelque
chose que nous pouvons difficilement définir, qui est
invisible, qui n’est pas quelque chose de très commun
dans la vie quotidienne des ‘gens ordinaires’ et que,
dans un deuxième temps, la spontanéité peut se
révéler être une qualité liée au réveil spirituel.

101
LE CONTINUUM CRÉATIF

L’enseignement de Krishnamurti postule que l’éveil


spirituel et la clairvoyance spirituelle ne s’acquièrent
pas par la pensée, mais par l’espace entre les pensées
ou le royaume qui est au-delà de la pensée; et accéder
à ce royaume, a toujours dit le sage, ne peut se pro-
duire que spontanément, et il ne peut être invité, ou
préparé pour se produire.
A partir de cette compréhension de la nature spon-
tanée du divin, ouvrir les enfants à la plus grande di-
mension de la spontanéité prend tout son sens, car elle
les prépare au réveil spirituel.

102
XIV
Une Approche ‘Brainsmart’ à l’Apprentissage

Comment un enseignant doit-il se comporter dans


une école ou un établissement préscolaire avec un pro-
gramme d’enseignement ‘brainsmart’ en place?

—Brainsmart est un néologisme créé par des spécialistes en


neurosciences qui signifie que l’apprentissage est adapté au fonc-
tionnement structurel du cerveau et de la mémoire en tant que
matrice d’apprentissage passive qui est auto-organisée et qui organ-
ise le contenu d’apprentissage en modèles au lieu de mémoriser
des éléments séparés du contenu d’apprentissage.

Je dirais d’emblée qu’un tel enseignant doit se


comporter d’une manière très différente que dans les
établissements d’enseignement ordinaires et tradition-
nels! En un mot, il ou elle doit simplement faire
preuve d’intelligence ‘brainsmart’ dans leur style d’en-
seignement et leur comportement personnel corre-
spondant. Cependant, on ne peut blâmer les en-
LE CONTINUUM CRÉATIF

seignants pour la situation actuelle dans le domaine de


l’éducation; ce ne sont certainement pas les en-
seignants qui sont les coupables de l’inefficacité dé-
plorable des systèmes éducatifs dans le monde.
Cela dit, les enseignants accepteront volontiers un
style d’enseignement adapté au fonctionnement inté-
gral du cerveau car ils se rendront compte qu’un tel
curriculum est beaucoup plus relaxant en tant qu’envi-
ronnement de travail et beaucoup moins stressant que
le système éducatif traditionnel; un tel plan d’études
récompensera également les enseignants davantage
pour leur apport créatif que cela n’a été possible
jusqu’aujourd’hui dans les établissements scolaires.
Voici quelques-uns des avantages de base d’un pro-
gramme d’études adapté au cerveau:

‣ Intelligence, créativité et mémoire accrues

‣ Amélioration du rendement scolaire

‣ Utilisation accrue des réserves de cerveau cachés

‣ Cohérence accrue du fonctionnement cérébral

‣ Avantages pour la santé, l’énergie et le bien-être

‣ Diminution de la fatigue et de l’insomnie

‣ Réduction des coûts des soins de santé

104
UNE APPROCHE ‘BRAINSMART’ À L’APPRENTISSAGE

‣ Avantages pour la personnalité et les relations

‣ Augmentation de la confiance en soi

‣ Augmentation de l’estime de soi

‣ Niveau plus élevé d’auto-perfectionnement

‣ Diminution de l’anxiété, de la dépression, de


l’agressivité et de l’hostilité

‣ Stabilité émotionnelle et tolérance accrues

‣ Appréciation accrue des autres

Nos systèmes scolaires dans le monde entier sont


non seulement inefficaces, mais ils s’opposent carré-
ment à une éducation qui utilise les réserves cachées
du cerveau.
Avec toutes les connaissances que nous avons ac-
quises grâce à des approches éducatives intelligentes
comme Suggestopedia, nous savons que les enfants qui
doivent s’asseoir debout sur des bancs durs sont dans
la pire position pour apprendre dans une atmosphère
détendue. Un autre secret de Suggestopedia est qu’il n’a
pas du tout été développé, comme on l’a déclaré plus
tard dans les médias, comme une méthode permettant
aux diplomates d’apprendre une langue étrangère aussi
vite que possible. Il a été développé par le psychiatre

105
LE CONTINUUM CRÉATIF

bulgare Georgi Lozanov pour que les enfants appren-


nent à lire et à écrire. Les résultats ont été époustou-
flants. Les enfants ont appris à lire et à écrire en moins
de six mois et les adultes peuvent apprendre une
langue difficile comme l’arabe ou le chinois en seule-
ment deux mois. Et ils parlent la langue sans accent,
tout comme un locuteur natif s’exprimerait.
Au niveau secondaire, les problèmes de décrochage
scolaire, de comportement antisocial, de manque de
motivation, d’ennui et même de désespoir sont symp-
tomatiques de la grande frustration que ressentent les
élèves lorsqu’ils ne sont pas éduqués à déployer systé-
matiquement les possibilités créatives uniques latentes
dans chacun d’eux.
L'expérience segmentée et fragmentée de l’étude de
disciplines distinctes et de la spécialisation dans un
domaine universitaire, sans l’expérience concomitante
de l’intégralité des connaissances et de l’intégralité de
la vie, non seulement ne parvient pas à développer le
potentiel du cerveau, mais elle entrave en fait le
développement de l’intellect et de la personnalité
adultes en attirant uniquement l’attention des étudi-
ants sur des valeurs partielles des connaissances. En
d’autres termes, l’examen minutieux des programmes
d’enseignement dans le monde entier a pour résultat

106
UNE APPROCHE ‘BRAINSMART’ À L’APPRENTISSAGE

que l’éducation n’offre pas les connaissances néces-


saires pour réaliser le potentiel humain. Il ne suffit pas
de grandir; la vraie croissance est toujours non-
linéaire, équilibrée et intégrée, non pas linéaire et can-
céreuse.
Grandir de manière équilibrée signifie que les dif-
férents éléments sont intégrés dans le processus d’ap-
prentissage. Ces éléments se retrouvent sur les plans
social, économique, environnemental, technologique et
politique. Les diplômés des établissements d’en-
seignement traditionnels n’ont généralement pas
l’étendue et la profondeur de compréhension néces-
saires pour prendre spontanément des décisions qui
serviront le progrès et le bien-être de tous dans une
culture mondiale en réseau.
Krishnamurti a souligné dans son livre Education or
the Significance of Life (1978) que plutôt que de donner
aux élèves les connaissances et l’expérience nécessaires
pour vivre la pleine valeur de la vie, l’éducation
formelle limite la conscience des élèves à des limites
étroites et, ce faisant, empêche le développement total du
cerveau vers des états supérieurs de conscience.
Ce n’est pas que nous ne savions pas comment faire
face à l’état déplorable de l’éducation dans le monde.
Nous le savons très bien parce que la recherche a mon-

