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I

Viktor G ab ri el
Gradoux Roux

L'ECONOMIE
EN 50 GRAPHIQUES
POUR REUSSIR
VOS CONCOURS
Avec la collaboration de Michel Dupuy

ounoo
Direction artistique : Nicolas Wiel
Conception maquette intérieure : Julie Coinus et Florie Bauduin
Conception couverture et illustrations : Florie Bauduin
Illustrations des graphiques intérieurs : Elsa Naude

Mise en page : Belle Page

© Dunod, 2022
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
978-2-10-084745-7
Avant-pROPOS
Cet ouvrage se distingue des autres manuels de macroéconomie et de microéconomie par
son approche. Il est en effet le premier à proposer une approche exclusivement graphique
des deux branches de l’économie. Rédigé sous la forme de fiches, l’ouvrage est composé de
50 graphiques (25 en microéconomie et 25 en macroéconomie) qui présentent les concepts et
les mécanismes clés de l’économie, toutes sous-disciplines confondues.
Sachant qu’aucun graphique ne parle de lui-même, les auteurs ont fait le choix d’accompa-
gner chaque figure d’un texte présentant, de manière très claire et pédagogique, les explications
nécessaires à sa lecture et à son interprétation. Cependant, les auteurs ne se contentent pas
d’une présentation et d’une analyse des graphiques. Ils vont plus loin en montrant, dans la partie
« Application », comment et dans quelle mesure les graphes peuvent être mobilisés pour analyser
les faits économiques contemporains et rendre compte d’expériences de politiques économiques
récentes. C’est en effet le principal apport de l’ouvrage. Les exemples et illustrations propo-
sés couvrent les principaux champs de l’économie : économie bancaire et financière, économie
de la croissance, économie de l’environnement, économie industrielle, économie internationale,
économie publique, économie du travail. Le choix des applications concrètes est toujours judi-
cieux et pertinent. Ainsi, pour illustrer la notion de salaire minimum, les auteurs considèrent les
effets de l’introduction de salaires minima sur l’emploi dans les pays développés. De même, la
notion de triangle d’incompatibilité est, quant à elle, illustrée en prenant l’exemple des pays en
développement qui sont soumis, pour la plupart d’entre eux, au cycle financier mondial. Pour
appuyer le caractère scientifique des éléments figurant dans la partie « Application » de chacune
des fiches, les auteurs font référence aux études empiriques et/ou théoriques les plus récentes.
L’ouvrage s’adresse en premier lieu aux étudiants préparant l’épreuve d’économie des
concours. La plupart des concours comportant ce type d’épreuve, qu’il s’agisse des concours
des grandes écoles (écoles de commerce, ENS, ENSAE, ESM Saint-Cyr), des concours de l’ensei-
gnement (agrégation, CAPES/CAPET de Sciences Économiques) ou des concours administratifs
(INSP, Banque de France, Quai d’Orsay, EHESP, INET…), ont décidé récemment de modifier les
attendus de la dissertation économique. En particulier, une place plus importante est désormais
accordée aux éléments de réflexion formelle. Les candidats sont plus précisément invités à inté-
grer dans leurs raisonnements économiques des argumentaires qui reposent, entre autres, sur
l’utilisation de graphes. Cet ouvrage sera alors d’une aide précieuse pour une utilisation efficace
et adaptée de graphiques de base qui valent mieux que de longs développements parfois impré-
cis, voire confus…L’ouvrage de Viktor Gradoux et Gabriel Roux est donc « un compagnon » de
l’année (ou des deux années) de préparation aux concours comportant une épreuve d’économie.
L’ouvrage s’adresse également aux étudiants des filières en économie, gestion et AES qui, en
début de cursus pour certains d’entre eux, ont parfois du mal à comprendre les mécanismes de
base de l’économie et/ou à voir comment les phénomènes économiques observés peuvent être
expliqués à partir de concepts pouvant paraître a priori abscons.

Michel Dupuy
Professeur d’Université
BSE, Université de Bordeaux

3
sommaire

MICROÉCONOMIE
• L’équilibre du consommateur, l’effet substitution et l’effet revenu.................................. 8
• Le cycle de vie de Modigliani..................................................................................................... 10
• L’optimum du producteur en concurrence pure et parfaite................................................ 12
• L’optimum de Pareto.................................................................................................................. 14
• L’équilibre général appliqué à la boîte d’Edgeworth............................................................. 16
• Les effets d’un prix plafond.................................................................................................... 20
• Les effets d’un prix plancher.................................................................................................. 22
• Le modèle CobWeb....................................................................................................................... 24
• La courbe d’offre de travail individuelle............................................................................... 26
• L’effet du salaire minimum sur le marché du travail............................................................ 28
• Le rôle de l’indemnisation dans l’explication du chômage................................................... 30
• La courbe de Beveridge............................................................................................................. 32
• La courbe de Laffer................................................................................................................... 36
• L’équilibre du monopole............................................................................................................ 38
• La tarification du monopole naturel...................................................................................... 40
• Le duopole de Cournot.............................................................................................................. 42
• Le duopole de Bertrand............................................................................................................. 46
• Le modèle de Stackelberg.......................................................................................................... 48
• L’instabilité d’un cartel........................................................................................................... 52
• Les effets d’une fusion-acquisition sur le bien-être global................................................ 54
• Les effets sur la demande d’une baisse de prix liée à la concurrence............................... 56
• La relation en U inversé entre concurrence et innovation.................................................. 58
• Les asymétries d’information sur le marché du crédit........................................................ 60
• Le dilemme du prisonnier appliqué à la tragédie des communs............................................ 62
• La taxe pigouvienne................................................................................................................... 64

4
MACROÉCONOMIE
• La courbe en J............................................................................................................................. 68
• L’effet d’hystérèse de la balance commerciale..................................................................... 70
• La croissance en vol d’oies sauvages..................................................................................... 72
• La courbe du sourire................................................................................................................ 74
• Le triangle d’incompatibilité.................................................................................................... 76
• La zone monétaire optimale...................................................................................................... 78
• La courbe de Kuznets................................................................................................................ 80
• La courbe de l’éléphant............................................................................................................ 82
• La trappe malthusienne............................................................................................................ 84
• La courbe de Kuznets environnementale................................................................................ 86
• Le modèle de Dornbusch............................................................................................................ 88
• La crise de change de 1re génération........................................................................................ 90
• La bulle spéculative.................................................................................................................. 92
• Les effets des droits de douane en termes de bien-être....................................................... 94
• Les effets d’une union douanière en termes de bien-être..................................................... 98
• Le modèle IS-LM........................................................................................................................... 100
• Le modèle IS-LM-BP...................................................................................................................... 104
• Le modèle OG-DG.......................................................................................................................... 108
• Le modèle WS-PS......................................................................................................................... 112
• La trappe à liquidité.................................................................................................................. 116
• La courbe de Phillips................................................................................................................. 118
• Les cycles de Kondratieff......................................................................................................... 122
• Le modèle de Solow.................................................................................................................... 124
• La convergence conditionnelle entre les pays...................................................................... 126
• La courbe de Laffer de la dette................................................................................................ 128

5
MICRO
ÉCONOMIE
L’équilibre du consommateur,
l’effet substitution et l’effet revenu

1 Présentation
Dans l’ouvrage Sur la théorie du budget de ces deux effets. Cependant, lorsque l’ef-
du consommateur (1915), Eugen SLUTSKY fet revenu évolue en sens inverse et domine
prouve que la demande ne réagit pas seule- l’effet de substitution, l’effet d’une variation
ment négativement à un effet prix. Il s’agit de prix d’un bien peut paradoxalement avoir
pour l’économiste russe de montrer que la un effet total de même signe sur la demande.
variation des prix d’un bien produit un effet Ce résultat permet de différencier les biens
prix – dit aussi « effet de substitution » − ainsi inférieurs, notamment les biens de Giffen, des
qu’un effet revenu ; la somme de l’effet total biens normaux.
sur les quantités demandées étant la somme

8
L’équilibre du consommateur, l’effet substitution et l’effet revenu

2 Explication
Ce graphique permet de décomposer, grâce Cependant, si le bien est « inférieur », c’est-
à la méthode SLUTSKY, deux effets à la suite à-dire de première nécessité, l’effet revenu
d’une baisse de prix du bien 1, la logique étant joue dans le sens inverse de l’effet de sub­­
la même pour une augmentation de prix. La stitution. Si le prix d’un bien augmente, rédui-
baisse du prix du bien 1 implique une rota- sant le pouvoir d’achat, la consommation de
tion vers la droite de la contrainte budgé- ce bien pourrait paradoxalement augmen-
taire initiale CB à CB’ autour de l’ordonnée à ter si l’effet revenu joue en sens inverse et
l’origine, impliquant la possibilité d’acheter domine l’effet de substitution. Ce phénomène
davantage de biens 1. Le nouvel optimum a été mis en évidence par Robert GIFFEN au
pour le consommateur, c’est-à-dire le point xixe siècle lors de la famine irlandaise, avec
de tangence de la nouvelle courbe d’indiffé- l’exemple de la pomme de terre qui avait vu sa
rence C1’ avec la contrainte budgétaire CB’, consommation augmenter alors que son prix
est désormais atteint en B. Le passage du point s’envolait.
A au point B – soit de X1 à X1’ – est mesuré par
l’effet total. L’effet total est la somme de l’ef-
fet revenu et de l’effet de substitution.
L’effet de substitution mesure la variation
3 Application
de la consommation d’un bien, ici le bien 1,
à la suite d’un changement de prix pour un
pouvoir d’achat constant. La modification L’effet total de l’augmentation du prix sur
des prix relatifs incite ainsi le consomma- la demande est ambigu en théorie mais, en
teur à changer son panier de biens au profit réalité, presque toujours négatif étant donné
du bien devenu moins cher, ici le bien 1. Il que le phénomène des biens de Giffen a rare-
se mesure comme le passage du point A au ment été observé.
point C – c’est-à-dire l’augmentation des Mesurer l’effet total de la variation de la
quantités demandées de X1 à X1s – en gardant quantité d’un bien due à une variation de
constant le pouvoir d’achat du revenu. L’effet prix en décomposant l’effet de substitution
de substitution est toujours négatif, c’est-à- et l’effet revenu nous permet d’évaluer plus
dire négativement lié au changement de prix. précisément l’impact d’une taxe ou d’un
L’effet revenu mesure l’impact de la varia- choc d’offre sur un bien. Par exemple, dans
tion des prix sur le pouvoir d’achat du revenu le cas d’un choc d’offre pétrolier (négatif),
et in fine sur les quantités demandées. Le le consommateur substituera les transports
pouvoir d’achat du revenu évolue en sens en commun à l’automobile (effet de substi-
inverse des prix. D’après le graphique, le tution) ; et il utilisera moins la voiture et les
pouvoir d’achat global du consommateur transports en commun avec la réduction de
augmente avec la baisse du prix du bien 1. Cet son pouvoir d’achat (effet revenu).
effet revenu génère une augmentation des
quantités demandées du bien 1 – de X1s à X1’ –
et se caractérise par le passage du point C au
point B.

9
Le cycle de vie de Modigliani

1 Présentation
Dans l’article « The Life Cycle Hypothesis of connaissance parfaite de leur espérance de
Saving: Aggregate Implica and Tests » paru vie, de leurs revenus futurs et du taux d’inté-
en 1963 dans la revue Econometrica, Albert rêt sur les marchés financiers – et égoïstes –
ANDO et Franco MODIGLIANI montrent que les ils ne laissent pas d’héritage. Selon une autre
ménages consomment et épargnent en fonc- hypothèse forte, les marchés de capitaux sont
tion de leur cycle de vie. L’hypothèse de ce supposés parfaits. L’agent procède ainsi à une
modèle repose sur la théorie du revenu perma- allocation intertemporelle de sa consomma-
nent de FRIEDMAN, appliqué sur un horizon fini, tion et de son épargne en veillant à maximiser
dans la mesure où la consommation courante son utilité. Le prin­cipal résultat de ce modèle
de l’individu dépend de son revenu anticipé sur est que les individus lissent leur consomma-
l’ensemble de sa vie. Les individus de ce modèle tion sur l’ensemble de leur cycle de vie.
sont supposés rationnels – ils détiennent une

10
Le cycle de vie de Modigliani

2 Explication 3 Application
Le graphique est décomposé en trois étapes Dans l’article « Bankruptcy Rates among
le long de l’axe des abscisses. Chacune de ces NFL Players with Short-Lived Income Spikes »,
trois étapes correspond à un âge de la vie et à publié dans l’American Economic Review en
un comportement d’épargne différents : 2015, CARLSON, KIM et al., ont testé empi-
riquement la théorie du cycle de vie sur des
• lors de sa jeunesse, l’individu dispose
joueurs professionnels de la NFL (National
de revenus inférieurs à son niveau désiré
Football League) aux revenus très élevés,
de consommation. Il emprunte donc de
entre 1996 et 2003. L’étude révèle, d’une
l’argent, par exemple, pour financer ses
part, que le taux de faillite personnelle des
études. L’agent s’endette. Cette situation
joueurs durant leur retraite est supérieur à
correspond au rectangle A du graphique ;
la moyenne américaine et, d’autre part, que
• puis, lorsque l’individu rentre dans la vie les faillites interviennent en moyenne très tôt
active, son revenu augmente et devient après leur retraite sportive, ce qui contredit la
supérieur à son niveau de consommation. théorie initiale.
Il rembourse alors son emprunt, avant
Au niveau macroéconomique, cette théorie
d’épargner en prévision de sa retraite.
du cycle de vie n’est pas toujours validée dans
Cette situation correspond au rectangle B
les pays développés. Par exemple, le vieillisse-
du graphique ;
ment de la population en France n’est pas suivi
• enfin, lors de sa retraite, le revenu, désor- d’une diminution du taux d’épargne. Ceci peut
mais égal à sa pension, diminue. L’individu être en partie expliqué par le souhait altruiste
désépargne alors afin de maintenir son des personnes retraitées de transmettre leur
niveau de consommation jusqu’à la date de patrimoine aux futures générations, mais
sa mort en D. Cette situation correspond au aussi par leur volonté de conserver un niveau
rectangle C du graphique. d’épargne élevé afin d’anticiper une hausse
future des dépenses de santé (BARRO, 1974)
Ainsi, en valeur actualisée, la surface du
ou bien, encore, lié au système de retraite par
rectangle B doit être égale à la surface du
répartition. En effet, dans la mesure où les
rectangle A et C si l’individu n’est plus endetté
retraités reçoivent des revenus de transfert
et s’il a fait un total usage de ses ressources au
élevés, ils continuent à épargner.
moment de sa mort. L’individu stabilise ainsi
sa consommation, mais ses revenus fluctuent Le comportement « prospectif » des agents
suivant les différentes périodes de sa vie. est également loin d’être aussi rationnel que
ne l’affirme le modèle initial. Bien au contraire,
Au niveau macroéconomique, le montant de
ceux-ci sont susceptibles de commettre des
l’épargne dépend par conséquent de la pyra-
erreurs de perception, de jugement, ou de
mide des âges de la population. Le modèle
calcul ; et ils sont par ailleurs incapables de
prédit que l’augmentation de la natalité ou
connaître leur durée de vie et leurs revenus
du nombre de nouveaux retraités diminue le
futurs (KAHNEMAN, 1972). Il en va de même
montant de l’épargne globale car il s’agit des
pour les marchés financiers supposés parfaits
périodes de la vie durant lesquelles les reve-
sans anomalies, comme le montrent les
nus sont les plus faibles.
analyses de SCHILLER (2000) qui ont mis au
jour leur « exubérance irrationnelle ».

11
L’optimum du producteur
en concurrence pure et parfaite

1 Présentation
Dans la théorie néoclassique, l’objectif • la libre entrée et sortie sur le marché et
du producteur, supposé rationnel, est de parfaite (Kenneth ARROW, Gérard DEBREU,
maximiser son profit en vendant une quan- 1953) :
tité telle que le coût marginal Cm soit égal au
prix et donc à la recette marginale Rm. Le prix • la libre circulation des facteurs de produc-
tion (travail, capital)
est fixé par un marché respectant les condi-
tions d’une concurrence pure (Frank KNIGHT, • la transparence de l’information.
1921), c’est-à-dire :
Le producteur réalise ainsi un profit à court
• l’atomicité du marché terme. Cependant, à long terme, le profit
économique pour celui-ci est nul.
• l’homogénéité des produits

12
L’optimum du producteur en concurrence pure et parfaite

2 Explication
Le producteur doit vendre une quantité telle
que : Cm = Rm = prix. Ce résultat est obtenu
à partir des conditions de premier ordre du
programme de maximisation du producteur.

3 Application
Sur le graphique de l’équilibre à court terme (à
gauche), l’équilibre du producteur est atteint
au point Ect, c’est-à-dire au prix Pct (fixé par
le marché), associé à la quantité produite Qct
et au coût moyen CMct. Le producteur accroît Le profit en concurrence pure et parfaite
sa production tant que le coût marginal est évoqué par les néoclassiques, ne fait pas réfé-
inférieur au prix jusqu’à ce point d’équilibre. Il rence au bénéfice comptable qu’une entreprise
ne peut être, en effet, atteint que sur la partie réalise dans une période donnée et qui peut
croissante du coût marginal car si celui-ci est lui aussi être positif à long terme. Il corres-
inférieur au coût moyen, le producteur subit pond en réalité au surprofit ou au revenu rési-
une perte. duel après la rémunération des facteurs de
production (le travail et le capital). Cepen-
L’entreprise réalise ainsi un profit maxi-
dant, la théorie néoclassique omet la possibi-
mum égal à la quantité produite Qct multipliée
lité pour une entreprise de maintenir un profit
par l’écart entre le prix Pct et le coût moyen
positif à long terme. En effet, il est tout à fait
CMct (rectangle vert). La recette moyenne,
envisageable qu’une entreprise possède des
représentée par une droite horizontale, est
caractéristiques techniques et économiques
constante et est égale à la recette marginale
supérieures qui lui permettent de générer une
Rm et au prix non déterminé par le volume
rente à long terme. Par exemple :
de production car le critère d’atomicité du
marché prévaut en concurrence pure et
parfaite.
• Un emplacement stratégique comme la
Silicon Valley, pôle des industries de pointe
aux États-Unis, qui permet aux 6 000
À long terme, les profits positifs attirent de
entreprises présentes dans cette zone
nouvelles entreprises qui font baisser progres-
géographique (Apple, Google, Meta…) de
sivement le prix du marché de Pct jusqu’à
bénéficier de synergies par leur proximité.
Plt, égalisant le minimum du coût moyen de
production à l’intersection avec la courbe de
coût marginal. Le nouvel équilibre est donc
• Un savoir-faire unique comme la compa-
gnie des cristalleries de Saint-Louis, manu-
atteint au point Elt correspondant au profit de facture française de cristal fondée en 1586
la firme marginale, c’est-à-dire au profit de et détenue actuellement par le groupe
la dernière firme à entrer sur le marché sans Hermès. La cristallerie fournit des pièces
réaliser un profit négatif. En ce point Elt, le dans le domaine de la décoration ou des
profit du producteur est alors réduit à zéro et arts de la table aux palais du monde entier.
désincite, par la même occasion, de nouvelles
entreprises à entrer sur le marché. • Une technologie innovante comme celle
de l’entreprise française Carmat qui opère
dans le secteur biomédical et qui développe
un cœur artificiel avec une technologique
bioprothétique.

13
L’optimum de Pareto

1 Présentation
L’optimum de Pareto, dit aussi « maximum d’au moins un autre agent le long de la fron-
d’ophélimité », a été introduit par l’éco- tière. L’optimum de Pareto garantit ainsi que
nomiste Vilfredo PARETO dans son Manuel toutes les ressources ont été efficacement
d’économie politique en 1906. L’économiste employées. Il est atteignable uniquement en
de Lausanne a, en effet, cherché à déterminer situation de concurrence pure et parfaite et
de manière scientifique l’état de l’économie sans l’intervention de l’État venant perturber
dans lequel le bien-être serait maximisé. Une l’allocation optimale des ressources. Cepen-
situation est donc qualifiée de Pareto-opti- dant, le critère de Pareto ne prend pas en
male si l’on ne peut améliorer la situation considération la répartition inégalitaire des
d’un agent économique sans dégrader celle richesses entre les individus.

14
L’optimum de Pareto

2 Explication
Le graphique représente le bien-être maxi-
mal généré dans une économie simplifiée à
deux agents (l’individu 1 et l’individu 2 avec
leur utilité de consommation respective U1
et U2). La courbe représente la frontière de
Pareto, c’est-à-dire l’ensemble des situations 3 Application
efficaces au sens de PARETO. Tout au long
de cette frontière se trouve une infinité de
situations au sein desquelles il est impossible Le principal problème pour les pouvoirs
d’améliorer l’utilité d’un individu sans dégra- publics est de savoir quel optimum choisir
der celle de l’autre agent. entre plusieurs de ces candidats situés sur la
Soit les deux points suivants : A et B posi- frontière, car le critère de Pareto ne permet
tionnés sur la frontière. Chacun de ces états pas d’établir une relation ordinale. C’est dans
représente un optimum de Pareto différent. le but de surmonter cette indétermination
Cependant, la situation A donne une plus qu’Abram BERGSON (1938) et Paul SAMUEL-
grande satisfaction à l’individu 1 qu’à l’indi- SON (1947) ont modélisé une fonction de
vidu 2 et la situation B donne plus de satisfac- bien-être social représentant les préférences
tion à l’individu 2 qu’à l’individu 1. En dessous collectives à l’égard de la répartition du bien-
de cette frontière, les situations comme celles être entre les individus. Dans ce cas précis,
représentées par le point C sont considérées l’État a un rôle à jouer en intervenant afin de
comme inefficaces car il est possible d’ac- maximiser le bien-être collectif atteignable,
croître l’utilité d’un agent sans dégrader celle sous contrainte de la réalisation d’une écono-
de l’autre, ou même d’améliorer l’utilité des mie Pareto-efficiente. La courbe de la fonc-
deux agents simultanément. Au-dessus de tion de bien-être social serait ainsi tangente à
cette frontière, les situations sont inacces- la frontière de Pareto.
sibles compte tenu des ressources distribuées. L’autre faiblesse du critère de Pareto est de
ne pas prendre en considération la répartition
inégalitaire des richesses entre les individus.
Une économie peut très bien être forte-
ment inégalitaire avec une minorité déte-
nant la quasi-totalité des ressources et être
Pareto-­optimale. En effet, toute politique de
redistribution vers la majorité la plus pauvre
viendrait diminuer l’utilité des plus riches.
Ainsi, les politiques de redistribution menées,
en grande partie, dans les pays développés
après la Seconde Guerre mondiale ne se justi-
fient pas par le critère parétien.
En définitive, même si le rôle de l’État est de
garantir que son économie tende vers la fron-
tière parétienne, celui-ci se doit de réfléchir à
d’autres critères d’optimum social pour viser
une allocation plus juste et plus équitable des
ressources.

15
L’équilibre général appliqué
à la boîte d’Edgeworth

1 Présentation
La théorie de l’équilibre général étudie leur utilité et au sein duquel tous les marchés
l’allocation des ressources entre des agents sont à l’équilibre. L’équilibre est caractérisé
économiques sur plusieurs marchés dans par un vecteur de prix et par une réparti-
le cadre d’une concurrence parfaite. Léon tion des quantités entre les différents agents
WALRAS, dans son ouvrage Éléments d’éco- économiques. Ainsi, la boîte d’Edgeworth
nomie politique pure (1874), formalise les permet de simplifier graphiquement le modèle
principes du modèle d’équilibre général qui de WALRAS en introduisant seulement un
permet de comprendre comment les prix marché et deux consommateurs (A, B) qui
d’équilibre se forment et se coordonnent sur disposent chacun d’une dotation initiale en
les différents marchés. Un équilibre général biens 1 et 2. L’objectif est ainsi de montrer,
concurrentiel walrassien est un état de l’éco- grâce à ce diagramme, que l’échange entre
nomie dans lequel les entreprises maximisent des agents peut améliorer leur situation sans
leur profit, les consommateurs maximisent intervention étatique.

16
L’équilibre général appliqué à la boîte d’Edgeworth

2 Explication
La boîte d’Edgeworth est construite de telle
sorte que le rectangle représente l’ensemble
des possibilités d’échange entre les deux
consommateurs, avec la quantité de biens 1
sur l’axe des abscisses et la quantité de biens 2
sur celui des ordonnées. Les coordonnées d’un
point à l’intérieur de la boîte donnent alors
l’allocation de chacun des deux biens entre
les agents A et B. Le point D représente les
dotations initiales de l’agent A et de l’agent B,
respectivement, en quantité du bien 1 ( E1A et
EB1 ) et en quantité du bien 2 ( E 2A et EB2 ).

Dans cette boîte sont représentées les


courbes d’indifférence CIi des deux agents
(avec i = A, B). En effet, la courbe d’indifférence
du consommateur A, CIA ci-contre, représente
une combinaison des biens 1 et 2 qui procure
un même niveau d’utilité pour cet agent. Sa
satisfaction augmente lorsque sa courbe d’in-
différence se déplace vers le nord-est.

17
Dans un même graphique sont représentées
les courbes d’indifférence des deux agents
en superposant les axes de manière inver-
sée. Les deux consommateurs ont alors inté-
rêt à échanger jusqu’au point où leur courbe
respective d’indifférence sont tangentes,
c’est-à-dire lorsque leur taux marginal de
substitution s’égalise. Ainsi, en ce point O* du
graphique principal, l’optimum de Pareto est
atteint : il est impossible d’améliorer la situa-
tion d’un agent économique sans dégrader
la situation de celle d’un autre. L’échange a
donc permis d’atteindre une allocation effi-
cace en ce point et les possibilités d’échange
mutuellement avantageuses sont épuisées.
Cependant, il existe d’autres points optimaux,
au sens de Pareto, qui correspondent à des
répartitions des ressources différentes, reliées
par une courbe dite « courbe des contrats ».
La courbe d’indifférence du consomma-
teur B, CIB , dont le plan a subi une rotation
à 180 degrés comme le montre le graphique
ci-contre, représente une combinaison des
biens 1 et 2 qui procure un même niveau d’uti-
lité pour cet agent. Sa satisfaction augmente
lorsque sa courbe d’indifférence se déplace
vers le sud-ouest.

18
L’équilibre général appliqué à la boîte d’Edgeworth

3 Application
Les deux théorèmes de l’économie du bien-
être (modèle d’Arrow-Debreu) établissent les
conditions et les liens entre l’équilibre concur-
rentiel et l’optimalité au sens de Pareto, dans
le cadre de l’équilibre général représenté
sous une forme simplifiée par le diagramme
d’Edgeworth.
Le premier théorème énonce que tous les
équilibres concurrentiels walrassiens sont
des optimums de Pareto. Par conséquent,
la maximisation de l’intérêt individuel de
chacun conduit à l’allocation la plus efficace
des ressources, sans le moindre gaspillage.
Peu importe la situation de dotation initiale
des deux agents dans la boîte d’Edgeworth,
l’échange permet d’atteindre un des opti-
mums au sens de Pareto sur la courbe des
contrats. Le marché, en concurrence parfaite,
est donc efficient sans intervention de l’État,
même s’il ne nous assure pas que le résultat
soit juste ou équitable.
Le second théorème du bien-être établit
le raisonnement inverse. Tout optimum de
Pareto est susceptible d’être atteint par le
libre jeu d’un marché concurrentiel et par une
réallocation adéquate des ressources initiales.
Cependant, cela implique que l’État modifie
d’abord la répartition initiale des ressources
avec une politique de redistribution, de taxes
ou de subventions en somme fixe (taxe forfai-
taire) pour laisser ensuite les agents échanger
librement.
Les théorèmes du bien-être sont incon-
tournables pour justifier une allocation effi-
cace des ressources dont dispose une société.
Ils fournissent un cadre permettant de
comprendre les défaillances de marché, telles
que les externalités ou les biens publics qui
empêchent à la fois un marché concurrentiel
et une efficience allocative de découler l’un de
l’autre.

19
Les effets d’un prix plafond

1 Présentation
L’État est susceptible de perturber l’équi- les producteurs et diminue le surplus global
libre concurrentiel sur un marché par un en créant une perte sèche préjudiciable pour
contrôle des prix. En intervenant directement la collectivité. En effet, les pouvoirs publics
sur un marché avec un prix plafond en dessous peuvent pratiquer un prix plafond que le prix
du prix d’équilibre, l’État modifie la réparti- de marché ne doit pas excéder et qui est, en
tion du surplus entre les consommateurs et général, favorable aux consommateurs.

20
Les effets d’un prix plafond

2 Explication
Le prix de marché Pm et la quantité d’équi-
libre Qm sont déterminés par la confrontation
entre l’offre (croissante en fonction du prix)
et la demande (décroissante en fonction du
prix). Dans ce cas, le surplus du consomma-
teur et celui du producteur sont maximisés.
En appliquant un prix plafond qui, pour être
efficace, est en dessous du prix de marché,
3 Application
l’État réduit les quantités offertes de Qm à Q2
et augmente les quantités demandées de Qm
à Q1. Cela crée ainsi une pénurie mesurée, Le prix plafond est souvent utilisé par l’État
comme la différence positive entre la quantité lors de circonstances exceptionnelles sur des
demandée Q1 et la quantité offerte Q2. L’aire biens de première nécessité qui voient alors
du rectangle E, faisant initialement partie leur prix s’envoler. À cet égard, citons la
du surplus du producteur, est transférée au crise du Covid-19 de 2020 qui a contraint le
surplus du consommateur. Le prix plafond crée gouvernement à plafonner le prix du désin-
aussi une perte sèche pour la société mesu- fectant pour les mains, ou bien encore la crise
rée par l’aire des triangles B et C – l’aire de énergétique de 2022 qui a motivé la décision
B illustrant le fait que les consommateurs ne étatique de la limitation à 4 % de l’augmen-
peuvent plus acheter compte tenu de la baisse tation des tarifs réglementés de l’électricité
de l’offre correspondant à l’aire de C. dans le cadre du bouclier tarifaire.

Ainsi, le prix plafond créé un excès de Néanmoins, les prix plafonds concernent
demande et, par conséquent, une pénurie sur aussi le logement, notamment dans le cas de
le marché. Les consommateurs, qui repré- l’encadrement des loyers. Par exemple, en
sentent la demande, sont alors directement France, l’encadrement des loyers a été créé
rationnés. En outre, ce type de contrôle de par la loi Alur en mars 2014 afin de faire face
prix génère, d’une part, une redistribution du à l’explosion des prix sur le marché locatif,
surplus du producteur vers celui du consom- puis il a été remis au goût du jour avec la loi
mateur et affecte, d’autre part, le surplus Elan de novembre 2018, qui donne la possibi-
global en créant une perte sèche pour la lité aux agglomérations de rétablir un plafon-
collectivité. nement sur le marché locatif. Cette mesure
impose que les loyers en vigueur dans une
ville ne soient ni supérieurs ni inférieurs à une
fourchette de prix de + 20 % pour la limite
haute et de − 30 % pour la limite basse, avec le
loyer médian comme loyer de référence. Paris
et Lille ont déjà adopté ce dispositif.
Cependant, lorsqu’un plafonnement des
prix sur le marché locatif engendre un ration-
nement chez les demandeurs, certains acteurs
développent un marché alternatif qui repose
notamment sur des sous-locations abusives
ou bien sur la location de logements insalu-
bres (marchands de sommeil).

21
Les effets d’un prix plancher

1 Présentation
L’État est susceptible de perturber l’équi- entre les consommateurs et les producteurs
libre concurrentiel sur un marché par un et diminuent le surplus global en créant une
contrôle des prix. En intervenant directe- perte sèche préjudiciable pour la collecti-
ment sur un marché avec un prix plancher vité. Le prix plancher est le prix minimum en
dessus du prix d’équilibre, les pouvoirs
au-­­ dessous duquel il ne doit pas descendre et qui
publics modifient la répartition du surplus est, en général, favorable aux producteurs.

22
Les effets d’un prix plancher

2 Explication 3 Application
En concurrence pure et parfaite, le prix de Afin de protéger les offreurs (producteurs,
marché Pm et la quantité d’équilibre Qm sont offreurs de travail…), l’État peut imposer un
déterminés par la confrontation entre l’offre prix plancher. Par exemple, le salaire minimum
(croissante en fonction du prix) et la demande mis en place par un grand nombre de pays
(décroissante en fonction du prix). Dans ce dans le monde sert à protéger les travailleurs
cas, le surplus du consommateur et celui du d’un salaire trop faible et contribue, ainsi, à
producteur sont maximisés. réduire les inégalités salariales. Toutefois,
d’après diverses études empiriques (voir fiche
En appliquant un prix plancher qui, pour
p. 28), son effet sur le chômage n’a pu encore
être efficace, est au-dessus du prix de marché,
être clairement établi.
l’État provoque une augmentation des quanti-
tés offertes de Qm à Q1 et une baisse des quan- Le prix plancher est également appli-
tités demandées de Qm à Q2. Cela crée un excès cable aux denrées agricoles pour protéger
d’offre mesuré par la différence positive entre les agriculteurs en position de faiblesse face
la quantité offerte Q1 et la quantité deman- aux industriels. L’ancien président-directeur
dée Q2. L’aire du rectangle A, faisant initia- général du système U, Serge PAPIN, a remis au
lement partie du surplus du consommateur, ministre français de l’agriculture en mars 2021
est transférée au producteur. En outre, ce un rapport recommandant l’instauration d’un
prix plancher engendre une perte sèche pour prix plancher sur un large panel de produits
la société, mesurée par l’aire du triangle B et agricoles. Ensuite, cette proposition de prix
C – l’aire de B illustre la perte des consom- plancher pour les denrées agricoles a été
mateurs due à la diminution de la demande reprise par de nombreux candidats à la prési-
résultant de la hausse des prix et l’aire de C dence de la République française en 2022.
correspond à la perte des producteurs résul-
En matière de taxe carbone, les prix plan-
tant de la baisse de l’offre.
chers ont déjà prouvé leur efficacité au
Ainsi, le prix plancher engendre une quanti- Royaume-Uni ou en Suède. Ils ont encouragé
té́ excessive d’offre ; soit de la surproduction la transition vers les investissements dans
sur le marché des biens et services soit du les énergies renouvelables, les bâtiments
chômage sur le marché du travail. Ce contrôle économes en énergie ou encore dans la mobi-
de prix génère, d’une part, une redistribution lité électrique. Pour aller encore plus loin, la
du surplus du consommateur vers le produc- directrice générale du Fonds Monétaire Inter-
teur et affecte, d’autre part, le surplus global national, Kristalina GEORGIEVA, a préconisé
en créant une perte sèche pour la collectivité. en 2021 la mise en place d’un prix plancher
international sur le carbone afin de lutter
contre le changement climatique et encoura-
ger les acteurs à investir dans des technolo-
gies bas carbone.
Toutefois, il arrive que les prix planchers
favorisent le développement d’activités illé-
gales. Le salaire minimum adopté par la
majorité des pays européens est susceptible
d’encourager le travail dissimulé. Ce dernier
représente en moyenne 17,9 % du PIB des
pays européens.

