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Technique empirique aussi vieille que l’humanité et connue de toutes les civilisations,
elle évolue sans cesse selon nos besoins, nos connaissances et nos moyens. Sa
pratique pragmatique a longtemps reposé sur des procédés locaux très efficaces ; son
évolution rationnelle a débuté vers la fin du XVIIe siècle ; à partir de la deuxième
partie du XIXe siècle, elle est progressivement devenue scientifique ; depuis, elle
navigue entre induction/expérience/probabilisme et déduction/calcul/déterminisme ;
son état actuel est un amalgame instable de ces deux points de vue.
Les principes de la géotechnique sont simples mais leur expression est compliquée,
car ils procèdent à la fois de la géologie et de la mécanique, de
l’observation/expérimentation et du calcul, du raisonnement inductif et du
raisonnement déductif. À partir du terrain, la géologie étudie la morphologie et le
comportement des géomatériaux réels, roches, sols et eau constituant le sous-sol d’un
site, qui sont tangibles, discontinus, variables, hétérogènes, anisotropes, contraints,
pesants et bien plus que cela : la nature les a faits ainsi et on ne peut que le constater.
À partir de sondages et d’essais, la géomécanique les réduit à des milieux virtuels de
modèles qui doivent être continus, immuables, homogènes, isotropes, libres, parfois
non pesants et rien que cela : le traitement mathématique l’impose. Pour passer des
premiers aux seconds, de la réalité à l’image, il suffit d’un peu d’imagination et
d’usage ; pour repasser ensuite et nécessairement des seconds aux premiers, des
échantillons au site, il faut ajouter que les géomatériaux ne sont pas désordonnés, que
leurs hétérogénéités et leurs comportements ne sont pas aléatoires, mais qu’au
contraire, ils sont structurés de façon tout à fait cohérente, ce qui ramène à la
géologie : tout résultat d’essai et de calcul géomécanique incompatible avec une
observation géologique, est inacceptable en géotechnique.
En effet, ne pas tenir compte des particularités géologiques d’un site risque
d’entraîner à plus ou moins long terme, des dommages, voire des accidents parfois
très graves au chantier et/ou à l’ouvrage : la majeure partie des dommages et accidents
géotechniques sont dus à l’inadaptation de l’ouvrage au site qui résulte de la
méconnaissance de la géologie du site et non d’erreurs de calculs géomécaniques sur
les parties d’ouvrages en relation avec le sol et le sous-sol.
Le terme
Ce terme est maintenant devenu courant dans le langage du BTP, mais son champ
n'est toujours pas fixé.
La pratique
En 1720, Bernard Forest de Belidor « démontra par l'expérience » que la poussée des
« terres ordinaires » - les remblais - au-delà de leur pente de talus naturel (qu’elles)
« prennent d'elles-mêmes » était la cause de l’instabilité des murs de soutènement.
En 1925, Terzaghi utilisa les paramètres c, φ, γ, k dans une même formule pour
modéliser le comportement mécanique et hydraulique du géomatériau, la
consolidation. Mais comme Fellenius, il dit que l’on ne pouvait pas bâtir de théorie
générale de la mécanique des sols ; il dissocia donc l’étude de la stabilité d’une
fondation de celle de son tassement, en privilégiant la seconde.
Pour calculer de la même façon la poussée des sols pulvérulents et des sols cohérents,
Rankine avait imaginé un « principe de correspondance » assimilant la cohésion à une
fonction de l’angle de frottement, ce qu’elle n’est pas comme l’avait établi Coulomb
et répété Collin ; en 1934, Caquot proposa son « théorème des états correspondants »
qui annule la cohésion par un changement d’axe dans le plan de Mohr ; cela ne résout
rien en pratique, car la pression hydrostatique équivalente que l’on introduit dans les
formules n’a pas l’effet physique de la cohésion, même si on l’assimile à une pression
latérale qui comprime un massif pulvérulent (essai triaxial).
Depuis les années 1930, la mécanique des sols classique issue de la mécanique des
remblais, celle de Coulomb qui modélise le comportement d’un milieu monophasique
seulement minéral, sans eau libre, paraphrase plus ou moins habilement les anciens en
variant les langages mathématiques. On l’adapte tant bien que mal au modèle de
Terzaghi pour le comportement d’un milieu biphasique minéral aquifère, beaucoup
plus réaliste.
