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Géotechnique

Dans le groupe des géosciences, la géotechnique est la technoscience consacrée à


l’étude pratique de la subsurface terrestre sur laquelle notre action directe est possible
pour son aménagement et/ou son exploitation, lors d’opérations de BTP (génie civil,
bâtiment, carrières), de gestion des eaux souterraines (exploitation, drainage) et de
prévention des risques naturels.

Dans la pratique actuelle, il est indispensable d’y recourir lors de l’étude, la


construction, la maintenance et la réparation de tous types d’aménagements et
d’ouvrages - routes, voies ferrées, canaux, aménagements de montagne, de cours
d’eau, de littoraux, ponts et viaducs, tunnels, barrages, puits et forages, carrières,
immeubles…, l’exécution de tous types de travaux - terrassements, fondations,
drainage… dans tous types de sites - terrestres, fluviaux et maritimes, libres ou
occupés.

Technique empirique aussi vieille que l’humanité et connue de toutes les civilisations,
elle évolue sans cesse selon nos besoins, nos connaissances et nos moyens. Sa
pratique pragmatique a longtemps reposé sur des procédés locaux très efficaces ; son
évolution rationnelle a débuté vers la fin du XVIIe siècle ; à partir de la deuxième
partie du XIXe siècle, elle est progressivement devenue scientifique ; depuis, elle
navigue entre induction/expérience/probabilisme et déduction/calcul/déterminisme ;
son état actuel est un amalgame instable de ces deux points de vue.

Comme science, elle ressortit autant à la géologie (pétrographie, géologie structurale,


géomorphologie, géodynamique, hydrogéologie) qu’à la géomécanique (mécanique
des sols, mécanique des roches, sismique, hydraulique souterraine). Comme
technique, elle ressortit à l’art de la construction - techniques du BTP - (architecture,
ingénierie, travaux, maintenance, réparation) pour la mise en œuvre du sous-sol
(terrassement, soutènement, drainage, fondation…).

Les principes de la géotechnique sont simples mais leur expression est compliquée,
car ils procèdent à la fois de la géologie et de la mécanique, de
l’observation/expérimentation et du calcul, du raisonnement inductif et du
raisonnement déductif. À partir du terrain, la géologie étudie la morphologie et le
comportement des géomatériaux réels, roches, sols et eau constituant le sous-sol d’un
site, qui sont tangibles, discontinus, variables, hétérogènes, anisotropes, contraints,
pesants et bien plus que cela : la nature les a faits ainsi et on ne peut que le constater.
À partir de sondages et d’essais, la géomécanique les réduit à des milieux virtuels de
modèles qui doivent être continus, immuables, homogènes, isotropes, libres, parfois
non pesants et rien que cela : le traitement mathématique l’impose. Pour passer des
premiers aux seconds, de la réalité à l’image, il suffit d’un peu d’imagination et
d’usage ; pour repasser ensuite et nécessairement des seconds aux premiers, des
échantillons au site, il faut ajouter que les géomatériaux ne sont pas désordonnés, que
leurs hétérogénéités et leurs comportements ne sont pas aléatoires, mais qu’au
contraire, ils sont structurés de façon tout à fait cohérente, ce qui ramène à la
géologie : tout résultat d’essai et de calcul géomécanique incompatible avec une
observation géologique, est inacceptable en géotechnique.
En effet, ne pas tenir compte des particularités géologiques d’un site risque
d’entraîner à plus ou moins long terme, des dommages, voire des accidents parfois
très graves au chantier et/ou à l’ouvrage : la majeure partie des dommages et accidents
géotechniques sont dus à l’inadaptation de l’ouvrage au site qui résulte de la
méconnaissance de la géologie du site et non d’erreurs de calculs géomécaniques sur
les parties d’ouvrages en relation avec le sol et le sous-sol.

Talus de déblais routier – alternance marno-calcaire subverticale.

Le barrage de Serre Ponçon sur la Durance - Vue générale - Profils en travers et en


long

Les ruines du barrage de Malpasset vues de l’aval – Coupe du dièdre de failles


défaillant, cause naturelle de la catastrophe, avec la crue du Reyran, le 2/12/1959,
événement déclenchant.

Autoroute A40 - Nantua - viaduc en encorbellement sur chaos d'écroulement de


falaise.

Autoroute A75 - Viaduc de Millau - géologique et géotechnique


Sommaire
 1 Histoire
o 1.1 Le terme
o 1.2 La pratique
 1.2.1 La mécanique des remblais
 1.2.2 La mécanique des sols
 1.2.3 La mécanique des roches
 1.2.4 La géophysique
 1.2.5 L’hydraulique souterraine
 1.2.6 Les sondages
 1.2.7 La géologie du BTP
 2 Les disciplines
o 2.1 Géologie
o 2.2 Géomécanique
 2.2.1 Sols et roches
 2.2.2 Mécanique des sols
 2.2.3 Mécanique des roches
 2.2.4 Sismique
 2.2.5 Hydraulique souterraine
 2.2.6 Le calcul géomécanique
o 2.3 Les techniques du BTP
o 2.4 L’informatique
 3 Le géotechnicien
o 3.1 Mission
o 3.2 Responsabilité
 4 L'étude géotechnique
o 4.1 Les moyens de l’étude
o 4.2 Les étapes de l’étude
 4.2.1 Avant projet sommaire (APS)
 4.2.2 Avant projet détaillé (APD)
 4.2.3 Spécifications techniques détaillées (STD)
 4.2.4 Dossier de consultation des entreprises (DCE)
 4.2.5 Contrôle général des travaux (CGT)
 4.2.6 Réception des travaux (RDT)
 4.2.7 Éviter l’accident
o 4.3 Qualité du résultat de l’étude
 5 Les applications de la géotechnique
o 5.1 Les aménagements
o 5.2 Les ouvrages
o 5.3 Les travaux
 6 Les risques géotechniques
 7 Économie
 8 Droit
 9 Bibliographie
 10 Notes et références
o 10.1 Notes
o 10.2 Références
 11 Article connexe
Histoire
Dans sa forme empirique pratique, on a fait de la géotechnique bien avant qu’on la
désigne et qu’on la définisse.

Le terme

Le terme de « géotechnique » est attesté pour la première fois à la fin du XIXe siècle,


peut-être dans sa version anglaise, « geotechnics », ou française, « géotechnique »,
sans doute dans la désignation de la « Commission suisse de géotechnique », créée en
1899, rattachée à l’Académie suisse des sciences naturelles en 1909 ; jusqu’à sa
dissolution en 2005, il y avait aussi un « Institut géotechnique d’État » belge. Le mot
désignait alors l’ensemble des applications des géosciences, avec une connotation
clairement géologique en Suisse. Dès le début du XXe siècle, il était tombé en
désuétude partout ailleurs, sans doute à cause de la dichotomie entre d’une part
géologie de l’ingénieur — « Ingenieurgeologie », « engineering geology » — et
d’autre part mécanique des sols — « Erdbaumechanik », « soil mechanics » pour la
science et « soil engineering » pour la technique. Terzaghi utilisa d’abord
« Erdbaumechanik » pour titre de son ouvrage fondateur1 comme synonyme de « soil
engineering », il a ensuite appelé Géotechnique la revue de langue anglaise -
maintenant éditée par l'Institution of Civil Engineers à Londres - qui a perdu l’accent
sur le e mais a conservé la désinence que ; il a finalement abandonné le terme pour
Soil Mechanics in Engineering Practice, titre de l’un de ses derniers ouvrages2.

En France, Maurice Buisson exhuma sans lendemain le terme dans le sens de


mécanique des sols appliquée, pour titre de son ouvrage en deux tomes dont il ne
publia que le premier, Essai de géotechnique – 1. Caractères physiques et mécaniques
des sols3, avec une connotation clairement mécanique des sols. En 1962, au début de
la construction systématique des autoroutes françaises, Pierre Martin a créé le
« Bureau d’Études Géotechniques », raison sociale de société anonyme et marque
commerciale, expression qui est maintenant devenue générique. Sans doute pour cela,
le terme « géotechnique », attesté en français vers 1960, figure depuis une quarantaine
d’années dans les dictionnaires de français. Dans le courant des années 1970, il a été
consacré par la création de l’Union syndicale géotechnique à connotation nettement
géomécanique et l’établissement de « Listes départementales de géotechniciens agréés
en matière de mouvements du sol et du sous-sol » à connotation plutôt géologie de
l’ingénieur.

