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présenté par Etienne

Godinot
Israël Knohl est directeur du département biblique à
lʼUniversité hébraïque de Jérusalem. A lʼencontre des
assertions de la recherche néo-testamentaire qui dénient la
réalité historique de lʼaffirmation par Jésus de sa messianité
(Bultmann par exemple), il affirme que Jésus sʼest
réellement perçu comme le Messie et quʼil sʼattendait
vraiment à être rejeté, tué et à ressusciter après trois jours,
parce que cʼétait précisément ce que lʼon croyait être arrivé
à un leader messianique ayant vécu une génération avant
lui, Menahem lʼEssénien, encore appelé le Messie de
Qumran. Tout en étant au fond de lui profondément hostile
aux Romains, Menahem était lʼami du roi Hérode qui
gouvernait par la grâce des Romains, et occupait des
fonctions judiciaires. Il menait en fait une double vie.

Dans certains des hymnes trouvés en 1947 parmi les


manuscrits de la Mer Morte et publiés récemment,
Menahem se décrit lui-même comme siégeant sur un trône
céleste entouré dʼanges. Il se voyait lui-même comme le
“ serviteur souffrant ” dʼIsaïe 53 qui fait advenir une
nouvelle ère, lʼâge de la rédemption et du pardon dans
lequel le péché et la culpabilité nʼont plus de place. Ces
idées audacieuses conduisirent à son rejet et à son
excommunication par les sages pharisiens emmenés par
Hillel.

Menahem lʼEssénien fut, en fin de compte, tué à Jérusalem


par les Romains en lʼan 4 avant J.-C. cʼest à dire deux ans
après la naissance de Jésus. Son corps fut laissé dans la
rue pendant trois jours, afin que tous le voient, avant dʼêtre
enterré. Ses disciples crurent quʼil était ressuscité après
trois jours et était monté au ciel dans une nuée.
Lʼhumiliation, le rejet et le meurtre du Messie provoquèrent
une remise en cause de la foi chez ses adeptes. Afin de
trouver une solution à cette crise, ils repérèrent les
passages de la Bible qui pouvaient être entendus comme
des prophéties de lʼhumiliation et de la mort de Menahem.
Ainsi, pour la première fois dans lʼhistoire du judaïsme, la
conception dʼun messianisme “ catastrophique ” vit le jour,
qui considérait lʼhumiliation, le rejet et la mort du Messie
comme inséparable du processus de rédemption.
Menahem constitue selon Knohl le chaînon manquant qui
nous permet de comprendre comment le christianisme est
issu du judaïsme.

Knohl démontre aussi que lʼévangile de Jean conserve une


tradition, le concept mystérieux de Paraclet, qui reflète un
lien de continuité entre Menahem et Jésus. Le mot paraclet
était employé dans dʼanciennes traductions de la Bible pour
rendre le terme hébreu Menahem (le consolateur). De
même que tous les empereurs qui ont succédé à César ont
été appelés César, de même le nom de Menahem, le
premier des messies juifs, en est venu à représenter le
Messie en tant que tel. Quand Jésus affirmait que le Père
enverrait “ un autre Paraclet ”, il révélait quʼil était lui-même
un Paraclet, et quʼil sʼinscrivait dans la tradition de
Menahem lʼEssénien -Le Paraclet. Jésus est lʼhéritier et le
successeur du Messie de Qumran et sʼinscrit dans une
chaîne de rédempteurs.

Etienne Godinot

[1] Israël Knohl - L’autre Messie – Ed. Albin Michel, 2001

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