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LES GRANDS PRINCIPES DU CONTRÔLE FISCAL DES COMPTABILITÉS

INFORMATISÉES

Rémi Gouyet

Lavoisier | « Gestion & Finances Publiques »

2018/3 N° 3 | pages 80 à 85
ISSN 1969-1009
DOI 10.3166/gfp.2018.00038
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-gestion-et-finances-publiques-2018-3-page-80.htm
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Fiscalité et lutte contre la fraude

Dossier
> Lutte contre la
fraude fiscale :
nouveaux enjeux,
nouvelles méthodes

Rémi GOUYET
Professeur Associé à la Faculté de Droit de Dijon
Avocat Associé – E-TAX, société d’avocats
Analyste

Les grands principes du contrôle fiscal


des comptabilités informatisées1

Mots-clés : fiscalité - contrôle fiscal - contrôle des comptabilités informatisées

L’article L. 47 du Livre des procédures fiscales contraint les contribuables à


présenter leurs comptes sous la forme de fichiers informatiques standardisés,
dans la perspective d’un contrôle fiscal. Les textes et la jurisprudence leur
accordent des garanties qui ne les dispensent pas de certaines précautions.
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D
e plus en plus généralisée, la procédure Notre intervention se propose justement de faire
du contrôle fiscal des comptabilités infor- utilement le point sur cette procédure de vérifica-
matisées (CFCI) restait, jusqu’à très ré- tion singulière qui, en cas de manquement grave et
cemment, un mode de vérification relativement avéré, est susceptible d’ouvrir droit, au bénéfice de
peu usité ; une période pédagogique bénéficiait l’Administration fiscale, à l’application d’une majo-
jusqu’alors aux contribuables qui, peu aguerris à ration de 100 % du montant des suppléments de
cette technique fiscale, bénéficiaient, de facto, droits mis à la charge du contribuable impénitent.
d’une relative clémence. Ces temps étant révolus, Afin de cerner au mieux les règles applicables
l’on assiste ces dernières années à une croissance en la matière, notre intervention s’emploiera, dans
sans pareil de cette procédure topique qui obéit un premier temps, à déterminer les obligations
à un corpus de règles hétérogènes. des entreprises tenant leur comptabilité aux
1 Cet article est repris du
Dossier « Les métamorphoses moyens de systèmes informatisés (I). Des déve-
du contrôle fiscal. Quelles
procédures ? Quelles L’instauration du fichier des écritures comptables, loppements subséquents seront ensuite consa-
conséquences » publié dans la la mise en œuvre récente de la réforme relative crés aux droits et garanties attachés à cette pro-
Revue européenne et
internationale de droit fiscal, à la piste d’audit fiable sont autant d’illustration cédure de vérification qui, ainsi qu’il sera démon-
n° 2018/1. Cf. la chronique de la généralisation des procédés informatiques
bibliographique dans ce
tré ci-après, nécessite, dans sa gestion, une com-
numéro, page 143. et de leur applicabilité à la matière fiscale. pétence tout à la fois fiscale et informatique (II).

doi:10.3166/gfp.2018.00038
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Fiscalité et lutte contre la fraude