Ce terme est maintenant devenu courant dans le langage du BTP, mais son champ
n'est toujours pas fixé.

La pratique

Ramasser un galet de silex et le casser pour en faire un chopper, chercher, choisir et


aménager une grotte pour l’habiter, exploiter une carrière de silex, construire une cité
lacustre, ériger un mégalithe… étaient des activités « géotechniques » que les
hommes préhistoriques exerçaient efficacement. Les anciens Chinois, Grecs,
Amérindiens… construisaient parasismique aussi efficacement.
Durant l’Antiquité, les Mésopotamiens, Égyptiens, Bretons, Grecs, Romains, Andins,
Chinois, Hindous… ont construit leurs bâtiments, routes, canaux, ponts… en utilisant
des « (géo)techniques » empiriques, sans cesse améliorées, comme celle commune à
tous qui consiste à adapter la charge appliquée par l’ouvrage à la capacité portante de
son géomatériau d’assise, en jouant sur les dimensions et la profondeur d’ancrage des
fondations ; on fait toujours ainsiN 1. Darius Ier décrit cette technique dans la dédicace
de son palais de Suse ; Vitruve la conseillait aux constructeurs romains ; deux
Évangiles disent qu’au bord d’un torrent à crues, l’homme prudent établit les
fondations de sa maison en creusant jusqu’au roc, alors que le fou construit sur le
sable…

Au Moyen Âge, il y avait d’habiles « (géo)techniciens » pour construire dans les


lagunes, les deltas, les plaines alluviales… sur des matériaux peu consolidés,
incapables de supporter de lourds édifices sans aménagements et facilement modifiés
par des phénomènes géodynamiques actuels, crues, marées, tempêtes… auxquels ces
sites sont fréquemment exposés : Notre-Dame de Paris est construite sur une forêt de
pieux en bois, longs de quelques mètres, qui traversent la couche de limon meuble
superficiel, pour s’ancrer dans le cailloutis compact sous-jacent des alluvions de la
Seine ; plus en aval par exemple, le pont de Tancarville est fondé sur pieux en béton
ancrés dans le même cailloutis. Depuis le IXe siècle, les Vénitiens occupent un site
particulièrement ingrat d'un point de vue géotechnique, une lagune dont le sous-sol
s’affaisse en permanence, ce qui impose de tout y construire sur « fondations
spéciales ». L’actuelle école géotechnique néerlandaise est directement issue des
efforts séculaires qu’ont dû prodiguer les Frisons pour aménager leur province sans
cesse disputée à la mer. L'Autrichien Terzaghi avait appris de ses prédécesseurs
comment bien construire sur les alluvions argileuses compressibles de la vallée du
Danube…

Durant le XVIIe siècle, la défense des places fortes confrontées à la puissance de


l’artillerie a obligé les ingénieurs militaires à construire des remparts de plus en plus
hauts et épais en terre perreyée ; pour cela, Vauban fit établir et diffuser par l’abbé
Duroi, des règles empiriques de stabilité des remblais et des murs de soutènement4,5 ;
on le considère ainsi abusivement comme l’initiateur de la mécanique des sols qui,
pour encore deux siècles, sera une mécanique des remblais empirique.

Certaines planches de l’Encyclopédie montrent les fondations sur pieux en bois de


bâtiments construits en bordure de cours d’eau.

La mécanique des remblais


Les équilibres plastiques.

En 1720, Bernard Forest de Belidor « démontra par l'expérience » que la poussée des
« terres ordinaires » - les remblais - au-delà de leur pente de talus naturel (qu’elles)
« prennent d'elles-mêmes » était la cause de l’instabilité des murs de soutènement.

En 1727, Couplet calcula empiriquement la poussée de ce coin de remblai limité par


une surface de rupture plane.

En 1773, Coulomb assimila la condition de stabilité de ce coin de poussée à celle


d’une charge sur un plan incliné dont il avait établi la loi pour rationaliser le charroi
d’artillerie ; il définit clairement la cohésion et l’angle de frottement d’un remblai, et
établit la loi de leurs relations à la base de la mécanique des remblais qui deviendra la
mécanique des sols. La géomécanique entrait ainsi dans sa phase scientifique, mais les
difficultés des calculs d’application le conduisirent à négliger la cohésion et à ne
retenir que le plan comme surface de glissement en faisant remarquer qu’ainsi, on
agissait dans le sens de la sécurité - « pour la facilité de ses applications à la
pratique ». Son essai Sur une application des règles de maximis et de minimis à
quelques problèmes de statique, relatifs à l'architecture, était « destiné à déterminer,
autant que le mélange du calcul et de la physique peuvent le permettre, l'influence du
frottement et de la cohésion dans quelques problèmes de statique ».

En 1846, Collin (de) rappela à propos de barrages en terre et de remblais de canaux et


chemins de fer, que la cohésion est indépendante de l’angle de frottement et dit
qu’elle est fonction de la compacité et de la teneur en eau du matériau ; il établit aussi
que la courbe de glissement rotationnel d’un remblai la plus proche de la réalité, est à
peu près l’arc de cycloïde, de moins en moins pentu d’amont en aval, mais les
difficultés des calculs pratiques obligeaient toujours à s’en tenir à l’angle de
frottement et au plan.

La mécanique des sols

Vers la fin du XIXe siècle, la mécanique des remblais s’est progressivement étendue


aux géomatériaux meubles, les sols, car on ne disposait pas de théorie spécifique pour
calculer les fondations d’ouvrages construits sur eux. Rankine, Levy, Boussinesq,
Massau et d’autres ne niaient pas la cohésion, mais en sous-estimant son rôle, ils
négligeaient ce paramètre malcommode à utiliser dans les calculs linéaires - une
variable et une constante - , une « constante » des plus variables.
Au début du XXe siècle, Hultin (sv), Petterson et Fellenius (sv) ont adopté l’arc de
cercle comme ligne de glissement. En 1910, Résal ne négligeait plus la cohésion, mais
l'escamotait car le calcul analytique n’aime pas cette « constante ».

L’estimation de la contrainte admissible pour une fondation superficielle s’est


successivement perfectionnée depuis Rankine en 1915 jusqu'à Terzaghi, en passant
par Prandtl, Fellenius, Skempton (en)… Vers 1920, Frontard (de) confirma l’arc de
cycloïde comme ligne de glissement, mais pour simplifier les calculs, on lui préfèra
l’arc de spirale logarithmique ou de cercle, selon que l’on travaille sur la butée ou la
poussée des sols.

En 1925, Terzaghi utilisa les paramètres c, φ, γ, k dans une même formule pour
modéliser le comportement mécanique et hydraulique du géomatériau, la
consolidation. Mais comme Fellenius, il dit que l’on ne pouvait pas bâtir de théorie
générale de la mécanique des sols ; il dissocia donc l’étude de la stabilité d’une
fondation de celle de son tassement, en privilégiant la seconde.

Pour calculer de la même façon la poussée des sols pulvérulents et des sols cohérents,
Rankine avait imaginé un « principe de correspondance » assimilant la cohésion à une
fonction de l’angle de frottement, ce qu’elle n’est pas comme l’avait établi Coulomb
et répété Collin ; en 1934, Caquot proposa son « théorème des états correspondants »
qui annule la cohésion par un changement d’axe dans le plan de Mohr ; cela ne résout
rien en pratique, car la pression hydrostatique équivalente que l’on introduit dans les
formules n’a pas l’effet physique de la cohésion, même si on l’assimile à une pression
latérale qui comprime un massif pulvérulent (essai triaxial).

Depuis les années 1930, la mécanique des sols classique issue de la mécanique des
remblais, celle de Coulomb qui modélise le comportement d’un milieu monophasique
seulement minéral, sans eau libre, paraphrase plus ou moins habilement les anciens en
variant les langages mathématiques. On l’adapte tant bien que mal au modèle de
Terzaghi pour le comportement d’un milieu biphasique minéral aquifère, beaucoup
plus réaliste.