Dans les années 1950 et 1960, deux écoles se sont développées en Europe. Elles
proposaient des théories spécifiques, s’appuyant sur des résultats d’essais in situ dont
les principes sont très anciens, mais dont les techniques ont progressé. D'un côté, le
recours au pénétromètre statique aux Pays-Bas, en Belgique et dans le nord de la
France (Buisman (nl), De Beer (de)) ; de l'autre, l'usage du pressiomètre ou
dilatomètre en France (Ménard, Mazier). Pour justifier l’emploi du pressiomètre,
Louis Ménard a développé une théorie qui permet d’aborder l’étude des déformations
du géomatériau meuble ou rocheux, selon la relation classique de la rhéologie,
contrainte/déformation : on définit expérimentalement un domaine de déformations
élastiques et un module, un domaine de déformations plastiques et un point de
rupture ; ainsi, les études conjointes de stabilité et de tassement deviennent
théoriquement possibles ; en fait, elles ne le sont pas vraiment puisque l’on utilise
d’abord la pression limite, critère de plasticité, pour définir la stabilité et ensuite le
module, critère d’élasticité, pour calculer le tassement.
La tendance a longtemps été soit d’essayer une synthèse entre la mécanique des sols
classique, l’école du pénétromètre et celle du pressiomètre (Maurice Cassan, Guy
Sanglerat, Jean Nuyens…), soit d’exploiter à fond, au moyen de l’ordinateur, les
possibilités d’une part de la théorie de Joseph Boussinesq et de l’élasticité linéaire
pour résoudre les problèmes de tassements, et d’autre part de la loi de Coulomb et de
la théorie de la plasticité pour résoudre les problèmes de stabilité (approche dite de
« l'école de Grenoble ») ; on profitait alors de la puissance de l’ordinateur pour
résoudre de vieux problèmes en procédant à des calculs impossibles avec du papier et
un crayon ; depuis, on a systématisé l’informatisation des modèles pour pousser dans
ses derniers retranchements la conception traditionnelle. La conception de Ménard est
considérée par certains géotechniciens comme particulièrement solide et fructueuse,
méritant un approfondissement théorique et expérimental.
Durant les années 1930, mais surtout à partir des années 1940, la réalisation des
grands aménagements hydroélectriques, barrages en béton et galeries, conduisit à
adapter plus ou moins fidèlement la mécanique des sols à l’étude mécanique des
roches en les séparant formellement - mécanique des sols au bâtiment, mécanique des
roches aux grands travaux ; elle s’est récemment développée de façon autonome,
essentiellement grâce à l’informatique.
La géophysique
L’hydraulique souterraine
La loi de Darcy a été exprimée en 1856 ; elle rend compte de l’écoulement de l’eau
souterraine sous faible gradient et en régime sensiblement permanent. La théorie
générale de l’écoulement laminaire en régime permanent a été présentée en 1863 par
Dupuit, à propos de la tranchée drainante. En 1880, à la suite de la ruine du barrage de
Bouzey, Dumas définit la sous-pression, pression hydrostatique de l’eau souterraine
sous les ouvrages enterrés. En 1906, Thiem a permis de tenir compte des conditions
aux limites d’une nappe aquifère en régime d’écoulement permanent.
Les sondages
La géologie du BTP
Les disciplines
Les disciplines scientifiques sur lesquelles est fondée la géotechnique sont la
géologie, son outil d’observation, de modélisation et de synthèse analogiques, et la
géomécanique, son outil d’expérimentation, de modélisation et de résultats
numériques. Elles sont indépendantes et ont des bases théoriques différentes ; mais
par un usage pratique commun, elles sont également nécessaires et complémentaires
en géotechnique et doivent être rapprochées de façon concordante.
Les disciplines pratiques sur lesquelles la géotechnique est fondée sont les techniques
du BTP et l’informatique.