Dossier
> Lutte contre la
1 Les obligations découlant du contrôle fiscal des fraude fiscale :
comptabilités informatisées nouveaux enjeux,
nouvelles méthodes
Un examen des textes idoines permet de relever, Concrètement, il importe d’insister sur l’impor-
à titre principal, l’existence de deux séries dis- tance des codes source des programmes qui,
tinctes d’obligations attachées à la procédure de notamment dans un environnement informatique
contrôle fiscal des comptabilités informatisées. relativement peu évolué, sont susceptibles de
Les entreprises entrant dans le champ de cette constituer une source documentaire par défaut.
procédure sont ainsi concomitamment astreintes Ces mêmes codes pourront, le cas échant, être
à une obligation de présentation (A) et de conser- régulièrement utilisés pour contrôler la fiabilité
vation (B) d’un certain nombre d’éléments nette- des algorithmes de calcul utilisés par l’entreprise.
ment identifiés. Les codes pourront servir à s’assurer de la pleine
et entière conformité des programmes exécutés
A. L’obligation de présentation au titre de la période vérifiée avec la documenta-
tion, notamment la transcription informatique
L’obligation de présentation porte tout à la fois effective des règles de gestion pratiquées par
sur la documentation informatique (1) et sur les l’entreprise.
données primaires et traitements associés conte-
nus dans les applicatifs des entreprises (2). Dans les faits, l’entreprise dispose d’une relative
latitude pour fixer de la manière la plus opportune
1. L’obligation de présentation de la possible le contenu de la documentation ; l’entre-
documentation prise demeure ainsi légitimement fondée à pré-
La nécessité de tenir à disposition de l’Adminis- senter la documentation en fonction de l’organi-
tration fiscale une documentation à jour et sation effective des moyens informatiques exis-
exhaustive répond à un objectif clairement établi ; tants, ces contingences organisationnelles étant
il s’agit de permettre au vérificateur de compren- pleinement opposables à l’Administration fiscale.
dre, avec suffisamment d’efficacité et de perti- Fort de ce constat, l’on reconnaît que l’entreprise
nence, le système d’information mis en œuvre par tenant sa comptabilité à l’aide de systèmes infor-
l’entreprise au cours de la période vérifiée. L’ana- matisés peut, à sa convenance, présenter sa
lyse de la documentation doit, in fine, permettre documentation sous forme littérale, voire à l’aide
à l’Administration fiscale d’avoir une vue concrète de tableaux ou de graphismes.
des règles de gestion des données et des fichiers La documentation telle que spécifiée ci-avant
mis en œuvre dans les programmes informatiques n’est pas la seule composante de l’obligation de
qui ont une incidence directe ou indirecte sur présentation qui pèse à l’encontre des entreprises
la détermination des résultats comptables et concernées par la procédure du contrôle fiscal
fiscaux. des comptabilités informatisées ; les contribua-
Il est expressément entendu que la documenta- bles sont par ailleurs astreints à une obligation de
tion doit, pour être admise en cette qualité par présentation de données et traitements informa-
tiques concourant directement ou indirectement
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l’Administration fiscale, revêtir un certain nombre
de caractéristiques préalablement identifiées. La à la détermination du résultat comptable et fiscal.
description générale de l’ensemble du système
d’information, l’inventaire et la description des
2. L’obligation de présentation des
données et traitements
matériels utilisés, les descriptifs des fichiers et des informatiques
programmes et de leurs articulations, mais égale-
ment la description de la structure des données L’article L. 13 du Livre des procédures fiscales fait
et de leur signification ainsi que les codes source obligation aux entreprises de présenter à l’Admi-
des programmes, sont autant d’éléments qui nistration fiscale la documentation, les données
doivent être contenus dans la documentation. et traitements informatiques qui concourent,
directement ou indirectement, à la formation des
Il conviendra par ailleurs, afin de conférer à la
résultats comptables ou fiscaux et à l’élaboration
documentation sa pleine et entière efficience, que
des déclarations rendues obligatoires par le Code
cette dernière retrace avec précision et complé-
général des impôts.
tude le descriptif des procédures automatiques
et manuelles de contrôle interne, les dictionnaires L’énoncé de la règle ainsi spécifiée conduit à
des données mis en œuvre, le plan d’archivage et opposer, pour mieux les cerner, les concepts de
les durées de rétention, ainsi que la documenta- données élémentaires (a) et de traitements infor-
tion utilisateur. matiques (b).