23
Le modèle CobWeb

1 Présentation
Dans The CobWeb Theorem (1938), Morde- au marché. Dans ce modèle, la demande est
cai EZEKIEL explique l’irrégularité de certaines une fonction décroissante du prix de la même
fluctuations des prix sur les marchés des période et l’offre est une fonction croissante
biens et services, en particulier sur le marché du prix de la période antérieure. L’offre est
agricole, par des ajustements de l’offre. Le dite inélastique à court terme, c’est-à-dire
graphique prend alors la forme d’une toile qu’une hausse des prix n’entraînera pas une
d’araignée. L’économiste américain y inter- hausse de la production sur la même période
roge la question de la stabilité de l’équilibre car les producteurs décident à l’avance de la
dans un modèle de concurrence pure et parfaite quantité produite. En ce sens, ils s’adaptent
en soulignant un dysfonctionnement inhérent aux prix antérieurs de manière naïve.

24
Le modèle CobWeb

2 Explication
Le mécanisme de la toile d’araignée peut
être explicité par l’exemple du marché agri-
cole. Si la récolte est bonne en t, l’offre sera
plus importante que prévu (Qt), et entraînera
alors une baisse des prix (Pt). Cependant, l’an-
née suivante, soit en t + 1, les producteurs, en
3 Application
voyant leur profit décliner, réduiront l’offre
produite (Qt+1), ce qui exercera une pression à
la hausse sur les prix (Pt+1). Dès lors, en t + 2, Le modèle de la toile d’araignée peut s’ap-
les agriculteurs, en voyant les prix augmenter, pliquer au marché agricole. Par exemple, il est
réaliseront selon le modèle des anticipations possible d’expliciter le cycle du porc avec le
statiques par rapport au prix de l’année anté- modèle CobWeb. En effet, il faut attendre la
rieure et seront enclins à augmenter l’offre période de reproduction des porcs pour les
(Qt+2) pour accroître leur profit. Progressive- vendre ensuite, ce qui produit un décalage
ment, si la courbe de demande est plus élas- temporel entre offre et demande.
tique que la courbe d’offre en valeur absolue, Néanmoins, le modèle n’explique pas seule-
la volatilité du prix diminuera et le prix ment les fluctuations des prix sur le marché
convergera progressivement vers un équilibre agricole. TAMARI (1981) a aussi montré que
stable P* (cas 1). le modèle en toile d’araignée était également
Cependant, il existe deux autres cas. Si les susceptible de rendre manifeste l’instabilité
élasticités de l’offre et de la demande sont des prix sur le marché immobilier, notamment
égales en valeur absolue, les prix oscilleront avec l’exemple israélien.
entre Pt et Pt+1 sans converger ni diverger vers Cependant, des facteurs exogènes sont aussi
l’équilibre stable (cas 2). Si la courbe d’offre à l’origine des fluctuations des prix des biens
est plus élastique que la courbe de demande agricoles. Par exemple, des conditions météo-
en valeur absolue, les prix ne convergeront rologiques défavorables donnent souvent
pas vers l’équilibre stable P* mais diverge- lieu à de mauvaises récoltes – rappelons ici
ront (cas 3). S’agissant de l’agriculture, cette la sécheresse de 2007 en Australie qui avait
hypothèse est la plus réaliste dans la mesure provoqué une hausse significative du prix du
où la demande de biens agricoles est relative- blé. Il en va de même pour les conflits armés :
ment inélastique, ce qui amplifie les variations en 2022, la guerre en Ukraine a provoqué des
des prix à la suite d’une variation de l’offre hausses incontrôlées du prix de l’énergie, du
(loi de King). gaz et des denrées agricoles comme le blé et
le maïs.
Les autorités publiques ont un rôle impor-
tant à jouer dans la réduction de la volati-
lité des prix des biens agricoles, qui est par
ailleurs l’un des objectifs de la politique agri-
cole commune européenne depuis le milieu du
xxe siècle. Ainsi, différents leviers sont action-
nés dans le cadre d’une régulation et d’une
stabilisation des marchés agricoles, comme
les subventions sur le prix ou le prix d’achat
garanti aux producteurs.

25
La courbe d’offre de travail
individuelle

1 Présentation
D’après la théorie microéconomique stan- à augmenter l’offre de travail (augmentation
dard, l’offre de travail individuelle dépend du coût du loisir), on parle alors d’effet de
du salaire et du temps consacré aux loisirs, substitution. Lorsque l’augmentation du taux
c’est-à-dire tout ce qui n’est pas lié au travail de salaire rend plus riche l’individu, d’où une
et dont le coût d’opportunité est égal au taux hausse de la demande de loisir et une baisse
de salaire. Dans son programme de maximisa- de l’offre de travail, on parle d’effet revenu.
tion, l’individu rationnel arbitre donc, lorsqu’il Lorsque l’effet de substitution l’emporte sur
alloue son temps, entre le travail permettant l’effet revenu, l’offre de travail individuelle
la consommation et le loisir qui est considéré est croissante par rapport au salaire réel
comme un bien normal. Or, d’après la théo- jusqu’à un certain point R*. Au-delà de R*,
rie, l’impact du salaire sur l’offre de travail l’effet revenu l’emporte sur l’effet substitu-
est ambigu selon le type d’effet qui l’em- tion et l’offre de travail individuelle décroît
porte. Lorsque l’augmentation du taux de par rapport au salaire réel.
salaire tend à diminuer la demande de loisir et

26
La courbe d’offre de travail individuelle

2 Explication
L’offre de travail est d’abord croissante
pour des niveaux de salaire réels bas (mais
supérieurs au salaire de réserve), ce qui amène
l’individu à substituer du travail au loisir non
rémunéré car le coût d’opportunité du loisir
augmente. L’effet de substitution l’emporte
donc sur l’effet revenu. Toutefois, à partir
d’un certain niveau de salaire w/p* associé
au point de retournement R*, l’offre de travail
diminue car l’individu juge que cette hausse
de salaire supplémentaire ne justifie plus l’ef-
3 Application
fort de travailler davantage en tant qu’elle ne
compense plus suffisamment une éventuelle
hausse des heures de travail. L’offre de travail L’étude Taxation in empirical labour supply
diminue donc à partir de ce point et l’effet models : lone mothers in the UK (1992), de
de revenu l’emporte sur l’effet de substitu- Richard BLUNDELL, Alan DUNCAN et Costas
tion. La deuxième partie de la courbe est dite MEGHIR, confirme cette forme de courbe
Backward-Bending (Giora HANOCH, 1965). coudée pour l’offre de travail individuelle à
Ces deux effets (l’effet substitution et l’effet partir de données de mères célibataires au
revenu) sont simultanément présents dans Royaume-Uni. Selon les résultats, l’offre de
tout changement de l’équilibre du travailleur travail est faible pour un niveau de salaire
mais c’est bien l’avantage d’un effet sur un faible, puis elle augmente avec le salaire
autre qui permet de savoir si l’offre de travail horaire. L’effet de substitution domine alors
croît ou décroît par rapport au salaire réel. l’effet revenu. En revanche, pour des salaires
élevés (à partir de 2,5 livres de salaire horaire),
Cependant, au niveau global, on émet l’hy- l’offre de travail diminue ce qui confirme le
pothèse que l’effet de substitution l’emporte fait que l’effet revenu l’emporte sur l’effet
sur l’effet de revenu. Ainsi, l’offre totale de de substitution à partir d’un certain stade.
travail sur le marché du travail est croissante L’hypothèse de normalité́ du loisir est aussi
car l’analyse économique ne prend en consi- vérifiée : les individus disposant d’un revenu
dération que la partie croissante de la courbe non salarial supérieur à la médiane travaillent
jusqu’au point de retournement R*. Selon moins que les autres. D’autres études empi-
la littérature économique, l’effet de revenu riques démontrent également la relative
l’emporte sur l’effet de substitution unique- robustesse du modèle microéconomique stan-
ment pour des salaires élevés et non pour des dard dans la prédiction des décisions d’offre
salaires moyens du marché qui permettent de de travail individuelle.
construire l’offre totale de marché.
Cependant au niveau individuel, l’offre de
travail peut être influencée par de nombreuses
autres variables socio-économiques : des carac-
téristiques individuelles – comme l’âge – ou
bien liées à la famille – comme le nombre
d’enfants ou le revenu du conjoint – ou encore
des variables liées à l’environnement institu-
tionnel, comme l’imposition et les revenus de
transfert.

27
L’effet du salaire minimum
sur le marché du travail

1 Présentation
Une grande majorité de pays dans le monde permanent (1931), l’économiste libéral Jacques
dispose déjà d’un salaire minimum. Certains RUEFF est le premier à expliquer le chômage
pays comme la France ou le Royaume-Uni en de masse des années 1930 par les rigidités
possèdent un pour l’ensemble de leur écono- institutionnelles qui entravent la flexibilité des
mie. Pour d’autres pays, comme l’Afrique du prix et des salaires. Ce sont ainsi les syndicats
Sud ou la Nouvelle-Zélande, le salaire minimum qui limitent la concurrence entre les travail-
diffère selon les secteurs et les catégories de leurs mais aussi le salaire minimum, instauré
travailleurs. L’objectif principal du salaire mini- par l’État et appliqué au-dessus du salaire
mum est de réduire les écarts entre les hauts et concurrentiel, qui génèrent du chômage.
les bas salaires, dans un idéal de justice sociale.
Dans L’assurance chômage, cause du chômage

28
L’effet du salaire minimum sur le marché du travail

2 Explication
On suppose que l’offre de travail est crois- plus de mille restaurants de la chaîne de
sante et la demande décroissante en fonction restauration rapide McDonald’s aux États-
W Unis. Ils ont également établi que la hausse du
du salaire réel. Le salaire minimum ,
P min coût de la main-d’œuvre résultant du salaire
appliqué au-dessus du salaire réel d’équi- minimum n’a eu aucun effet sur les licencie-
w* ments mais qu’elle s’est répercutée sur le
libre , contraint les employeurs à exercer prix du sandwich. Plus de soixante-dix autres
p
un ajustement par les quantités – c’est-à-dire études récentes ont été menées pour évaluer
à licencier les travailleurs les moins quali- l’impact du salaire minimum sur l’emploi dans
fiés – créant conséquemment du chômage des pays à revenu élevé. Les résultats diffèrent
qui se mesure par la différence positive entre mais la majorité des auteurs s’accorde à
la quantité de travail offerte et la quantité constater un effet neutre. L’impact du salaire
de travail demandée ( Q2 − Q1 ). Ainsi, dans la minimum dépend aussi et surtout de son taux
logique néoclassique, seule la flexibilité des ainsi que de la population ciblée, si l’on consi-
prix et des salaires permet la résorption de ce dère que les jeunes sont les plus susceptibles
chômage et le retour à l’équilibre concurren- d’être impactés.

w* La théorie néoclassique affirme que le


tiel (Q* ; ). marché du travail est concurrentiel. Or, un
p
employeur peut exercer un pouvoir de monop-
sone car il fait face à une multitude d’offreurs
(les personnes désirant travailler). Stephen
3 Application MACHIN et Alan MANNING (2002) ont étudié
le pouvoir de monopsone des maisons de
retraite situées en zone rurale au Royaume-
Uni. Celles-ci représentent souvent un
L’effet empirique du salaire minimum sur employeur de choix pour les aides-soignantes
l’emploi est pourtant ambigu et est source qui sont peu qualifiées et peu mobiles. L’en-
de désaccords depuis des décennies entre les treprise en position de monopsone fixe alors
économistes. En effet, plusieurs travaux sur un niveau de salaire inférieur à la productivité
le secteur de la restauration rapide ont été marginale. Dès lors, l’augmentation du salaire
réalisés aux États-Unis. David CARD et Alan réel avec le salaire minimum n’a pas d’effet
B. KRUEGER ont notamment publié une étude sur l’emploi. Dans un marché du travail impar-
en 1993 observant un panel de fast-foods au fait, les augmentations salariales par le biais
New Jersey, état au sein duquel le salaire mini- d’un salaire minimum sont également suscep-
mum a été revalorisé en 1992, et en Pennsyl- tibles d’être compensées par une augmen-
vanie où il est resté stable. Grâce à la méthode tation salariale moins importante pour les
des doubles différences, les deux économistes travailleurs les plus qualifiés : les cadres.
américains montrent que la revalorisation du
salaire minimum n’a eu aucun impact sur l’em-
ploi, voire qu’elle a eu, à l’opposé de la prédic-
tion néoclassique, un faible effet positif. Plus
récemment, Orley C. ASHENFELTER et Stepan
JURAJDA (2021) ont étudié plus de trois cents
hausses du salaire minimum légal sur le plan
local et régional, entre 2016 et 2020, dans

29
Le rôle de l’indemnisation
dans l’explication du chômage

1 Présentation
Dans Information in the Labor Market (1962), néoclassique, nous permet en outre d’évaluer
George STIGLER montre que le chômage est le rôle des allocations dans l’explication du
causé par le choix rationnel d’un individu chômage. Dans les pays développés, l’indem-
de réaliser une activité de prospection pour nisation chômage a pour objectif d’assurer les
trouver un emploi plutôt que de prendre le chômeurs contre la perte involontaire de leur
premier qui se présente, dans le cadre d’un emploi, de leur procurer un revenu de substi-
modèle de concurrence imparfaite. En effet, tution et de participer au financement de leur
le chercheur d’emploi dispose d’une infor- recherche. Le montant et la durée de l’indem-
mation imparfaite sur les postes à pouvoir ; nisation varient considérablement suivant les
il ignore leur nombre exact, leur qualité et le systèmes. Selon la théorie, le montant et la
salaire proposé. Cette théorie aux fondements durée des indemnités versées aux deman-
microéconomiques, considérée comme une deurs d’emploi augmentent le chômage.
extension de la théorie du chômage volontaire

30
Le rôle de l’indemnisation dans l’explication du chômage

2 Explication
Dans le modèle du Job Search de STIGLER
représenté sur le graphique, l’individu
demeure au chômage tant que le bénéfice
marginal d’un jour de recherche supplémen-
taire – c’est-à-dire la probabilité de trouver
un emploi mieux rémunéré – est supérieur au
coût marginal considéré comme un coût d’op- 3 Application
portunité – c’est-à-dire au salaire perçu s’il
avait occupé le premier emploi qu’on lui avait
proposé. Richard LAYARD, Stephen NICKELL et Richard
Le bénéfice marginal est supposé décrois- JACKMAN (1991) ont mis en évidence dans
sant en fonction de la durée du chômage leurs études empiriques que la générosité́ des
car les chances de trouver un travail mieux prestations d’allocations-chômage était l’une
rémunéré que le précédent diminuent avec des principales explications de l’écart entre
le temps. Le coût marginal, lui, est supposé le taux de chômage relativement élevé́ de la
constant, car se référant au premier emploi plupart des pays européens et le taux faible
refusé. En d’autres termes, l’individu conti- américain.
nue de chercher tant que le salaire qu’on lui Néanmoins, la majorité des études écono-
propose est inférieur à son salaire de réser- métriques récentes concluent en moyenne que
vation, c’est-à-dire à la rémunération qu’il l’élasticité de la durée du chômage au montant
espère obtenir en poursuivant sa recherche. des indemnisations est faiblement positive et
En ce sens, l’individu adopte une straté- inférieure à 1. En outre, suivant la catégorie,
gie rationnelle consistant à rechercher un le prolongement de la durée d’indemnisation
emploi qu’il espère toujours plus rémunéra- ou la hausse de l’allocation-chômage n’a pas
teur. Ainsi, l’intersection D1* du bénéfice et le même impact. En effet, d’après les études
du coût marginal détermine la durée opti- de Rafael LALIVE (2006, 2008), et notam-
male du chômage pour l’offreur de travail. Or, ment avec l’exemple autrichien, la hausse de
l’indemnisation chômage augmente la durée l’allocation-chômage augmente davantage la
du chômage volontaire pour un individu car durée du chômage chez les femmes et chez les
elle diminue son coût marginal d’un jour de seniors.
recherche supplémentaire de Cm1 à Cm2. Dès
lors, les allocations l’incitent à retarder son Pourtant, le modèle de flexisécurité danois
retour à l’emploi en couvrant ses coûts de inventé à la fin des années 1990 s’appuie sur
prospection (dépôts de candidature, déplace- trois grands piliers : un marché du travail
ments pour des entretiens…) tout en relevant flexible, un accompagnement et une forma-
son salaire de réservation jusqu’au point D2* tion des chômeurs mais aussi une importante
où l’individu sera contraint d’accepter n’im- indemnisation chômage. C’est précisément la
porte quelle offre, et sera donc au chômage complémentarité de ces trois piliers qui rend
involontaire. possible une réduction efficace du chômage
dans ce pays. Ainsi, les allocations-chômage
permettent aux chômeurs de se donner les
moyens de trouver l’emploi le plus adapté à
leurs compétences, et augmentent de fait la
productivité globale du travail une fois l’em-
ploi retrouvé.

31
La courbe de Beveridge

1 Présentation
Dans l’ouvrage Full Employment in a Free sur la courbe est liée à l’état de l’économie.
Society paru en 1944, l’économiste anglais En conjoncture favorable, le taux de chômage
William BEVERIDGE établit pour la première est faible et le taux d’emplois vacants élevé.
fois une courbe représentant une relation En conjoncture défavorable, le taux d’emplois
inverse entre le taux de chômage et le taux vacants est faible et le taux de chômage est
d’emplois vacants (offres d’emplois non élevé. Le mauvais appariement entre l’offre et
satisfaites/population active). Cette courbe, la demande de travail déplace la courbe vers
aussi appelée « courbe U/V », permet d’ex- le haut. Ainsi, une politique de l’emploi active
pliquer le processus d’appariement entre les aura pour objectif de ramener la courbe de
emplois vacants et les chômeurs. La position Beveridge le plus proche possible de l’origine.

32
La courbe de Beveridge

2 Explication
La position sur la courbe est liée à l’état de
l’économie. En période d’expansion, la créa-
tion est supérieure à la destruction d’em-
plois : le taux d’emplois vacants augmente et
le taux de chômage diminue par manque de
candidats. Au contraire, en période de réces-
sion, la destruction est supérieure à la créa-
tion d’emplois : le taux d’emplois vacants
diminue et le taux de chômage augmente par
excès de candidats.
Sur le point E*, situé à l’intersection de
la courbe et de la bissectrice, le taux de
chômage est égal au taux d’emplois vacants.
Le chômage est alors uniquement expliqué
par un problème d’appariement, pour des
raisons liées à une inadéquation entre les
qualifications demandées et celles qui sont
offertes, par des coûts de recherche et de
sélection ou bien encore par une information
imparfaite sur le marché du travail. Le progrès
technique ou la mondialisation peuvent aussi
contribuer à expliquer l’augmentation de ce
chômage d’inadéquation car ces phénomènes
entraînent des chocs de réallocation de la
main-d’œuvre.

33
Par ailleurs, la courbe de Beveridge peut
aussi se déplacer le long de la bissectrice. Si
elle se déplace vers le haut, l’appariement
entre l’offre et la demande de travail se
dégrade. Au contraire, un déplacement vers le
bas de la courbe U/V signifie que l’apparie-
ment sur le marché du travail s’améliore. La
courbe de Beveridge rend directement compte
des dysfonctionnements du marché du travail
et de l’existence d’un chômage frictionnel
et structurel. Par conséquent, l’objectif de
toute politique de l’emploi est de ramener la
courbe le plus bas possible en vue de rappro-
cher, d’une part, l’offre de travail des sala-
riés et, d’autre part, la demande d’emploi des
entreprises. Un déplacement de la courbe de
Beveridge est donc en lien avec l’efficience de
l’appariement sur le marché du travail.

3 Application
Dans le rapport de travail intitulé What’s
going on behind the Euro area Beveridge
curve (2013) en collaboration avec la Banque
centrale européenne, Bele BONTHUIS, Vale-
rie JARVIS et Juuso VANHALA ont étudié les
déplacements de la courbe de Beveridge de
l’ensemble de la zone euro à long terme. Selon
ces économistes, la courbe U/V s’est d’abord
déplacée vers le haut à la fin des années 90,
puis elle s’est rapprochée de l’origine jusqu’à
la crise financière de 2008, avant de se redé-
placer, enfin, vers le haut. Cette dégradation
de l’appariement sur le marché du travail
depuis la crise des subprimes n’est toutefois
pas valable pour tous les pays. Si les courbes
de Beveridge de la France, de l’Espagne et de
la Grèce se sont déplacées vers le haut, celle
de l’Allemagne s’est, elle, déplacée vers le bas
grâce à des réformes structurelles profondes.

34
La courbe de Beveridge
Dans une recherche pour le compte du
Fonds monétaire international ; Shifting the
Beveridge Curve (2016), BOVA et les autres
co-auteurs constatent également une dégra-
dation du marché du travail entre 2000
et 2013, avec une augmentation du taux de
vacances en dépit d’un taux de chômage
élevé, dans douze pays de l’OCDE. Pour ces
économistes, les politiques de stimulation
de la demande sont inefficaces. L’enjeu de
leur étude est de faire valoir la nécessité de
mener des politiques actives de l’emploi afin
de rapprocher la courbe U/V de l’origine. Cela
inclut des incitations à l’entrepreneuriat et
des programmes de partage du travail. Selon
eux, la dégradation du processus d’apparie-
ment, donc le déplacement de la courbe vers
le haut, est associée :

• à une grande proportion de chômeurs de


long terme, notamment les femmes et les
jeunes ;

• à davantage d’employés dans la force de


travail au niveau de qualification intermé-
diaire ;

• à des contributions sociales élevées ;


• à des allocations-chômage généreuses.
Par ailleurs, les économistes constatent
que la protection de l’emploi est davantage
un atout qu’un frein dans l’amélioration
du processus d’appariement sur le marché
du travail. En effet, leur étude révèle que le
renforcement de la protection du travail
permet de diminuer la rotation de la main-
d’œuvre (turn-over) et in fine l’activité de
recherche d’emploi, ce qui diminue par consé-
quent le chômage frictionnel.

35
La courbe de Laffer

1 Présentation
La courbe de Laffer a été pour la première fois
mentionnée en 1978 dans l’article « Taxes,
Revenues, and the Laffer Curve » du jour-
naliste américain Jude WANNISKI. Lors d’un
dîner, Arthur LAFFER, le conseiller écono-
mique du président américain de l’époque
(Ronald REAGAN), aurait dessiné sur la nappe
du restaurant une courbe en cloche illustrant
l’arbitrage entre les recettes fiscales et le taux
d’imposition. Il existerait ainsi un certain taux
d’imposition maximisant les recettes fiscales.
Cette courbe de Laffer a inspiré les politiques
libérales de baisses d’impôts de certains pays
anglo-saxons dans les années 1980 et 1990.

36
La courbe de Laffer

2 Explication
3 Application
Sa courbe en U inversé pourrait se réduire à
la phrase « Trop d’impôts, tue l’impôt » dans
la mesure où une augmentation trop impor- La recherche d’un taux d’imposition opti-
tante du taux de prélèvements obligatoires, mal, c’est-à-dire d’un taux qui maximise
au-delà d’un certain seuil t* (le taux optimal), les recettes de l’État, est l’objectif de toute
aurait un effet dissuasif. Aux extrémités, si le politique fiscale d’un pays. Selon certaines
taux d’imposition est de 0 %, les recettes de études, ce taux se situerait entre 50 et 80 %
l’État sont nulles ; mais s’il est de 100 % les du PIB avec au-delà un risque d’évasion
recettes sont également nulles car il n’y a plus fiscale accru dans des paradis fiscaux (Baha-
aucune incitation au travail. Arthur LAFFER mas, Zurich, Hong Kong…). Ce problème a été
fait reposer la construction de sa courbe mis en évidence par Gabriel ZUCMAN dans La
sur l’hypothèse de la rationalité des agents Richesse cachée des nations (2013).
économiques à travers : La courbe de Laffer a inspiré les politiques
• l’effet revenu : lorsque le taux d’imposition libérales de baisses d’impôts de certains
pays à partir des années 80. Par exemple, au
augmente, les agents économiques sont
incités à travailler plus pour compenser la Royaume-Uni, sous Margaret THATCHER, la
perte de leur revenu due à cette hausse tranche marginale de l’impôt sur le revenu a
fiscale ; baissé de 83 % à 40 %, ce qui a entraîné une
augmentation des recettes fiscales de 1,2 Mds
• l’effet substitution : lorsque le taux d’im- de livre sterling en 1985-1986. À ce titre, on
position dépasse un certain niveau t*, les peut aussi mentionner les réductions d’impôts
agents économiques sont incités à travail- drastiques qui ont eu lieu aux États-Unis en
ler moins et donc à substituer du loisir au 2004-2005, sous l’ère de George W. BUSH,
travail. et qui ont contribué à augmenter les recettes
À partir du taux optimal t*, l’effet de substi- fiscales du pays de 8 à 9 % (Florin AFTALION,
tution l’emporte sur l’effet revenu. La charge 2016).
fiscale décourage le travail, engendrant in fine Cependant, l’analyse de Laffer est à relati-
une baisse des recettes fiscales. Les agents viser car elle souffre de plusieurs lacunes :
économiques sont aussi incités à faire de l’op-
timisation fiscale, voire de l’évasion fiscale, et • la simplicité de la courbe ne repose pas
les entrepreneurs sont poussés à délocaliser sur des fondements microéconomiques
leur activité au regard des risques financiers poussés puisqu’on suppose dans ce modèle
encourus, d’une part, ainsi qu’à pratiquer le que la seule motivation des agents écono-
travail dissimulé, d’autre part. miques à travailler est le revenu. Or, il
existe d’autres facteurs psychologiques ou
sociaux à prendre en considération, comme
la passion pour un métier ou la volonté
d’être reconnu par ses pairs ;

• la non-validation de la courbe par des


études économétriques ;

• la difficulté à déterminer le taux d’imposi-


tion optimal dans la mesure où celui-ci peut
différer selon des déterminants conjonctu-
rels et structurels liés au pays.

37
L’équilibre du monopole

1 Présentation
Le monopole est une situation de marché à une multitude de demandeurs. Dans ce cas
au sein de laquelle une entreprise unique de figure, l’entreprise seule sur le marché est
fournit un bien unique à une multiplicité de dite price maker car elle est capable de fixer
demandeurs. L’entreprise a donc un pouvoir son prix librement, ce qui influe aussi la quan-
de marché qui lui permet d’acquérir un profit, tité de biens vendus. À l’équilibre, le mono-
soit une rente de monopole. Dans Recherches pole vend ainsi une quantité Qm plus faible
sur les principes mathématiques de la théorie à un prix Pm supérieur à une situation de
des richesses (1838), Augustin COURNOT est concurrence pure et parfaite où la quantité
le premier économiste à réaliser une formali- optimale serait QCPP et le prix optimal PCPP.
sation de ce concept en prenant l’exemple de Par ailleurs, cet équilibre génère une perte
la confrontation du propriétaire d’une source sèche pour la collectivité.
minérale unique aux vertus exceptionnelles

38
L’équilibre du monopole

2 Explication
Si le monopole décide de baisser son prix, producteur qui génère désormais un profit
il augmentera son volume de ventes. Le prix, communément appelé « rente de mono-
donc la recette moyenne, est une fonc- pole » (rectangle vert).
tion décroissante de la quantité produite.
La recette marginale, c’est-à-dire la recette
engendrée par la vente d’une unité supplé-
mentaire, est donc logiquement décrois- 3 Application
sante et inférieure à la recette moyenne.
Pour l’offre, on fait l’hypothèse qu’il n’y a
pas de coûts fixes. Le coût marginal, c’est- Ainsi, le monopole peut disposer d’un
à-dire le coût d’une unité supplémentaire, pouvoir de marché élevé si les clients sont peu
est donc considéré comme constant. Le prix sensibles au prix. Par exemple, les entreprises
de monopole (Pm) se déduit par conséquent pharmaceutiques qui fournissent des médica-
d’une quantité optimale (Qm) à laquelle la ments font face à une demande peu élastique
recette marginale égalise le coût marginal. au prix, notamment pour les maladies les plus
En dessous de cette quantité, il est profitable rares. Le médicament Daraprim, indiqué en
de produire une unité de bien supplémen- cas de toxoplasmose – maladie infectieuse
taire car elle rapporte plus qu’elle ne coûte parasitaire – et racheté par le groupe TURING,
(la recette marginale est supérieure au coût a vu son prix en 2015 passer de 13,50 $ à
marginal). Mais au-delà, l’unité supplémen- 750 $ du jour au lendemain, ce qui fait plus de
taire lui coûterait plus qu’elle ne lui rappor- 5 000 % d’augmentation. Dès lors, un pouvoir
terait (la recette marginale est inférieure au de marché excessif pour une entreprise peut
coût marginal). Le prix de monopole (Pm) s’ob- être un danger pour les consommateurs et
tient ensuite par l’intersection avec la courbe la société. Si les monopoles ne sont pas tous
de demande. C’est à ce prix que le profit est nuisibles – la possibilité de « bons monopoles »
maximisé (rectangle vert). En situation de n’est pas à disqualifier systématiquement –, il
monopole, le prix de vente Pm est supérieur est toutefois nécessaire de les discipliner en
au prix proposé en situation de concurrence garantissant un cadre concurrentiel à l’aide
pure et parfaite PCPP et la quantité offerte est de politiques de la concurrence adaptées
inférieure (Qm < QCPP). Dès lors, il est possible (contrôle des concentrations, contrôle des
d’observer, sur ce graphique, les deux effets abus de position dominante et des ententes
néfastes d’un monopole qui en découlent : anticoncurrentielles).

• une inefficience du monopole avec une


perte sèche pour la collectivité, appelée
aussi Triangle Harberger ; et représen-
tée par le triangle bleu foncé. En effet, le
monopoleur, qui détient la liberté de fixer
son prix, n’applique pas une tarification
efficiente au coût marginal et produit donc
moins de quantités qu’en concurrence pure
et parfaite ;

• un transfert de richesse des consomma-


teurs vers le producteur. Le surplus du
consommateur est diminué et capté par le

39
La tarification du monopole naturel

1 Présentation
Théorisé par Léon WALRAS dans L’État la concurrence sous l’impulsion des politiques
et les chemins de fer (1875), le monopole menées à l’échelle européenne. Ces monopoles
naturel est une situation de marché au sein fournissent un parfait exemple de défaillance
de laquelle, pour une quantité donnée, il est de marché, c’est-à-dire d’une situation dans
toujours moins coûteux de produire avec une laquelle l’équilibre de marché est sous-opti-
seule entreprise plutôt qu’avec plusieurs. mal. Si cette situation de monopole naturel
Le monopole naturel – qui résulte d’un jeu n’est pas contestable, l’État se doit d’inter-
du marché et de la présence de rendements venir pour le réguler avec une tarification
d’échelle croissants due à des coûts fixes optimale afin d’éviter que le monopoleur ne
élevés – élimine la concurrence. Les mono- fixe un prix P1 plus élevé, associé à une quan-
poles naturels sont essentiellement présents tité Q1 moins élevée que la situation optimale
dans les industries de réseaux à coûts fixes (concurrence pure et parfaite) et obtenu par
élevés (secteur ferroviaire, transport aérien, l’égalisation du coût et de la recette margi-
réseau électrique, d’eau et de distribution de nale.
gaz…). En France, ils s’ouvrent peu à peu à

40
La tarification du monopole naturel

2 Explication
Les règles de tarification du monopole naturel grand que l’élasticité prix de la demande de
basées sur les coûts de production permettent ce bien (ei) est faible :
d’atteindre un optimum de premier rang :
pi − Cmi α
• le régulateur peut suivre la règle de HOTEL- pi
=
εi
LING (1938). Celle-ci consiste à vendre le
bien à son coût marginal afin de maximi-
α: un coefficient qui conduit à l’équilibre
ser le surplus collectif. La combinaison
budgétaire
prix-quantités (Q3, P3) est donc socialement
optimale. La tarification est dite au coût Le monopole récupère ainsi les coûts fixes
marginal (Cm). Néanmoins, le monopole sur les biens les moins élastiques, là où les
fait des pertes puisque son coût moyen est usagers sont « captifs », c’est-à-dire obli-
supérieur à son prix de vente. L’État doit gés de consommer. Ce type de tarification
alors subventionner le déficit de l’entre- permet de réduire les pertes de surplus des
prise en levant des impôts forfaitaires afin consommateurs par rapport à une tarification
de couvrir les coûts fixes. de premier rang au coût marginal qui néces-
site une subvention de l’État pour équilibrer le
Des solutions de tarification, cherchant le
budget de l’entreprise.
compromis, peuvent permettre d’atteindre
un optimum dit de second rang généralement
préféré au premier en Europe pour la tarifi-
cation des grands secteurs du service public :
3 Application
• le régulateur peut imposer une tarification
au coût moyen (CM). Dans ce cas, il offre
une quantité Q2 qu’il vend à un prix P2 plus Toutefois, les règles de tarification par
élevé que ce qui est atteint en optimum de les coûts de production se heurtent à une
premier rang. Cette tarification ne permet asymétrie d’information entre le régulateur
pas de maximiser le surplus collectif mais et la firme réglementée qui crée une situa-
permet d’éviter au monopole de faire des tion d’anti­sélection. Le monopole naturel,
pertes, sans avoir besoin de le subvention- qui connaît davantage sa fonction de coût
ner par les consommateurs. de production que le régulateur, risque de
• dans le cas particulier d’un monopole pousser ses coûts à la hausse, au détriment
du bien-être global. L’autre règle consis-
multiproduits, le monopole peut aussi
discriminer en imposant une tarifica- terait à exercer une régulation par les prix
tion à la RAMSEY-BOITEUX, qui consiste à pour surmonter ce problème d’asymétrie
déterminer le prix le plus proche du Coût d’information. En effet, le régulateur peut
marginal (Cm) sous contrainte de l’équilibre introduire un plafond de prix, dit price cap,
budgétaire. Chaque personne ou chaque sur plusieurs années dans le but d’inciter le
catégorie de personnes segmentée paye monopoleur à générer des gains de producti-
un prix (Pi) dont l’écart par rapport au coût vité pour accroître sa rente. Cette tarification
marginal (Cmi) d’un bien i est d’autant plus s’est développée au Royaume-Uni au début
des années 80 lors de la déréglementation du
gaz et des télécoms.