107
LE CONTINUUM CRÉATIF

tré que les étudiants de certaines universités et écoles


d’élite améliorent considérablement leurs capacités
mentales, leurs résultats scolaires, leur santé et leurs
aptitudes et comportements sociaux par rapport aux
étudiants d’autres établissements.
Des institutions telles que la Maharishi School of
Management à Fairfield, Iowa, États-Unis, et leurs
écoles affiliées, savent qu’aux niveaux élémentaire et
secondaire, année après année, les classes d’élèves qui
s’inscrivent à un niveau de performance moyen obti-
ennent des résultats parmi les meilleurs de leur pays
aux examens nationaux au moment de leur diplôme.
Ils se distinguent également en remportant des prix
nationaux dans un éventail inhabituellement large de
matières, dont les sciences, les mathématiques, les
langues, l’histoire, la poésie, le théâtre, l’art, la musique
et les sports.
Pourquoi en est-il ainsi? C’est parce que cette ap-
proche éducative utilise davantage le potentiel de notre
cerveau, et c’est pourquoi j’appelle cela de l’intelligence
‘brainsmart.’
La recherche sur le développement du cerveau chez
une variété d’espèces montre que des types spécifiques
d’expérience sont nécessaires pour que le cerveau se
développe correctement. Par exemple, dans les pre-

108
UNE APPROCHE ‘BRAINSMART’ À L’APPRENTISSAGE

miers stades de la vie, les expériences sensorielles sont


critiques pour le développement des structures sen-
sorielles correspondantes du cerveau. On a également
constaté qu’un environnement sensoriel et moteur en-
richi pendant la petite enfance contribue à un
développement significativement amélioré du cerveau.
Le développement du cerveau est donc intimement
lié à l’expérience. De ce point de vue, l’objectif de l’éd-
ucation, y compris l’éducation préscolaire au sein de la
famille, devrait être de fournir les expériences appro-
priées, à chaque étape de la croissance, qui dévelop-
pent le plein potentiel de l’esprit et du corps.
Même si les éducateurs ne s’occupent pas con-
sciemment du processus de développement du cerveau
pendant l’enfance, ils choisissent des expériences d’ap-
prentissage qui conviennent à l’état du développement
sensoriel, moteur et cognitif des écoliers. Ce faisant, ils
choisissent en fait les expériences les mieux adaptées à
l’état actuel du développement cérébral des enfants.
Par exemple, l’éducation préscolaire et les interactions
familiales dans les premières années de la vie d’un en-
fant stimulent naturellement le développement des
compétences sensorielles et motrices et des aptitudes
langagières de base importantes.

109
LE CONTINUUM CRÉATIF

Malheureusement, l’éducation n’a pas inclus un


moyen systématique de promouvoir directement le fonc-
tionnement intégré du cerveau. Au contraire, l’éducation
exerce avant tout la capacité de raisonnement logique
de l’individu par rapport à des ensembles spécifiques
de connaissances. Il est vrai que la capacité de raison-
nement dépend de la maturation des systèmes intégrat-
ifs du cerveau; cependant, il ne suffit pas de limiter les
expériences éducatives des élèves à l’exercice continu
de leurs capacités de raisonnement pour développer le
potentiel du cerveau et favoriser une meilleure intégra-
tion du fonctionnement du cerveau.
La recherche sur le développement cognitif humain
démontre que l’éducation actuelle ne favorise pas le
plein développement du cerveau. De la petite enfance
à l’adolescence, pendant la période de maturation
rapide du cerveau, on observe une croissance con-
comitante de l’intelligence générale, du développement
de l’ego, de l’indépendance et d’autres variables cogni-
tives connexes. Cependant, après l’adolescence,
lorsque la maturation initiale des processus cérébraux
est en grande partie terminée, ces capacités cognitives
ne continuent pas à se développer. Cela indique qu’en
dépit de tous les efforts de l’enseignement secondaire
et supérieur, les processus cognitifs supérieurs et le po-

110
UNE APPROCHE ‘BRAINSMART’ À L’APPRENTISSAGE

tentiel supérieur correspondant du cerveau ne sont pas


développés.
La stagnation du développement a été rationalisée
comme ‘l’âge adulte;’ on suppose qu’avec la maturation
physique, le développement fondamental du cerveau
et des processus cognitifs prennent fin. En con-
séquence, les étudiants de l’enseignement supérieur
appliquent leurs compétences intellectuelles déjà
développées à des ensembles de connaissances de plus
en plus spécialisés.
En d’autres termes, l’éducation demeure ‘prédomi-
nante sur le plan intellectuel;’ et à mesure que les
élèves progressent dans leur éducation, ils se concen-
trent sur des domaines du savoir de plus en plus isolés
ou ségrégués.
Comme l’expérience éducative continue d’être lim-
itée à des canaux étroits, le cerveau adulte continue en
fait à modifier son fonctionnement pour s’adapter à ces
canaux d’activité étroits spécifiques.
Par exemple, lorsqu’on apprend des habiletés per-
ceptuelles ou motrices, comme par exemple jouer du
piano, le cerveau de l’adulte modifie son fonction-
nement: on a constaté que le cortex réattribue la pro-

111
LE CONTINUUM CRÉATIF

portion de sa surface qui est consacrée aux apports


sensoriels ou moteurs les plus utilisés.
Concrètement, cela signifie que l’habileté acquise
en jouant du piano ou dans toute autre discipline
académique ne conduit pas à l’habileté dans toutes les
autres activités de la vie. En d’autres termes, elle ne se
développe pas en maîtrise de la vie dans son ensemble.
Un autre type de recherche indiquant que les ex-
périences éducatives ne développent pas le fonction-
nement total du cerveau est l’étude de l’activité
cérébrale pendant les opérations mentales.
La conclusion de cette recherche est que des pro-
cessus cognitifs spécifiques et des domaines de con-
naissances spécifiques sont associés à l’activité dans des
zones localisées spécifiques du cerveau. Par exemple,
la recherche indique que les activités mentales de lec-
ture des mots et de prononciation de ces mots activent
chacune des zones corticales différentes et très spéci-
fiques. Des études similaires montrent que des zones
distinctes du cerveau sont activées par la mémoire de
différentes catégories telles que les outils, les animaux
et les noms de personnes.
Ainsi, les expériences éducatives de maîtrise de
domaines spécifiques de connaissances ou d’engage-

112
UNE APPROCHE ‘BRAINSMART’ À L’APPRENTISSAGE

ment dans une variété de performances cognitives


ciblées n’activent que des zones très spécifiques du
cerveau plutôt que de développer une plus grande in-
tégration du fonctionnement cérébral.
Quelles sont les conséquences d’une telle approche
éducative? L’inefficacité de l’éducation peut être con-
sidérée comme le résultat de la concentration de l’ac-
tivité du cerveau seulement dans des canaux étroits
sans développer également un fonctionnement cérébral
holistique, en particulier une plus grande intégration du
fonctionnement cérébral.
Les résultats de la recherche qui se rapportent di-
rectement à l’amélioration de l’intégration et de l’effi-
cacité du fonctionnement du cerveau peuvent être ré-
sumés comme suit :

‣ Meilleure intégration de toutes les zones corti-


cales par la méditation, le yoga et les activités du
cerveau entier;

‣ Une plus grande intégration des divers styles de


fonctionnement du cerveau, mesurée par une
plus grande activation de chaque hémisphère
cérébrale, et par l’expérience d’états de con-
science plus élevés grâce à l’apprentissage inté-
gré.

