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Philippe Ropenga
ÉTUDES
Philippe ROPENGA
Docteur en droit, Avocat
Résumé
*
Cet article a pour origine une intuition de Jacqueline LAFON rapprochant le lourd formalisme de
l'ancien droit romain de l'oppressant formalisme postmoderne. L'auteur la remercie
chaleureusement pour ses précieuses remarques.
5
R.I.E.J., 2018.81 Les évolutions du formalisme. Entre légalité et légitimité
1
F. GENY, Science et technique en droit privé positif : nouvelle contribution à la critique de la
méthode juridique, t. III, Paris, Recueil Sirey, 1915, p. 98. Pour une présentation succincte de
l'approche de GENY, v. J.-L. HALPÉRIN, Histoire du droit privé français depuis 1804, Paris,
Presses de Sciences Po, 2012, nº 122.
2
J. BODIN, Six Livres de la République, Livre II, Jacques du Puys, Libraire Juré en l’Université
de Paris, 1580, p. 190.
6
Philippe Ropenga R.I.E.J., 2018.81
1. Formalisme et légalité
3
F. HARTOG, Régimes d’historicité : Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003, p.
116 et suivante pour un exposé très clair de la différence entre régime classique et moderne
d'historicité ; p. 205 où l'auteur revient succession des différents régimes.
4
A. DE TOCQUEVILLE, « De la démocratie en Amérique, t. III, 17e éd. », in A. DE TOCQUEVILLE,
Œuvres complètes, Paris, Calmann Lévy, 1888, p. 554. L'œuvre est initialement parue en deux
volets, en 1835 puis 1840. Comme l'indique l'auteur dans son avertissement publié en tête du
tome III, il s'agit du second volet paru pour la première fois en 1840. Ci-après mentionné
Tocqueville.
5
F. HARTOG, Croire en l’Histoire, Paris, Flammarion, 2013, p. 16 et s.
7
R.I.E.J., 2018.81 Les évolutions du formalisme. Entre légalité et légitimité
6
Au sujet des critiques de l'autonomie au XIXe s., v. J.-L. HALPÉRIN, Histoire du droit privé
français depuis 1804, op. cit., nº 132.
7
J.-F. LYOTARD, La condition postmoderne : rapport sur le savoir, s. l., Éd. de Minuit, 1979, p.
11.
8
M. MAFFESOLI, « Tribalisme postmoderne », Sociétés, n° 112, p. 9 et s.
9
J.-F. LYOTARD, La condition postmoderne, op. cit., p. 8 et s.
10
Ibidem, p. 12 et s.
11
Le droit postclassique a tempéré ce principe. V. en ce sens M. KASER, R. KNÜTEL et S.
LOHSSE, Römisches Privatrecht : ein Studienbuch, Juristische Kurz-Lehrbücher, München, C.H.
Beck, 21e éd., 2017, paragr. 88.4.
12
A. A. SCHILLER, « Jurists’ Law », Columbia Law Review, vol. 58, décembre 1958, n° 8, p.
1226-1238, p. 1228 et s.
8
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13
M. KASER, R. KNÜTEL et S. LOHSSE, Römisches Privatrecht, op. cit., no 2.16.
14
A. MAGDELAIN, « « Jus respondendi » », in Jus imperium auctoritas, CXXXIII, s. l., École
Française de Rome, 1990, p. 103-152, p. 110 et s. L'auteur revient sur la formule selon laquelle
les responsa des jurisconsultes sont délivrés ex auctoritate principis. Il estime que les responsa
des jurisconsultes n'engagent pas la responsabilité de l'empereur, contrairement aux rescrits,
mais celle du juriste qui rend l'avis. V. aussi ibidem, p. 108. André M AGDELAIN estime que ceux
qui avaient obtenu de l'empereur la qualité de jurisconsulte étaient qualifés de jura conditores
qui avaient le droit de créer du droit au moyen de responsa. Le terme conditor signifie créateur.
Voir également GAIUS, Institutes, I.17.
15
Ibidem, p. 104 et s. Contra K. TUORI, « The ius respondendi and the Freedom of Roman
Jurisprudence », Revue internationale des droits de l’Antiquité, vol. 51, 2004, p. 295-337, p. 305
et s. L'auteur rejette l'argument d'André MAGDELAIN en montrant que tous les jurisconsultes ne
disposaient pas du jus respondendi. Il demeure très difficile de circonscrire l'institution du jus
respondi, les sources étant rares et leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique plus que
douteuse.