Géologie
Géomécanique
Son but est de poser les problèmes types de la géotechnique - stabilité d’un talus
naturel, de remblais ou de déblais, d’une excavation souterraine, d’un soutènement ;
rupture et/ou tassement de fondation ; débit de puits, épuisement de fouille,
drainage… - et de les résoudre par le calcul, au moyen de modèles schématiques de
formes et de comportements de milieux virtuels, images de géomatériaux réels. Ces
milieux sont représentés par des formes géométriques simples (deux dimensions,
droites, cercles…) fixant les conditions initiales et aux limites minimales qu’imposent
les résolutions mathématiques des problèmes posés : les comportements modélisés
sont schématiques et figés, régis par des "lois" déterministes ; à une seule et même
cause correspond toujours strictement un seul et même effet. Les paramètres des
modèles mathématiques sont mesurés ponctuellement lors d’essais in situ -
pénétromètre, pressiomètre… ou au laboratoire sur des échantillons prélevés par
sondages mécaniques - œdomètre, triaxial…
Les lois fondamentales de la géomécanique.
Sols et roches
La mécanique des roches est une adaptation de la mécanique des sols pour étudier des
ouvrages à l’échelle de grands massifs profonds – barrages, galeries… ; sa méthode
actuelle consiste à établir des modèles de formes numériques plus ou moins
compliqués du massif selon la nature et la densité de sa fissuration et à les manipuler
en appliquant les lois de Hooke et/ou de Coulomb aux éléments et/ou à leurs
frontières définis par divers codes de modélisation – éléments finis (FEM),
différences finies (FDM), éléments distincts (DEM), éléments aux limites (BEM) -
plus ou moins adaptés aux cas étudiés, de façon à schématiser leurs déformations
internes et/ou leurs déplacements relatifs ; on essaie ainsi d’atteindre la déformation
globale du massif modélisé, sous l’effet d’efforts spécifiques, généralement des
charges de fondations ou des relaxations de contraintes autour d’excavations
existantes ou à créer.
Sismique
Hydraulique souterraine
Le calcul géomécanique
Il est nécessaire de contrôler les résultats que l’on obtient ainsi : on pose le problème,
on dégrossit la solution avec les formules simples et les abaques ou les formules
intermédiaires programmées, on calcule avec les logiciels et on valide ou on modifie.
Une démarche analogue est évidemment nécessaire si l’on utilise un procédé
numérique, éléments finis (FEM) le plus souvent, pour résoudre un problème
compliqué.
L’informatique
Le géotechnicien
Terzaghi, lui-même ingénieur mécanicien, décrivait le géotechnicien idéal comme un
géologue qui serait aussi mécanicien du sol ; Cambefort ajoutait qu’il devait de plus,
être ingénieur de génie civil et ingénieur de sondage ; Martin complétait par
hydraulicien, géophysicien, informaticien et même juriste et commerçant. Il s’agit
évidemment d’un chef de projet expérimenté, animateur responsable d’une équipe
plus ou moins grande selon l’importance de l’étude qui lui est confiée.
La plupart des bureaux d’études de sol français sont membres de l’Union syndicale
géotechnique.
Mission
La mission du géotechnicien est de réaliser l’étude dont les constructeurs ont besoin
pour projeter et réaliser leur opération ; elle consiste à recueillir et interpréter les
données géotechniques, structure du site, caractéristiques des matériaux, existence
d’aléas géologiques, prévision de comportement de l’ensemble site/ouvrage, afin d’en
tirer des résultats pratiques pour le projet, le chantier et l’ouvrage… ; successivement
ou simultanément prospecteur, ingénieur, prévisionniste, il exerce son art en
s’appuyant sur son expérience. Il doit évidemment établir le programme de l’étude
dont il est chargé et maîtriser la mise en œuvre des moyens nécessaires à sa
réalisation. Le travail de documentation, de télédétection et de lever de terrain lui
incombe toujours ; s’il dispose de collaborateurs et de moyens adéquats, il peut aussi
mettre en œuvre lui-même les techniques de mesures qui lui sont nécessaires,
géophysique, sondages, essais… ; sinon, il en confie la mise en œuvre à des sous-
traitants spécialistes, mais il assure toujours l’organisation et la coordination
d’ensemble, et l’interprétation des résultats intermédiaires ; il en réalise ensuite la
synthèse, base des calculs qui conduisent à son interprétation finale.