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> Lutte contre la a. L’obligation de présentation des données processus de mutation progressive des données
fraude fiscale : élémentaires élémentaires définies précédemment, vers les
nouveaux enjeux, écritures ou les résultats comptables.
nouvelles méthodes S’agissant plus spécifiquement des données
informatiques, l’on reconnaît que ce concept s’en- Pour faire simple, les traitements informatiques
tend des seules données informatiques élémen- permettent de transformer les données élémen-
taires ; la production, par l’entreprise vérifiée, de taires en données agrégées.
données agrégées qui sont déjà la résultante de
Bien qu’il n’existe pas de définition véritablement
traitements informatiques n’est pas en soi suscep-
normée de cette notion de traitements inter-
tible d’exonérer l’entreprise de son obligation de
médiaires, laquelle dépend de la diversité des
présentation.
organisations informatiques et comptables de
La philosophie de cette dichotomie répond à la chaque entreprise, il importe de garder à l’esprit
nécessité légale et réglementaire de justifier les qu’il s’agit, à travers cette obligation, d’offrir à
comptabilités informatisées sur la base de don- l’Administration fiscale une analyse des chaînes
nées primaires, prises en compte dès leur origine, de traitement exécutées par l’entreprise.
et non par des données enrichies, découlant de
traitements informatisés. Fort de cette caractérisation, l’Administration
fiscale pourra ainsi valablement procéder à un
La position de l’Administration fiscale répond à certain nombre de vérifications visant par exem-
une logique certaine. L’objectif poursuivi par les ple à s’assurer, à l’aide des données comptables
vérificateurs étant de rejouer la partie afin d’en
informatisées, de la validité d’un contrôle de suivi
vérifier la régularité fiscale, il est important, pour
des lots d’achats, de la détermination d’un prix de
le service vérificateur, de disposer de données
revient, de la reconstitution d’une marge (prix de
brutes non enrichies.
transfert), ou bien encore de la validité d’un calcul
Dans les faits, toute la difficulté réside dans la de provision.
caractérisation de ces données qui, en pratique,
En pratique, l’on constate que la complexité, ou à
est fréquemment source de difficultés, du fait
l’inverse la relative simplicité de l’organisation du
notamment de la grande variété des organisa-
système informatique et des chaînes de traite-
tions et des systèmes adoptés par les entreprises.
Une telle diversité justifie l’absence de définition, ments des données primaires, influence fortement
au sein du Code général des impôts et des textes la stratégie à adopter afin d’anticiper, et par là
associés, des données élémentaires. même de préparer, le contrôle fiscal des compta-
bilités informatisées. L’entreprise devra, notam-
Il importe, en l’absence de caractérisation offi- ment, réaliser un arbitrage opportun entre la pré-
cielle, de s’en tenir à une analyse empirique sentation des traitements et des résultats, en fonc-
et factuelle. De manière un peu académique, l’on tion de la complexité du processus de formation
reconnaît que les données primaires s’entendent
des résultats et de son système d’information.
des données qui, traitées par des procédés infor-
matiques, concourent à la constitution d’enre- Deux situations paraissent à cet égard devoir être
gistrement comptable ou à la justification d’un distinguées, la détermination informatique des
événement ou d’une situation transcrite dans les résultats comptables et fiscaux pouvant être :
livres, registres, documents, pièces et déclarations – la résultante de la mise en œuvre d’applicatifs suf-
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contrôlées par l’Administration fiscale. fisamment simples pour que la présentation de la
En pratique, il pourra s’agir, par exemple, de la documentation – incluant les règles de gestion fis-
ligne d’une commande client, d’éléments justi- cale – et des données élémentaires, permettent de
fiant la détermination d’un prix de revient, d’un justifier l’intégralité de la formation des résultats ;
stock, ou bien encore d’éléments de calcul d’une – les applications plus élaborées, qui ne permet-
provision. tent pas de reconstitution directe des résultats à
La production, à première demande, des don- partir des seules données élémentaires du fait de
nées telles que définies ci-avant n’est pas en soi règle de gestion trop ardue.
suffisante. Le contribuable se doit, à l’identique, En fonction des circonstances et de ces deux
de fournir à l’Administration fiscale les traitements variantes, l’entreprise pourra satisfaire à ses obli-
informatiques y attachés. gations de présentation en choisissant l’option
b. L’obligation de présentation des traitements qui lui semble la plus favorable entre deux solu-
informatiques tions dissemblables :
La notion de traitements informatiques n’est – présentation de la documentation, y compris
guère plus aisée à définir. De manière synthétique des règles fiscales appliquées, ainsi que des don-
mais sans doute trop littérale, les traitements in- nées élémentaires et des résultats intermédiaires ;
formatiques s’entendent des différentes étapes – présentation de la documentation, y compris
de programmes informatiques qui divisent le des règles fiscales appliquées, ainsi que des