41
Le duopole de Cournot

1 Présentation
Dans son ouvrage Recherches sur les quantités produites par les deux firmes. Le
principes mathématiques de la théorie des mathématicien français suppose aussi que les
richesses, publié en 1838, Augustin COURNOT deux entreprises ont des fonctions de coûts
étudie les dynamiques d’ajustement des prix identiques : C (Qi) avec i = 1,2 et que leur
sur plusieurs structures de marché. Il étudie capacité de production est suffisante pour
notamment un cas particulier d’oligopole : le répondre à l’ensemble du marché.
duopole. Dès lors, Augustin COURNOT forma-
lise un modèle dans lequel deux entreprises L’équilibre est atteint à l’intersection des
de même taille produisent un bien ou un courbes de fonction de réaction des deux
service homogène et se font la concurrence firmes lorsque l’entreprise 1 produit Q1* et
de manière simultanée et non-coopérative l’entreprise 2 Q2* égales car les entreprises ont
par les quantités. Q1 désigne les quanti- une fonction de coût identique. Un duopole
tés produites par la firme 1 et Q2 les quan- de Cournot produit donc moins de quantités
tités produites par la firme 2. La production qu’une situation de concurrence parfaite, à
totale s’élève ainsi à Q égale à la somme des un prix plus élevé.

42
Le duopole de Cournot

2 Explication
Les deux entreprises vendent un bien ou un Pour la firme 1, les conditions de premier
service homogène au prix identique P dépen- ordre sont celles-ci :
dant des quantités produites, tout en maxi- ∂Π1
misant leurs profits respectifs. Les quantités = 0 ↔ P (Q1 + Q2) + Q1P’(Q1 + Q2)= C’ (Q1)
∂q1
sont la variable stratégique. Si l’une des deux
Pour la firme 2, les conditions de premier
entreprises modifie sa quantité, elle impacte
ordre sont celles-ci :
directement le prix et le profit des deux entre-
prises. Chacune des deux entreprises maxi- ∂Π2
= 0 ↔ P (Q1 + Q2) + Q2P’(Q1 + Q2)= C’ (Q2)
mise son profit par rapport à ses quantités ∂q2
respectives en prenant la quantité produite Les deux fonctions de réaction R1(Q2) et
par l’autre firme comme donnée. R2(Q1) qui en découlent sont aussi appelées
fonctions de meilleure réponse face à la quan-
L’entreprise 1 résout le programme de
tité offerte par l’autre entreprise. R1(Q2) est la
maximisation suivant :
fonction de réaction de l’entreprise 1 et signi-
MaxQ Π1 = P(Q) × Q1 – C (Q1) fie sa quantité optimale Q1, compte tenu de
1
= P (Q1 + Q2) × Q1 – C (Q1) la quantité de l’autre entreprise. R2(Q1) est la
fonction de réaction de l’entreprise 2 et signi-
Ce qui nous permettra d’exprimer Q1 la quan-
fie sa quantité optimale Q2, compte tenu de la
tité optimale de l’entreprise 1 en fonction de
quantité Q1 de l’autre entreprise. L’équilibre
Q2 la quantité produite par l’entreprise 2.
de Cournot se situe à l’intersection des deux
Le raisonnement est identique pour la firme 2 courbes de réaction des deux entreprises.
avec la résolution du programme de maximi- Étant donné que le cas est symétrique, c’est-
sation suivant : à-dire que les entreprises ont des fonctions de
coûts identiques, les deux entreprises ont la
MaxQ Π2 = P(Q) × Q2 – C (Q2)
2 même fonction de réaction et produisent ainsi
= P (Q1 + Q2) × Q2– C (Q2)
la même quantité ; par conséquent, Q1* = Q2*.
Ce qui nous permettra d’exprimer Q2 la quan- Cet équilibre est également appelé équilibre
tité optimale de l’entreprise 2 en fonction de Cournot/Nash car aucune des deux entre-
Q1 la quantité produite par l’entreprise 1. prises n’a intérêt à dévier unilatéralement de
l’équilibre en modifiant sa production puisque
On constate aussi que la recette totale
la stratégie de chaque entreprise est opti-
dépend directement de la quantité totale
male, eu égard à la stratégie de l’autre. À ce
produite par les deux entreprises. En ce
point d’équilibre, le profit est maximal pour
sens, l’entreprise doit réagir de la façon la
chacune des deux entreprises compte tenu
plus optimale possible face à la décision de
de la production de l’autre et chaque firme a
production de la firme concurrente. C’est ce
correctement anticipé le niveau de production
qu’on appelle la fonction de réaction de l’en-
de sa concurrente.
treprise, qui découle directement des condi-
tions de premier ordre du programme de
maximisation.

43
En définitive, le duopole de Cournot mène
à une situation intermédiaire entre un mono-
pole et un marché parfaitement concurrentiel.
En d’autres termes, à l’équilibre, le duopole
de Cournot produit plus de quantités que le
monopole, à un prix inférieur. Cependant,
il produit moins de quantités à un prix plus
élevé qu’une situation de concurrence pure et
parfaite.

Il est possible de généraliser ce cas parti-


culier de duopole de Cournot à un oligopole
avec l’augmentation des firmes sur le marché
(n > 2 firmes), déplaçant l’équilibre Cournot/
Nash vers l’équilibre concurrentiel. De plus,
leur profit est inversement proportionnel au
carré du nombre de firmes présentes sur le
marché.

44
Le duopole de Cournot

3 Application
Le modèle de Cournot est adapté aux pouvoir de marché. Par ailleurs, les duopo-
industries aux coûts fixes élevés ainsi qu’aux leurs mettent en péril les consommateurs et
variations de capacité coûteuses (industrie les entreprises qui achètent à des prix encore
automobile, industrie sidérurgique, ­ industrie plus élevés que si la structure du marché
de réseau) et peut aussi s’adapter à des était celle d’une concurrence parfaite. Les
marchés oligopolistiques à plus de deux entre- entreprises en duopole sont par conséquent
prises. L’exemple le plus représentatif d’un incitées à coopérer en diminuant les niveaux
duopole de Cournot est le marché des avions de production afin d’augmenter les prix.
de plus de cent places, avec Boeing d’un côté Elles peuvent ainsi constituer un cartel et
et Airbus de l’autre. Une guerre des prix est se comporter comme un monopole en maxi-
fortement improbable entre ces deux géants. misant de manière jointe la somme de leurs
Cependant, ce duopole peut se concurrencer profits.
par les quantités et pourrait même être assi- En France, l’Autorité de la concurrence
milé à un duopole coopératif au sein duquel a permis de démanteler de grands cartels
chacun des deux constructeurs s’accorde nocifs pour le consommateur dans divers
à ne pas accabler l’autre sur sa technologie secteurs d’activité ces dix dernières années.
comme sur sa sécurité. En effet, leur intérêt Par exemple :
commun est de valoriser l’image du trans-
port aérien afin de poursuivre la croissance de • en 2020, un cartel sur le jambon et la char-
cuterie concernant douze entreprises ;
leurs profits.
Dans un duopole, les entreprises sont • en 2018, un cartel de l’électroménager
concernant six fabricants ;
tentées de pratiquer de la concurrence
déloyale notamment par l’intermédiaire de • en 2017, un cartel de revêtement des sols
la création d’ententes afin de maintenir leur concernant trois principaux fabricants.

45
Le duopole de Bertrand

1 Présentation
Dans la revue de la Théorie mathématique suppose aussi que les deux entreprises ont des
de la richesse sociale de Léon Walras ainsi que fonctions de coûts totaux et un coût marginal
dans les Recherches sur les Principes mathé- C identiques. De plus, la capacité de produc-
matiques de la théorie des richesses de Augus- tion des deux entreprises est supposée suffi-
tin Cournot, Joseph BERTRAND (1883) propose sante pour répondre à l’ensemble du marché.
un modèle alternatif au duopole de Cournot. À l’équilibre, c’est-à-dire à l’intersection des
Il formalise un modèle au sein duquel deux courbes de fonction de réaction des deux
entreprises de même taille, en tant qu’elles firmes, le prix est égal au coût marginal et les
produisent un bien ou un service homogène, entreprises réalisent un profit nul. Le modèle
se font la concurrence par les prix. P1 désigne montre donc que la concurrence par les prix
le prix du bien de la firme 1 et P2 le prix du entre deux entreprises suffit déjà à restaurer
bien de la firme 2. Le mathématicien français l’équilibre concurrentiel.

46
Le duopole de Bertrand

2 Explication
Comme la concurrence se fait sur les prix, deux firmes suffisent pour atteindre un équi-
c’est l’entreprise qui vend au prix le plus bas libre concurrentiel où les prix proposés par les
qui capte toute la demande. En revanche, si deux entreprises sont égaux au coût margi-
les prix des biens des deux entreprises sont nal C. Les deux entreprises réalisent ainsi un
identiques, alors elles se partagent le marché. profit nul.
L’équilibre de Bertrand/Nash est donc atteint
lorsque le prix du bien de la firme 1 (P1) et le
prix du bien de la firme 2 (P2) sont égaux au
coût marginal C. La guerre des prix menée de 3 Application
front par les deux entreprises aboutit à une
tarification similaire à celle d’une situation
de concurrence pure et parfaite. Ce résultat Cependant, même dans les industries oligo-
est appelé paradoxe de Bertrand. En effet, polistiques de type téléphonie mobile qui
chaque entreprise est incitée à casser les prix pratiquent une concurrence par les prix, les
en proposant un prix infinitésimalement plus firmes réalisent des profits importants qui
faible que celui de son rival afin de remporter invalident, par conséquent, la théorie. Trois
toute la demande sur le marché, et cela tant solutions permettent aux entreprises de
que le coût marginal reste couvert. La guerre contourner théoriquement le paradoxe de
des prix entre les deux entreprises se termine Bertrand :
lorsque P1 = P2 = C car, en dessous de cette
tarification, les deux entreprises font des • la concurrence imparfaite avec la différen­
pertes. L’équilibre de Bertrand/Nash se situe ciation des produits, contrairement à l’hypo­­­­­­
donc à l’intersection des deux courbes de thèse initiale de parfaite substituabilité
réaction. Ces deux fonctions de réaction sont des produits ;
aussi appelées fonctions de meilleure réponse
face au prix proposé par l’autre entreprise. R1
• les contraintes de capacités de production
plus réalistes ;
(P2) est la fonction de réaction de l’entreprise
1 et signifie son prix optimal P1, compte tenu • l’introduction d’interactions répétées (la
du prix optimal P2 de la firme 2. R2 (P1) est la possibilité de choisir sa stratégie lors de
fonction de réaction de l’entreprise 2 et signi- chaque période) entre les entreprises et le
fie son prix optimal P2, compte tenu du prix risque de collusion associé.
optimal P1 de la firme 1. La ligne des 45 degrés
indique que les deux entreprises pratiquent
le même prix au-dessus du coût marginal.
Par conséquent, on constate que la fonction
de réaction de l’entreprise 2 est au-dessus
de celle de l’entreprise 1, ce qui indique que
le prix de l’entreprise 1 est inférieur au prix
de l’entreprise 2 jusqu’au point d’équilibre
C. Cet équilibre est aussi appelé équilibre­
Bertrand/Nash car aucune des deux entre-
prises n’a intérêt à dévier unilatéralement de
l’équilibre en modifiant son prix puisque la
stratégie de chaque entreprise est optimale,
eu égard à la stratégie de l’autre. En définitive,

47
Le modèle de Stackelberg

1 Présentation
Dans Structures de marché et équilibre et que leur capacité de production est suffi-
(1934), Heinrich von STACKELBERG forma- sante pour répondre à l’ensemble du marché.
lise le modèle d’une entreprise meneuse et L’entreprise 1 leader choisit donc le point
d’une entreprise suiveuse produisant un bien optimal sur la fonction de réaction de la firme
ou un service homogène sur un marché. La suiveuse qui maximise son profit. L’équilibre
firme 1 leader décide de produire une quan- est atteint lorsque l’entreprise leader produit
tité Q1 et la firme 2 suiveuse observe ce choix une quantité Q1S et un profit supérieurs et
pour ensuite décider de sa production Q2. La que l’entreprise suiveuse produit une quan-
fonction prix de l’industrie P(Q1+Q2) identique tité Q2S et un profit inférieurs à une situation
pour les deux entreprises est fonction des dans laquelle elles se feraient concurrence
quantités produites par les deux entreprises. de manière simultanée (COURNOT). Le prix à
On suppose aussi que celles-ci ont des fonc- l’équilibre qui en découle est donc inférieur
tions de coûts identiques : C(Qi) avec i = 1,2 au prix sous Cournot.

48
Le modèle de Stackelberg

2 Explication
L’entreprise leader et l’entreprise suiveuse
vendent un bien ou un service homogène au
prix identique P, qui dépend des quantités
produites, tout en maximisant leurs profits
respectifs. Comme dans le modèle de C ­ ournot,
les quantités sont la variable stratégique.
L’entreprise 2 suiveuse prend en considéra-
tion sa fonction de réaction R2 (Q1) qui repré-
sente sa quantité optimale Q2 compte tenu de
la quantité Q1 choisie par l’autre entreprise.
Elle est issue de la maximisation de son profit
(recettes–coûts) définie par la formule :
Π2 (Q1, Q2) = P(Q)× Q2 – C (Q2)
= P (Q1 + Q2) × Q2 – C (Q2)
Ensuite, la firme 1 leader maximise son profit
indépendamment de la quantité produite par
l’entreprise suiveuse. Néanmoins, elle intègre
la fonction de réaction de l’entreprise 2
qu’elle connaît parfaitement dans sa fonction
de profit de sorte qu’elle maximise son profit
par rapport à une seule variable Q1. Elle maxi-
mise ainsi cette fonction de profit :
Π1 (Q1, Q2) = P(Q)× Q1– C (Q1)
= P (Q1 + R2(Q1)) × Q1 – C (Q1)
L’entreprise 2 suiveuse peut alors adap-
ter sa production en fonction de la quan-
tité produite Q1 par l’entreprise 1 leader. La
firme 1 choisit donc le point optimal sur la
fonction de réaction de la firme suiveuse qui
maximise son profit.

49
Graphiquement, à l’équilibre de Stackel-
berg, l’entreprise 1 meneuse décide d’un
niveau de production Q1S plus élevé associé
à des profits plus importants qu’à l’équilibre
de Cournot où les deux entreprises produi-
raient la même chose si elles avaient la même
fonction de coût total. Cela peut s’expliquer
par le first mover advantage, ou « avantage
du meneur sur le marché ». L’entreprise 2
suiveuse décide, quant à elle, d’un niveau de
production Q2S moins élevé et associé à des
profits plus faibles.
En outre, la production totale des deux
firmes est plus élevée sous Stackelberg que
sous Cournot.
Étant donné que la production globale est
plus élevée, le prix à l’équilibre qui en découle
est inférieur au prix sous Cournot et, évidem-
ment, au prix sous monopole, mais il est supé-
rieur au prix concurrentiel. Ainsi, le surplus du
consommateur est plus élevé dans une situa-
tion de Stackelberg que pour un monopole
et un duopole de Cournot mais il est moins
important que pour un marché parfaitement
concurrentiel.

50
Le modèle de Stackelberg

3 Application
Le modèle de Stackelberg est adapté aux Le modèle de Stackelberg montre aussi que
industries aux coûts fixes élevés et aux varia- l’entreprise leader dispose d’un avantage
tions de capacité coûteuses (industrie auto- concurrentiel sur le marché qui lui permet
mobile, industrie sidérurgique, industrie de de générer un profit plus élevé. Toutefois,
réseau) avec la menace d’un nouvel entrant ce modèle n’envisage pas le cas où la firme
potentiel sur le marché. Le modèle de Stac- suiveuse refuse sa position et détermine ainsi
kelberg est également plus susceptible de sa production indépendamment de la firme
s’appliquer aux marchés qui s’ouvrent actuel- leader. Les conséquences prévisibles seraient :
lement à la concurrence comme le marché
du train à grande vitesse. À la suite de l’ou- • une surproduction : la volonté de chacun
des deux duopoleurs d’augmenter sa
verture officielle de ce marché à la concur-
production pour accroître son profit mène-
rence en décembre 2020, la SNCF a dû faire
rait à un jeu destructeur au terme duquel
face à l’arrivée d’un nouveau concurrent sur
une des deux entreprises serait éliminée du
la ligne Paris-Lyon-Turin-Milan : l’opérateur
marché ;
italien Thello. La concurrence à la Stackel-
berg permet de prédire ici une baisse des prix, • et/ou une situation de collusion et de
comme cela avait déjà été confirmé sur le cartel dans laquelle les deux entreprises
marché très oligopolistique de la téléphonie seraient incitées à maximiser conjointe-
mobile. En effet, l’arrivée du quatrième opéra- ment leur profit.
teur Free en 2012 avait notamment permis,
grâce à une baisse des prix sur les abonne-
ments téléphoniques, la libération de près de
7 Mds € sur 2 ans pour les consommateurs.

51
L’instabilité d’un cartel

1 Présentation
Un cartel, la forme la plus aboutie de l’en- producteurs en réduisant la concurrence entre
tente, est un ensemble d’entreprises indé- eux. Cette pratique est illégale dans la plupart
pendantes ayant des activités comparables des pays développés car elle est nuisible pour
qui s’entendent sur un marché afin de réduire le consommateur en ce qu’elle favorise une
la quantité produite (quotas) et/ou d’aug- importante hausse des prix, comprise entre
menter les prix. L’entente peut aussi porter 12 % et 25 % selon le type de cartel (Emma-
sur le partage d’une zone géographique. Son nuel COMBE, 2022). En outre, comme l’illustre
objectif est de former une coalition entre ce graphique qui présente le cas simplifié d’un
les producteurs afin de se rapprocher d’une cartel à deux producteurs, son équilibre est
situation de monopole tout en maximisant instable car les entreprises ont toujours inté-
la somme des profits de leurs membres. En rêt à tricher unilatéralement en augmentant
effet, un cartel est une pratique de collu- leur niveau d’output.
sion qui consiste à accroître les bénéfices des

52
L’instabilité d’un cartel

2 Explication 3 Application
Ce graphique donne à voir l’équilibre d’un Les coûts d’un cartel contribuent à son
cartel constitué de deux entreprises A et B instabilité à long terme dans la mesure où ils
produisant chacune YA et YB quantités dont la sont multiples.
somme est égale à Y. Le cartel se comporte
comme un monopole collectif en produisant • Les coûts de négociation d’un cartel
augmentent rapidement avec le nombre de
les quantités qui maximisent leurs profits
producteurs.
joints soit :
πcartelY
≠ = πA + πB = P(Y) x Y – CTA – CTB • La formation d’un cartel impose des coûts
A,YB de surveillance élevés pour garantir sa
P(Y), le prix en fonction de Y et CTi, la fonc- viabilité dans le temps. Sans surveillance,
tion de coût total de l’entreprise i (i = A, B). chaque entreprise du cartel a intérêt à
tricher, par exemple en augmentant sa
Le prix étant identique pour les deux
production. Le cartel le plus connu est celui
producteurs, maximiser leurs profits joints
de l’OPEP, fondé en 1960, qui réunit treize
par rapport à YA et YB permet d’égaliser leurs
grands pays producteurs de pétrole. Ce
mêmes recettes marginales avec leurs coûts
cartel, qui décide des quotas de produc-
marginaux. On fait l’hypothèse que les deux
tion de pétrole afin de maintenir les prix à
entreprises ont la même fonction de coût
la hausse, est légal car il réunit des États
total. Si une firme était plus ou moins efficiente
et non des entreprises. L’Arabie saoudite
que l’autre, l’équilibre du cartel se déplace-
a ainsi triché en 1986 en augmentant sa
rait sur la ligne E jusqu’aux points extrêmes
production de pétrole afin d’accroître sa
YA monopole et YB monopole, qui sont les
part de marché, ce qui a déstabilisé le cartel
situations dans lesquelles l’entreprise A et B
et a déclenché un contre-choc pétrolier
produisent respectivement des quantités de
avec la brutale baisse des prix.
monopole. En effet, l’entreprise dont les coûts
de production sont supérieurs à l’autre se voit Un cartel peut être bénéfique pour les
attribuer un volume de production plus faible, producteurs à court terme mais il est instable
ce qui fragilise le cartel. à long terme. Cette instabilité est en outre
renforcée par les programmes de clémence
À l’équilibre du cartel, les quantités YA* et
déployés massivement par les autorités de la
YB* sont identiques (à l’intersection des fonc-
concurrence dans de nombreux pays déve-
tions de profits). Or, c’est un équilibre défini-
loppés. Ce dispositif constitue un moyen
tivement instable car l’entreprise A ou B aura
puissant de déstabilisation des cartels dans
toujours intérêt à augmenter unilatéralement
la mesure où il incite les entreprises à venir
son niveau d’output pour accroître ses profits.
se dénoncer. Les entreprises qui se dénon-
ceraient en premier verraient leurs amendes
potentielles réduites ou même annulées. En
2016, DAIMLER, le fabricant des voitures
Mercedes-Benz, a à ce titre notamment
­
dénoncé l’existence d’une entente sur des
systèmes de filtrage entre tous les fabricants
automobiles allemands afin de bénéficier de la
clémence du régulateur.

53
Les effets d’une fusion-acquisition
sur le bien-être global

1 Présentation
Dans l’article « Economies as an Antitrust s’ouvrir à de nouveaux marchés, d’acquérir de
Defense: the Welfare Tradeoffs » (1968), nouvelles compétences et de créer des écono-
Oliver WILLIAMSON soutient qu’une fusion-­ mies d’échelle à la recherche d’une « taille
acquisition peut augmenter le bien-être critique » qui leur permettront de diluer l’in-
global grâce aux gains d’efficacité produc- tégralité de leurs coûts fixes. Le premier type
tive, même si elle réduit par ailleurs la de concentration est la concentration hori-
concurrence et qu’elle conduit à une tarifica- zontale qui concerne le regroupement d’en-
tion supra concurrentielle due à la hausse du treprises semblables. Le deuxième type est la
pouvoir de marché. La fusion-acquisition, qui concentration verticale qui concerne le rachat
est le regroupement de deux entreprises ou d’une entreprise d’une branche complémen-
plus, constitue un mode de croissance ayant taire comme un fournisseur ou un distributeur.
pour objectif de créer de la valeur pour les Le troisième type est la concentration dite
firmes fusionnées. Elle permet aux entreprises conglomérale qui concerne le rachat d’entre-
de renforcer leur position concurrentielle, de prises spécialisées dans d’autres secteurs.

54
Les effets d’une fusion-acquisition sur le bien-être global

2 Explication
Le mécanisme est le suivant : avant la
fusion, deux entreprises qui ont la même
structure de coût, sont en situation concur-
rentielle et vendent une quantité Q1 au prix P1,
égal à leur coût marginal de production C1. Le
profit qui en découle est donc nul. Lorsque la
fusion est réalisée, deux effets contradictoires
se produisent : 3 Application
• le coût marginal constant diminue de C 1
à
C2 grâce aux gains d’efficacité ;
Les concentrations d’entreprises se multi-
• la fusion réduit l’intensité concurren- plient de manière exponentielle depuis
tielle sur le marché. Le prix augmente de quelques années avec notamment les GAFAM ;
P1 à P2 tel que le nouveau coût marginal C2 mais cette multiplication s’effectue au détri-
égalise la recette marginale et les quantités ment du bien-être global. Dans son dernier
produites diminuent de Q1 à Q2. L’augmen- ouvrage, Thomas PHILIPPON (2019) souligne
tation du prix est d’autant plus prononcée un renforcement de la concentration dans
que les barrières à l’entrée et à la sortie tous les secteurs d’activité (énergie, trans-
sont élevées et que le pouvoir de négocia- port aérien…) depuis les années 2000 aux
tion des clients est faible. La perte sèche qui États-Unis. Il étudie les effets pervers des
résulte de l’augmentation de prix est repré- fusions-acquisitions qui ont non seule-
sentée par l’aire D. Le surplus des consom- ment conduit à des prix plus élevés pour les
mateurs se voit ainsi sacrifié de l’aire A + D. consommateurs mais qui ont également favo-
Au contraire, les producteurs voient leur risé un accroissement des inégalités.
surplus augmenter d’un montant égal à
l’aire A + B, avec B représentant les gains Cependant, le gain pour les industriels peut
en termes de coûts réalisés pour les entre- être significatif en présence de synergies. Dans
prises. les industries aux coûts fixes élevés, comme
l’industrie automobile, les gains d’efficacité
En additionnant les gains des producteurs avec productive sont les plus élevés et sont les plus
les pertes des consommateurs (A + B – A − D), à même de générer un bien-être global positif.
on obtient un résultat final égal à B − D. Ainsi, Par exemple, la fusion entre le groupe PSA et
si les gains d’efficacité productive réalisés par Fiat Chrysler Automobile pour former Stellan-
l’entreprise fusionnée (B) sont supérieurs à la tis, actée au début de l’année 2021, est extrê-
perte sèche des consommateurs (D), la fusion mement prometteuse : 5 Mds € de synergies
a un effet positif sur le bien-être global même estimées par an par le groupe, notamment en
si le consommateur est lésé. Cependant, si B matière de recherche et développement et de
= 0, c’est-à-dire si aucune synergie entre les partage de moteurs et de plateformes.
entreprises n’est réalisée, la fusion aura pour
seules conséquences l’augmentation des prix Dès lors, se pose la question de savoir si
pour le consommateur, la réduction des quan- les Autorités de la concurrence européennes
tités produites et donc la réduction du bien- ne vont pas faciliter ces mouvements de
être global. fusion-acquisition, comme le cas Air France/
KLM, afin de favoriser l’émergence de cham-
pions européens capables de rivaliser avec les
grandes entreprises américaines ou chinoises.

55
Les effets sur la demande d’une
baisse de prix liée à la concurrence

1 Présentation
Pour Frédéric BASTIAT (1850), homme poli- augmentation des quantités consommées
tique et économiste français, « Tuer la concur- avec la captation de nouveaux consomma-
rence c’est tuer l’intelligence ». Ainsi, dès le teurs. Cette intensification de la concurrence
xixe siècle, favoriser la concurrence dans une a été favorisée, entre autres, par l’accroisse-
économie était déjà une priorité. L’un des ment significatif du commerce mondial depuis
premiers bienfaits constatés du renforcement la fin de la Seconde Guerre mondiale, progres-
de la concurrence est la baisse des prix en sant deux fois plus vite que la production,
tant qu’elle entraîne un double effet sur la ainsi que par la déréglementation des marchés
demande : une augmentation du surplus des nationaux à partir des années 70 dans les pays
consommateurs existants accompagnée d’une développés.

56
Les effets sur la demande d’une baisse de prix liée à la concurrence

2 Explication
Ce graphique illustre le double effet d’une
baisse des prix liée à l’intensification de la
concurrence sur les quantités demandées. Les
consommateurs bénéficient effectivement de
ces effets vertueux par une augmentation de
leur surplus, qui est égal au rectangle A + B.
Le gain total pour les consommateurs possède
une double origine :
3 Application
• le surplus des producteurs est transféré
au profit des consommateurs directs qui La baisse des prix s’explique par un choc
paient le bien à un prix moins élevé que le concurrentiel lié à l’arrivée d’un nouveau
prix initial. Le gain de surplus des consom- concurrent sur un marché. Par exemple, l’en-
mateurs existants est égal à l’aire du trée du quatrième opérateur Free en 2012 sur
rectangle A ; le marché français de la téléphonie mobile a
• les consommateurs qui ne payaient pas le permis, selon UFC-Que-Choisir, de réduire la
facture mobile d’environ 30 % pour un gain de
prix initial paient le prix actuel. L’augmen-
tation du surplus lié aux nouveaux clients près de 7 Mds € de pouvoir d’achat pour les
est égale à l’aire du triangle B. consommateurs sur la période 2012-2013.

Cette baisse de prix permet donc l’augmen- La hausse du surplus des consommateurs
tation du surplus global des consommateurs peut également être expliquée par une baisse
(A + B) avec une augmentation du surplus des des prix liée à la mondialisation et donc à
consommateurs existants (A) et l’arrivée de l’ouverture à la concurrence internationale,
nouveaux consommateurs (B). notamment chinoise dans le cas des États-
Unis. En effet, l’étude de Xavier JARAVEL et
d’Erick SAGER, What are the Price Effects of
Trade? Evidence from the U.S. and Implica-
tions for Quantitative Trade Models (2019),
révèle qu’une hausse de 1 % du taux de péné-
tration des importations chinoises a diminué
les prix des biens de consommation de 1,91 %
aux États-Unis. L’étude évalue également que,
le pouvoir d’achat des ménages américains a
augmenté de 1 500 $ entre 2000 et 2007,
ce qui peut être expliqué par la concurrence
accrue entre les États-Unis et la Chine. L’ou-
verture commerciale avec la Chine n’a pas
seulement augmenté le surplus des consom-
mateurs de 400 000 $ par emploi déplacé :
elle a également permis aux ménages à
faibles revenus d’accéder à certains biens de
consommation qui leur étaient jusqu’alors
inaccessibles (ordinateurs, autres produits de
consommation électronique…).

57
La relation en U inversé entre
concurrence et innovation

1 Présentation
Dans les modèles économiques tradition- Le degré de concurrence dans une écono-
nels, l’innovation à travers le progrès tech- mie est mesuré par l’indice de Lerner (1934)
nique est souvent considérée comme la qui se calcule ainsi : (prix – coût marginal) /
principale source de croissance à long terme. prix. La valeur est comprise entre 0 et 1. Plus
L’étude empirique parue en 2005 et réalisée l’indice est proche de 1, plus la capacité d’une
par Philippe AGHION, Nick BLOOM, Richard entreprise à fixer son prix au-dessus du coût
BLUNDELL, Rachel GRIFFITH et Peter HOWITT, marginal est élevée et donc le pouvoir de
Competition and Innovation: an Inverted-U marché est important. Au contraire, plus l’in-
Relationship, a permis d’établir une relation dice tend vers 0, plus le pouvoir de marché est
en U inversé entre le degré de concurrence et faible et plus on se rapproche d’une concur-
l’incitation à innover à partir de données de rence parfaite. L’innovation est, quant à elle,
firmes industrielles britanniques. mesurée par le nombre de brevets déposés.

58
La relation en U inversé entre concurrence et innovation

2 Explication 3 Application
Lorsque l’intensité concurrentielle est trop Jaap BOS, James KOLARI et Ryan VAN
faible ou trop forte, les entreprises sont peu LAMOEN (2009) ont validé l’existence d’une
incitées à innover : la croissance est donc relation en U inversé entre la concurrence et
bridée. Ainsi, il existe un degré optimal de l’intensité technologique pour les entreprises
concurrence qui maximise les incitations à du secteur bancaire américain. Les conclu-
innover, et donc la croissance économique. sions sont donc également robustes pour
La forme de cette courbe se fonde sur deux les entreprises de service. Cela permet donc
effets : d’extrapoler ces résultats à l’ensemble des
secteurs d’activité.
• l’effet « pro innovation » ou « échapper à
la concurrence » qui domine pour un faible Comprendre la relation entre la concur-
niveau de concurrence. Les firmes éloignées rence, l’innovation et la croissance écono-
de la frontière technologique sont inci- mique nous aide également à saisir le lien
tées à innover car leurs profits ne peuvent positif entre le commerce et la croissance.
qu’augmenter ; Cela a notamment été le cas en Inde à la suite
de ses premières réformes de libéralisation
• l’effet « Schumpeter » qui l’emporte quand, des échanges en 1991. Son ouverture à la
dans un second temps et au-delà du degré
concurrence mondiale a donc contribué à sa
de concurrence optimal, l’intensité à inno-
croissance économique, dont le taux de crois-
ver diminue. À un niveau de concurrence
sance annuel moyen est compris entre 6 % et
trop élevé, les entreprises les plus en retard
8 % depuis le début des années 2000.
sur le plan technologique – et donc les plus
éloignées de la frontière technologique – Par conséquent, l’innovation est un levier
sont moins incitées à innover car la proba- incontournable de la croissance économique
bilité de rattraper le leader technologique d’un État. La politique de la concurrence
sur le marché est plus faible. Au contraire, doit donc veiller à prendre en considération
les entreprises à la frontière technologique le positionnement technologique des entre-
en minorité veulent innover pour échap- prises afin que la concurrence ne devienne
per à la concurrence et augmenter leurs pas un frein à l’innovation. Cela passe aussi
profits. L’effet total sur l’innovation est par une complémentarité avec un système
alors négatif. juridique efficace. Dans une étude de 2011,
portant sur vingt-deux industries dans douze
pays de l’OCDE entre 1995 et 2005, Paolo
BUCCIROSSI et ses co-auteurs ont établi une
relation positive entre la qualité de la poli-
tique de la concurrence et la productivité.
Selon cette même étude, une meilleure poli-
tique de la concurrence – c’est-à-dire une
politique associée à un cadre institutionnel
efficient et à une politique antitrust efficace –
permettrait d’engranger un cinquième de la
croissance de la productivité industrielle dans
une économie post-crise.

