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SES-MUTATIONS DU TRAVAIL

Chap : Quelles mutations de l’emploi et du travail ?

Le travail est-il une valeur en déclin chez les Français ?

1. Les mutations de l’organisation du travail en France


2. Le travail en tant que valeur
3. Les transformations du travail bouleversent le rôle intégrateur du travail.
CR-Cafe_philo_2015-01-Travail.pdf (oyonnax.fr)

Les Français et le travail - IFOP

La valeur travail bat-elle vraiment de l’aile ? - AOC media

Au-delà du clivage politique, la perception de la « valeur travail » des Français évolue (la-croix.com)

Malgré le rejet de la réforme des retraites, "la valeur travail ne s'est pas affaiblie" chez les actifs | TF1 INFO

« Si le travail a pu prendre un sens et une valeur autres que le simple fait de gagner sa vie, c’est aussi parce qu’il y a un après » (lemonde.fr)

« La gauche, déjà en retrait sur la valeur travail, n’arrive plus depuis quarante ans à penser la valeur loisir »

Le rapport au travail des Français est parfois critiqué. Ces derniers en auraient une image trop négative, ce qui les
conduirait à ne pas faire assez d’efforts dans ce domaine. On parle parfois de « valeur travail » pour désigner le fait
que le travail n’est pas juste une activité mais qu’il s’accompagne de certaines « valeurs » comme un goût pour l’effort
et une existence dans laquelle il occupe un rôle majeur. L’importance du travail en France est-elle en déclin ? Comment
expliquer que certains en aient une image si négative ?

INTRODUCTION
Dans quelles mesures les transformations du travail engendrées depuis cette période lui ont-
elles fait perdre son caractère d’intégrateur social ?
L’emploi apparait comme étant traditionnellement un facteur d’intégration majeur dans
notre société pourtant, il semble de moins en moins facteur d’inclusion sociale.
La réforme des retraites qui a rouvert le débat sur le rapport entretenu par les Français au
travail. Tandis que certains évoquent le basculement de notre société actuelle en société de
loisirs, d’autres parlent plutôt d’une transformation de la relation au travail.
Un point d’orgue a été atteint durant la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.
Il affirmait alors avec force la nécessité de réhabiliter une valeur travail qui aurait été, selon
lui, profondément dégradée au cours des années précédentes.
Expression polysémique par excellence, la « valeur travail » fait régulièrement l’objet
d’appréciations contrastées dans le débat public. Manifestation d’un relâchement collectif
qui nous mettrait en péril sur le plan économique et social, la crise de la valeur travail
exigerait, pour les uns, que nous remettions le sens de l’effort au goût du jour.
Néanmoins, aujourd'hui, la valeur travail semble être en déclin : l'idée selon laquelle le
travail est toujours un agent de socialisation aussi important qu'auparavant peut être
remise en cause de la mutation du travail.
1. Les mutations de l’organisation du travail en France

L'évolution de l'organisation du travail


Pour bien comprendre
• Le travail désigne toute action de production qu’elle soit ou non rémunérée.
• Un emploi est un poste occupé pour exercer une activité professionnelle rémunérée et déclarée
permettant d’acquérir un statut, un revenu et une protection sociale.
• La qualité de l’emploi représente l’ensemble des caractéristiques de l’emploi qui ont des effets
sur le bien-être des travailleurs.
• Les conditions de travail sont les caractéristiques du travail tel qu’il est perçu par les travailleurs
en termes de contraintes et de risques.

1 Les modèles d’organisation tayloriens au XIXe siècle


a. Le Taylorisme : la division du travail et la spécialisation
L’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor (1856-1915) introduit à la fin du XIXe siècle et au début
du XXe siècle une nouvelle méthode d’Organisation Scientifique du Travail (OST) qui porte son nom, le
taylorisme. Elle repose tout d'abord sur une division technique du travail organisée par postes
contrairement à l’ancienne organisée par métiers.