113
LE CONTINUUM CRÉATIF

Les tâches qui exigent des aptitudes cognitives ana-


lytiques (tâches verbales et mathématiques) impliquent
une plus grande activité de l’hémisphère gauche du
cerveau; les tâches qui exigent des aptitudes spatiales
impliquent une plus grande activité de l’hémisphère
droit du cerveau. Ces résultats indiquent un fonction-
nement plus souple de l’ensemble du cortex, dans
lequel diverses zones corticales sont plus aptes à par-
ticiper activement, comme l’exige la tâche.
Le traitement cognitif implique une séquence de
réponses dans une variété de structures neuronales; un
traitement plus rapide reflète donc un fonctionnement
cérébral plus intégré et efficace. La recherche montre
que l’expérience façonne directement le développe-
ment et la modification du fonctionnement du
cerveau.
La recherche suggère également que le type d’ex-
périence le plus utile pour le développement du
cerveau après l’enfance est une plus grande intégration
du fonctionnement du cerveau, qui n’est pas systéma-
tiquement assurée par l’éducation.
De nombreux aspects du fonctionnement cognitif
reposent sur la croissance d’un fonctionnement
cérébral supérieur ou plus intégré. Malgré les efforts
des éducateurs qui appliquent une variété d’approches

114
UNE APPROCHE ‘BRAINSMART’ À L’APPRENTISSAGE

pédagogiques et de programmes d’études, on a con-


staté que ces capacités cognitives cessent de se
développer après l’adolescence.
Ce manque de croissance continue des capacités cogni-
tives est une preuve convaincante que l’éducation actuelle
ne parvient pas à développer le plein potentiel cérébral de
chaque élève.
La recherche montre également que le cerveau con-
tinue d’adapter son fonctionnement à des canaux spé-
cifiques d’apprentissage et de comportement. Les activ-
ités cognitives habituellement exercées dans le cadre de
l’éducation (lecture, expression orale, mémorisation),
ainsi que des catégories précises de connaissances, ac-
tivent des zones très précises du cerveau, plutôt que de
favoriser un fonctionnement cérébral plus holistique
ou intégré.
La conclusion de la recherche est que l’approche
segmentée de la connaissance qui caractérise l’éduca-
tion aujourd’hui limite la conscience et le fonction-
nement du cerveau à des canaux d’activité étroits. Une
prise de conscience restreinte entraîne des problèmes,
des erreurs et l’incapacité d’évaluer l’environnement et
d’agir d’une manière qui favorise constamment le pro-
grès et le bonheur.

115
LE CONTINUUM CRÉATIF

Les éducateurs qui sont sincères dans leur désir de


faire le plus pour leurs élèves et d’éliminer les faibless-
es de l’éducation se serviront de cette connaissance. Il
en résultera des générations d’étudiants qui vivifieront
leur fonctionnement cérébral total, sur la base duquel
ils mèneront des vies de plus en plus libres de prob-
lèmes, productives et épanouissantes, contribuant di-
rectement au progrès dans chaque domaine de la vie.
Mais une approche éducative intelligente n’est effi-
cace qu’à moitié si elle ne tient pas compte également
de la motivation d’apprentissage. Il est évident que les
enfants d’aujourd’hui sont naturellement motivés par
l’apprentissage électronique. Ils sont enthousiastes à
l’idée de manipuler des appareils d’apprentissage élec-
tronique et ont la capacité naturelle de manipuler ces
appareils mieux et plus rapidement que nous autres
adultes.
Ceci a bien sûr un avantage ultime car il constitue
un facteur de motivation d’apprentissage. Mais il est
tout aussi important de ne pas exagérer la dose de ray-
onnement que tous ces appareils émettent de façon
constante.
Une autre raison du succès de l’environnement e-
learning est que les applications qui sont aujourd’hui
disponibles sur le marché ont atteint un niveau élevé.

116
UNE APPROCHE ‘BRAINSMART’ À L’APPRENTISSAGE

Ils sont polyvalents et offrent aux jeunes enfants des


possibilités pratiquement illimitées de découvrir leurs
capacités créatives et intellectuelles, et d’utiliser ces ca-
pacités d’une manière ludique et ‘amusante.’
D’autre part, les enfants ont tendance à être très
dépendants de ces appareils si l’enseignant ou les par-
ents n’offrent pas d’activités non-virtuelles, comme
jouer à l’extérieur ou découvrir la nature autrement
que par les yeux d’une application ou d’un appareil
électroniques.
La troisième raison du succès de l’environnement
d’apprentissage virtuel est que les parents peuvent
facilement interagir avec leurs enfants à l’aide d’ap-
pareils mobiles, partageant des moments privilégiés
avec leurs enfants autour de ces appareils, au lieu
d’avoir besoin d’acheter une salle pleine de matériel
pédagogique. Tout est dans la boîte, pratique et mo-
bile! En outre, comme il existe de nombreuses ap-
plications gratuites et beaucoup qui ne coûtent pas
plus de cinq euros environ, l’école virtuelle est en fait
plus économique que l’école à l’ancienne. Et elle est
certes plus amusante!
Bien sûr, certains enseignants et parents continuent
de penser que l’éducation doit être difficile et presque
douloureuse. Les statistiques montrent cependant

117
LE CONTINUUM CRÉATIF

qu’un haut niveau d’apprentissage est le résultat de


l’apprentissage par le jeu, et non le résultat de l’appren-
tissage par la discipline! Bien que les gens s’entendent
pour dire que lorsque quelque chose est amusant,
nous sommes plus motivés à le faire, ils appliquent
cette sagesse étrangement seulement à eux-mêmes, et
non à leurs enfants.
Ce n’est bien sûr qu’une ombre de vieilles tradi-
tions qui n’ont pas leur place dans une société laïque et
très organisée qui a besoin d’apprentis rapides et très
efficaces!
Comment les enfants peuvent-ils profiter de la lib-
erté de jouer? Le jeu est essentiel pour les enfants car
c’est leur mode d’apprentissage primaire et naturel. Les
écoles traditionnelles ont contourné le jeu pour tenter
d’améliorer la nature, alors que le résultat était exacte-
ment le contraire.
Plus les enfants jouent, plus ils apprennent, et c’est
même valable pour les adultes car nous avons tous un
‘enfant intérieur.’
En d’autres termes, le jeu et l’apprentissage ne peuvent
être séparés ou l’expérience d’apprentissage et le rendement
de l’enfant seront et resteront pauvres.