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données élémentaires et des traitements inter- S’agissant plus spécifiquement des modalités de > Lutte contre la
médiaires. conservation de ces données primaires, l’on re- fraude fiscale :
connaît, sans ambages, que la conservation doit nouveaux enjeux,
Nonobstant l’option privilégiée par le contribua- nouvelles méthodes
ble, l’obligation de présentation telle qu’enten- être effectuée de manière informatique. En effet,
due précédemment revêt, ainsi qu’il a pu être dé- conformément aux dispositions de l’article L. 102 B
montré, un caractère hétérogène marqué. Cette du Livre des procédures fiscales, il est entendu
sujétion se double d’une seconde contingence que la conservation sur support papier de données
qui tient à la nécessité de conserver, selon des constituées ou reçues sur support informatique
modalités propres, les données et les traitements ne saurait, d’aucune manière, constituer une
informatiques ci-avant caractérisés. solution alternative à la conservation informatisée
de ces données. La solution possède, fort logi-
B. L’obligation de conservation quement, son corollaire : la conservation infor-
matisée offre à l’entreprise la possibilité de ne
Les entreprises concernées par la procédure de pas constituer d’archivage supplémentaire sur
vérification des comptabilités informatisées sont support papier, sauf dans les cas où l’original
astreintes à une obligation de conservation éten- demeure indispensable comme, par exemple, les
due des éléments spécifiés ci-avant. pièces justificatives de la taxe sur la valeur ajoutée
S’agissant ainsi des données primaires, il est déductible.
patent que l’entreprise désireuse de satisfaire au
Concernant le délai de conservation requis par
mieux ses obligations en matière de contrôle
les textes fiscaux, l’on considère, aux termes de
fiscal des comptabilités informatisées devra, à
l’article L. 169 B du Livre des procédures fiscales,
titre impérieux, procéder à la conservation de la
que la documentation, les données et les traite-
complétude des données qui, directement ou
ments informatiques intermédiaires doivent êtres
indirectement, concourent à la détermination des
conservés pendant un délai minimum de trois ans
résultats comptables ou fiscaux. Il conviendra,
(délai pendant lequel l’Administration fiscale de-
notamment, de ne pas se satisfaire de la conser-
meure fondée à exercer son droit de contrôle).
vation d’échantillons sélectionnés de données
primaires restreintes, ou de données agrégées,
L’on aura cependant cure de noter qu’à ce délai
qui ne sauraient d’aucune manière décharger le
préfixe de trois ans, des délais spécifiques sont
contribuable de ses obligations de conservation.
susceptibles de se substituer, en fonction de
Il conviendra en conséquence de s’assurer de la circonstances intrinsèques, au cas des entreprises
complétude et surtout du caractère suffisamment vérifiées. Tel est notamment le cas en présence
détaillé des données devant être conservées. d’un exercice déficitaire. Un délai spécifique
Ainsi, à titre d’exemple, les entreprises devront de six ans pèse également sur les entreprises
conserver, dès leur constitution, les fichiers histo- au titre de la détention de certains documents
riques des mouvements (commandes, livraisons, obligatoires.
mouvements de stocks, factures, prix de revient,
prix d’achats, montant des abonnements, prélè- L’on aura pu se convaincre, à ce stade de l’ana-
vements opérés, opérations sur titres, etc.). Les lyse, de la complétude des obligations attachées
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fichiers à caractère permanent ou référentiel (plan à la procédure de vérification fiscale des compta-
comptable, fichier clients, fournisseurs, tarifs, bilités informatisées. Parallèlement, l’entreprise
prêts, produits, emprunts, contrats, etc.) devront se voit octroyer un certain nombre de garanties
à l’identique, être régulièrement stockés. dédiées.