Les objectifs de Taylor sont de trois ordres :

• augmenter le rendement et la productivité de ses employés en optimisant les temps de


production, les déplacements des salariés et la gestion de leur temps de travail. Les tâches
doivent être parfaitement découpées et chaque ouvrier est spécialisé sur son poste afin
d’augmenter les cadences de production ;
• intégrer une méthode de fabrication optimale (« one best way ») ;
• mettre en place une rémunération au mérite (« Fair day’s work ») en fonction des cadences
constatées.

Pour réaliser ces objectifs, l'organisation du travail doit adopter deux sortes de dimensions.

D’une part, une dimension verticale : il s’agit de séparer les tâches de conception du travail et de
formation, de celles de l’exécution. Ainsi les ingénieurs pensent le travail et les ouvriers doivent
l’exécuter conformément aux instructions et à la formation que les premiers leur fournissent.

D’autre part, une dimension horizontale : le processus de production d’un bien est décomposé en une
suite de tâches simples confiées chacune à un ouvrier spécialisé. La spécialisation de l’ouvrier est, par
exemple de ne faire qu’une seule action. L’objectif est d’identifier la manière la plus efficace de découper
le travail.

Si cette méthode a prouvé son efficacité pour ses gains de productivité, elle a également subi de
nombreuses critiques, notamment pour le fait qu’elle soit éprouvante et démotivante.
b. Le Fordisme : le travail à la chaîne et une valorisation des salaires
L’industriel américain Henry Ford (1863-1947) introduit un mode d’organisation du travail appelé
Fordisme.

Ce modèle prolonge les objectifs de productivité et de rémunération au mérite instaurés par le


Taylorisme, en y ajoutant d’autres principes comme notamment le travail des ouvriers sur des chaînes
de montage (avec le fameux tapis roulant dictant le rythme aux ouvriers).

Le Fordisme désigne également le « compromis économique et social vertueux » permis par les résultats
de cette mise en œuvre : les forts gains de productivité peuvent en partie être attribués aux travailleurs
concernés, contribuant à la très forte croissance économique qui, en retour, soutient la productivité.

Ces principes sont :

• la standardisation des produits et des pièces permettant de produire en grandes séries à l’aide
de pièces interchangeables ;
• le travail sur des chaînes de montage (dit travail à la chaîne)
• l’augmentation du pouvoir d’achat des ouvriers. Rendue nécessaire pour compenser la perte
d’intérêt des ouvriers face aux tâches répétitives et possible par les gains de productivité, elle
permet de stimuler la demande de biens, ouvrant la voie à la consommation de masse.

Les conséquences sont une hausse de la production et de la productivité, mais aussi de la


consommation, une baisse du coût de production (par des économies d’échelle).

Le Fordisme a également montré ses limites dans la réponse aux besoins de diversification de la
production et face à la concurrence des pays asiatiques. Une autre conséquence de cette organisation
du travail est la surproduction, où les produits fabriqués en masse ne trouvent pas toujours preneurs.

2 Les nouveaux modèles d’organisation du travail à partir des


années 1950
a. Le Toyotisme : une production pilotée par la demande avec une
responsabilisation et la polyvalence des travailleurs
L’ingénieur japonais Taiichi Ohno (1912-1990) met en place une organisation du travail appelée
Toyotisme dans les années 1960 au sein de l’entreprise Toyota.

Le Toyotisme se veut d’abord une amélioration du Taylorisme et du Fordisme considérés comme


insuffisants pour assurer une adaptation rapide des entreprises aux marchés. Il est fondé sur une plus
grande responsabilisation des travailleurs qui voient leurs tâches enrichies, qui deviennent polyvalents
et qui doivent s’impliquer dans leur équipe. Un tel système d’organisation permet un décloisonnement
des fonctions et des responsabilités ; il allie l’efficacité de production à une certaine reconnaissance
des travailleurs. On leur demande leur avis sur l’entreprise, et ils se sentent ainsi plus importants et
mieux valorisés.
La recherche de la qualité est privilégiée tout au long de la chaîne de production. La lutte contre le
gaspillage et les coûts superflus s’appuie sur l’objectif des cinq zéros : zéro défaut, zéro papier, zéro
panne, zéro stock, zéro délai.