16
A. PLISECKA, « The Roman jurists’ law during the passage from the Republic to the Empire »,
Jahrbuch Junge Rechtsgeschichte, vol. 4, 2009, p. 374.
17
Ibidem, p. 391. La phase de l'auteur est la suivante : « Numerous texts confirm that the
authority of the jurists, based on their skills and social position, continued to play an important
role during the Principate ».
18
Ibidem, p. 392.
9
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19
Ph. SUEUR, Histoire du droit public français XVe-XVIIIe siècle : Affirmation et crise de l’État
sous l’Ancien Régime, II, Paris, PUF, 2007, p. 25. L'auteur indique que « les privilèges sont
collectifs ». V. aussi, idem, p. 112 où l'auteur revient sur la sémantique de privilège et lien avec
privata lex.
20
R. MICHEL, L’administration royale dans la sénéchaussée de Beaucaire au temps de saint
Louis, Paris, Alph. Picard, 1910, p. 26 et s.
21
Ibidem, p. 34.
22
Ibidem, p. 48.
23
Ibidem, p. 54 et s.
10
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24
F. OLIVIER-MARTIN, Histoire du droit français des origines à la Révolution, s.l., Domat-
Montchrestien, 1948, nº 329.
25
E. BOUTARIC, La France sous Philippe le Bel. Étude sur les institutions politiques et
administratives du Moyen-Âge, s. l., Henri Plon, 1861, p. 12 ; A. DE TOCQUEVILLE, « De la
démocratie en Amérique, t. I, 17e éd. », in A. DE TOCQUEVILLE, Œuvres complètes, Paris,
Calmann Lévy, 1888, p. 168, note K insérée p. 321 : « Le goût de la centralisation et la manie
règlementaire remontent, en France, à l'époque où les légistes sont entrés au gouvernement ;
ce qui nous reporte au temps de Philippe le Bel ». Il faut par ailleurs noter que saint Louis a
accordé une grande importance à la justice et au fondement juridique des actes de son
administration. Saint Louis a d'ailleurs l'image d'un « roi justicier », comme l'écrit François
OLIVIER-MARTIN. V. sur ce point, F. OLIVIER-MARTIN, Histoire du droit français des origines à la
Révolution, op. cit., nº 68. La création de droit est une question délicate en droit français. Cette
difficulté tient en grande partie au rôle du juge dans le processus de création de droit. V. J. L.
LAFON, « La judicialisation de la politique en France », International Political Science Review,
vol. 15, avril 1994, n° 2, p. 135-142.
26
V. sur ce point J.-F. LASSALMONIE, « La politique fiscale de Louis XI (1461-1483) », Actes des
congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, 1997,
n° 28, p. 255-265. p. 259.
27
O. MATTÉONI, « Vérifier, corriger, juger. Les Chambres des comptes et le contrôle des officiers
en France à la fin du Moyen Âge », Revue historique, vol. 641, 2007, n° 1, p. 31, p. 51.
11
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D'autres textes moins connus du grand public portent sur d'autres aspects de la nation
française. On citera à titre d'exemple : l'ordonnance de Philippe III Le Hardi de 1278 interdisant
aux avocats d'invoquer le droit romain lorsque le droit coutumier était applicable ; l'édit de Saint-
Germain-en-Laye de 1679 par lequel Louis XIV accorda une place plus importante à
l'enseignement du droit français. Les rapports entre droit coutumier et droit écrit n'ont
cependant pas connu une évolution linéaire. V. sur ce point A. RIGAUDIÈRE, « La royauté, le
Parlement et le droit écrit aux alentours des années 1300 », Comptes rendus des séances de
l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 140, 1996, n° 3, p. 885-908.
29
Ordonnance du 25 août 1539 sur le fait de la justice citée dans la version reproduite sur
Legifrance.
30
H. MERLIN-KAJMAN, « L’étrange histoire de l’ordonnance de Villers-Cotterêts : force du passé,
force des signes », Histoire Épistémologie Langage, vol. 33, 2011, n° 2, p. 79-101, p. 87.
31
TOCQUEVILLE, p. 54 et s.
32
J. T. SCHLEIFER, The Chicago companion to Tocqueville’s Democracy in America, Chicago,
The University of Chicago Press, 2012, p. 59. V. aussi M. GAUCHET, « Tocqueville, l’Amérique
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et nous », Libre, 1980, n° 7, p. 43, p. 84. V. encore sur ce point A. DE TOCQUEVILLE lui-même
qui n'exclut la persistance de différentes situations de fortune. TOCQUEVILLE, p. 297 et s.