118
UNE APPROCHE ‘BRAINSMART’ À L’APPRENTISSAGE

Toutes les recherches sur les modalités de l’absence


de la guerre et la promotion de la paix ont montré que
les êtres humains ont besoin de liberté pour dévelop-
per leur potentiel créatif et pour mener une vie
heureuse! Quand nous travaillons pour un environ-
nement d’apprentissage doux et créatif pour nos en-
fants, nous travaillons pour la paix, pour la paix mon-
diale: c’est aussi simple que cela!
Tous les êtres humains intelligents ont besoin d’une
liberté de base pour s’épanouir pleinement, et c’est
tout aussi vrai pour les enfants! La liberté d’apprendre
avec plaisir est le point de départ!
Qu’est-ce qui rend le cerveau des enfants plus
créatif? Les neurosciences ont fait d’énormes progrès
au cours des vingt dernières années. Elles nous ont
donné un tableau de notre cerveau qui montre à quel
point il est important que les deux hémisphères
cérébraux travaillent en synchro. Un haut niveau d’ap-
prentissage et une production créative sont notamment
le résultat d’une coordination plus ou moins parfaite
de nos hémisphères cérébraux. Alors que l’hémisphère
gauche du cerveau favorise la logique déductive, l’utili-
sation du langage, de la rationalité et de l’ordre,
l’hémisphère droit du cerveau favorise la logique in-
ductive et associative, l’utilisation du rêve, l’irrational-

119
LE CONTINUUM CRÉATIF

ité et le désordre. Ces deux domaines sont importants


pour notre vie et notre apprentissage.
Chaque créateur sait que pour créer quelque chose
de nouveau, nous devons dissoudre l’ordre de l’ancien.
Dans ces petits moments de chaos, l’ancien ordre est
dissous et l’espace est fait pour un nouvel ordre. C’est
ainsi, par exemple, qu’un peintre ou un compositeur
abandonne un style ancien pour en trouver un nou-
veau, valable pour un certain temps.
Les enfants apprennent de la même façon. Ils ont
besoin à la fois d’ordre et de désordre, de langage et de
rêve, de rationalité et d’irrationalité. Lorsqu’on em-
pêche les enfants de se comporter de manière irra-
tionnelle, ils deviennent perturbés! C’est l’une des
principales raisons des handicaps d’apprentissage, que
l’on retrouve si souvent dans l’enseignement tradition-
nel.
Quand les enfants peuvent apprendre selon la
logique et la structure interne de leur cerveau, ils ap-
prennent avec aisance, rapidité et efficacité, et avec
beaucoup de plaisir. Ensuite, l’apprentissage est amu-
sant et il y a un flux créatif sans fin qui motive l’enfant
à continuer et à progresser dans l’apprentissage.

120
UNE APPROCHE ‘BRAINSMART’ À L’APPRENTISSAGE

Quels sont les avantages de l’apprentissage en ligne


pour les enfants d’âge préscolaire? L’apprentissage en
ligne est important parce que l’expérience d’apprentis-
sage doit être relaxante et agréable. Mais l’apprentis-
sage en ligne est encore plus important pour les jeunes
enfants que pour les plus grands car c’est entre 4 et 6
ans que la plupart des ‘voies neuronales préférées’ sont
établies et activées dans notre cerveau.
Depuis la recherche neurologique révolutionnaire
du neurologue britannique Herbert James Campbell
dans les années soixante-dix, nous savons que tous nos
principaux traits de caractère se forment jusqu’à l’ac-
complissement de l’âge de 6 ans.
Le cerveau forme toutes les principales voies neu-
ronales de notre cerveau très tôt dans la vie et il est as-
sez difficile par la suite de modifier à nouveau ces
‘voies privilégiées.’ Cela signifie que tous nos traits de
caractère majeurs sont établis avant l’âge de 7 ans, ce
que l’on appelle ‘l’âge de raison’ (Piaget).
Cela signifie aussi que notre attitude à l’égard de
l’apprentissage et la façon dont nous avons tendance à
vivre l’apprentissage sont construites avant l’âge de rai-
son. Par exemple, si nous faisons l’expérience d’un ap-
prentissage difficile à la maternelle et au préscolaire, il
y a de grandes chances que nous le trouverons aussi

121
LE CONTINUUM CRÉATIF

difficile et fastidieux plus tard. Mais si nous avons vécu


un apprentissage facile et joyeux en tant qu’enfant
d’âge préscolaire, nous sommes positivement condi-
tionnés à devenir et rester un ‘apprenant facile.’
Alors nous restons un apprenant facile!

122
XV
Formation Avancée des Enseignants

L’éducation peut être considérée comme un pro-


longement de la conception et de la grossesse; c’est un
processus organique qui se reflète à la fois dans l’édu-
cateur et dans l’enfant. Il y a des changements et un
processus de croissance chez l’enfant et chez l’éduca-
teur.
Un éducateur qui veut comprendre l’enfant doit
d’abord se comprendre lui-même. Par conséquent, un
éducateur qui souhaite comprendre le désir de l’enfant
d’être éduqué devrait méditer sur son propre désir
d’éduquer. Le secret est que ces désirs dépendent les
uns des autres et se complètent.
Cela signifie que les éducateurs doivent rendre con-
scientes leurs motivations pour éduquer les enfants,
car s’ils ne le font pas, leurs motivations resteront ir-
réfléchies et pourront ainsi mener leur propre vie; les
LE CONTINUUM CRÉATIF

désirs refoulés deviennent facilement incontrôlables, et


ils peuvent devenir violents car la polarité énergétique
contenue dans le désir va changer du positif au négatif
quand le désir est réprimé et ne pas assujetti à la con-
science.
Cacher les motivations de nos actions ne fait que
créer de la culpabilité et de la peur, et ne favorise pas
l’éducation responsable de l’enfant. De plus, les éduca-
teurs qui ne veulent pas développer une conscience
émotionnelle auront plus de difficulté à adopter et à
respecter les règles d’un milieu éducatif sain.
Nous avons tous besoin d’une formation profes-
sionnelle, quoi que nous fassions, et d’une manière ou
d’une autre, notre société ne pense pas que les éduca-
teurs aient besoin d’une prise de conscience pour gérer
leurs émotions. Une telle prise de conscience est essen-
tielle pour que l’éducateur devienne un véritable com-
pagnon de l’enfant, dans le sens d’un mentor et d’un
ami, qui ne soit pas manipulateur.
Cependant, les éducateurs qui comprennent leurs
sensations corporelles et les connaissent bien seront en
mesure d’accompagner efficacement l’enfant dans ce
qui est le plus essentiel dans sa vie: ses sentiments, ses
désirs et son désir le plus fondamental d’aimer et d’être
aimé. Seuls les éducateurs qui se connaissent vraiment

124
FORMATION AVANCÉE DES ENSEIGNANTS

pourront s’engager dans cette voie sans être décon-


certés par la complexité de la tâche, ni tentés de mettre
en scène leurs propres désirs sensuels au détriment de
l’enfant.
Dans l’éducation fondée sur la conscience, adaptée
à la structure du cerveau humain, le programme de
formation professionnelle des enseignants est différent,
d’une part, et plus varié et élargi, d’autre part, que dans
la formation professionnelle classique des enseignants
et des éducateurs de jour.
Il y a des règles de conduite et d’attitude qui sont
vraiment différentes dans un tel environnement édu-
catif, par rapport à l’éducation traditionnelle. L’accent
est notamment mis sur la conscience, la façon dont
l’enseignant gère et exprime la perception et développe
la conscience de soi. Dans ce contexte, la conscience
émotionnelle joue un rôle très important afin d’éviter les
projections communes qui sévissent dans l’éducation
traditionnelle.
Les projections ne sont pas le résultat d’une réflex-
ion mais au contraire d’une répression. La répression
entraîne la régression et la projection. Tout le contenu
de la conscience qui n’est pas embrassé mais refoulé
tombe hors du cadre culturel, et ainsi régresse dans des
modèles de comportement archaïques, et en outre, le