• le juste-à-temps : système de production qui vise à synchroniser et à ajuster exactement le flux


et le nombre des pièces avec le rythme de montage ;
• le kaizen : principe d’autonomisation des équipes chargées de définir les temps standards de
production et de se répartir les diverses opérations de fabrication d’un produit afin de travailler
plus efficacement et plus rapidement. Le kaizen décrit parfaitement le principe d’amélioration
continue du système. On l’appelle aussi « Lean Management » ;
• l’autonomisation des machines : équipement des machines de dispositifs d’arrêt, simples, peu
onéreux, qui permettent la surveillance de plusieurs machines par un même opérateur ;
• le kanban : système d’étiquettes (de fiches de papier) qui indique le nombre de pièces à produire
ou à livrer, en évitant ainsi toute production excédentaire ;
• le cercle de qualité : groupe de travail composé d’opérateurs et de cadres, constitué autour des
activités de kaizen, qui couvre les questions de qualité, de maintenance, de sécurité, de prix de
revient…; ou encore le zéro défaut, l’esprit d’équipe, etc.

Le Toyotisme est une première réponse aux difficultés du modèle Taylorien-Fordien, grâce à sa grande
réactivité face au marché. Pour le Taylorisme et le Fordisme, l’offre fait la demande, c’est-à-dire que les
consommateurs achètent les produits disponibles qui sont tous similaires. Pour le Toyotisme, la
demande fait l’offre. Ainsi les produits ne sont fabriqués qu’en fonction de la demande des clients.

b. Les nouvelles organisations du travail : la flexibilité et le management


participatif
A partir des années 1970, ce modèle démontre ses limites par son incapacité à répondre à la montée
des exigences de flexibilité au sein des entreprises. Les mutations économiques et sociales exigent plus
de flexibilité dans l’emploi.

La flexibilité est un mode de gestion de la main d'œuvre mis en place dans les entreprises pour adapter
rapidement la production et l'emploi correspondant, aux fluctuations de la demande.

La flexibilité peut être quantitative interne : cela consiste à faire varier le volume de travail sans faire
varier le nombre de salariés, mais en modulant le nombre d’heures travaillées grâce notamment au
recours aux heures supplémentaires.

Exemple : les ouvriers d’une usine de chocolat travaillent davantage en période de Noël et pour Pâques.

La flexibilité peut être quantitative externe, c’est-à-dire que les entreprises adaptent le volume de
travail à la conjoncture. Soit :

• en recourant aux licenciements ;


• en utilisant les nouvelles formes d’emplois (interim, CDD, temps partiel, emplois aidés,…) ;
• en externalisant une partie de la production en faisant exécuter des tâches annexes à d’autres
entreprises afin de répondre à la demande.

Exemple : pour honorer une prestation une agence d’évènementiel confiera l’animation à des artistes.

La flexibilité qualitative consiste à rendre le salarié polyvalent en lui demandant d’effectuer différentes
tâches selon les besoins.

Exemple : Une caissière qui met des articles en rayon lorsqu’il y a peu de clients.

La flexibilité salariale donne la possibilité d’adapter le salaire à la situation financière de l’entreprise et


à la productivité individuelle.

Exemple : les emplois jeunes exemptés de charges.

Les individus de plus en plus qualifiés n'acceptent plus le travail répétitif et hiérarchique hérité du
modèle taylorien. De ce fait, on passe dans les années 1980 d’un mode de management directif à un
mode de management participatif. Cela consiste à fixer avec l’employé des objectifs réalisables et de
l’intéresser aux performances de l’entreprise pour lui permettre d’accroître sa productivité. En lui
offrant plus d’autonomie, l’employé sera davantage motivé par la confiance accordée par l’entreprise
et fournira davantage d’efforts.

