Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Economie du Développement
Support de Cours
Licence 3, Economie
1
Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie
Préambule
Remerciements
Objectif du cours............................................................................................................................................ 4
Plan du cours.................................................................................................................................................. 5
1. Le développement.................................................................................................................................. 6
2. Le sous-développement ......................................................................................................................... 9
3.6. Accès difficile aux services de base, éducation, santé et infrastructures insuffisantes ................17
1.1. Les PED sur les traces des pays développés : la théorie des étapes de Rostow ...........................21
3
Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie
2.4. Le rôle des facteurs géographiques, historiques, politiques, juridiques et institutionnelles .........31
Chapitre 3 : Les approches ou stratégies du développement des années 50 à la fin des années 80 ............35
Chapitre 4: Le renouveau des stratégies du développement des années 90 à nos jours ..............................46
1. Le contexte...........................................................................................................................................46
2. Le néo-structuralisme ..........................................................................................................................46
6. Contribution de l’initiative des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) au renouvellement de l'économie
de développement ....................................................................................................................................51
9. Microfinance ........................................................................................................................................56
Références bibliographiques........................................................................................................................60
L’expression économie du développement a été utilisée pour la première fois en 1943 par Paul
Rosenstein-Rodan (1902-1985), Économiste autrichien. L'économie du développement, en tant
que branche à part entière de l'économie, émerge à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
L'économie du développement se concentre sur l'étude des processus de développement
économique et social des pays et des régions. Elle vise à comprendre les facteurs qui influencent
la croissance économique, la réduction de la pauvreté, l'amélioration des conditions de vie et le
bien-être des populations dans les pays en développement.
Après avoir été quasiment vouée à la disparition dans les années 1980 par les courants
économiques néoclassiques dominants, l'économie du développement a été réhabilitée, à la faveur
notamment de la redécouverte, par les grandes institutions internationales, du phénomène massif
de la pauvreté et des mécanismes qui la perpétuent. En fait, suite à plus de dix ans d'incertitude
quant à la gestion des aspects macro-économiques à court terme, la communauté internationale,
dans les années 1990, a entrepris une révision des approches en matière de développement. Cette
révision était centrée sur la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)
avant de passer ultérieurement aux Objectifs de Développement Durable (ODD). Ce virage
significatif s'est caractérisé par l'émergence du consensus de Monterrey1, conçu comme une
nouvelle approche destinée à dépasser le précédent consensus de Washington2, incarné par les
institutions de Bretton Woods. Ces dernières ont d'ailleurs joué un rôle dans le rafraîchissement
des approches en matière de développement, ce qui a nécessité une réflexion profonde et une
remise en question substantielle. En conséquence, l'évolution des concepts liés au développement
1
Le consensus de Monterrey, également connu sous le nom de Consensus de Monterrey sur le financement du développement, est un accord
international qui a été établi lors de la Conférence internationale sur le financement du développement qui s'est tenue à Monterrey, au Mexique, en
mars 2002. Ce consensus a marqué un tournant significatif dans les approches mondiales en matière de développement économique et de
financement pour le développement.
2
Le "Consensus de Washington" est un terme qui désigne un ensemble de politiques économiques et financières promues par des institutions
financières internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et le département du Trésor des États-Unis. Ces
politiques ont été particulièrement influentes dans les années 1980 et 1990, en particulier en Amérique latine, en Europe de l'Est et dans d'autres
régions du monde en développement. Le "Consensus de Washington" était considéré comme une approche de réforme économique visant à favoriser
la stabilité macroéconomique et la croissance économique.
3
Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie
peut être retracée sur trois périodes distinctes, à partir de l'avènement du concept du tiers monde
dans les années 1950.
Au cours de ces trois phases temporelles, les conceptions du développement ont évolué, s'adaptant
aux circonstances et aux besoins changeants. La première période s'étend des années 1950 jusqu'à
la fin des années 1980, la deuxième s'étend des années 1980 aux années 1990, tandis que la
troisième couvre la période des années 1990 jusqu'à nos jours. Au fil de ces périodes, les idées sur
le développement ont été élargies et redéfinies, en tenant compte non seulement des mesures de
développement, mais également du contexte international dans lequel elles s'inscrivent.
Objectif du cours
- Comprendre les principales théories du développement des années 1950 à la fin des années 1980
et des années 1990 à nos jours
sur le développement économique dans le monde réel. Enfin, pour ceux qui envisagent de
poursuivre une carrière dans des organisations internationales, des ONG, des agences
gouvernementales ou des entreprises actives dans les pays en développement, une compréhension
solide de l'économie du développement est essentielle.
Plan du cours
L'évolution du monde moderne a donné lieu à des disparités économiques, sociales et humaines
frappantes entre les différentes régions du globe. Certaines nations prospèrent avec des économies
dynamiques, des systèmes éducatifs avancés et une qualité de vie élevée pour leurs citoyens, tandis
que d'autres font face à la stagnation, la pauvreté et l'accès limité aux ressources essentielles. Ces
réalités contrastées sont souvent désignées par deux termes distincts : le développement et le sous-
développement.
1. Le développement
1.1. Définition
Il existe plusieurs définitions sur le développement. Cependant, celle proposée par François
Perroux (Economiste Français) est la plus répandue. Pour ce dernier, le développement est : « la
combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à
faire croître cumulativement et durablement son produit réel global » (Perroux F., 1961). La
définition de Perroux implique deux faits principaux : si la croissance peut se réaliser sans
forcément entraîner le développement (partage très inégalitaire des richesses, captation des fruits
de la croissance par une élite au détriment du reste de la population), il y a tout de même une forte
interdépendance entre croissance et développement (le développement est source de croissance et
nécessite une accumulation initiale). Enfin, le développement est un processus de long terme, qui
a des effets durables. Une période brève de croissance économique ne peut ainsi être assimilée au
développement.
Cette vision holistique du développement considère que le progrès économique doit aller de pair
avec l'amélioration du bien-être social et de la qualité de vie de la population. Cela implique des
investissements dans l'éducation, la santé, les infrastructures, l'emploi, la lutte contre les inégalités
et la préservation de l'environnement. En mettant l'accent sur l'expansion des capacités humaines,
François Perroux souligne l'importance de permettre aux individus d'avoir accès à l'éducation, aux
Certes, la définition du concept peut varier suivant les écoles de pensée qui la sous-tendent ou par
les institutions internationales en fonction de leurs priorités politiques de développement. Mais,
elle est toujours élaborée à partir de la pratique et intègre les diverses dimensions émises par
François Perroux.
Le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) définit le développement comme
le fait d’« élargir l’éventail des possibilités offertes aux hommes ». Cette définition est inspirée de
la théorie des « besoins essentiels (ou élémentaires) » créée dans les années 1970 au sein du Bureau
International du Travail (BIT). Le développement y est caractérisé par la disponibilité d’un
minimum de biens pour assurer la survie (alimentation, habillement, etc.) et de services de base
comme la santé ou l’éducation. Les besoins essentiels sont définis par le fait qu’ils sont
quantifiables, universels et facteurs de croissance économique.
Le PNUD propose quatre critères pour mesurer le niveau de développement d’un pays :
• la durabilité : les générations futures doivent être prises en compte (dimension à long terme du
développement) ;
• le développement doit être engendré par la population elle-même et non par une aide extérieure.
la production de biens et de services dans une économie. Elle est souvent exprimée en pourcentage
par an.
Le développement économique, quant à lui, est un concept plus large et holistique. Il englobe
(implique) non seulement la croissance économique, mais aussi des aspects sociaux, culturels,
politiques et environnementaux. Le développement économique vise à améliorer la qualité de vie
de la population, en mettant l'accent sur la satisfaction des besoins fondamentaux tels que l’accès
aux services de base (éducation, santé), l’alimentation, le logement, l’habillement, la réduction des
inégalités, le respect des droits de l'homme, la durabilité environnementale, etc.
2. Le sous-développement
2.1. Définition
2.1.1. Les différentes appellations ou noms du sous-développement
La notion de « pays sous-développé » est utilisée pour la première fois par le président américain
Harry Truman3 en 1949, lors de son discours sur l’état de l’Union (« point IV »). Il y justifie
l’aide que doivent apporter les pays riches aux pays pauvres afin d’endiguer la montée du
communisme. C’est donc dans un contexte de guerre froide que se forge le débat sur les
appellations des pays les plus pauvres. Par la suite, plusieurs dénominations vont se succéder (voir
encadré 1). En 1952, la notion de « tiers-monde4 » est utilisée par le démographe et économiste
français Alfred Sauvy pour qualifier les pays sous-développés. En faisant référence au tiers état de
l’Ancien Régime, il entend dénoncer la marginalité dans laquelle se trouve ce troisième monde à
côté des deux blocs en conflit et annoncer son émergence imminente en force politique mondiale
: « Car enfin ce tiers-monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut, lui aussi, quelque
chose. » C’est l’époque où les pays pauvres s’allient dans un but commun : dénoncer la logique
des blocs et revendiquer leur voix dans le concert mondial des nations. Ainsi, en 1955, la
conférence de Bandoeng5 voit naître le tiers-monde comme mouvement politique : c’est le début
du mouvement des « non-alignés », voie médiane entre les deux blocs américain et russe, qui
revendique un « Nouvel Ordre Economique International » (NOEI). Cette revendication amènera
3
Le 20 janvier 1949, le président des États-Unis Harry S. Truman prononce le discours sur l’état de l’Union. À cette occasion, il désigne du doigt
la grande pauvreté qui affecte la moitié de l'humanité. Dans le Point Quatre de son discours, il déclare : « Il nous faut lancer un nouveau programme
qui soit audacieux et qui mette les avantages de notre avance scientifique et de notre progrès industriel au service de l'amélioration et de la croissance
des régions sous-développées. Plus de la moitié des gens dans le monde vit dans des conditions voisines de la misère. Ils n'ont pas assez à manger.
