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Le Tampon vert
de Aziz Chouaki
www.azizchouaki.com
Scène un
Salon marocain, poufs, oreillers, petite table, grande bouteille de Pepsi.
Côté cour, un paravent. Entrent, Zora, dans les vingt ans, et Anissa, la
quarantaine, elles sont en noir. Anissa passe derrière le paravent. Elle
se déshabille et met une djellaba. Zora fait valser ses souliers et passe
derrière le paravent, elle en ressort avec juste un large T-shirt
américain, les jambes nues.
Anissa Tu vas pas rester comme ça, Zora ? Je veux dire les jambes à
l’air ? N’importe qui peut débarquer chez nous, aujourd’hui, tu le sais
bien.
Zora J’avais laissé un yaourt, là, ce matin. C’est toi qui l’a pris ?
Anissa Un yaourt ? Mais j’en sais rien, moi. Peut-être, je sais pas….
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Anissa Attends, d’abord j’ai pas la tête à ça, s’il te plaît. Avec tout ce
qu’on s’est…
Zora Très grave, Anissa. Je veux que tu me dises. Est- ce que c’est toi
qui l’a bouffé ce putain de yaourt !?
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Jacquot et moi trempés jusqu’aux os cheveux aux joues
rassemblement tous en rang sur la place du château. Le lendemain,
j’ai appris à jouer aux échecs, je suis imbattable aujourd’hui. C’est
moi qui lui ai appris, à Anissa. Les échecs. Je lui ai filé mes débris de
Maroc, celui explosé que Jacquot dans mon âme, oui, encore, oui.
C’est moi, c’est pour ça que cette grosse conne est toujours vierge, à
quarante-quatre ans.
Anissa Eh ben, la cigarette quoi, fais pas semblant, tu sais c’est h’ram
chez nous, pour les femmes. Au moins tu fais ça en cachette.
Zora Et papa, il fumait pas du kif ? Quand toi et Farida, chaque soir
après le dîner, à gentiment lui poser la pipe sur la table, monsieur
papa, la petite boîte en métal avec le kif dedans, les allumettes, le
jasmin, le thé. .
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Anissa Mais… le kif… c’est pas pareil, Zora, au Maroc, la tradition,
c’est pas pareil, tu sais bien là-bas tous les hommes ils…
Zora Faut que je me casse d’ici. Même les yaourts sont en danger
avec vous.
Zora Ca va, ça va, j’avions compris. Ah, faut que je me dévisse d’ici
vite fait.
Zora Ah non, eh eh, partir c’est clair, mais dès que tout sera réglé. On
attend Farida, d’ailleurs, qu’est ce qu’elle fout (elle regarde sa
montre).
Anissa Allo, oui, Didi Malek, oh ça va, merci , merci. Oui, sur Casa,
dis à la famille que tout est réglé ici, le cercueil, l’avion. On vous
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rappelle pour l’heure, oui Farida. C’est ça, je vais lui dire, oui c’est un
coup dur, Mektoub, Zora ? (elle fait signe à Zora de prendre le
combiné, celle ci refuse d’un geste ) euh, elle est sortie ? je lui dirais,
encore merci, au revoir.(elle raccroche) Pourquoi tu veux pas parler,
c’est ton oncle, Didi Malek? Le frère de papa ?!
Anissa On t’a jeté un sort, toi, ma parole, j’ai jamais vu ça. C’est pas
possible. Que Dieu…
Zora Et pourquoi moi va t’en ? Pourquoi pas toi et Farida ‘va t’en ?
C’est encore la baraque de papa à cette seconde. J’y ai encore droit,
mon amour. En attendant Farida, le testament. A voir ce que ce joli
papa a laissé à ses fifilles chéries.