En conclusion, depuis la révolution industrielle, l’organisation du travail n’a cessé d’évoluer pour
s’adapter aux mutations économiques et sociales et permettre à l’emploi de progresser du point de
vue de la qualité et des conditions de travail.

L'impact du numérique sur l'organisation du travail


Pour bien comprendre
• Le modèle d’organisation taylorien est fondé sur la division horizontale appelée spécialisation, et
la division verticale appelée hiérarchie.
• Le modèle d’organisation post-taylorien est une nouvelle logique d’organisation du travail qui
implique une plus grande flexibilité, la recomposition des tâches et un management participatif.
• La flexibilité est un mode de gestion de la main d'oeuvre mise en place dans les entreprises pour
adapter rapidement la production et l'emploi qui correspondent aux fluctuations de la demande.
• Le management participatif est un type de management qui tend à optimiser la collaboration du
personnel.

1 La numérisation du travail
L'arrivée des technologies numériques a profondément modifié la nature du travail les formes et les
conditions de travail.

La transformation numérique touche aujourd’hui de façon plus ou moins forte les entreprises, dans les
méthodes de conception, de production, de collaboration, d’organisation, de travail. On peut distinguer
:
De ce fait, on peut affirmer que l’économie se numérise.

Cette numérisation de l’économie a eu pour impact sur le travail :

• la diffusion massive de nouveaux outils de travail, tels les smartphones, les tablettes et les
applications professionnelles, mais aussi les réseaux sociaux ;

Exemple : l’application École Directe dans les établissements scolaires.

• la modification des conditions d’exercice de tous les métiers, donc des compétences nécessaires
et de leur apprentissage ;

Exemple : les Community manager, les blogueurs, etc.

• la modifications de l’environnement du travail et l’empiètement du travail sur la vie privée ;

Exemple : la réception des emails, messages et appels professionnels le soir, le weekend ou pendant les
vacances.

• le bouleversement de l’organisation traditionnelle du travail avec l’explosion du travail à


distance mais aussi des méthodes de travail plus collaboratives et espaces de travail plus ouverts
;

Exemple : les open space, les réunions virtuelles, etc.

• de nouvelles formes de travail hors salariat.

Exemple : Webmaster.

Ainsi, l'arrivée du numérique a transformé l’organisation du travail en télétravail où la frontière entre


vie privée et vie publique est parfois difficile à observer. Par ailleurs, si l’outil numérique a supprimé
des emplois comme employé de banque, il en crée d’autres comme webmaster. La difficulté sera donc
de former la population aux nouveaux besoins en compétences de l’emploi.

2 L’ubérisation du travail
L’ubérisation est un processus économique qui, grâce aux nouvelles technologies numériques,
contourne les secteurs classiques de l’économie en créant un nouvel intermédiaire. Cet intermédiaire
qui permet de mettre en relation directe les utilisateurs et les prestataires se matérialise sous la forme
d’une plateforme numérique.

Intervenant dans de multiples domaines (voitures de transport avec chauffeur, tourisme, services à la
personne etc.), ces plateformes sont monétisées de diverses manières :

Les activités « ubérisées » offrent davantage de souplesse. À visée collaborative, elles peuvent favoriser
l’innovation.

L’ubérisation remet en cause le salariat comme norme. Les prestataires effectuent des missions, ils sont
rémunérés à la tâche. Les prestataires sont enregistrés sous le statut de l’auto-entrepreneur (ou micro-
entrepreneur).
Si le travail indépendant permet davantage de liberté dans l’organisation de son temps de travail, il est
aussi vecteur d’incertitudes et d’insécurité. La précarisation des indépendants « ubérisés », qui ne
bénéficient pas des protections liées au statut de salarié, est régulièrement dénoncée.