Ils sont victimes de maladies. Leur pauvreté constitue un handicap et une menace, tant pour eux que pour les régions les plus prospères. »
4
L'expression tiers monde, ou tiers-monde, lancée en 19524, se rapporte à l'ensemble des pays africains, asiatiques, océaniens ou du continent
américain en carence de développement. Les termes premier monde, second monde et tiers monde ont été employés pour regrouper les nations de
la Terre en trois grandes catégories. Après la Seconde Guerre mondiale, l’OTAN et le Pacte de Varsovie ont été considérés comme les deux grands
blocs. Le nombre de pays faisant partie de ces deux blocs n’étant pas fixé de manière précise, on s’est finalement aperçu qu’un grand nombre de
pays ne rentraient dans aucune de ces deux catégories. En 1952, le démographe français Alfred Sauvy invente le terme « tiers monde » pour désigner
ces pays.
5
La conférence de Bandung (ou conférence de Bandoeng) s'est tenue du 18 au 24 avril 1955 à Bandung, en Indonésie, réunissant pour la première
fois les représentants de vingt-neuf pays africains et asiatiques. Cette conférence marqua l'entrée sur la scène internationale des pays décolonisés
du « tiers monde ». Ceux-ci ne souhaitant pas intégrer les deux blocs qui se font face, menés par les États-Unis et l'URSS, choisissent le non-
alignement.
l’émergence du « groupe des 776 » et la création de la CNUCED (conférence des Nations unies
sur le commerce et le développement) en 1964 au sein de l’ONU, qui se fait le porte-voix des
revendications du tiers-monde pour un commerce plus équitable. Le vote en 1974 d’une résolution
à l’ONU qui entérine la notion de NOEI en promouvant l’ouverture des marchés des pays riches
aux produits des pays pauvres, l’accroissement de l’aide publique et privée au développement et
la stabilisation des prix des produits primaires exportés par les pays du tiers-monde s’inscrit
également dans cette lignée. Dans les années 1970, à côté de la notion politique de tiers-monde,
l’ONU avance la notion de « Pays en Voie de Développement » (PVD), la notion de pays sous-
développé étant considérée comme trop stigmatisante. Puis, dans les années 1980, s’impose
l’appellation « Pays en Développement » (PED) qui est censée traduire le processus de progrès
économique et social dans lequel sont engagés les pays pauvres. Elle traduit la volonté d’une
approche optimiste et positive du développement. La notion de PED cohabite aujourd’hui avec
celle du « Sud7 », qui insiste sur la localisation géographique des PED en opposition avec le Nord,
ou bien encore avec la notion de « pays émergent » qui insiste sur le caractère imminent de leur
développement, en particulier pour les pays les plus avancés dans leur développement.
6
Le Groupe des 77 (G-77) est une coalition de pays en développement qui ont pour objectif de promouvoir leurs intérêts économiques collectifs et
de renforcer leur position dans les négociations internationales. Il a été créé en 1964 par 77 pays membres lors de la première Conférence des
Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) à Genève, en Suisse. Depuis lors, le nombre de membres a considérablement
augmenté, et le groupe compte maintenant plus de 130 pays. Le G-77 cherche à réduire les inégalités économiques et à favoriser le développement
durable dans le monde entier.
7
L'expression "pays du Sud" fait généralement référence aux nations en développement situées principalement dans les régions d'Afrique, d'Asie,
d'Amérique latine et d'Océanie. L'utilisation de l'expression "pays du Sud" est souvent associée à des discussions sur les inégalités mondiales, le
développement économique, les droits de l'homme et d'autres enjeux liés au développement. Elle est souvent opposée à l'expression "pays du Nord",
qui désigne généralement les pays industrialisés et développés situés principalement en Europe, en Amérique du Nord et dans certaines parties de
l'Asie.
Encadre 1
Pays en développement : C'est l'une des appellations les plus courantes pour désigner les pays qui sont
considérés comme étant en situation de sous-développement. Ces pays sont également parfois appelés
"pays en voie de développement" ou "pays du Sud".
Pays moins avancés (PMA) : Ce terme est utilisé par les Nations Unies pour désigner les pays qui sont
confrontés à des défis particuliers de développement et qui ont un revenu par habitant relativement bas.
Tiers monde : Cette expression était couramment utilisée pendant la Guerre froide pour désigner les pays
qui ne faisaient pas partie du bloc occidental (premier monde) ni du bloc soviétique (deuxième monde).
Cependant, cette terminologie est devenue moins fréquente après la fin de la Guerre froide.
Pays émergents : Ce terme fait référence à des économies en transition qui connaissent une croissance
économique rapide et une industrialisation, mais qui peuvent également faire face à des problèmes de
développement et d'inégalités.
Pays en développement arriérés : Cette appellation est parfois utilisée pour décrire les pays qui accusent
un retard significatif dans leur développement économique et social par rapport aux pays développés.
Pays du Sud global : Cette expression est utilisée pour désigner les pays situés principalement dans
l'hémisphère sud et qui sont confrontés à des défis de développement.
Pays en développement du tiers monde : Une combinaison de différentes expressions pour désigner les
pays qui se trouvent dans une situation de sous-développement.
Pays en voie de développement : Le terme "pays en voie de développement" est utilisé pour désigner les
pays qui sont en train de progresser économiquement, socialement et humainement, mais qui n'ont pas
encore atteint le niveau de développement des pays développés. Ces pays sont en transition entre les
économies principalement agricoles et les économies industrielles, et ils cherchent à améliorer leur niveau
de vie, leur bien-être et leurs conditions de vie pour leur population.
• de fortes inégalités par rapport aux pays développés mais aussi à l’intérieur du pays lui-même
(hommes/femmes, urbains/ruraux…) ;
• l’insécurité, qu’elle soit environnementale, sanitaire ou encore politique, dans laquelle vit la
majorité de la population.
En résumé, nous pouvons définir le sous-développement comme la situation dans laquelle un pays
ou une région souffre d'un niveau de vie inférieur à la moyenne, d'un accès limité aux services de
base tels que l'éducation, la santé et les infrastructures, ainsi que d'un faible niveau
d'industrialisation et d'innovation technologique.
-Une forte dépendance envers les exportations de matières premières, les exposant aux variations
des prix mondiaux et aux risques associés aux marchés internationaux.
-Les entraves au commerce international érigées par les nations développées du Nord, telles que
les barrières non tarifaires et les quotas, notamment dans le secteur textile et de l'habillement.
-Des facteurs structurels internes aux pays en développement, tels que la distance géographique,
les différences culturelles, linguistiques, religieuses, etc.
La fécondité dans les PED est forte. Dans de nombreux pays en développement, les taux de natalité
sont plus élevés en raison de facteurs tels que la faible utilisation de la contraception, les normes
sociales favorables aux familles nombreuses, et l'importance traditionnelle des enfants dans le
soutien aux parents âgés. Dans certaines sociétés, les croyances culturelles et religieuses peuvent
encourager les familles à avoir des enfants en tant que norme sociale ou en tant que manifestation
de la foi religieuse. Bien que la qualité des soins de santé puisse être variable dans les pays en
développement, de nombreux progrès ont été réalisés pour réduire le taux de mortalité infantile
grâce à l'amélioration de l'accès aux soins médicaux, à la nutrition et à l'hygiène. La structure
démographique dans de nombreux pays en développement est caractérisée par une proportion
élevée de jeunes, ce qui peut contribuer à une augmentation de la population, car une plus grande
partie de la population est en âge de procréer.
Encadré 2
La croissance économique entraine une baisse de la natalité pour les raisons suivantes :
-La hausse de revenu fait perdre de l’importance au nombre des enfants, ceux-ci étant de moins en moins
considérés comme une assurance pour les vieux jours (« les enfants, sécurité sociale du tiers monde ») ;
-Dans le monde rural, le coût des enfants est faible ; ils sont même considérés très tôt comme une main
d’œuvre supplémentaire. Par contre, les phénomènes d’urbanisation et d’industrialisation suscitent une
augmentation de leur coût ;
-La hausse du niveau d’éducation et surtout l’amélioration du statut social des femmes, qui peuvent se
valoriser par le travail et plus seulement la maternité, se traduit également par une baisse de la fécondité.
Le recul de l’âge de mariage et la diffusion de pratiques contraceptives agissent dans le même sens.