59
Les asymétries d’information sur le
marché du crédit

1 Présentation
Dans Credit Rationing in Markets with seulement jusqu’à un certain point car il favo-
Imperfect Information (1981), Joseph E. rise ensuite les phénomènes d’aléa moral et
STIGLITZ et Andrew WEISS, issus de l’école de sélection adverse. Joseph E. STIGLITZ et
néokeynésienne, étudient le rôle des asymé- Andrew WEISS établissent ainsi une rela-
tries d’information sur le marché du crédit tion en U inversé entre le rendement espéré
entre l’offreur de crédit (la banque) et le d’une banque et le taux d’intérêt appliqué
demandeur (l’entrepreneur). Plus le projet par celle-ci, avec un rationnement de crédit
pour une entreprise sera risqué, plus le taux à l’équilibre r*. En effet, l’équilibre issu de la
d’intérêt demandé par la banque sera élevé maximisation du profit espéré de la banque
étant donné que la probabilité que le projet n’égalise pas forcément l’offre et la demande
aboutisse est plus faible. Or, un taux d’inté- de crédit.
rêt élevé accroît le profit espéré d’une banque

60
Les asymétries d’information sur le marché du crédit

2 Explication
Le prêteur, donc la banque, détient une
connaissance limitée des projets des emprun-
teurs et du degré de risque associé. Les taux
d’intérêt ont donc deux effets contradictoires
sur le rendement espéré de la banque. Dans
un premier temps, le rendement espéré des
banques augmente en fonction du taux d’in-
térêt jusqu’à un taux d’intérêt optimal r* qui
maximise le rendement espéré de la banque.
Au-delà de r*, une augmentation du taux d’in-
térêt détériore la qualité des prêts et dimi-
nue, par conséquent, le rendement espéré 3 Application
des banques. Cette diminution s’explique par
deux phénomènes liés aux asymétries d’infor-
mation : la sélection adverse et l’aléa moral. Dans les pays en développement, le ration-
En effet, un taux d’intérêt élevé évince du nement de crédit est encore plus prononcé. La
marché ex ante les investisseurs aux projets les microfinance (Muhammad YUNUS, 1976) joue
moins risqués – c’est-à-dire les moins à même ainsi un rôle important dans le financement
de supporter une hausse des taux d’intérêt – des crédits et le soutien de l’investissement
et favorise, au contraire, les projets les plus local pour les petites entreprises.
risqués (sélection adverse). Les investisseurs Plusieurs dispositifs sont utilisés pour atté-
qui aiment le risque sont, quant à eux, davan- nuer les effets de sélection adverse et d’aléa
tage incités à modifier ex post leur comporte- moral. Le plus connu d’entre eux est la garan-
ment en choisissant des projets plus risqués tie en collatéral, c’est-à-dire l’actif déposé
afin d’augmenter le rendement de leur projet en garantie par l’emprunteur au prêteur lors
(aléa moral). Ces deux phénomènes issus de d’un emprunt (ex : prêt hypothécaire), qui
l’asymétrie d’information entre le prêteur et permet de le responsabiliser face à la faillite.
l’emprunteur favorisent la fragilité bancaire La garantie en collatéral permet de filtrer les
et les risques de faillite. Le taux d’intérêt opti- emprunteurs et d’éliminer les projets les plus
mal r* issu de la maximisation du rendement risqués avant la signature du contrat afin de
espéré de la banque peut ainsi être inférieur lutter contre la sélection adverse. Un emprun-
au niveau walrassien égalisant l’offre et la teur à faible risque sera, en effet, prêt à four-
demande de crédit. Tous les emprunteurs ne nir davantage de garanties. Ensuite, cette
pourront donc pas contracter un prêt même exigence en collatéral permet d’atténuer le
s’ils sont prêts à accepter des taux d’intérêts phénomène d’aléa moral. Si les emprunteurs
plus élevés. fournissent davantage de garanties, ils auront
Ainsi, l’augmentation du taux d’intérêt moins d’incitations à prendre des risques
n’impacte pas seulement la qualité des prêts excessifs après la signature du contrat. Cette
octroyés mais aussi leur quantité. Le marché exigence en collatéral permet ainsi d’éviter le
du crédit peut être confronté en r* à un rationnement sur le marché du crédit.
rationnement de crédit et, par conséquent, à
un volume de crédit insuffisant pour financer
les besoins de l’économie.

61
Le dilemme du prisonnier appliqué
à la tragédie des communs

1 Présentation
Dans The Tragedy of the Commons (1968), ouvert à tous pour illustrer cette « tragé-
Garrett HARDIN montre que des ressources die » qui peut être formalisée par un jeu du
limitées et placées dans un terrain commun dilemme du prisonnier sous forme normale. Il
mènent inexorablement à leur surexploita- expose toute la difficulté à atteindre l’intérêt
tion. En effet, la non-exclusion (l’impossibi- commun à partir de la poursuite de l’intérêt
lité d’exclure) et la rivalité (la consommation individuel. La tragédie des communs illustre
par un agent diminue la quantité de ce bien ainsi le dysfonctionnement de la « main invi-
disponible pour l’autre agent) du bien sont à sible » en économie et, dans une plus large
l’origine de la tragédie des biens communs. mesure, l’échec du système capitaliste.
HARDIN emploie l’image d’un pâturage

62
Le dilemme du prisonnier appliqué à la tragédie des communs

2 Explication
Par souci de simplification, supposons deux
éleveurs A et B ; et N, le nombre maximal de
vaches qu’ils peuvent faire paître dans un
pâturage libre d’accès sans l’épuiser. Si les
deux éleveurs coopéraient, leur nombre de 3 Application
vaches respectif serait limité à N/2. Néan-
moins, dans un scénario non coopératif,
chaque éleveur essayera de faire paître un La tragédie des biens communs incarne la
nombre de vaches toujours plus grand et crise écologique actuelle avec des ressources
supérieur à N afin de maximiser son intérêt naturelles (eau, ressources minières, forêts,
personnel. biodiversité…) qui s’épuisent.
Ainsi, si A et B coopèrent en faisant paître Certaines solutions permettent cependant
N/2 vaches chacun, leur gain respectif sera de d’atteindre l’optimum social et de surmonter
10 et de 10. Si tous les deux adoptent la défec- cette tragédie.
tion en dépassant la limite, leur gain respectif
sera de 0 et de 0. Si l’un des deux éleveurs • La première est la nationalisation selon
ne coopère plus mais que l’autre coopère en HARDIN. La ressource appartient ainsi à
respectant la limite, leur gain respectif sera l’État. De nombreux pays d’Asie et d’Afrique
de 11 et de − 1. Par conséquent, chaque ont nationalisé leurs ressources après leur
éleveur rationnel aura intérêt à faire défec- indépendance, à l’image de la Namibie ou
tion en dépassant la limite, aboutissant à un du Zimbabwe dans les années 80 et 90,
équilibre de Nash où aucun des deux éleveurs inscrivant le principe de l’appropriation
n’aura intérêt à dévier unilatéralement de publique des ressources naturelles dans
l’équilibre. Peu importe si l’autre éleveur leur nouvelles constitutions.
dépasse la limite ou non : chaque éleveur
obtiendra toujours un gain supérieur en ne
• La deuxième solution est la privatisation
selon HARDIN, notamment sous la forme
coopérant pas (0 > −1 en cas de non-respect de droits de propriété transférables. Par
de la limite et 11 > 10 en cas de respect de la exemple, l’Islande a instauré en 1990 une
limite de l’autre éleveur). L’équilibre de Nash politique de gestion des ressources halieu-
est donc le couple (Défection ; Défection) tiques par des quotas individuels transfé-
mais il ne correspond pas à l’optimum social rables.
désirable (Coopération ; Coopération). Les
individus oublient que leurs propres actions • La troisième solution, qui dépasse la seule
sont susceptibles d’exercer une quelconque opposition État/marché et qui est préconi-
influence sur le bien-être social. L’optimum sée par Elinor OSTROM, est une gestion des
social implique de ne pas trop puiser dans les ressources par une communauté locale.
ressources, mais chaque individu a intérêt à Les règles ne sont donc pas imposées par
faire pâturer son bétail plus que l’autre, ce qui une autorité extérieure mais émergent,
entraîne un équilibre de Nash dans lequel la au contraire, des individus eux-mêmes.
destruction des ressources est inéluctable. La gestion communautaire de la forêt au
Népal ou des aquifères à Los Angeles sont
des exemples d’autogestion étudiés par
OSTROM.

63
La taxe pigouvienne

1 Présentation
Dans son ouvrage The Economics of Welfare agents économiques (production, consom-
(1920), Arthur Cecil PIGOU préconise la réin- mation) qui diminuent le bien-être d’autres
troduction du coût marginal social associé agents, sans contrepartie monétaire. À cet
à la pollution, dans le système de prix, via égard, on peut prendre l’exemple de la pollu-
une taxe prélevée par l’État et égale au coût tion causée par une usine rejetant ses déchets
engendré par cette externalité. L’objectif de dans une rivière. L’économiste, lui, proposait
cette taxe pigouvienne est d’internaliser les déjà d’implémenter une taxe sur les chemi-
coûts sociaux liés aux externalités négatives. nées londoniennes afin de lutter contre le
Les externalités négatives sont des effets smog, c’est-à-dire le brouillard industriel.
négatifs provoqués par l’activité de certains

64
La taxe pigouvienne

2 Explication
En l’absence de taxe, lorsque des entre-
prises produisent des externalités négatives,
c’est la société qui paye ce surcoût, ce qui
crée une perte sèche pour la collectivité. Ce
type de fiscalité appliquée sur ces externa- 3 Application
lités négatives élève ainsi la droite du coût
marginal et engendre une baisse des quanti-
tés produites de Q0 à Q1, avec un prix payé par Pionnière dans la fiscalité verte, la Suède
le consommateur P′1 + t (P′1 le prix reçu par le a eu d’excellents résultats dès 1991, date
producteur avec taxe et t représentant la taxe de la création d’une taxe sur le CO2, puis
écologique) égal à P1, qui est plus élevé. Dès entre 2001 et 2007, période marquée par
lors, le surplus social optimal est restauré car le programme Green Tax Shift relevant sa
la taxe a internalisé les externalités négatives. taxe carbone. À chaque fois, ces réformes
En outre, cette taxe écologique est suscep- ont permis d’alléger de manière substan-
tible d’engendrer simultanément deux effets tielle la fiscalité sur le travail. Créée en 2014
bénéfiques pour la collectivité, d’où la notion en France, la taxe carbone est intégrée dans
de « double dividende ». le calcul plus global de la taxe intérieure de
• La taxe environnementale peut apporter un consommation des produits énergétiques
(TICPE), du gaz naturel (TICGN) et du charbon
dividende environnemental en améliorant
la qualité de l’environnement, permis par (TICC). Elle rapporte environ 8 Mds € par an
l’effet incitatif de cette taxe sur les activi- à l’État.
tés polluantes. Une taxe pigouvienne peut néanmoins
• En percevant les recettes de cette taxe, être compliquée à mettre en place en raison,
d’une part, de la difficulté à évaluer correc-
l’État peut réduire les distorsions des autres
taxes jugées pénalisantes et donc à la fois tement l’externalité négative et, d’autre part,
baisser le coût du travail pour les entre- de sa difficile acceptabilité par la population
prises et réduire le chômage. On parle alors (mouvement de protestation des Gilets Jaunes
de dividende d’efficacité du système fiscal. suite à l’augmentation de la TICPE fin 2018).
L’autre solution consisterait à internali-
ser les externalités négatives non pas par
les taxes mais en utilisant les mécanismes de
marchés (Ronald COASE, 1960) via les droits
de propriété. Les pouvoirs publics peuvent
ainsi créer des marchés de quotas d’émis-
sion de gaz à effet de serre afin de réduire la
pollution, tel que le marché Emissions Trading
System, créé au niveau européen en 2005
dans le cadre du protocole de Kyoto. Des
permis à polluer sont alors alloués aux entre-
prises selon leurs caractéristiques. Les entre-
prises peuvent ensuite revendre leurs quotas
non utilisés si elles parviennent à polluer
moins : l’efficience de marché est donc aussi
atteinte dans ce cas.

65
MACRO
ÉCONOMIE
La courbe en J

1 Présentation
La courbe en J est l’expression graphique de immédiatement après la perte de valeur de
l’évolution du solde de la balance commer- sa monnaie, avant de se redresser quelque
ciale en valeur après la dévaluation (changes temps plus tard grâce à l’amélioration de la
fixes) ou la dépréciation (changes flottants) compétitivité-prix. Alors que la courbe en J
d’une monnaie nationale. En conséquence, a plutôt bien fonctionné jusqu’aux années
la valeur de la monnaie domestique diminue 1980, la spécialisation toujours plus forte des
par rapport aux devises étrangères. Cette économies rendrait aujourd’hui les dévalua-
courbe s’inscrit dans un horizon temporel : la tions monétaires moins efficaces.
balance commerciale d’un pays se détériore

68
La courbe en J

2 Explication
La condition de MARSHALL-LERNER, aussi effet, une fois tous les contrats antérieurs
appelée théorème des élasticités critiques, exécutés, les consommateurs réagissent aux
est un élément clé pour comprendre la forme changements de prix relatifs des produits
de la courbe. Une dépréciation ou dévaluation domestiques et étrangers. D’une part, les
monétaire améliore la balance commerciale volumes importés diminuent car, exprimé en
si la somme des élasticités-prix des importa- monnaie nationale, le prix des importations
tions et des exportations en valeur absolue augmente. D’autre part, les volumes expor-
est supérieure à 1 : tés augmentent car, exprimé en devises
étrangères, le prix des exportations baisse.
∆M ∆X C’est l’effet-volume, qui l’emporte sur l’ef-
M + X > 1 ↔ M X fet-prix.
+ >1
∆ PM ∆ P*
X
PM P*X

Avec : 3 Application
• M l’élasticité-prix des importations expri-
mées en monnaie nationale ; D’une manière générale, l’application de la
• X l’élasticité-prix des exportations expri- courbe en J a plutôt bien fonctionné dans les
années 1950-1980. La dévaluation de 11 %
mées en monnaies étrangères ;
du franc en 1969 s’inscrit dans cette logique
• M le volume des importations ; dans la mesure où elle a été accompagnée,
• X le volume des exportations ; dans un premier temps, par une dégradation
de la balance commerciale au profit de l’Al-
• P le prix des importations en
M
monnaie
lemagne puis, dans un second temps, par un
nationale ;
redressement spectaculaire.
• P*X le prix des exportations en monnaies
Toutefois, la libéralisation et l’approfondis-
étrangères.
sement des échanges depuis les années 1990
Dans ce cas, les quantités importées et semblent désormais affaiblir les phénomènes
exportées réagissent suffisamment à l’évo- de courbe en J, notamment en raison de l’in-
lution des prix pour que l’effet-volume l’em- sertion des pays dans les chaînes de valeur
porte sur l’effet-prix. mondiales. Les chaînes de valeur mondiales
désignent la fragmentation du processus de
Ainsi, toutes choses étant égales par ailleurs,
production en un grand nombre de tâches
deux phases se produisent chronologiquement.
effectuées dans des pays différents pour tirer
• À court terme, on observe une dégradation profit des différences de qualifications et de
coûts des facteurs. Une dévaluation moné-
du solde commercial en valeur. En effet,
la majeure partie des exportations et des taire entraînerait alors l’inflation des biens
importations est commandée des mois à intermédiaires qu’importent nécessairement
l’avance. La perte de valeur de la monnaie les pays développés. Cette spécialisation
va donc augmenter automatiquement le accrue des économies a donc rendu les pays
coût des importations. C’est l’effet-prix, dépendants d’un nombre croissant d’importa-
qui l’emporte sur l’effet-volume. tions devenues incompressibles, réduisant de
facto l’efficacité des dévaluations monétaires.
•À moyen terme, on observe une amélio-
ration du solde commercial en valeur. En

69
L’effet d’hystérèse de la balance
commerciale

1 Présentation
Terme emprunté à la physique, l’effet en soutenant que le déficit commercial d’un
d’hystérèse désigne un phénomène écono- pays persiste alors que le taux de change
mique qui demeure dans le temps alors même a retrouvé son niveau initial après s’être
que sa cause principale a disparu. Autre- apprécié (hausse de S) puis déprécié (baisse
ment dit, l’hystérèse est présente dès que de S). La balance commerciale ne retrouve pas
des chocs transitoires ont des effets perma- son niveau initial (BC <0) : il y a donc persis-
nents. Richard BALDWIN (Hysteresis in Trade, tance du déséquilibre.
1986) applique ce concept au taux de change

70
L’effet d’hystérèse de la balance commerciale

2 Explication
Une forte appréciation monétaire va stimu-
ler les importations en provenance des entre-
prises étrangères devenues moins chères en
monnaie nationale. Une fois le taux de change
revenu à son niveau initial, les entreprises
étrangères restent toutefois présentes sur le
marché du pays domestique. Cela s’explique
par :
1. L’existence de coûts irrécupérables :
lorsque la monnaie nationale s’apprécie,
les entreprises étrangères vont tenter de
pénétrer le marché (dépenses de publi-
cité, mise en place de réseaux de vente
et de service après-vente…). Selon la
3 Application
théorie, elles devraient quitter le marché
quand la monnaie nationale se déprécie
et revient à son niveau initial. Mais ces Ce phénomène d’hystérèse de la balance
entreprises ne se retirent pas totalement commerciale a, par exemple, été observé
puisqu’elles ne peuvent pas récupérer la dans les années 1980 lors du double mouve-
totalité de l’argent investi au départ. Les ment d’appréciation (1980-1985), puis de
importations venant de l’étranger ne vont dépréciation (1985-1987) du dollar. Durant
donc pas suffisamment diminuer pour que la première moitié de la décennie, le dollar
la balance commerciale soit de nouveau fort des États-Unis a permis aux firmes japo-
équilibrée. naises d’établir une tête de pont (beach-
2. L’existence de produits différenciés : head) sur le marché américain. Cette période
les entreprises étrangères vont cher- est alors marquée par l’exportation massive
cher à fidéliser les consommateurs du de produits japonais à haute valeur ajoutée
pays domestique pour qu’ils continuent à (télévisions, automobiles, appareils photos,
importer leurs produits, et ce même une magnétoscopes) vers les États-Unis. Malgré la
fois que les prix en monnaie nationale ont dépréciation du dollar dans la seconde moitié
augmenté. des années 1980, les investissements impor-
Dès lors, la conjugaison de ces deux phéno- tants – en termes de publicité et de réseaux
mènes explique la persistance du déficit de distribution – des groupes japonais ainsi
commercial (BC <0) malgré le retour du taux que la fidélisation de la clientèle américaine
de change à son niveau initial. ont maintenu les importations en provenance
du Japon. La balance commerciale des États-
Unis est ainsi restée déficitaire à la suite de
l’entrée et du maintien des firmes japonaises
sur le marché américain.
Ainsi, ce modèle vient remettre en question
les avantages attendus d’un régime de change
flottant, notamment le rééquilibrage auto-
matique de la balance extérieure : un déficit
commercial peut persister malgré la déprécia-
tion monétaire.

71
La croissance en vol d’oies
sauvages

1 Présentation
La croissance en vol d’oies sauvages est pour illustrer le processus de développement
un modèle de développement économique industriel d’un PVD (Pays en Voie de Déve-
décrit par l’économiste japonais Kaname loppement) grâce à son insertion dans les
AKAMATSU (Trend of Japanese Trade in échanges internationaux. Elle correspond à
Woollen Goods, 1935). L’évolution dans le une stratégie de remontée de filière permet-
temps des importations, de la production tant de substituer la production nationale
nationale, puis des exportations d’un pays en aux importations. Ce modèle va notamment
phase de rattrapage économique, évoque en expliquer l’industrialisation des nouveaux
effet un vol d’oies sauvages, en V inversé. Le pays industrialisés d’Asie à partir des années
vol d’oies sauvages est l’image ainsi utilisée 1960.

72
La croissance en vol d’oies sauvages

2 Explication
Quatre phases vont se dérouler successive- du Sud, Hong Kong, Singapour, Taïwan) dans
ment à chaque gamme de produit. les années 1960, aussi appelés « dragons ».
Leur revenu par tête a été multiplié par six en
1. Dans une première phase, le pays n’ex-
trois décennies (de 1960 à 1990) et, à leur
porte que des matières premières. La
demande intérieure de produits manu- tour, ils sont entrés dans le club des pays à
facturés ne peut être satisfaite que par revenu élevé. Une deuxième génération de NPI
des importations en provenance des pays – dite des « tigres » − apparaîtra par la suite
développés. (Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande)
dans les années 1980.
2. Dans une deuxième phase, la croissance
de la demande domestique permet d’en- Pour autant, ce modèle ne doit pas être
visager sur place une fabrication rentable compris comme une vision déterministe selon
de produits manufacturés. Le pays laquelle le rattrapage se produirait sponta-
construit alors sa propre production qui nément. Il reste à saisir le rôle des politiques
se substitue peu à peu aux importations, publiques dans le développement de capitaux
éventuellement découragées par des physiques (infrastructures) et humains (niveau
mesures protectionnistes. d’éducation) afin de pouvoir absorber les
3. Dans une troisième phase, l’industrie nouvelles technologies et rendre les pays en
locale devient une force exportatrice vers capacité de les produire. Malgré l’enchevêtre-
les pays voisins, sa production s’homogé- ment d’une multitude d’accords commerciaux
néise avec celle des pays développés. régionaux (CEDEAO, CEMAC, CDAA, UMA…),
4. Dans une quatrième phase, le bien manu- l’Afrique demeure la région la moins indus-
facturé est abandonné : sa production trialisée. Sa contribution à la valeur ajoutée
est transférée à d’autres PVD, le pays manufacturière mondiale reste insignifiante
commence à produire de nouveaux biens − à 1,8 % (2018) − et a même diminué depuis
à plus forte valeur ajoutée. 2014. Le faible niveau des infrastructures
(le taux d’accès à l’électricité n’est que de
54 % en 2019) ainsi que les déficits en termes
d’éducation (35 % de la population adulte
3 Application d’Afrique subsaharienne reste analphabète
en 2020) sont aujourd’hui considérés comme
des entraves majeures à l’industrialisation du
Ce modèle décrit la montée en gamme d’une continent, en dépit de la libéralisation de ses
économie sous-développée à travers la trans- échanges depuis les années 1980.
formation de ses avantages comparatifs via
l’ouverture commerciale, qui permet la tran-
sition entre des activités intensives en main-
d’œuvre et d’autres plus intensives en capital.
Ce modèle suggère que des mouvements
d’intégration régionale sont susceptibles de
déboucher sur des dynamiques de rattrapage
rapide : les premiers transferts d’activités à
faible valeur ajoutée du Japon ont contribué
à l’industrialisation des nouveaux pays indus-
trialisés (NPI) de première génération (Corée

73
La courbe du sourire

1 Présentation
À partir des années 1990, la croissance du 1992, le fondateur de la firme Acer, Stan SHIH,
commerce international s’est fortement accé- schématise la relation entre le degré de valeur
lérée avec l’expansion des chaînes de valeur ajoutée et les segments de la CVM. Sa « courbe
mondiales (CVM) : il s’agit pour les firmes de du sourire » n’est pas répartie de façon homo-
fragmenter le processus de production en un gène le long des CVM : les activités à forte
grand nombre de tâches effectuées dans des valeur ajoutée se concentrent en amont avec
pays différents pour tirer profit des différences la R&D et la conception des produits ; et en
de qualifications et de coûts des facteurs. Cette aval avec les services de commercialisation.
segmentation conduit à mettre en lumière un Entre les deux, les segments de production et
fait saillant : la création de valeur n’est pas d’assemblage sont les moins riches en valeur
identique à tous les segments de la chaîne. En ajoutée.

74
La courbe du sourire

2 Explication
Avec l’ouverture des frontières, la courbe du
sourire a eu tendance à s’accentuer, passant
d’une forme relativement plate (valeur tout
3 Application
au long de la chaîne) à une forme en U où la
fabrication et l’assemblage représentent une
part beaucoup plus faible de la valeur ajoutée. Apple a mis en place une véritable chaîne
de valeur à l’échelle mondiale basée sur la
La délocalisation des activités à forte inten- « courbe du sourire » pour son iPhone. Les
sité en main-d’œuvre – souvent dans la fabri- tâches à faible valeur ajoutée mais intenses
cation et l’assemblage – vers des économies en travail peu qualifié, comme l’assemblage
à bas salaires a abaissé le coût de ces mail- des smartphones, sont effectuées dans des
lons. Le secteur industriel des pays émer- « pays low cost » comme la Chine ou l’Inde. À
gents devient donc de plus en plus puissant. l’inverse, les composants à fort contenu tech-
Ces pays se situent sur le bas de la courbe, nologique ainsi que les activités logistiques
où ils s’attellent à des activités à faible valeur (achats, distribution) viennent de différents
ajoutée, et profitent ainsi des délocalisations pays développés, comme le Japon ou la Corée
d’usines occidentales, ce qui continue de du Sud. Pour ce qui est de la R &D, du design
soutenir leur élan industriel. et des tâches immatérielles à forte valeur
Cette baisse des coûts de production ajoutée, elles sont localisées aux États-Unis.
permet aux FMN des PDEM d’augmenter leur Toutefois, l’insertion des pays dans les
profit. Si les FMN investissent dans la R&D, chaînes de valeur mondiales expose les
ce sont des emplois qualifiés qui vont être processus productifs à une paralysie lors-
créés. La division internationale des processus qu’un site de production se trouve totalement
productifs (DIPP) permet donc aux pays déve- ou partiellement détruit par un tremblement
loppés de conserver, et même d’accroître, sur de terre ou par des inondations, comme ce fut
leur territoire les spécialités professionnelles le cas au Japon et en Thaïlande en mars 2011.
qui rapportent la valeur ajoutée la plus forte L’industrie électronique a alors manqué de
(ingénieurs, cadres…), celles situées en amont certains composants, stoppant la production
et en aval du processus de production (haut des ordinateurs, tablettes et smartphones. La
de la courbe). crise Covid (2020) a également révélé combien
l’économie française avait poussé le proces-
sus de désindustrialisation trop loin, au point
de se révéler dépendante d’économies étran-
gères – notamment de la Chine − pour s’ap-
provisionner en matériaux très stratégiques
(masques, médicaments et même vaccins),
posant la question de sa souveraineté indus-
trielle. Dès lors, cette crise a conduit les
pouvoirs publics à revoir leur politique indus-
trielle. L’ambition est double : relocaliser les
secteurs stratégiques (comme les médica-
ments) et diversifier les sources d’approvi-
sionnement – afin de ne pas être dépendant
d’un seul pays-fournisseur − concernant les
autres secteurs.

75
Le triangle d’incompatibilité

1 Présentation
Le triangle d’incompatibilité est un principe politique monétaire autonome (qui permet
économique théorisé par Robert MUNDELL de fixer les taux d’intérêt en fonction des
(Capital mobility and stabilization policy besoins de l’économie) et la libre circulation
under fixed and flexible exchange rates, des capitaux (qui encourage la meilleure allo-
1963) qui établit l’impossibilité pour un cation des ressources possible). Le gouverne-
pays d’atteindre simultanément trois objec- ment fait donc face à un trilemme politique,
tifs économiques : un régime de change fixe dans lequel seul deux des trois objectifs sont
(qui favorise le commerce extérieur), une possibles.

76
Le triangle d’incompatibilité

2 Explication 3 Application
Prenons le cas d’un pays avec un régime Ce trilemme a récemment été remis en
de change fixe où les capitaux circulent libre- cause par Hélène REY (2013) qui a constaté
ment. Si le gouvernement baisse les taux d’in- que, même s’ils laissent leur taux de change
térêt pour soutenir la croissance, les capitaux flotter, les pays émergents qui ont libéralisé
vont sortir du pays vers des placements plus leur compte de capital ne gardent pas pour
lucratifs. La sortie de capitaux augmente autant l’autonomie de leur politique moné-
l’offre de la devise nationale sur le marché taire. Selon l’économiste, les flux interna-
des changes et crée une pression à la baisse tionaux de crédits et de capitaux seraient
sur la monnaie, incompatible avec le régime soumis à une force commune appelée « cycle
de change fixe. financier mondial » qui trouverait son origine
dans les changements de la politique moné-
Les États doivent donc choisir deux objec-
taire américaine. Lorsque la FED assouplit sa
tifs à réaliser et disposent pour cela de trois
politique monétaire, l’appétit pour le risque
options.
augmente, stimulant l’endettement et l’af-
1. L’union monétaire : si le gouvernement flux de capitaux à destination des pays émer-
abandonne son autonomie monétaire, gents : c’est la phase ascendante du cycle. À
il assure alors un taux de change fixe et l’inverse, lorsque la FED durcit sa politique
une mobilité parfaite des capitaux. C’est monétaire, l’appétit pour le risque diminue,
la situation qui prévalait avant 1914, avec entraînant le désendettement et le retrait des
des taux de change basés sur l’étalon-or. capitaux des pays émergents : c’est la phase
2. Le contrôle des capitaux : s’il y a des descendante du cycle. Dès lors, REY constate
contrôles et des limitations sur les mouve- que, en période de retournement, même les
ments de capitaux, alors il est possible banques centrales qui laissent flotter leur
de conserver un taux de change fixe et monnaie sont contraintes de suivre les déci-
une liberté sur les taux d’intérêt. C’est le sions de la FED afin d’éviter un reflux massif
cas de figure que présente notamment le de capitaux. En ce sens, la politique moné-
système Bretton Woods (1944-1971). taire nationale est déterminée par la politique
3. Les changes flottants : l’abandon du monétaire américaine. In fine, les pays émer-
change fixe permet de combiner politique gents ne font plus face à un trilemme mais à
monétaire autonome et libre circulation un simple dilemme :
des capitaux. C’est le régime actuel du
1. soit ils perdent l’autonomie de la politique
système monétaire international depuis
monétaire en libéralisant les capitaux ;
1973.
2. soit ils conservent l’autonomie de la poli-
tique monétaire en contrôlant les capi-
taux.
Entre le 1er et le 3e trimestre de 2015,
SOBRUN et TURNER (2016) indiquent qu’une
hausse de 100 points de base des taux
longs US a été associée à une augmentation
moyenne de 70 points de base des taux longs
dans les pays émergents, validant ainsi ce
nouveau « dilemme ».

77
La zone monétaire optimale

1 Présentation
Théorisée par Robert MUNDELL (A Theory avec la coordination des politiques monétaires
of Optimum Currency Areas, 1961), une zone (stabilité des prix, impossibilité de mener des
monétaire optimale (ZMO) est une région politiques non coopératives comme les déva-
géographique dans laquelle plusieurs pays ont luations compétitives). Le coût principal d’une
intérêt à abandonner leurs monnaies natio- ZMO est la disparation d’une variable d’ajuste-
nales pour adopter une monnaie commune. ment pour répondre à un choc spécifique (ou
Les bénéfices d’une telle zone sont à la fois de asymétrique) : il n’est plus possible de dépré-
nature microéconomique, avec la disparition cier sa monnaie pour relancer sa compétitivi-
du risque de change (baisse de l’incertitude et té-prix. Dans le cas d’une ZMO, ces bénéfices
des coûts de transaction, hausse des échanges seraient supérieurs aux coûts, favorisant la
commerciaux), et de nature macroéconomique, mise en place d’une monnaie unique.

78
La zone monétaire optimale

2 Explication
Plus les pays ont des structures écono- fonds aux pays en récession afin de redres-
miques différentes, plus ils auront à faire face ser leur économie.
à des problèmes spécifiques, et plus il leur
sera coûteux d’appartenir à une zone moné- • L’homogénéité des préférences (KINDLE-
BERGER, 1986) : une monnaie unique
taire commune. L’opportunité d’adhérer à une
implique une politique monétaire unique.
union monétaire va donc être fonction crois-
Elle nécessite par conséquent des préfé-
sante du degré d’intégration économique, qui
rences communes de la part des pays qui
est lui-même facteur de plusieurs critères.
la partagent, notamment en matière d’ar-
• La mobilité des facteurs de production bitrage inflation-chômage.
(MUNDELL, 1961) : la perte du taux de
change nominal comme variable d’ajus-
tement doit être compensée par la mobi-
lité des facteurs de production en cas de 3 Application
chocs asymétriques. Par exemple, si un
pays est touché par un excès de chômage,
il faut que les travailleurs soient libres de se La récente crise de la zone euro a remis au
déplacer dans un autre pays en situation de centre du débat la théorie de MUNDELL afin
plein-emploi pour rétablir l’équilibre sur le de questionner la mise en place de l’euro.
marché du travail. Certains y voient une conséquence de la non

• L’ouverture des économies (MC KINNON, optimalité de la zone liée à la faible mobilité
des travailleurs (seuls 3 % des actifs euro-
1963) : si l’on considère que la volatilité
des taux de change a un effet négatif sur péens résident dans un autre pays de l’UE), la
le commerce international et les IDE, alors spécialisation des activités productives (avec
plus les économies seront ouvertes, plus une spécialisation industrielle croissante en
elles seront confrontées à cette volatilité Europe du Nord et une désindustrialisation en
des taux de change, et plus elles auront Europe du Sud) et un budget européen trop
intérêt à adopter une monnaie commune. faible pour exercer les compensations néces-
saires en cas de crise (il s’élève à 1 % du PIB de
• La diversification de l’activité dans chaque l’UE alors que le budget américain représente
pays (KENEN, 1969) : plus le tissu productif 20 % du PIB des Etats-Unis en 2019). D’autres
est diversifié, moindre est le risque d’être pensent que l’intégration européenne devrait
affecté par un choc asymétrique, et donc être poussée davantage et proposent un
moins le besoin d’un ajustement par le taux fédéralisme budgétaire et fiscal pour assurer
de change est nécessaire, ce qui favorise la convergence des économies dans le futur.
l’adoption d’une monnaie commune. En
effet, un choc frappant un secteur en parti-
culier sera d’autant plus dilué que l’activité
est diversifiée.

• L’intégration fiscale (INGRAM et JOHNSON,


1969) : des mécanismes de compensa-
tions financières entre partenaires doivent
s’opérer en cas de chocs asymétriques.
Autrement dit, les membres connaissant un
boom économique peuvent transférer des

79
La courbe de Kuznets

1 Présentation
Inspirée des travaux de Simon KUZNETS dominé l’orthodoxie économique, cette hypo-
(Economic growth and income inequality, thèse semble aujourd’hui révolue. La récente
1955), la courbe de Kuznets décrit la rela- montée du populisme en Europe et aux États-
tion entre la richesse d’un pays (mesurée Unis, attribuée, entre autres facteurs, à la
en PIB/habitant) et son degré d’inégalités. poussée des inégalités et au déclin d’une
Cette courbe en « U inversé » illustre l’idée classe moyenne historiquement favorable au
selon laquelle les inégalités se réduiraient centre politique, semble refléter les limites du
« mécaniquement » au cours du développe- développement économique dans la réduction
ment économique. Après avoir longtemps des inégalités.