125
LE CONTINUUM CRÉATIF

désir refoulé est ensuite projeté sur les autres. Cela sig-
nifie pour les enseignants qui ont une telle attitude
qu’ils projetteront leurs désirs et leurs fantasmes non
assumés sur les enfants, de sorte que la communica-
tion verbale et non-verbale devient déformée et les en-
fants reçoivent des messages ambigus.
Cependant, dans une approche éducative progres-
sive basée sur la conscience, la communication est un
pilier majeur pour aider les enfants à élargir leur per-
ception consciente de la vie et d’eux-mêmes. Cette
communication doit être véridique et complète pour
servir son but.
Par conséquent, les enseignants doivent apprendre
à gérer leurs épreuves intérieures, leurs émotions, sen-
timents ou désirs contradictoires, et leur ombre. Pour
ce faire, ils doivent recevoir une formation profession-
nelle appropriée qui va au-delà de la formation profes-
sionnelle habituelle dispensée aux enseignants, dans la
mesure où elle est nourrie par les connaissances des
neurosciences, de la psychologie d’enfant et de la psy-
chanalyse.
Toutefois, l’approche actuelle ne va pas aussi loin
que celle pratiquée dans les jardins d’enfants dits ‘psy-
chanalytiques’ tels qu’ils existaient, au XXe siècle, en
Russie, en Allemagne et en France. Par exemple, la

126
FORMATION AVANCÉE DES ENSEIGNANTS

célèbre Maison Verte à Paris, fondée par la Dr Françoise


Dolto (1908-1988), première psychothérapeute pour
enfants en France à l’époque, exigeait une psych-
analyse des candidats pour le travail avec les enfants et
les bébés. J’ai visité la Maison Verte en 1986 et j’ai en-
suite été invité à interviewer Madame Dolto dans son
appartement, rue Saint-Jacques, à Paris.
Nous avons eu une longue discussion sur divers
sujets et ma première question était pourquoi les en-
seignants ou les animateurs de son centre de commu-
nication devaient être des psychothérapeutes qualifiés?
Et Madame Dolto m’a dit plus ou moins ce que je viens
d’écrire. Elle a parlé des problèmes d’enfance, de la ré-
pression et de la projection.
Cependant, je crois qu’il n’est pas nécessaire d’avoir
vécu plusieurs années d’une psychanalyse freudienne
juste pour développer la conscience émotionnelle. J’ai
rencontré des douzaines de personnes dans ma vie qui
avaient suivi des années de thérapie freudienne et qui
n’avaient absolument pas la moindre conscience émo-
tionnelle et auraient été d’horribles professeurs!
Donc, à mon avis, ce dont nous avons besoin, c’est
d’une formation professionnelle prolongée pour les en-
seignants, et non d’une transformation du système sco-
laire en un chahut de la psychanalyse freudienne!

127
LE CONTINUUM CRÉATIF

Ceci dit, comment devrions-nous y prendre pour


favoriser la prise de conscience émotionnelle dans
notre vie d’enseignants? Pouvons-nous faire quelque
chose pour cela ou devons-nous attendre que la forma-
tion professionnelle des enseignants ait subi une re-
fonte totale? Je crois que nous pouvons faire quelque
chose pour cela, individuellement, et avec un effort
que tout le monde peut faire sans adopter les manières
parfois ridicules d’un ‘psychanalyste.’
Beaucoup de concepts et d’idées autour de ce mys-
térieux mot ‘éducation’ obscurcissent les vérités sim-
ples de la vie. L’une d’entre elles est l’idée qu’on ne fait
jamais de véritable éducation en prêchant avec élo-
quence, mais en vivant la vérité. Un enseignant n’est
pas un politicien en ce sens que l’éducation véridique
se fait la plupart du temps de façon non-verbale, pas en
tenant des discours et encore moins en donnant blâme
ou admonition.
Cela peut sembler extrême, mais lorsqu’un élève dit
ou fait quelque chose d’indécent, c'est un signal qui ne
va pas être négligé par l’enseignant attentif, un signal
qui dit ‘Où est ma part dans ce comportement?’ Une
attitude responsable exige de l’enseignant qu’il soit
sensible à la complexité des réalités psychologiques de
la relation qu’il entretient avec chaque enfant de sa

128
FORMATION AVANCÉE DES ENSEIGNANTS

classe. Lorsque le comportement des élèves déraille par


rapport au code social, la réponse appropriée est l’ob-
servation et, par conséquent, l’auto-observation. En ce
sens, l’éducation est toujours aussi une auto-éducation,
et c’est un processus continu. Nous ne sommes pas
parfaits et nous le savons. Mais en tant qu’éducateurs,
nous oublions souvent que ‘jouer le jeu,’ comme le
définit la majorité, signifie en fin de compte être hyp-
ocrite.
Ce paradigme de l’ancienne école d’enseignement
n’a même pas été remis en question puisque l’en-
seignant a été mis sur le même piédestal que le père
dont son omnia potestas était l’un des piliers du patriar-
cat. Les figures d’autorité étaient idéalisées mais
craintes en silence. Le dicton de Carl Jung me vient à
l’esprit que ‘les cabinets des psychiatres sont remplis
de gens qui avaient des parents idéaux.’
Pourtant, penser que nous avons mis tout cela der-
rière nous, ayant atteint une ‘compréhension psy-
chologique avancée,’ est également une erreur. La véri-
table compréhension des enfants passe par la com-
préhension que les enseignants ont d’eux-mêmes, de
leurs comportements et de leurs réactions! Cela ne
peut être enseigné ni appris autrement que par un pro-
cessus d’auto-observation continue.

129
LE CONTINUUM CRÉATIF

Voilà, je n’ai pas utilisé le terme d’autocritique, et


pour cause! En fait, l’autocritique conduit souvent à la
culpabilité et à la honte toxique car nous avons tous en
nous un critique intérieur qui est un opposant à notre
ego sain. On ne peut progresser que si l’on apprend à
s’observer passivement, sans que la lame d’un critique
odieux tend trop vite à miner notre estime de soi.
En ce qui concerne la projection d’un comporte-
ment refoulé, la personne qui est très autocritique est
aussi très critique envers les autres, ce qui conduit à
une double toxicité. La personne dont l’estime de soi
est ruinée par le déni constant aura tendance à nier la
réalité dans tous les autres autour d’elle; une telle per-
sonne minera inconsciemment l’estime de soi des
autres.
En tant qu’enseignant, la responsabilité de garder
intactes les relations avec vos élèves signifie être har-
monieux et doux dans votre comportement général et
être positif et encourageant, et non négatif et trop cri-
tique.
Le manque d’autocritique est souvent mal compris
comme un manque de format, et signe de clémence et
d’indulgence émotionnelle. Mais pour le répéter, nous
devons voir la différence entre l’autocritique et l’auto-
observation. Le premier comportement est négatif,