Encadré 3
Depuis le XVIe siècle et les travaux de Jean Bodin (« Il n’y a ni richesse ni force que d’hommes »), diverses
thèses s’opposent sur les conséquences de la démographie sur le développement. Les thèses anti-
populationnistes comme le malthusianisme (issu de la pensée de l’économiste écossais Thomas Malthus, qui
considérait au XIXe siècle que la forte croissance démographique était un obstacle à la croissance
économique en freinant l’épargne et l’accumulation de capital) prônent un ralentissement de la croissance
démographique pour permettre le développement. À l’inverse, les thèses populationnistes, comme celle de la
« pression créatrice » de l’économiste danoise Esther Boserup, considèrent qu’un fort taux de fécondité incite
le système économique à se moderniser à travers le progrès technique et est donc à terme source de
productivité : l’accroissement de la population serait ainsi à l’origine des révolutions agricoles.
La croissance démographique rapide dans les pays en développement peut avoir des conséquences
économiques, sociales et environnementales importantes. Elle peut exercer des pressions sur les ressources
naturelles, les infrastructures, les services de santé, l'éducation et l'emploi. Gérer cette croissance
démographique de manière durable et équilibrée est un défi pour de nombreux pays en développement, car
cela nécessite des politiques et des programmes appropriés en matière de planification familiale, de santé
maternelle et infantile, d'éducation et d'emploi.
Il est essentiel de reconnaître que la croissance démographique peut être à la fois une opportunité et un défi
pour les pays en développement. Si elle est accompagnée de politiques appropriées de développement humain
et économique, elle peut constituer une base pour la croissance économique et la prospérité future.
Cependant, une croissance démographique incontrôlée peut également entraîner des pressions sociales et
environnementales, qui nécessitent des mesures adéquates pour relever ces défis et améliorer la qualité de
vie des populations concernées.
Retenons que les caractéristiques des pays en développement peuvent varier considérablement en
fonction des facteurs économiques, géographiques, politiques et culturels propres à chaque pays.
Ces caractéristiques sont également dynamiques et peuvent évoluer à mesure que ces pays
progressent dans leur développement économique et social.
4.1. Le PIB/habitant
Le PIB/habitant mesure le revenu moyen par habitant, il se calcule comme le rapport du PIB8 au
chiffre de la population. Il est un indicateur du niveau de vie de pays qui permet d’évaluer ce qui
serait la part de chacun si les fruits de la croissance étaient équitablement distribués. Le
PIB/habitant donne des indications utiles sur les mouvements de productions de biens et services.
Cependant, il ne mesure pas la qualité de la vie mais la quantité de bien produit. Dès lors, d’autres
indicateurs semblent nécessaires si l’on veut mieux appréhender les différences de développement.
8 Le Produit Intérieur Brut exprime les richesses d’un pays, il est égal à la somme des valeurs ajoutées.
jusqu’aux années 90. Cela provient de sa nature synthétique, dans la mesure où il est constitué de
trois variables :
-l’espérance de vie à la naissance 9. Cette variable est utilisée comme indicateur de la situation
sanitaire.
-le niveau d’éducation. Il est exprimé par le taux d’alphabétisation et le taux brut de scolarisation
primaire, secondaire et supérieur.
-Le niveau de vie exprimé à travers le PIB réel par habitant, mesuré en PPA (parités de pouvoir
d’achat).
L’IDH est la moyenne simple des trois éléments, variant entre 0 et 1. De nombreux ouvrages ou
annuaires statistiques comparent les classements des pays selon le PIB par tête et selon l’IDH. On
constate des variations significatives dans le sens où certains pays bien classés selon le PIB par
tête, se trouve moins bien classés selon l’IDH, et l’inverse aussi
9
L'espérance de vie à la naissance est une mesure statistique qui représente la durée moyenne de vie qu'une personne
peut s'attendre à avoir à partir du moment de sa naissance, en supposant que les taux de mortalité actuels restent
constants tout au long de sa vie. En d'autres termes, c'est une estimation de la durée de vie moyenne d'une génération
donnée, basée sur les taux de mortalité observés à un moment donné dans une population donnée. L'espérance de vie
à la naissance est souvent utilisée pour évaluer la santé et la qualité de vie d'une population et pour comparer la
longévité entre différentes régions ou pays. Elle est influencée par de nombreux facteurs, tels que l'accès aux soins de
santé, les conditions de vie, l'alimentation, l'environnement et les avancées médicales.
Des taux de mortalité infantile bas indiquent généralement de meilleures conditions de vie, une
meilleure nutrition, un accès aux soins de santé et des pratiques sanitaires améliorées, contribuant
ainsi à une meilleure survie et santé des nourrissons. On considère qu’un pays ayant un taux de
mortalité infantile supérieur à 5% est en sous-développement.
1.1. Les PED sur les traces des pays développés : la théorie des étapes de Rostow
Dans les années 50, la croissance et le développement étaient synonymes, et la vision du
développement était linéaire, et relevait du courant libéral. L’analyse libérale du sous-
développement considère ce dernier comme l’expression du simple retard des pays pauvres qui
n’ont donc qu’à copier le modèle de développement des pays riches. Une des premières théories
représentatives de cette approche est la théorie des étapes de la croissance de l’économiste
américain Walt Whitman Rostow, exposée dans son ouvrage de 1960 « The stages of economic
growth : a non-communist manifesto » (Les étapes de la croissance économique : un manifeste
non communiste). Selon la théorie des étapes de Rostow, il existe cinq étapes de la croissance.
-La société traditionnelle : qui est une société agricole, stationnaire, où la terre est la seule source
de richesse, où les sciences et les techniques ont peu d’impact, qui n’éprouve pas le besoin de
changement, et où l’organisation de la production est déterminée par la tradition ancestrales.
L’économie connaît donc un taux de croissance très faible ;
- le « take-off » (décollage) : Le décollage est la période pendant laquelle la société finit par
renverser les obstacles et les barrages qui s'opposaient à sa croissance régulière. Les anciens
blocages et résistance au changement sont surmontées, le taux d’investissement double et dépasse
10% du revenu national, des industries motrices ont des effets industrialisants, l’Etat joue un rôle
moteur et la croissance devient auto-entretenue et régulière ;
-l’âge de la consommation de masse : où les besoins essentiels sont satisfaits pour toute la
population grâce à un accroissement des revenus, une classe moyenne nombreuse accède à la
consommation de biens durables et atteint un niveau de vie élevé.
La théorie de Rostow a été largement critiquée, notamment par les économistes américain Simon
Kuznets et russe Alexander Gerschenkron. Les principales objections à ce modèle sont les
suivantes :
-Il n'explique pas les causes ni les mécanismes permettant de passer d'une étape à l'autre.
-Le modèle retrace le schéma d'évolution des pays européens, mais il ne fournit ni d'explication
des raisons du sous-développement ni d'indications sur les facteurs déclencheurs du
développement.
-Il néglige le fait que les pays sous-développés ne se trouvent pas dans le même contexte ni dans
les mêmes conditions historiques que les pays européens.
avantages comparatifs et qui a été développée plus tard avec le théorème HOS (Hecksher-Ohlin-
Samuelson)10, cette approche affirme que le sous-développement est principalement dû à une
insuffisante intégration dans le commerce international. Selon cette perspective, le chemin vers le
développement passe par la spécialisation dans les exportations.
Selon cette théorie, les PED devraient se spécialiser dans la production pour laquelle ils ont un
avantage comparatif par rapport à d'autres pays. Le théorème HOS précise que cet avantage
comparatif dépend de la dotation en facteurs de production du pays en question, tels que la main-
d'œuvre, les ressources naturelles et le capital technique. Quelle que soit la spécialisation choisie,
elle serait mutuellement bénéfique pour le PED et ses partenaires commerciaux, à condition qu'elle
se fasse dans le secteur où l'avantage comparatif est présent. Ainsi, la participation au commerce
international par le biais de la spécialisation est considérée comme le moyen de parvenir au
développement, tandis que le sous-développement résulte d'une utilisation insuffisante des
avantages comparatifs des PED.
Par conséquent, dans les années 1950, des auteurs tels que Jacob Viner (économiste canadien-
américain) et Gottfried Haberler (économiste autrichien) ont encouragé les PED à se spécialiser
davantage dans la production de matières premières. Ils ont argumenté que les gains provenant du
commerce international leur permettraient d'importer des biens d'équipement, ce qui déclencherait
leur processus de "takeoff" ou décollage économique. Leurs arguments se sont appuyés sur les
succès observés en Australie et en Nouvelle-Zélande. Ces théories ont ensuite été développées par
des économistes tels que Bela Balassa (économiste hongrois), Anne Krueger (économiste
américaine) et Jagdish Bhagwati (économiste indien-américain), qui ont formalisé la politique
d'ouverture commerciale prônée par des institutions internationales telles que le Fonds monétaire
international (FMI) et la Banque mondiale dans les années 1980.
10
Le théorème HOS, ou théorème Hecksher-Ohlin-Samuelson, est un concept fondamental en économie internationale
qui explique comment les avantages comparatifs et les différences dans les dotations factorielles (c'est-à-dire les
ressources telles que la main-d'œuvre, le capital et la technologie) influencent les modèles d'échange international et
les motifs de commerce entre les pays. Ce théorème est nommé d'après trois économistes qui ont contribué à son
développement : Eli Heckscher, Bertil Ohlin et Paul Samuelson.
avec sa célèbre formule « un pays est pauvre parce qu’il est pauvre ». L’économie des pays sous-
développés se caractérise par la faiblesse des revenus, cause de la faiblesse de l’épargne et de la
demande intérieure. L’insuffisance de l’épargne baisse le niveau d’investissement, ce dernier étant
découragé par ailleurs par la faiblesse de la demande. C’est donc un cercle vicieux de la pauvreté,
qui produit une chaîne de cercles vicieux : « les faibles revenus maintiennent la majorité de la
population dans un état de malnutrition, sa productivité au travail reste donc faible, son revenu
également ; la faiblesse du revenu national entraîne une faiblesse des dépenses d’éducation donc
de formation de la main d’œuvre, donc des gains de productivité et donc de revenus. Dans cette
perspective, selon Nurkse, le financement extérieur est un besoin absolu pour casser ce cercle
vicieux et pallier l’insuffisance de l’épargne et déclencher le processus d’investissement.