80
La courbe de Kuznets

2 Explication
La courbe est décomposée en deux phases : des 10 % les plus riches et celui des 10 % les
plus pauvres) de 6 (revenus primaires) à 3,5
1. L’industrialisation accroît d’abord les
inégalités entre deux groupes d’indivi- (revenus après redistribution) en France.
dus : ceux restant dans le secteur agri-
cole à faible productivité et ceux migrant
• Joseph STIGLITZ (2012) révèle que la part
du revenu national des 1 % les plus riches
vers les secteurs modernes à plus forte a doublé aux USA depuis les années 1980
croissance et plus hauts revenus. Il en
(de 10 à 20 % du PIB) du fait de la défor-
résulte une hausse du revenu moyen et
mation du partage de la valeur ajoutée
des inégalités.
entre capital (les actionnaires ont profité
2. La prédominance de l’emploi dans l’in- de la diminution de la tranche marginale
dustrie accélère ensuite la croissance du d’imposition aux USA de 70 % à 50 % en
revenu global et améliore sa répartition 1982) et travail (les travailleurs ont subi la
– la plupart des travailleurs ayant des désindexation des salaires sur le coût de la
salaires comparables –, d’où une baisse vie dans de nombreuses entreprises améri-
des inégalités.
caines au milieu des années 1970).

• Branko MILANOVIC (2016) assimile la


montée des inégalités dans les pays déve-
3 Application loppés depuis les années 1980 à la spécia-
lisation de ces pays dans les nouvelles
technologies de l’information et de la
Toutefois, cette baisse « naturelle » des communication. Ces nouvelles technologies
inégalités avec la croissance économique ne ont d’une part, favorisé de façon dispro-
semble pas vérifiée dans les faits. Au contraire, portionnée la main-d’œuvre hautement
la hausse soutenue des inégalités au sein de qualifiée, et, en tant qu’elles sont conju-
la plupart des pays développés depuis les guées à la globalisation (délocalisation,
années 1980 a entraîné une remise en cause concurrence accrue), ont fini par réduire
progressive de l’hypothèse de KUZNETS : la part des revenus perçue par la main-
d’œuvre moyennement ou peu qualifiée.
• Thomas PIKETTY (2006) considère que la La croissance ne suffirait donc à pas à
chute des inégalités, observée durant la
période 1913-1948 et documentée par réduire les inégalités. Les institutions, mises
KUZNETS, est due à des événements excep- en avant par PIKETTY, ainsi que la structure
tionnels et non au fonctionnement normal des marchés, mise en avant par STIGLITZ et
d’une économie de marché. En effet, les MILANOVIC, jouent également un rôle clé dans
deux guerres mondiales ont entraîné la réduction des inégalités.
un effondrement de la richesse privée
(destruction massive de capital physique,
épargne financière laminée par l’inflation,
hausse des impôts pour financer l’effort
de guerre), d’où une chute inhabituelle du
rendement du capital. En outre, PIKETTY
montre que ce sont les transferts fiscaux et
sociaux qui réduisent avant tout le rapport
interdécile (rapport entre le niveau de vie

81
La courbe de l’éléphant

1 Présentation
Élaborée par l’économiste Branko ­MILANOVIC l’ensemble des revenus de la planète, comme
(Global Income Distribution : From the Fall of si la population mondiale vivait dans un seul
the Berlin Wall to the Great Recession, 2013), et même pays. En racontant l’explosion de
la « courbe de l’éléphant » décrit l’évolution la Chine, l’enrichissement des plus fortunés
du revenu réel de chaque fractile des revenus ou la stagnation des classes populaires des
mondiaux (des 5 % les plus pauvres aux 1 % pays industrialisés, cette courbe permet de
les plus riches) entre 1988 et 2008, quand répondre, en partie, à la question de savoir
la mondialisation a décollé. Cette démarche quels sont les gagnants et les perdants de la
est sans pareille parce qu’elle s’intéresse à mondialisation.
l’inégalité à l’échelle mondiale, en comparant

82
La courbe de l’éléphant

2 Explication
La courbe de l’éléphant compile les données (+ 65 %) sur la période étudiée. Ces
de 120 pays. Sur l’échelle horizontale se personnes, dont la moitié est américaine,
trouve la distribution des Terriens en fonction vivent pour la plupart dans des pays aux
de leurs revenus. Entre 0 et 10, se trouvent économies avancées.
les 10 % les plus pauvres de la planète et
à l’autre extrémité, entre 90 et 100, se
trouvent les 10 % les plus riches. L’échelle
verticale représente la progression du revenu 3 Application
réel entre 1988 et 2008. Au centre, la ligne
en pointillé donne la progression du revenu
global estimée à 25 % sur la période. La forme Ce graphique signale ainsi que les inégalités
éléphantesque de la mondialisation délivre internes ont été accentuées par la mondiali-
quatre informations capitales. sation (déclin des classes moyennes et popu-
laires vs. montée d’une élite mondiale dans les
1. Les 5 % les plus pauvres n’ont pas réduit
pays développés), à la différence des inégali-
leur handicap relatif puisque, si leur
revenu s’est accru, cette augmentation a tés interpays qui ont diminué. Mais cette dimi-
toutefois été nettement moins rapide que nution se fait, semble-t-il, au détriment des
celle du revenu global moyen (la ligne du classes moyennes de l’ancien monde. Ainsi,
centre). Ces populations, dont la majo- l’ouverture aux échanges conduirait à l’égali-
rité vit en Afrique, font donc partie des sation des rémunérations factorielles entre les
perdants relatifs au niveau mondial. pays, d’une part, mais augmenterait d’autre
part les inégalités entre les travailleurs quali-
2. Les classes moyennes et populaires des
fiés et les travailleurs peu – ou pas – qualifiés
vieux pays riches ont stagné. Ces reve-
nus, situés entre le 80e et le 90e percentile dans les pays développés, les seconds étant
(le bas de la trompe de l’éléphant), plutôt mis en concurrence avec les travailleurs des
élevés à l’échelle mondiale – mais pas pays émergents. Cette situation pourrait
forcément à l’échelle des pays riches – expliquer le développement du nationalisme
ont également progressé moins vite que économique et politique, dont les signes de
le revenu global. Ces populations, compo- développement sont patents (élection de
sées à 90 % des classes moyennes infé- Donald TRUMP en 2017, montée des partis
rieures des pays de l’OCDE, se sont, elles populistes en Europe depuis les années 2010).
aussi, relativement appauvries, selon
MILANOVIC qui parle de « vallée du décou-
ragement ».
3. Les classes moyennes des économies
émergentes se sont enrichies. En effet,
ces revenus situés autour de la médiane
ont progressé bien plus rapidement que le
revenu global (+ 75 % vs + 25 %, respec-
tivement). 90 % des personnes autour du
revenu médian mondial sont originaires
des pays émergents d’Asie (Chine, Inde).
4. Les 1 % les plus riches sont encore beau-
coup plus riches. Leurs revenus, déjà très
élevés, ont continué de croître fortement

83
La trappe malthusienne

1 Présentation
Changement climatique, dégradation galo- progressent à des rythmes différents, la crois-
pante des ressources renouvelables comme sance de la première étant bien plus rapide
l’eau et l’air, menace d’épuisement des que celle de la seconde. Ces différences de
ressources halieutiques, forestières et miné- trajectoires ne peuvent que conduire l’hu-
rales, érosion de la biodiversité… Comment manité dans une « trappe » et la condam-
faire face à la crise écologique sans précé- ner à la famine, aux guerres et aux maladies.
dent que nous connaissons ? La montée de ces Au regard des prévisions démographiques
préoccupations pourrait provoquer le grand mondiales (les projections de l’ONU font état
retour des idées néo-malthusiennes. En effet, de 11,2 Mds d’habitants à l’horizon 2100)
dans son ouvrage An Essay on the Principle of et compte tenu de la pénurie croissante des
Population (1798), Thomas MALTHUS estime ressources naturelles, la pensée malthusienne
que la population et la production agricole semble n’avoir jamais été autant d’actualité.

84
La trappe malthusienne

2 Explication
Pour MALTHUS, les catastrophes sont inévi- malthusiennes – qu’il s’agisse de malthusia-
tables à long terme. L’économiste s’appuie sur nisme démographique ou économique – pour
un constat simple : la population augmente de affronter l’avenir ? Ce débat oppose les parti-
façon exponentielle ou géométrique (1, 2, 4, sans de la soutenabilité faible et les partisans
8, 16…) tandis que les ressources naturelles de la soutenabilité forte. Pour les défenseurs
progressent de façon beaucoup plus lente, de la soutenabilité faible, il est possible d’en-
selon une suite arithmétique (1, 2, 3, 4, 5…). visager des substitutions entre les différents
Le résultat est évident : à mesure que la popu- types de capitaux, à savoir le capital natu-
lation mondiale augmente, les ressources rel (environnement, ressources naturelles) et
naturelles finissent par manquer. le capital créé par l’homme (capital humain,
capital technologique), de façon à maintenir
Ces différences d’évolution débouchent
une quantité totale de capital constante pour
donc sur d’inévitables catastrophes démo-
les générations futures. Certes, nous consom-
graphiques, le croisement des deux courbes
mons le capital naturel ; néanmoins, nous
d’évolution de la population et des ressources
accumulons un capital technique toujours
initiant le début de la crise. Pour l’éviter,
plus productif ainsi qu’un capital humain à
MALTHUS préconise de limiter le nombre de
rendement croissant qui s’incarne dans une
naissances et de ne pas aider les pauvres,
main-d’œuvre de mieux en mieux formée,
dans la mesure où les aides sociales seraient
donc de plus en plus efficace et innovante. En
susceptibles d’inciter les pauvres à avoir
revanche, les défenseurs de la soutenabilité
davantage d’enfants.
forte considèrent que les différents capitaux
ne sont pas substituables mais complémen-
taires. Dans ce modèle, il faut maintenir un
3 Application stock de « capital naturel critique » dont les
générations futures ne sauraient se passer,
ce qui implique de réduire l’exploitation des
ressources naturelles et les émissions de CO2.
Les analyses de MALTHUS ont été très Déjà prônée par le « Rapport Meadows »
largement invalidées par les faits, notam- (1972), cette forme de néo-malthusianisme
ment à la suite de la révolution agricole en passerait alors par une stagnation démo-
Angleterre aux xviiie et xixe siècles. L’écono- graphique afin de ramener la population au
miste aurait, en effet, sous-estimé l’impact du niveau des capacités terrestres (effet popu-
progrès technique. Au contraire, selon Ester lation) et une stagnation économique afin de
BOSERUP (1965) la pression favorise la créati- limiter la consommation des ressources (effet
vité de l’être humain. Dans cette perspective, niveau de vie).
la pression démographique aura stimulé les
innovations et aura permis l’amélioration des
techniques agricoles dans les pays du Nord,
de manière à satisfaire les besoins des popu-
lations.
Cependant, le contexte de préoccupations
croissantes vis-à-vis de l’impact du chan-
gement climatique pourrait favoriser un
retour en grâce des idées malthusiennes. La
crise écologique justifie-t-elle des politiques

85
La courbe de Kuznets
environnementale

1 Présentation
La production économique est à la fois bien-être repose » (OCDE, 2011), s’appuie sur
consommatrice de ressources et produc- la « courbe de Kuznets environnementale ».
trice de pollutions et de déchets. La possibi- Mis en avant par Gene GROSSMAN et Alan
lité d’une croissance verte, c’est-à-dire « de KRUEGER (Economic Growth and the Environ-
stimuler la croissance économique et le déve- ment, 1995), ce concept soutient que la crois-
loppement tout en s’assurant que le capital sance économique entraînerait une baisse de
naturel continue à fournir les ressources et les l’usage des ressources et de la pollution après
services environnementaux sur lesquels notre l’atteinte d’un certain seuil de richesses.

86
La courbe de Kuznets environnementale

2 Explication
La courbe est décomposée en deux temps. La décroissance de la pollution n’aurait
donc rien d’automatique et resterait condi-
1. La phase préindustrielle : les débuts mal
maîtrisés de l’industrialisation provoquent tionnée par des accords politiques inter-
d’abord une forte dégradation de l’envi- nationaux. Dans le cadre de la COP 21, 195
ronnement. pays ont signé en 2015 l’Accord de Paris,
dont l’objectif est de limiter le réchauffe-
2. La phase post-industrielle : (i) les moyens ment climatique bien en dessous de 2 °C – de
financiers dégagés par l’augmentation de préférence à 1,5 °C – par rapport aux niveaux
la richesse (en faveur de technologies plus
préindustriels. Le Green Deal européen,
propres et sobres) ; (ii) les changements
ensemble d’initiatives politiques qui doivent
des préférences des individus (davantage
portés vers la qualité de la vie à mesure permettre à l’UE d’atteindre la neutralité
que leur revenu individuel augmente) climatique d’ici 2050, s’inscrit précisément
et (iii) la prédominance des activités dans la lignée de l’Accord de Paris. Officiel-
tertiaires (supposées moins polluantes lement annoncé en décembre 2019 par la
et moins intensives en ressources) présidente de la Commission Ursula VON DER
permettent ensuite de réduire les dégra- LEYEN, ce pacte vert s’est matérialisé concrè-
dations environnementales. tement en juillet 2021 avec la présentation du
paquet « Fit for 55 », qui vise la réduction des
émissions de CO2 d’au moins 55 % d’ici 2030
par rapport aux niveaux de 1990. À cet effet,
3 Application ce paquet législatif comprend une série de
mesures telles que l’ambition de faire grim-
per à 40 % la part des énergies renouvelables
L’existence de la courbe de Kuznets envi- en Europe à l’horizon 2030 ; la mise en place
ronnementale semble toutefois contredite d’une « taxe » carbone (ou plutôt d’un méca-
par les faits. Pour Kenneth ARROW (1996), la nisme d’ajustement carbone) aux frontières
croissance économique est certes associée à de l’UE ; et l’extension du marché du carbone
l’amélioration de quelques indicateurs envi- – un système d’échange de quotas d’émis-
ronnementaux ; toutefois, elle ne suffit pas à sions de gaz à effet de serre – aux transports
améliorer l’état de l’environnement en géné- et aux bâtiments.
ral. D’une part, la courbe ne s’applique qu’à
certains polluants aux effets localisés et forte-
ment ressentis par les populations (pollution
de l’air et de l’eau, dégradation du paysage,
déchets agricoles…), mais pas à des polluants
globaux aux effets plus diffus ou retardés,
notamment le CO2. D’autre part, en se déve-
loppant, les pays délocalisent leurs activités
polluantes et énergivores. Certes, les pays
industrialisés réduisent en partie leur pollu-
tion nationale ; mais ils continuent d’importer
des produits à fort contenu énergétique des
nouveaux pays industrialisés. Par conséquent,
les émissions et la consommation globale ne
varient pas.

87
Le modèle de Dornbusch

1 Présentation
Avec la généralisation du flottement des et, manifestement, n’ont que très lentement
taux de change (1973), officialisé en 1976 convergé vers leur niveau d’équilibre. C’est ce
grâce aux accords de la Jamaïque, les monéta- qu’a mis au jour Rudiger DORNBUSCH qui, dès
ristes qui ont alors le vent en poupe prédisent 1976, a affirmé dans l’article « Expectations
que le libre ajustement des cours de change and Exchange Rate Dynamics » que l’équilibre
conduira à des taux de change stables, conver- annoncé ne sera pas atteint. Le modèle de
geant rapidement vers leur valeur d’équilibre. Dornbusch manifeste alors que la libéralisa-
Néanmoins, le profil des parités de change tion du marché des changes est susceptible
depuis 1973 a démenti ces prévisions. En d’entraîner des phénomènes de « surréac-
effet, loin de la stabilité espérée, les cours des tion » pouvant fragiliser l’économie et in fine
devises se sont révélés extrêmement volatiles la croissance.

88
Le modèle de Dornbusch

2 Explication
Le phénomène de « surréaction du taux de La (trop) forte dépréciation du change
change » (overshooting) est un élément clé entraîne par conséquent :
pour comprendre le modèle. Sur le marché
des changes, il peut arriver qu’une informa- • la hausse du prix des importations, qui va
diminuer la compétitivité-prix des entre-
tion soit interprétée de façon excessive. Or,
prises (via la hausse des prix des biens inter-
cette surréaction a pour effet de créer un
médiaires) et le salaire réel des ménages
décalage entre la cotation d’une monnaie
(via la hausse des prix à la consommation) ;
(« valeur de marché ») et les fondamentaux
économiques (commerce extérieur, inflation, • la hausse des taux d’intérêt domestiques
déficit public…) lui conférant une « valeur (souvent à des niveaux supérieurs à ce
fondamentale ». que réclame la situation monétaire interne
du pays) pour stabiliser le cours de la
Pour DORNBUSCH, l’overshooting exprime
monnaie, ce qui freine les investissements
la fluctuation excessive du taux de change en
et la consommation ;
réponse à un changement de la masse moné-
taire. Il se déroule en plusieurs étapes : • la hausse de la dette des agents domes-
tiques (banques, entreprises) qui ont
1. Une augmentation de l’offre monétaire
pour stimuler la croissance entraîne une emprunté en devises étrangères.
baisse du taux d’intérêt. De ce fait, la « surréaction du taux de
2. Les anticipations de dépréciation de la change » rend le système structurellement
monnaie face à cette création moné- instable et handicape la croissance.
taire ainsi que la baisse du taux d’intérêt
domestique par rapport au taux d’intérêt
étranger provoquent des sorties massives
de capitaux et une pression à la baisse sur 3 Application
la monnaie nationale.
3. La dépréciation du taux de change est
immédiate et excessive (passage de S1 à Un bon exemple de surréaction du taux de
S3). change est celui de la livre turque en 2018.
Le président Recep Tayyip ERDOGAN, en
4. La dépréciation monétaire améliore la
plus de mener une politique monétaire très
compétitivité-prix et stimule les exporta-
tions à long terme. La monnaie est donc expansionniste, a resserré son contrôle sur
plus demandée et s’apprécie progres- la Banque centrale qui n’est désormais plus
sivement (passage de S3 à S2). Enfin, indépendante. Elle n’a plus aucune crédibilité
lorsque le taux de change s’équilibre sur aux yeux des investisseurs, ce qui les pousse à
la base des fondamentaux, l’overshoo- revoir leurs anticipations et à fuir un peu plus
ting disparaît. vite encore. La livre turque a alors perdu 40 %
de sa valeur entre janvier et août 2018, plon-
Ainsi, dans un régime de change flottant, un
geant le pays dans une « crise de change ».
choc monétaire entraîne des mouvements de
capitaux excessifs et un déséquilibre fulgu-
rant du taux de change à court terme, bien
au-delà du cours d’équilibre à long terme qui
émergera du choc monétaire.

89
La crise de change de 1re génération

1 Présentation
Une monnaie subit une crise de change dès régime de change fixe. La fixité du taux de
lors que les marchés vendent massivement change n’est assurée que si le taux de crois-
leurs avoirs libellés dans cette même monnaie, sance de la masse monétaire dans le pays
ce qui provoque la chute de sa demande et donc domestique est égal au taux de croissance de la
sa dévaluation. Le modèle de Robert FLOOD masse monétaire du pays d’ancrage (supposé
et Peter GARBER (Collapsing exchange-rate ici égal à 0). S’il y a une attaque spéculative,
régimes: Some linear examples, 1984) décrit c’est parce que le pays ne respecte pas cette
précisément le timing de la crise lorsque des condition. Même en l’absence d’attaques,
politiques trop expansionnistes provoquent le régime n’est, en outre, pas viable et finira
des attaques spéculatives et l’abandon du naturellement par s’effondrer.

90
La crise de change de 1re génération

2 Explication
Durant la fixité du change, l’expansion du
crédit interne (D) oblige la Banque centrale
à diminuer ses réserves de changes au même
rythme (R) afin de conserver la masse moné-
taire (M) constante. En effet, la Banque
centrale va compenser l’excès de crédit sur le
marché intérieur (hausse de la masse moné-
taire) en rachetant la monnaie domestique
contre ses réserves de changes (baisse de la
3 Application
masse monétaire) afin de maintenir la masse
monétaire inchangée (∆M = 0).
Cette crise de « 1re génération » s’applique à
Toutefois, face à un stock de réserves limité, la crise du peso mexicain (1994). L’ancrage au
la Banque centrale se retrouve de plus en plus dollar conduit à des entrées massives de capi-
en difficulté dans le maintien de sa masse taux, combinées à des politiques économiques
monétaire constante. Les marchés vont donc incompatibles avec un régime de change fixe
anticiper une dévaluation, la politique moné- (le taux de croissance de la masse monétaire
taire expansionniste menée par les autorités en 1994 est de 20 % au Mexique vs 0.4 % aux
étant incompatible avec la fixité du change. USA). Les investisseurs revoient alors leurs
Dès lors, des attaques spéculatives (en t) anticipations et attaquent le peso. L’inter-
épuisent les réserves de change (tombent à 0 vention des autorités (ventes des réserves en
lors de l’attaque). La chute de la demande de dollar) n’y change rien : la poursuite des poli-
monnaie (induite par les attaques) doit être tiques monétaires expansionnistes accélère le
compensée par la hausse de la demande de désengagement des marchés sur leur position
monnaie (induite par la baisse des réserves) en peso et rend inéluctable la dévaluation du
afin de maintenir le taux de change (prix de peso fin 1994, ce qui entraîne la hausse du prix
la monnaie) inchangé. Ainsi, les attaques des importations, des taux d’intérêt et de la
précipitent l’effondrement du régime de dette des agents qui ont emprunté en dollar.
change : les réserves s’épuisent totalement, Le pays entre alors en récession, avec − 7 %
le « verrou » S saute et le taux de change se de croissance en 1995.
détermine en fonction de l’offre de monnaie
en circulation (le taux de dépréciation est L’incohérence des politiques économiques
égal au taux de croissance de la masse moné- est donc au cœur des crises de change de
taire : S et M ont la même pente). M et D se « 1re génération ». D’autres modèles apparaî-
confondent à partir de t car R = 0. tront par la suite. Ceux de « 2e génération »
(crise du Système Monétaire Européen de
1992) reposeront sur le manque de crédibilité
de la politique de change, le coût de défense
du change fixe en termes de chômage deve-
nant trop important. Enfin, des modèles de
« 3e génération » (crise asiatique de 1997)
s’appuieront sur les déséquilibres financiers
en mettant en avant les liens entre les crises
bancaires et les crises de changes, notamment
la fuite des capitaux face à la dégradation des
bilans bancaires.

91
La bulle spéculative

1 Présentation
Apparues au xviie siècle avec la « tulipo- exagérément optimiste, que les prix vont
manie » hollandaise, les bulles spéculatives continuer d’augmenter. Ces « anticipations
semblent être de plus en plus récurrentes sur autoréalisatrices » font augmenter le prix de
la période récente. D’après Virginie COUDERT l’actif (« valeur de marché »), de telle sorte
et Florence VERHILLE (À propos des bulles qu’il s’éloigne de plus en plus rapidement
spéculatives, 2001), une bulle spéculative se du prix d’équilibre (« valeur fondamentale »)
définit comme un écart important et persis- avant l’éclatement de la bulle. Les bulles
tant du prix d’un actif par rapport à sa valeur spéculatives permettent alors d’illustrer les
fondamentale sur les marchés financiers. conséquences néfastes de la libéralisation
La bulle est alimentée par des comporte- financière, marquée par l’amplification des
ments spéculatifs : des individus investissent cycles financiers et l’accélération des crises
dans des actifs dont ils anticipent, de façon depuis le milieu des années 1980.

92
La bulle spéculative

2 Explication
La bulle spéculative se décompose en quatre
temps.
1. La gestation : l’optimisme de certains
investisseurs avisés quant aux oppor-
tunités de profit offertes par un produit
provoque une hausse modérée du prix
d’un actif.
2. La naissance : de nombreux investisseurs
institutionnels commencent à remarquer
l’élan, apportent de l’argent supplémen-
taire et poussent les prix à la hausse.
3 Application
3. L’euphorie : le grand public remarque
cette opportunité et investit à son tour.
La bulle s’auto-alimente alors par le Avec plus de liquidités en circulation
mécanisme d’ « accélérateur financier »
(« décloisonnement »), un accès direct des
(BERNANKE, GERTLER, GILCHRIST, 1996) :
agents aux marchés financiers (« désinter-
le crédit est mobilisé pour acheter des
actifs et fait grimper leur prix, ce qui à médiation ») et des crédits plus souples en
la fois augmente la richesse des agents, phase haute du cycle (« déréglementation »),
gonfle la valeur des garanties et leur la libéralisation financière a donc à la fois
permet d’obtenir plus facilement des favorisé l’émergence de bulles, accentué
nouveaux financements pour acheter les cycles financiers et accéléré les crises.
des actifs. Les anticipations de hausses Ces crises se sont multipliées sur la période
futures des cours font grossir la bulle, récente, notamment avec la bulle immobilière
entraînant une déconnexion toujours plus japonaise des années 1990, la bulle internet
importante entre la valeur de marché de de 2001 et la crise des subprimes de 2008.
l’actif et sa valeur réelle.
Les nouveaux actifs des années 2010 que
4. L’éclatement : à l’occasion d’un évène- sont les cryptomonnaies ne semblent pas
ment (mauvaise statistique, faillite…), la échapper aux bulles financières. Selon l’avis
bulle financière est suivie d’un retour- de nombreux économistes, l’évolution du
nement des anticipations et d’une chute
cours du Bitcoin – passé de 5 000 € à 50 000 €
brutale des prix. Les baisses de prix dimi-
entre mars 2020 et mars 2021 – est caracté-
nuent la valeur des garanties écono-
ristique d’une bulle spéculative, à savoir une
miques, rendent le crédit plus difficile
et accentuent les baisses de prix. Les situation où la valeur de marché d’un actif est
banques deviennent fragiles et extrême- totalement déconnectée de sa valeur intrin-
ment prudentes en rationnant le crédit sèque. Allant même plus loin, Jean TIROLE
(credit crunch) et en réaménageant leur déclare, dans une tribune de fin 2017 du
portefeuille au profit d’actifs plus liquides Financial Times que le Bitcoin n’a « aucune
et plus sûrs. Cela limite alors la consom- valeur intrinsèque ».
mation et les investissements : la crise
se propage de la sphère financière à la
sphère réelle. Par la suite, les prix des
actifs se corrigent et reviennent à leur
valeur fondamentale.

93
Les effets des droits de douane
en termes de bien-être

1 Présentation
Impôts prélevés sur une marchandise à L’impact des droits de douane sur le revenu
importer, les droits de douane ont pour consé- réel d’un pays fait appel aux concepts de
quence de relever le prix au consommateur. surplus :
Leur analyse repose sur deux hypothèses :
1. Un équilibre partiel : on considère un
• le surplus du consommateur est la diffé-
rence entre la somme que les consomma-
seul marché « toutes choses égales par teurs sont prêts à payer pour une certaine
ailleurs », c’est-à-dire sans prendre en quantité et la somme effectivement payée
compte les effets induits sur les autres pour obtenir cette quantité ;
marchés ;
2. Un petit pays qui ne peut pas agir sur le • le surplus du producteur est la diffé-
rence entre la somme que les producteurs
prix mondial du bien qui s’impose à lui (il
perçoivent en vendant une certaine quan-
est « price taker »).
tité et la somme minimale pour accepter de
produire cette quantité.

94
Les effets des droits de douane en termes de bien-être

2 Explication
Le graphique ci-dessus présente la situa- (Pm), le surplus total de l’économie est égal
tion initiale d’une économie ouverte avant à la somme des surplus des consommateurs
l’instauration de taxes douanières. Avec un (courbe de demande − prix mondial) et des
prix domestique aligné sur le prix mondial producteurs (prix mondial − courbe d’offre).

Le graphique ci-dessus décrit la situation des distorsions de production (surface 2, les


après l’instauration des droits de douane. Le droits de douane préservent les entreprises
nouveau prix domestique, équivalant au prix les moins efficientes et compromettent les
mondial ajouté d’une taxe (Pt), modifie la créations d’emplois dans des secteurs plus
répartition des surplus : compétitifs) et de consommation (surface

• Le surplus des consommateurs diminue (− 1 4, les consommateurs payent plus cher et


perdent en pouvoir d’achat).
– 2 – 3 − 4) ;

• Le surplus des producteurs augmente (+ 1) ; Ces distorsions servent alors d’arguments


aux théories classiques en faveur de la libéra-
• Le surplus de l’État augmente (+ 3) avec le lisation des échanges mondiaux, les droits de
gain des recettes douanières. douane provoquant une diminution du bien-
L’effet total est alors négatif pour l’éco- être général. Antoine BOUËT (2002) estime
nomie (− 2 −4) : son surplus total dimi- d’ailleurs que la protection de l’UE conduit
nue, les droits de douane conduisant à une à une perte nette équivalente à 2,5 % du PIB
« perte sèche », résultat de l’augmentation européen.

95
Toutefois, l’analyse des effets négatifs des cas d’un grand pays comme le montre le
droits de douane trouve ses limites dans le graphique ci-dessous :

En effet, l’instauration d’une protection • Le surplus des producteurs augmente (+ 1) ;


tarifaire va augmenter le prix domestique (Pt)
et diminuer le prix mondial (Pm’) : la demande • Le surplus de l’État augmente (+ 3 + 5) avec
le gain des recettes douanières.
nationale diminue, ce qui entraîne une baisse
significative de la demande mondiale (le grand Dès lors, l’effet total peut s’avérer positif
pays représentant une part importante de s’agissant du surplus. Il faut pour cela que
cette demande) et, donc, une baisse du prix les recettes additionnelles de l’État liées à
mondial. Ainsi, le pays améliore ses termes de la baisse du prix mondial (surface 5) soient
l’échange (le prix mondial de ses importations supérieures aux distorsions de production et
diminue). de consommation (surfaces 2 et 4). Un grand
pays peut donc profiter du protectionnisme
Les nouveaux prix domestique (Pt) et
en améliorant ses termes de l’échange et
mondial (Pm’) vont modifier la répartition des
augmenter ainsi son bien-être global.
surplus :

• Le surplus des consommateurs diminue (− 1


– 2 – 3 − 4) ;

96
Les effets des droits de douane en termes de bien-être

3 Application
En rendant plus chers les produits étrangers GATT puis la création de l’OMC ont permis un
importé, les droits de douanes constituent développement très important du commerce
l’un des principaux instruments du protec- mondial. En effet, celui-ci a progressé en
tionnisme : cette pratique cherche à décou- volume de 7,2 % en moyenne annuelle
rager leur consommation et à favoriser les entre 1950 et 1980 alors que la croissance
industries locales. du PIB mondial n’a été que de 4,7 % pendant
L’instauration d’un libre-échange multila- cette même période. Cette tendance s’est
téral et institutionnalisé entre les nations a poursuivie – et même accentuée – jusqu’à la
été recherché dès la fin de la Seconde Guerre fin des années 2000. La croissance annuelle
mondiale, avec la création du GATT (General moyenne du commerce mondial a été près de
Agreement on Tariffs and Trade) par 23 pays deux fois supérieure à celle du PIB mondial
en 1947 afin d’empêcher le retour au protec- entre 1985 et 2011, en particulier grâce au
tionnisme, responsable de l’aggravation de la commerce mondial des marchandises, qui a
crise des années 1930. Au fil de huit cycles plus que quadruplé en volume sur la période.
de négociations successifs (dits rounds), le Toutefois, si le protectionnisme semblait
GATT a permis de réduire de 40 à moins de voué à disparaître, il est marqué par un retour
5 % le niveau moyen des tarifs douaniers sur en force depuis la crise de 2008. Contraire-
les biens manufacturés des pays industriali- ment à ce que l’on croyait, la reprise écono-
sés. L’accord sera ensuite remplacé en 1995 mique ne s’est pas accompagnée d’une
par l’Organisation Mondiale du Commerce réduction du nombre de mesures protection-
(OMC) – qui comprend aujourd’hui 164 pays
nistes. L’arrivée de Donald TRUMP à la tête
membres. L’objectif de l’OMC est de facili-
des États-Unis a particulièrement exacerbé
ter, par les négociations, la croissance du
ce protectionnisme : en 2018, le Président
commerce mondial via la réduction ou l’élimi-
américain décidait d’augmenter les droits de
nation des obstacles aux échanges.
douane américains sur 300 Mds $ d’importa-
Grâce à la forte baisse des tarifs doua- tions, sources de distorsions de production et
niers à laquelle ils ont abouti, les accords du de consommation.

97
Les effets d’une union douanière
en termes de bien-être

1 Présentation
Une union douanière se définit comme plus étudiée. C’est dans ce contexte que Jacob
une zone dans laquelle les pays membres VINER, dans The Customs Union Issue (1950),
abolissent entre eux tous les obstacles aux analyse les effets statiques des accords
échanges, tout en adoptant un tarif extérieur commerciaux régionaux (ACR), à savoir les
commun. L’intérêt pour ce type d’instrument effets de création et de détournement de
est d’autant plus vif après la Seconde Guerre trafic. L’effet total de l’union douanière peut
mondiale, la possibilité de création d’un tel alors s’avérer positif sur le bien-être des
accord régional en Europe étant de plus en pays membres.