33
Claude DE SEYSSEL, La grant monarchie de France, chapitre XIV. L'ouvrage a paru pour la
première fois en 1519.
34
V. L. JAUME, Tocqueville, Paris, Fayard, 2008, p. 28 et s.
35
R. MICHEL, L’administration royale dans la sénéchaussée de Beaucaire au temps de saint
Louis, op. cit., p. 66.
36
V. sur ce point M. CASSAN, « Officiers “moyens”, officiers seigneuriaux – Quelques
perspectives de recherches », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, octobre
2001, n° 27, nº 8 et s.
37
O. MATTÉONI, « Vérifier, corriger, juger. », op. cit., p. 56 et s.
38
Ordonnance touchant la Chambre des Comptes prise par Philippe V vers l'Épiphanie 1319 et
publiée le 17 avril 1320.
13
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39
Ibidem, p. 65.
40
F. HARTOG, Régimes d’historicité, op. cit., p. 84 et s.
41
G. H. NADEL, « Philosophy of History before Historicism », History and Theory, vol. 3, 1964, n°
3, p. 296, p. 299 et s.
42
Auguste RIBÉREAU mentionne le « religieux attachement que le peuple romain portait aux
vieilles institutions » afin d'expliquer que l'Édit perpétuel a contribué à la modernisation du droit
et à de préservation. V. sur ce point A. RIBÉREAU, Théorie de l’in bonis habere ou De la
propriété prétorienne. Épisode de la lutte du pouvoir prétorien contre le formalisme du vieux
droit des Romains, s. l., Durand et Pedone-Lauriel, 1867, p. 7 et s.
14
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43
Au sujet de la classification, André MADGELAIN rappelle que « L'espoir a toujours été déçu de
capter l'essence du consensualisme grâce à l'étude d'un ou de tous les contrats consensuels.
La structure d'un type contractuel ne renseigne que sur elle-même. L'information reste
parcellaire. La somme des parcelles ne forme pas un tout, mais une collection. Le
consensualisme ne se confond pas avec le total de ses manifestations.
Il convient d'abandonner la méthode purement arithmétique de l'addition pour faire appel à un
instrument de travail beaucoup plus efficace, l'ensemble. Le droit romain connaît d'authentiques
ensembles. ». V. A. MAGDELAIN, Le consensualisme dans l’édit du prêteur, Paris, Recueil Sirey,
1958, p. 1.
44
V. sur ce point, GAIUS, Institutes, I, 119.
45
V. sur ce point, A. RIBÉREAU, Théorie de l’in bonis habere ou De la propriété prétorienne.
Épisode de la lutte du pouvoir prétorien contre le formalisme du vieux droit des Romains, op.
cit., p. 34.
46
V. sur ce point ibidem, p. 11 ; confer A. MANTELLO, Diritto privato romano. Lezioni, II, Torino,
Giappichelli, 2012, § 45.
47
L’approche systémique du droit romain, en particulier celui de la période classique, est fort
discutable. V. M. KASER, R. KNÜTEL et S. LOHSSE, Römisches Privatrecht, op. cit., paragr. 2.26,
3.22.
48
A. MANTELLO, Diritto privato romano. Lezioni, II, op. cit., paragr. 3.4 ; M. KRIECHBAUM, Actio,
ius und dominium in den Rechtslehren des 13. und 14. Jahrhunderts, Aktiv, 1996, p. 14 et s. ;
confer M. KASER, R. KNÜTEL et S. LOHSSE, ibidem, paragr. 4.1 et s.
49
V. L. BLANCARD, « Note sur la lettre de change à Marseille au XIIIe siècle. », Bibliothèque de
l’École des Chartes, vol. 39, 1878, n° 1, p. 110-128, p. 129.
15
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50
H. VAN DER WEE, « Anvers et les innovations de la technique financière aux XVIe-XVIIe
siècles », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 22, 1967, n° 5, p. 1067-1089,
p. 1079 et s.
51
Il en est, plus récemment des contrats sous forme électronique dont le régime figure aux
articles 1125 nouveaux du Code civil.
52
F. HARTOG, Croire en l’Histoire, op. cit., p. 155.
53
Le passage paraphrasé débute ainsi : « Avendo esse “assolutizzato”, il peso della volontà in
ogni contratto (…) ». V. A. MANTELLO, Diritto privato romano. Lezioni, I, Torino, Giappichelli,
2009, § 29.
54
Article 1128 nouveau du Code civil dans la rédaction issue de l'ordonnance 2016-131 du 10
février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations : Sont nécessaires à la validité d'un contrat : 1° Le consentement des parties ; 2°
Leur capacité de contracter ; 3° Un contenu licite et certain ».
