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A vivre seul, au moins

quelques années, on
apprend à se passer du
besoin qui ligote au désir
Teddy Tanier/ octobre 25, 2018

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A vivre seul, au moins quelques années, on apprend à se


passer du besoin qui ligote au désir et au rêve, qui ouvre
grand lʼespace en soi et autour de soi.

A vivre seul, on apprend à choisir ses


relations au lieu de les supporter, de
sʼen accommoder.
Sauvage et sociable tout à la fois, lʼindividu solitaire ne se
croit pas obligé dʼaller à des repas de famille, de participer à
des fêtes dont les convives lʼennuient.

Et de cela il ne se sent nullement culpabilisé parce quʼil est


en accord avec ce quʼil fait. Se tenir en solitude, cʼest chérir
une situation propice à lʼinattendu, à lʼincroyable dont les
tableaux de Van Eyck et de Brueghel esquissent
lʼapparition.

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Cʼest se vouloir disponible, absolument ; et non disponible


pour quelque chose, en attente de quelquʼun.

Se tenir dans la fraîcheur du commencement. Cʼest donc un


état émerveillé.

~ Jacqueline Kelen Lʼesprit de solitude Ph. Jared Lank

2 ème extrait :

Les épousailles avec soi, dans le secret dʼune solitude


fertile, permettent une alliance avec lʼautre qui ne portera
pas atteinte à lʼintégrité de chacun.

Mais tant que lʼindividu cherche à lʼextérieur celui qui le


complètera, qui répondra à ses manques, il ne pourra que
nouer des relation intéressés ou précaires, il fera un mariage
bancal. Lorsquʼil sʼest mis au monde, lorsquʼil se sait entier,
il envisage avec les autres des liens sous le signe de la
liberté et de la gratuité.

On ne veut posséder lʼautre que si soi-même on se sent


incomplet. Dʼune façon féroce, René Daumal a analysé la
situation dans La Grande Beuverie, par lʼintermédiaire de
« la grande voix derrière les fagots ».

Voici ce quʼelle dit, la voix: « Quand il est seul, le microbe


(jʼallais dire « lʼhomme ») réclame une âme sœur, comme il
pleurniche, pour lui tenir compagnie. Si lʼâme sœur arrive,
ils ne peuvent plus supporter dʼêtre deux, et chacun
commence à se frénétiser pour devenir un avec lʼobjet de
ses tiraillements intestins.

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Nʼa pas de bon sens: un, veut être deux; deux, veut être
un. »

Le geste naturel au sentiment amoureux est de toucher, de


prendre, bientôt dʼaccaparer. Beaucoup sʼimaginent que
lʼamour va mettre fin à leur solitude alors que cʼest la
solitude qui permet lʼéclosion et la durée de lʼamour.

Les uns vivent en couple dés quʼils quittent leurs parents,


les autres se précipitent dans les aventures toujours
décevantes, dʼautres sortent sans arrêt pour rencontrer
quelquʼun, en fait pour ne pas se retrouver seuls: tous, à
leur manière, croient briser ou conjurer leurs solitudes, mais
ce besoin des autres, ce besoin dʼêtre à deux va aggraver
plus encore leur sentiment dʼisolement.

Bien sur, tout lʼenvironnement social, les joyeuses familles


et les couples satisfaits sont là pour asséner à lʼindividu
quʼêtre seul cʼest vivre mal, cʼest vivre à moitié. Peu
rétorquent quʼà vivre toujours ensemble on devient lʼombre
de soi-même et que dʼun autre point de vue « deux est la
moitié dʼun ».

~ Jacqueline Kelen Lʼesprit de solitude Ph. Jared Lank

Biographie :

Jacqueline Kelen est un écrivain français, diplômée de


lettres classiques et productrice à France Culture.

Elle sʼest consacrée aux grands mythes de lʼhumanité


comme en témoignent ses ouvrages, parmi lesquels Marie-
Madeleine, un amour infini, LʼÉternel masculin, Les Femmes
éternelles et Les Femmes et la Bible.

Elle aborde aussi des sujets autres comme celui de


lʼanorexie et de manière originale (son livre « La faim de
lʼâme »).

En 2002, elle a reçu le prix ALEF des libraires pour son


essai LʼEsprit de solitude, dans lequel elle célèbre « la voie
solitaire, seule voie salutaire ».

Jacqueline Kelen / Image crédit : depositphotos.com/

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