Ainsi, l’ubérisation du travail modifie la relation des individus avec le travail.

En conclusion, l’arrivée des technologies numériques a transformé économiquement et socialement


le monde du travail comme l’avait fait auparavant l'industrialisation et la tertiarisation pour proposer
un nouveau secteur et des nouvelles formes d’emploi.

L'impact des mutations du travail sur l'emploi


Pour bien comprendre
• Un emploi est un poste occupé pour exercer une activité professionnelle rémunérée et déclarée
permettant d’acquérir un statut, un revenu et une protection sociale. Le numérique désigne
l’ensemble des terminaux (ordinateurs, téléphones, etc.), des logiciels et applications ainsi que
la mise en réseaux des données (internet, intranet, plateformes, etc.) associés aux Technologies
de l’Information et de la Communication (TIC).
• Le télétravail est une activité rémunérée exercée à distance grâce aux technologies de
l’information et de la communication.
• L’ubérisation de l’économie désigne la remise en cause du modèle économique d’une entreprise
ou d’un secteur d’activité par l’arrivée d’un nouvel acteur proposant les mêmes services à des
prix moindres, effectués par des indépendants plutôt que des salariés, le plus souvent via des
plates-formes de réservation sur Internet.

1 Les mutations du marché du travail


Depuis cinquante ans le marché du travail s’est transformé à travers l’impact des mutations
économiques et sociales de notre société influencée par le progrès technique.

Tout d’abord, l'emploi s'est beaucoup féminisé.

Ensuite, la féminisation va de pair avec un deuxième bouleversement : la montée de la tertiarisation


des emplois. Une autre transformation majeure concerne le statut de l'emploi avec une grande rupture
: celle de la montée du salariat.

Par ailleurs, l'élévation du niveau général de formation de la population grâce aux politiques publiques
a aussi transformé la structure de l’emploi tout comme son organisation.

Enfin, la numérisation et l’ubérisation de l’économie ont eu pour conséquence de créer de nouveaux


secteurs d’activités mais aussi de nouvelles formes de travail et d’organisation du travail avec de types
de managements et de relations sociales.

Ainsi, ces transformations de l’emploi vont avoir des conséquences sur le statut de l’emploi mais aussi
sur les conditions et la qualité du travail.
2 Leurs conséquences sur l’emploi
Les mutations de l’emploi ont eu des conséquences sur les formes et le statut de l’emploi, mais aussi sur
les conditions et la qualité du travail. Elles sont la cause de la segmentation du marché du travail.

Tout d’abord ces changements ont induit des phénomènes de segmentation, voire de polarisation de
l’emploi. La salarisation a provoqué une première division entre les salariés jouissant davantage de
protection sociale et les indépendants qui en sont souvent dépourvus comme l’assurance chômage ou
moins bien pris en charge comme les retraites.

Ensuite, le statut de l’emploi segmente lui aussi le marché. D’un côté il y a les individus qui ont un emploi
stable grâce à un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) et de l’autre, les personnes qui n’ont pas
de revenus garantis à long terme car employés en contrats à durée déterminée (CDD) ou bien encore
en intérim.

Cette précarisation est aussi un conséquence directe de l’ubérisation de l’emploi qui tire les
rémunérations vers le bas en mettant en concurrence les travailleurs et en offrant peu de protection
sociale.

Toutes ces transformations ont donc abouti à une polarisation de l’emploi entre les hauts salaires et les
bas salaires, réduisant les salaires intermédiaires, mais surtout augmentant les inégalités entre
travailleurs.

Ces inégalités vont aussi bien porter sur les salaires que sur les conditions de travail, qui vont être
perçues différemment entre les salariés. De manière plus générale, cette mutation de l’emploi aboutit
aussi à des inégalités dans la qualité de l’emploi puisque tous les travailleurs n’ont pas la même
condition, le même temps de travail ni la même protection de l’emploi.