Encadré 4
La pauvreté est un concept complexe et multidimensionnel qui peut être défini de différentes manières en
fonction du contexte et des perspectives. Voici quelques-unes des principales définitions de la pauvreté :
Pauvreté absolue : Cette définition considère la pauvreté comme l'incapacité d'une personne ou d'un ménage
à subvenir à ses besoins fondamentaux essentiels tels que la nourriture, le logement, les vêtements et l'accès
aux soins de santé. La pauvreté absolue est généralement mesurée par un seuil de revenu ou de dépenses en
dessous duquel on considère qu'une personne est dans la pauvreté.
Pauvreté relative : La pauvreté relative se réfère à une situation où une personne ou un ménage a un niveau de
revenu ou de ressources inférieur à la moyenne de la société dans laquelle il vit. Cette définition prend en
compte les inégalités économiques et sociales et se concentre sur la position relative d'une personne dans la
société.
Pauvreté monétaire : Cette définition de la pauvreté se concentre uniquement sur le manque de revenus ou de
ressources financières d'un individu ou d'un ménage. Elle est souvent mesurée en termes de seuil de revenu ou
de dépenses en dessous duquel une personne est considérée comme pauvre.
Pauvreté absolue extrême : Cela fait référence à la pauvreté la plus sévère, où les individus ou les ménages
sont confrontés à des conditions de vie extrêmement précaires, avec un accès très limité ou inexistant aux
besoins de base tels que la nourriture, l'eau, l'abri et les soins de santé.
Pauvreté relative extrême : Cette définition se réfère à une situation où les personnes ou les ménages se situent
dans la partie la plus basse de l'échelle économique et sociale d'une société. Ils ont un niveau de vie bien en
dessous de la majorité de la population et sont confrontés à des difficultés considérables pour accéder aux
opportunités économiques et sociales.
D’abord l’'hypothèse d'un excédent de main-d'œuvre, est remise en question par certains auteurs,
car elle ne semble pas vérifiée dans de nombreux pays. Ensuite, la capacité du secteur moderne à
absorber le surplus de main-d'œuvre et à générer des profits pour l'accumulation de capital. Ce
mécanisme ne tient pas compte du contexte général du pays et néglige de nombreuses contraintes
et obstacles réels.
11
Arthur Lewis considère que le sous-développement est causé par le dualisme de l’économie des pays pauvres. Deux
secteurs coexistent au sein de ces économies :
• un secteur moderne, capitaliste, qui est la source d’une accumulation et de gains de productivité ;
• un secteur traditionnel, de subsistance, qui pèse sur le secteur moderne à cause de faibles gains de productivité. En
effet, ce secteur monopolise la main-d’œuvre disponible et empêche le secteur moderne de se développer du fait du
surplus de main-d’œuvre agricole.
La thèse du dualisme peut aussi être étendue à l’existence d’un secteur informel à côté de l’économie officielle, qui
permet la survie d’une partie de la population par la distribution de revenus grâce à des activités dissimulées ou
illégales.
Gunnar Myrdal argumente dans son ouvrage, "Asian Drama: An Inquiry into the Poverty of
Nations," publié en 1968 (Le drame de l’Asie. Enquête sur la pauvreté des Nations), que de
nombreux pays en développement se trouvent piégés dans un cycle persistant de pauvreté et de
sous-développement en raison de plusieurs facteurs interdépendants. Myrdal soutient que les
inégalités structurelles, telles que la répartition inégale des ressources naturelles, des terres et des
revenus, est à la base du sous-développement. Ces inégalités créent des déséquilibres économiques
et sociaux. Il met également en avant le rôle de la discrimination raciale et des préjugés comme
facteurs qui entravent le développement. La discrimination peut exclure certaines populations de
l'accès aux opportunités économiques, à l'éducation et aux services de base. Myrdal soutient que
les pays en développement peuvent être pris au piège de cercles vicieux où l'insuffisance
d'investissements dans des domaines tels que l'éducation, la santé et l'infrastructure limite la
productivité et les opportunités économiques, maintenant ainsi la pauvreté. Il souligne également
les problèmes de coordination économique et sociale qui peuvent empêcher le développement. Par
exemple, un manque de coordination entre l'agriculture et l'industrie peut entraîner une faible
productivité dans les deux secteurs. Myrdal insiste sur le fait que la pauvreté elle-même peut
devenir un obstacle au développement, car les individus et les communautés pauvres ont du mal à
investir dans leur propre amélioration économique et sociale. En résumé, la théorie de Gunnar
Myrdal sur les causes du sous-développement met l'accent sur les facteurs interconnectés qui
maintiennent les pays en développement dans un état de pauvreté persistante. Il suggère que pour
briser ces cercles vicieux, il est nécessaire de s'attaquer à la fois aux inégalités structurelles, à la
discrimination, aux insuffisances d'investissement et aux problèmes de coordination économique.
Le courant structuraliste naît au sein de la Commission économique pour l’Amérique latine des
Nations unies (CEPAL)12, créée en 1948. Il est représenté par les travaux de l’économiste
argentin Raul Prebisch, en particulier un article publié en 1950 en collaboration avec Hans Singer
(économiste britannique d'origine autrichienne) et un rapport à la CNUCED en 1964 sur les causes
du sous-développement de l’Amérique latine. Ce courant a donné lieu à plusieurs théories, et est
considéré comme un des courants les plus importants des théories du développement, à cause de
la volonté de rompre avec les analyses précédentes, souvent linéaires, et a-historiques. De
nombreux économistes du développement appartiennent à ce courant théorique et ont contribué
par leurs travaux à son enrichissement. On peut citer : le Suédois Gunnar Myrdal (prix Nobel en
1974), le Français François Perroux et Albert Hirschman (économiste germano-américain). Par
ailleurs, les théories du courant structuraliste ont inspiré de nombreuses stratégies de
développement dans les années 50 et 60, non seulement dans les pays d’Amérique Latine mais
aussi dans d’autres pays en Afrique ou en Asie.
12
La Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), en espagnol Comisión Económica
para América Latina y el Caribe (CEPAL), est une commission régionale des Nations unies créée en 1948. Elle est
également connue sous son acronyme en espagnol, CEPAL, qui est souvent utilisé pour la désigner. La CEPAL a son
siège à Santiago, au Chili, et elle a pour mission de promouvoir le développement économique et social de la région
de l'Amérique latine et des Caraïbes. Ses principaux objectifs comprennent l'analyse des politiques économiques et
sociales, la fourniture de conseils politiques aux gouvernements de la région, la collecte de données économiques et
sociales, ainsi que la promotion de la coopération régionale et internationale.
les produits primaires des PED et la dégradation des termes de l’échange sont la cause de leur
sous-développement. Ce mouvement de pensée sera à l’origine de la revendication du nouvel ordre
économique international (NOEI) à la CNUCED.
Les calculs de Paul Bairoch (économiste suisse) semblent infirmer les thèses de Raul Prebisch sur
la période qu’il étudiait (la première moitié du XXe siècle). Ces dernières ont d’ailleurs été
fortement contestées par la suite par les libéraux. Cependant, on constate une dégradation des
termes de l’échange13 des PED non exportateurs de pétrole depuis les années 1970, ce qui pourrait
alors valider empiriquement les conclusions de Raul Prebisch, en particulier pour les PMA
exportateurs de produits primaires.
L’économiste français François Perroux est l’autre représentant de l’analyse structuraliste du sous-
développement. Le monde s’organise selon lui dans des relations inégales de pouvoir entre les
pays, certains pouvant orienter les échanges et la production à leur profit (« effet de domination
»). L’économie mondiale est donc structurée en pôles d’influence entretenant des relations
asymétriques entre eux basées sur des dominations. Cependant, si cette analyse se rapproche
fortement de la thèse du centre et de la périphérie de Raul Prebisch, François Perroux ne considère
pas que les relations de domination soient le fruit d’une action volontaire des États du « centre ».
Il plaide alors pour la constitution de pôles de développement dans les zones dominées par
l’intervention d’un État planificateur, proposition qui aura une forte influence sur les stratégies de
développement des années 1950 et 1960.