55
Il n'est pas question de revenir ici sur la cause. On se contentera de renvoyer le lecteur aux
articles 1169 nouveau et s ci-après reproduits et de l'inviter à les rapprocher des articles 1164
nouveau et s. dudit Code.
« Art. 1169 – Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la
contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.
Art. 1170 – Toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est
réputée non écrite.
Art. 1171 – Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par
l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties
au contrat est réputée non écrite.
L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur
l'adéquation du prix à la prestation ».
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59
M. MAFFESOLI, « Tribalisme postmoderne », op. cit., p. 14.
60
Y. C. ZARKA, « Éditorial. Le pouvoir sur le savoir ou la légitimation postmoderne », Cités, mai
2011, n° 45, p. 3-7.
61
V. J. CARBONNIER, Droit et passion du droit sous la Ve République (1996), Champs, Paris,
Flammarion, 2006, p. 101.
62
En ce sens, v. J.-F. LYOTARD, op. cit., p. 12 et s ; R. GUÉNON, Le règne de la quantité et les
signes des temps, Tradition, Gallimard, 2015 [1945], p. 61.
63
F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? : pour une théorie dialectique du
droit, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2002, p. 324 et s.
64
J. FLOUR, « Quelques remarques sur l’évolution du formalisme », in Le droit privé français au
milieu du XXe siècle : Études offertes à G. Ripert, tome I, Paris, LGDJ, 1950, p. 95, nº 6.
65
V. FORRAY, « Le consensualisme dans la théorie générale du contrat », Paris, LGDJ, 2007.
66
V. ibidem, nº 10 ; A. PIEDELIÈVRE, Les transformations du formalisme dans les obligations
civiles, Thèse Paris, 1959, p. 95 et s.
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67
V. A. PIEDELIÈVRE, ibidem, p. 54.
68
J.-L. HALPÉRIN, Histoire du droit privé français depuis 1804, op. cit., nº 234.
69
V. Th. R EVET, « Une philosophie générale », op. cit., nº 5 et s.
70
V. sur ce point J. CHEVALLIER, « La régulation juridique en question », Droit et société, vol. 49,
septembre 2001, n° 3, p. 827-846, p. 829. Rappr. P. MAISANI et F. WIENER, « Réflexions autour
de la conception post-moderne du droit », Droit et société, 1994, n° 27, p. 443., p. 445 et s. Les
auteurs estiment que l'État n'a même plus les moyens d'assurer la régulation ; ce qui explique
la délégation au secteur privé.
71
V. J. CARBONNIER, Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris, LGDJ, juin
2001, p. 166.
72
Sur la distinction entre connaissance et consentement selon M. TERRÉ, v. F. TERRÉ,
L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications, Anthologie du Droit, Paris, LGDJ,
2014 [1957], nº 234.
73
V. V. CUNHA, Le formalisme en droit des contrats, Thèse Nice, 1er janvier 2002, nº 695.
74
V. ibidem, nº 766.
75
V. J. COURNUT, « Les défoncés », in L’individu hypermoderne, N. Aubert (dir.), coll. Sociologie
clinique, s. l., Éditions Érès, 2004, p. 59-71. M. COURNUT rappelle que ce vocabulaire est celui
des toxicomanes. V. spécialement p 66 et s. où l'auteur indique qu'il s'agit avant tout d'une
attitude physique et qu'elle amène un appauvrissement du langage. Rappr. M. GAUCHET,
« Conclusion : vers une mutation anthropologique ? », in L’individu hypermoderne, loc. cit., p.
74 et s. Mme AUBERT souligne que l'individu recherche l'excès et l'urgence pour ne pas avoir à
se poser des questions sur le sens de ce qu'il fait.
19
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avec cette dernière. Son évolution apparaît nettement lorsque l'on envisage
la chose publique. C'est pourquoi les développements qui suivent traitent
essentiellement de droit public.