Anissa (aparté)J’aurais dû, plus vite là. Chipie de douze ans, à Liévin,
dans la baignoire. La tête sous l’eau, je lui ai mis à Zora, je chantais
fort, couvrir ses cris. Et papa il ouvre la porte, dommage, et moi je
chante plus fort, et lui, lui, il cherche sa ceinture en cuir, il entre,
dommage, je la lâche, elle respire, dommage. Plus vite, j’aurais dû,
plus profond, cette peste. J’ai déchiré ses poèmes, j’ai fait caca dessus
aussi. Maman, l’accouchement, à hurler, les voisines, les serviettes
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mouillées sur son front, la pluie de rage, des chiens dehors, à hurler
maman, son cri dans les rues de Liévin, puis les routes de France, la
mer jusqu’à Ouarzazate l’écho, bâton entre les dents, maman, cette
chienne sort, le cordon, maman, zac coupé, maman morte. C’est Zora
qui a tué maman. (pause)J’ai tout vu de mes yeux, j’ai barré la femme
de moi depuis, c’est pour ça. À Essaouira, petons dodus nus de mes
deux ans sur le sol la braise en été, la place du village, tout le monde :
le tampon vert, tous à crier, le tampon vert, le tampon vert,le tampon
vert !Et papa tout fier beau, il revient d’Ourzazate, sur la place du
soleil tout fier beau, entouré de tous,il ouvre papa, tout fier, sa
chemise, montre sa belle poitrine velue frappée, papa, beau, le tampon
vert brillant émerveillés les visages. Et les femmes, les filles qui
cardent la laine en chantant (à la criée)le tampon vert ! Le tampon
vert ! Berceuse miel et berbère au ciel. Les yeux palmiers de maman
dans le même ciel d’ailleurs.
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Scène deux
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Entre Farida, la cinquantaine fatiguée. Essoufflée, elle pose des
sachets de courses par terre. Les deux autres sœurs s’approchent.
Farida Ouf, tracasses, que des tracasses, les papiers. Que des
tracasses.
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Farida s’essuie les yeux
Anissa Laisse, Farida, discute pas avec elle, cette fille est cinglée, tu
vois pas? Attends, je vais te ramener à boire.
Zora Le yaourt dans le frigo, nature, bleu et blanc.
Farida C’est qui cet yaourt ? Papa il est mort aujourd’hui et toi tu
tortille le je sais pas…. Et avec ta cigarette de débauchée ce matin, au
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cimetière, que tout le monde il te voit, et ton walkman ou je sais pas
de portable moi, il a sonné la honte. Et tu me dis yaourt ?
Anissa Ne lui réponds pas, Farida, laisse là, il lui manque une case, tu
le sais bien. Bon et alors, on fait comment maintenant.
Anissa sort des papiers d’une sacoche, elle prend les billets d’avion.
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Anissa (aparté) Farida aussi, je lui ai fait caca, sur ses Louis d’or.
Quand Mustapha printemps endimanché a demandé ma main, quand
elle a persuadé papa de dire non. A ma porte rien n’a toqué depuis.
Alors voilà. Parce que c’est comme ça, et au Maroc aussi, ma chaîne
en argent, pendant la sieste, une fois, elle me l’a volée, je dormais
d’un oeil, je l’ai vue, j’y croyais pas. L’épicier du village, elle lui a
vendu, j’ai appris plus tard. La femme de moi s’est allumée, toute
scorpion rien à faire, alors. Dans le bus, retour de Marrakech, soleil
qui grille je lui en ai glissé un, dans son sac, de scorpion, s’en est
sortie la salope, une semaine de bras enflé. Mustapha printemps que
jamais plus rien du tout d’endimanché à jamais depuis. Fils de mineur
aussi, peuple des fosses 11, des cages, des briquets, du gris de
Sallaumines, froid de musette au museau le matin, des plein de sans-
terre, aussi. Les enfants du tampon vert. Avant que les mines elles
ferment, avant le grand soir noir. C’est pourquoi maintenant, les crocs
et les griffes, (pause) il fait si froid dehors.