Dans les années 1950 et 1960, deux écoles se sont développées en Europe. Elles
proposaient des théories spécifiques, s’appuyant sur des résultats d’essais in situ dont
les principes sont très anciens, mais dont les techniques ont progressé. D'un côté, le
recours au pénétromètre statique aux Pays-Bas, en Belgique et dans le nord de la
France (Buisman (nl), De Beer (de)) ; de l'autre, l'usage du pressiomètre ou
dilatomètre en France (Ménard, Mazier). Pour justifier l’emploi du pressiomètre,
Louis Ménard a développé une théorie qui permet d’aborder l’étude des déformations
du géomatériau meuble ou rocheux, selon la relation classique de la rhéologie,
contrainte/déformation : on définit expérimentalement un domaine de déformations
élastiques et un module, un domaine de déformations plastiques et un point de
rupture ; ainsi, les études conjointes de stabilité et de tassement deviennent
théoriquement possibles ; en fait, elles ne le sont pas vraiment puisque l’on utilise
d’abord la pression limite, critère de plasticité, pour définir la stabilité et ensuite le
module, critère d’élasticité, pour calculer le tassement.

La tendance a longtemps été soit d’essayer une synthèse entre la mécanique des sols
classique, l’école du pénétromètre et celle du pressiomètre (Maurice Cassan, Guy
Sanglerat, Jean Nuyens…), soit d’exploiter à fond, au moyen de l’ordinateur, les
possibilités d’une part de la théorie de Joseph Boussinesq et de l’élasticité linéaire
pour résoudre les problèmes de tassements, et d’autre part de la loi de Coulomb et de
la théorie de la plasticité pour résoudre les problèmes de stabilité (approche dite de
« l'école de Grenoble ») ; on profitait alors de la puissance de l’ordinateur pour
résoudre de vieux problèmes en procédant à des calculs impossibles avec du papier et
un crayon ; depuis, on a systématisé l’informatisation des modèles pour pousser dans
ses derniers retranchements la conception traditionnelle. La conception de Ménard est
considérée par certains géotechniciens comme particulièrement solide et fructueuse,
méritant un approfondissement théorique et expérimental.

La mécanique des roches

Durant les années 1930, mais surtout à partir des années 1940, la réalisation des
grands aménagements hydroélectriques, barrages en béton et galeries, conduisit à
adapter plus ou moins fidèlement la mécanique des sols à l’étude mécanique des
roches en les séparant formellement - mécanique des sols au bâtiment, mécanique des
roches aux grands travaux ; elle s’est récemment développée de façon autonome,
essentiellement grâce à l’informatique.

La géophysique

La géophysique appliquée à la prospection pétrolière a été créée par les Schlumberger


en 1920. Durant les années 1950, l’électronique a permis de miniaturiser les appareils
et de simplifier les procédés pour les adapter au BTP. L’informatique et le traitement
numérique des données les ont encore améliorés ; la sismique 3D est maintenant
utilisée pour les études des grands travaux.

L’hydraulique souterraine

La loi de Darcy a été exprimée en 1856 ; elle rend compte de l’écoulement de l’eau
souterraine sous faible gradient et en régime sensiblement permanent. La théorie
générale de l’écoulement laminaire en régime permanent a été présentée en 1863 par
Dupuit, à propos de la tranchée drainante. En 1880, à la suite de la ruine du barrage de
Bouzey, Dumas définit la sous-pression, pression hydrostatique de l’eau souterraine
sous les ouvrages enterrés. En 1906, Thiem a permis de tenir compte des conditions
aux limites d’une nappe aquifère en régime d’écoulement permanent.

Abordé sans suite pratique par Boussinesq au début du XXe siècle, le problème de


l’écoulement en régime transitoire de la nappe aquifère a été traité par Theis dans le
courant des années 1930. La théorie générale de l’écoulement des fluides dans les
milieux poreux, s’est développée dans les années 1940 et 1950 (Muscat, Houpper…).

Les sondages

La Chine antique, le Moyen Âge du Nord de la France… pratiquaient le forage par


battage. Du puits à la main, connu de tout temps et partout, on est passé du battage au
câble à la rotation et à la roto-percution, en tête puis en fond de trou, au forage
dirigé… Les techniques récentes d’enregistrement des paramètres de sondage en
continu ont rendu presque rigoureuses des opérations qui ne l’étaient guère.
L’échantillonnage s’est constamment amélioré en perfectionnant les carottiers, mais
l’échantillon intact est toujours l'objet mythique de la mécanique des sols.

La géologie du BTP

La géologie du BTP a toujours été exercée occasionnellement par certains géologues


scientifiques. Ils étaient consultés par des maîtres d’œuvre avisés, notamment pour la
construction des grands ouvrages transalpins de la fin du XIXe siècle, comme le tunnel
ferroviaire du Simplon (Révenier, Heim, Taramelli, Schardt, Lugeon), ou durant les
années 1920/30 pour les grands aménagements hydroélectriques de montagne
(Lugeon, Moret…).. À partir des années 1940, aux États-Unis d’abord puis en Europe
occidentale, elle a été systématiquement mise en œuvre par des ingénieurs spécialisés.
En France, dans les années 1960 et ensuite, elle a par contre, raté le coche des
autoroutes et autres grands aménagements, sur lesquels n’intervenaient pratiquement
que des ingénieurs généralistes, uniquement préoccupés de sondages, d’essais et de
calculs ; le nombre et la gravité de leurs ratés ont progressivement redonné à la
géologie du BTP un peu de la place qu’elle n’aurait pas dû perdre, mais en pratique
actuelle, on limite presque toujours les études géotechniques à des « campagnes
d’investigation », en négligeant voire en ignorant les « contextes géologiques ».

Les disciplines
Les disciplines scientifiques sur lesquelles est fondée la géotechnique sont la
géologie, son outil d’observation, de modélisation et de synthèse analogiques, et la
géomécanique, son outil d’expérimentation, de modélisation et de résultats
numériques. Elles sont indépendantes et ont des bases théoriques différentes ; mais
par un usage pratique commun, elles sont également nécessaires et complémentaires
en géotechnique et doivent être rapprochées de façon concordante.

Les disciplines pratiques sur lesquelles la géotechnique est fondée sont les techniques
du BTP et l’informatique.

Géologie

Article détaillé : géologie.

Le rôle de la géologie est essentiel en géotechnique ; elle permet la description


cohérente et convenable des formes et des comportements du géomatériau ; sa
démarche qui s’appuie sur le visible et l’accessible, est qualitative et semi-
quantitative : à chaque échelle d’observation, elle permet d’étudier les phénomènes
naturels et induits aux comportements complexes, difficiles à mathématiser et de
justifier la formulation de ceux qui peuvent l’être en fournissant les modèles de
formes les plus proches de la réalité dont la géomécanique a besoin pour fixer les
conditions aux limites de ses calculs de comportement.
Les modèles de la géotechnique.

Le champ de la géologie comporte de nombreuses branches secondaires


interdépendantes. Les formes et les comportements du géomatériau sont
innombrables, divers, spécifiques d’un lieu et d’un moment, mais on ne trouve pas et
il ne se passe pas n’importe quoi n’importe où : pour en tenir compte, il faut faire
conjointement appel à toutes ces branches ; celles qui concernent plus
particulièrement la géotechnique sont pour les formes, des parties de la lithologie – on
dit aussi pétrologie, pétrographie (minéraux et roches) –, de la géologie structurale
(stratigraphie et tectonique), de la géomorphologie (aspect de la surface terrestre), et
pour les comportements, des parties de l’hydrogéologie (eaux souterraines) et de la
géodynamique (volcans, séismes, mouvements de terrain…) ; ces parties sont celles
qui décrivent et étudient les formes et les comportements actuels.

Géomécanique

Article détaillé : géomécanique.

La géomécanique, que l’on confond généralement avec la géotechnique, est sa


discipline physico-mathématique, son outil déterministe, nécessaire mais insuffisant.