Responsabilité
L'étude géotechnique
L’étude géotechnique est une opération compliquée dont dépend en grande partie la
qualité de l’ouvrage concerné. Sa démarche générale consiste d’abord à bâtir le
modèle structural du site, ensuite à caractériser et étudier les phénomènes naturels et
induits dont il est puis sera le siège et enfin à proposer des solutions pratiques aux
problèmes géotechniques que pose l’adaptation spécifique de l’ouvrage au site.
Son but est de fournir, autant que faire se peut au maître d’ouvrage et aux
constructeurs, des renseignements pratiques, fiables et directement utilisables sur la
nature et le comportement du site dans lequel il sera construit, afin qu’ils puissent
définir et justifier les solutions techniques qu’ils devront concevoir, adopter et mettre
en œuvre pour réaliser leur ouvrage en toute sécurité et à moindre coût.
Chaque site et éventuellement chaque ouvrage dans un même site, doit être étudié
spécifiquement, selon un programme adapté à chaque étape de l’étude et
éventuellement même, susceptible d’être modifié à tout moment en fonction des
résultats obtenus, en mettant en œuvre les moyens qui fourniront à meilleur compte
les renseignements nécessaires et suffisants les plus pertinents. Chaque moyen -
documentation, levé géologique, télédétection, géophysique, sondages, essais de
terrain et de laboratoire, informatique… a sa valeur et ses limites ; aucun n’est inutile,
mais aucun n’est universel. Pour chaque type d’ouvrage, à chaque étape de l’étude,
employer ceux qui lui sont les mieux adaptés, conduit à une meilleure précision de
résultats et à d’appréciables économies de temps et d’argent.
Les étapes de l’étude
Le décret du 1/12/93 (loi MOP du 13/7/85) en a plus ou moins modifié la forme sans
en changer le fond.
Ces nomenclatures et quelques autres appellent différemment les étapes et leur fixent
des limites plus ou moins différentes, sans trop modifier la progression ordonnée de
l’étude.
La nomenclature APS, APD, STD, DCE, CGT et RDT du décret du 2/2/73 est passée
dans le langage courant du BTP ; c’est la plus claire et la plus pratique pour définir
étape par étape, la démarche générale de l’étude géotechnique d’un grand
aménagement ; celle de l’étude géotechnique d’un ouvrage isolé peut être simplifiée,
mais il est nécessaire de respecter le cheminement par étapes successives en allégeant
éventuellement les moyens de chacune : limiter une telle étude au niveau des STD
n’exclut pas qu’il faille définir et caractériser le site pour que l’ouvrage lui soit
correctement adapté ; un APS et un APD abrégés sont donc toujours indiqués.
Étude générale du site et de ses abords pour en définir les caractères géotechniques
principaux et esquisser les grandes lignes de l'adaptation du projet au site.
Étude détaillée du site, permettant d'y limiter et d'y caractériser géotechniquement les
zones dans lesquelles les méthodes de terrassements et les modes de fondations seront
analogues.
Loi MOP : parties d’ "Assistance au maître d’ouvrage pour la passation des contrats
de travaux" - Norme NF P 94-500 : G3 – EXE - "Exécution".
Éviter l’accident
Le bon entretien d’un ouvrage n’est pas une mission normalisée. Or, durant la vie de
l’ouvrage, le géotechnicien pourrait être amené à intervenir pour étudier le
comportement de l’ensemble site/ouvrage, expliquer un dommage, en permettre la
réparation immédiate et peu onéreuse ou même éviter la ruine.
Pour des raisons de budget, de délais mais surtout par essence des problèmes
d’adaptation site/ouvrage, on ne peut pas obtenir un résultat géotechnique
indiscutable ; quoi que l’on fasse, on ne peut pas connaître la structure et le
comportement du sous-sol d’un aménagement à la précision de l’étude technique du
projet et à celle des exigences de construction : ils sont beaucoup plus compliqués que
les modèles dont on dispose et les résultats numériques des calculs de géomécanique
sont des ordres de grandeur qu’il faut tempérer par un "coefficient de sécurité" ; c’est
donc en prévisionniste que le géotechnicien doit se comporter pour présenter les
résultats pratiques d’une étude dont la précision est toujours relative.