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Farida Oui, la 11/19, tu as raison Anissa, à Loos, ensemble doigts de
la main, avec M. Guérin, les deux à les voir. Eh, la mine,(soupir) c’est
elle il a tout donné, la mine, la vérité : le manger, les habits, l’école
pour toi Zora,toi un peu Anissa, les stages, c’est la mine la maman de
tous. Maintenant toutes elles sont fermées, la mine, c’est plus pareil et
triste, Mektoub. Il m’a montré des photos, M. Guérin, avec papa (elle
renifle) devant l’église, 14 juillet à Liévin, avec Maurice et le petit
rouquin Jacquot, tu connais à l’école toi Zora, Jacquot le rouquin?
Zora Berlingot.
Zora C’est qui les ordures dans la bouche. Je te parle berlingot, moi,
yaourt.
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de honte. Dès la froide aube, pendant vite 30 ans, les trois huit, les
fosses, cœur de houille bleutée. Son doux regard sur moi, souvenir de
présence,jusqu’au jour. Où mes seins, pop, ont jailli au jour. Plus
jamais, doux regard, papa s’est depuis fermé à lui. Cette serpente de
Farida, mes premières lettres d’amour, François le bel aux yeux
romarins, déchiquetées chaque fois. Je l’ai vu Sultan. C’était après
Jacquot, berlingot. Je lui ai donc appris à jouer, à Farida, aussi. Aux
échecs. Deux ans après son mariage, répudiée, parce que stérile. La
serpente chienne. Plus de mec, idem pour Anissa, l’autre siamoise
pute de grosse vache, jamais de mec. Tous les mecs du monde sont
entre mes jambes, depuis.
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Scène trois
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Farida se lève, passe derrière le paravent et en ressort vêtue d’une
robe d’intérieur arabe.
Farida Bon, maintenant faut les préparer les cadeaux, et les choses
tout le village il attend là bas. Et faire le grand couscous. Didi Malek
c’est lui il s’occupe, il a dit au village.
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Anissa Qu’est ce que tu veux dire… deux ?!. Tu ne paies pas avec
nous les cadeaux ?
Zora Non, c’est beaucoup plus fun que ça. Extrêmement plus marrant.
C’est tout le côté ethnoïde de l’affaire qui se zappe, d’un coup.
Zora Le truc complet de l’affaire, c’est que je ne viens pas avec vous.
Au Maroc. C’est simplement tout. Voila.
Zora Tout ce Maroc c’est fini pour moi, parti avec papa, bye bye
hombre. Je suis faite de Navarre, aussi, très beaucoup. Alors donc, le
mien, de Maroc… pouvez pas comprendre, mesdames.
Farida Attends, attends, comment ça tu viens pas ? Bien sûr tu vas
venir, obligé tu vas venir.
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Zora T’as dis quoi là, Farida ? Voilà, tu as dit le mot exact, ma chérie.
C’est cet ‘obligé’, ce Maroc de l’obligé’ que je pisse dessus, moi.
Farida Satan il t’a avalée ça y est, ordure, que tu insultes ton pays,
que c’est de ton père de l’honneur que dedans la boue tu traînes. On
va enterre ton père dans ton pays, ton père c’est ta viande, il faut que
tu est là.
Zora éclate d’un fou rire. Elle manque de s’étouffer, tend le bras vers
la bouteille de Pepsi. Farida l’en dissuade violemment.
Anissa Tu n’as pas peur, Zora, je sais pas, moi,euh… le bon Dieu,
tous ces trucs, je veux dire c’est très Hr’am ce que tu vas faire là.
L’Islam il a dit…
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Farida Ma parole il faut tu vois le docteur, toi, qu’il voit la mécanique
elle est détractée tout dans ta tête. Tu es folle
Anissa Fais pas attention, Farida, elle est que dans la frime, c’est du
cinéma, cette fille.