130
FORMATION AVANCÉE DES ENSEIGNANTS

l’autre positif. Je n’ai pas besoin de me critiquer, de


m’abaisser pour améliorer mon comportement et mon
attitude; une fois que j’en aurai pris pleinement con-
science, il y aura un changement. Il en est ainsi parce
que la conscience est toujours auto-nettoyante et auto-
corrective. L’auto-observation passive est la clé de toute
transformation personnelle; en outre, les enseignants
qui maîtrisent cette technique sont beaucoup plus à
l’aise dans les situations informelles, en particulier
dans les garderies et les structures préscolaires. Non
seulement ils sont plus détendus et éprouvent beau-
coup moins de stress émotionnel, mais ils ont aussi
tendance à apporter aux enfants cette précieuse tech-
nique d’introspection qui favorise la paix intérieure.
Alors que l’autocritique mène à la guerre intérieure!
Comme l’éducation est un processus continu, l’éd-
ucation que vous donnez à vous-même l’est aussi: ce
qu’on appelle l’auto-éducation! Elle exige une con-
science aiguë de ses processus émotionnels, de sa vie
intérieure. Tous nos désirs et nos fantasmes ont un im-
pact sur les gens autour de nous, en particulier sur les
jeunes enfants. Cet impact est positif lorsque nous as-
sumons notre vie intérieure, et négatif lorsque nous la
réprimons et la projetons.

131
LE CONTINUUM CRÉATIF

C’est pourquoi la conscience de soi émotionnelle


est si importante pour les enseignants. Bien sûr, il ne
s’agit pas vraiment d’un point à l’ordre du jour de la
formation professionnelle des enseignants et des tra-
vailleurs des garderies et c’est pour cette raison que je
le souligne tant ici. Je crois que les enseignants doivent
être formés pour développer cette conscience passive
d’eux-mêmes, c’est pourquoi ils doivent apprendre à
méditer.
La méditation n’est que cela, une forme paisible,
sans stress et lucide d’auto-observation, la prise de
conscience de toutes nos pensées et de tous nos désirs.
Enfin, l’auto-éducation signifie aussi que les en-
seignants sont des apprenants constants; il est à peine
concevable que les enseignants puissent devenir aussi
dynamiques et charismatiques s’ils se considèrent
comme des dispensateurs de sagesse pour les jeunes
non développés. L’éducation n’est pas une voie à sens
unique si l’on veut qu’elle soit efficace.
Lorsque les enfants perçoivent que leurs en-
seignants stagnent sur le plan intellectuel, ils ne sont
pas vraiment motivés pour participer à la quête de la
sagesse. J’ai vu à maintes reprises, dans les écoles, que
ces enseignants reçoivent le plus grand amour et le
plus grand respect, qui sont assez humbles pour ap-

132
FORMATION AVANCÉE DES ENSEIGNANTS

prendre avec leurs élèves! Ces enseignants obtiennent


également les meilleurs résultats d’apprentissage par
classe et par élève, si cela peut être mesuré du tout!
C’est dans ce sens que j’ai l’impression que l’éducation
et l’auto-éducation vont vraiment de pair, car l’une est
le reflet de l’autre, et les deux ne sont que la tête et la
queue d’une pièce.
En ce sens, une grande institution d’apprentissage
est une institution où chacun apprend, pas seulement
les étudiants. C’est une idée qui est même discutée au-
jourd’hui dans la formation à la gestion, non seulement
pour la gestion des écoles, mais pour toutes sortes
d’entreprises. C’est ce qu’on appelle une ‘culture d’ap-
prentissage’ (learning culture).
J’irais même jusqu'à dire que si c’est vrai même au
niveau de la direction d’entreprises en général, c’est
certainement un élément indissociable du programme
d’une école progressive.

133
Le Curriculum
Créatif
Une Approche Intégrale à l’Éducation

l’intégrité individuelle de l’enfant


Toute école qui souhaite servir à la fois les enfants
et leurs parents a besoin de reconnaître l’existence
d’enfants individuels et doués individuellement. Pour
servir l’enfant, nous devons préserver sa sensibilité na-
turelle et nous concentrer sur les talents individuels
que cet enfant manifeste et désire développer.
L’éducation devrait aller au-delà de l’enseignement
des compétences, car toute forme de compétence s’in-
scrit dans quelque chose de plus vaste que nous pour-
rions appeler un don ou un talent personnel.
Par conséquent, les diverses compétences d’un en-
fant sont d’une importance mineure par rapport à
l’éveil des talents individuels intrinsèques de cet en-
LE CONTINUUM CRÉATIF

fant. Dans cette perspective, le but de l’éducation n’est


pas simplement de préparer l’homme à trouver un bon
emploi et gagner sa vie une fois l’école est terminée,
bien que ce soit l’objectif de la plupart des établisse-
ments d’enseignement.
La vision à court terme de l’éducation de l’homme
pour ’s’intégrer’ dans un schéma d’emplois existants est
que demain ce schéma est différent, et après-demain il
change à nouveau! C’est aujourd’hui plus vrai que ja-
mais dans l’histoire et un programme raisonnable ne
peut donc être construit que sur les talents inhérents à
chaque enfant.
Il n’est possible de nous concentrer sur chaque en-
fant individuellement que si, dès le départ, nous avons
une approche qualitative et non quantitative de l’éduca-
tion. La démarche qualité n’exige pas l’efficacité, mais
des solutions intégrées au service de chaque enfant de
l’école. L’approche holistique et systémique est un élé-
ment naturel de l’intégralité. Elle ne peut être réalisée
que sur la base de l’intégrité de l’enfant.
L’intelligence, la sensibilité et la compréhension des
fonctions complexes de la vie ne peuvent être dévelop-
pées que si la cognition est ancrée dans la vie émotion-
nelle de l’enfant et donc le résultat de l’intégrité, et non
de la fragmentation.

136
LE CURRICULUM CRÉATIF

Les capacités cognitives qui sont ancrées dans la


santé mentale émotionnelle ne peuvent croître que sur
la base de la préparation, de la maturité. Un enfant ac-
ceptera volontairement d’être instruit une fois qu’il sera
prêt sur le plan affectif et non dans d’autres circon-
stances. Et ici nous parlons de la maturité individuelle
d’un enfant, et non d’un concept standard, puisqu’il
n’y a tout simplement pas de normes dans ce domaine.
L’éducation doit logiquement se dérouler dans une
relation et une interaction individuelles entre l’éduca-
teur et l’enfant, car c’est seulement dans une telle rela-
tion affective que le caractère unique de l’enfant peut
être validé. Le lien émotionnel et affectif dans cette re-
lation assume une importance capitale. Seul l’amour peut
être le pont pour la transmission des valeurs.

l’intégrité émotionnelle de l’enfant


L’éducation moderne devrait s’abstenir de former
l’enfant uniquement sur le plan intellectuel. Un être
humain, quel que soit son âge, est toujours composé à
la fois d’intellect et d’émotion, et ce que l’éducation
devrait faire, c’est aider l’enfant à maintenir un équili-
bre sain entre eux. Il est peu logique de former des en-
fants pour qu’ils soient capables de faire toutes sortes
de puzzles ou de les éduquer pour tenir des brillants