Son but est de poser les problèmes types de la géotechnique - stabilité d’un talus
naturel, de remblais ou de déblais, d’une excavation souterraine, d’un soutènement ;
rupture et/ou tassement de fondation ; débit de puits, épuisement de fouille,
drainage… - et de les résoudre par le calcul, au moyen de modèles schématiques de
formes et de comportements de milieux virtuels, images de géomatériaux réels. Ces
milieux sont représentés par des formes géométriques simples (deux dimensions,
droites, cercles…) fixant les conditions initiales et aux limites minimales qu’imposent
les résolutions mathématiques des problèmes posés : les comportements modélisés
sont schématiques et figés, régis par des "lois" déterministes ; à une seule et même
cause correspond toujours strictement un seul et même effet. Les paramètres des
modèles mathématiques sont mesurés ponctuellement lors d’essais in situ -
pénétromètre, pressiomètre… ou au laboratoire sur des échantillons prélevés par
sondages mécaniques - œdomètre, triaxial…
Les lois fondamentales de la géomécanique.

La mécanique des sols, la mécanique des roches, l’hydraulique souterraine et une


partie de la géophysique sont les branches de la géomécanique ; la mécanique des sols
étudie le comportement de milieux meubles - argile, sable… sous l’action d’efforts
naturels - gravité, pression hydrostatique…, ou induits - vibrations, charges de
fondations… ; la mécanique des roches étudie le comportement des milieux durs –
granite, calcaire… dans les mêmes conditions. La distinction de ces deux branches est
conventionnelle car elles utilisent les mêmes « lois » générales et les mêmes formes
de raisonnement et de calcul ; l’hydraulique souterraine étudie mathématiquement
l’écoulement de l’eau dans le géomatériau aquifère, naturellement sous l’action de la
gravité ou artificiellement, par pompage. En géotechnique, ces disciplines sont
étroitement liées et même interdépendantes.

On ne peut pas formuler une théorie unitaire de la géomécanique ; ses théories


restreintes de formes artificiellement simples sont trop particulières pour être
généralisées ; elles ont des origines occasionnelles : confronté à un problème
technique nouveau, un praticien a essayé de le résoudre en s’appuyant sur l’étude
expérimentale d’un phénomène qu’il supposait influent et qu’il a isolé ; les "lois" de
Hooke, de Coulomb, de Darcy, les théories de Terzaghi, de Ménard… sont plutôt des
hypothèses acceptables dans un étroit domaine de validité – linéarité de la relation
entre deux paramètres - que l’usage ne valide pas toujours. Et même en admettant la
possibilité d’une généralisation prudente, on se heurte au difficile passage des
échantillons au site ; la géomécanique le fait par intégration d’équations de champs
dans des intervalles de définition et des conditions aux limites imposées par la
technique de calcul plutôt que par la prise en compte de la réalité, ce qui conduit à des
modèles extrêmement schématiques, même si l’on admet que les matériaux des
échantillons représentent bien les géomatériaux du site. Mais la géomécanique ignore
ce que sont les géomatériaux réels d’un site, car elle ne les représente que par
quelques paramètres (densité, angle de frottement, cohésion, perméabilité…) et elle
ne manipule que quelques données ponctuelles obtenues par sondages et essais,
tellement peu nombreuses que l’on ne peut pas leur attribuer de valeur statistique.

Sols et roches

L’état et le comportement mécanique d'un sol dépendent essentiellement de sa teneur


en eau ; ceux d’une roche, de son degré d’altération, de fissuration et de fracturation.
On peut retenir :

 Sols : géomatériaux meubles, plus ou moins frottants et/ou plastiques dont la


cohésion est faible. Elle diminue jusqu’à disparaître (liquéfaction) par
accroissement de la teneur en eau.
o Paramètres caractéristiques : densité, teneur en eau, angle de
frottement, cohésion...
 Roches : géomatériaux compacts et durs dont la résistance à la compression
simple est supérieure à quelques MPa. Elle diminue et/ou disparaît par
altération physique (hydratation), chimique (dissolution) et/ou mécanique
(fragmentation).
o Paramètres caractéristiques : vitesse sismique, module d’élasticité,
résistances à la compression, à la traction, au cisaillement...

Mécanique des sols

Article détaillé : Mécanique des sols.

L’étude du comportement mécanique des « sols », formations meubles de couverture -


sable, argile…, sous l’action d’efforts naturels - gravité, pression hydrostatique - ou
induits - vibrations, charges de fondations, terrassements… ressortit à la mécanique
des sols, la plus ancienne, la plus connue et la plus pratiquée de ces branches, parce
que la plupart des problèmes géotechniques se posent pour la mise en œuvre de ces
formations lors de la construction de la plupart des ouvrages du BTP.

Mécanique des roches

Article détaillé : Mécanique des roches.

La mécanique des roches est une adaptation de la mécanique des sols pour étudier des
ouvrages à l’échelle de grands massifs profonds – barrages, galeries… ; sa méthode
actuelle consiste à établir des modèles de formes numériques plus ou moins
compliqués du massif selon la nature et la densité de sa fissuration et à les manipuler
en appliquant les lois de Hooke et/ou de Coulomb aux éléments et/ou à leurs
frontières définis par divers codes de modélisation – éléments finis (FEM),
différences finies (FDM), éléments distincts (DEM), éléments aux limites (BEM) -
plus ou moins adaptés aux cas étudiés, de façon à schématiser leurs déformations
internes et/ou leurs déplacements relatifs ; on essaie ainsi d’atteindre la déformation
globale du massif modélisé, sous l’effet d’efforts spécifiques, généralement des
charges de fondations ou des relaxations de contraintes autour d’excavations
existantes ou à créer.

Sismique

À partir de mesures de potentiels superficielles ou en sondages, la géophysique


calcule la forme possible d’un champ mécanique – sismique, gravimétrie - ou
électrique en profondeur ; cela permet de préciser les modèles structuraux
géologiques et de valider les modèles géomécaniques.

Hydraulique souterraine

Article détaillé : Hydraulique souterraine.

L’hydraulique souterraine concerne l’écoulement de l’eau dans le sous-sol sous l’effet


de la gravité et/ou par pompage. La loi de Darcy définit la perméabilité d’un milieu
aquifère, paramètre liant linéairement le débit à la pression. La méthode de calcul de
Dupuit applique cette loi à l’écoulement laminaire en régime permanent dans un
milieu indéfini homogène. La méthode de Thiem précise l’effet des conditions aux
limites du milieu. La méthode de Theis permet l’étude de l’écoulement en régime
transitoire.

Le calcul géomécanique

La démarche générale du calcul géomécanique consiste à réduire le comportement


d’un ouvrage dans son site à son action sur le géomatériau, ramenée au comportement
d’un milieu invariant, homogène, isotrope et semi-infini, soumis à une action
extérieure ; à toute action, correspond une réaction spécifique : le géomatériau est plus
ou moins résistant, compressible et perméable ; l’action est généralement une pression
qui produit un déplacement, une déformation instantanée pouvant aller jusqu’à la
rupture, ou un écoulement. Deux variables, l’une connue représentant la cause et
l’autre inconnue représentant l’effet, sont combinées dans des formules, avec des
constantes représentant le matériau – densité, angle de frottement, cohésion,
perméabilité… et caractérisant plus ou moins les limites du problème ; les constantes
ayant été déterminées directement ou indirectement par des mesures ou des
estimations, à chaque valeur de la variable cause correspond une et une seule valeur
de la variable effet. Les formules simples traduisant les lois fondamentales – Hooke,
Coulomb, Terzaghi, Darcy – ne retiennent que la partie linéaire du comportement
correspondant, l'élasticité ; elles sont d’un usage facile mais pratiquement limité au
traitement des essais destinés à mesurer les paramètres utilisés dans les formules
d’application qui sont des solutions particulières d’intégrations d’équations
différentielles ou aux dérivées partielles compliquées dans des conditions simples qui
correspondent rarement à la réalité ; elles ont des formes trigonométriques,
logarithmiques, exponentielles… délicates et fastidieuses à manipuler, pratiquement
incalculables sans risque d’erreur avec un crayon et du papier, que pour cela on a
traduit en tableaux et abaques plus ou moins précis que l’on trouve dans les manuels ;
elles sont devenues plus maniables grâce l’informatique.