13Si indice>100 donc prix à l’exportation> prix à l’importation = amélioration des termes de l’échange
Si indice <100 donc prix à l’exportation <prix à l’importation = détérioration des termes de l’échange
Encadré 5
La notion de « termes de l’échange » désigne le rapport de l’indice des prix des exportations à l’indice
des prix des importations d’un pays :
𝐼𝑛𝑑𝑖𝑐𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑝𝑟𝑖𝑥 𝑑𝑒𝑠 𝑒𝑥𝑝𝑜𝑟𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠
𝐼𝑛𝑑𝑖𝑐𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑡𝑒𝑟𝑚𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑙’é𝑐ℎ𝑎𝑛𝑔𝑒 = ∗ 100
𝐼𝑛𝑑𝑖𝑐𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑝𝑟𝑖𝑥 𝑑𝑒𝑠 𝑖𝑚𝑝𝑜𝑟𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠
Son accroissement (amélioration des termes de l’échange) peut être interprété comme le fait que le pays
voit le pouvoir d’achat de ses exportations augmenter : avec une unité de produit exporté, il pourra acheter
une quantité plus importante de produits étrangers. La diminution du rapport s’appelle la détérioration
des termes de l’échange. L’évolution des termes de l’échange dépend donc de l’évolution des prix des
produits exportés et importés. La thèse de la détérioration des termes de l’échange des PED implique
donc que ces derniers doivent exporter des quantités de plus en plus importantes de produits (surtout
primaires) pour compenser l’accroissement du prix relatif de leurs importations, sinon le solde de leur
balance extérieure peut se détériorer.
Néanmoins, il ne faut pas assimiler mécaniquement la dégradation des termes de l’échange à un effet
négatif sur l’économie. Elle peut aussi être la conséquence d’une amélioration de la compétitivité- prix
des produits exportés et donc être facteur de gains de parts de marché. Tout dépend donc de l’origine de
la détérioration des termes : baisse des prix des exportations ou accroissement de ceux des importations.
Le sous-développement s’expliquerait alors par le fait que certaines sociétés n’y sont pas prêtes
culturellement. Cette thèse est à l’origine d’apports importants comme le fait de ne pas réduire le
processus complexe de développement à de seules conditions économiques et donc de prendre en
compte les données culturelles des pays dans la définition des stratégies de développement. Mais
il faut faire attention de ne pas tomber dans le piège du déterminisme culturel du développement,
présent par exemple dans l’idée que des aires culturelles (monde musulman, Afrique
subsaharienne) ne connaîtront pas le développement du fait de leurs valeurs et pratiques opposées
à toute idée de progrès. Des pays africains ou arabo-musulmans connaissent un processus de
développement. La culture n’est donc qu’un facteur parmi d’autres du développement.
premières plutôt que vers la diversification industrielle. Les structures politiques, économiques et
sociales héritées de cette époque peuvent encore influencer les dynamiques contemporaines de
sous-développement.
-Frontières artificielles : Les frontières de nombreux PED, en particulier les pays africains, ont été
tracées par les puissances coloniales sans tenir compte des réalités ethniques, culturelles ou
géographiques. Cela a parfois entraîné des conflits internes et des tensions entre différents groupes
ethniques, ce qui nuit à la stabilité politique et économique.
-Géographie physique : Les PED présentent une grande diversité géographique, avec des zones
désertiques, des savanes, des forêts tropicales et des montagnes. Cette diversité peut entraîner des
défis pour l'exploitation des ressources, l'agriculture, les infrastructures et le développement
économique.
Contraintes environnementales : Certaines régions des PED, notamment africaines, font face à des
contraintes environnementales, telles que la sécheresse, la désertification, la déforestation et
l'érosion des sols, qui peuvent entraver la productivité agricole et la durabilité environnementale.
- Le rôle de l’unité national et de l’Etat central : des pays souvent déchirés en ethnies rivales, des
coups d’Etats, l'instabilité politique, les conflits armés et les guerres civiles comme c’est souvent
le cas en Afrique, des Etats insuffisamment fort et respecté, l’inexistence d’un service public
efficace, honnête et compétent, la corruption, le népotisme, le tribalisme, créent des difficultés
majeures pour les politiques de développement.
Dans ce contexte, Samir Amin trouve que le développement passe par la rupture avec ce système
capitaliste. Il ne s’agit nullement d’une situation d’autarcie, mais d’un processus de développement
auto entretenu permettant de mobiliser le surplus qui nourrit le capitalisme mondial (théorie de la
déconnexion). Le développement autocentré est le développement qui rend les structures de
production moins dépendantes, permet une meilleure articulation entre les différents secteurs de
l’économie, mobilise le surplus produit sur place et enfin permet une meilleure satisfaction des
besoins. Cette analyse représente une rupture forte avec les théories libérales qui voient dans
l’insertion au marché mondial, par la vertu des avantages comparatifs, la voie pour le
développement.
Encadré 6
L’échange inégal
Reprenant la théorie de la valeur de Marx, cette théorie part de l’hypothèse que la valeur d’un bien dépend des facteurs
de production qui y sont intégrés. Or, pour réaliser un produit identique, les pays du centre versent des salaires plus élevés
que ceux des pays de la périphérie. La hausse des salaires dans les pays du centre contribue donc à améliorer la valeur
des biens qui y sont produits au détriment de ceux produits par les pays de la périphérie. L’échange est donc inégal par
nature entre le centre et la périphérie car il est dû aux écarts de salaire entre les pays riches et les pays pauvres
une offre et une demande, évitant ainsi tout déséquilibre. Les principaux acteurs défendant cette
stratégie sont Ragnar Nurske et Paul Rosenstein Rodan. Ils mettent en relief le rôle de
l'Infrastructure Economique et Sociale (IES). L'IES recouvre tous les équipements collectifs d'un
pays, le plus souvent fournis par l'Etat, qui facilitent les activités économiques : moyen de
communication (routes, ponts, aéroport, téléphone, etc.), bâtiments, énergie, adduction d'eau,
services publics divers... Leur mise en place réclame des investissements lourds, indivisibles,
coûteux à la taille minimale élevée, qui demande une longue période de gestion. Ces
investissements doivent précéder le lancement d'investissements directement productifs, ou au
moins être simultané. En reliant les marchés entre eux, les infrastructures permettront de
développer les échanges (mobilité des personnes et des marchandises) et rompre l'isolement de
régions entières, d'élargir le marché national et des débouchés des firmes (usines). Les entreprises
privées ne seront pas à même de mettre en place l'IES et il revient donc à l'Etat de lancer un tel
programme. Pour que les infrastructures soient utiles il faut un développement consécutif
d’industries divers, sinon elles seront sous employées (la grande poussée ou Big Push). Rodan
illustre la théorie de la grande poussée comme suit « Pour avoir la moindre chance de réussir, il
faut consacrer un minimum de ressources à un programme de développement. Lancer un pays dans
une croissance autoentretenue c’est un peu comme faire décoller un avion. Il faut atteindre une
vitesse critique au sol avant que l’appareil ne puisse décoller ». Mais, il ne suffit pas que quelques
usines soient installés, il faut que l’industrialisation se fasse sur plusieurs fronts en même temps,
pour que chaque nouvelle industrie profite du développement simultané des autres. Rodan donne
l’exemple d’une fabrique de chaussure : lorsqu’une seule usine se met en place avec 100 ouvriers,
des revenus additionnels sont créés, mais ceux-ci ne serviront pas à racheter la production,
l’entreprise ne trouvera pas de marché, et devra fermer. Par contre le lancement de 100 nouvelles
entreprises dans des secteurs divers, produisant des biens courants, fera naître un nouveau marché,
assurés par des demandes complémentaires ou les producteurs seront les consommateurs les uns
des autres. L’offre va créer sa propre demande, selon la loi des débouchés de J. B. Say.
A l’opposé, la théorie de la croissance déséquilibrée, également connue sous le nom de théorie des
pôles de croissance, défendue par des économistes tels qu'Albert Hirschman et François Perroux
soutien qu'il est préférable de promouvoir la croissance déséquilibrée, c'est-à-dire de concentrer
les investissements dans les secteurs clés de l'économie, souvent appelés pôles de croissance, afin
de stimuler ensuite une croissance plus large grâce aux effets d'entraînement et de liaison. Selon
cette thèse, la croissance ne se manifeste pas de manière uniforme dans l'espace, mais elle se
concentre plutôt en pôles ou en zones de croissance, dont les effets se propagent à l'ensemble de
l'économie environnante. Dans cette perspective, il est crucial de ne pas gaspiller de ressources
dans les branches qui ne contribueront pas de manière significative à l'économie. Ces idées ont
donné naissance à des stratégies de développement axées sur les industries lourdes. La théorie de
la croissance déséquilibrée a connu une grande popularité et a été largement adoptée à l'échelle
mondiale. Cependant, il semble que le développement des pôles de croissance ait également
engendré des conséquences indésirables, telles que la polarisation du développement dans une
zone spécifique, contribuant ainsi à la marginalisation d'autres espaces situés autour du pôle de
développement. La théorie n'a pas toujours produit les résultats escomptés, du moins en ce qui
concerne le développement des régions périphériques.
Gardons à l'esprit que les partisans de la croissance équilibrée soutiennent que les investissements
devraient être répartis de manière assez uniforme entre de nombreux secteurs industriels. En
revanche, les partisans de la croissance déséquilibrée estiment que ces investissements devraient
être concentrés sur des secteurs prioritaires à chaque étape.