98
Les effets d’une union douanière en termes de bien-être

2 Explication Ainsi, la décomposition de l’effet total


permet de mettre en évidence les effets de
création et de détournement de trafic.
La mise en place d’une union douanière va
donner lieu à deux effets simultanés : • La création de trafic se matérialise graphi-
quement par la baisse des distorsions
• la création de trafic : les pays membres de production (surface 2, une partie des
vont importer du bloc des biens qu’ils entreprises domestiques inefficientes
produisaient auparavant de façon inef- disparaît) et de consommation (surface 4,
ficace, provoquant ainsi une meilleure les consommateurs du pays A profitent de
allocation des ressources productives à la baisse des prix). Il y a donc une améliora-
l’intérieur du bloc. Il y a donc une améliora- tion du bien-être (+ 2 + 4).
tion du bien-être ;
• Le détournement de trafic se matérialise
• le détournement de trafic : les pays membres graphiquement par la perte des recettes
vont remplacer des importations bon marché douanières qui n’est pas récupérée
en provenance des pays tiers par des impor- (surface 5). Il y a donc une perte de bien-
tations qui proviennent du bloc mais qui être (− 5).
coûtent plus cher. Il y a donc une détériora-
tion du bien-être. L’effet total de l’union douanière dépend
donc du solde de ces deux effets. Il s’avère
On suppose trois étapes afin d’expliciter ces positif si la création de trafic (surfaces 2 et
deux effets : 4) est supérieure au détournement de trafic
1. La situation initiale (surface 5). Dans ce cas, l’union douanière
devient bénéfique et souhaitable.
• On suppose trois pays A, B et C ;
• le pays A est un petit pays (il n’exerce
aucune influence sur les prix) protection-
niste au départ qui s’approvisionne chez le 3 Application
pays C (Pc < Pb) ;
• le prix pour les consommateurs est donc En 1970, Bela BALASSA estime que la
égal au prix du pays C augmenté du droit
communauté européenne produit davantage
de douane (Pc + dd).
de création de trafic (46,5 Mds d’ECU) que de
2. La mise en place du bloc tarifaire détournement (1,2 Mds d’ECU), améliorant
le bien-être global de ses membres. L’étude
• A et B décident de former une union doua- empirique de ACHARYA et al. (2011) a même
nière ;
montré que les principaux accords commer-
• le pays A s’approvisionne chez B ; ciaux régionaux (Asean, Mercosur, Alena,
• le prix pour les consommateurs est donc UE) donnaient à la fois lieu à la création
égal à Pb. d’échanges intra-ACR (création interne de
3. L’évolution des surplus du pays A trafic) ainsi qu’à la création d’échanges entre
les pays hors zone et l’ACR (création externe
• Le surplus des consommateurs augmente de trafic et non détournement). Les effets
(+ 1 + 2 + 3 + 4) ; dynamiques de l’intégration (meilleure exploi-

• le surplus des producteurs diminue (− 1) ; tation des économies d’échelle, renforcement


de la concurrence) peuvent être la source
• le surplus de l’État diminue (− 3− 5) avec la d’avantages pour les pays tiers, ceux-ci béné-
perte des recettes douanières. ficiant de la croissance de la zone qui stimule
leurs exportations vers la zone.

99
Le modèle IS-LM

1 Présentation
Proposé par John HICKS (Mr Keynes and le marché du travail n’est pas pris en compte
the « Classics »: A Suggested Interpreta- (le niveau de production détermine le niveau
tion, 1937), IS-LM est un modèle permettant d’emploi) et où les prix et salaires sont rigides,
la détermination du revenu national et du d’où l’existence potentielle de chômage (équi-
taux d’intérêt d’équilibre (Yeq, ieq) à partir libre de sous-emploi). Considéré comme une
de l’interaction entre le marché des biens et version formalisée des idées de KEYNES, ce
services (IS) et le marché monétaire (LM). Ce modèle enseigne qu’en temps de crise, l’in-
modèle s’inscrit dans le cadre d’une écono- tervention de l’État via des politiques budgé-
mie fermée (sans échanges commerciaux et taires et monétaires expansives peut être
financiers avec l’étranger), au sein de laquelle bénéfique pour l’économie.

100
Le modèle IS-LM

2 Explication
Construction du modèle

• La courbe IS représente l’ensemble des • La courbe LM représente l’ensemble des


combinaisons de revenu et de taux d’in- combinaisons de revenu et de taux d’in-
térêt permettant l’équilibre sur le marché térêt permettant l’équilibre sur le marché
des biens et services. Cette relation véri- monétaire. Cette relation vérifie l’éga-
fie l’égalité suivante : Y = C + I + G (1). La lité suivante : Ms = L = L1(Y) + L2(i) (2).
courbe IS est décroissante : la baisse de i La courbe LM est croissante : la hausse de
entraîne une hausse de C et de I qui ne peut Y entraîne la hausse de L1(Y) qui ne peut
être compensée que par une hausse de Y être compensée que par une hausse de i qui
(respect de l’égalité (1)). diminue L2(i) (respect de l’égalité (2)).

Analyse des politiques économiques


Pour John Maynard KEYNES, l’équilibre
automatique des marchés ne fonctionne pas.
Dans une économie en récession, l’interven-
tion de l’État via des politiques conjoncturelles
(budgétaires et monétaires) est nécessaire
pour stimuler la demande, relancer la crois-
sance et retrouver le plein-emploi. Dès lors,
si spontanément l’équilibre obtenu ne corres-
pond pas au plein-emploi, il est possible de
mener des politiques expansionnistes pour y
parvenir. On suppose Yse le niveau de produc-
tion d’équilibre de sous-­emploi et Ype le niveau
de production qui permet le plein-emploi.
L’obtention du plein-emploi peut se réaliser :

• par une politique budgétaire de hausse


des dépenses publiques : l’augmenta-
tion des dépenses publiques (G) doit être
compensée par une hausse de Y et une
hausse de i (respect de l’égalité (1)). La
courbe IS se déplace donc vers la droite (de
IS à IS’). En effet, la hausse des dépenses
publiques conduit à augmenter le niveau de
la demande globale et, donc, le niveau de
production (de Yse à Ype), mais cette hausse
se fait au prix d’une augmentation du taux
d’intérêt (de i1 à i2) du fait de l’accroisse-
ment de la demande de monnaie de tran-
saction par l’État. La relance budgétaire de
Barack OBAMA (2008) illustre son effica-
cité : les 800 Mds $ alloués par l’État ont
permis de redresser la croissance améri-
caine (− 2,5 % en 2009 à 2,6 % en 2010) ;

101
• par une politique monétaire de hausse
de l’offre de monnaie : l’augmentation de
l’offre monétaire (Ms) doit être compen-
sée par une hausse de Y et une baisse de i
(respect de l’égalité (2)). La courbe LM se
déplace donc vers la droite (de LM à LM’).
En effet, la hausse de l’offre de monnaie
par la Banque centrale fait diminuer les
taux d’intérêt (de i1 à i2), stimule l’investis-
sement des entreprises et la consommation
des ménages, et accroît donc le niveau de
production (de Yse à Ype). La relance moné-
taire de la BCE entre 2015 et 2017 illustre
l’efficacité d’une telle politique : la poli-
tique de Quantitative Easing, avec plus de
2000 Mds € de liquidités injectées dans
l’économie, a permis de relancer la crois-
sance en zone euro, passée de 1,4 % en
2014 à 2,6 % en 2017 ;

• par une policy mix expansionniste qui


déplace simultanément les courbes IS et
LM vers la droite : la production augmente
fortement (de Yse à Ype) et l’effet des poli-
tiques conjoncturelles est maximisé.

102
Le modèle IS-LM

3 Application
Ainsi, le modèle IS-LM légitime une inter- • Avec l’accélération de la mondialisation
vention de l’État à la suite d’un choc négatif depuis les années 1980, les politiques de
via la mise en œuvre de politiques de relance. demande sont désormais soumises à la
Ces politiques se généraliseront durant les « contrainte extérieure » dont la relance
Trente Glorieuses (1945-1975), marquées par MAUROY de 1981 a notamment fait les
la forte croissance et le plein-emploi des pays frais. À la suite de la victoire de François
industrialisés. MITTERRAND en 1981, son Premier ministre
Pierre MAUROY lance un plan de relance de
Toutefois, ces politiques conjoncturelles
10 Mds de francs. L’État embauche alors
peuvent être contre-productives, ce qui limite
55 000 fonctionnaires dès le mois de juin.
leur impact sur le revenu national.
En juillet, le SMIC est relevé de 10 %. Le
• Une politique budgétaire expansive peut minimum vieillesse, les allocations handi-
créer un effet d’éviction : l’État, dès lors capés, familiales et logement augmentent
qu’il investit fortement, entraîne par consé- à leur tour de 20 % à 25 %. Ces dépenses
quent un excès de demande sur le marché publiques sont toutefois « captées » par les
des capitaux, fait augmenter les taux d’in- principaux partenaires économiques de la
térêt et empêche les entreprises d’investir. France, car la demande portait surtout sur
des produits importés et non pas sur des
• Une politique monétaire expansive est
produits nationaux. Dès lors, les déficits
susceptible de créer une trappe à liquidité :
budgétaires et commerciaux se creusent
si les taux d’intérêt deviennent trop faibles,
et précipitent le « tournant de la rigueur »
les agents vont conserver la monnaie
dès 1983, marquant l’échec de la relance
plutôt que de détenir des obligations qui ne
keynésienne.
rapportent pas assez. La monnaie créée est
thésaurisée et n’atteint pas la sphère réelle.

103
Le modèle IS-LM-BP

1 Présentation
Proposé par Robert MUNDELL (Capi- des paiements (BP). Alors que le modèle
tal mobility and stabilization policy under IS-LM était un modèle en économie fermée,
fixed and flexible exchange rates, 1963) et le modèle IS-LM-BP fonctionne, quant à lui,
Marcus FLEMING (Domestic financial poli- en économie ouverte, la courbe BP représen-
cies under fixed and floating exchange rates, tant l’équilibre nécessaire de la balance des
1962), IS-LM-BP est un modèle permettant la paiements. Contrairement au modèle IS-LM,
détermination du revenu national et du taux le modèle IS-LM-BP permet d’observer les
d’intérêt d’équilibre (Yeq, ieq) à partir de l’in- limites de l’intervention étatique dans une
teraction entre le marché des biens et services économie ouverte aux échanges commer-
(IS), le marché monétaire (LM) et la balance ciaux et financiers avec l’étranger.

104
Le modèle IS-LM-BP

2 Explication
Construction du modèle

• La courbe IS représente l’ensemble des


combinaisons de revenu et de taux d’in-
térêt permettant l’équilibre sur le marché
des biens et services. Cette relation vérifie
l’égalité suivante : Y = C + I + G + (X − M)
(1). La courbe IS est décroissante : la baisse
de i entraîne une hausse de C et de I qui ne
peut être compensée que par une hausse de
Y (respect de l’égalité (1)).

• La courbe LM représente l’ensemble des


combinaisons de revenu et de taux d’in-
térêt permettant l’équilibre sur le marché
monétaire. Cette relation vérifie l’éga-
lité suivante : Ms = L = L1(Y) + L2 (i) (2).
La courbe LM est croissante : la hausse de
Y entraîne la hausse de L1 (Y) qui ne peut
être compensée que par une hausse de i qui
diminue L2 (i) (respect de l’égalité (2)).

• La courbe BP représente l’ensemble des Analyse des politiques économiques


combinaisons de revenu et de taux d’inté-
Pour John Maynard KEYNES, l’équilibre
rêt permettant l’équilibre de la balance des
automatique des marchés ne fonctionne pas.
paiements. Cette relation vérifie l’égalité
Dans une économie en récession, l’interven-
suivante : BP = BC + BK = 0 (3). La courbe BP
tion de l’État via des politiques conjoncturelles
est horizontale : du fait de la parfaite mobi-
(budgétaires et monétaires) est nécessaire
lité des capitaux, le taux d’intérêt national
pour stimuler la demande, relancer la crois-
(i) ne peut varier du taux d’intérêt interna-
sance et retrouver le plein-emploi. Dès lors,
tional (i*).
si l’équilibre obtenu ne correspond pas spon-
tanément au plein-emploi, il est possible de
mener des politiques expansionnistes pour y
parvenir. On suppose Yse le niveau de produc-
tion d’équilibre de sous-emploi et Ype le niveau
de production qui permet le ­plein-emploi. L’ef-
ficacité des politiques budgétaires et moné-
taires dépendra alors du régime de change.
1. L’État mène une politique budgétaire
expansive : la courbe IS se déplace vers
la droite (de IS à IS’). Les taux d’intérêt
nationaux deviennent supérieurs aux taux
d’intérêt étrangers (i >i*), cela provoque
des entrées de capitaux et une pression à
la hausse sur la monnaie nationale. Deux
cas se présentent alors.

105
Le cas d’un régime de change fixe

• Les autorités interviennent en vendant la


monnaie nationale (hausse de l’offre de
monnaie) ;

• l’offre de monnaie devient excédentaire et ne


peut être compensée que par une hausse de
Y et une baisse de i (respect de l’égalité (2)) ;

• LM se déplace donc vers la droite (de LM à


LM’) jusqu’à i =i* et Y augmente jusqu’à Ype.
Le cas d’un régime de change flottant

• Les autorités n’interviennent pas : la


monnaie s’apprécie et la compétitivité-prix
diminue ;

• la détérioration du solde commercial


(baisse de (X-M)) ne peut être compensée
que par une baisse de Y et une baisse de i
(respect de l’égalité (1)) ;

• IS se déplace donc vers la gauche jusqu’à


i = i* et retrouve sa position initiale (Y
retourne au niveau Yse).

• Une politique budgétaire expansive n’a


donc aucun impact sur le revenu national
en régime de change flottant.
2. L’État mène une politique monétaire
expansive : la courbe LM se déplace vers
la droite (de LM à LM’). Les taux d’intérêt
nationaux deviennent inférieurs aux taux
d’intérêt étrangers (i <i*), cela provoque
des sorties de capitaux et une pression à
la baisse sur la monnaie nationale. Deux
cas se présentent alors.
Le cas d’un régime de change fixe

• Les autorités défendent la parité et


achètent la monnaie nationale contre leurs
réserves de change (hausse de la demande
de monnaie) ;

• la demande de monnaie devient excéden-


taire et ne peut être compensée que par
une baisse de Y et une hausse de i (respect
de l’égalité (2)) ;

• LM se déplace donc vers la gauche jusqu’à


i = i* et retrouve sa position initiale (Y
retourne au niveau Yse).

106
Le modèle IS-LM-BP
Le cas d’un régime de change flottant

• Les autorités n’interviennent pas : la


monnaie se déprécie et la compétitivité-prix
augmente ;

• l’amélioration du solde commercial (hausse


de (X-M)) ne peut être compensée que par
une hausse de Y et une hausse de i (respect
de l’égalité (1)) ;

• IS se déplace donc vers la droite (de IS à IS’)


jusqu’à i =i* et Y augmente jusqu’à Ype.

• Une politique monétaire expansive n’a


aucun impact sur le revenu national en
régime de change fixe.

3 Application

Le modèle IS-LM-BP permet de saisir les effets la demande porte sur des produits importés
de la globalisation économique et financière et non sur des produits nationaux. Ainsi, en
sur l’efficacité des politiques conjoncturelles. économie ouverte, l’efficacité de la politique
Il explique la perte d’efficacité des politiques budgétaire est entravée par les échanges
keynésiennes à partir des années 1970. Des extérieurs : c’est la « contrainte extérieure ».
exemples récents illustrent les limites de l’in-
tervention de l’État en économie ouverte. • Une politique monétaire expansionniste est
souvent impossible pour des pays en régime
• Une politique budgétaire expansionniste de change fixe. C’est le cas des quatorze
est inefficace pour des pays en régime de pays africains de la zone franc CFA (en
change flottant. Par exemple aux États- change fixe avec l’euro) qui n’ont pas pu
Unis (en change flottant avec le reste du mener de politique monétaire expansion-
monde), la politique budgétaire expansion- niste (liée au maintien de la parité) pour
niste menée par Donald TRUMP a aggravé relancer leur croissance face à la crise
le déficit commercial (lié à la hausse des Covid en 2020. En économie ouverte, l’ef-
importations) et a fini par freiner la crois- ficacité de la politique monétaire est donc
sance en 2019. Les dépenses publiques sont entravée par le maintien de la parité fixe :
en effet « captées » par les autres pays, car c’est la « contrainte de change ».

107
Le modèle OG-DG

1 Présentation
Basé sur la théorie de John Maynard KEYNES IS-LM en y intégrant le comportement des
(The General Theory of Employment, Interest entreprises. Désormais, le côté « offre » de
and Money, 1936), OG-DG est un modèle l’économie joue un rôle dans le fonctionne-
permettant la détermination d’un revenu ment de l’économie et la détermination de
et d’un prix d’équilibre (Yeq, Peq) à partir du l’équilibre macroéconomique. Ce modèle
croisement entre l’Offre Globale (OG) et la permet notamment d’analyser l’effet relatif
Demande Globale (DG). Le modèle OG-DG des politiques de l’offre et des politiques de
est une extension du modèle IS-LM à prix et la demande en fonction du contexte macro­
salaires flexibles. Il complète ainsi le modèle économique.

108
Le modèle OG-DG

2 Explication
Construction du modèle

• La courbe OG décrit la relation entre la quan-


tité de biens produite et le niveau des prix.
Elle est soit horizontale (l’économie dispose
de capacités de production inemployées : il
est possible d’accroître la production sans
élever les prix) ; soit croissante (l’économie
ne fonctionne pas à plein régime : l’augmen-
tation de la production s’accompagne d’une
élévation des prix) ; soit verticale (l’éco-
nomie fonctionne à plein régime : toute
demande supplémentaire sur la production
ne fera qu’augmenter les prix).

• La courbe DG décrit la relation entre la


Analyse des politiques économiques
quantité de biens demandée et le niveau
des prix. C’est une courbe de demande Il est d’usage pour les gouvernements
classique, décroissante en fonction du prix. de privilégier l’offre ou la demande dans le
schéma global de la croissance :

• Les politiques d’offre visent à accroître


l’offre globale par des mesures qui
améliorent les conditions de production
des entreprises : baisse de la fiscalité ou
des cotisations sociales, crédits d’impôts
(qui améliorent la compétitivité), aides
d’Etat en faveur de la R&D (qui augmentent
la productivité des facteurs).

• Les politiques de demande visent à accroître


la demande globale par des mesures budgé-
taires (hausse des dépenses publiques) et
monétaires (baisse des taux d’intérêt) afin
de stimuler la consommation et les inves-
tissements.
L’État mène ces politiques économiques afin
de stimuler le revenu national (Y). Leur effi-
cacité dépend du contexte macroéconomique
dans lequel elles s’insèrent. Ce contexte est
déterminé par l’output gap qui mesure l’écart
entre la production effective d’une écono-
mie et sa production potentielle, c’est-à-dire
par l’écart entre la quantité effectivement
produite et la quantité maximale de biens et
services qu’une économie peut produire lors-
qu’elle fonctionne à plein régime.

109
Le contexte keynésien
Ce contexte de sous-emploi est caractérisé
par un output gap positif et donc par une
économie qui n’œuvre pas au plein-emploi de
ses facteurs de production. Les politiques de
demande à privilégier chercheront à augmen-
ter le niveau de la production effective en
stimulant la demande afin de réduire l’out-
put gap. La courbe OG est donc horizontale
puis verticale. En d’autres termes, tant que le
niveau de production qui sature l’emploi des
facteurs de production (Y3) n’est pas atteint,
alors la politique de relance par la demande
(déplacement de DG à DG’) n’aura pas d’effets
inflationnistes.

Au contraire, une politique d’offre qui dépla-


cerait OG vers la droite (de OG à OG’) n’aurait
aucun effet sur le niveau de production car
l’excédent de capacité de production créé ne
trouverait aucune demande à satisfaire.

Le contexte classique
Dans ce contexte de saturation des activités
productives, caractérisé par un output gap
nul et donc par une économie qui œuvre au
plein-emploi des facteurs de production, les
politiques de l’offre sont à prioriser. Les poli-
tiques de l’offre vont chercher à accroître le
niveau de la production potentielle. La courbe
OG est donc verticale et la production ne peut
augmenter que par une politique d’offre (de
OG à OG’).

110
Le modèle OG-DG
Puisque l’économie fonctionne déjà à plein
régime, toute politique de relance par la
demande (déplaçant DG vers la droite) n’aura
pas d’impact sur la production : son effet sera
purement inflationniste.

3 Application
Le modèle OG-DG permet d’analyser menées avec succès par Ronald REAGAN et
la pertinence des politiques d’offre et de Margaret THATCHER à la même époque.
demande en fonction du contexte macroéco-
Ce modèle offre aussi des explications
nomique.
au regain d’efficacité des politiques de la
Il permet de comprendre pourquoi, dans demande depuis les crises de 2008 et de 2020.
le contexte des années 1980, les politiques Ainsi, les résultats très mitigés du Crédit d’Im-
keynésiennes ont perdu en efficacité et, par pôt pour la Compétitivité et l’Emploi (2013-
conséquent, en légitimité. Les deux chocs 2018) s’expliquent par le choix d’une politique
pétroliers des années 1970 ainsi que l’accen- d’offre dans un contexte quasi keynésien de
tuation de la concurrence internationale ont faible demande globale. À l’inverse, le soutien
contribué à réduire les capacités productives budgétaire du plan de relance européen Next
de l’économie française. La politique adap- Generation EU (2021-2025), destiné à soute-
tée aurait dû être une politique de l’offre au nir la consommation et les investissements
contraire de la relance MAUROY de 1981 qui face à la crise COVID, a fortement contribué
a surtout eu un effet inflationniste. C’est ce au rebond de la zone euro.
qui explique le succès des supply side policies,

111
Le modèle WS-PS

1 Présentation
Le modèle WS-PS introduit par Richard (Price Setting). Ce graphique manifeste que
LAYARD, Stephen NICKELL, et Richard JACK- le niveau de chômage est le résultat de
MAN (Unemployment: Macroeconomic Perfor- rapports de force sur lesquels les pouvoirs
mance and the Labour Market, 1991) fait publics peuvent influer. Il existe alors deux
référence à la détermination d’un chômage stratégies pour réduire le chômage : soit en
d’équilibre induit par le croisement de deux limitant le pouvoir de négociation des sala-
courbes décrivant, d’une part, le pouvoir de riés soit en diminuant le pouvoir de marché
négociation des salariés (Wage Setting) et, des entreprises.
d’autre part, le pouvoir de marché des firmes

112
Le modèle WS-PS

2 Explication
Construction du modèle

• La courbe WS (Wage Setting) représente le • La courbe PS (Price Setting) représente le


pouvoir de négociation des salariés. Cette pouvoir de marché des firmes. Cette courbe
courbe est décroissante : plus le chômage est croissante : plus le chômage est élevé
est élevé (↑u), moins le pouvoir de négo- (↑u), moins la demande est forte et plus les
ciation des salariés est élevé et plus ces entreprises doivent réduire leurs prix (↓p),
derniers devront revoir leur rémunération augmentant le salaire réel des ménages (↑
à la baisse (↓w), diminuant le salaire réel w/p).
(↓w/p).
Analyse des politiques économiques
D’après ce modèle, il existe deux façons
d’abaisser le taux de chômage.
1. La première consiste à déplacer WS vers Cette stratégie peut être analysée comme
la gauche, autrement dit à retirer le peu efficiente. En déplaçant WS vers la gauche,
pouvoir de négociation des salariés (donc on obtient certes une réduction du chômage ;
des syndicats qui les représentent). mais au prix d’une baisse du salaire réel. Ainsi,
La capacité des syndicats à fixer des comme a pu l’analyser Jean DE SISMONDI
salaires élevés diminue. Dès lors, la baisse (1819) les faibles salaires peuvent être à l’ori-
des salaires réels (de w/p0 à w/p1) accroît gine des crises classiques : de trop faibles
la rentabilité des entreprises et les incite
revenus dépriment la « demande effective »
à embaucher, d’où la baisse du chômage
et aggravent les déséquilibres. Puisque la part
(de u0 à u1). La courbe WS se déplace
donc vers la gauche (sur le graphique, des salaires dans le revenu total tend à bais-
cela correspond au passage de WS à WS’). ser au fur et à mesure de l’accroissement de
Le rapport de force entreprises/salariés l’accumulation du capital, les économies sont
tourne ici en faveur des entreprises. marquées par une insuffisance endémique de
la demande agrégée pour absorber l’offre
globale. Dès lors, les crises de surproduction
résultent d’une impossibilité de consommer. La
présence d’un « vouloir » d’achat et ­l’absence
d’un « pouvoir » d’achat fondent la théorie
de la sous-consommation ouvrière. D’autres
auteurs, comme Steve KEEN (2017), ont égale-
ment montré que de faibles salaires pouvaient
être la source de crises modernes : les baisses
de pouvoir d’achat mènent à une hausse de
la consommation par crédit qui alimente les
nouvelles crises financières.

113
2. La seconde stratégie consiste à dépla-
cer PS vers la gauche, autrement dit en
limitant le pouvoir de marché des entre-
prises.
La capacité des entreprises à fixer des
prix élevés diminue. Par conséquent, la
baisse des prix accroît le salaire réel des
ménages (de w/p0 à w/p1) ce qui permet
de stimuler la demande et de baisser
le chômage (de u0 à u1). La courbe PS
se déplace donc vers la gauche (sur le
graphique, cela correspond au passage de
PS à PS’). Le rapport de force entreprises/
salariés tourne ici en faveur des salariés.
Toutefois, cette stratégie peut s’avérer
contreproductive. Des prix trop faibles
sont susceptibles d’amener certaines
entreprises à ne plus être rentables
et à devoir fermer ou délocaliser leur
production à l’étranger. La progres-
sion du chômage en est alors la consé-
quence directe. L’ouverture aux marchés
mondiaux se traduit ainsi par une réduc-
tion du pouvoir de marché des firmes, un
accroissement de la concurrence par les
coûts et l’accélération du chômage des
salariés les moins qualifiés dans les pays
occidentaux. (Maurice ALLAIS, 1999).

114
Le modèle WS-PS

3 Application
Ainsi, le gouvernement peut influencer les
rapports de force entre les entreprises et les
salariés en optant pour l’une des deux stra-
tégies dans sa lutte contre le chômage. La
première stratégie, vue comme une approche
néo-classique, pourrait être appliquée en
limitant par exemple les accords de branches
ce qui affaiblirait le pouvoir des syndicats
dans les négociations salariales. C’est par
exemple le cas de la loi El Khomri (2016),
dans laquelle l’accord d’entreprise peut,
dans certains domaines, se substituer à un
accord de branche y compris si l’accord d’en-
treprise est moins favorable que l’accord de
branche. La seconde stratégie, vue comme
une approche keynésienne, pourrait passer
par un accroissement de la concurrence sur
les marchés afin de stimuler salaire réel et
multiplicateur keynésien. En ce sens, l’accord
de libre-échange « CETA » (Comprehensive
Economic and Trade Agreement) entre l’Union
Européenne et le Canada (2017) implique la
suppression des droits de douane sur 98 %
des produits échangés entre les deux zones
et élargit certains services – comme les trans-
ports et les télécoms – à la concurrence.

115
La trappe à liquidité

1 Présentation
Théorisée par John Maynard KEYNES (The rare ; les États-Unis lors de la Grande dépres-
General Theory of Employment, Interest and sion des années 1930 ainsi que le Japon à
Money, 1936), la trappe à liquidité désigne la suite de la chute des marchés boursier
une situation dans laquelle la politique moné- et immobilier au début des années 1990 en
taire conventionnelle devient incapable de offrent les deux – rares – exemples les plus
stimuler l’économie lorsque les taux d’inté- remarquables. Néanmoins, depuis la crise
rêt à court terme sont à zéro ou proches de de 2008, on assiste à un basculement d’une
zéro. Jusqu’à la crise financière de 2008, la partie importante du monde développé dans
trappe à liquidité était restée un phénomène la trappe à liquidité.

116
La trappe à liquidité

2 Explication 3 Application
Construction du modèle Ainsi, des taux d’intérêt déjà bas réduisent
les marges de manœuvre du régulateur en cas
Le modèle retenu représente l’équilibre sur
de nouveau choc récessionniste. Pour certains,
le marché monétaire à partir du croisement
la politique monétaire peut surmonter le
entre l’offre et la demande de monnaie.
problème de trappe à liquidité car les banques
• La courbe d’offre de monnaie (Ms) est verti- centrales détiennent d’autres instruments
cale puisqu’elle est totalement contrôlée « non conventionnels » qui visent à dimi-
par la Banque centrale et qu’elle ne dépend nuer les taux longs. Cela peut passer par des
par conséquent pas des taux d’intérêt (i). politiques d’annonce des actions monétaires
futures (forward guidance) – qui cherchent
• La courbe de demande de monnaie (Md)
à guider les anticipations des agents en indi-
est décroissante : plus les taux d’intérêt
quant, par exemple, que la politique moné-
(i) diminuent, moins les agents souhaitent
taire restera accommodante sur une période
placer leur argent – cela est moins
prolongée et, ainsi, à stimuler l’octroi de prêts
rentable – et plus ils préfèrent le garder en
à long terme à des conditions favorables – ou
liquide (hausse de la demande de monnaie).
bien par des politiques d’acqui­sition massive
Analyse de la politique monétaire de titres de dette de long terme (quantitative
easing) afin d’augmenter leur prix et donc de
Afin de relancer l’économie, La Banque
baisser les taux d’intérêt à long terme, favo-
centrale peut mener une politique moné-
risant ainsi la consommation des ménages
taire expansive. L’augmentation de l’offre
ainsi que l’investissement des entreprises.
de monnaie fait diminuer le taux d’intérêt.
Pour d’autres, comme l’ancien gouverneur de
La courbe Ms se déplace donc vers la droite
la banque d’Angleterre Mark CARNEY (2020),
(de Ms à Ms’) et le taux d’intérêt (i0) diminue
la trappe à liquidité constitue une menace
jusqu’à 0. Cette diminution rend profitable les
sérieuse pour les pays développés depuis la
investissements, ce qui permet de booster la
crise de 2008. En effet, une fois que les taux
croissance.
d’intérêt cibles ont atteint la borne inférieure
Toutefois, une hausse de l’offre de monnaie zéro, la politique budgétaire doit devenir la
de Ms’ à Ms’’ ne diminue pas i : cette monnaie première ligne de défense contre un ralen-
supplémentaire, plutôt que d’être prêtée à un tissement économique et ce, non seulement
taux nominal négatif, est conservée en argent parce que la politique monétaire devient inca-
liquide à taux de rendement nul. La trappe à pable de stimuler l’économie, mais aussi parce
liquidité est aussi appelée le problème de la qu’à de très faibles taux d’intérêt sont géné-
« borne inférieure zéro » (zero lower bound). ralement associés une prise de risque exces-
En effet, comme les taux d’intérêt ne peuvent sive et une hausse de la fréquence des bulles
pas baisser en dessous de 0, la liquidité supplé- spéculatives.
mentaire injectée par la Banque centrale ne
produit aucun effet sur l’économie réelle :
demande agrégée, croissance économique et
inflation sont « piégés » à des niveaux faibles.

117
La courbe de Phillips

1 Présentation
Mise en évidence en 1958 par Alban William de chômage. La courbe de Phillips devient
PHILLIPS dans The Relationship between une relation « inflation-chômage » suscep-
Unemployment and the Rate of Change of tible d’être interprétée comme un arbitrage :
Money Wage Rates in the United Kingdom, il faut plus de chômage pour avoir moins d’in-
1861-1957, la courbe de Phillips est une flation ou plus d’inflation pour avoir moins de
courbe illustrant une relation décroissante chômage. Cet arbitrage servira notamment de
entre le taux d’inflation – corrélé positive- base aux politiques conjoncturelles des pays
ment à la croissance des salaires – et le taux développés au cours des Trente Glorieuses.

118
La courbe de Phillips

2 Explication
Premièrement, la corrélation positive entre
le taux d’inflation et le taux de croissance des
salaires s’explique par le taux de marge. Lorsque
les salaires augmentent, les entreprises, qui
souhaitent conserver leur taux de marge afin
de réaliser les investissements futurs, augmen-
tent leurs prix, d’où une inflation.
Secondement, on observe une corrélation
négative entre le taux d’inflation et le taux
de chômage. Lorsque le chômage est faible,
les entreprises ont du mal à recruter et sont
donc contraintes de proposer des salaires
nominaux plus élevés, ce qui fait augmen-
ter les prix. Au contraire, en période de fort
chômage, le rapport de force – en tant qu’il
n’est pas en faveur des salariés – pousse à la
modération salariale : les prix baissent.
Cette courbe est devenue un outil puissant
pour les politiques économiques puisqu’elle
conduit à identifier un « dilemme » entre
l’inflation et le chômage, deux objectifs
apparemment contradictoires des politiques
conjoncturelles. Une politique de relance ou
de soutien de l’activité permet de réduire le
chômage mais elle risque de conduire à une
accélération de l’inflation (déplacement de A
vers B). Au contraire, une politique de lutte
contre l’inflation conduit à une hausse du
chômage (déplacement de B vers A). La courbe
de Phillips démontre alors qu’il y a un « prix à
payer » en termes de chômage pour mainte-
nir une faible inflation et, inversement, qu’un
faible taux de chômage se paie en termes
d’inflation. Par conséquent, le choix entre ces
deux objectifs est de nature politique.

119
3 Application un écho important à la réfutation de la courbe
de Phillips proposée par Milton F
­ RIEDMAN (The
Role of Monetary Policy, 1968).
Selon FRIEDMAN, la courbe de Phillips n’est
Cette relation est rapidement devenue l’un
valable qu’à court terme : si les autorités
des instruments importants pour guider les
cherchent à relancer la croissance à l’aide
politiques conjoncturelles lors de la période
d’une politique monétaire expansionniste,
des Trente Glorieuses (1945-1973). La poli-
elles vont baisser les taux d’intérêt afin que la
tique économique conjoncturelle revient alors
demande augmente. Certes, la création moné-
à choisir entre deux objectifs : la croissance
taire stimule d’abord la demande de biens et
inflationniste assurant le plein-emploi ou
services. Elle a donc bien un effet expansion-
bien la stabilité des prix avec une croissance
niste : la production, l’embauche et les prix
insuffisante pour garantir le plein-emploi.
s’accroissent (déplacement du point A au
Les gouvernements mènent alors le « stop-
point B). Toutefois, les salariés, qui avaient mal
and-go » en alternant des politiques de
anticipé la hausse des prix, réalisent ensuite
stabilisation (stop) en période de surchauffe
que leur salaire réel est plus faible (la hausse
de l’activité (inflation élevée) et des poli-
des prix est supérieure à la hausse des salaires
tiques de relance (go) en période de récession
nominaux). Ils finissent par adapter leurs anti-
(chômage élevé). La France a pratiqué le stop-
cipations et réclament des augmentations de
and-go : au plan d’austérité PINAY-RUEFF de
salaire : les entreprises sont donc contraintes
1958 à 1960 a succédé le plan de relance
au licenciement pour conserver leurs marges
DEBRÉ de 1961 à 1962, et le plan de stabi-
(déplacement du point B au point C).
lisation GISCARD D’ESTAING de 1963 à 1965.
La courbe de Phillips entraîne donc des consé-
quences fortes en matière de politique écono-
mique puisqu’elle sous-entend qu’il existe un
arbitrage entre l’inflation et le chômage. En
d’autres termes, une baisse du chômage peut
être obtenue à condition de tolérer un niveau
d’inflation plus élevé et réciproquement. La
courbe de Phillips devient alors un argument
pour la perspective keynésienne de relance.
Vérifiée empiriquement aux États-Unis
jusqu’à la fin des années 1960, la courbe de
Phillips va toutefois être remise en cause avec
le choc pétrolier de 1973. Cet événement
voit alors apparaître la situation inédite de
la coexistence d’une forte inflation et d’une
hausse du chômage : c’est la « stagflation ».
Cette dernière est contradictoire avec la
courbe de Phillips puisque le taux de chômage
augmente en même temps que l’inflation accé-
lère : la relation entre le taux de chômage et
le taux d’inflation devient alors croissante. La
contradiction entre la courbe et les faits donne

120
La courbe de Phillips
Dès lors, on retrouve le taux de chômage du
départ avec un taux d’inflation plus élevé. La
courbe de Phillips devient une droite verticale
indiquant qu’il existe un niveau de chômage
indépassable sur le long terme. Ce dernier,
qualifié de chômage naturel, constitue le taux
de chômage qui n’accélère pas l’inflation, en
anglais Non Accelerating Inflation Rate of
Unemployment (NAIRU). La monnaie est donc
parfaitement neutre, les phénomènes moné-
taires n’ont aucun impact sur l’économie
réelle.
Cette nouvelle formulation de la courbe de
Phillips est bien moins favorable aux politiques
keynésiennes : les relances par la demande
agrégée qui chercheraient à ramener le taux
de chômage en dessous de son niveau natu-
rel devraient systématiquement se payer par
une inflation en augmentation constante. Or,
le NAIRU est généralement estimé à un niveau
élevé. Par exemple, le rapport « Plein-em-
ploi », publié en 2000 par le Conseil d’ana-
lyse économique, l’estime entre 8 et 10 % en
France. Du point de vue de la politique écono-
mique, cette version augmentée de la courbe
de Phillips fournit depuis les années 1990 une
caution aux politiques dites « classiques ».
Plutôt que de mener des politiques conjonc-
turelles (politiques monétaires et budgétaires
expansives), les pouvoirs publics doivent alors
viser des réformes structurelles (flexibilité des
marchés du travail, simplification des régimes
fiscaux, allégement de la bureaucratie), seules
capables de réduire ce NAIRU.
Ainsi, cette nouvelle version de la courbe de
Phillips remet en question l’efficacité des poli-
tiques conjoncturelles à long terme. Certes,
les politiques économiques de relance de la
demande gardent une certaine efficacité à
court terme ; mais elles sont totalement ineffi-
caces, et dégénèrent en inflation à long terme.