Il est nécessaire de contrôler les résultats que l’on obtient ainsi : on pose le problème,
on dégrossit la solution avec les formules simples et les abaques ou les formules
intermédiaires programmées, on calcule avec les logiciels et on valide ou on modifie.
Une démarche analogue est évidemment nécessaire si l’on utilise un procédé
numérique, éléments finis (FEM) le plus souvent, pour résoudre un problème
compliqué.

Les techniques du BTP

L’application des principes, données et résultats géotechniques permet l’usage


rationnel des techniques du BTP pour la mise en œuvre du sous-sol. Ces techniques -
terrassement et fondations pour l’essentiel - constituent un groupe cohérent de
moyens spécifiques, nécessaires à l’aménagement d’un site et à la construction d’un
ouvrage. Leurs principes généraux - procédés, matériels, méthodes, organisation…,
sont communs à presque toutes les opérations de BTP et sont relativement stables : ils
constituent les règles de l’art ; mais en pratique, ces techniques évoluent constamment
en fonction des acquisitions technico-scientifiques et surtout des progrès des procédés
et des matériels.
Au cas par cas, elles doivent être spécifiquement adaptées aux organes géotechniques
de l’ouvrage - soutènement, fondation, drain…, aux géomatériaux auxquels ils seront
confrontés - meubles ou rocheux, évolutifs ou stables, plus ou moins perméables et
aquifères…, aux comportements attendus de l’ensemble site/ouvrage - glissement,
tassement, inondation… Le choix et la mise en œuvre de l’une d’elles dépendent des
caractères géotechniques du site - morphologie, structure, matériaux, phénomènes
naturels… et des caractères économiques et techniques de l’opération - financement,
planning, implantation, conceptions architecturale et structurale, moyens de chantier
disponibles, phasage des travaux.

L’informatique

La simulation informatique permet de dégrossir la plupart des problèmes génériques


de géomécanique, mais elle est mal adaptée à la variété des sites et des ouvrages et à
la spécificité des problèmes à résoudre qui oblige à effectuer des simulations
successives, en modifiant les valeurs des paramètres et les formes des modèles. On
trouve dans le commerce spécialisé de très nombreux logiciels d’applications
techniques – stabilité de pentes, soutènements, fondations…, traitement des mesures,
calculs… qui, pour la plupart, ne sont pas transparents ; après avoir fourni à la
machine les valeurs des paramètres mesurés qu’elle demande, elle donne le résultat
attendu ; s’il est douteux, on ne peut que la refaire tourner pour éliminer d’éventuelles
erreurs de saisies ou changer les valeurs des paramètres. Une validation spécifique est
donc toujours nécessaire.

Bien entendu, un géotechnicien expérimenté, bon informaticien, peut écrire le logiciel


dont il a besoin pour traiter un problème particulier et éventuellement le
commercialiser après l’avoir validé au moyen de nombreuses expériences de terrain
personnelles, en vrai grandeur.

Le géotechnicien
Terzaghi, lui-même ingénieur mécanicien, décrivait le géotechnicien idéal comme un
géologue qui serait aussi mécanicien du sol ; Cambefort ajoutait qu’il devait de plus,
être ingénieur de génie civil et ingénieur de sondage ; Martin complétait par
hydraulicien, géophysicien, informaticien et même juriste et commerçant. Il s’agit
évidemment d’un chef de projet expérimenté, animateur responsable d’une équipe
plus ou moins grande selon l’importance de l’étude qui lui est confiée.

En pratique, le "géotechnicien" peut être un ingénieur-conseil libéral, un bureau


d’étude de sol en société commerciale, un organisme public ou semi-public, le bureau
d’étude d’une grande entreprise généraliste ou spécialisée en fondations spéciales, un
enseignant…

En France, l’OPQIBI, organisme de qualification professionnelle de l'ingénierie,


présente une liste de spécialités géotechniques.

La plupart des bureaux d’études de sol français sont membres de l’Union syndicale
géotechnique.
Mission

La mission du géotechnicien est de réaliser l’étude dont les constructeurs ont besoin
pour projeter et réaliser leur opération ; elle consiste à recueillir et interpréter les
données géotechniques, structure du site, caractéristiques des matériaux, existence
d’aléas géologiques, prévision de comportement de l’ensemble site/ouvrage, afin d’en
tirer des résultats pratiques pour le projet, le chantier et l’ouvrage… ; successivement
ou simultanément prospecteur, ingénieur, prévisionniste, il exerce son art en
s’appuyant sur son expérience. Il doit évidemment établir le programme de l’étude
dont il est chargé et maîtriser la mise en œuvre des moyens nécessaires à sa
réalisation. Le travail de documentation, de télédétection et de lever de terrain lui
incombe toujours ; s’il dispose de collaborateurs et de moyens adéquats, il peut aussi
mettre en œuvre lui-même les techniques de mesures qui lui sont nécessaires,
géophysique, sondages, essais… ; sinon, il en confie la mise en œuvre à des sous-
traitants spécialistes, mais il assure toujours l’organisation et la coordination
d’ensemble, et l’interprétation des résultats intermédiaires ; il en réalise ensuite la
synthèse, base des calculs qui conduisent à son interprétation finale.

Responsabilité

Le géotechnicien est un technicien spécialisé dans l’étude du site de construction d’un


ouvrage et non de l’ouvrage lui-même, sauf cas assez rare de maîtrise d’œuvre d’un
ouvrage spécifiquement géotechnique – digues et barrages en terre, exploitation d’eau
souterraine… L’étude puis la construction d’un ouvrage posent d’innombrables
problèmes techniques et économiques que le géotechnicien n’est pas habilité à poser
et à résoudre, ni même à connaître, car ils sortent du champ de sa spécialité ; il ne
produit ou contrôle ni calcul, ni plan, ni descriptif, ni devis propres à l’ouvrage dont il
ne connaît généralement que l’implantation et le type approximatifs et souvent
évolutifs : c’est un locateur de service qui a une obligation de moyen à l’égard du
maître d’œuvre et non un locateur d’ouvrage qui a une obligation de résultat à l’égard
du maître d'ouvrage, bien que ce dernier commande l’étude et la paie, car le
géotechnicien n’intervient techniquement qu’auprès du maître d’œuvre ; de l’étude du
projet à la réalisation de l’ouvrage, sa présence auprès des constructeurs - maître
d’œuvre, bureaux d’études et entreprises - et sa concertation avec eux devraient être
permanentes et étroites, mais c’est au maître d’œuvre d’en décider, de l’entretenir et
de l’utiliser.

Ainsi, dans la plupart des cas, le géotechnicien engage sa responsabilité civile


professionnelle (RCP) pour établir, autant que faire se peut, le diagnostic de l’état et la
prévision du comportement d’un site naturel sollicité par un ouvrage, et non une
responsabilité civile décennale (RCD) pour l’étude et la construction d’un ouvrage à
laquelle il ne participe pas directement. Les constructeurs utilisent comme bon leur
semble les renseignements qu’il leur fournit à l’étape qu’ils ont fixée ; les
interprétations qu’ils en font et les décisions qu’ils prennent sont rarement soumises à
son approbation : il n’est pas un « constructeur » au sens de la loi Spinetta.

L'étude géotechnique
L’étude géotechnique est une opération compliquée dont dépend en grande partie la
qualité de l’ouvrage concerné. Sa démarche générale consiste d’abord à bâtir le
modèle structural du site, ensuite à caractériser et étudier les phénomènes naturels et
induits dont il est puis sera le siège et enfin à proposer des solutions pratiques aux
problèmes géotechniques que pose l’adaptation spécifique de l’ouvrage au site.

Son but est de fournir, autant que faire se peut au maître d’ouvrage et aux
constructeurs, des renseignements pratiques, fiables et directement utilisables sur la
nature et le comportement du site dans lequel il sera construit, afin qu’ils puissent
définir et justifier les solutions techniques qu’ils devront concevoir, adopter et mettre
en œuvre pour réaliser leur ouvrage en toute sécurité et à moindre coût.