Les aménagements sont des opérations occupant des surfaces plus ou moins étendues
et comportant plusieurs ouvrages analogues ou différents : Zones urbaines,
industrielles (surface, souterrain) ; Aérodromes ; Aménagements « linéaires »
(canalisations, routes, voies ferrées, canaux, cours d’eau, rivages marins) ; Champs de
captages…
Les ouvrages
Les travaux
Quand l’étude du projet d’un ouvrage est achevée, on définit les travaux d’exécution
de ses parties en relation avec le sol et le sous-sol du site - Terrassements ;
Fondations ; Drainages ; Captages d’eau souterraine. Ces travaux permettent
d’adapter l’ouvrage au site en terrassant son emplacement, éventuellement en y
corrigeant des caractères naturels gênants et/ou en y prévenant les effets de
phénomènes naturels dommageables, en établissant ses fondations… ; cela peut se
faire sur la base des études de l’ouvrage, mais la préparation des travaux et leur suivi
géotechnique évitent les négligences et/ou les erreurs d’interprétation d’études à
l’origine de la plupart des difficultés de chantier et facilitent leur adaptation à
d’éventuels imprévus, à des situations compliqués… nécessitant des compléments
d’étude spécifiques, notamment pour l’interprétation d’éventuels incidents ou
accidents de chantier puis pour la définition et l’application des remèdes à leur
apporter.
Selon les lieux et les circonstances, l’effet pervers non pris en compte dans l’étude
d’un aménagement, d’un ouvrage, d’un chantier sur le voisinage et/ou
l’environnement, l’effet pernicieux d’un événement intempestif – l’aléa - naturel,
séisme, inondation… ou induit, tassement, glissement, pollution…, imprévu ou mal
prévenu sont des dangers que courent de nombreux aménagements, ouvrages et leurs
alentours, en raison de leurs inadaptations à leurs sites – vulnérabilité - et/ou aux
circonstances. L’expression de ce danger est la dérive économique, le
dysfonctionnement, le dommage, l’accident, la ruine, la catastrophe : le séisme abat
l’immeuble, la tempête détruit la digue, la crue emporte le pont, inonde le lotissement,
le pavillon fissure sous l’effet de la sécheresse, les caves sont périodiquement
inondées, l’immeuble voisin d’une fouille fissure et/ou s’affaisse, la paroi moulée
s’abat, le remblai flue, la chaussée gondole, le talus de la tranchée routière s’éboule
lors d’un orage, le mur de soutènement s’écroule, le groupe de silos ou le réservoir
s’incline, le barrage fuit ou cède, le sol industriel et/ou la nappe aquifère sont pollués,
la ville manque d’eau en période d’étiage, le coût de l’ouvrage en construction
s’envole en raison d’un aléa géologique réel ou non…, on en passe et de pires. Un
livre entier ne suffirait pas à énumérer les accidents géotechniques majeurs ou
mineurs, passés, présents ou futurs.
Les causes humaines des accidents géotechniques sont souvent nombreuses mais
l’une d’elles est généralement déterminante : - étude géotechnique absente,
insuffisante, erronée, mal interprétée - vice ou modification inadéquate d’usage :
implantation irréfléchie, conception inadaptée, mise en œuvre défectueuse,
malfaçons… - actions extérieures : phénomènes naturels, travaux voisins… Mais
beaucoup plus que techniques, les causes effectives sont comportementales :
économies abusives, ignorance, incompétence, négligence, laxisme…
Économie
La géotechnique pratique est un marché dont le produit est l’étude qu’un maître
d’ouvrage achète à un géotechnicien pour savoir dans quelles conditions l’ouvrage
qu’il projette pourra être adapté au site dont il dispose pour le construire. C’est une
opération commerciale composée en grande partie de prestations matérielles, de loin
les plus onéreuses, – sondages, essais, informatique – et en très faible partie d’une
prestation intellectuelle qui est pourtant la principale. Elle est risquée pour le maître
d’ouvrage qui ne peut pas comparer concrètement les proposions des géotechniciens
qu’il consulte ; il détermine généralement son choix sur le prix d’une proposition
commerciale, pas sur la qualité du produit dont il ignore s’il sera bon quand il le
commande et même s’il sera bon au moment où il le paiera ; sur un site et pour un
ouvrage donnés, il peut comparer plusieurs propositions techniques et financières,
mais il ne peut pas commander plusieurs études pour confronter leurs résultats.