2. Le lien entre légalité et légitimité
Il a été vu qu'au Moyen Âge, le roi cherchait à se distinguer des
seigneurs. Une grande attention a été accordée dès cette époque à la
manifestation du pouvoir royal. M. Genet indique que la légitimité désignait
alors la conformité à la loi76. Les juristes renouèrent le lien avec Rome afin
de fonder le pouvoir politique. Le prince ou princeps recherche la justice77. Il
serait envisageable de soutenir que si ce qui est légitime est juste alors ce
qui est juste s'impose à l'individu. Le prince disposerait d'un pouvoir de
contrainte afin de contraindre à faire ce qui lui semble juste. L'auteur nuance
fortement cette analyse. Au Moyen Âge, le roi a besoin de l'Église pour
légitimer son pouvoir. Les attributs de la légitimité ne sont pas liés au
regnum mais à l'ecclesia78. « Dans ces conditions, qui de l’Empereur (ou du
roi quand il devient empereur en son royaume) ou du Pape est le
bénéficiaire du “service” imposé par la domination symbolique ? La réponse
de l’Empire romain chrétien est l’Empereur ; celle de Byzance et des
Carolingiens est les deux, le Pape/Patriarche et l’Empereur, dans une
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76
J.-Ph. GENET, « Pouvoir symbolique, légitimation et genèse de l’État moderne », in La
légitimité implicite, J.-Ph. Genet (dir.), coll. Histoire ancienne et médiévale (no 2), Paris,
Publications de la Sorbonne, 2017.
77
Ibidem, no 5.
78
Ibidem, no 14 et s.
79
Ibidem, no 16.
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d'élaboration de la loi. Cet élément vise à situer la loi par rapport à un repère
spontanément admis tel que Dieu, un ancêtre ou un prédécesseur. Ce
repère joue aussi un rôle important dans le processus institutionnel. MM.
Guyotjeannin et Mattéoni soulignent à ce sujet que les actes du Moyen Âge
visent à légitimer leur auteur80. La légitimité s'inscrit dans la durée. Les actes
sont annotés, conservés, copiés, assemblés en registre. Ces opérations
sont méthodiques, imposent un choix et confèrent une nouvelle légitimité à
l'auteur des actes81. La légitimité vient du passé. Mme Renoux-Zagamé
rappelle que le contrôle de civilité vise à l'examen des lois. Ce contrôle a été
institué par le roi et constitue une auto-limitation de son pouvoir de créer du
droit. Il obéit dès le XIVe s. à une procédure qui peut aboutir à un refus
d'enregistrer la loi. La loi nouvelle est comparée à la loi ancienne. On se
réfère au jus civile afin de se prononcer sur les contrariétés ente la loi
nouvelle et une loi ancienne82. M. Martin estime que le contrôle de civilité
s'inscrit dans un « mouvement de constitutionnalisation » qui tient en deux
principes, à savoir la garantie du pouvoir contre lui-même et la
reconnaissance par la société du caractère fondamental de certaines
normes qui peuvent être invoquées en justice83.
Peut-on parler de constitution médiévale ? Il n'y a pas d'écrit qui
puisse être considéré comme la loi fondamentale unique. M. Bonin relativise
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80
O. GUYOTJEANNIN et O. MATTÉONI, « Écrire, décrire, ordonner : Les actes et la légitimité du
pouvoir à la fin du Moyen Âge », in La légitimité implicite, op. cit., no 8.
81
Ibidem, no 12 et s.
82
M.-F. RENOUX-ZAGAMÉ, « Du contrôle de civilité à l’enregistrement des lois : fondements du
contrôle judiciaire du souverain monarchique », in Des chartes aux constitutions. Autour de
l’idée constitutionnelle en Europe (XIIe-XVIIe siècles), Madrid, Casa de Velázquez, Podcasts
d’actes de colloque, 16 janvier 2014, en ligne, https://www.casadevelazquez.org/recherche-
scientifique/news/des-chartes-aux-constitutions/, consulté la dernière fois le 9 octobre 2018.
83
F. MARTIN, « Légitimité, légalité et civilité dans l’ordre juridique royal. Conflit, procédure et
consensus aux origines du constitutionnalisme (France, XVe - XVIe siècles) », in Des chartes
aux constitutions. Autour de l’idée constitutionnelle en Europe (XIIe-XVIIe siècles), op. cit. ?
84
P. BONIN, « Les lois fondamentales comme constitution de l’ancienne France, une invention
des légitimistes », in Des chartes aux constitutions. Autour de l’idée constitutionnelle en Europe
(XIIe-XVIIe siècles), op. cit ?
85
D. QUAGLOLI, « Constitution et constitutionnalisme (XVIe-XVIIe siècles) », in Des chartes aux
constitutions. Autour de l’idée constitutionnelle en Europe (XIIe-XVIIe siècles), op. cit.
21
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86
A. DE TOCQUEVILLE, « De la démocratie en Amérique, t. I, 17e éd. », op. cit., p. 58.
87
F. FORONDA, « Conclusions », in Des chartes aux constitutions. Autour de l’idée
constitutionnelle en Europe (XIIe-XVIIe siècles), op. cit.