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les chèvres, le feu à souffler, la galette sur la braise, c’est ça … et la
terre à bêcher, elle est dure, elle donne pas beaucoup, c’est comme
moi mon ventre, pas d’enfants, potager sans courgettes, Mektoub. Les
deux chiennes, dans mon dos elle m’ont fait le sortilège avec le
talisman un jour j’ai trouvé dans mon lit. C’est elles, le malheur, tout
dans la famille, c’est elles. C’est elles elles ont fait que tout il est
tordu, c’est elles.
Anissa Moi je sais pas. Rester un bout de temps peut être, mais pas
pour toujours… essayer les grandes villes, Casa, Tanger. Je pourrais
pas pour de bon, je crois, trop pris de plis, ici.
Zora Je dis papa c’était un gros macho, c’est tout. Juste à vous voir, le
résultat.
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Zora Pourquoi il t’a jamais mise à l’école, Farida, hein ? Et pourquoi
il t’a fait quitter l’école au CM2, toi Anissa ? Parce que tu avais des
nichons et que...
Anissa Arrête ! C’était pour aider maman, elle était tout le temps
malade, tu t’en souviens pas, trois fausses couches !
Farida Eh ben, euh… c’est pour pas qu’on nous embête, c’est tout.
Qu’est ce tu vas chercher dans les poux, toi ?
Zora Et les raclées avec la grosse ceinture en cuir, comme ça, pour
rien, la Loi.
Anissa Eh ben, c’est normal, c’est papa, qu’est ce que tu veux faire,
on faisait des bêtises, quoi. Ah c’est toi qui aurais dû en prendre des
raclées... t’étais trop petite alors, salope de hyène.
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Scène quatre
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Klaxon. Farida se lève.
Elle sort
Anissa Touche pas à ces putains de biscuits. C’est mes biscuits, c’est
moi qui les ai achetés.
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Zora Bon, bon réfléchissons, réfléchissons.
Anissa Qu’est ce que tu vas chercher. Non, c’est juste comme ça...
c’est mieux que le fenouil.
Anissa Eh, mais t’es une arabe, toi aussi ! De quoi tu parles, ma
parole, on dirait que t’es devenue… raciste.
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propre gré. Mais en vacances et comme il faut. Le village, les ânes, les
moustiques tout ça, non merci.
Farida Voilà ce qu’il avait, papa, tout sur lui, à l’hôpital, le pauvre.
On va voir.
Farida Cadeau de Didi Malek ; pour l’Aïd. Elle est jolie, avec le petit
Coran, il est vraiment écrit, tous les versets tout tout tout petit dedans
quand tu l’ouvrir.
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Zora Qui n’est pas finie, et qui ne finira jamais de finir, la nouvelle
d’Agadir.
Farida Tais-toi, la peste. Bon, et ... Anissa, c’est quoi il a fait papa le
chose là de l’associé avec Boudjemaa ?
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Anissa Elle est belle, tu as raison, mais la montre aussi. Si on faisait
un tirage au sort ?
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Zora Non, je vous laisse la chaîne et la montre. C’est autre chose que
je voudrais.
Anissa Oui, vas y, c’est tout ce qu’elle mérite, cette merde. Serre, oui,
oui, jusqu’au bout, vas y Farida. Attends je vais t’aider
Anissa s’y met, elle maîtrise Zora, que Farida étrangle. D’une ruade,
Zora réussit à se libérer. Elle sort et revient avec un long couteau de
cuisine.
Zora Approchez, batardes, je vais vous enculer avec ça. (elle fait des
moulinets, les deux sœurs sont collés l’une à l’autre) Vous faites
moins les zouavettes, hein ? On va lui changer son mode à la
conversation, maintenant. Bon, voyons voir (elle regarde les affaires
du père)Je vous laisse la quincaillerie, même la ceinture en cuir et je
prends… (de la lame du couteau,elle soulève le slip et le porte à ses
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dents)… ça. Mm, l’odeur, je viens de là, vous aussi. Je vais me lécher
ça toute seule.