Sauf dans le cas de grands aménagements et ouvrages très complexes et/ou très
dangereux, le coût d’une étude géotechnique est marginal, négligeable, comparé au
coût de l’ouvrage qui la motive. Or dans tous les cas, les conséquences financières
d’une étude géotechnique douteuse, erronée, mal interprétée, négligée…,
l’insuffisance ou même l’absence d’étude peuvent avoir de graves conséquences
financières. Si l’on s’en aperçoit lors de l’étude du projet, on doit la compléter, en
faire une autre ou même en faire une ; le surcoût géotechnique est alors limité. Mais,
il n’est pas rare que l’on s’aperçoive que l’étude géotechnique est défectueuse lors de
la construction de l’ouvrage ; les cas les plus classiques sont les erreurs de définition
ou de calage de fondations, de stabilité de talus ou de parois, de débit de fouille… ; il
faut alors arrêter le chantier, trouver et étudier une solution de remplacement,
modifier l’ouvrage et sa construction… ; cela entraîne évidemment des surcoûts et des
allongements de délais de construction qui peuvent être très élevés.
Toutefois, il ne faut pas tomber dans l’excès contraire et, sous prétexte de coût
marginal, surpayer une étude pour éviter tout risque : les résultats obtenus lors des
premières étapes d’une étude sont les plus importants ; ceux que l’on obtient ensuite
sont complémentaires ou même font souvent double emploi avec ceux que l’on
connaît déjà. L’intérêt pratique d’une étude devient de plus en plus mince à mesure
qu’elle se précise et le rapport précision/coût ou intérêt pratique, tend très vite vers
une valeur asymptotique. Il est donc souhaitable de contrôler constamment son
déroulement, de façon à pouvoir l’arrêter à temps, à l’optimum de son intérêt. Ainsi,
le maître d’ouvrage et les constructeurs ne seront pas tentés de la considérer comme
une stérile obligation technique ou morale et apprécieront tout le bien-fondé de la
démarche qui les a conduits à la faire entreprendre.
Droit
La précision relative d’une étude géotechnique ne permet pas d’atteindre la certitude
qu’exige le droit pour lequel il importe de ne rien laisser au hasard et de ne prendre
aucun risque. Elle aide seulement à estimer la probabilité des corrélations d’un fait
géotechnique et de ses causes ou de ses conséquences supposées et à obtenir des
résultats plus ou moins convenables selon la difficulté du projet, la complexité du site,
l’état des connaissances technico-scientifiques du moment et l’étape de l’étude à
laquelle la mission du géotechnicien est limitée ; la sécurité absolue qui correspond à
la probabilité rigoureusement nulle de voir se produire un dommage à l’ouvrage ou un
accident est une vue de l’esprit.
En France, selon l’article 1792 du Code Civil - loi Spinetta et Code des assurances - :
Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou
l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui
compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ces éléments
constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa
destination.
En cas de dommages au gros œuvre d’un bâtiment, et maintenant de plus en plus d’un
ouvrage quelconque, sans même vérifier s’ils affectent sa solidité et le rendent
impropre à sa destination, conditions d’application de la loi, on évoque, souvent a
priori, un défaut de fondation résultant d’un "vice du sol", alors qu’ils résultent
presque toujours de défauts techniques et/ou constructifs.
Le « vice du sol » est un concept juridique non défini, dont on fait souvent une notion
technique pour reprocher au géotechnicien de l’avoir négligé.
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Notes et références
Notes
1. ↑ par exemple plus en aval, le pont de Tancarville est fondé sur des pieux en
béton ancrés dans le même cailloutis
Références
Article connexe
Pierre Martin (géotechnicien)
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Géotechnique
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Géologie
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