88
L. JAUME, La liberté et la loi : Les origines philosophiques du libéralisme, Paris, Fayard, 2000,
p. 260 et s.
89
Ibidem, p. 299.
90
G. BURDEAU, « Le déclin de la loi », Archives de Philosophie du droit, 1963, n°8, p. 37.
91
E. DELRUELLE, « Modernité et démythisation du politique », in Mythe et politique : actes du
colloque de Liège, 14-16 septembre 1989, F. Jouan et A. Motte (dir.), Paris, Librairie Droz,
1990, p. 108 et s.
92
M. MAFFESOLI, « Tribalisme postmoderne », op. cit., p. 10.
22
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93
G. BURDEAU, « Le déclin de la loi », op. cit., p. 39 et s.
94
En ce sens, v. F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit., p. 358.
95
Ibidem, p. 355.
96
B. BOULOC, Droit pénal général, coll. Précis, Paris, Dalloz, 2017, no 81 et s.
97
M.-L. DRAGO, Le principe de normativité criminelle, reconfiguration du principe de légalité
criminelle, Thèse Montpellier, 2016.
98
F. OST, Le temps du droit, Paris, Odile Jacob, 1999, p. 57 et s.
23
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2. Formalisme et légitimité
99
V. J.-F. LYOTARD, La condition postmoderne, op. cit., p. 54 et s. Cet auteur insiste beaucoup
sur la forme des énoncés scientifiques doit se conformer à aux usages du milieu scientifique
pour être légitime. G. BERNARD, « Sur la crise “postmoderne” de la légitimation et la confusion
des raisons », Cités, mai 2011, n° 45, p. 90.
100
Ibidem, p. 65 et s.
101
Sur l'importance des experts et des décideurs au sein de la société postmoderne, V. ibidem,
p. 29 et s.
24
Philippe Ropenga R.I.E.J., 2018.81
102
Les autorités perdent cependant aisément leur légitimité. V. sur ce point M. KUNTZ, « Le
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25
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107
V. H. JACQUEMIN, Le formalisme contractuel : Mécanisme de protection de la partie faible,
Bruxelles, Larcier, 2010, nº 44.
108
V. « Rapport annuel », Cour de cassation, 2010, p. 127.
109
Art. 1112-1. nouv. du Code civil : « Celle des parties qui connaît une information dont
l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que,
légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le
contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui
devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut
entrainer l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ».
110
M. FABRE-MAGNAN et J. GHESTIN, De l’obligation d’information dans les contrats : essai d’une
théorie, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1992. Pour l'incidence de la
réforme, v. M. FABRE-MAGNAN, « Le devoir d’information dans les contrats : essai de tableau
général après la réforme », JCP G 2016.706 ; C. GRIMALDI, « Quand une obligation
d’information en cache une autre : inquiétudes à l’horizon… », Recueil Dalloz, 2016, p. 1009.
111
M. REVET voit en la distinction entre contrat d'adhésion et contrat de gré à gré une nouvelle
summa divisio. V. Th. REVET, « Une philosophie générale », Revue des contrats, 2016, p. 5, nº
9, nº 20 et s. Selon l'auteur, seuls les contrats de gré à gré reposent sur la commune intention
des parties.
26
Philippe Ropenga R.I.E.J., 2018.81
112
V. notamment en droit immobilier, la présentation officielle de la réglementation thermique
sur http://www.rt-batiment.fr/batiments-neufs/reglementation-thermique-2012/presentation.html
(consulté la dernière fois le 9 octobre 2018).
113
J. CHEVALLIER, « La place de l’administration dans la production des normes », Droit et
société, décembre 2011, n° 79, p. 623-636, p. 628 et s. De plus, en France, la carrière de
magistrat est aujourd'hui semblable à celle de tout fonctionnaire, notamment en ce qui
concerne le recrutement au moyen d'un concours administratif, celui de l'entrée à L'École
nationale de la magistrature. V. J. L. LAFON, « The Judicial Career in France : Theory and
Practice under the Fifth Republic », Judicature, vol. 75, 1991-1992, p. 97.
114
J. CHEVALLIER, « La place de l’administration dans la production des normes », ibidem, p.
631 et s. L'auteur nuance son analyse en rappelant que l'administration subit des influences
extérieures, d'une part et que ce sont les politiciens qui rendent les arbitrages, d'autre part. V.
sur ce point idem, p. 633 et s.