121
Les cycles de Kondratieff

1 Présentation
Un cycle de Kondratieff est un cycle écono- par un enchaînement de périodes longues
mique de l’ordre de 40 à 60 ans aussi appelé qui se décomposent en deux phases presque
cycle de longue durée. Mis en évidence dès égales : l’une de forte croissance, de plein-em-
1925 par Nikolaï KONDRATIEFF dans son ploi et de légère inflation ; l’autre de stagna-
ouvrage The Major Economic Cycles, chaque tion, de chômage et de déflation. Ainsi, ce
cycle présente une phase ascendante (de 20 modèle illustre une vision cyclique d’un capi-
à 25 ans) et une phase descendante (de 20 à talisme en renouvellement permanent, où le
25 ans également). KONDRATIEFF présente le système génère lui-même les conditions de la
système économique comme étant caractérisé reprise.

122
Les cycles de Kondratieff

2 Explication 3 Application
KONDRATIEFF interprète ces fluctua- Depuis les débuts de la révolution indus-
tions comme des cycles de prix en tant que, trielle, plusieurs cycles peuvent être identi-
pendant la période de forte croissance, les fiés : 1800-1850, ; 1850-1900 ; 1900-1950 ;
entreprises maintiennent des prix élevés qui 1950-1990 ; 1990-2020. À chaque cycle
leur fournissent les moyens pour investir. Au correspond respectivement un progrès tech-
cours de la période suivante, sous la pression nique : la machine à vapeur et l’industrie
de la concurrence, les entreprises compri- textile ; l’acier et le chemin de fer ; l’électri-
ment leurs marges, ce qui limite leurs possibi- cité, la chimie et l’automobile ; la pétrochimie
lités d’investissement. et l’aéronautique ; les technologies de l’infor-
mation et de la communication.
Joseph SCHUMPETER (1939) reprendra le
concept des « cycles de Kondratieff » en les Nous serions actuellement dans la phase
interprétant cette fois comme des cycles de descendante du 5e cycle, marquée par le
productivité. Dans cette perspective, la phase ralentissement de la croissance des pays
d’expansion correspond à la période de diffu- développés depuis le milieu des années
sion des nouvelles innovations. Une fois que le 2000, la multiplication des crises financières
système productif en a épuisé les potentiali- (crise de la bulle internet de 2001, crise des
tés, la productivité et la production stagnent. subprimes de 2008) et le repli protectionniste
La phase de difficultés économiques suscite de plusieurs pays (Brexit en 2016, élection de
alors l’imagination de nouveaux entrepre- Donald TRUMP aux États-Unis en 2017).
neurs : de nouvelles innovations voient le jour.
Néanmoins, ne serait-il pas envisageable
SCHUMPETER (1942) appelle cette période de
de faire de la crise du Covid-19 le « moment
transition entre deux cycles la « destruction
schumpétérien » annonciateur du 6e cycle de
créatrice » : les entreprises les moins perfor-
Kondratieff ? Marie-Hélène DUPRAT (2020)
mantes font faillite et de nouvelles entre-
souligne la forte contribution de la crise
prises plus productives les remplacent. En
sanitaire à la destruction créatrice. En effet,
favorisant le renouvellement du tissu produc-
l’effondrement d’une partie de l’appareil de
tif, les périodes de crises économiques créent
production a fait progresser la partie destruc-
ainsi les conditions nécessaires à de nouvelles
tion de l’équation schumpétérienne, rendant
phases d’expansion.
possible, par conséquent, un renouveau de
l’offre. La partie création constitue le coup
d’accélérateur donné par la pandémie à la
transformation numérique. Quel impact l’inno­
vation digitale aura-t-elle sur la croissance ?
Le débat reste ouvert entre les « techno-opti-
mistes », qui prédisent une augmentation de la
productivité et du niveau de vie global, et les
« techno-pessimistes », qui s’alarment d’une
hausse des inégalités sans précédent entre,
d’une part, des travailleurs très qualifiés et
de mieux en mieux payés (complémentaires
aux robots) et, d’autre part, des travailleurs
peu qualifiés qui voient leur emploi disparaître
(substituts parfaits pour les robots).

123
Le modèle de Solow

1 Présentation
Théorisé par Robert SOLOW (A Contri- progrès technique sur la productivité globale
bution to the Theory of Economic Growth, des facteurs serait toutefois sur le déclin,
1956), le modèle de Solow décrit une rela- en témoigne la persistance d’une croissance
tion positive entre l’accumulation du capi- faible dans de nombreux pays développés
tal et la croissance économique. D’après ce depuis la Grande Récession de 2009. Dès lors,
modèle, toute économie est censée, à long « la croissance rapide observée au cours des
terme, converger vers un point appelé « état 250 dernières années pourrait bien être un
stationnaire », au-delà duquel seul le progrès épisode unique dans l’histoire de l’humanité »
technique génère de la croissance. L’impact du (Robert GORDON, 2012).

124
Le modèle de Solow

2 Explication deviennent plus efficaces et permettent de


produire davantage. Alors qu’il est considéré
comme étant exogène au modèle de Solow,
d’autres économistes vont endogénéiser
Ce modèle repose sur deux équations fonda- le progrès technique en soutenant que son
mentales : apparition peut découler du fonctionnement
y = f (k) de l’économie. Pour Paul ROMER (1986), la
croissance à long terme découle des dépenses
C’est la fonction de production. Elle est privées (issues des profits des entreprises) en
représentée par la courbe « y = f (k) ». Cette faveur de la R&D qui stimulent l’accumulation
courbe croît de moins en moins rapidement du capital technologique et la productivité du
du fait de la productivité marginale décrois- capital. Robert LUCAS (1988) met, quant à lui,
sante : plus on accumule du capital (k), plus l’accent sur le rôle des dépenses publiques
on génère du PIB/tête (y) mais de moins en (issues des revenus de l’État) en faveur de
moins rapidement. La croissance est donc l’éducation qui stimulent l’accumulation du
nulle à long terme. capital humain et la productivité du travail.
k= sf (k) − (n + d )k
C’est la fonction d’accumulation de capi-
tal. Elle est représentée par les courbes « sf 3 Application
(k) » et « (n + d) k ». L’accumulation du capital
cesse lorsque les éléments diminuant le capi-
tal par tête (croissance de la population et Sur la période récente, le progrès technique
usure du capital : c’est la courbe « (n + d) k ») déclinerait, tirant vers le bas la croissance des
compensent parfaitement les éléments économies avancées. Les économies dévelop-
augmentant le capital par tête (épargne utili- pées seraient tombées dans la « stagnation
sée pour investir : c’est la courbe « sf(k) »). séculaire » que GORDON (2012) explique par
L’économie tend donc vers un niveau de capi- des facteurs liés au capital technologique :
tal inéluctable auquel elle restera et à partir les technologies les plus récentes (numé-
duquel sa croissance devient nulle. risation, robotique, biotechnologies…) ne
Dès lors, toute économie est vouée à permettraient pas des gains de productivité
atteindre un point où toute augmentation aussi élevés que les NTIC des années 1980, et
des facteurs de production n’engendre plus encore moins que ceux des révolutions indus-
d’augmentation de la production par tête. Ce trielles. D’autres explications insistent davan-
point est atteint lorsque la courbe « sf(k) » tage sur les facteurs liés au capital humain,
coupe la courbe « (n + d) k ». Il correspond à notamment sur le recul de la qualité de l’édu-
l’état stationnaire (k*), où chaque économie cation, mesurée dans les enquêtes PISA de
est censée converger à terme. l’OCDE.

Cependant, SOLOW constate que les taux de


croissance restent positifs dans de nombreux
pays. Il en conclut qu’il existe un autre facteur
de croissance : le progrès technique. En effet,
une fois l’état stationnaire atteint, l’écono-
mie suit un sentier de croissance équilibré
sur lequel le progrès technique, en amélio-
rant les techniques de production, génère des
gains de productivité favorables à la crois-
sance. En ce sens, les facteurs de production

125
La convergence conditionnelle
entre les pays

1 Présentation
Dans le modèle de Solow, le taux de crois- sentier d’équilibre ; il n’est donc pas question
sance du revenu par tête d’un pays dépend de convergence entre les pays. Cette implica-
du niveau où ce revenu se situe par rapport au tion du modèle de Solow est explicitée par le
sentier d’équilibre de long terme de l’écono- travail de Robert BARRO et de Xavier SALA-
mie : un pays enregistre un taux de croissance I-MARTIN (Economic Growth, 1995) qui met
par tête d’autant plus élevé qu’il est éloigné au jour que la convergence entre les pays est
de son sentier d’équilibre de long terme. La loin d’être automatique et se réalise seule-
convergence s’entend ici comme la conver- ment si les pays ont le même sentier d’équi-
gence de chaque économie vers son propre libre de long terme.

126
La convergence conditionnelle entre les pays

2 Explication 3 Application
Sur le graphique, seuls les pays A et B ont Les études empiriques de long terme confir-
le même sentier d’équilibre. Pour cela, il ment cette hypothèse de convergence condi-
faut qu’ils aient les mêmes caractéristiques tionnelle. Angus MADDISON (2001) montre
structurelles (taux d’investissement, taux de qu’entre l’an 1000 et 2000, le PIB mondial a
croissance démographique, niveau de la tech- été multiplié par 300. Le niveau de vie des pays
nologie…) puisque ce sont ces caractéristiques les plus riches est désormais 60 fois plus élevé
qui déterminent, selon le modèle de Solow, les que celui des Pays les Moins Avancés, alors que
sentiers d’équilibre de long terme. Dans ce l’écart était proche de 0 il y a mille ans.
cas, pour rejoindre le même sentier d’équi-
Cette analyse sera ensuite complétée par
libre, le pays le plus pauvre initialement (pays
la notion de « convergence en club » (Oded
B) croît plus vite que le pays riche (pays A) : il
GALOR, 1996) : les pays qui ont les mêmes
y a bien une convergence absolue au sens où
caractéristiques structurelles peuvent conver-
les niveaux de vie des deux pays tendent à se
ger à long terme seulement si leurs « condi-
rapprocher dans le temps.
tions initiales » sont similaires. Ces conditions
En revanche, si les pays n’ont pas les mêmes initiales concernent l’acquis des économies,
caractéristiques structurelles, leur sentier c’est-à-dire le capital humain et le capital
d’équilibre diffère. Dès lors, il se peut que la physique accumulés.
croissance du pays pauvre soit moins rapide
que celle du pays riche, si le pays pauvre est • Un pays à niveau d’éducation élevé sera
plus à même d’adapter les technologies
plus proche de son équilibre de long terme
modernes qu’un pays où ce niveau est insuf-
que le pays riche du sien (pays C et B). Ainsi,
fisant. Dans ce dernier pays, la technologie
il y a bien convergence au sens du modèle de
qui permettrait de rattraper la productivité
Solow : les pays convergent vers leur sentier
des pays plus riches en capital humain ne
d’équilibre de long terme d’autant plus vite
pourra pas être adoptée.
qu’ils en sont éloignés ; mais il n’y a pas de
convergence absolue (le PIB/habitant du pays • Un système bancaire faiblement développé
C ne converge pas à long terme vers celui des ne permettra pas aux entrepreneurs de
pays A et B). trouver les financements nécessaires pour
des investissements nouveaux. De même,
l’absence d’infrastructures appropriées ne
permettra pas d’absorber les innovations
technologiques. Dans ce dernier pays, le
déficit en capital physique est là aussi un
handicap pour accéder à un club de conver-
gence plus élevé.
Ainsi, il y aurait à la fois une convergence
absolue entre les pays d’un même groupe et
une non-convergence au niveau mondial. À cet
égard, les pays les plus riches de l’OCDE, les
pays en développement et les pays sous-dé-
veloppés constitueraient chacun un « club de
convergence » différent.

127
La courbe de Laffer de la dette

1 Présentation
La solvabilité représente le fait, pour un termes de solvabilité sont donnés par Paul
débiteur, d’avoir les moyens de payer ses KRUGMAN (Financing vs. Forgiving a Debt
créanciers. Cette approche, qui fonde la vision Overhang, 1988) au travers de la courbe de
des pays riches et des institutions financières Laffer de la dette qui décrit la relation entre
internationales, envisage un traitement de la l’encours de la dette d’un pays et sa capa-
dette dont le but est de permettre aux créan- cité de remboursement. Cette courbe en « U
ciers de récupérer la plus grande partie des inversé » révèle qu’il est parfois dans l’inté-
sommes prêtées, sachant que les crises d’en- rêt des créanciers d’accorder des réductions
dettement empêchent les pays débiteurs de de dette afin d’accroître la probabilité de
rembourser la totalité de leurs dettes. Les remboursement des débiteurs.
fondements théoriques de l’approche en

128
La courbe de Laffer de la dette

2 Explication jour, des montages de réduction de la dette


au titre de l’initiative PPTE ont été approu-
vées en faveur de trente-sept pays, assurant
un allégement de 76 Mds $.
Pour un faible niveau d’endettement, on
Toutefois, ces programmes de réduction de
anticipe le remboursement intégral de la
dettes se sont confrontés à certaines limites.
dette (partie gauche de la courbe). Le pays
est alors en phase de développement et attire • Toute réduction de dette implique un risque
les capitaux étrangers. Le risque de défaut de d’aléa moral (RAFFINOT et FERRY, 2016).
paiement est faible, puisque le rembourse- Les États qui ont bénéficié de ces réduc-
ment s’effectue en partie avec les nouveaux tions peuvent être amenés à davantage de
prêts extérieurs. laxisme, notamment s’ils anticipent qu’en
cas de nouvelle spirale de la dette, une
Cependant, à partir d’un certain niveau
annulation de dette leur sera à nouveau
d’endettement, la probabilité de défaut s’ac-
octroyée.
croît (partie droite de la courbe). La courbe
porte en elle la notion de fardeau de la dette • Pour bénéficier de ces programmes, les
(debt overhang) : dans le cas d’un encours de pays doivent suivre des plans d’ajustement
dette élevé, la perspective d’un accroissement structurel (PAS) reposant sur les préceptes
sensible de son service va amener les investis- du « consensus de Washington » (John
seurs à anticiper une hausse des impôts, qui WILLIAMSON, 1989), à savoir des mesures
tend à décourager l’investissement, et à affai- conjoncturelles (austérité budgétaire et
blir la croissance vue comme la capacité du monétaire) et structurelles (libéralisation,
pays à créer des richesses pour rembourser sa déréglementation, privatisation). Or, Éric
dette. Il est alors dans l’intérêt des créanciers BERR et François COMBARNOUS (2005) ont
de prévenir cet effet en accordant des réduc- démontré que ces politiques n’apportaient
tions de dette afin d’augmenter le montant pas de meilleurs résultats. L’application
espéré des remboursements. du consensus de Washington est même
allée de pair, parfois, avec une incapacité
à dégager des ressources pour rembour-
ser la dette – que ce soit via les mesures
3 Application conjoncturelles (les politiques d’austérité
ont diminué les dépenses publiques et affai-
bli de facto la croissance) ou structurelles
Cette approche par la solvabilité a servi (la libéralisation du commerce a abaissé
de fondement au plan Brady (1989) qui les droits de douane et, par conséquent, la
s’est traduit par une titrisation de la dette capacité des États à générer des recettes).
commerciale pour trente-neuf pays lourde-
ment endettés. Les créanciers pouvaient, en
effet, échanger leurs créances contre des
obligations (les « Brady Bonds ») à condition
qu’ils concèdent un abandon de 50 % de la
valeur nominale de ces créances. L’initiative
Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) – lancée
en 1996 par le FMI et la Banque Mondiale –
repose sur la même logique. Cette initiative a
pour ambition l’annulation d’une partie de la
dette extérieure des États éligibles dans le but
de leur redonner une certaine solvabilité. À ce

129
POUR ALLER
PLUS LOIN
Sujet CorrigÉ n° 1 : Faut-il craindre le retour de
la concentration industrielle ?
(ESH ESCP, 2020)
Analyse du sujet
Le sujet fait référence à la concentration industrielle qui est définie comme
le regroupement d’un certain nombre d’entreprises sur le marché de l’in-
dustrie au sens large et qui met à mal le critère d’atomicité de la concur-
rence pure et parfaite. Ce phénomène est ancien puisqu’il date de la fin du
xixe siècle avec les pratiques de concentration de Rockefeller pour asseoir
la domination de sa société de raffinage et de distribution de pétrole
­Standard Oil. Le niveau de concentration sur un marché peut être mesuré
avec l’indice Herfindahl-Hirschmann.
Les concentrations, qui se caractérisent principalement par des fusions-­
acquisitions, se multiplient à nouveau depuis une vingtaine d’années.
Elles peuvent être horizontales, verticales ou « conglomérales ». Dans le
contexte économique actuel, y a-t-il plus de risques à voir émerger des
industries de type monopolistique ou oligopolistique ? Sont-elles économi-
quement dangereuses pour le consommateur ou pour le bien-être global ?
Pour autant, ne sont-elles pas nécessaires pour améliorer la compétitivité
des États dans un contexte de concurrence internationale accrue ?

Plan détaillé :
1. Le retour de la concentration industrielle est à craindre sur le plan
empirique et théorique

A) Le retour de la concentration industrielle se confirme ces dernières


années et semble inéluctable
Thomas PHILIPPON (2019) montre un renforcement de la ­concentration
dans tous les secteurs d’activité (GAFAM, énergie, transport aérien,
secteur bancaire) depuis les années 2000 aux États-Unis. Le contexte
actuel est d’autant plus propice aux phénomènes de concentrations. Les
taux ­d’intérêt actuels bas profitent aux rachats d’entreprises à crédit grâce
à ­l’effet de levier et les récessions comme celles de l’après Covid favorisent
les fusions-acquisitions car beaucoup d’entreprises se retrouvent fragili-
sées avec une détérioration de leur bilan.
B) Sur le plan théorique, la concentration est un obstacle à la concurrence
et est donc néfaste pour le consommateur et pour le bien-être global
Sur le plan théorique, le but d’une concentration est de se rapprocher
d’une situation monopolistique dans laquelle le monopoleur serait Price
maker, c’est-à-dire libre de déterminer lui-même son prix sur un marché.
Cela peut être illustré par le graphique ci-dessous représentant l’équilibre
du monopole.

132
Le monopole vend ainsi une quantité Qm plus faible à un prix Pm supérieur à
une situation de concurrence pure et parfaite où la quantité optimale serait
QCPP et le prix optimal PCPP. Le coût marginal est considéré comme constant
et le prix de monopole (Pm) se déduit donc d’une quantité optimale (Qm) à
laquelle la recette marginale égalise le coût marginal. Dès lors, les deux
effets néfastes d’un monopole qui en découlent sont directement visibles
sur ce graphique :
• une inefficience du monopole avec une perte sèche pour la collectivité,
appelée aussi Triangle Harberger et représentée par le triangle bleu
foncé ;
• un transfert de richesse du consommateur vers le producteur.
En effet, le surplus du consommateur est diminué et capté par
le producteur qui génère désormais une « rente de monopole »
(rectangle vert).
Le monopole peut, ainsi, disposer d’un pouvoir de marché d’autant plus
élevé si les clients sont peu sensibles au prix. Par exemple, les entreprises
pharmaceutiques fournissant des médicaments, font face à une demande
peu élastique au prix notamment pour les maladies les plus rares. Le
traitement Daraprim, racheté par le groupe Turing, et indiqué en cas de
toxoplasmose – une maladie infectieuse parasitaire – a vu son prix en 2015
passer de 13,50 $ à 750 $ du jour au lendemain, ce qui fait plus de 5 000 %
d’augmentation.

133
Remarque : dans cette partie, on pouvait aussi mobiliser avec ­ parcimonie
d’autres graphiques comme le duopole de Cournot ou le modèle de
­Stackelberg pour montrer que d’autres structures de marchés au sein
desquelles les entreprises ont un pouvoir de marché élevé sont également
susceptibles d’avoir un impact négatif sur le consommateur.
2. Cependant, le retour de la concentration industrielle pourrait
s’accompagner d’effets positifs

A) Un marché concentré n’est pas forcément un problème en soi


Théoriquement, deux entreprises en duopole se faisant une guerre des prix
(duopole de Bertrand) suffisent pour que le prix du marché soit celui de la
concurrence pure et parfaite. BAUMOL, PANZAR et WILLIG dans Contes-
table Markets and the Theory of Industry Structure (1982), mettent au
jour que dès lors que le marché est contestable – c’est-à-dire caractérisé
par une libre entrée et sortie sur le marché et l’absence de coûts irrécupé-
rables –, les entreprises se comporteront comme si elles étaient en concur-
rence avec un prix égal à celui pratiqué dans un cadre de concurrence pure
et parfaite. La concurrence potentielle discipline ainsi le marché.
B) La concentration peut même générer des gains d’efficacité
WILLIAMSON (1968) soutient qu’une fusion-acquisition peut augmenter le
bien-être global grâce aux gains d’efficacité productive, même si elle réduit
la concurrence et conduit à une tarification supra concurrentielle due à la
hausse du pouvoir de marché.

134
Comme nous l’expose ce graphique des effets d’une fusion-acquisition
sur le bien-être global, avant la fusion, deux entreprises qui ont la même
structure de coût sont en situation concurrentielle et vendent une quantité
Q1 au prix P1, égal à leur coût marginal de production C1. Le profit qui en
découle est donc nul. Lorsque la fusion est réalisée, deux effets contradic-
toires se produisent :
• le coût marginal constant diminue de C1 à C2 grâce aux gains
d’efficacité ;
• la fusion réduit l’intensité concurrentielle sur le marché. Le prix
augmente de P1 à P2 tel que, d’une part, le nouveau coût marginal
C2 égalise la recette marginale et que, d’autre part, les quantités
produites diminuent de Q1 à Q2. L’augmentation du prix est d’autant
plus prononcée que les barrières à l’entrée et à la sortie sont élevées
et que le pouvoir de négociation des clients est faible. La perte sèche
résultant de l’augmentation de prix est représentée par l’aire D.
Le surplus des consommateurs se voit ainsi sacrifié de l’aire A + D.
Au contraire, les producteurs voient leur surplus augmenter d’un
montant égal à l’aire A + B, avec B représentant les gains en termes
de coûts réalisés pour les entreprises.
En additionnant les gains des producteurs avec les pertes des consomma-
teurs (soit : A + B – A − D), nous avons un résultat final égal à B − D. Ainsi,
si les gains d’efficacité productive réalisés par l’entreprise fusionnée (B)
sont supérieurs à la perte sèche des consommateurs (D), la fusion a un
effet positif sur le bien-être global, même si le consommateur est lésé. Le
gain peut être significatif en présence de synergies. Dans les industries
aux coûts fixes élevés, comme l’industrie automobile, les gains d’efficacité
productive sont les plus élevés et sont plus à même de générer un bien-être
global positif. Par exemple, la fusion actée début 2021 entre le groupe
PSA et Fiat Chrysler Automobile pour former Stellantis est extrêmement
prometteuse, avec 5 Mds € de synergies estimées par le groupe notam-
ment en matière de recherche et de développement ainsi qu’en partage de
moteurs et de plateformes.
3. La concentration industrielle pourrait dès lors servir les objectifs
économiques des États

A) La concentration industrielle est souhaitable dans un contexte de


concurrence internationale accrue
On peut dès lors se demander si les autorités de la concurrence euro-
péennes ne vont pas faciliter ces mouvements de fusion-acquisition,
comme Air France/KLM, afin de favoriser l’émergence de champions euro-
péens capables de rivaliser avec les grandes entreprises américaines ou
chinoises.
B) Si elle est trop préjudiciable, elle doit être accompagnée de politiques
de concurrence
Les concentrations industrielles doivent être encouragées lorsqu’elles
amènent des gains d’efficacité pour faire face à la concurrence mondiale,

135
mais doivent être combattues lorsqu’elles ont des effets négatifs sur les
consommateurs. Par exemple, le projet de fusion entre Alstom et Siemens
– qui aurait assuré au groupe un monopole dans certains secteurs de l’in-
dustrie ferroviaire préjudiciable pour le consommateur – a été avorté par
la commission européenne en 2019. La politique de la concurrence visant
à garantir un fonctionnement des marchés concurrentiels remplit donc un
double rôle préventif ex ante, avant la réalisation d’une possible fusion-­
acquisition, et punitif ex post pour contrôler les abus de position domi-
nante et les ententes. La politique de la concurrence doit aussi veiller à
prendre en considération le positionnement technologique des entreprises
afin que la concurrence ne devienne pas un frein à l’innovation. Une étude
empirique de Philippe AGHION, Nick BLOOM, Richard BLUNDELL, Rachel
GRIFFITH et Peter HOWITT (2005) a permis d’établir une relation en U
inversé entre le degré de concurrence (mesuré par l’indice de Lerner) et
l’incitation à innover (nombre de brevets déposés) à partir de données de
firmes britanniques. Lorsque l’intensité concurrentielle est trop faible ou
trop forte, les entreprises sont peu incitées à innover et donc la croissance
est bridée. Ainsi, il existe un degré optimal de concurrence qui maximiserait
les incitations à innover et donc la croissance économique.

136
Sujet corrigÉ n° 2 : Protection sociale
et croissance économique depuis
le xixe siècle
(ESH ECRICOME, 2019)
Analyse du sujet
Le sujet invitait à s’interroger sur le double lien de causalité entre la protection
sociale et la croissance économique. La protection sociale fait référence à l’en-
semble des dispositifs de prévoyance collective (prestations sociales, services
publics, assurances sociales) qui permettent aux individus ou aux ménages de
faire face financièrement aux conséquences des risques sociaux – comme le
chômage, la vieillesse, la maladie, l’exclusion sociale et le logement – dans une
logique de redistribution horizontale. Selon la définition de François PERROUX,
la croissance économique fait référence à l’augmentation soutenue pendant
une ou plusieurs périodes d’un indicateur de dimension, comme le PIB. Il était
également judicieux de se demander, d’abord, comment était assuré le finan-
cement de la protection sociale, puis qui en supportait les coûts. En France,
la protection sociale est principalement financée par les cotisations sociales
(53 %) et les impôts (30 %). Il était aussi possible de montrer en introduction la
diversité des modèles de protection sociale (bismarckienne et beveridgienne)
notamment grâce à la typologie de Gosta Esping ANDERSEN.
La protection sociale est-elle un frein pour la croissance économique ?

Plan détaillé
1. La croissance a favorisé la mise en place de la protection sociale
depuis la Révolution Industrielle

A) La mise en place, dès le xixe siècle, des politiques sociales pour pallier
l’affaiblissement des formes sociales traditionnelles de solidarité lié à
la croissance de la révolution industrielle
La fin de la solidarité mécanique, caractéristique de la société tradition-
nelle (Emile DURKHEIM, De la division du travail social,1893), entraîne assez
vite la nécessité de protéger les populations des risques sociaux, comme la
vieillesse ou la maladie, après la première révolution industrielle dans les
pays développés.
B) Lutter contre les récessions économiques appelle à la mise en place
d’une protection sociale, mais celle-ci est mise à mal dans les pays
développés dès les années 1980
La Banque mondiale a élevé la protection sociale au rang des instruments
principaux de stratégies de lutte contre la pauvreté ainsi qu’à celui d’amor-
tisseur lors de crises économiques ou sanitaires. Le cercle vertueux entre la
protection sociale et la croissance économique dès le début des années 70

137
est cependant mis à mal par la crise de l’État providence (Pierre ROSANVAL-
LON, 1981). La France fait face, par exemple, à une crise financière de son
modèle de protection sociale. En effet, l’État est confronté à une augmen-
tation importante des dépenses sociales liées à la récession. Dès les années
1980, le mode de financement de la sécurité pâtit ainsi d’une croissance
économique en berne associée à une multiplicité de crises (crise de 2008,
crise du Covid-19) fragilisant le système.
2. La protection sociale peut permettre de stabiliser la croissance
et de soutenir la croissance potentielle

A) Les stabilisateurs automatiques liés à la protection sociale permettent


de stabiliser les fluctuations économiques
Les stabilisateurs automatiques sont un mécanisme de régulation de l’acti­
vité économique qui, se produisant sans l’intervention de l’État, contri-
buent à diminuer l’ampleur des fluctuations économiques en cas de baisse
comme de hausse. Ainsi en cas de crise, la hausse des prestations sociales
permet aux ménages de faire financièrement face à une baisse de leur
revenu. Cette fonction est principalement assurée par les prestations
chômage mais aussi par les prestations liées au logement, à l’exclusion
sociale ou encore à la famille.
B) La protection sociale peut améliorer l’appariement sur le marché du
travail et favoriser la croissance potentielle
La protection sociale via les allocations-chômage permet aux chômeurs de
se donner les moyens de chercher un emploi plus stable et plus adapté à
leurs compétences, ce qui améliore l’appariement des facteurs de produc-
tion et augmente la productivité́ globale du travail, et in fine la croissance
économique. En 1944, l’économiste anglais William BEVERIDGE établit
pour la première fois, dans son ouvrage Full Employment in a Free Society,
une courbe représentant une relation inverse entre le taux de chômage
et le taux d’emplois vacants (offres d’emplois non satisfaites/population
active), qui aide à expliquer le processus d’appariement entre les emplois
vacants et les chômeurs.

138
Contrairement à l’effet initial contraire, des allocations-chômage raison-
nables et ciblées permettent de déplacer vers le bas la courbe U/V, se
traduisant par un meilleur appariement et donc par une baisse du chômage,
une hausse de la productivité et, par conséquent, par une stimulation de la
croissance économique. Dans le rapport de travail intitulé « What’s going
on behind the Euro area Beveridge curve ? » (2013), BONTHUIS, JARVIS et
VANHALA ont étudié les déplacements de la courbe de Beveridge de l’en-
semble de la zone euro à long terme. Selon ces économistes, la courbe
U/V s’est déplacée vers le haut depuis la crise financière de 2008. Cette
dégradation de l’appariement sur le marché du travail depuis la crise des
subprimes n’est cependant pas valable pour tous les pays : la courbe de
Beveridge de l’Allemagne s’est, par exemple, déplacée vers le bas grâce à
des réformes structurelles profondes, avec notamment une politique d’in-
demnisation du chômage associée à une flexibilisation du marché du travail.
3. Cependant, la protection sociale peut désinciter l’offre de travail
et alourdir les coûts de production limitant la croissance

A) La théorie du Job Search permet d’expliquer la désincitation de l’offre


du travail liée aux indemnités chômage
Dans Information in the Labor Market (1962), George STIGLER montre que
le chômage est causé par le choix rationnel, pour un individu, de réaliser
une activité de prospection pour trouver un emploi plutôt que de prendre le
premier qui se présente, dans le cadre d’un modèle de concurrence impar-
faite. Cependant, selon la théorie, le montant et la durée de l’allocation
pour les demandeurs d’emploi augmentent le chômage. L’indemnisation
joue donc un rôle dans l’explication du chômage selon STIGLER.

139
L’individu demeure au chômage tant que le bénéfice marginal d’un jour de
recherche supplémentaire, c’est-à-dire la probabilité de trouver un emploi
mieux rémunéré, est supérieur au coût marginal considéré comme un coût
d’opportunité, c’est-à-dire au salaire perçu s’il avait accepté le premier
emploi venu. Le bénéfice marginal est supposé décroissant en fonction de
la durée du chômage car les chances de trouver un travail mieux rémunéré
que le précédent diminuent avec le temps. Le coût marginal est, lui, supposé
constant car il se réfère au coût d’opportunité du premier emploi refusé.
Ainsi, l’intersection D1* du bénéfice et du coût marginal Cm1 détermine la
durée optimale du chômage pour l’offreur de travail. Or, l’indemnisation
chômage augmente la durée du chômage volontaire pour un individu à D2*
car elle diminue son coût marginal d’un jour de recherche supplémentaire
de Cm1 à Cm2. Dès lors, les allocations l’incitent à retarder son retour à l’em-
ploi en couvrant ses coûts de prospection (dépôts de candidature, dépla-
cements pour des entretiens).
B) La protection sociale alourdit les coûts de production des entreprises
Pour financer la protection sociale, il faut lever des recettes fiscales via les
prélèvements obligatoires ; les écarts de taux de prélèvements obligatoires
par rapport au PIB d’un pays à l’autre étant, en grande partie, dus aux
écarts de taux de prestations sociales. Néanmoins, une augmentation trop
élevée des prélèvements obligatoires peut alourdir le coût pour les entre-
prises et pénaliser la compétitivité-prix, mais peut aussi avoir un effet indé-
siré sur les recettes fiscales et pénaliser la croissance économique par une
réduction de l’offre de travail. La courbe de Laffer a été pour la première
fois mentionnée dans un article du journaliste américain Jude WANNISKI
(« Taxes, Revenues, and the Laffer Curve », 1978), établissant une courbe
en cloche en vue d’illustrer l’arbitrage entre les recettes fiscales et le
taux d’imposition. Il existerait ainsi un certain taux d’imposition maximi-
sant les recettes fiscales.