L’exécution de sondages et d’essais in situ, la collecte et l’épreuve d’échantillons,


doivent être les dernières d’une suite d’opérations ordonnées en étapes successives ; y
recourir directement et exclusivement, reviendrait à attribuer un rôle de synthèse à des
moyens d’analyse, à confondre étude géotechnique et campagne de sondages et
d’essais.

Il est utile, sinon nécessaire, que le géotechnicien intervienne en ce qui le concerne à


toutes les étapes d’étude du projet, de construction et d’entretien de l’ouvrage et qu’il
dispose de tous les moyens dont il a besoin, en organise la mise en œuvre, en assure le
suivi et en exploite les données.

Les moyens de l’étude

Les moyens de la géotechnique

Chaque site et éventuellement chaque ouvrage dans un même site, doit être étudié
spécifiquement, selon un programme adapté à chaque étape de l’étude et
éventuellement même, susceptible d’être modifié à tout moment en fonction des
résultats obtenus, en mettant en œuvre les moyens qui fourniront à meilleur compte
les renseignements nécessaires et suffisants les plus pertinents. Chaque moyen -
documentation, levé géologique, télédétection, géophysique, sondages, essais de
terrain et de laboratoire, informatique… a sa valeur et ses limites ; aucun n’est inutile,
mais aucun n’est universel. Pour chaque type d’ouvrage, à chaque étape de l’étude,
employer ceux qui lui sont les mieux adaptés, conduit à une meilleure précision de
résultats et à d’appréciables économies de temps et d’argent.
Les étapes de l’étude

En France, le décret no 73-207 du 28 février 1973 « relatif aux conditions de


rémunération des missions d'ingénierie et d'architecture remplies pour le compte des
collectivités publiques par des prestataires de droit privé » définit les étapes des
études du BTP.

Le décret du 1/12/93 (loi MOP du 13/7/85) en a plus ou moins modifié la forme sans
en changer le fond.

La norme NF P 94-500 (2000 – 2006) 6, inspirée par l’Union syndicale géotechnique,


définit (Gn ou XXX) et classe les missions des géotechniciens, avec une orientation
contractuelle, commerciale et juridique ; elle détaille la « campagne – ou le
programme - d’investigation » (types, maillages et nombres de sondages et d’essais)
et n’évoque que succinctement, en préliminaire – voire oublie -, le « contexte
géologique » (documentation, « visite » du site, enquête de voisinage, sinistralité...).
En novembre 2013, elle a été en partie modifiée pour être mieux adaptée à la loi
MOP, mais la confusion entre étape d’étude et mission de géotechnicien demeure.

Ces nomenclatures et quelques autres appellent différemment les étapes et leur fixent
des limites plus ou moins différentes, sans trop modifier la progression ordonnée de
l’étude.

La nomenclature APS, APD, STD, DCE, CGT et RDT du décret du 2/2/73 est passée
dans le langage courant du BTP ; c’est la plus claire et la plus pratique pour définir
étape par étape, la démarche générale de l’étude géotechnique d’un grand
aménagement ; celle de l’étude géotechnique d’un ouvrage isolé peut être simplifiée,
mais il est nécessaire de respecter le cheminement par étapes successives en allégeant
éventuellement les moyens de chacune : limiter une telle étude au niveau des STD
n’exclut pas qu’il faille définir et caractériser le site pour que l’ouvrage lui soit
correctement adapté ; un APS et un APD abrégés sont donc toujours indiqués.

Hors nomenclatures, on appelle "faisabilité" une étape préliminaire sommaire


permettant d’esquisser les grandes lignes du projet et d’en orienter l’étude.

Avant projet sommaire (APS)

Loi MOP : parties d’ "Esquisse" et d’ "Avant-projet sommaire" - Norme NF P 94-


500 : parties de G1 - SIT "Préliminaire".

Étude générale du site et de ses abords pour en définir les caractères géotechniques
principaux et esquisser les grandes lignes de l'adaptation du projet au site.

 Moyens : géologie à petite échelle (1/20 000 à 1/5 000) - télédétection -


géophysique et sondages rapides.

 Résultats : le maître d'œuvre peut s'appuyer sur ces documents pour


entreprendre l'étude du plan de masse du projet et établir un coût d'objectif
provisoire de son adaptation au sol.
 Rapport : schéma structural - plans et coupes géotechniques schématiques à
petite échelle (carte IGN, plan cadastral…) - commentaires généraux sur
l'aptitude du site à recevoir les aménagements projetés et définition des
principes généraux d'adaptation.

Les étapes de l’étude - 1 Faisab. 2 APS. 3 APD. 4 STD.

Avant projet détaillé (APD)

Loi MOP : parties d’ "Avant-projet-sommaire" et d’ "Avant-projet-définitif"


(confusion possible : APD = Avant-projet-détaillé dans le décret du 2/2/73 et Avant-
projet-définitif dans la loi MOP) - Norme NF P 94-500 : partie de G1 - AVP " Avant-
projet".

Étude détaillée du site, permettant d'y limiter et d'y caractériser géotechniquement les
zones dans lesquelles les méthodes de terrassements et les modes de fondations seront
analogues.

 Moyens : géologie à grande échelle (1/1 000 à 1/200) - télédétection -


géophysique - sondages et essais d'étalonnage.

 Résultats : en utilisant ces documents, les implantations des ouvrages, les


niveaux des plates-formes des terrassements généraux, les niveaux des sous-
sols éventuels, les types, niveaux et contraintes admissibles des fondations
ainsi que les caractéristiques générales de toutes les parties d'ouvrage en
relation avec le sous-sol, peuvent être définis par le maître d'œuvre, pour
adapter au mieux son projet aux particularités du site, et pour préciser le coût
d'objectif de son adaptation au sol.

 Rapport : plans et coupes géotechniques à grande échelle, sur fond de plan de


géomètre - présentation par zone, des méthodes d'exécution des terrassements,
des types de fondations envisageables…

Pour en minimiser le coût, la majeure partie des études géotechniques se réduisent à


cette étape ; ce n’est pas suffisant pour prévenir les dommages ou les accidents au
chantier, à l’ouvrage, au voisinage et/ou à l’environnement, et cela limite la
responsabilité du géotechnicien.

Spécifications techniques détaillées (STD)

Loi MOP : parties d’ "Avant-projet définitif" et d’ "Étude de projet" - Norme NF P


94-500 : G2 - PRO "Projet" et parties de G3 - EXE "Exécution".
Étude détaillée du sous-sol dans l’emprise de chaque ouvrage, permettant de prévoir,
à la précision demandée par le maître d'œuvre, les conditions d’exécution des déblais,
des remblais, des fondations, des chaussées, aires et dallages, éventuellement des
ouvrages et procédés spéciaux.

 Moyens : géologie à grande échelle (1/500 à 1/100) - télédétection -


géophysique - sondages mécaniques - essais in situ et/ou de laboratoire.

 Résultats : le maître d'œuvre dispose des éléments géotechniques lui


permettant de prédimensionner les parties d'ouvrages en relation avec le sous-
sol, de préparer les plans d'exécution et le descriptif.

 Rapport : plans, coupes et commentaires géotechniques concernant chaque


partie d'ouvrage en relation avec le sous-sol.

Dossier de consultation des entreprises (DCE)

Loi MOP : parties d’ "Assistance au maître d’ouvrage pour la passation des contrats
de travaux" - Norme NF P 94-500 : G3 – EXE - "Exécution".

Spécifications géotechniques de la consultation ou de l’appel d'offres puis du marché


d'entreprise, concernant l’exécution de ces mêmes parties d'ouvrages.

 Moyens : utilisation des documents établis précédemment, éventuellement


complétés à la demande.

 Résultats : spécifications géotechniques de la consultation ou de l’appel


d'offres puis du marché d'entreprise, concernant l’exécution de ces mêmes
parties d'ouvrages.

Les calculs et documents techniques sont soumis au géotechnicien qui vérifie, en ce


qui concerne leur aspect géotechnique, que les hypothèses adoptées et les valeurs des
paramètres utilisés, sont bien conformes à ses indications. Il n'a pas à se prononcer sur
le choix des méthodes de calculs, sur leurs résultats, ainsi que sur les plans établis. En
aucun cas, le géotechnicien n'assume, même partiellement, la conception technique de
ces parties d'ouvrages.