2 Les garanties attachées à la procédure du contrôle fiscal


des comptabilités informatisées
L’on aura soin de présenter de manière littérale de la jurisprudence relative au contrôle fiscal des
les garanties procédurales explicitement atta- comptabilités informatisées (B).
chées à la procédure de contrôle fiscal des comp-
tabilités informatisées (A). Dans un second temps, A. Les garanties légales
afin de parfaire l’analyse et de circonscrire pleine-
ment les possibilités de contestation offertes aux En sus des garanties traditionnelles attachées à
contribuables, l’on procédera à l’examen critique toute procédure de contrôle de l’impôt, la vérifi-

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Fiscalité et lutte contre la fraude

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> Lutte contre la cation des comptabilités informatisées offre un cal des comptabilités informatisées. Quelques
fraude fiscale : certain nombre de droits et garanties adjacents. rares décisions témoignent toutefois du parti-
nouveaux enjeux, cularisme de cette procédure, éclairant d’autant
nouvelles méthodes L’article L. 47 A du Livre des procédures fiscales
encercle à cet égard avec netteté les pouvoirs sur l’interprétation privilégiée par le juge de
d’investigation de l’Administration fiscale. l’impôt.

Ainsi, s’en tenant à l’énoncé de la disposition S’agissant ainsi de l’article L. 47 A du LPF, dont on
fiscale, différents modes opératoires paraissent a vu qu’il prévoyait trois modalités de vérification
pouvoir être envisagés qui circonscrivent nette- distinctes, une décision du 16 juin 2003 a permis
ment le champ d’intervention du service vérifica- de mieux circonscrire l’étendue des garanties
teur. L’article L. 47 A LPF prévoit ainsi que le contenues au sein de la présente disposition2.
contrôle peut, au choix et à la seule convenance On l’a vu, le choix laissé au contribuable relative-
du contribuable, être effectué en premier lieu par ment au mode de vérification de sa comptabilité
les agents vérificateurs sur le matériel de l’entre- informatisée n’est pas anodin. Dans sa doctrine,
prise. Cette option nécessitera que soit restauré l’Administration fiscale admet d’ailleurs qu’il soit
au bénéfice de l’Administration fiscale un environ- offert à l’entreprise, à l’occasion de chaque point
nement informatique contenant les points contrôlé, de recourir à l’option souhaitée. Il s’agit
susceptibles d’être vérifiés par l’Administration là d’une garantie substantielle dont le non-res-
fiscale. pect entache d’irrégularité manifeste la procédure
Une seconde option consiste à remettre à l’Admi- d’imposition.
nistration fiscale les fichiers de données faisant Sans pour autant remettre en cause ce principe,
l’objet de la procédure de vérification fiscale. la Haute juridiction a, dans la décision précitée,
Enfin, une dernière alternative doit être envisa- jugé que le choix ainsi offert au contribuable
gée, le contribuable vérifié pouvant également, n’avait pas à être proposé avant la venue sur place
sur son propre matériel et sous la tutelle de des agents vérificateurs. Il a toutefois été précisé,
l’Administration fiscale, répondre aux demandes et il s’agit là du véritable apport de l’arrêt, que le
de traitement de toutes natures émises par cette vérificateur devait, à titre impérieux, informer le
dernière. Cette dernière hypothèse, qui reçoit à contribuable vérifié des différentes options conte-
l’heure actuelle l’assentiment de la majorité des nues à l’article L. 47 A LPF, au plus tard au moment
entreprises, conduit l’Administration fiscale à où il décide de procéder au traitement informa-
rédiger un véritable cahier des charges qui devra tique de la comptabilité informatisée.
être exécuté, généralement sous trente jours, par
l’entreprise vérifiée. Cette solution qui, selon les termes mêmes du
commentateur de l’arrêt précité, « va de soi »,
S’agissant de cette dernière modalité, il est
soulève, en pratique, de nombreuses difficultés,
entendu que depuis le 1er janvier 2017, les entre-
l’Administration fiscale pouvant parfois éprouver
prises disposent d’un délai désormais réglementé
une propension à initier les traitements informa-
pour remettre leur copie au service vérificateur.
tiques sans véritable prévenance. Il est constant
En présence de ces trois modalités de contrôle, que, dans une telle hypothèse, le service vérifi-
le contribuable doit être à même de privilégier le cateur encourt sans ambages le grief du vice de
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mode d’intervention qu’il juge opportun en consi- procédure.
dération, notamment, de la complexité de son
En sus des précisions apportées par le juge fiscal
système d’information et des ressources dont
sur l’application de l’article L. 47 A LPF, l’on
l’entreprise dispose aux fins d’exécution et
trouve, de manière éparse, quelques rares déci-
de réalisation, par exemple, des demandes de
sions, notamment en matière d’emport de fichiers
traitement.
informatiques. Il est désormais admis que l’admi-
Il est en tout état de cause entendu que l’Admi- nistration puisse, à condition de ne pas garder de
nistration fiscale ne saurait d’aucune manière copies, porter sur une clé USB remise par le véri-
imposer à l’entreprise vérifiée le recours à une ficateur le résultat des traitements effectués par
variante de contrôle donnée. Cette solution a l’entreprise vérifiée en cas d’option par cette
du reste été récemment précisée par le juge de dernière pour cette variante de contrôle. Une
l’impôt qui a eu l’heur d’apporter à ce sujet présomption de destruction des fichiers a été
d’utiles précisions. introduite par le texte fiscal.
Plus récemment encore, il a été acté que l’Admi-
B. Les garanties jurisprudentielles
nistration fiscale se devait de faire preuve de
2 Conseil d’État (3e et 8e ss.),
16 juin 2003, SARL Le Veneto,
L’on trouve, de manière générale, peu de jurispru- suffisamment de pédagogie lorsqu’elle procède
n° 236503, RJF, 10/03, n° 1128. dences explicitement consacrées au contrôle fis- à la rédaction d’une demande de traitements ;