137
LE CONTINUUM CRÉATIF

discours, alors que le prix à payer pour un tel dressage


est que les enfants deviennent hyperactifs et déséquili-
brés sur le plan émotionnel, et psychiquement
malades.
En outre, l’éducation ne signifie pas de cloner les
enfants dans les moules de leurs parents, mais leur
permettre de devenir des personnes autonomes avec
leurs propres talents et leur propre intelligence.
Mouler les enfants dans les positions idéologiques
de leurs parents entrave la naissance de leur véritable
intelligence. L’éducation fondée sur des idéologies fa-
vorise des positions absolues et rigides, l’entêtement, la
conformité, l’imitation et, en dernier recours, la vio-
lence.
Pour avoir une idée de la vie émotionnelle de l’en-
fant, nous devons comprendre ce qu’est l’intelligence.
La plupart des gens confondent l’intelligence avec la
connaissance et l’intellectualisme sans voir que l’accu-
mulation de connaissances est mécanique et non un
signe d’intelligence.
L’intelligence est quelque chose de complètement dif-
férent de la connaissance. Il ne s’agit pas d’un processus
mécanique, mais d’un processus dynamique de com-
préhension du monde qui nous entoure et de nous-

138
LE CURRICULUM CRÉATIF

mêmes dans ce monde. Notre tâche dans l’éducation


des jeunes enfants est donc de sauvegarder cette intel-
ligence naturelle et cette intégrité de l’enfant, et d’éviter
autant que possible la fragmentation qui est très
courante aujourd’hui dans une société hautement
fragmentée.
Notre esprit rationnel (hémisphère cérébrale gauche)
ne fonctionne à pleine capacité que lorsqu’il est con-
necté à notre esprit émotionnel (hémisphère cérébrale
droit) de sorte que les processus intellectuels/analy-
tiques et intuitifs/synthétiques deviennent complémen-
taires. Alors, régulièrement, la partie rationnelle et la
partie émotionnelle de nous sont dans un état d’unité
fonctionnelle et cela à son tour favorise la paix in-
térieure. On y parvient en validant les capacités du
cerveau droit de l’enfant et en l’aidant à exprimer ses
émotions, par la danse, la peinture et la musique spon-
tanées, puis plus tard chez les écoliers, par l’écriture
créative.

l’intégrité sociale de l’enfant


Au sein du groupe, les enfants apprennent le com-
portement social sans être orientés vers des modèles de
comportement standard. Il faut éviter de modeler les
enfants comme des participants à un jeu de compéti-

139
LE CONTINUUM CRÉATIF

tion impitoyable comme c’est malheureusement le cas


dans de nombreuses écoles. Lorsque le stress est trop
haut, il peut aider certains enfants à atteindre un
niveau plus élevé, mais il peut en même temps pousser
d’autres enfants à prendre du retard.
Ce que le stress de la compétition au sein du
groupe va faire, c’est de diviser le groupe en plusieurs
entités, un petit cercle d’enfants très performants qui
vont ‘diriger’ le groupe, une plus grande partie d’en-
fants plutôt médiocres qui prennent automatiquement
le rôle des ‘adeptes,’ et le groupe marginal de ceux qui
sont poussés à la périphérie, régulièrement être vu
dans le coin, pleurant souvent et adoptant des com-
portements asociaux.
Afin d’éviter cette erreur, nous devons développer
des activités de groupe qui sont pacifiques et qui ne
provoquent pas de stress émotionnel. Cela signifie tout
d’abord que les enseignants eux-mêmes sont aussi dé-
tendus que possible et que les relations entre en-
seignants et enfants sont aussi harmonieuses que pos-
sible.
En général, les enfants ne devraient pas être séparés
en différents groupes d’âge, mais jouer ensemble pen-
dant que les plus grands s’occupent naturellement des
plus jeunes. L’équilibre idéal est à trouver dans le cadre

140
LE CURRICULUM CRÉATIF

du petit groupe où les enfants peuvent travailler en-


semble dans des unités créatives et recevoir individu-
ellement l’attention nourricière des éducateurs qui ont
le temps et le désir d’élever chaque enfant à son plein
potentiel.
Le groupe ne devient alors pas un classement ‘de
fichiers,’ conçu pour cataloguer chaque enfant, mais
un environnement interactif dans lequel chaque enfant
peut découvrir son individualité tout en développant
ses aptitudes sociales cruciales.

l’intégrité créative de l’enfant


Une approche intégrale à l’éducation consiste en
des activités qui stimulent l’enfant de diverses
manières, physiquement, émotionnellement et spir-
ituellement. Les activités sont toujours en conjonction
avec l’affectivité et font partie intégrante de la relation
affective unique entre l’enseignant et l’enfant. Il y a
fondamentalement cinq types d’activités différentes :

‣ activités visuelles

‣ activités auditives

‣ activités physiques-sensorielles

‣ activités littéraires-poétiques

141
LE CONTINUUM CRÉATIF

‣ activités mentales-analytiques

Les activités visuelles sont celles où les enfants s’ex-


priment par la peinture et le dessin ainsi que par le
maquillage et la fabrication de masques, le jeu théâtral
spontané, la photographie ou la production vidéo.
Les activités auditives sont celles qui sont centrées
sur l’expression musicale, le jeu d’un instrument, la
création et l’expérience des tapis sonores, les relations
entre couleurs et sons, et la guérison sonore.
Les activités physiques et sensorielles sont celles qui
mettent l’accent sur le corps, la danse spontanée, l’ex-
pression rythmique, le toucher affectif et la communi-
cation tactile, le massage et les activités aquatiques. En
fait, la santé psychosomatique de l’enfant s’améliore
considérablement avec une stimulation tactile abon-
dante. Pour les tout-petits, l’eau et le mouvement sont
des moyens naturels de stimulation qui associent leur
environnement prénatal.
Les activités littéraires et poétiques réintègrent la
poésie et l’imagination littéraire dans la relation éduca-
tive, par exemple à travers les contes de fées et la ré-
daction spontanée des pièces de théâtre.
Les activités mentales et analytiques, bien qu’elles
soient clairement surmenées dans la plupart des con-

142
LE CURRICULUM CRÉATIF

textes éducatifs contemporains, n’ont pas besoin d’être


abandonnées. Beaucoup d’enfants aiment ce genre
d’activités et on peut les présenter de plusieurs façons.
Par exemple, le système informatique Apple Mac OS X
est tout à fait idéal pour enseigner la pensée logique et
analytique ainsi que la pensée intuitive, parce que l’or-
dinateur sert un but pratique en même temps qu’il en-
seigne la pensée logique et analytique. C’est devenu un
outil technique et créatif d’une importance telle qu’il
serait négligent de ne pas enseigner aux enfants com-
ment le gérer correctement et pour le mieux de leurs
capacités individuelles.