En conclusion, les grandes mutations de l’emploi : féminisation, tertiarisation, hausse des


qualifications, salarisation, numérisation et ubérisation de l’emploi ont pour conséquences de
segmenter la population active et de faire ressortir les inégalités. De plus, toutes ces transformations
ont certainement eu un impact sur la société du fait du rôle intégrateur du travail.

2. Le travail en tant que valeur

Le rôle intégrateur du travail


Pour bien comprendre
• Le travail désigne toute action de production qu’elle soit ou non rémunérée.
• Un emploi est un poste occupé pour exercer une activité professionnelle rémunérée et déclarée
permettant d’acquérir un statut, un revenu et une protection sociale.

1 Le travail est facteur d’intégration sociale


En 1748, Montesquieu écrivait déjà dans De l’esprit des lois : « Un homme n'est pas pauvre parce qu'il
n'a rien, mais parce qu'il ne travaille pas. » Le travail est donc valorisé dans la société et valorisant pour
les individus car il est à la fois :

• source légitime de revenus ;


• norme nécessaire à la reconnaissance sociale.

À la toute position dans la division du travail est associée une position sociale, et une certaine
reconnaissance sociale d'un statut pour l'individu.

De plus, dans les sociétés contemporaines, l'emploi est une forme institutionnalisée du travail. Il
apporte au travailleur une garantie de ressources matérielles, mais aussi symboliques.

Quoi qu’il en soit, le travail des individus leur rapporte évidemment un revenu primaire ou mixte. Le
revenu gagné permet de satisfaire l’ensemble de ses besoins et de vivre : nous vivons donc dans une
société de consommation dans laquelle l’acte d’achat est une nécessité pour vivre. En outre, pour les
sociétés développées, comme en France, l’acte de consommation est aussi un signe envoyé vers les
autres. Elle permet de donner de soi une image particulière qui elle aussi est source d’identité.

C’est en cela que le travail, parce qu’il est source de revenu, est une instance d’intégration sociale
fondamentale. Au statut de salarié est associé une reconnaissance sociale sous la forme de la protection
sociale.

Dans de très nombreux pays, le travail est la base d’un système de protection sociale assurant des
revenus lorsque des risques sociaux surviennent. Ces dispositions évitent aux individus concernés de
perdre une partie ou la totalité de leurs revenus et de se retrouver exclus en partie de la société.

Ainsi, la première fonction du travail est d’intégrer les individus dans la société en leur permettant de
satisfaire leurs besoins et de participer à l’effort de production national.

2. Le travail est source d'identité sociale


Le travail est une des activités qui, quel que soit son objet précis, occupe le plus la vie des individus et
les situe dans la société.

La profession est un indicateur du milieu social auquel un individu appartient, et un critère de


classement. En effet, les professions situent l’individu dans la société en termes de prestige et de
rémunération. Ainsi, un individu se reconnaît telle ou telle place dans la société et est reconnu par les
autres comme tel.

Le travail salarié est aussi une sphère d'intégration parce qu'il permet au salarié d'acquérir une identité
reconnue. En effet, le métier est considéré comme un élément fondamental de l'identité sociale des
individus. Une partie de la sociabilité de l'individu se joue au travail, car c'est là que l'on peut y rencontrer
non seulement des collègues mais aussi des amis, voire un conjoint. Le travail est porteur d'identité
sociale autant que de revenu. Il permet aux individus d'avoir une place sociale reconnue et de partager
des valeurs communes au sein de son groupe socioprofessionnel.
Le travail apporte un rôle économique et social, on partage souvent un même mode de vie avec les
individus de la même catégorie sociale. Pierre Bourdieu (1930-2002) avait mis en avant le partage d’un
« habitus », c’est à dire de pratiques et de consommations communes Ainsi, notre métier détermine
notre donc notre identité sociale et notre place dans la société.

En conclusion, le travail joue un rôle intégrateur en nous procurant un revenu pour satisfaire nos
besoins et une protection sociale, ainsi qu’une place dans le système productif national. Il confère à
l’individu une place dans la société qui va lui permettre de construire aussi son identité sociale.