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Scène cinq
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Les trois sœurs sont debout face public, apartés alternés, elles ne se
regardent jamais.
Anissa Non, c’est pas moi, je l’ai pas tué, Sultan. Je lui ai mis une
fois, de la mort aux rats dans sa pâtée
Anissa Il a vomi, mais il s’en est sorti. Non c’est pas moi.
Zora Je suis née dans la mort de maman. C’est tout ce qu’il y a à dire.
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donné, pour la Grâce de mes joues d’alors, que Dieu vous la bénisse.
Une semaine après, disparu, le flacon.
Zora Mes premiers poèmes, déchirés ;c’est l’une des deux, caca
dessus.
Farida Les lettres, je sais pas lire. Je sais rien lire, moi. C’est Anissa
elle m’a dit pour Zora, les lettres de garçon
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Anissa Non, Sultan c’est pas moi, au printemps je suis sage, parce que
mon endimanché Mustapha.
Farida Alors zzt , j’ai déchiré les lettres, c’est h’ram, la fricoter avec
le garçon. Maman elle est morte, alors c’est moi je remplace.
Farida Papa, le tampon vert, il veut dire il est bon pour les travails
dans les mines. L’embauche, ça veut dire, il fait l’émigré.
Anissa C’est moi qui lisais les lettres d’amour de cette Zora de
chienne, à Farida.
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Farida Papa, lui, c’est le vert, l’espoir, la couleur du Coran. C’est ça
papa.
Zora François le bel aux yeux romarins, son écriture toute en déliés.
J’avais compris.
Farida Sur la poitrine, il est mis la tampon. Quand c’est vert il ouvre
la chemise il montre. Quand c’est rouge, il ferme, la honte.
Anissa A voix haute, en changeant des passages, pour la couler cette
peste de Zora. Les lettres d’amour.
Zora J’ai pris le pilon, je l’ai bien regardé dans les yeux le Sultan de
chien.
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Zora A me regarder, le chien, j’ai pris le pilon le 12 décembre 1985,
et je lui ai fracassé son putain de crâne, le chien, sa cervelle a volé en
éclats, comme la lettre, confettis olé jusqu’à Casablanca.
Anissa Je l’ai vue Zora, traîner le chien,par la queue. J’ai ri des yeux
en pensant à Farida, la gueule qu’elle allait faire. Le parfum, le
Printemps, mon endimanché Mustapha.
Elle tend la main pour la prendre et reçoit une claque de Farida qui
prend la lettre.
Farida Touche pas à papa, sorcière de chèvre. Allez, tiens (elle donne
la lettre à Farida) ouvre, Anissa, et lis, vas y, dis nous ce qu’il a
laissé, ce pauvre papa.
Farida Qu’est ce qu’y a, dis, allez lis la lettre, elle va pas te manger,
non ?
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Anissa Papa… oh papa… il ….
Zora Allez vas y crache. (elle lui arrache la lettre et continue à lire
à haute voix) voyons voir hm… ‘… dettes de jeu… prêts bancaires…
découvert … hypothèques… faillite…’ en bref les filles, c’est Tintin,
c’est marron. Pas un rond, il nous a laissées. Que des dettes. …
Silence.
Zora Moi, jeune greffon de France, les centres aérés, des lundi au
soleil, tout ce qui république quoi, à flâner flipper, bar d’émigrés qui
l’ont saumâtre, l’exil, rosé mon cochon, rosé, poulette de grain, de
cette douce France, mère de toutes les carte de séjour, mes yeux à moi
c’est cette ligne là, bleue et coq, sans culotte et à bas le roi, qu’on lui
coupe le chef, derechef et ainsi chût le chef du chef déchu. Parce que
mes bancs d’école, cours de géo, à rêvasser Périgord et Franche-
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Comté, pas du tout l’intention de quitter le Loft. J’y suis, c’est bon,
j’y reste donc.
Noir progressif.
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