Dans les pays du Nord, le concept de développement endogène a notamment été développé par
John Friedmann (économiste américain), qui l'a appelé le développement autocentré ou
développement agropolitain. Le développement endogène se concentre sur les besoins
fondamentaux des individus tels que l'alimentation, le logement, l'éducation et l'emploi, plutôt que
sur la croissance du marché. Il met l'accent sur la valorisation des ressources locales, qu'elles soient
naturelles, culturelles ou en termes de savoir-faire locaux. Il s'agit d'un développement intégré,
souvent de petite échelle, parfois caractérisé par une forme d'autarcie sélective. Le développement
endogène a été appliqué dans de nombreuses régions du monde, tant dans les pays en
développement que dans les pays développés. Il représente une rupture par rapport au concept
classique de développement économique axé sur la croissance de l'économie en dehors des
frontières locales. En ce sens, il constitue une réponse aux problèmes soulevés par la théorie centre-
périphérie, visant à réduire les disparités entre les régions et à favoriser un développement plus
équilibré et ancré localement.
Cependant, pour que cette stratégie fonctionne, il est essentiel qu'il y ait une demande suffisante
pour absorber l'augmentation de la production et ainsi éviter une crise de surproduction. Pour y
parvenir, il faut mettre en place une réforme agraire visant à redistribuer les revenus et créer des
marchés interrégionaux. Il est également nécessaire de mettre en œuvre des politiques
protectionnistes et de mobiliser des investissements massifs pour soutenir le développement.
Le modèle des industries "industrialisantes" repose sur l'établissement d'une structure industrielle,
ou de secteurs industriels, dont le rôle essentiel est de provoquer dans leur zone géographique et à
un moment donné une augmentation systématique des activités interindustrielles. Des économistes
tels que François Perroux et Gérard Destanne de Bernis (économiste français) ont introduit le
concept d'"industrie industrialisante" pour décrire la capacité de certaines branches industrielles,
lorsqu'elles sont présentes, à engendrer d'autres activités induites, contribuant ainsi à stimuler les
processus d'industrialisation. Selon cette stratégie, pour qu'un pays maximise son taux de
croissance, il doit non seulement augmenter son épargne, mais également produire lui-même les
biens d'investissement nécessaires. En effet, plus l'investissement dans les industries de biens de
production est important, plus la production future de biens de consommation peut être élevée.
Historiquement, cette approche de développement a été au cœur de la planification de
l'industrialisation rapide de l'URSS à l'époque de Staline, qui a mis l'accent sur le développement
des industries lourdes. Cette stratégie de développement a été suivie par l’Inde dans les années 50,
et l’Algérie à partir de 1967. Inspirée de la théorie de la croissance déséquilibrée, cette stratégie
de développement conduit l'État à diriger les investissements au lieu de les laisser au marché, étant
donné que la faible rentabilité de ces investissements dissuaderait les acteurs privés. En
conséquence, les investissements dans les secteurs stratégiques servent à établir des pôles
industriels de croissance qui, par leur effet d'entraînement, stimuleront le développement dans tous
les autres secteurs en aval. Les acteurs privilégiés dans cette démarche sont ceux de l'industrie
lourde en amont du processus de production. En améliorant la productivité, ils favorisent la
croissance de l'ensemble de l'économie, tout en contribuant à la mécanisation de secteurs tels que
l'agriculture, par exemple.
14
Les nouveaux pays industrialisés (NPI) sont les pays qui ont amorcé un important décollage industriel à partir des
années 1960. Il n'existe pas de liste officielle des nouveaux pays industrialisés : on y intègre les économies qui, par
leur stratégie de développement, ont connu une phase d'industrialisation rapide au cours des vingt à quarante dernières
années.
Parmi les NPI, on trouve :
Les « cinq bébés Tigres » : Malaisie, Indonésie, Thaïlande, Philippines, Viêt-Nam
Les « jaguars » : Mexique, Chili, Colombie, Argentine
Les BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine et l'Afrique du Sud.
Les « Quatre dragons asiatiques » (Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong) sont considérés depuis les années
1990 comme des pays développés et ne font plus partie des NPI. On pourrait éventuellement les appeler « anciens NPI
».
généralement considérés comme une réussite et servent de source d'inspiration pour les pays d'Asie
du Sud-Est, communément appelés les "tigres de l'Asie du Sud-Est15".
Le principal risque associé au développement extraverti est la difficulté à réaliser une transition
réussie des produits à bas coûts vers des produits à forte valeur ajoutée. Lorsqu'un pays se
spécialise dans la production et l'exportation d'une catégorie spécifique de biens pour exploiter son
avantage comparatif, il devient vulnérable aux fluctuations des marchés internationaux et
dépendant des importations pour de nombreux autres produits. Cette dépendance peut entraîner
15
L'expression tigres asiatiques ou tigres d'Asie désigne à l'origine quatre économies est-asiatiques devenues
industrielles dans la seconde moitié du XXe siècle et formant la première génération des nouveaux pays industrialisés
d’Asie (NPIA): la Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong. On leur donne également le nom de dragons
asiatiques ou dragons d'Asie. Employées dans le dernier quart du XXe siècle, les deux expressions sont forcément
datées.
plusieurs problèmes : (1) Le pays peut être contraint d'emprunter davantage sur les marchés
internationaux pour financer ses importations, ce qui peut entraîner une augmentation de la dette
extérieure ; (2) La dépendance à l'égard des exportations de produits à bas coûts rend l'économie
sensible aux fluctuations des prix mondiaux et à d'autres chocs économiques, ce qui peut affecter
la stabilité économique ; (3) La spécialisation excessive dans un seul secteur limite la
diversification de l'économie. Si la demande pour les produits de ce secteur diminue, l'économie
peut être fortement touchée ; (4) La concentration sur les produits à bas coûts peut décourager
l'innovation, car les incitations à investir dans la recherche et le développement de produits à forte
valeur ajoutée peuvent être limitées ; (5) Si l'accent est mis sur la production à faible coût, cela
peut entraîner un manque d'investissement dans la formation de la main-d'œuvre pour des emplois
plus qualifiés.
Dans les pays développés, on arrive à la fin des « trente glorieuse16 » qui va des années 40 aux
années 70, c'est à dire la période de la production et de consommation de masse. L’inflation est
16
Les "Trente Glorieuses" est un terme souvent utilisé pour désigner la période de prospérité économique qui a suivi
la Seconde Guerre mondiale en France, c'est-à-dire la période allant de la fin de la guerre en 1945 jusqu'au choc
galopante, le chômage prend une forte ampleur et devient structurel. S’ajoute à cela, les deux chocs
pétroliers qui ont modifié les prix de l’énergie.
Ainsi, vers la fin des années 70, dans les pays développés, où les politiques économiques étaient
inspirées de la théorie keynésienne, comme dans les pays sous-développés où les politiques
économiques étaient inspirées des théories structuralistes, les conditions économiques offrent aux
économistes néo-libéraux un terrain favorable au développement de leur théorie.
Durant les années 80, le libéralisme économique va être la doctrine économique dominante dans
les pays développés notamment aux Etats Unis et en Angleterre.
L'ajustement structurel a été conçu comme une orientation majeure visant à remédier aux
déséquilibres économiques et à stimuler la croissance économique dans les pays en
développement. Le paradigme de ces politiques repose sur deux principaux piliers : premièrement,
la libéralisation interne de l'économie et la réduction de l'intervention de l'État, et deuxièmement,
l'intégration de l'économie nationale dans le marché international, ce qui implique la libéralisation
pétrolier de 1973. Cette période est caractérisée par une croissance économique soutenue, une augmentation rapide du
niveau de vie, et un boom économique en France.
externe. Ces deux éléments sont considérés comme essentiels pour stimuler la croissance et le
développement économique.
-Un processus institutionnel caractérisé par des accords économiques et financiers entre les pays
en développement et les institutions de Bretton Woods.
Les politiques d'ajustement structurel, comme leur nom l'indique, sont un ensemble de mesures
visant à rétablir l'équilibre macroéconomique, à remédier aux problèmes économiques et à
réformer le fonctionnement de l'économie afin de créer les conditions nécessaires pour relancer la
croissance économique. L'hypothèse sous-jacente est que les économies des pays en
développement sont en crise, avec une croissance faible, voire négative dans certains cas, et qu'il
est donc nécessaire de créer un environnement favorable à la reprise de la croissance. Ces
conditions incluent :
Ces politiques mettent l'accent sur la réduction de l'intervention de l'État, considérée comme
perturbatrice des mécanismes du marché qui favorisent une meilleure allocation des ressources.
Les politiques d'ajustement structurel comprennent généralement les éléments suivants :
-Une politique de réduction des dépenses publiques pour réduire le déficit budgétaire, ce qui peut
impliquer des réductions des dépenses dans des domaines tels que la santé, l'éducation,
l'administration, les infrastructures et l'équipement, ainsi que la suppression de subventions.
La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont soutenu la mise en œuvre de
ces politiques dans les pays en développement en fournissant des prêts spécifiques. La mise en
œuvre des politiques d'ajustement structurel a débuté au début des années 80 et s'est déroulée à des
rythmes différents selon les pays. Les politiques de développement des institutions de Bretton
Woods, telles que le FMI et la Banque mondiale, vont bénéficier du soutien du GATT (General
Agreement on Tariffs and Trade) puis de l'OMC (Organisation Mondial du Commerce), car elles
partagent la même idée fondamentale : que le développement économique passe par une ouverture
accrue aux échanges internationaux. Selon la théorie néoclassique, cette ouverture est un facteur
clé de la spécialisation économique, de l'amélioration de la productivité et du transfert de
technologie. En conséquence, les pays doivent se conformer aux règles de l'OMC de la même
manière que les pays développés, notamment parce que ces derniers réclament l'égalité de
traitement en raison de la concurrence croissante des pays émergents. Cependant, il convient de
rappeler que les concepteurs et les défenseurs de ces politiques oublient souvent que les pays
développés et les nouvelles économies industrialisées ont eux-mêmes bénéficié d'une période de
protectionnisme initial avant de s'engager dans une ouverture commerciale.