140
En effet, Arthur LAFFER fait reposer la construction de sa courbe sur l’hy-
pothèse de la rationalité des agents économiques à travers :

• l’effet revenu. Lorsque le taux d’imposition augmente, les agents écono-


miques sont incités à travailler plus pour compenser la perte de leur
revenu avec cette hausse fiscale ;

• l’effet substitution. Lorsque le taux d’imposition dépasse un certain


niveau t*, les agents économiques sont incités à moins travailler et,
ainsi, à substituer du loisir au travail.
À partir du taux optimal t*, l’effet de substitution l’emporte sur l’effet
revenu. La charge fiscale décourage le travail, engendrant in fine une
baisse des recettes fiscales. Les agents économiques sont aussi incités à
faire de l’optimisation fiscale voire de l’évasion fiscale, quand les entrepre-
neurs sont incités à délocaliser leur activité eu égard aux risques financiers
encourus. Ainsi, le risque de fuite de capitaux vers des territoires où le coût
de financement de la protection sociale est faible est bien présent dans une
économie mondialisée.

141
Sujet corrigÉ n° 3 : La mondialisation peut-elle
expliquer les mauvaises
performances économiques
et sociales des pays ?
(ESH ESCP, 2016)

Analyse du sujet
Le sujet fait notamment référence à la mondialisation commerciale, carac-
térisée par l’ouverture aux échanges internationaux. Elle met aujourd’hui en
compétition les économies nationales, les firmes et les travailleurs (Pierre-
Noël GIRAUD). La mondialisation financière est aussi pertinente dès lors
que les mouvements internationaux de capitaux ont la capacité de désta-
biliser des économies et des sociétés. En termes de performances sociales,
on peut parler des inégalités, d’intégration et de paix. En termes de perfor-
mances économiques, on peut parler de croissance, de compétitivité, d’in-
novation, d’emploi… La mondialisation est-elle forcément néfaste ? Les
mauvaises performances des pays développés sont-elles uniquement dues
à la mondialisation ? Avant d’incriminer la mondialisation en tant que telle,
il faut analyser les choix de politiques qui ont été faits ainsi que la manière
dont cette mondialisation est organisée. En définitive, ce qui compte, ce
n’est pas tant la mondialisation mais ce qu’on en fait.

Plan détaillé
1. Depuis les années 1980, dans les pays développés à économie
de marché (PDEM), on reproche de plus en plus à la mondialisation
les mauvaises performances économiques et sociales

A) La mondialisation a accru les inégalités au sein des pays développés


Depuis les années 1980, la mondialisation détériore la situation des
travailleurs des pays développés : on assiste à une montée du chômage,
une explosion des inégalités (PIKETTY), une pauvreté persistante et à une
désindustrialisation (illustrée par la courbe du sourire).

142
La courbe de l’éléphant de Branko MILANOVIC (Global Income Distribu-
tion: From the Fall of the Berlin Wall to the Great Recession, 2013) met en
évidence les gagnants et les perdants de la mondialisation. Ce graphique
décrit l’évolution du revenu réel de chaque fractile des revenus mondiaux
(des 5 % les plus pauvres aux 1 % les plus riches) entre 1988 et 2008, c’est-
à-dire quand la mondialisation a décollé, et montre notamment le déclin des
classes moyennes et populaires des PDEM. Ces revenus, situés entre le 80e et
le 90e percentile (le bas de la trompe de l’éléphant) ont progressé moins vite
que le revenu global. Ces populations se sont donc relativement appauvries,
contrairement aux classes moyennes des économies émergentes (+ 75 % de
revenus) et aux 1 % les plus riches (+ 65 %). Les inégalités internes ont donc
été accentuées par la mondialisation (déclin des classes moyennes et popu-
laires vs montée d’une élite mondiale dans les pays développés), à la diffé-
rence des inégalités interpays qui ont diminué (avec l’enrichissement des
économies émergentes). La mise en concurrence accrue des travailleurs pas
– ou peu – qualifiés des pays développés avec les travailleurs des pays émer-
gents aurait donc déclassé les premiers au profit du rattrapage des seconds.
B) La mondialisation financière a rendu les économies nationales sujettes
à des crises financières
La globalisation financière et l’internationalisation de la spéculation ont
rendu les économies nationales instables en favorisant l’apparition des
bulles spéculatives et en accélérant les crises financières (Mexique en
1982 puis 1994, Asie du Sud-Est en 1998, éclatement de la bulle Internet
en 2000-2001, crise des subprimes en 2008). Ces crises, en se transmet-
tant à l’économie réelle (par exemple via les mécanismes de credit crunch),
handicapent alors la croissance économique des pays.

143
C) Les appels au protectionnisme semblent dès lors légitimes
Le protectionnisme permet d’augmenter les rentrées fiscales de l’État et
rend la relance possible (on peut rappeler que le modèle IS-LM fonctionne
surtout en économie fermée, quand le modèle IS-LM-BP montre que la
relance budgétaire devient inefficace en économie ouverte).
2. Néanmoins, la mondialisation peut aussi apparaître
comme une opportunité : sa « culpabilité » n’est pas avérée

A) La mondialisation semble avoir été l’un des moteurs de la croissance


des pays depuis la seconde moitié du xxe siècle
La mondialisation est une chance pour la croissance : on a cette intuition
chez SMITH et RICARDO. L’élimination des barrières douanières, sources de
distorsions de production et de consommation (on peut rappeler les effets
négatifs des droits de douane en termes de surplus), est censée accroître
le revenu réel des pays. Avec SACHS et WARNER (1995), on peut également
rappeler que l’ouverture à la mondialisation a été un élément essentiel
de la croissance : tous les pays ouverts ont connu, sur la période 1970-
1995, une croissance supérieure à celle des pays fermés. Dans la catégo-
rie des pays émergents, l’écart est même spectaculaire puisque les pays
« ouverts » ont connu une croissance moyenne de 4,5 % par an, contre
seulement 0,7 % par an en moyenne pour les pays « fermés ». C’est ce qui
justifie le chemin vers une plus grande mondialisation qui a été emprunté
depuis 1947 (GATT, accord de Marrakech puis OMC…).
B) La mondialisation a participé au rattrapage des économies
en développement
L’insertion dans la mondialisation peut être couronnée de succès : Les PED
qui ont pris part à la mondialisation semblent avoir de meilleures perfor-
mances économiques et sociales que les autres.

144
Le modèle de croissance en vol d’oies sauvages, élaboré par Kaname
AKAMATSU (Trend of Japanese Trade in Woollen Goods, 1935), illustre
le processus de développement industriel d’un pays en voie de dévelop-
pement grâce à son insertion dans les échanges internationaux. Un pays
commence par importer un produit manufacturé (1), avant de le produire
lui-même (2), puis de l’exporter (3). Il finit par l’abandonner (4) et recom-
mence ce processus avec un autre produit à plus haute valeur ajoutée. C’est
sur ce modèle que les « dragons » d’Asie (Singapour, Corée du Sud, Hong
Kong, Taïwan) ont entamé leur industrialisation dans les années 1960. Leur
revenu par tête a été multiplié par six en l’espace de trois décennies (de
1960 à 1990) et, à leur tour, ils sont entrés dans le club des pays à revenu
élevé.
C) D’autres facteurs expliquent les mauvaises performances des pays
développés
Hormis la mondialisation et l’ouverture aux échanges, il existe d’autres
explications aux performances économiques et sociales décevantes des
PDEM ; par exemple, le ralentissement des gains de productivité et la
tertiarisation des économies en Europe depuis la fin des Trente Glorieuses.
3. Ce n’est pas tant la mondialisation qui est en cause que les stratégies
nationales et l’action de la gouvernance internationale. Dès lors,
le meilleur moyen d’assurer de bonnes performances économiques
et sociales est peut-être de penser la mondialisation à l’échelle
régionale

A) Mener des réformes courageuses permet de tirer profit


de la mondialisation
Il s’agit pour la France de développer la compétitivité (BPI, French Tech,
pôles de compétitivité) et d’adapter les modèles sociaux pour plus de flexi-
bilité afin de tirer profit de la mondialisation.
B) La gouvernance internationale trouve ses limites
La gouvernance internationale est trop lourde et complexe (cf. cycle de
Doha). On peut reprocher aux institutions et organisations internationales
(OMC, FMI) d’être trop libérales et dogmatiques (STIGLITZ, La Grande Désil-
lusion, 2002).
C) La bonne échelle pour rendre la mondialisation performante est peut-
être alors l’union régionale
L’une des formes les plus poussées de ce type d’organisation, l’union
économique et monétaire, amplifie la libéralisation des échanges au sein
de la zone avec la baisse des coûts de transaction (via la suppression du
risque de change) et l’impossibilité de dévaluer sa monnaie (assimilable à
du protectionnisme puisque la dévaluation renchérit le coût des importa-
tions).

145
L’optimalité d’une telle zone (Robert MUNDELL, A Theory of Optimum
Currency Areas, 1961) nécessitera toutefois un degré d’intégration écono-
mique important entre ses membres, impliquant des structures écono-
miques similaires (économies diversifiées, ouvertes entre elles…), et des
mécanismes d’ajustement en cas de crises (mobilité du travail, transferts
fiscaux). La question d’une Europe sociale ou d’une Europe budgétaire se
pose alors pour compléter cette Europe commerciale et la mettre au service
des performances économiques et sociales.

146
Sujet corrigÉ n° 4 : Le capitalisme est-il soutenable ?
(ESH HEC, 2020)

Analyse du sujet
Le concept de « capitalisme » est central en économie. On peut le définir
comme un mode de production qui s’appuie sur la propriété privée des
moyens de production (MARX), l’accumulation du capital et la recherche de
profit (WEBER). On peut aussi faire référence au « capitalisme financier »,
un sous-élément du capitalisme, où le profit est basé sur des produits
financiers, des ventes ou achats d’actions, et de la spéculation. Le second
terme « soutenable » renvoie à la durabilité d’un phénomène. En d’autres
termes, le capitalisme peut-il continuer d’exister ? Il faut alors s’interroger
sur les phénomènes qui pourraient le menacer et finalement le remettre
en cause. Outre les problématiques environnementales, il convient ici de
penser à la « stagnation séculaire » et à la financiarisation de l’économie.
Toutefois, malgré les crises auxquelles le capitalisme fait face, force est de
constater qu’il continue de perdurer dans le temps. Il conviendra alors de
s’interroger sur les mesures à mettre en place pour s’assurer définitive-
ment de sa soutenabilité.

Plan détaillé
1. Dès l’origine de l’économie politique, les économistes s’interrogent
sur la soutenabilité du capitalisme ; le capitalisme actuel semble
toujours menacé...

A) Une croissance vouée à disparaître


Très tôt, les économistes classiques indiquent que le capitalisme est toujours
menacé, en particulier par les crises économiques, par une épargne insuffi-
sante, ou par une croissance démographique trop importante (MALTHUS).
La croissance économique serait même vouée à disparaître à long terme,
une fois que les économies auront atteint leur « état stationnaire ».
À cet égard, le modèle de croissance de Robert SOLOW (A Contribution
to the Theory of Economic Growth, 1956) offre une clé d’analyse de la
faiblesse de la croissance économique de long terme. En raison de la
productivité marginale décroissante du capital, la fonction de production
(y = f(k)) croît de moins en moins vite. Dès lors, toute économie est vouée
à atteindre un point à partir duquel toute augmentation des facteurs de
production n’engendre plus d’augmentation de la production par tête.
Ce point est atteint lorsque l’épargne (soit la courbe « sf(k) ») compense
parfaitement la croissance de la population et l’usure du capital (soit la
courbe « (n +d)k »). Il correspond à l’état stationnaire (k*), où chaque
économie est censée converger à terme. Un essoufflement des gains de
productivité menacerait donc directement le capitalisme.

147
B) Un capitalisme actuel toujours aussi menacé
Le capitalisme actuel semble toujours aussi menacé : la faiblesse de la
croissance des pays développés depuis la crise de 2008 fait dire à certains,
comme GORDON (2012), que les économies développées sont tombées
dans la « stagnation séculaire ». En effet, les innovations d’aujourd’hui
(numérisation, robotique, biotechnologies…) sont beaucoup moins produc-
tives que celles du passé (machine à vapeur ou électricité), si bien que la
productivité globale des facteurs a tendance à se réduire à long terme.
Par ailleurs, le capitalisme détruit le capital naturel : les problématiques
environnementales peuvent aussi remettre en cause la durabilité du capi-
talisme (on peut exposer ici le dilemme du prisonnier appliqué à la tragé-
die des communs). Enfin, les crises financières (crises bancaires, crises des
marchés financiers et leurs transmissions à l’économie réelle), de plus en
plus récurrentes et importantes, conduisent à une baisse de la croissance
économique et menacent le capitalisme actuel.

148
2. pour autant, force est de constater que, jusqu’à présent,
le capitalisme s’est toujours révélé suffisamment puissant
pour continuer d’exister...

A) Les cycles de Kondratieff attestent d’un capitalisme


en renouvellement permanent
Toutes les prévisions « catastrophistes » qui évoquaient une fin du capita-
lisme se sont toujours révélées nulles et non avenues. Par exemple, l’ap-
proche marxiste a été contredite par les faits. Les cycles de Kondratieff
illustrent d’ailleurs une vision cyclique d’un capitalisme en renouvellement
permanent, où le système génère lui-même les conditions de la reprise.

Mis en évidence dès 1925 par Nikolaï KONDRATIEFF dans son ouvrage The
Major Economic Cycles, chaque cycle présente une phase ascendante (de 20
à 25 ans) et une phase descendante (de 20 à 25 ans également). ­KONDRATIEFF
présente, en effet, le système économique comme caractérisé par un enchaî-
nement de périodes longues, se décomposant en deux phases presque
égales, l’une de forte croissance, de plein-emploi et de légère inflation ;
l’autre de stagnation, de chômage et de déflation. Ces cycles seront par la
suite interprétés comme des cycles de productivité (SCHUMPETER, 1939) : la
phase d’expansion correspond à la période de diffusion des nouvelles inno-
vations. Une fois que le système productif en a épuisé les potentialités, la
productivité et la production stagnent. La phase de difficultés économiques
suscite alors l’imagination de nouveaux entrepreneurs faisant apparaître
de nouvelles innovations. SCHUMPETER (1942) appellera cette période de
transition entre deux cycles la « destruction créatrice » : les entreprises les
moins performantes font faillite, de nouvelles entreprises plus productives
les remplacent. Les périodes de crise économique, inhérentes au capitalisme,
sont propices aux transformations du tissu productif et préparent ainsi les
conditions nécessaires à de nouvelles phases d’expansion. Plusieurs cycles
peuvent être identifiés depuis les débuts de la révolution industrielle : 1800-
1850, 1850-1900, 1900-1950, 1950-1990, 1990-2020. À chaque cycle
149
correspond son progrès technique : la machine à vapeur et l’industrie textile
pour le 1er ; l’acier et le chemin de fer pour le 2e ; l’électricité, la chimie et
l’automobile pour le 3e ; la pétrochimie et l’aéronautique pour le 4e ; les tech-
nologies de l’information et de la communication pour le 5e.
B) Le capitalisme peut compter sur des mécanismes de croissance
économique cumulative et auto-entretenue qui éloignent
la perspective d’une « stagnation séculaire »
Les théories de la croissance endogène démontrent que le progrès tech-
nique découle du fonctionnement de l’économie et s’insère dans un
modèle de croissance auto-entretenue, dans lequel l’État a un rôle à jouer
(LUCAS). Les tenants de la soutenabilité faible considèrent d’ailleurs que
le capitalisme est capable de résoudre les problématiques écologiques par
le biais du progrès technique. Il serait possible de substituer au capital
naturel le capital technologique, rendant le capitalisme soutenable. Dans
cette perspective, la croissance économique n’est plus le problème mais
la solution : elle permet de financer la recherche et le développement. La
référence à la « courbe de Kuznets environnementale » apparaît ici incon-
tournable (GROSSMAN et KRUEGER, 1995).
3. mais un certain nombre de mesures doivent tout de même être
mises en place pour s’assurer définitivement de la soutenabilité
du capitalisme.

A) Des mesures sont mises en place pour favoriser le développement


durable et la transition écologique
On peut ici faire référence à de nombreux outils : subventions à l’innova-
tion verte, réglementation écologique, marchés des droits à polluer, taxe
pigouvienne…

150
Arthur Cecil PIGOU (The Economics of Welfare, 1920) préconise la réintroduction du
coût marginal social associé à la pollution dans le système de prix, via une taxe prélevée
par l’État. L’objectif de la taxe pigouvienne est alors d’internaliser les coûts sociaux liés
aux externalités négatives. Ce type de fiscalité appliqué sur ces externalités négatives
va élever la droite du coût marginal, engendrant une baisse des quantités produites de
Q0 à Q1 avec un prix P′1 + t (avec t représentant la taxe écologique) égal à P1 plus élevé.
La taxe environnementale peut alors apporter un dividende environnemental en amélio-
rant la qualité de l’environnement, permis par l’effet incitatif de cette taxe sur les acti-
vités polluantes. Pionnière dans la fiscalité verte, la Suède a eu d’excellents résultats
dès 1991, date de la création d’une taxe sur le CO2 ; puis entre 2001 et 2007, période
marquée par le programme Green Tax Shift relevant sa taxe carbone.
B) Les régulations micro et macro-prudentielles visent à réduire les risques qui
entourent le capitalisme financier
La régulation micro-prudentielle (comme les ratios de solvabilité type ratio Cooke et
McDonough) s’est révélée insuffisante pour prévenir la crise de 2007-2008. Elle a donc
été renforcée et doublée d’une régulation macro-prudentielle (stress tests par exemple).
Dans cette perspective, les banques centrales se voient dotées d’une nouvelle mission
de supervision financière.

151
TABLEAUX ANNALES
La courbe du sourire��������������������������������������������������������������������������������74
La courbe de l’éléphant��������������������������������������������������������������������������� 82
2022 : L’ouverture commerciale Le modèle IS-LM-BP�������������������������������������������������������������������������������104
est-elle toujours facteur de prospérité Les effets des droits de douane en termes de bien-être��������������������������� 94
économique et sociale ? La croissance en vol d’oies sauvages�������������������������������������������������������72
La relation en U inversé entre concurrence et innovation������������������������� 58
Les effets sur la demande d’une baisse de prix liée à la concurrence������ 56

Les cycles de Kondratieff����������������������������������������������������������������������� 122


2021 : Toute destruction est-elle créatrice ? Le dilemme du prisonnier appliqué à la tragédie des communs���������������� 62
La courbe de Kuznets environnementale������������������������������������������������� 86

Le modèle de Solow������������������������������������������������������������������������������� 124


Le dilemme du prisonnier appliqué à la tragédie des communs���������������� 62
2020 : Le capitalisme est-il soutenable ? Les cycles de Kondratieff����������������������������������������������������������������������� 122
La courbe de Kuznets environnementale������������������������������������������������� 86
La taxe pigouvienne�������������������������������������������������������������������������������� 64

L’optimum de Pareto���������������������������������������������������������������������������������14
2019 : Performances économiques
L’équilibre général appliqué à la boîte d’Edgeworth����������������������������������16
et justice sociale
La courbe de Kuznets������������������������������������������������������������������������������ 80

2018 : Peut-on affirmer comme Paul Michael Le modèle de Solow������������������������������������������������������������������������������� 124


Romer en 1986 que « Les taux de croissance La convergence conditionnelle entre les pays����������������������������������������126
semblent être croissants non seulement en La croissance en vol d’oies sauvages�������������������������������������������������������72
fonction du temps mais aussi en fonction du Les asymétries d’information sur le marché du crédit������������������������������ 60
degré de développement ? »

2017 : L’entreprise (depuis le xixe siècle) L’optimum du producteur en concurrence pure et parfaite������������������������12
peut-elle se passer de l’entrepreneur ? Les cycles de Kondratieff����������������������������������������������������������������������� 122

La courbe de Phillips keynésienne���������������������������������������������������������� 118


La courbe de Phillips néoclassique���������������������������������������������������������120
2016 : Les États ont-ils encore à arbitrer
La trappe à liquidité������������������������������������������������������������������������������� 116
entre le chômage et l’inflation ?
Le modèle OG-DG�����������������������������������������������������������������������������������108
Le modèle WS-PS���������������������������������������������������������������������������������� 112

La croissance en vol d’oies sauvages�������������������������������������������������������72


La taxe pigouvienne�������������������������������������������������������������������������������� 64
2015 : Institutions et développement
Le dilemme du prisonnier appliqué à la tragédie des communs���������������� 62
depuis le début du xixe siècle
La tarification du monopole naturel��������������������������������������������������������� 40
Les asymétries d’information sur le marché du crédit������������������������������ 60

152
BIBLIOGRAPHIE

GRAPHES MICRO

1. L’équilibre du consommateur, l’effet substitution et l’effet revenu


SLUTSKY Eugen, « Sur la théorie du budget du consommateur », Journal des Économistes (paru en italien), 1915

2. Le cycle de vie de Modigliani


ANDO Albert et MODIGLIANI Franco, “The Life Cycle Hypothesis of Saving: Aggregate Implications and Tests”,
American Economic Review, 1963

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SCHILLER Robert, Irrational Exuberance, Princeton University Press, 2000

3. L’optimum du producteur en concurrence pure et parfaite


GÉNÉREUX Jacques, Économie Politique, volume 2, Hachette, 2014

KNIGHT Frank, Risk, Uncertainty and Profit, 1921

4. L’optimum de Pareto
A. SAMUELSON Paul, Les fondements de l’analyse économique, Dunod, 1947

BERGSON Abram, “A Reformulation of Certains Aspects of Welfare Economics”, Quarterly Journal of Economics,
1938

GÉNÉREUX Jacques, Économie Politique, volume 2, Hachette, 2014

PARETO Vilfredo, Manuel d’économie politique, Hachette, 1906

5. L’équilibre général appliqué à la boîte d’Edgeworth


ARROW Kenneth J., An extension of the basic theorems of classical welfare economics, 1951

WALRAS Léon, Éléments d’économie politique pure, 1874

6. Les effets d’un prix plafond


COMBE Emmanuel, Précis d’Économie, Puf, 1996

153
7. Les effets d’un prix plancher
COMBE Emmanuel, Précis d’Économie, Puf, 1996

8. Le modèle CobWeb
EZEKIEL Mordecai, “The CobWeb Theorem”, The quarterly journal of economics, 1938

TAMARI Ben, “Cycles, Prices and Quantities In the Israël Housing Market- Cobweb Model”, Economics Quarterly, 1981

9. La courbe d’offre de travail individuelle


BLUNDELL Richard, DUNCAN Alan, MEGHIR Costas, “Taxation in Empirical Labour Supply Models: Lone Mothers in
the UK”, The economic journal, 1992

HANOCH Giora, “The ‘Backward Bending’ supply of labor”, Journal of Political Economy, 1965

10. L’effet du salaire minimum sur le marché du travail


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CARD David, KRUEGER Alan, “Minimum Wages and Employment: A Case Study of the Fast-Food Industry in New
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MACHIN Stephen, MANNING Alan, “The Structure of Wages in What should Be a competitive Labour Market“,
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RUEFF Jacques, « L’assurance chômage, cause du chômage permanent », Revue d’Économie Politique, 1931

11. Le rôle de l’indemnisation dans l’explication du chômage


LALIVE Rafael, “How do extended benefits affect unemployment duration? A regression discontinuity approach”,
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LALIVE Rafael, OURS (van) Jan, ZWEIMULLER Josef, “How changes in financial incentives affect the duration of
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LAYARD Richard, NICKELL Stephen, JACKMAN Richard, Unemployment: Macroeconomic Performance and the
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STIGLER George, “Information in the Labor Market”, Journal of Political Economy, 1962

12. La courbe de Beveridge


BEVERIDGE William, Full Employment in a Free Society, Allen & Unwin, 1944

BONTHUIS Boele, JARVIS Valerie, VANHALA Juuso, “What’s going on behind the Euro area Beveridge curve”,
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BOVA Elva, JALLES Joao Tovar, KOLERUS Christina, “Shifting the Beveridge Curve: What affects labor market
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13. La courbe de Laffer


AFTALION Florin, L’économie de l’offre se porte bien, Liberté-chérie, 2016

WANNISKI Jude, “Taxes, Revenues, and the Laffer Curve”, The Public Interest, 1978

ZUCMAN Gabriel, La richesse cachée des nations – Enquête sur les paradis fiscaux, Éditions du Seuil, 2013

154
14. L’équilibre du monopole
COMBE Emmanuel, Précis d’Économie, Puf, 1996

COURNOT Augustin, Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses, Hachette, 1838

15. La tarification du monopole naturel


BOITEUX Marcel, « Sur la gestion des monopoles publics astreints à l’équilibre budgétaire », Économetrica, 1956

HOTELLING Harold, “The General Welfare in Relation to Problems of Taxation and of Railway and Utility Rates”,
Économetrica, 1938

WALRAS Léon, L’État et les chemins de fer, 1875

16. Le duopole de Cournot


COURNOT Augustin, Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses, 1838

17. Le duopole de Bertrand


BERTRAND Joseph, « Revue de la Théorie mathématique de la richesse sociale de WALRAS et des Recherches sur les
principes mathématiques de la théorie des richesses de COURNOT », Journal des Savants, 1883

18. Le modèle de Stackelberg


STACKELBERG (von) Heinrich, Structures de marché et équilibre, 1934

19. L’instabilité d’un cartel


COMBE Emmanuel, « Les cartels contre le pouvoir d’achat », « La chronique d’Emmanuel Combe », Les Echos, 2022

GÉNÉREUX Jacques, Économie Politique, volume 2, Hachette, 2014

20. Les effets d’une fusion-acquisition sur le bien-être global


COMBE Emmanuel, La concurrence, Puf, 2021

PHILIPPON Thomas, The Great Reversal: How America gave up on free markets, Harvard University Press, 2019

WILLIAMSON Oliver, “Economies as an Antitrust Defense: The Welfare Tradeoffs”, The American Economic Review,
1968

21. Les effets sur la demande d’une baisse de prix liée à la concurrence
COMBE Emmanuel, La concurrence, Puf, 2021

JARAVEL Xavier, SAGER Erick, “What are the Price Effects of Trade? Evidence from the U.S. And Implications for
Quantitative Trade Models”, Centre for Economic Performance LSE, 2019

22. La relation en U inversé entre concurrence et innovation


AGHION Philippe, BLOOM Nick, BLUNDELL Richard, GRIFFITH Rachel, HOWITT Peter, “Competition and Innovation:
an Inverted-U Relationship”, The Quarterly Journal of Economics, 2005

AGHION Philippe, BLUNDELL Richard, GRIFFITH Rachel, HOWITT Peter, PRANTL Susanne, “The Effects of Entry on
Incumbent Innovation and Productivity”, The Review of Economics and Statistics, 2009

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BOS Jaap, KOLARI James, VAN LAMOEN Ryan, “Competition and Innovation: Evidence from financial Services”,
Working Papers from Utrecht School of Economics, 2009

BUCCIROSSI Paolo et al., “Competition Policy and Productivity Growth: An Empirical Assessment”, The Review of
Economics and Statistics, 2011

23. Les asymétries d’information sur le marché du crédit


STIGLITZ Joseph E. et WEISS Andrew, “Credit Rationing in Markets with Imperfect Information”, The American
Economic Review, 1981

24. Le dilemme du prisonnier appliqué à la tragédie des communs


HARDIN Garrett, “The tragedy of the commons”, Science, 1968

OSTROM Elinor, Governing the Commons: the evolution of institutions for collective action, Cambridge University
Press, 1990

25. La taxe pigouvienne


COASE Ronald, “The Problem of Social Cost”, Journal of Law and Economics, 1960

PIGOU Arthur Cecil, The economics of welfare, Macmillan and Co, 1920

GRAPHES MACRO

26. La courbe en J
LERNER Abba, The Economics of Control, The Macmillan, 1944

MARSHALL Alfred, “Money, Credit and Commerce”, The Economic Journal, 1923

27. L’effet d’hystérèse de la balance commerciale


BALDWIN Richard, “Hysteresis in Trade”, MIT mimeo prepared for 1986 NBER Summer Institute, Empirical Econo-
mics, 1986

28. La croissance en vol d’oies sauvages


AKAMATSU Kaname, Trend of Japanese Trade in Woollen Goods, Shogyo Keizai Ronso, 1935

29. La courbe du sourire


SHIH Stan, Empowering technology – making your life easier, Acer’s Report, 1992

30. Le triangle d’incompatibilité


MUNDELL Robert, “Capital mobility and stabilization policy under fixed and flexible exchange rates”, The Canadian
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REY Hélène, “Dilemma not Trilemma: The Global Financial Cycle and Monetary Policy Independence”, Federal
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SOBRUN Jhuvesh et TURNER Philip, “Low Long-Term Interest Rates as a Global Phenomenon”, BIS Working Paper,
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31. La zone monétaire optimale


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32. La courbe de Kuznets


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PIKETTY Thomas, “The Kuznets’ curve, yesterday and tomorrow”, Understanding poverty, Oxford university press,
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STIGLITZ Joseph, The Price of Inequality, W.W. Norton & Company, 2012

33. La courbe de l’éléphant


MILANOVIC Branko, Global Income Distribution: From the Fall of the Berlin Wall to the Great Recession, Oxford
University Press, 2013

34. La trappe malthusienne


BOSERUP Ester, The Conditions of Agricultural Growth: The Economics of Agrarian Change under Population Pres-
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MALTHUS Thomas, An Essay on the Principle of Population, J. Johnson, 1798

35. La courbe de Kuznets environnementale


ARROW Kenneth, “Economic Growth, Carrying Capacity, and the Environment”, Ecological Applications, vol. 6,
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GROSSMAN Gene et KRUEGER Alan, “Economic Growth and the Environment”, The Quarterly Journal of Economics,
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36. Le modèle de Dornbusch


DORNBUSCH Rudiger, “Expectations and Exchange Rate Dynamics”, The Journal of Political Economy, 1976

37. La crise de change de 1re génération


FLOOD Robert et GARBER Peter, “Collapsing exchange-rate regimes: Some linear examples”, Journal of Internatio-
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38. La bulle spéculative
BERNANKE Ben, GERTLER Mark, GILCHRIST Simon, “The Financial Accelerator and the Flight to Quality”, The Review
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39. Les effets des droits de douane en termes de bien-être


BOUËT Antoine, « Commentaire sur l’article “Niveau et coût du protectionnisme européen” de Patrick A. Messer-
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40. Les effets d’une union douanière en termes de bien-être


ACHARYA Rohini, CRAWFORD Jo-Ann, MALISZEWSKA Maryla, RENARD Christelle, « Landscape », Preferential Trade
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BALASSA Bela, “Trade Creation and Diversion in the European Common Market: An Appraisal of the Evidence”, The
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41. Le modèle IS-LM


HICKS John, “Mr Keynes and the ‘Classics’ : A Suggested Interpretation”, Econometrica, 1937

42. Le modèle IS-LM-BP


FLEMING Marcus, “Domestic financial policies under fixed and floating exchange rates”, IMF Staff Papers, 1962

MUNDELL Robert, “Capital mobility and stabilization policy under fixed and flexible exchange rates”, The Canadian
Journal of Economics and Political Science, 1963

43. Le modèle OG-DG


KEYNES John Maynard, The General Theory of Employment, Interest and Money, Cambridge University Press, 1936

44. Le modèle WS-PS


ALLAIS Maurice, La mondialisation : la destruction des emplois et de la croissance : l’évidence empirique, Editions
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KEEN Steve, Can We Avoid Another Financial Crisis?, Editions Polity, 2017

LAYARD Richard, NICKELL Stephen, et JACKMAN Richard, Unemployment: Macroeconomic Performance and the
Labour Market, Oxford University Press, 1991

SISMONDI (de) Jean, Nouveaux principes d’économie politique, ou de la richesse dans ses rapports avec la popula-
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45. La trappe à liquidité


CARNEY Mark, “Central banks running low on ways to fight recession, warns Mark Carney”, Financial Times, 2020

KEYNES John Maynard, The General Theory of Employment, Interest and Money, Cambridge University Press, 1936

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46. La courbe de Phillips
FRIEDMAN Milton, “The Role of Monetary Policy”, American Economic Review, 1968

PHILLIPS Alban William, “The Relationship between Unemployment and the Rate of Change of Money Wage Rates
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47. Le cycle de Kondratieff


DUPRAT Marie-Hélène, « COVID-19, quand Keynes rencontre Schumpeter », L’Économie pour tous, Société Géné-
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KONDRATIEFF Nikolaï, “The Major Economic Cycles”, Review of Economic Statistics, 1925

SCHUMPETER Joseph, Business cycles: a theoretical, historical, and statistical analysis of the capitalist process,
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48. Le modèle de Solow


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ROMER Paul, “Increasing Return and Long Run Growth”, Journal of Political Economy, 1986

SOLOW Robert, “A Contribution to the Theory of Economic Growth”, The Quarterly Journal of Economics, 1956

49. La convergence conditionnelle entre les pays


BARRO Robert et SALA-I-MARTIN Xavier, Economic Growth, McGraw Hill, 1995

GALOR Oded, “Convergence? Inferences from Theoretical Models”, The Economic Journal, 1996

MADDISON Angus, The World Economy: A Millennial Perspective, OECD, 2001

50. La courbe de Laffer de la dette


BERR Éric et COMBARNOUS François, « Vingt ans d’application du consensus de Washington à l’épreuve des faits »,
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KRUGMAN Paul, “Financing vs. Forgiving a Debt Overhang”, NBER Working Paper, 1988

RAFFINOT Marc et FERRY Marin, « Réductions de dette, aléa moral et ré-endettement des pays à faible revenu »,
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WILLIAMSON John, “What Washington means by policy reform”, Peterson Institute for International Economics,
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159

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