Philosophie de team
Il est essentiel pour un programme d’études efficace
d’assurer un environnement de travail hautement
créatif pour les enseignants et la mise en place d’une
culture organisationnelle qui favorise l’instauration du
respect de la diversité.
Les experts en gestion d’entreprise ont constaté que
la meilleure efficacité ainsi que l’optimisation de la sat-
isfaction de la clientèle sont le résultat des relations de
travail proactives et loyales qui mettent l’accent sur un
dialogue ouvert, des échanges emphatiques et un
niveau d’habilitation suffisant pour que chaque tra-

143
LE CONTINUUM CRÉATIF

vailleur puisse faire preuve d’une créativité maximale


dans l’exécution de son travail.
En milieu scolaire, cela signifie qu’il doit y avoir un
niveau élevé de communication efficace entre les édu-
cateurs et les parents pour le bien de chaque enfant
inscrit à l’école. Cela implique une formation continue
des enseignants sur une base quotidienne et avec un
temps d’introduction suffisant pour s’assurer qu’ils
mettront pleinement en œuvre le curriculum créatif
présenté dans ce livre.

Un Curriculum basé sur des valeurs


Des experts en matière d’éducation ont développé
les valeurs essentielles pour les parents qui se voient
dans l’incapacité de prendre soin de leurs enfants, pour
diverses raisons professionnelles et de carrière. J’ai
longuement réfléchi à ces valeurs et à ces besoins et j’ai
constaté que la communication avec les parents est un
enjeu majeur dans la prise en charge responsable de
leurs enfants. C’est dans ce but que je trouve très im-
portant de maintenir un dialogue constant et fructueux
avec les parents afin d’assurer les valeurs suivantes:
—Continuité et absence de friction dans le service
d’une éducation pour chaque enfant qui soit dès le dé-

144
LE CURRICULUM CRÉATIF

part en accord avec les valeurs les plus profondes de


ses parents;
—Ouverture et transparence dans la gestion quoti-
dienne de l’école pour les parents, qui sont habilités à
avoir un impact direct sur l’éducation de leur enfant
grâce à un système de communication proactive.
Cette structure de communication permet aux par-
ents de faire des suggestions et de fournir des informa-
tions spéciales sur leur enfant à tout moment.
—Rencontres régulières de parents qui leur don-
nent l’occasion d’apprendre davantage sur les services
professionnels de garde d’enfants et aux éducateurs de
mieux connaître les problèmes et les préoccupations
des parents quant à l’éducation de leurs enfants ou à
leur situation familiale; cela permet aux parents et aux
enseignants d’aborder des questions qui, sans être évi-
dentes au départ, peuvent permettre de mieux com-
prendre chaque enfant et ses besoins particuliers;
—Réunions ad hoc à la demande des parents qui
abordent une question particulière importante pour
eux et leur enfant, des maladies de leur enfant qui
pourraient avoir des raisons psychosomatiques, des
allergies, ou des préoccupations alimentaires partic-

145
LE CONTINUUM CRÉATIF

ulières pour les aliments fournis dans notre école


maternelle, ou toute autre question de ce type.
La psychologie d’enfant a établi que l’éducation
d’un enfant est essentiellement terminée lorsque l’en-
fant achève sa sixième année de vie. Cette intuition
étonnante signifie que l’école maternelle est en fait plus
importante que l’école primaire dans la formation de
l’intelligence de base, des talents et de l’intégrité émo-
tionnelle de l’enfant.
Cette compréhension permet de voir l’importance
de chaque jour de bonheur et de nutrition émotion-
nelle que la crèche et l’école maternelle apportent dans
la vie des jeunes enfants, afin de les préparer correcte-
ment aux cours plus difficiles de l’école primaire et
même du lycée et de l’université.

des objectifs éducatifs


Voici un aperçu des objectifs éducatifs de base que
notre école poursuit:
—Reconnaître le talent artistique ou musical se
manifestant dans le jeune enfant afin que le potentiel
humain, sous quelque forme qu’il se manifeste, soit
respecté, reconnu, mis en avant et développé jusqu’à sa
pleine réalisation, et ce, sans distinction de statut so-
cial, d’orientation religieuse, idéologique ou politique

146
LE CURRICULUM CRÉATIF

et sans discrimination aucune fondée sur la race, le


sexe, la caste ou le patrimoine;
—Construire un esprit d’auto-activation, de réac-
tivité, de flexibilité, de synergie et de participation ac-
tive;
—Éduquer vers l’efficacité, en utilisant le réseau-
tage avec les autres comme outil principal pour attein-
dre des résultats visibles;
—Aider à dépasser l’ego en créant un esprit de
partage et de contribution et un sentiment d’enthousi-
asme pour des solutions synergiques;
—Éduquer vers un état d’esprit positif basé sur la
vérité d’une substance illimitée;
—Aider de manière non discriminatoire ceux qui,
par leur talent et leur motivation, ont impérativement
besoin de soutien, d’aide, de soins ou de parrainage
pour développer leurs talents;
—Aider à bâtir une génération de personnes qui
savent utiliser efficacement leurs ressources tout en re-
spectant et en aidant à bâtir les ressources des autres
afin qu’une communauté pleine de ressources puisse
éventuellement être créée.
Ce programme est basé sur une vision du monde
intégrale qui s’oppose fortement à la vision du monde

147
LE CONTINUUM CRÉATIF

fragmentée actuelle. Cette vision créative du monde


considère les problèmes et les solutions comme un
domaine interconnecté.
En conséquence, les réponses aux problèmes
actuels sont systémiques et holistiques, et ne figurent
jusqu’à présent dans aucun des agendas éducatifs en
vigueur.
Pour donner un exemple. Vous ne pouvez pas ap-
porter une solution définitive à nos problèmes envi-
ronnementaux, le réchauffement climatique, sans
changer les programmes de nos écoles. Ce ne sera pas
par le biais d’une taxe mondiale ou des lois plus
strictes que nous parvenons à amener les gens à se
comporter d’une manière écologiquement compétente,
mais seulement en éduquant les enfants à respecter
l’environnement dès leur plus jeune âge.
Par conséquent, nombre de nos problèmes mondi-
aux aujourd’hui se résument à la nécessité d’améliorer
l’éducation de base et donc d’augmenter les budgets de
l’éducation. L’approche systémique nous enseigne que
presque tout ce qui est à l’ordre du jour est une fonc-
tion directe de notre sagesse éducative, la sagesse
d’élever nos enfants de façon responsable.

148
LE CURRICULUM CRÉATIF

C’est pour cette raison que de nombreux spécial-


istes des sciences sociales considèrent le XXIe siècle
comme un tournant décisif dans le développement
humain et l’épanouissement de la ‘société cognitive.’
J’ai réfléchi à tous les problèmes possibles de la so-
ciété humaine d’aujourd’hui, de l’éducation des enfants
aux statistiques sur la criminalité, du suicide chez les
jeunes à la réforme de la santé, des nouvelles sciences à
la compréhension de l’économie.
Et j’ai vu que tout, vraiment tout, est une fonction
directe de la façon dont nous avons été éduqués et
conditionnés pour faire face à la vie, tant au niveau in-
dividuel que transpersonnel!

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