90. À ce titre, l'économiste américain Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d'économie en 2001 et
ancien vice-président de la Banque mondiale, reproche principalement au FMI d'adopter une vision
du développement excessivement libérale, caractérisée par ce qu'il qualifie de "fanatisme de
marché". Selon lui, cette institution promeut un modèle supposément applicable universellement
à tous les pays. Stiglitz considère que l'approche de "thérapie de choc" imposée à tous les pays,
indépendamment de leur structure économique et sociale, est condamnée à l'échec.
2. Le néo-structuralisme
Le courant structuraliste a inspiré les politiques de développement mises en place dans la plupart
des pays décolonisés, politiques basées sur l’industrialisation (industrialisation par substitution
d’importation) et une intervention forte de l’Etat dans l’activité économique. Avec l’échec de ces
politiques de développement, la montée du courant libéral (consensus de Washington) et les PAS,
le courant structuraliste s’est trouvé marginalisé. Mais le changement de contexte avec l’échec des
PAS et leurs conséquences souvent désastreuses, ont encouragé les recherches des structuralistes
d’un nouveau modèle de développement. Ces travaux sont connus sous le nom du néo-
structuralisme.
Le diagnostic fait par les néo-structuralistes part du constat que « la mondialisation serait un état
de fait, source de nouvelles possibilités pour le développement, tout en accroissant la vulnérabilité
des économies ». Ainsi, les néo structuralistes seraient pour une ouverture des économies mais
17 La mondialisation est un processus complexe de transformation qui se caractérise par l'interconnexion croissante
des économies, des cultures, des sociétés et des systèmes politiques à travers le monde. Elle se manifeste par la
circulation accélérée des biens, des services, des capitaux, des informations, des idées, des technologies et des
personnes à l'échelle internationale. La mondialisation englobe l'intégration économique mondiale, l'interconnexion
technologique, la mobilité des personnes, l'homogénéisation culturelle et la diversité culturelle.
socialement responsable, car même si la libéralisation des échanges peut contribuer à la croissance,
la répartition de ses fruits de manière équitable n’est pas garantie sans une politique de
redistribution volontaire.
Les néo-structuralistes, très critiques à l’égard des politiques d’ajustement structurel, ont aussi
critiqué certains aspects de la théorie de leurs prédécesseurs. L’orientation de leurs travaux va dans
le sens d’un dépassement nécessaire du faux dilemme « Etat/marché ». Tout en rappelant les
problèmes de distorsions endogènes des structures de production dans les pays sous-développés,
et en reconnaissant les risques qu’engendre une expansion de l’Etat sans limite, ils affirment «
qu’il existe une relation de complémentarité ou d’attraction (pulling-in) entre l’investissement
public et l’investissement privé : l’investissement public crée « l’environnement économique »
sans lequel l’investissement privé ne pourrait se réaliser. Les néo-structuralistes soutiennent, par
ailleurs, que la stagnation économique et les pressions inflationnistes peuvent être engendrées par
des réductions sans discernement dans les dépenses gouvernementales en infrastructures
économiques et sociales car elles accroissent les coûts de production du secteur privé et, de ce fait,
elles affaiblissent la profitabilité et l’investissement privé ». Dans cette perspective, les néo-
structuralistes accordent à l’Etat deux fonctions prioritaires : (1) agir pour l’équité sociale ; (2) agir
pour la compétitivité extérieure. Les deux fonctions sont liées car une plus grande équité sociale
contribue à améliorer la compétitivité globale de l’économie.
Les néo-structuralistes voient dans la réduction des inégalités un facteur de développement, les
fortes inégalités de revenus réduisent la taille du marché intérieur et provoquent des conflits
sociaux et politiques défavorables au processus de développement.
Faisant évoluer leurs premières analyses, les néo-structuralistes proposent une approche intégrée
qui concilie des objectifs de croissance et d’équilibre macro-économique, aussi bien que des
objectifs d’équité et de répartition. Ils maintiennent que la stimulation de la demande intérieure est
importante pour l’investissement local ainsi que la création d’un environnement économique
stable. Par ailleurs, ils introduisent dans leur analyse le capital humain comme facteur d’efficacité
économique : l’investissement dans les ressources humaines (par l’éducation, la santé …) est à la
fois un facteur de réduction des inégalités, et le moyen d’accroître la productivité et le progrès
technique.
compétitivité dans ces contextes géographiques spécifiques. En somme, l'économie des territoires
examine comment les facteurs locaux contribuent à façonner les économies régionales et locales.
Elle trouve ses origines principalement dans trois disciplines : l’économie géographique ou
l’économie spatiale, l’économie industrielle et la science régionale.
Notons que l’économie des territoires favorise une approche plus inclusive, adaptée aux
particularités de chaque région, et peut contribuer à une croissance économique plus équilibrée et
durable dans les pays en développement. Cependant, il est important que ces approches soient
mises en œuvre de manière coordonnée avec une vision globale du développement économique
national pour garantir une cohérence et une synergie optimale.
Selon Amartya Sen, le développement est un processus d’expansion de la liberté des individus, la
liberté étant à la fois l’objectif et le moyen d’atteindre le développement. Cette liberté renforce
l'efficacité en donnant aux individus la capacité d'exercer ce qu'il désigne comme leur "fonction
d'agent", c'est-à-dire la capacité d'agir pour influencer leur situation et devenir responsables de
leur destin. Bien que Sen reconnaisse l'importance de la croissance économique, il la place dans
un contexte plus vaste en examinant l'ensemble des facteurs qui influencent cette croissance et
qui peuvent éventuellement conduire à une croissance sans développement.
La notion de liberté selon Amartya Sen englobe l'ensemble des libertés politiques, économiques et
sociales. Sen introduit plusieurs distinctions importantes dans cette conception de la liberté :
-Distinction entre les "processus" qui facilitent l'exercice de la liberté et les "possibilités", c'est-à-
dire les choix disponibles pour les individus.
-Distinction entre le rôle constitutif de la liberté, qui concerne la liberté substantielle ou les libertés
fondamentales telles que la liberté politique, et le rôle instrumental de la liberté, lorsque ces libertés
contribuent au progrès économique. Il est également essentiel de noter que ce rôle instrumental est
étroitement lié aux interactions entre différentes formes de liberté, qui se renforcent mutuellement.
La liberté substantielle permet aux individus de construire « leurs capacités » (ou selon la
traduction « capabilités »). La capacité d’une personne se définit par « les différentes combinaisons
de fonctionnements qu’il lui est possible de mettre en œuvre » (Sen, 1999). Plus l’individu a des
possibilités de choisir entre plusieurs combinaisons de fonctionnements plus sa liberté est grande.
Par ailleurs, l’analyse de Sen aboutit à distinguer entre l’inégalité de revenus et l’inégalité
économique, que de nombreux économistes considèrent comme synonyme. En s’appuyant sur des
études empiriques portant sur des catégories de la population dans différents pays du monde
(comparaison entre les conditions de vie des noirs américains et celles des populations de l’Inde
ou de la Chine, comparaison entre la situation des femmes et celle des hommes dans certains pays
sous-développés etc.), Sen démontre que les deux notions (inégalité de revenus et inégalité
économique) ne se recoupent pas. La notion d’inégalité économique est plus large, elle concerne
en plus des revenus, l’inégalité dans d’autres espaces comme le chômage, l’état sanitaire, le
manque d’éducation, etc.
Cette approche du développement axée sur la liberté et la construction des capacités, aide à
dépasser les visions étroites du développement, à poser autrement les questions de l’égalité des
revenus, de la pauvreté et de la croissance. Par ailleurs, elle permet de prendre en compte les
conditions spécifiques de certains groupes sociaux particulièrement défavorisés (comme les
femmes) et pour lesquels les analyses classiques du développement ne portaient pas d’intérêt ni
d’outils théoriques adéquats.
L’allègement de la dette a permis aux pays bénéficiaires de consacrer davantage de ressources aux
services sociaux essentiels tels que l'éducation, la santé et l'eau potable. Cela a contribué à
l'amélioration des conditions de vie et au renforcement du capital humain. En réduisant la charge
de la dette, l'Initiative PPTE a libéré des ressources pour les investissements publics et privés, ce
qui a contribué à stimuler la croissance économique dans de nombreux pays bénéficiaires. Les
réformes économiques associées à l’initiative PPTE ont contribué à renforcer la confiance des
investisseurs nationaux et étrangers dans les pays en développement, favorisant ainsi les flux
d'investissement et la création d'emplois. La réduction de la dette et l'amélioration de la stabilité
macroéconomique ont souvent conduit à une amélioration de la notation de crédit des pays, ce qui
a rendu plus facile l'accès aux marchés financiers internationaux et la levée de capitaux pour
financer le développement. Les PED bénéficiaires de l'Initiative PPTE ont généralement pu
accéder à des financements concessionnels à des taux d'intérêt préférentiels, ce qui a facilité la
mise en œuvre de projets de développement à long terme. Enfin, l’initiative PPTE a renforcé la
résilience économique des pays bénéficiaires, les rendant moins vulnérables aux chocs
économiques externes, tels que les fluctuations des prix des matières premières ou les crises
financières mondiales.