115
V. sur ce point D. FERRIER, « Loi du 17 mars 2014 “relative à la consommation”... et pour un
encadrement renforcé des relations entre professionnels », Recueil Dalloz, 2014, p. 889.
116
J. CHEVALLIER, « La régulation juridique en question », op. cit., p. 833 et s.
117
Ibidem, p. 829.
27
R.I.E.J., 2018.81 Les évolutions du formalisme. Entre légalité et légitimité
118
L. ROUBAN, « Les paradoxes de l’État postmoderne », Cités, décembre 2007, n° 18, p. 20.
119
Ibidem, p. 22.
120
J. CAILLOSSE, L’État du droit administratif, coll. Droit et société, Issy-les-Moulineaux, LGDJ,
2015, p. 43.
121
L. JAUME, « “Loi ” », Cités, janvier 2008, n° 8, p. 237.
122
J. CHEVALLIER, L’État de droit, Paris, LGDJ, 2017, p. 69, 75, 98 ; F. OST et M. VAN DE
KERCHOVE, De la pyramide au réseau ?, op. cit., p. 55.
123
J. CAILLOSSE, L’État du droit administratif, op. cit., p. 21.
124
M. FALLON, « Le droit communautaire : un espace en expansion continue », in L’accélération
du temps juridique, Ph. Gérard, F. Ost et M. van de Kerchove (dir.), Bruxelles, Publications des
Facultés universitaires Saint-Louis Bruxelles, 2000, p. 307 et s.
125
Ibidem, p. 311 et s.
126
G. DE STEXHE, « La modernité comme accélération du temps : temps manquant, tant
manqué ? », in L’accélération du temps juridique, op. cit., p. 40.
127
M. CHEMILLER-GENDREAU, « Sur quelques rapports du temps juridiques aux autres formes de
temps », in L’accélération du temps juridique, op. cit., p. 286.
28
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1. Le biais de l'efficacité
M. Chevallier souligne que la poursuite de l'intérêt général doit être
désormais soutenue par le souci d'efficacité : « Relayant le thème de
l'« intérêt général », l'efficacité est devenue (…) dans l'état postmoderne, le
nouveau principe logique appelé à guider l'action publique »128. En droit
privé, le souci d'efficacité ne se retrouve pas seulement en droit de la
consommation mais aussi en droit des sûretés. M. Dupichot a consacré un
article à ce sujet. Il souligne que le formalisme a été réduit tout en indiquant
notamment que le gage est devenu un contrat solennel à la suite de
l'ordonnance de 2006129. Alors que l'efficacité doit permettre d'atteindre plus
sûrement un objectif, le législateur postmoderne semble avoir fait de la
recherche de l'efficacité un objectif qu'il est malaisé de définir. En droit du
crédit, l'instauration d'un gage de stock traduit, d'après la commission
présidée par le M. Grimaldi chargée de réfléchir à la réforme du droit des
sûretés, la volonté d'affirmer la possibilité de recourir à un gage de chose
fongible en droit commercial130. Cette réforme a, par ailleurs, modifié le droit
commun des sûretés afin d'autoriser le gage de chose fongible prévu aux
articles 2333 et suivants du Code civil. Étant donné qu'un stock est par
nature composé de choses fongibles, le gage de stock aurait pu être
encadré par le droit commun des sûretés. Le législateur a cependant affirmé
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128
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne, Issy-les-Moulineaux, LGDJ, 23 septembre 2014, p. 75.
129
Ordonnance nº 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés. V. Ph. DUPICHOT,
« L’efficience économique du droit des sûretés réelles », Les Petites Affiches, avril 2010, n° 76,
p. 7, nº 10.
130
V. Rapport dit « Grimaldi », p. 11 : « Serait ainsi grandement facilitée la constitution du gage
sur stocks, qui est aujourd’hui nécessaire au développement du crédit commercial ».
131
Cour de cassation, Assemblée plénière, 7 décembre 2015, nº 14-18435.
132
Cass., Com., 1er mars 2016, nº 14-14.401, note Ph. SIMLER, Ph. DELEBECQUE, JCP G
2016.943 ; R. BONHOMME, Bull. Joly Entreprises en difficulté, mai 2016, p. 179 ; M. BOURASSIN,
Gaz. Pal. 7 juin 2016, p. 72 ; M.-P. DUMONT-LEFRAND, Gaz. Pal., 21 juin 2016, p. 36.
29
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133
Ordonnance nº 56-2016 du 29 janvier 2016 relative au gage des stocks.
134
TOCQUEVILLE, p. 229.