Contrôle général des travaux (CGT)

Loi MOP : parties d’"Ordonnancement, Pilotage, Coordination" - Norme NF P 94-


500 : parties de G3 – EXE - "Exécution" et G4 – SUP - "Suivi".

Assistance du maître d'œuvre pour l’exécution des travaux et parties d'ouvrages en


relation avec le sous-sol : discussions pour l’agrément des méthodes proposées ou
appliquées par les entreprises - participations aux réunions de chantier - interventions
pour préciser un détail d'exécution mal défini, pour la prise de décision concernant les
imprévus d'exécution et pour la réception.

 Moyens : à la demande, en quantité suffisante, levés géotechniques de détail


sur le chantier - géophysique - sondages et/ou essais de contrôle.
 Résultats : le maître d'œuvre peut optimiser techniquement et financièrement
les parties d'ouvrage en relation avec le sous-sol et, éventuellement, les
modifier à la demande en cas d'imprévus. Le dossier géotechnique des
ouvrages pourra être consulté en cas de dommage, de réhabilitation… Le
géotechnicien n’a pas l’obligation de surveillance permanente des travaux
correspondants et il n'a pas à en prendre les attachements. Ces missions font
partie de celles du maître d'œuvre.

Réception des travaux (RDT)

Loi MOP : parties d’"Ordonnancement, Pilotage, Coordination" - Norme NF P 94-


500 : parties de G3 – EXE - "Exécution" et G4 - SUP - "Suivi".

À la réception de l’ouvrage, l’ensemble de la documentation recueillie lors de l’étude


et de l’exécution, permettrait au géotechnicien d’être un expert objectif qui pourra
aider à régler à l’amiable un contentieux éventuel - aléa géologique, souvent exagéré
voire imaginaire -, au mieux des intérêts de chacun.

Éviter l’accident

Loi MOP : parties d’ "Ordonnancement, Pilotage, Coordination" - Norme NF P 94-


500 : parties de G4 – SUP - "Suivi" et G5 – DIA - "Diagnostic géotechnique".

Le bon entretien d’un ouvrage n’est pas une mission normalisée. Or, durant la vie de
l’ouvrage, le géotechnicien pourrait être amené à intervenir pour étudier le
comportement de l’ensemble site/ouvrage, expliquer un dommage, en permettre la
réparation immédiate et peu onéreuse ou même éviter la ruine.

Qualité du résultat de l’étude

Pour des raisons de budget, de délais mais surtout par essence des problèmes
d’adaptation site/ouvrage, on ne peut pas obtenir un résultat géotechnique
indiscutable ; quoi que l’on fasse, on ne peut pas connaître la structure et le
comportement du sous-sol d’un aménagement à la précision de l’étude technique du
projet et à celle des exigences de construction : ils sont beaucoup plus compliqués que
les modèles dont on dispose et les résultats numériques des calculs de géomécanique
sont des ordres de grandeur qu’il faut tempérer par un "coefficient de sécurité" ; c’est
donc en prévisionniste que le géotechnicien doit se comporter pour présenter les
résultats pratiques d’une étude dont la précision est toujours relative.

Les applications de la géotechnique


Les applications de la géotechnique sont innombrables, d’une très grande diversité,
toujours uniques et pour certaines d’une extrême complexité, aménagements,
ouvrages et travaux - terrassements, soutènements, fondations, drainages -,
exploitations de matériaux ou d’eau souterraine, prévention de pollutions,
réhabilitation des sites pollués, stockages de déchets…, en fait tout ce que l’on peut
creuser, construire, exploiter ou rejeter à la surface de la Terre.
Les aménagements

Les aménagements sont des opérations occupant des surfaces plus ou moins étendues
et comportant plusieurs ouvrages analogues ou différents : Zones urbaines,
industrielles (surface, souterrain) ; Aérodromes ; Aménagements « linéaires »
(canalisations, routes, voies ferrées, canaux, cours d’eau, rivages marins) ; Champs de
captages…

La géotechnique des aménagements définit le cadre de l’opération, contrôle sa


faisabilité, éventuellement propose des variantes, divise le site en secteurs
relativement homogènes où des problèmes techniques analogues pourront recevoir
des solutions analogues, repère d’éventuels secteurs et endroits à risques de façon à
les éviter ou à les traiter spécifiquement, valide les dispositions retenues, prépare les
études détaillées de chaque ouvrage qui composent l’aménagement, permet
l’évaluation du coûts de l’opération…

Les ouvrages

Un ouvrage du BTP est une construction isolée ou un élément d’aménagement :


Immeubles ; Usines ; Réservoirs ; Barrages hydrauliques ; Ouvrages de soutènement –
murs, gabions, parois ; Ouvrages d’art – ponts, viaducs, aqueducs ; Ouvrages
portuaires – jetées, quais, écluses, formes ; Ouvrages de défense maritime ou fluviale
– digues, épis…

De l’étude du site à la construction de l’ouvrage : pont - bâtiment

On détermine les conditions générales et particulières dans lesquelles un ouvrage peut


leur être adapté avec le maximum de sécurité, d’efficacité et d’économie – éviter les
dommages ou les accidents au chantier, à l’ouvrage et aux ouvrages voisins, optimiser
le coût de l’ouvrage et la marche du chantier, organiser la maintenance et assurer la
durée fonctionnelle de l’ouvrage –, par les travaux de construction de ses parties en
relation avec le sol et le sous-sol, définis en connaissance de cause – terrassements,
drainage ; type, profondeur d’encastrement, estimation des contraintes que les
fondations imposent au matériau d’assise et adaptation de sa structure aux éventuels
tassements qu’il pourrait subir… Cette démarche a un caractère général scientifique :
par l’observation (géologie), l’expérimentation (géotechnique), le calcul
(géomécanique), elle permet de bâtir un modèle de forme et de comportement de
l’ensemble site/ouvrage qui sera éprouvé (retour d’expérience) durant la construction,
ce qui amènera éventuellement de le modifier à la demande pour obtenir le modèle
définitif, validé ou non à plus ou moins long terme par le comportement de l’ouvrage
achevé.

Les travaux
Quand l’étude du projet d’un ouvrage est achevée, on définit les travaux d’exécution
de ses parties en relation avec le sol et le sous-sol du site - Terrassements ;
Fondations ; Drainages ; Captages d’eau souterraine. Ces travaux permettent
d’adapter l’ouvrage au site en terrassant son emplacement, éventuellement en y
corrigeant des caractères naturels gênants et/ou en y prévenant les effets de
phénomènes naturels dommageables, en établissant ses fondations… ; cela peut se
faire sur la base des études de l’ouvrage, mais la préparation des travaux et leur suivi
géotechnique évitent les négligences et/ou les erreurs d’interprétation d’études à
l’origine de la plupart des difficultés de chantier et facilitent leur adaptation à
d’éventuels imprévus, à des situations compliqués… nécessitant des compléments
d’étude spécifiques, notamment pour l’interprétation d’éventuels incidents ou
accidents de chantier puis pour la définition et l’application des remèdes à leur
apporter.

Les risques géotechniques


Articles détaillés : Risque naturel et Catastrophe naturelle.

Selon les lieux et les circonstances, l’effet pervers non pris en compte dans l’étude
d’un aménagement, d’un ouvrage, d’un chantier sur le voisinage et/ou
l’environnement, l’effet pernicieux d’un événement intempestif – l’aléa - naturel,
séisme, inondation… ou induit, tassement, glissement, pollution…, imprévu ou mal
prévenu sont des dangers que courent de nombreux aménagements, ouvrages et leurs
alentours, en raison de leurs inadaptations à leurs sites – vulnérabilité - et/ou aux
circonstances. L’expression de ce danger est la dérive économique, le
dysfonctionnement, le dommage, l’accident, la ruine, la catastrophe : le séisme abat
l’immeuble, la tempête détruit la digue, la crue emporte le pont, inonde le lotissement,
le pavillon fissure sous l’effet de la sécheresse, les caves sont périodiquement
inondées, l’immeuble voisin d’une fouille fissure et/ou s’affaisse, la paroi moulée
s’abat, le remblai flue, la chaussée gondole, le talus de la tranchée routière s’éboule
lors d’un orage, le mur de soutènement s’écroule, le groupe de silos ou le réservoir
s’incline, le barrage fuit ou cède, le sol industriel et/ou la nappe aquifère sont pollués,
la ville manque d’eau en période d’étiage, le coût de l’ouvrage en construction
s’envole en raison d’un aléa géologique réel ou non…, on en passe et de pires. Un
livre entier ne suffirait pas à énumérer les accidents géotechniques majeurs ou
mineurs, passés, présents ou futurs.