Le regard critique des jeunes vis-à-vis des entreprises ne doit pas faire oublier qu'ils sou-haitent travailler et
que nombre d'entre eux ont du mal à trouver un contrat. Nous avons affaire à une génération très qualifiée,
avec des attentes élevées vis-à-vis du travail, et ce dans plusieurs dimensions. La dimension instrumentale,
car ils attendent un salaire juste et une sécurité de l'emploi. La dimension sociale, au sens où le travail doit
apporter des relations sociales de qualité. La dimension expressive, enfin, puisque le travail doit être
synonyme d'épanouissement de soi.

Cette génération souhaite retrouver une cohérence éthique entre le monde du travail et la vie à l'extérieur
de l'entreprise. Le travail reste une valeur importante mais n'est plus la valeur dominante : les jeunes ont une
conception pluri-centrique de l'existence, ils souhaitent se réaliser dans de multiples domaines.

Eu égard au travail, la question du sens est donc déterminante, et c'est là que se situe la possibilité de
l'épanouissement. Ce n'est pas en garantissant un cadre de travail agréable que les entreprises assureront
cette dimension à leurs salariés. La génération précédente valorisait déjà la question du sens mais celle-ci se
pose de façon encore plus criante aujourd'hui.

L'amélioration des conditions de vie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, sur le plan économique
mais aussi de l'éducation, a contribué à cette évolution des valeurs. L'éthique de l'épanouissement existe
depuis Karl Marx mais n'a pu se réaliser qu'une fois les conditions économiques réunies, c'est-à-dire pendant
les Trente glorieuses.

L'arrivée massive des femmes sur le marché du travail est aussi un axe d'explication : leurs attentes vis-à-
vis de la dimension expressive du travail, au-delà de la conciliation avec la vie de famille, sont plus fortes que
pour les hommes, et cela influence le monde du travail. Il est intéressant de noter que beaucoup d'hommes
jeunes très qualifiés sont désormais porteurs de ce type de valeurs favorables à l'épanouissement.

3. Les transformations du travail bouleversent le rôle intégrateur du travail.

L'impact des mutations de l'emploi sur le lien social


Pour bien comprendre
• L’intégration est le processus débouchant sur le partage de valeurs communes, de buts
communs, entre des individus en interaction au sein d'une société ou d'un groupe social
favorisant ainsi la cohésion sociale.
• Le travail a un rôle intégrateur car il garantit un revenu mais aussi une certaine position sociale
reconnue par la société.
• Le chômage correspond à l’ensemble des personnes sans emploi mais recherchant activement
un emploi.
1. Les évolutions récentes de l’emploi qui fragilisent le lien social
La croissance des Trente Glorieuses, ainsi que le progrès technique et social, ont profondément modifié
la structure des emplois. Cela a eu des conséquences sur les rapports et la place des individus dans la
société.

Tout d’abord la féminisation de l’emploi a modifié les relations dans la société. De ce fait, les femmes
ont acquis un statut professionnel auquel s’ajoute souvent le statut de mère. D’une part, elles
obtiennent ainsi une plus grande reconnaissance sociale, d’autre part, elles obtiennent aussi une
indépendance financière. Cependant, si le lien professionnel se renforce pour elles, c’est souvent au
détriment du lien familial car elles ont aussi moins de temps à consacrer à leurs enfants. En outre, la
garde d’enfants est souvent aussi un frein à l’intégration des femmes dans le monde professionnel car
bien souvent, elles sacrifient leur carrière pour s’occuper de leur progéniture.

En outre, d’autres mutations ont aussi un impact que le lien social. La numérisation du travail, par
exemple, modifie le lien social et parfois la sociabilité des individus. Les individus en télétravail sont
moins en interaction directe avec les autres, ce qui diminue aussi leur chance de développer des liens
amicaux au travail.