135
TOCQUEVILLE, p. 487.
136
L. JAUME, Tocqueville, op. cit., p. 93 et s. En ce sens, V. C. LEFORT, « Chapitre 10 / La
menace qui pèse sur la pensée (1997) », in Tocqueville et l’esprit de la démocratie – The
Tocqueville Review / La Revue Tocqueville, L. Guellec (dir.), coll. Références, Paris, Presses
de Sciences Po, 2005, p. 295-303, p. 296 et s. ; F. GUÉNARD, « Désir d’égalité et envie. Les
passions démocratiques dans De la démocratie en Amérique de Tocqueville », Philosophie, juin
2007, n° 2, p. 34-51, p. 36 et s.
137
L. LAVELLE, L’erreur de Narcisse (1939), s. l., Le Félin, 2015, p. 191 et s. Confer J. COURNUT,
« Les défoncés », op. cit., p. 66 et s. ; M. GAUCHET, « Conclusion », op. cit. p. 294 et s.
30
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138
F. FURET, « Le système conceptuel de la “Démocratie en Amérique” », Commentaire, 1980,
n° 12, p. 605, p. 611.
139
V. CITOT, « Pour en finir avec quelques poncifs sur l’égalité (les dangers de l’égalitarisme en
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145
Pour une plutôt analyse favorable de ce processus, v. Cohen, « Catégorie de personnes,
égalité et différenciation », ibidem, p. 101 et s. Sur un ton plus critique, V. N. SAUPHANOR-
BROUILLAUD et C. BLOUD-REY, « Catégories de personnes et droit des contrats », in
Différenciation et indifférenciation des personnes dans le code civil, op. cit., p. 157, nº 23.
146
Sur les limites de l'égalisation par la suppression de la différence de sexe, V. A. CHEYNET DE
BEAUPRÉ, « “Homme et femme il les créa” : Retours sur l’égalité dans le droit de la famille »,
Recueil Dalloz, 2008, p. 1216 et s. ; C. DUVERT, « L’homme et la femme dans le Code civil ou la
dialectique du donné et du construit », in Différenciation et indifférenciation des personnes dans
le code civil, op. cit., p. 25, nº 14 et s., spéc. nº 15. M. HAUSER indique que les personnes
homosexuelles font désormais partie d'une « “nouvelle aristocratie” du mariage » à la différence
des concubins qui sont exclus de l'adoption. V. J. HAUSER, « Le mariage asexué », Revue
trimestrielle de droit civil, 2013, p. 579 et s.
147
M. DEJOUX, « Un gouvernement rédempteur ? Les enquêtes de réparations de Louis IX
(1247-1270) », in Gouverner les hommes, gouverner les âmes : XLVIe Congrès de la SHMESP
(Montpellier, 28-31 mai 2015), coll. Histoire ancienne et médiévale, Paris, Publications de la
Sorbonne, 2016, p. 259 et s.
32
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considérer que le formalisme de légalité est issu d'une tradition utile tandis
que le formalisme de légitimité représente une contre-tradition néfaste.
« Seulement, à vrai dire, on ne peut plus alors parler proprement de
“bénéfique”, non plus que de “maléfique”, en tant que ces deux termes sont
essentiellement corrélatifs et marquent une opposition qui n'existe plus, car,
comme toute opposition, elle appartient exclusivement à un certain domaine
relatif et limité ; dès qu'elle est dépassée, il y a simplement ce qui est, et qui
ne peut pas ne pas être, ni être autre chose que ce qu'il est ; et c'est ainsi
que, s'il on veut aller jusqu'à la réalité de l'ordre le plus profond, la “fin d'un
monde” n'est jamais et ne peut jamais être autre chose que la fin d'une
illusion »148. Ces mots de René Guénon, parus en 1945, incitent à envisager
l'avenir avec lucidité et optimisme.
Cette étude relative à l'évolution du formalisme a montré que la
légitimité désignait à la fois l'élément institutionnel et l'élément spirituel sans
lequel une loi, bien que faite de manière régulière, n'est pas légitime. Cet
élément spirituel n'est pas de nature juridique. Il contribue à inscrire le droit
dans le temps. La postmodernité a instauré l'hégémonie du présent. L'État
ne peut de ce fait plus tirer sa légitimité des sources auxquelles il puisait
jusqu'alors. Il ne parvient que de manière imparfaite à fonder sa légitimité
sur la recherche d'efficacité et d'égalité, laquelle implique à son tour de
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148
R. GUÉNON, Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps (1945), Paris, Gallimard,
2015, p. 289.
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