18
"The Limits to Growth" utilisait des modèles informatiques pour analyser les conséquences de la croissance continue
de la population mondiale, de l'industrialisation et de la consommation de ressources naturelles. Il mettait en évidence
les limites physiques de la planète en termes de production alimentaire, d'énergie et de matières premières, suggérant
que si ces tendances se poursuivaient, elles pourraient entraîner des problèmes graves, voire une catastrophe.
19
Le Club de Rome est un groupe de réflexion international fondé en 1968. Il est composé de scientifiques,
d'universitaires, d'hommes d'affaires et d'autres experts issus de différents domaines. Le Club de Rome est
Le concept moderne de développement durable a été popularisé par le rapport "Our Common
Future", également connu sous le nom de rapport Brundtland20, publié en 1987 par la
Commission mondiale sur l'environnement et le développement des Nations Unies. Ce rapport a
défini le développement durable comme "un développement qui répond aux besoins du présent
sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs." Il a mis l'accent sur
l'équilibre entre les dimensions économiques, sociales et environnementales du développement.
Par la suite d’autres événements et idées clés ont contribué à renforcer le concept du
développement durable. La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, également connue sous le nom de Sommet de la Terre de Rio, qui a eu lieu en
1992 au Brésil, a été un moment clé dans l'adoption du développement durable comme concept
mondial. L'Agenda 21 et les Principes de Rio ont été adoptés lors de cette conférence, établissant
des lignes directrices pour la promotion du développement durable à l'échelle mondiale. Les
Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) des Nations Unies, établis en 2000, visaient
à améliorer les conditions de vie des populations les plus vulnérables du monde. Ils ont mis l'accent
sur des objectifs spécifiques liés à la réduction de la pauvreté, à l'éducation, à la santé, à l'égalité
des sexes et à d'autres aspects du développement durable. Les Objectifs de développement durable
(ODD), également connus sous le nom d'Agenda 2030, ont été adoptés en 2015 par les Nations
Unies pour succéder aux OMD. Les ODD sont un ensemble de 17 objectifs qui couvrent un large
éventail de domaines liés au développement durable, y compris la réduction de la pauvreté,
l'éducation, la santé, l'égalité des sexes, la protection de l'environnement et la justice sociale.
principalement connu pour avoir publié en 1972 un rapport intitulé "The Limits to Growth" (Les Limites de la
Croissance), rédigé par Dennis Meadows et d'autres chercheurs. Ce rapport a attiré l'attention sur les préoccupations
concernant la croissance économique à long terme, les ressources naturelles limitées et les impacts environnementaux.
20
Le Rapport Brundtland, officiellement intitulé "Our Common Future" (Notre avenir à tous), est un rapport publié
en 1987 par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement des Nations Unies. La commission a
été créée en 1983 et était présidée par l'ancienne Première ministre de Norvège, Gro Harlem Brundtland, d'où le nom
du rapport. L'objectif de ce rapport était d'explorer les liens entre le développement économique, la protection de
l'environnement et les problèmes sociaux, et de proposer une vision holistique pour l'avenir.
La genèse du développement durable est marquée par une évolution progressive des idées et des
politiques, avec une reconnaissance croissante de la nécessité de concilier la croissance
économique avec la préservation de l'environnement et le bien-être social. Le développement
durable est désormais un cadre global pour orienter les politiques et les actions visant à améliorer
la qualité de vie des générations actuelles et futures.
L’on doit noter que ces trois piliers du développement durable sont interconnectés et
interdépendants. L'atteinte des objectifs dans l'un de ces domaines peut avoir des répercussions
positives ou négatives sur les autres. Par exemple, une croissance économique non durable peut
entraîner une dégradation environnementale et des inégalités sociales croissantes. De même, des
Le développement durable pour les pays en développement représente un effort pour améliorer les
conditions de vie tout en préservant les ressources naturelles et en promouvant l'inclusion sociale.
Cela nécessite une approche globale, une coopération internationale et des investissements
significatifs dans des domaines clés du développement.
économistes soutiennent l’idée selon laquelle les pays en développement devraient être impliqués
dans la définition des priorités et des stratégies de développement. Autrement dit, plutôt que de
considérer l'aide comme une simple assistance charitable, elle devrait être conçue comme un
partenariat entre les pays donateurs et les pays bénéficiaires. Préférablement que de suivre une
approche universelle, l'aide doit être adaptée aux besoins et défis de développement de chaque
pays. En outre, les pays en développement sont aussi encouragés à mobiliser leurs propres
ressources internes, y compris les recettes fiscales, pour financer leur développement, cela à travers
des réformes fiscales et une meilleure gestion des finances publiques. Promouvoir la bonne
gouvernance, la transparence et la lutte contre la corruption dans les pays en développement. Cela
garantit que les ressources allouées sont utilisées efficacement pour le développement.
L'aide au développement doit jouer un rôle de catalyseur dans l’approche de Partenariats Public-
Privé (PPP) en attirant des investissements privés vers les pays en développement. Cela peut être
réalisé par le biais de garanties, et de mesures pour améliorer le climat des affaires. Par ailleurs,
l’investissement dans le renforcement des capacités des institutions locales, des organisations de
la société civile et des acteurs du secteur privé dans les pays en développement pour favoriser une
plus grande autonomie dans la mise en œuvre et la gestion du développement. L'agenda des ODD
des Nations Unies doit être au cœur de l'aide au développement. Les projets et les programmes
doivent être alignés sur les objectifs spécifiques des ODD pour assurer une approche cohérente du
développement durable.
9. Microfinance
On ne peut pas évoquer le renouveau des stratégies de développement dans les PED sans
mentionner la microfinance. L'activité de microfinance a été popularisée dans les années 1980
grâce au travail pionnier de Muhammad Yunus à travers le modèle de la Grameen Bank. En 2006,
ce pionnier de la microfinance et la Grameen Bank ont reçu le prix Nobel de la paix pour leur
travail ayant permis le développement économique et social des personnes les plus défavorisées.
Connue aussi sous le nom de Système Financier Décentralisé, l’approche de la microfinance
parvient à s’affranchir de certains aspects (micro-services, localisation en zone rurale, etc.) censés
être coûteux (en termes de coûts de transaction) pour la plupart des banques commerciales.
Contrairement aux banques traditionnelles, la microfinance tente généralement d’atteindre le
double objectif d’aider les pauvres tout en atteignant des performances financières durables.
L’émergence de la microfinance est considérée comme un élément important de la finance rurale
moderne. Dans la plupart des PED, notamment dans la zone UEMOA, la microfinance a
véritablement pris de l'ampleur dans les années 1990. Par exemple en Côte d'Ivoire, l’activité de
microfinance a été formalisée (légalisée) en 1996, bien que les premières traces des activités de
microfinance remontent aux années 1976.
Des néoclassiques comme McKinnon (1973) et Shaw (1973) soutiennent que les modèles de
financement public d’inspiration keynésienne qui maintiennent les taux d’intérêt en dessous des
niveaux du marché réduisent la mobilisation de l’épargne. Il faut donc démanteler les institutions
publiques et libéraliser le marché financier. Dans de nombreux PED, notamment en Afrique, le
nouveau paradigme baptisé libéralisation financière a donc prévalu. Suite à cette rupture avec
l'ancien paradigme financier, certaines initiatives ont été entreprises par les acteurs (nationaux et
internationaux) pour construire un système de financement adéquat et durable.
Dans ce contexte de vide créé par la fermeture des banques de développement, et sur la base de
ses expériences, notamment au Bangladesh, la microfinance a été identifiée comme un outil
financier pouvant atteindre les ménages à faible revenu. De par ses caractéristiques, la
microfinance est reconnue comme un instrument financier capable de fournir des services
financiers adéquats (épargne, crédits, envois de fonds et autres services) aux petits ménages qui,
autrement, ont un accès limité aux banques commerciales. La microfinance a été soutenue dans la
plupart des pays en développement par les organisations internationales, les ONG et les
programmes d'aide publique. En consacrant 2005 comme « Année internationale du microcrédit,
les Nations Unies et le monde entier ont reconnu l’importance des activités de microfinance dans
la réduction de la pauvreté et des inégalités de revenus, par conséquent dans le processus de
développement des PED.
Cependant, il est important de noter que la mise en œuvre réussie de la ZLECAf nécessite des
efforts considérables, notamment la réduction des obstacles non tarifaires, la mise en place
d'infrastructures de transport et de logistique efficaces, la facilitation du commerce transfrontalier,
et la protection des droits de propriété intellectuelle, entre autres. De plus, il peut y avoir des défis
liés à la capacité administrative et à la coordination entre les pays membres. Néanmoins, la
ZLECAf représente un pas important vers le développement économique et la prospérité en
Afrique.
Références bibliographiques
7-Schultz, T. P., & Strauss, J. (Eds.). (2008). Handbook of development economics (Vol. 4).
Elsevier.