Ensuite, les mutations de l’emploi ont abouti à des segmentations au sein de la société, parfois
excluantes pour les individus. La salarisation a intégré davantage les individus en leur offrant revenu et
protection sociale, mais le statut d’indépendant ne garantit pas ce lien économique.

Par ailleurs, les personnes ayant une emploi atypique (CDD, intérim, temps partiel subi, etc.) ne se
sentent pas pleinement intégrées à la société, car leur situation n’est pas pérenne. De plus, leur manque
de stabilité empêche aussi leur reconnaissance sociale, car leur statut professionnel n’est pas garanti.

Enfin, si le travail a un rôle intégrateur, le chômage ou l’inactivité est souvent facteur d’exclusion.

2. Les effets du chômage : pauvreté et précarité


La perte d'emploi entraîne la perte du revenu qui lui était associé. L'augmentation du taux de chômage
dans la société peut donc signifier une augmentation du taux de pauvreté.

La pauvreté correspond au phénomène de manque de ressources par un individu ou un ménage


relativement au reste de la société.

La pauvreté peut être définie selon trois approches :

• la pauvreté monétaire : purement quantitative, elle désigne la situation de ménages dont le


revenu est inférieur à un certain seuil. Au niveau européen, on considère qu'un ménage est
pauvre si son revenu est inférieur à 60 % du revenu médian dans la société où il vit ;
• la pauvreté en conditions de vie : elle désigne la situation de ménages qui n'ont pas accès à un
certain nombre de biens et services considérés comme fondamentaux. On mesure cette pauvreté
par un certain nombre de critères de bien-être (alimentation, logement, habillement, santé,
éducation, relations sociales, sentiment de sécurité, etc) ;
• la pauvreté subjective : elle désigne les ménages et individus qui se déclarent pauvres.

La précarité et la pauvreté renvoient à des phénomènes différents. La pauvreté est une situation
(objective ou subjective) de manque de ressources matérielles. La précarité est une situation de fragilité
où les individus ont le sentiment qu'ils risquent de manquer de ressources matérielles (revenus,
logement, etc.) ou symboliques (emploi, statut).

Serge Paugam (1960-) met en évidence deux dimensions possibles de la précarité pour un salarié :

• précarité du travail : c'est un défaut d'intégration professionnelle. Le salarié trouve peu d'intérêt
dans son emploi et ne s'y identifie pas ;
• précarité de l'emploi : cela correspond à la situation d'un travailleur qui dispose d'un emploi en
contrat atypique. Son emploi n'est pas garanti dans le long terme.

3. L’exclusion sociale liée au chômage et la précarité


De nombreuses études ont montré que les conséquences du chômage ne sont pas seulement
monétaires et économiques, mais aussi sociales.

Paul Lazarsfeld (1901-1976) a montré comment le chômage avait de fortes conséquences sur la vie
sociale des individus. Les chômeurs perdent peu à peu leurs repères et leurs habitudes (notamment en
ce qui concerne leur emploi du temps), ainsi que leur confiance en eux, ce qui nuit à leurs possibilités
futures de retrouver un emploi. Se sentant inutiles, ils s'isolent ainsi peu à peu les uns des autres, et le
lien social qui les rattachait à la société s'effrite.

En conclusion, le travail joue un rôle dans l’intégration sociale et de ce fait il joue aussi un rôle dans
l’exclusion sociale de ceux qui en sont dépourvus.

Conclusion
Les Français restent attachés à leur travail car pour eux il est source de revenus
et la plupart du temps de cohésion sociale importante. Néanmoins certaines
mutations du travail modifient les rapports entretenus par ces derniers avec leur
activité professionnelle. Par ailleurs les enjeux écologiques du moment poussent
certains jeunes à s’interroger sur leur travail. Néanmoins, dans ce cas précis, il
semble que la nature même de l’activité professionnelle soit d’avantage remise
en cause que la valeur du travail.

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