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elle se doit à ce titre d’expliciter au contribuable Il peut être utile, afin de s’assurer de la pleine et > Lutte contre la
vérifié la finalité de la demande ainsi rédigée par entière conformité du système d’information de fraude fiscale :
ses soins. l’entreprise aux règles fiscales en vigueur, d’initier nouveaux enjeux,
nouvelles méthodes
une procédure d’audit fiscal à visée informatique.
À l’heure de la conclusion, l’on aura pu percevoir
Cette démarche permettra, à son issue, d’entre-
la spécificité de la procédure du contrôle fiscal
prendre les éventuelles actions correctrices per-
des comptabilités informatisées. Eu égard aux
mettant ainsi de prévenir les risques attachés au
sanctions y attachées, les entreprises désireuses
contrôle fiscal des comptabilités informatisées.
de sécuriser au mieux leur système d’information
auront à cœur de prendre un certain nombre de La démarche d’audit aura notamment pour fonc-
précautions, garantes de leurs intérêts pécuniaires. tion :
Dans ce contexte, une procédure d’audit fiscal du – de vérifier et de valider l’efficacité de la procé-
système d’information pourra être utilement ini- dure de sauvegarde et d’archivage ;
tiée, permettant, notamment, de s’assurer de la
permanence des obligations légales et réglemen- – de déterminer les solutions techniques idéales
taires spécifiées précédemment. pour fiabiliser les archives ;
– d’élaborer un plan d’archivage offrant le meil-
* * leur rapport coût/efficacité ;
de valider la procédure de migration ou d’intégra-
* tion des applications informatiques spécifiques ;
– de valider certaines applications spécifiques
Diagnostic et plan d’actions CFCI (provisions sur stock, prix de transfert, TVA collec-
tée, détermination des marges, etc.) ;
En cas de manquements graves et avérés aux
règles attachées à la procédure de contrôle fiscal – de contrôler certains points particuliers
des comptabilités informatisées, l’entreprise véri- (recherche de doublons, de trous, d’exhaustivité
fiée encourt, en sus du rehaussement de son ré- de données, de conformité de calcul de provi-
sultat imposable, la mise en œuvre de la procé- sions) ;
dure de taxation d’office. Cette procédure peut – d’analyser les chaînes de traitement et les algo-
être lourde de conséquences dès lors qu’en sus rithmes ;
de l’application d’une pénalité de 100 %, la mise
en œuvre de cette procédure emporte tout à la – de procéder fréquemment à des tests ayant
fois un renversement de la charge de la preuve pour objectif de déceler des erreurs, écarts de
et l’impossibilité de procéder à la saisine de la résultats ou toute différence de données ;
Commission départementale des impôts directs – plus généralement, d’initier toute procédure de
et du chiffre d’affaires. vérification fiscale à blanc jugée opportune. n
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