Si le danger est clairement identifié et correctement étudié, on peut réduire le risque,


s’en prémunir, en gérer l’expression qui est un sinistre susceptible d’être garanti par
une assurance contractée par le maître d’ouvrage, les constructeurs, le propriétaire… ;
si l’aléa est naturel et ses effets désastreux, les victimes sont indemnisées sur fonds
publics au titre de "catastrophe naturelle".
Phénomènes naturels dangereux (aléas) – Séismes – Mouvements de terrain – Crues,
inondations

Les causes humaines des accidents géotechniques sont souvent nombreuses mais
l’une d’elles est généralement déterminante : - étude géotechnique absente,
insuffisante, erronée, mal interprétée - vice ou modification inadéquate d’usage :
implantation irréfléchie, conception inadaptée, mise en œuvre défectueuse,
malfaçons… - actions extérieures : phénomènes naturels, travaux voisins… Mais
beaucoup plus que techniques, les causes effectives sont comportementales :
économies abusives, ignorance, incompétence, négligence, laxisme…

Nous devons nous accommoder d’un événement éventuellement dommageable, éviter


qu’il se produise ou d’être où et quand il est susceptible de se produire ; nous devons
nous comporter, aménager et construire nos ouvrages en tenant compte de
l’éventualité de tels événements et de ce que les juristes appellent le risque du sol. Car
la nature n’est pas capricieuse, le sol n’est pas vicieux ; ils sont neutres. Les
phénomènes, même paroxistiques, sont naturels et les dommages, accidents,
catastrophes sont humains ; néanmoins, les textes législatifs, juridiques et
réglementaires qualifient abusivement les risques et les catastrophes de "naturels" et le
sol de "vicieux".

Économie
La géotechnique pratique est un marché dont le produit est l’étude qu’un maître
d’ouvrage achète à un géotechnicien pour savoir dans quelles conditions l’ouvrage
qu’il projette pourra être adapté au site dont il dispose pour le construire. C’est une
opération commerciale composée en grande partie de prestations matérielles, de loin
les plus onéreuses, – sondages, essais, informatique – et en très faible partie d’une
prestation intellectuelle qui est pourtant la principale. Elle est risquée pour le maître
d’ouvrage qui ne peut pas comparer concrètement les proposions des géotechniciens
qu’il consulte ; il détermine généralement son choix sur le prix d’une proposition
commerciale, pas sur la qualité du produit dont il ignore s’il sera bon quand il le
commande et même s’il sera bon au moment où il le paiera ; sur un site et pour un
ouvrage donnés, il peut comparer plusieurs propositions techniques et financières,
mais il ne peut pas commander plusieurs études pour confronter leurs résultats.

Sauf dans le cas de grands aménagements et ouvrages très complexes et/ou très
dangereux, le coût d’une étude géotechnique est marginal, négligeable, comparé au
coût de l’ouvrage qui la motive. Or dans tous les cas, les conséquences financières
d’une étude géotechnique douteuse, erronée, mal interprétée, négligée…,
l’insuffisance ou même l’absence d’étude peuvent avoir de graves conséquences
financières. Si l’on s’en aperçoit lors de l’étude du projet, on doit la compléter, en
faire une autre ou même en faire une ; le surcoût géotechnique est alors limité. Mais,
il n’est pas rare que l’on s’aperçoive que l’étude géotechnique est défectueuse lors de
la construction de l’ouvrage ; les cas les plus classiques sont les erreurs de définition
ou de calage de fondations, de stabilité de talus ou de parois, de débit de fouille… ; il
faut alors arrêter le chantier, trouver et étudier une solution de remplacement,
modifier l’ouvrage et sa construction… ; cela entraîne évidemment des surcoûts et des
allongements de délais de construction qui peuvent être très élevés.

Toutefois, il ne faut pas tomber dans l’excès contraire et, sous prétexte de coût
marginal, surpayer une étude pour éviter tout risque : les résultats obtenus lors des
premières étapes d’une étude sont les plus importants ; ceux que l’on obtient ensuite
sont complémentaires ou même font souvent double emploi avec ceux que l’on
connaît déjà. L’intérêt pratique d’une étude devient de plus en plus mince à mesure
qu’elle se précise et le rapport précision/coût ou intérêt pratique, tend très vite vers
une valeur asymptotique. Il est donc souhaitable de contrôler constamment son
déroulement, de façon à pouvoir l’arrêter à temps, à l’optimum de son intérêt. Ainsi,
le maître d’ouvrage et les constructeurs ne seront pas tentés de la considérer comme
une stérile obligation technique ou morale et apprécieront tout le bien-fondé de la
démarche qui les a conduits à la faire entreprendre.

Droit
La précision relative d’une étude géotechnique ne permet pas d’atteindre la certitude
qu’exige le droit pour lequel il importe de ne rien laisser au hasard et de ne prendre
aucun risque. Elle aide seulement à estimer la probabilité des corrélations d’un fait
géotechnique et de ses causes ou de ses conséquences supposées et à obtenir des
résultats plus ou moins convenables selon la difficulté du projet, la complexité du site,
l’état des connaissances technico-scientifiques du moment et l’étape de l’étude à
laquelle la mission du géotechnicien est limitée ; la sécurité absolue qui correspond à
la probabilité rigoureusement nulle de voir se produire un dommage à l’ouvrage ou un
accident est une vue de l’esprit.

En France, selon l’article 1792 du Code Civil - loi Spinetta et Code des assurances - :
Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou
l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui
compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ces éléments
constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa
destination.

En cas de dommages au gros œuvre d’un bâtiment, et maintenant de plus en plus d’un
ouvrage quelconque, sans même vérifier s’ils affectent sa solidité et le rendent
impropre à sa destination, conditions d’application de la loi, on évoque, souvent a
priori, un défaut de fondation résultant d’un "vice du sol", alors qu’ils résultent
presque toujours de défauts techniques et/ou constructifs.

Le « vice du sol » est un concept juridique non défini, dont on fait souvent une notion
technique pour reprocher au géotechnicien de l’avoir négligé.

Bibliographie
 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

 Pierre Martin - Géotechnique appliquée au BTP - Eyrolles, Paris, 2008.


 Henri Cambefort - Introduction à la géotechnique - Eyrolles, Paris, 1971
 Karl von Terzaghi et Ralph B. Peck - Mécanique des sols appliquée aux
travaux publics et aux bâtiments - Dunod, Paris, 1961

Notes et références
Notes

1. ↑ par exemple plus en aval, le pont de Tancarville est fondé sur des pieux en
béton ancrés dans le même cailloutis

Références

1. ↑ (de) Karl Terzaghi, Erdbaumechanik auf bodenphysikalischer grundlage,


Leipzig, Vienne, F. Deuticke, 1925.
2. ↑ (en) Karl Terzaghi et Ralph B. Peck, Soil Mechanics in Engineering
Practice, Hoboken, John Wiley & Sons, 7 février 1996, 3e éd., 549 p., (édition
posthume publiée par Gholamreza Mesri).
3. ↑ Maurice Buisson, Essai de géotechnique : 1. Caractères physiques et
mécaniques des sols, t. 1, Dunod, 1942, 336 p.
4. ↑ Profil général pour les murs de soutènement.
5. ↑ La manière de fortifier selon la méthode du maréchal de Vauban, in Traité
de la défense des places – 1687
6. ↑ Norme française NF P 94-500 - en ligne http://u-s-g.org/mission-
geotechnique.asp?idpage=9&titre= [archive]

Article connexe
Pierre Martin (géotechnicien)

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