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d’emploi
Retranscription: Yannick N’GUEMA
Enseignant – Chercheur en GRH
Chef de département SAM, QHSE et GRH à ITO
Introduction
* E. souterraine: économie générée par le travail au noir, les délits économiques ou activités criminelles et leur recel.
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l'emploi
I- CARACTÉRISTIQUES DE L’EMPLOI ET DU
CHÔMAGE
2- La mesure du chômage : une mesure problématique et conflictuelle
Le chômage est une construction relevant d’une convention : des définitions différentes,
des critères différents, des méthodes différentes, donc des résultats différents. La
définition du chômage au sens du BIT et au sens de l’OST est renforcé par la
complexité des statuts : situations entre l’inactivité et le chômage (ex. formation,
cessation anticipée, chômeurs découragés), entre le chômage et l’emploi (temps partiel
involontaire), entre l’emploi et l’inactivité (temps partiel volontaire) et à la frontière des
trois (travail clandestin).
• Les causes de ces évolutions : Des interprétations différentes selon le cadre théorique de
référence et, à chaque époque, des facteurs lourds spécifiques : modernisation économique
pour affronter les défis internationaux, modernisation sociale qui conduit les femmes sur le
marché du travail, chocs pétroliers et monétaires des années 1970, choix productifs visant à
l’économie de main d’oeuvre pour faire face à la dégradation de la rentabilité, rigueur
monétaire qui renchérit le coût des investissements, stratégies financières des entreprises
soumises aux diktats des marchés financiers…
L’origine ethnique et la situation géographique des travailleurs sont aussi des facteurs
de discrimination mais ces disparités sont beaucoup moins documentées
statistiquement.
Vers la fin des années 1970, des économistes vont reprendre l’hypothèse des
marchés à prix rigides de John Richard HICKS (1904-1989), et démontrer
qu’en cas de prix rigides, les ajustements se font par les quantités. Cette
théorie annoncera « l’économie de la synthèse » entre néoclassiques et
keynésiens. Ainsi, au début des années 1980, Edmond MALINVAUD
proposera une « nouvelle théorie du chômage » avec l’idée qu’il existe
plusieurs sortes de déséquilibres sur le marchés des biens et services et sur
le marché du travail : soit l’offre est supérieure à la demande sur les deux
marchés ;les travailleurs sont rationnés mais les offreurs de biens aussi
puisque la demande est insuffisante (« chômage keynésien ») ; soit l’offre
est supérieure à la demande sur le marché du travail (chômage) et la
demande supérieure à l’offre sur le marché des biens et services où les
consommateurs sont rationnés (« chômage classique »).
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Le premier cas nécessite une politique de relance de la
demande ; le second une politique de restauration de
la rentabilité des entreprises. Le 3ème cas envisagé
ne correspond pas à une situation de chômage mais
d’inflation face à laquelle il convient de mettre en
œuvre une politique de stabilisation fondée, entre
autres, sur une limitation de la masse monétaire et,
donc, une augmentation des taux d’intérêt.
Marché des
Marché du Type de
biens et Politique à mener
travail chômage
services
Relance de la consommation et de
Offre > Demande Offre > Demande Keynésien l’investissement = politiques
conjoncturelles
Restauration de la rentabilité =
Demande > Offre Offre > Demande Classique
politique structurelle
• Une première transformations concerne les qualifications : celles-ci ne sont plus définies de façon
objective comme dans les « 30 glorieuses » ; la compétence de l’individu devient une variable clé. Mais,
du coup, l’appréciation des travailleurs se fait sur des critères plus subjectifs alors qu’elle se faisait, dans
la période antérieure, sur des grilles de qualification objectivées par des diplômes ou une expérience
professionnelle.
John Maynard Keynes va révolutionner la pensée économique en publiant la "Théorie générale de l'emploi,
de l'intérêt et de la monnaie" (1936). Il se situe au niveau macro-économique et raisonne à court terme
pour s'opposer aux théories libérales du marché du travail
La critique de la flexibilité du salaire : John Maynard Keynes va critiquer, point par point, l'analyse libérale
des classiques et des néo-classiques. Pour lui, le chômage n'est pas du à un mauvais
fonctionnement du marché du travail. Il réfute l'idée de l'existence d'un marché du travail au sens
néo-classique. Ce n'est pas le marché du travail qui fixe le niveau de l'emploi ni celui des salaires
réels :
Niveau de la
productivité Population
Active
Niveau de la
Niveau de la Niveau de Niveau du
demande
production l’emploi Chômage
active
Durée
annuelle du
travail
– L'efficacité marginale du capital, c'est à dire le taux de rentabilité, qui mesure le profit
attendu que rapporte un investissement.
– Le taux d'intérêt réel à long terme, c’est-à-dire le prix de la monnaie prêtée à long terme
sans inflation. on retrouve donc la notion de profitabilité.
L'entrepreneur ne va investir que si le taux de rentabilité est supérieur au taux d'intérêt réel.
Dans le cas contraire, il préférera placer ses capitaux.
Revenu disponible
Niveau de la
consommation finale
Niveau du chômage
Propension marginal
Niveau de l’emploi
demande effective
à consommer
Niveau de la
Niveau de la
production
Taux de rentabilité
espérée
Niveau de confiance
des entrepreneurs
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Il y a donc très peu de chance pour que la demande effective se fixe à un
niveau tel qu'il permette le plein emploi de la main d'oeuvre. Edmond
Malinvaud, appelle « chômage keynésien » le chômage qui est dû à
une insuffisance de la demande effective lorsque les salaires sont
rigides. C'est un chômage conjoncturel qui accompagne le
ralentissement de la croissance économique.
Politique
conjoncturelle
Keynésienne
Soutenir la
demande
Politique Politique
budgétaire monétaire
Hausse des
Baisse du taux
dépenses
d’intérêt de la
publiques et
Banque centrale
déficit budgétaire
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Keynes est à l'origine de la plupart des politiques économiques menées par les Etats après la seconde guerre
mondiale (la politique du New Deal de Roosevelt peut être considérée comme une politique pré-keynésienne).
2. Cette politique keynésienne semble avoir du succès au moment de la crise de 2008-2009. Les pouvoirs publics
se sont mobilisés avec une rapidité, une vigueur et un degré de coordination relativement sans précédent. Une
politique keynésienne mondiale a répondu au risque systémique pesant sur les institutions financières et à la
menace d'une déflation*.
* Déflation: Gain de pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une baisse durable du niveau général des prix. A ne pas confondre avec la désinflation qui est un ralentissement de
l’inflation, soit une diminution du taux d’inflation.
1. Les limites de la politique keynésienne de relance : à partir des années 70, les
plans de relance keynésiens ont semblé moins efficace et ont été fortement
critiqué par les libéraux, Milton Friedman en particulier. Après la crise de 2008-
2009, on peut observer un paradoxe : ce sont les pays qui ont les déficits publics
et l’endettement public les plus faibles relativement à leur PIB qui ont les taux de
chômage les plus faibles (Allemagne, Suède, Danemark) alors que les Etats qui
sont lourdement endettés ont des taux de chômage élevés (Etats-Unis, Royaume-
Uni, France).
Hausse de la demande
et du PIB
l'emploi
Offre Déficit du commerce
Insuffisante Extérieur
Baisse du taux de
Chômage
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2ème limite : la politique de relance bute sur la contrainte budgétaire. Lorsque le déficit budgétaire
devient permanent, la dette de l’Etat augmente fortement et le déficit ne sert plus qu’à payer les
intérêts de la dette ce qui n’a aucun effet sur la relance de la croissance. En augmentant son
endettement et en provoquant une hausse du taux d’intérêt, l’Etat augmente le service de la dette
qui comprend la charge de la dette (les intérêts à verser) et l’amortissement des sommes prêtées
(une partie du capital emprunté) qu’il doit chaque année à ses créanciers. L’Etat entre alors dans un
« cercle vicieux » : le déficit engendre des dépenses qui creusent le déficit. On parle d’ « effet boule
de neige ». Dans ce cas, les Etats sont contraints de diminuer, voire d’annuler leur déficit
budgétaire, en diminuant les dépenses publiques et en augmentant les recettes fiscales. Ces
politiques d’austérité menées dans la zone euro entretiennent récessions et ralentissement de la
croissance qui ont des effets négatifs sur l’emploi et le chômage.
• D’une part, la création nette d’emplois peut être inférieure au nombre de nouveaux entrants sur le
marché du travail. Dans ce cas, la croissance de l’emploi n’empêchera pas le chômage.
• D’autre part, lorsque les entreprises créent des emplois, elles font sortir de la « réserve » des
inactifs (femmes au foyer, étudiants) qui postulent pour ces nouveaux emplois et gonflent le nombre
de demandeurs d’emplois. Autrement dit, la création de 100 emplois ne diminue que de 80
(industrie) ou de 60 (tertiaire) le chômage selon le secteur d’activité. Il faut au moins créer 130
emplois pour réduire le chômage de 100. C’est le « taux de flexion » (Robert Salais).
Moindre hausse de la
Niveau des stocks
production
Inactifs sortants de la
« réserve »
Pas de baisse du
chômage
Qualification inadaptée
des chômeurs
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4. La réduction du coût du travail
a) Les effets de la réduction du coût du travail sur le chômage
classique
1. Le coût du travail comprend le salaire net versé au salarié (avec
primes,…), les cotisations sociales versées aux organismes de
protection sociale ( pour le Gabon CNSS et CNAMGS) et les
coûts d’embauche et de licenciement. Il est considéré comme le
déterminant principal du volume de l’emploi et du chômage par
les économistes libéraux.
Coût d’ajustement de
Coût salarial
la main-d'œuvre
Cotisations
Salaire brut Coût d’embauche Coût du licenciement
patronales
Cotisations
salariales
Salaire net
– Les entrepreneurs seront incités à embaucher davantage. En effet, le coût marginal du travail, celui du
dernier travailleur embauché, deviendra inférieur à sa productivité marginale. En d’autres termes,
embaucher deviendra profitable puisque le travailleur rapportera plus à l’entreprise que ce qu’il coûte.
L’entreprise préférera donc employer un salarié supplémentaire plutôt que de substituer le capital au
travail. Ceci devrait profiter aux jeunes et aux sans diplôme qui ont une faible productivité par manque
d’expérience et de qualification. En diminuant leurs cotisations sociales, on incite les entreprises à
substituer du travail (peu qualifié) au capital (« croissance riche en emplois »).
– La baisse du coût du travail augmente le profit des entreprises. En effet, si le coût du travail diminue alors
que la productivité des travailleurs continue d’augmenter, le coût salarial unitaire diminue. Le partage de la
valeur ajoutée devient favorable aux profits. Or, selon le théorème du chancelier Helmut Schmidt, « les
profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain ».
– La flexibilité quantitative externe qui consiste à faire fluctuer les effectifs de l'entreprise en
fonction des besoins, ce qui suppose une liberté d'embauche et de licenciement (le Lay off aux
Etats-Unis) et des contrats à durée très limitée (CDD, apprentissage, stages rémunérés).
– L'externalisation consiste à reporter sur une autre entreprise (le sous-traitant, l'entreprise
intérim) le lien contractuel avec le travailleur afin de mettre hors du champ des conventions
collectives ces travailleurs et de diminuer les charges en profitant de la souplesse du contrat
commercial. A la limite, le salarié est contraint de devenir indépendant. Toute baisse de
l’activité se traduira par une rupture du contrat commercial entre firmes.
– La flexibilité quantitative interne consiste à moduler les heures de travail en fonction de l'activité :
annualisation du temps de travail (permet à la firme de faire varier les horaires dans la semaine tout en
gardant une durée annuelle définie à l’avance), temps partiel contraint, travail posté (travail en équipes : 2
x 8, 3 x 8, 6 x 4, VSD...), heures supplémentaires, chômage technique ou partiel…
– La flexibilité fonctionnelle consiste à employer des travailleurs polyvalents à des fonctions variables pour
faire face aux mutations des marchés, des produits et des techniques (Toyotisme*).
Le toyotisme repose sur le « principe des 5 zéros » : Zéro panne, zéro défaut,
zéro papier, zéro délai, zéro stock.